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{{Autres projets|wiktionary = égalitarisme}}


L''''égalitarisme''' est une [[doctrine]] [[politique]] prônant l'[[Égalité sociale|égalité]] des [[citoyen]]s en matière [[politique]], [[économie (activité humaine)|économique]] voire [[social]]e selon les contextes. Dans un sens plus général, l'égalitarisme désigne une [[école de pensée]] qui donne la priorité à l'égalité de tous<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Definition of egalitarian {{!}} Dictionary.com |url=https://www.dictionary.com/browse/egalitarian |site=www.dictionary.com |consulté le=2022-04-24}}</ref>.
L''''égalitarisme''' est une [[doctrine politique]] prônant l'[[Égalité sociale|égalité]] des [[citoyen]]s en matière [[politique]], [[économie (activité humaine)|économique]], voire [[Égalité sociale|sociale]] selon les contextes. Dans un sens plus général, l'égalitarisme désigne une [[école de pensée]] qui donne la priorité à l'égalité de tous<ref>{{Lien web |langue=en |titre=Definition of egalitarian {{!}} Dictionary.com |url=https://www.dictionary.com/browse/egalitarian |site=www.dictionary.com |consulté le=2022-04-24}}</ref>.


== Définitions ==
== Définitions ==
Selon la ''[[Stanford Encyclopedia of Philosophy]]'', les doctrines égalitaires soutiennent que tous les êtres humains, peu importe leur genre, âge ou orientation sexuelle, sont égaux en valeur fondamentale et en statut social<ref name="stanford2002">Arneson Richard, "Egalitarianism", ''The Stanford Encyclopedia of Philosophy'' (2002.) Web: http://plato.stanford.edu/entries/egalitarianism</ref>.
Selon la ''[[Stanford Encyclopedia of Philosophy]]'', les doctrines égalitaires soutiennent que tous les êtres humains, peu importe leur genre, âge ou orientation sexuelle, sont égaux en valeur fondamentale et en statut social<ref name="stanford2002">Arneson Richard, "Egalitarianism", ''The Stanford Encyclopedia of Philosophy'' (2002.) Web: http://plato.stanford.edu/entries/egalitarianism</ref>.


Selon le dictionnaire [[Merriam-Webster]], l'égalitarisme s'applique à deux concepts de [[Égalité|l'égalité]]. Dans sa conception politique, l'égalitarisme prône un traitement égal entre [[Individualisme|individus]] vis-à-vis de la loi. Ces derniers doivent posséder les mêmes droits politiques, économiques, sociaux et civils<ref>{{lien web|url=http://www.thefreedictionary.com/egalitarianism|titre=egalitarianism|auteur=The American Heritage Dictionary|année=2003}}</ref>. Dans sa conception idéologique, l'égalitarisme sera l'élimination totale des [[inégalité économique|inégalités économiques]] entre les individus.
Selon le dictionnaire [[Merriam-Webster]], l'égalitarisme s'applique à deux concepts de l'[[égalité]]. Dans sa conception politique, l'égalitarisme prône un traitement égal entre [[Individualisme|individus]] vis-à-vis de la loi. Ces derniers doivent posséder les mêmes droits politiques, économiques, sociaux et civils<ref>{{lien web|url=http://www.thefreedictionary.com/egalitarianism|titre=egalitarianism|auteur=The American Heritage Dictionary|année=2003}}</ref>. Dans sa conception idéologique, l'égalitarisme sera l'élimination totale des [[inégalité économique|inégalités économiques]] entre les individus.


Des auteurs comme Frances Dahlberg<ref name="Dahlberg">{{Ouvrage|auteur1=Dahlberg, Frances.|titre=Woman the Gatherer|lieu=Londres|éditeur=Yale university press|année=1975|isbn=0-300-02989-6|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=eTPULzP1MZAC&pg=PA120&dq=Gathering+and+Hominid+Adaptation}}</ref>, John Gowdy<ref name="gawdy">{{Ouvrage|auteur1=John Gowdy|titre=Limited Wants, Unlimited Means : A reader on Hunter-Gatherer Economics and the Environment|lieu=St Louis|éditeur=Island Press|année=1998|pages totales=342|passage=342|isbn=1-55963-555-X|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=PA-8BwAAQBAJ&printsec=frontcover}}</ref> ou David Erdal et Andrew Whiten<ref>Erdal, D. & Whiten, A. (1996) "Egalitarianism and Machiavellian Intelligence in Human Evolution" in Mellars, P. & Gibson, K. (eds) Modeling the Early Human Mind. Cambridge MacDonald Monograph Series</ref> définissent l'égalitarisme comme l'idée selon laquelle l'égalité reflète l'état naturel de l'humanité.
Des auteurs comme Frances Dahlberg<ref name="Dahlberg">{{Ouvrage|auteur1=Dahlberg, Frances.|titre=Woman the Gatherer|lieu=Londres|éditeur=Yale university press|année=1975|isbn=0-300-02989-6|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=eTPULzP1MZAC&pg=PA120&dq=Gathering+and+Hominid+Adaptation}}</ref>, John Gowdy<ref name="gawdy">{{Ouvrage|auteur1=John Gowdy|titre=Limited Wants, Unlimited Means : A reader on Hunter-Gatherer Economics and the Environment|lieu=St Louis|éditeur=Island Press|année=1998|pages totales=342|passage=342|isbn=1-55963-555-X|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=PA-8BwAAQBAJ&printsec=frontcover}}</ref> ou David Erdal et Andrew Whiten<ref>Erdal, D. & Whiten, A. (1996) "Egalitarianism and Machiavellian Intelligence in Human Evolution" in Mellars, P. & Gibson, K. (eds) Modeling the Early Human Mind. Cambridge MacDonald Monograph Series</ref> définissent l'égalitarisme comme l'idée selon laquelle l'égalité reflète l'état naturel de l'humanité.
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== Polémique ==
== Polémique ==
=== Arguments favorables ===
=== Arguments favorables ===
L'[[Égalité devant la loi|égalité en droit]] est le fait de considérer que chaque [[Homo sapiens|être humain]] doit être traité de la même façon par la loi, qu'importe sa [[religion]], son [[sexe]], son [[orientation sexuelle]]… L'égalitarisme est le fait de reconnaître les différences qui existent chez l'autre sans faire de [[discrimination]]. Ainsi, chaque être humain doit avoir les mêmes [[droit]]s et devoirs au sein de la [[Société (sciences sociales)|société]]. Selon cette perspective, les distinctions ne doivent être fondées que sur l'utilité sociale comme le définit la [[Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789]] :<blockquote>« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Assemblée nationale constituante, France|titre=Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789|passage=1-8|lieu=Paris|éditeur=Assemblée nationale|date=1789|lire en ligne=https://fr.wikisource.org/wiki/D%C3%A9claration_des_Droits_de_l%E2%80%99Homme_et_du_Citoyen_de_1789#|consulté le=29 mars 2023}}</ref></blockquote>Tandis que [[Karl Popper]] dans ''[[La société ouverte et ses ennemis]] ''met en avant l'[[impartialité]]'':''<blockquote>''{{citation|l’égalitarisme veut que tous les citoyens soient traités impartialement, sans qu’il soit tenu compte de leur naissance, de leurs relations ou de leur fortune. En d'autres termes, il ne reconnaît aucun privilège naturel…}}''<ref>[[Karl Popper]], ''[[La société ouverte et ses ennemis]]'' tome un (page 86 de l'édition?)</ref></blockquote>L'égalitarisme, doctrine proche de celle du [[libéralisme]]{{Source insuffisante}}, considère, dans ce contexte, que les humains sont de nature égale et les traite ainsi tous également.
L'[[Égalité devant la loi|égalité en droit]] est le fait de considérer que chaque [[Homo sapiens|être humain]] doit être traité de la même façon par la loi, qu'importe sa [[religion]], son [[sexe]], son [[orientation sexuelle]]… L'égalitarisme est le fait de reconnaître les différences qui existent chez l'autre sans faire de [[discrimination]]. Ainsi, chaque être humain doit avoir les mêmes [[droit]]s et devoirs au sein de la [[Société (sciences sociales)|société]]. Selon cette perspective, les distinctions ne doivent être fondées que sur l'utilité sociale comme le définit la [[Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789]] :<blockquote>« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Assemblée nationale constituante, France|titre=Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789|passage=1-8|lieu=Paris|éditeur=Assemblée nationale|date=1789|lire en ligne=https://fr.wikisource.org/wiki/D%C3%A9claration_des_Droits_de_l%E2%80%99Homme_et_du_Citoyen_de_1789#|consulté le=29 mars 2023}}</ref></blockquote>Tandis que [[Karl Popper]] dans ''[[La société ouverte et ses ennemis]] ''met en avant l'[[impartialité]] :<blockquote>{{citation|L’égalitarisme veut que tous les citoyens soient traités impartialement, sans qu’il soit tenu compte de leur naissance, de leurs relations ou de leur fortune. En d'autres termes, il ne reconnaît aucun privilège naturel…}}<ref>[[Karl Popper]], ''[[La société ouverte et ses ennemis]]'' tome un (page 86 de l'édition?)</ref></blockquote>L'égalitarisme, doctrine proche de celle du [[libéralisme]]{{Source insuffisante}}<!-- L'égalitarisme libéral existe mais c'est une notion économique -->, considère, dans ce contexte, que les humains sont de nature égale et les traite ainsi tous également.


=== Arguments défavorables ===
=== Arguments défavorables ===
Pour ses détracteurs, l'égalitarisme est philosophiquement le refus de l'[[altérité]], donc la recherche de l'''Un'', soit de l'Unité, niant la complexité et les contradictions inhérentes à la vie. Pour eux, l'égalitarisme, qu'il soit [[Libéralisme|libéral]] ou [[Socialisme|socialiste]], est une atteinte à la [[liberté]], empêchant alors l'humain de s'élever et le dissolvant au sein d'une masse<ref>{{Lien web |titre=Nietzsche : Mon idée de la liberté|url=https://www.gaucheliberale.org/post/2008/03/08/Nietzsche-:-Mon-idee-de-la-liberte |site=gaucheliberale.org |consulté le=}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=Max Stirner:A. Ma puissance|url=https://www.librairal.org/wiki/Max_Stirner:A._Ma_puissance |site=librairal.org |consulté le=}}</ref>.
Pour ses détracteurs, l'égalitarisme est philosophiquement le refus de l'[[altérité]], donc la recherche de l'''Un'', soit de l'Unité, niant la complexité et les contradictions inhérentes à la vie. Pour eux, l'égalitarisme, qu'il soit [[Libéralisme|libéral]] ou [[Socialisme|socialiste]], est une atteinte à la [[liberté]], empêchant alors l'humain de s'élever et le dissolvant au sein d'une masse<ref>{{Lien web |titre=Nietzsche : Mon idée de la liberté|url=https://www.gaucheliberale.org/post/2008/03/08/Nietzsche-:-Mon-idee-de-la-liberte |site=gaucheliberale.org }}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |titre=Max Stirner:A. Ma puissance|url=https://www.librairal.org/wiki/Max_Stirner:A._Ma_puissance |site=librairal.org }}</ref>.


Ils voient dans l'égalitarisme une source de nivellement par le plus petit facteur commun, qu'ils qualifient de ''[[médiocratie]]''. Les régimes [[Élitisme|élitistes]] combattent l'égalitarisme. Ainsi, à revers du principe [[Libéralisme|libéral]] de [[Isonomie|l'égalité des droits]], les opposants de l'égalitarisme estiment que la [[liberté]] et [[Égalité|l'égalité]] sont des concepts [[Antinomie|antinomiques]].
Ils voient dans l'égalitarisme une source de nivellement par le plus petit facteur commun, qu'ils qualifient de « [[médiocratie]] ». Les régimes [[Élitisme|élitistes]] combattent l'égalitarisme. Ainsi, à revers du principe [[Libéralisme|libéral]] de l'[[Isonomie|égalité des droits]], les opposants de l'égalitarisme estiment que la [[liberté]] et l'[[égalité]] sont des concepts [[Antinomie|antinomiques]].


Les [[totalitarisme]]s du {{XXe siècle}} se sont violemment opposés à « l'égalitarisme » : [[Adolf Hitler|Hitler]] a dénoncé l'égalitarisme{{Référence insuffisante}}<ref>{{Lien web |titre=L'idéologie de Hitler |url=http://www.encyclopedie.bseditions.fr/article.php?pArticleId=146&pChapitreId=15471&pSousChapitreId=15473 |site=encyclopedie.bseditions.fr |consulté le=2021-08-21}}</ref>, ce qui s'est observé par la discrimination des individus selon une hiérarchie structurée, positionnant les [[Aryens (nazisme)|aryens]] comme la « race » supérieure. De son côté, [[Joseph Staline|Staline]] a dénoncé « le nivellement " [[Gauchisme|gauchiste]] " dans le domaine des salaires » (1931)<ref>[http://marx.org/francais/broue/works/1963/00/broue_pbolch_12.htm Extrait de "Le Parti bolchévique - histoire du PC de l'URSS"], par Pierre Broué, [[Les Éditions de Minuit|éd. de Minuit]], 1963.</ref>{{refins}}.
Les [[totalitarisme]]s du {{XXe siècle}} se sont violemment opposés à l'« égalitarisme » : [[Adolf Hitler|Hitler]] a dénoncé l'égalitarisme{{Référence insuffisante}}<ref>{{Lien web |titre=L'idéologie de Hitler |url=http://www.encyclopedie.bseditions.fr/article.php?pArticleId=146&pChapitreId=15471&pSousChapitreId=15473 |site=encyclopedie.bseditions.fr |consulté le=2021-08-21}}</ref>, ce qui s'est observé par la discrimination des individus selon une hiérarchie structurée, positionnant les [[Aryens (nazisme)|aryens]] comme la « race » supérieure. De son côté, [[Joseph Staline|Staline]] a dénoncé « le nivellement "[[Gauchisme|gauchiste]]" dans le domaine des salaires » (1931)<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Staline : Nouvelle situations, nouvelles tâches de l’édification économique |url=https://materialisme-dialectique.com/staline-nouvelle-situations-nouvelles-taches-de-ledification-economique/ |consulté le=2023-08-13}}</ref>{{refins}}.


=== Égalitarisme distributif et égalitarisme relationnel ===
=== Égalitarisme distributif et égalitarisme relationnel ===
L’égalitarisme peut désigner un ensemble de mouvements sociaux, politiques et philosophiques avançant l’idée que certains aspects de la société devraient être égalisés, ou qu’un ou des aspects d’une société favorisant ou désavantageant certaines communautés devraient être remplacés ou compensés de sorte que les inégalités en résultant soient réduites ou anéanties. Ces mouvements justifient habituellement leurs visées par un argumentaire devant démontrer que les mesures égalisatrices désirées sont nécessaires à la justice ou à la "vie bonne".
L’égalitarisme peut désigner un ensemble de mouvements sociaux, politiques et philosophiques avançant l’idée que certains aspects de la société devraient être égalisés, ou qu’un ou des aspects d’une société favorisant ou désavantageant certaines communautés devraient être remplacés ou compensés de sorte que les inégalités en résultant soient réduites ou anéanties. Ces mouvements justifient habituellement leurs visées par un argumentaire devant démontrer que les mesures égalisatrices désirées sont nécessaires à la justice ou à la « vie bonne ».


Dans le discours académique nord-américain actuel sur l’égalitarisme, celui-ci tend à être divisé en deux courants majeurs : l’égalitarisme distributif et l’égalitarisme relationnel ou social<ref>{{Article|prénom1=David|nom1=Miller|titre=Equality and Justice|périodique=Ratio|volume=10|numéro=3|date=1997-12|issn=0034-0006|issn2=1467-9329|doi=10.1111/1467-9329.00042|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1111/1467-9329.00042|consulté le=2023-04-21|pages=222–237}}</ref>. Bien que la frontière entre les deux soit poreuse et que certains sous-courants ne se rangent pas bien sous ces catégories<ref>{{Chapitre|prénom1=Patrick|nom1=Tomlin|titre chapitre=What is the point of egalitarian social relationships?|titre ouvrage=Distributive Justice and Access to Advantage|éditeur=Cambridge University Press|date=2014-01-01|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1017/cbo9781139940924.010|consulté le=2023-04-21|passage=151–179}}</ref>, l’égalitarisme distributif tend à viser l’égale répartition de certaines ressources (pouvant tout aussi bien désigner des ressources matérielles que relationnelles comme le pouvoir ou le statut) par leur distribution directe ou par la répartition appropriée des ressources matérielles permettant la production des ressources à égaliser, habituellement par le biais d’institutions étatiques<ref>{{Chapitre|prénom1=Samuel|nom1=Scheffler|titre chapitre=The Practice of Equality|titre ouvrage=Social Equality|éditeur=Oxford University Press|date=2015-01-06|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1093/acprof:oso/9780199331109.003.0002|consulté le=2023-04-21|passage=20–44}}</ref>; l’égalitarisme relationnel, quant à lui, vise le plus souvent l’abolition des hiérarchies et relations sociales identifiées comme à la fois inégales et injustes, possiblement par le biais de mouvements et pratiques populaires, ou encore par l’usage d’institutions. Les modes d'implémentations de cet égalitarisme tendent cependant à demeurer particulièrement vagues et abstraits dans la littérature philosophique<ref>{{Chapitre|prénom1=Patrick|nom1=Tomlin|titre chapitre=What is the point of egalitarian social relationships?|titre ouvrage=Distributive Justice and Access to Advantage|éditeur=Cambridge University Press|date=2014-01-01|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1017/cbo9781139940924.010|consulté le=2023-04-21|passage=151–179}}</ref><ref>{{Chapitre|prénom1=Samuel|nom1=Scheffler|titre chapitre=The Practice of Equality|titre ouvrage=Social Equality|éditeur=Oxford University Press|date=2015-01-06|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1093/acprof:oso/9780199331109.003.0002|consulté le=2023-04-21|passage=20–44}}</ref>.
Dans le discours académique nord-américain actuel sur l’égalitarisme, celui-ci tend à être divisé en deux courants majeurs : l’égalitarisme distributif et l’égalitarisme relationnel ou social<ref>{{Article|prénom1=David|nom1=Miller|titre=Equality and Justice|périodique=Ratio|volume=10|numéro=3|date=1997-12|issn=0034-0006|issn2=1467-9329|doi=10.1111/1467-9329.00042|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1111/1467-9329.00042|consulté le=2023-04-21|pages=222–237}}</ref>{{,}}<ref>{{Chapitre|prénom1=S. Anderson|nom1=Elizabeth|titre chapitre=What Is the Point of Equality? *|titre ouvrage=Theories of Justice|éditeur=Routledge|date=2017-05-15|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.4324/9781315236322-9|consulté le=2023-04-21|passage=133–183}}</ref>. Bien que la frontière entre les deux soit poreuse et que certains sous-courants ne se rangent pas bien sous ces catégories<ref name="What is the point of egalitarian social relationships?">{{Chapitre|prénom1=Patrick|nom1=Tomlin|titre chapitre=What is the point of egalitarian social relationships?|titre ouvrage=Distributive Justice and Access to Advantage|éditeur=Cambridge University Press|date=2014-01-01|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1017/cbo9781139940924.010|consulté le=2023-04-21|passage=151–179}}</ref>, l’égalitarisme distributif tend à viser l’égale répartition de certaines ressources (pouvant tout aussi bien désigner des ressources matérielles que relationnelles comme le pouvoir ou le statut) par leur distribution directe ou par la répartition appropriée des ressources matérielles permettant la production des ressources à égaliser, habituellement par le biais d’institutions étatiques<ref name="The Practice of Equality">{{Chapitre|prénom1=Samuel|nom1=Scheffler|titre chapitre=The Practice of Equality|titre ouvrage=Social Equality|éditeur=Oxford University Press|date=2015-01-06|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1093/acprof:oso/9780199331109.003.0002|consulté le=2023-04-21|passage=20–44}}</ref>. L’égalitarisme relationnel, quant à lui, vise le plus souvent l’abolition des hiérarchies et relations sociales identifiées comme à la fois inégales et injustes. Les modes d'implémentation de cet égalitarisme tendent cependant à demeurer particulièrement vagues et abstraits dans la littérature philosophique<ref name="What is the point of egalitarian social relationships?" />{{,}}<ref name="The Practice of Equality" />.


==== Égalitarisme distributif ====
==== Égalitarisme distributif ====
L’égalitarisme distributif regroupe un ensemble de théories qui ont en commun de considérer que les distributions égales sont importantes du point de vue de la justice. Il existe plusieurs principes au sein de l'égalitarisme distributif : l’égalité des ressources, l’égalité de bien-être, l’égalité d’opportunité de bien-être. Une autre sorte d’égalitarisme distributif qui est très nuancée est celle de G.A. Cohen. Il l’appelle l’égalité d’accès aux avantages. La notion d’accès renvoie à l’idée que même si les opportunités sont les mêmes, cela ne veut pas nécessairement dire qu’elles sont utilisées adéquatement par chaque personne. L’avantage est une notion plus large que le bien-être : ce qui m’avantage m’apporte du bien-être, mais le contraire n’est pas toujours vrai<ref>{{Article|prénom1=G. A.|nom1=Cohen|titre=On the Currency of Egalitarian Justice|périodique=Ethics|volume=99|numéro=4|date=1989-07|issn=0014-1704|issn2=1539-297X|doi=10.1086/293126|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1086/293126|consulté le=2023-04-21|pages=906–944}}</ref>.
L’égalitarisme distributif regroupe un ensemble de théories qui ont en commun de considérer que les distributions égales de biens, de ressources ou d'opportunités sont importantes du point de vue de la justice. Il existe plusieurs principes au sein de l'égalitarisme distributif : l’égalité des ressources, l’égalité de bien-être et l’égalité d’opportunité de bien-être. Une autre sorte d’égalitarisme distributif qui est très nuancée est celle de G.A. Cohen. Il l’appelle l’« égalité d’accès aux avantages ». La notion d’accès renvoie à l’idée que même si les opportunités sont identiques, cela ne veut pas nécessairement dire qu’elles sont utilisées adéquatement par chaque personne. L’avantage est une notion plus large que le bien-être : ce qui m’avantage m’apporte du bien-être, mais le contraire n’est pas toujours vrai<ref>{{Article|prénom1=G. A.|nom1=Cohen|titre=On the Currency of Egalitarian Justice|périodique=Ethics|volume=99|numéro=4|date=1989-07|issn=0014-1704|issn2=1539-297X|doi=10.1086/293126|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1086/293126|consulté le=2023-04-21|pages=906–944}}</ref>.


D'après Christian Schemmel, les égalitaristes distributifs voient l'égalité comme une valeur intrinsèquement distributive. En revanche, l'approche relationnelle voit l'égalité comme un large idéal pratique qui régit la structure des relations sociales, un idéal qui s'appuie lui-même sur une variété d'autres valeurs et qui a des implications pour les questions de distribution.
D'après Christian Schemmel, les égalitaristes distributifs voient l'égalité comme une valeur intrinsèquement distributive. En revanche, l'approche relationnelle voit l'égalité comme un large idéal pratique qui régit la structure des relations sociales, un idéal qui s'appuie lui-même sur une variété d'autres valeurs et qui a des implications pour les questions de distribution{{Référence nécessaire|date=25 avril 2023}}.


==== Égalitarisme relationnel ====
==== Égalitarisme relationnel ====
L’égalitarisme relationnel regroupe un ensemble de théories qui ont en commun de considérer que ce qui importe du point de vue de la justice ce sont les relations sociales à caractère égalitaire. L’égalitarisme relationnel émerge notamment en réaction à la prédominance de l’approche distributive dans la discussion sur l’égalité dans les débats de philosophie politique des dernières décennies. Plutôt que de réfléchir en termes de distribution de biens, l’approche relationnelle conçoit l’égalité comme un idéal qui gouverne (ou devrait gouverner) la relation entre les gens et les parties de la société. On parle alors d’une « société d’égaux » au sein de laquelle les pratiques et les relations entretenues par les membres de la société favorisent l’égalité.
L’égalitarisme relationnel regroupe un ensemble de théories qui ont en commun de considérer que ce qui importe du point de vue de la justice, ce sont les relations sociales à caractère égalitaire. L’égalitarisme relationnel émerge notamment en réaction à la prédominance de l’approche distributive dans la discussion sur l’égalité dans les débats de philosophie politique des dernières décennies. Plutôt que de réfléchir en termes de distribution de biens, l’approche relationnelle conçoit l’égalité comme un idéal qui gouverne (ou devrait gouverner) la relation entre les gens. On parle alors d’une « société d’égaux » au sein de laquelle les pratiques et les relations entretenues par les membres de la société favorisent l’égalité. Christian Schemmel a observé que l'égalitarisme distributif ne peut pas rendre compte des « attitudes expressives » des institutions sociales et politiques dans leur traitement des individus<ref>{{Article|prénom1=Christian|nom1=Schemmel|titre=Distributive and relational equality|périodique=Politics, Philosophy &amp; Economics|volume=11|numéro=2|date=2011-09-15|issn=1470-594X|issn2=1741-3060|doi=10.1177/1470594x11416774|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1177/1470594x11416774|consulté le=2023-04-21|pages=123–148}}</ref>.


Christian Schemmel a observé que l'égalitarisme distributif ne peut pas rendre compte des "attitudes expressives" des institutions sociales et politiques dans leur traitement des individus, un aspect négligé par les approches distributives<ref>{{Article|prénom1=Christian|nom1=Schemmel|titre=Distributive and relational equality|périodique=Politics, Philosophy &amp; Economics|volume=11|numéro=2|date=2011-09-15|issn=1470-594X|issn2=1741-3060|doi=10.1177/1470594x11416774|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1177/1470594x11416774|consulté le=2023-04-21|pages=123–148}}</ref>.
Dans « Displacing the distributive paradigm », un chapitre du livre ''Justice and the Politics of Difference'', Iris Marion Young reproche au « paradigme distributif » le fait qu’il n’arrive pas à saisir adéquatement les relations sociales. L’égalitarisme distributif, en poussant le concept de distribution au-delà des biens matériels ou des quantités mesurables, commet des erreurs d’évaluation<ref>{{Chapitre|titre chapitre=Displacing the Distributive Paradigm|titre ouvrage=Justice and the Politics of Difference|éditeur=Princeton University Press|date=2011-08-22|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.2307/j.ctvcm4g4q.6|consulté le=2023-04-21|passage=15–38}}</ref>.


Bien qu’elles se conçoivent mutuellement de manière critique, ces deux approches ne sont pas nécessairement opposées. Par exemple, certains avancent que les institutions et les pratiques concernées par l’égalitarisme relationnel comprennent celles qui régissent la distribution des biens au sein de la société. L'idéal d'égalité relationnelle aurait ainsi d'importantes implications distributives<ref name="The Practice of Equality" />.
Dans "Displacing the distributive paradigm", un chapitre du livre ''Justice and the Politics of Difference'', Iris Marion Young reproche au "paradigme distributif" qu’il n’arrive pas à saisir adéquatement les relations sociales. L’égalitarisme distributif, en poussant le concept de distribution au-delà des biens matériels ou des quantités mesurables, commet des erreurs d’évaluation<ref>{{Chapitre|titre chapitre=Displacing the Distributive Paradigm|titre ouvrage=Justice and the Politics of Difference|éditeur=Princeton University Press|date=2011-08-22|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.2307/j.ctvcm4g4q.6|consulté le=2023-04-21|passage=15–38}}</ref>.

Bien qu’elles se conçoivent mutuellement de manière critique, ces deux approches ne sont pas nécessairement opposées. Par exemple, certain.es avancent que les institutions et les pratiques concernées par l’égalitarisme relationnel comprennent celles qui régissent la distribution des biens au sein de la société. L'idéal d'égalité relationnelle aurait ainsi d'importantes implications distributives<ref>{{Chapitre|prénom1=Samuel|nom1=Scheffler|titre chapitre=The Practice of Equality|titre ouvrage=Social Equality|éditeur=Oxford University Press|date=2015-01-06|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.1093/acprof:oso/9780199331109.003.0002|consulté le=2023-04-21|passage=20–44}}</ref>.


===== Le suffisantisme =====
===== Le suffisantisme =====
Le suffisantisme relationnel reprend les principes de la théorie distributive du suffisantisme et les applique au domaine des relations sociales. Selon une théorie du suffisantisme, une société est juste lorsque tous ses participants jouissent de ressources matérielles suffisantes. Le but n'est pas donc l'égalité mais la suffisance.
Le suffisantisme relationnel reprend les principes de la théorie distributive du suffisantisme et les applique au domaine des relations sociales. Selon une théorie du suffisantisme, une société est juste lorsque tous ses participants jouissent de ressources matérielles suffisantes. Le but n'est pas donc l'égalité mais la suffisance.


Le suffisantisme relationnel est une théorie qui allie une conception suffisantiste des relations sociales à la théorie relationnelle telle que véhiculée par l’égalitarisme relationnel<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Justin Tosi|titre="Relational Sufficientarianism and Basic Income."|périodique=The Future of Work, Technology, and Basic Income. Routledge.|date=2019|pages=49-61.}}</ref>. Ainsi, selon une théorie du suffisantisme relationnel, une société est juste lorsque tous ses participants jouissent d’un statut social suffisamment valorisé. Selon une telle théorie, les hiérarchies sociales ne sont pas nécessairement mauvaises, pourvu qu'un seuil suffisant de respect est garanti à tout le monde.
Le suffisantisme relationnel est une théorie qui allie une conception suffisantiste des relations sociales à la théorie relationnelle telle que véhiculée par l’égalitarisme relationnel<ref>{{Article|langue=en|auteur1=Justin Tosi|titre="Relational Sufficientarianism and Basic Income."|périodique=The Future of Work, Technology, and Basic Income. Routledge.|date=2019|pages=49-61.}}</ref>. Ainsi, selon une théorie du suffisantisme relationnel, une société est juste lorsque tous ses participants jouissent d’un statut social suffisamment valorisé. Selon une telle théorie, les hiérarchies sociales ne sont pas nécessairement mauvaises, pourvu qu'un seuil suffisant de respect soit garanti à tout le monde.


Le principe de suffisance prend source dans l’intuition que ce qui motive réellement l’égalité c’est que les personnes les moins nanties puissent voir leur condition s’améliorer, or une telle motivation nécessite qu’ils et elles reçoivent une part suffisante des ressources, mais n’implique en rien que les ressources soient redistribuer de manière égale. De son côté, le caractère relationnel du suffisantisme relationnel implique que nous ne devons pas nous intéresser simplement à la redistribution des ressources comme dans le paradigme distributif, mais plutôt au caractère égalitaire des relations sociales.
Le principe de suffisance prend source dans l’intuition que ce qui motive réellement l’égalité est que les personnes les moins nanties puissent voir leur condition s’améliorer, or une telle motivation nécessite qu’ils et elles reçoivent une part suffisante des ressources, mais n’implique en rien que les ressources soient redistribuées de manière égale. De son côté, le caractère relationnel du suffisantisme relationnel implique que nous ne devons pas nous intéresser simplement à la redistribution des ressources comme dans le paradigme distributif, mais plutôt au caractère égalitaire des relations sociales.


== Notes et références ==
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== Voir aussi ==
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{{Autres projets|wiktionary = égalitarisme}}

=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage| prénom1=Christian| nom1=Arnsperger| prénom2=Philippe| nom2=Van Parijs| titre=Éthique économique et sociale| éditeur=[[La Découverte]]| année=2003| pages totales=122| isbn=978-2-7071-3944-3}}
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Dernière version du 28 novembre 2023 à 17:31

L'égalitarisme est une doctrine politique prônant l'égalité des citoyens en matière politique, économique, voire sociale selon les contextes. Dans un sens plus général, l'égalitarisme désigne une école de pensée qui donne la priorité à l'égalité de tous[1].

Définitions[modifier | modifier le code]

Selon la Stanford Encyclopedia of Philosophy, les doctrines égalitaires soutiennent que tous les êtres humains, peu importe leur genre, âge ou orientation sexuelle, sont égaux en valeur fondamentale et en statut social[2].

Selon le dictionnaire Merriam-Webster, l'égalitarisme s'applique à deux concepts de l'égalité. Dans sa conception politique, l'égalitarisme prône un traitement égal entre individus vis-à-vis de la loi. Ces derniers doivent posséder les mêmes droits politiques, économiques, sociaux et civils[3]. Dans sa conception idéologique, l'égalitarisme sera l'élimination totale des inégalités économiques entre les individus.

Des auteurs comme Frances Dahlberg[4], John Gowdy[5] ou David Erdal et Andrew Whiten[6] définissent l'égalitarisme comme l'idée selon laquelle l'égalité reflète l'état naturel de l'humanité.

Polémique[modifier | modifier le code]

Arguments favorables[modifier | modifier le code]

L'égalité en droit est le fait de considérer que chaque être humain doit être traité de la même façon par la loi, qu'importe sa religion, son sexe, son orientation sexuelle… L'égalitarisme est le fait de reconnaître les différences qui existent chez l'autre sans faire de discrimination. Ainsi, chaque être humain doit avoir les mêmes droits et devoirs au sein de la société. Selon cette perspective, les distinctions ne doivent être fondées que sur l'utilité sociale comme le définit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 :

« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »[7]

Tandis que Karl Popper dans La société ouverte et ses ennemis met en avant l'impartialité :

« L’égalitarisme veut que tous les citoyens soient traités impartialement, sans qu’il soit tenu compte de leur naissance, de leurs relations ou de leur fortune. En d'autres termes, il ne reconnaît aucun privilège naturel… »[8]

L'égalitarisme, doctrine proche de celle du libéralisme[source insuffisante], considère, dans ce contexte, que les humains sont de nature égale et les traite ainsi tous également.

Arguments défavorables[modifier | modifier le code]

Pour ses détracteurs, l'égalitarisme est philosophiquement le refus de l'altérité, donc la recherche de l'Un, soit de l'Unité, niant la complexité et les contradictions inhérentes à la vie. Pour eux, l'égalitarisme, qu'il soit libéral ou socialiste, est une atteinte à la liberté, empêchant alors l'humain de s'élever et le dissolvant au sein d'une masse[9],[10].

Ils voient dans l'égalitarisme une source de nivellement par le plus petit facteur commun, qu'ils qualifient de « médiocratie ». Les régimes élitistes combattent l'égalitarisme. Ainsi, à revers du principe libéral de l'égalité des droits, les opposants de l'égalitarisme estiment que la liberté et l'égalité sont des concepts antinomiques.

Les totalitarismes du XXe siècle se sont violemment opposés à l'« égalitarisme » : Hitler a dénoncé l'égalitarisme[source insuffisante][11], ce qui s'est observé par la discrimination des individus selon une hiérarchie structurée, positionnant les aryens comme la « race » supérieure. De son côté, Staline a dénoncé « le nivellement "gauchiste" dans le domaine des salaires » (1931)[12][source insuffisante].

Égalitarisme distributif et égalitarisme relationnel[modifier | modifier le code]

L’égalitarisme peut désigner un ensemble de mouvements sociaux, politiques et philosophiques avançant l’idée que certains aspects de la société devraient être égalisés, ou qu’un ou des aspects d’une société favorisant ou désavantageant certaines communautés devraient être remplacés ou compensés de sorte que les inégalités en résultant soient réduites ou anéanties. Ces mouvements justifient habituellement leurs visées par un argumentaire devant démontrer que les mesures égalisatrices désirées sont nécessaires à la justice ou à la « vie bonne ».

Dans le discours académique nord-américain actuel sur l’égalitarisme, celui-ci tend à être divisé en deux courants majeurs : l’égalitarisme distributif et l’égalitarisme relationnel ou social[13],[14]. Bien que la frontière entre les deux soit poreuse et que certains sous-courants ne se rangent pas bien sous ces catégories[15], l’égalitarisme distributif tend à viser l’égale répartition de certaines ressources (pouvant tout aussi bien désigner des ressources matérielles que relationnelles comme le pouvoir ou le statut) par leur distribution directe ou par la répartition appropriée des ressources matérielles permettant la production des ressources à égaliser, habituellement par le biais d’institutions étatiques[16]. L’égalitarisme relationnel, quant à lui, vise le plus souvent l’abolition des hiérarchies et relations sociales identifiées comme à la fois inégales et injustes. Les modes d'implémentation de cet égalitarisme tendent cependant à demeurer particulièrement vagues et abstraits dans la littérature philosophique[15],[16].

Égalitarisme distributif[modifier | modifier le code]

L’égalitarisme distributif regroupe un ensemble de théories qui ont en commun de considérer que les distributions égales de biens, de ressources ou d'opportunités sont importantes du point de vue de la justice. Il existe plusieurs principes au sein de l'égalitarisme distributif : l’égalité des ressources, l’égalité de bien-être et l’égalité d’opportunité de bien-être. Une autre sorte d’égalitarisme distributif qui est très nuancée est celle de G.A. Cohen. Il l’appelle l’« égalité d’accès aux avantages ». La notion d’accès renvoie à l’idée que même si les opportunités sont identiques, cela ne veut pas nécessairement dire qu’elles sont utilisées adéquatement par chaque personne. L’avantage est une notion plus large que le bien-être : ce qui m’avantage m’apporte du bien-être, mais le contraire n’est pas toujours vrai[17].

D'après Christian Schemmel, les égalitaristes distributifs voient l'égalité comme une valeur intrinsèquement distributive. En revanche, l'approche relationnelle voit l'égalité comme un large idéal pratique qui régit la structure des relations sociales, un idéal qui s'appuie lui-même sur une variété d'autres valeurs et qui a des implications pour les questions de distribution[réf. nécessaire].

Égalitarisme relationnel[modifier | modifier le code]

L’égalitarisme relationnel regroupe un ensemble de théories qui ont en commun de considérer que ce qui importe du point de vue de la justice, ce sont les relations sociales à caractère égalitaire. L’égalitarisme relationnel émerge notamment en réaction à la prédominance de l’approche distributive dans la discussion sur l’égalité dans les débats de philosophie politique des dernières décennies. Plutôt que de réfléchir en termes de distribution de biens, l’approche relationnelle conçoit l’égalité comme un idéal qui gouverne (ou devrait gouverner) la relation entre les gens. On parle alors d’une « société d’égaux » au sein de laquelle les pratiques et les relations entretenues par les membres de la société favorisent l’égalité. Christian Schemmel a observé que l'égalitarisme distributif ne peut pas rendre compte des « attitudes expressives » des institutions sociales et politiques dans leur traitement des individus[18].

Dans « Displacing the distributive paradigm », un chapitre du livre Justice and the Politics of Difference, Iris Marion Young reproche au « paradigme distributif » le fait qu’il n’arrive pas à saisir adéquatement les relations sociales. L’égalitarisme distributif, en poussant le concept de distribution au-delà des biens matériels ou des quantités mesurables, commet des erreurs d’évaluation[19].

Bien qu’elles se conçoivent mutuellement de manière critique, ces deux approches ne sont pas nécessairement opposées. Par exemple, certains avancent que les institutions et les pratiques concernées par l’égalitarisme relationnel comprennent celles qui régissent la distribution des biens au sein de la société. L'idéal d'égalité relationnelle aurait ainsi d'importantes implications distributives[16].

Le suffisantisme[modifier | modifier le code]

Le suffisantisme relationnel reprend les principes de la théorie distributive du suffisantisme et les applique au domaine des relations sociales. Selon une théorie du suffisantisme, une société est juste lorsque tous ses participants jouissent de ressources matérielles suffisantes. Le but n'est pas donc l'égalité mais la suffisance.

Le suffisantisme relationnel est une théorie qui allie une conception suffisantiste des relations sociales à la théorie relationnelle telle que véhiculée par l’égalitarisme relationnel[20]. Ainsi, selon une théorie du suffisantisme relationnel, une société est juste lorsque tous ses participants jouissent d’un statut social suffisamment valorisé. Selon une telle théorie, les hiérarchies sociales ne sont pas nécessairement mauvaises, pourvu qu'un seuil suffisant de respect soit garanti à tout le monde.

Le principe de suffisance prend source dans l’intuition que ce qui motive réellement l’égalité est que les personnes les moins nanties puissent voir leur condition s’améliorer, or une telle motivation nécessite qu’ils et elles reçoivent une part suffisante des ressources, mais n’implique en rien que les ressources soient redistribuées de manière égale. De son côté, le caractère relationnel du suffisantisme relationnel implique que nous ne devons pas nous intéresser simplement à la redistribution des ressources comme dans le paradigme distributif, mais plutôt au caractère égalitaire des relations sociales.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Definition of egalitarian | Dictionary.com », sur www.dictionary.com (consulté le )
  2. Arneson Richard, "Egalitarianism", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (2002.) Web: http://plato.stanford.edu/entries/egalitarianism
  3. The American Heritage Dictionary, « egalitarianism »,
  4. Dahlberg, Frances., Woman the Gatherer, Londres, Yale university press, (ISBN 0-300-02989-6, lire en ligne)
  5. John Gowdy, Limited Wants, Unlimited Means : A reader on Hunter-Gatherer Economics and the Environment, St Louis, Island Press, , 342 p. (ISBN 1-55963-555-X, lire en ligne), p. 342
  6. Erdal, D. & Whiten, A. (1996) "Egalitarianism and Machiavellian Intelligence in Human Evolution" in Mellars, P. & Gibson, K. (eds) Modeling the Early Human Mind. Cambridge MacDonald Monograph Series
  7. Assemblée nationale constituante, France, Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, Paris, Assemblée nationale, (lire en ligne), p. 1-8
  8. Karl Popper, La société ouverte et ses ennemis tome un (page 86 de l'édition?)
  9. « Nietzsche : Mon idée de la liberté », sur gaucheliberale.org
  10. « Max Stirner:A. Ma puissance », sur librairal.org
  11. « L'idéologie de Hitler », sur encyclopedie.bseditions.fr (consulté le )
  12. « Staline : Nouvelle situations, nouvelles tâches de l’édification économique » (consulté le )
  13. David Miller, « Equality and Justice », Ratio, vol. 10, no 3,‎ , p. 222–237 (ISSN 0034-0006 et 1467-9329, DOI 10.1111/1467-9329.00042, lire en ligne, consulté le )
  14. S. Anderson Elizabeth, « What Is the Point of Equality? * », dans Theories of Justice, Routledge, (lire en ligne), p. 133–183
  15. a et b Patrick Tomlin, « What is the point of egalitarian social relationships? », dans Distributive Justice and Access to Advantage, Cambridge University Press, (lire en ligne), p. 151–179
  16. a b et c Samuel Scheffler, « The Practice of Equality », dans Social Equality, Oxford University Press, (lire en ligne), p. 20–44
  17. G. A. Cohen, « On the Currency of Egalitarian Justice », Ethics, vol. 99, no 4,‎ , p. 906–944 (ISSN 0014-1704 et 1539-297X, DOI 10.1086/293126, lire en ligne, consulté le )
  18. Christian Schemmel, « Distributive and relational equality », Politics, Philosophy & Economics, vol. 11, no 2,‎ , p. 123–148 (ISSN 1470-594X et 1741-3060, DOI 10.1177/1470594x11416774, lire en ligne, consulté le )
  19. « Displacing the Distributive Paradigm », dans Justice and the Politics of Difference, Princeton University Press, (lire en ligne), p. 15–38
  20. (en) Justin Tosi, « "Relational Sufficientarianism and Basic Income." », The Future of Work, Technology, and Basic Income. Routledge.,‎ , p. 49-61.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]