A peine libéré, le nain prit le sac caché entre les racines de l'arbre et ronchonna:
- Qu'elles sont stupides! Avoir coupé ma si belle barbe!
Il jeta le sac sur ses épaules et s'en alla sans un mot de remerciement.
A quelque temps de là, les deux fillettes voulurent pêcher des poissons. Elles allaient s'installer près du ruisseau, quand, sur la rive, elles aperçurent, qui sautait dans tous les sens, une sorte de grosse sauterelle. En s'approchant, elles reconnurent le nain. Rose-Rouge, étonnée le questionna:
- Veux-tu sauter dans le ruisseau?
- Sotte, je ne suis pas si bête. Mais voyez ce poisson de malheur ...
Le nain en pêchant avait pris sa barbe dans la ligne; un poisson énorme pris l'hameçon allait entraîner la faible créature qui n'avait pas la force suffisante pour se tirer d'affaire. Il se cramponnait à toutes le tiges, à tous les brins d'osier, mais il ne pouvait plus lutter. Barbe et fil étaient si entremêlés que la seule solution était de couper un peu plus la belle barbe blanche. Libéré, le nain s'écria:
- Mes pauvres filles, vous êtes toujours aussi sottes et laides; me voilà dans un bel état!
Puis, ramassant un sac de perles fines dissimulé dans les roseaux, il disparut derrière une pierre.
Quelques jours passèrent. La maman eut besoin de fil, d'aiguilles, de dentelles et de rubans; elle envoya ses filles à la ville, chez la mercière. Le chemin qu'elles devaient prendre passait par une clairière semée de rochers. Comme elles l'atteignaient, les fillettes virent dans le ciel un grand oiseau qui tournoyait lentement, dans un long vol plané. Soudain, il s'abattit sur le sol. Elles entendirent un cri de douleur.