« Géopolitique du pétrole » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Mightymights (discuter | contributions)
mAucun résumé des modifications
Lebronj23 (discuter | contributions)
m nettoyage, wikif: , → , (2)
 
(38 versions intermédiaires par 18 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 : Ligne 1 :
[[Fichier:Oil blood tank cropped.jpg|thumb]]
[[Fichier:Oil blood tank cropped.jpg|thumb]]


La '''géopolitique du pétrole''' décrit l'impact de la demande et de l'offre en [[pétrole]] sur la politique des pays consommateurs et producteurs de cette matière première essentielle au [[mode de vie]] économique actuel.
La '''géopolitique du pétrole''' s'attache à la description et à l'analyse des rivalités entre [[État]]s au sujet du contrôle de zones pétrolifères, à la protection de l'acheminement du [[pétrole]], et à la fixation des prix. L'importance du pétrole est liée à son caractère essentiel dans le [[mode de vie]] des [[pays développé]]s et des [[pays émergent]]s.


Les [[Région pétrolifère|gisements de pétrole]] étant limités et leur emplacement géographique ne coïncidant généralement pas avec celui des [[Pétrole#Pays consommateurs|pays consommateurs]], l'exploitation des ressources pétrolifères est source de tension. Les pays consommateurs, généralement de [[Grande puissance|grandes puissances]] militaires, sont alors tentés d'employer des moyens de pression puissants (militaires ou économiques) pour avoir accès à ces ressources. Le pétrole, matière hautement [[Stratégie|stratégique]], est fréquemment associé aux affrontements internationaux depuis le début du {{s-|XX|e}}.
Les tensions autour du pétrole sont liées à plusieurs facteurs. Les [[Région pétrolifère|gisements de pétrole]] sont limités, et la quantité de pétrole encore disponible à un prix qui assure la rentabilité de l'extraction est inconnue. Aussi, l'emplacement géographique des gisements ne coïncide généralement pas avec celui des [[Pétrole#Pays consommateurs|pays consommateurs]], ce qui rend l'exploitation et l'acheminement compliqué. Les pays consommateurs, généralement de [[Grande puissance|grandes puissances]] militaires, sont alors tentés d'employer des moyens de pression puissants (militaires ou économiques) pour avoir accès à ces ressources. Le pétrole, matière hautement [[Stratégie|stratégique]], est fréquemment associé aux affrontements internationaux depuis le début du {{s-|XX|e}}. Il est ainsi possible de faire une [[histoire de la géopolitique du pétrole]].


== Enjeux ==
== Histoire ==
{{Article détaillé|Histoire de la géopolitique du pétrole}}Le pétrole est l'objet de confrontations et de tensions géopolitiques depuis la mise au point de sa distillation au {{XIXe siècle}}. Le premier grand évènement géopolitique lié au pétrole est en 1892 avec le premier voyage du navire pétrolier le "[[SS Murex]]" de [[Shell (entreprise)|Shell]] qui part de la [[Géorgie (pays)|Géorgie]] en ayant récupéré du pétrole de l'[[Azerbaïdjan]], passe par les [[Dardanelles]], le [[canal de Suez]], le détroit de [[Bab-el-Mandeb]] puis le [[détroit de Malacca]], dessinant ainsi les couloirs stratégiques du pétrole mondial<ref>{{Ouvrage|prénom1=Thibaut|nom1=Klinger|titre=Géopolitique de l'énergie|éditeur=Studyrama|date=2008|isbn=978-2-7590-0396-9|isbn2=2-7590-0396-5|oclc=276990432|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/276990432|consulté le=2022-09-04}}</ref>.
=== Importance économique ===

== Enjeux économiques ==

=== Dépendance au pétrole ===
{{Article détaillé|Dépendance au pétrole}}
{{Article détaillé|Dépendance au pétrole}}
En [[2008]], sur les 20 premières entreprises privées mondiales, 12 sont des [[Liste de compagnies pétrolières|compagnies pétrolières]] ou des [[Constructeur automobile|constructeurs d'automobiles]]<ref>{{Article|langue=en|titre=Global 500|périodique=Fortune|jour=20|mois=juillet|année=2009|url texte=http://money.cnn.com/magazines/fortune/global500/2009/full_list/|consulté le=octobre 2009}}</ref>. Sans pétrole, la majorité des actifs des [[pays développés]] ne seraient plus en mesure de se rendre à leur poste de travail quotidiennement. De nombreux pays en développement en sont encore plus dépendants du fait qu'ils en importent la presque totalité<ref name="L'état de la planète">{{Ouvrage|auteur1=Michael Renner|auteur2=Hilary French|auteur3=Erik Assadourian|et al.=oui|titre=L'état de la planète : Redéfinir la sécurité mondiale Rapport de l'Institut Worldwatch sur le développement durable|éditeur=L'état de la planète publications|année=2005|pages totales=265|passage=125|isbn=978-2-9700489-0-9|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=DO_FlGKAlcMC&pg=PA139}}</ref>. Beaucoup de pays exportateurs de ce produit en sont tout aussi tributaires pour leurs recettes par manque de diversification économique<ref name="L'état de la planète"/>. Le pétrole a ainsi envahi toutes les strates du fonctionnement de nos sociétés, en à peine plus d'un siècle. Son importance [[Stratégie|stratégique]] est reconnue depuis la [[Première Guerre mondiale]].
Le pétrole est une [[Matières premières stratégiques|matière première stratégique]], nécessaire au bon fonctionnement de l'économie mondiale, étant l'une de ses principales sources d'énergie. Les pays en développement sont tout autant, si ce n'est plus, dépendants<ref name="L'état de la planète">{{Ouvrage|auteur1=Michael Renner|auteur2=Hilary French|auteur3=Erik Assadourian|et al.=oui|titre=L'état de la planète : Redéfinir la sécurité mondiale Rapport de l'Institut Worldwatch sur le développement durable|passage=125|éditeur=L'état de la planète publications|année=2005|pages totales=265|isbn=978-2-9700489-0-9|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=DO_FlGKAlcMC&pg=PA139}}</ref>. En 2005, une étude américaine estime une élasticité de -0,07 à -0,29 entre le [[PIB des États-Unis]] et la variation du prix du pétrole<ref>{{Lien web |langue=en |titre=EMF SR 9: The Economic Consequences of Higher Crude Oil Prices {{!}} Energy Modeling Forum |url=https://emf.stanford.edu/publications/special-report/emf-sr-9-economic-consequences-higher-crude-oil-prices |site=emf.stanford.edu |consulté le=2023-04-07}}</ref>. En [[2009]], le seul commerce du pétrole ([[pétrole#Industrie aval|activités en aval]] exclues) représente des échanges de l'ordre de {{unité|6|milliards}} de dollars par jour. L'Europe et les États-Unis en importent chaque jour 1,5 million de tonnes (ou {{unité|10|millions}} de barils) chacun<ref name="BP-2009">{{Lien web |langue=en |titre=BP Statistical Review of World Energy June 2009 |url=http://www.bp.com/liveassets/bp_internet/globalbp/globalbp_uk_english/reports_and_publications/statistical_energy_review_2008/STAGING/local_assets/2009_downloads/statistical_review_of_world_energy_full_report_2009.pdf |site=bp.com |mois=juin |année=2009 |consulté le=27 septembre 2009}} {{pdf}}</ref>.


Cette dépendance mondiale a considérablement enrichi les entreprises liées à l'industrie du pétrole : en [[2022]], la troisième plus grande entreprise du monde est la [[Liste de compagnies pétrolières|compagnie pétrolière]] [[Saudi Aramco]] ; trois des vingt plus grandes entreprises du monde sont des majors du pétrole<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Forbes |titre=The Global 2000 2022 |url=https://www.forbes.com/lists/global2000/ |site=Forbes |consulté le=2022-09-03}}</ref>.
Le pétrole est une [[matière première]] essentielle vendue en quantités telles que son commerce est organisé à l'échelle mondiale depuis [[1928]]. En [[2009]], le seul commerce du pétrole (donc sans compter les [[pétrole#Industrie aval|activités en aval]]) représente des échanges de l'ordre de {{unité|6|milliards}} de dollars par jour. L'Europe et les États-Unis en importent chaque jour 1,5 million de tonnes (ou {{unité|10|millions}} de barils)<ref name="BP-2009">{{Lien web|langue=en|url=http://www.bp.com/liveassets/bp_internet/globalbp/globalbp_uk_english/reports_and_publications/statistical_energy_review_2008/STAGING/local_assets/2009_downloads/statistical_review_of_world_energy_full_report_2009.pdf|titre=BP Statistical Review of World Energy June 2009|année=2009|mois=juin|site=bp.com|consulté le=27 septembre 2009}} {{pdf}}</ref> chacun. Ainsi, le commerce du pétrole suscite des convoitises considérables. Il exige des [[gouvernement]]s, responsables du fonctionnement de leurs [[État]]s une surveillance permanente et les conduit à des comportements parfois extrêmes pour s'assurer de son [[approvisionnement]] régulier.

La dépendance au pétrole est double, car elle implique les majors pétroliers chargés de l'extraction, du raffinage et de la vente. Beaucoup de pays exportateurs sont tributaires du pétrole en ce qu'il s'agit de leur première source de revenus, voire, parfois, de la seule du fait d'un manque de diversification économique<ref name="L'état de la planète" />.

Le pétrole est un facteur d'interdépendance dans le monde, peu de pays disposant de gisements sur leur territoire. Par conséquent, « le pétrole est un facteur de production largement mobile à l’échelle de la planète : près de 60 % du pétrole est consommé dans un pays autre que celui où il a été produit. Cela signifie qu’il repose sur un principe d’interdépendance beaucoup plus fort que pour la plupart des autres sources d’énergie »<ref name=":0">Copinschi, P. (2010). Introduction. Dans : P. Copinschi, ''Le pétrole, quel avenir : Analyse géopolitique et économique'' (pp. 5-9). Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur.</ref>. Étant donné la dépendance de certains États, le pétrole devient une partie essentielle de l’économie d’un pays et les pays exportateurs, des agents macroéconomiques dont les gouvernements doivent tenir compte<ref name=":0" />.

En conséquence de [[Invasion de l'Ukraine par la Russie|l'invasion de l'Ukraine par la Russie]] et des sanctions mises en place, notamment la suspension de toute importation de pétrole russe, les pays occidentaux ont dû se tourner vers d’autres pays producteurs et la Russie vers d'autres acheteurs<ref name=":1">{{Lien web |langue=fr-ca |prénom=Zone International- |nom=ICI.Radio-Canada.ca |titre=La Russie baissera sa production de pétrole en mars, les prix décollent {{!}} Guerre en Ukraine |url=https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1955287/russie-petrole-barils-energie-poutine-ue-guerre-ukraine |site=Radio-Canada.ca |consulté le=2023-05-10}}</ref>.

=== Pétrole et monnaies ===
{{Article détaillé|Pétrodollar}}
Du fait de son abondance, le dollar sert de principale monnaie d'échange du pétrole. Les contrats pétroliers sont ainsi libellés en dollars quand bien même le pays producteur de pétrole vend sa denrée à un pays qui n'utilise par le dollar américain comme devise officielle. Cela oblige ces pays à puiser dans leurs réserves de dollars pour payer leurs factures. Ces dollars issus du pétrole, appelés [[pétrodollar]]s, sont ensuite réinvestis aux États-Unis, ce qui permet de financer le déficit américain<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Paillard|nom1=Christophe-Alexandre|titre=Les nouvelles guerres économiques: Concours grandes écoles, ENA, IEP, Concours administratifs, Formation en entreprises|éditeur=Editions OPHRYS|date=2011-09-07|isbn=978-2-7080-1322-3|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=sZ_DCgAAQBAJ&newbks=0&hl=en|consulté le=2022-09-03}}</ref>.

Cette exclusivité accroît le poids déjà considérable de cette monnaie dans les échanges internationaux. Les États-Unis useront de cette position de force pour menacer le Royaume-Uni, pendant la [[crise du canal de Suez]], de faire chuter la [[livre sterling]]. Mais elle génère, dans les périodes de hausse de cours, des quantités excessives de [[pétrodollar]]s qui aboutissent, au moins en partie, sur les bourses occidentales, provoquant des [[Bulle (économie)|bulles financières]] aux effets dévastateurs. De plus, quand le dollar fléchit, les revenus des États producteurs fléchissent d'autant, ce qui a provoqué leur colère en 1971, et une exigence de majoration équivalente à la baisse des revenus ; un mouvement identique s'est produit dans la décennie 2000. Cette exclusivité, qui contribue à assujettir les pays producteurs, est périodiquement remise en cause, avec des succès nuls pour l'instant.

[[Saddam Hussein]] avait ainsi annoncé qu'il souhaitait être payé en euros en 2000<ref>{{Lien web |langue=en |auteur=Krassimir Petrov |titre=The Proposed Iranian Oil Bourse |url=http://www.321gold.com/editorials/petrov/petrov011706.html |site=321gold.com |mois=janvier |année=2006 |consulté le=6 octobre 2009}}</ref>. L'Iran a, quant à lui, prétendu ouvrir une [[Bourse internationale iranienne du pétrole|bourse du pétrole]] en euros mais les transactions s'effectuent en monnaie iranienne. Le projet de monnaie unique pour les [[Conseil de coopération du Golfe|États du Golfe]] reste un projet<ref>{{Lien web |auteur=Elisabeth Studer |titre=Monnaie unique des pays du Golfe : le Koweït souhaite un report |url=http://www.leblogfinance.com/2009/10/monnaie-unique-des-pays-du-golfe-le-kowe%C3%AFt-souhaite-un-report.html |site=Le Blog Finance |date=11 |mois=octobre |année=2009 |consulté le=26 novembre 2009 |citation=« Le Koweit ... a demandé dimanche un report du lancement prévu en 2010. » |archive-url=https://web.archive.org/web/20091214152333/http://www.leblogfinance.com/2009/10/monnaie-unique-des-pays-du-golfe-le-kowe%C3%AFt-souhaite-un-report.html |archive-date=14 décembre 2009 |brisé le=6 août 2018}}</ref>. En 2023, à l'occasion d'un sommet des [[BRICS]], [[Vladimir Poutine]] a déclaré « La dédollarisation est irréversible »<ref>{{Lien web |langue=fr |prénom=Nicolas |nom=GALLANT |titre=BRICS : pour les pays émergents, “la dédollarisation est irréversible”, l’or devrait se renforcer |url=https://www.capital.fr/entreprises-marches/brics-pour-les-pays-emergents-la-dedollarisation-est-irreversible-lor-devrait-se-renforcer-1477255 |site=Capital.fr |date=2023-08-24 |consulté le=2023-10-11}}</ref>.

== Contrôle ==


=== Contrôle des gisements ===
=== Contrôle des gisements ===
En 1900, la [[Livre blanc sur la Défense et la Sécurité nationale 2008 (France)#Capacité de projection|capacité de projection]] des États était réduite à la portée de leurs armes. Pour s'assurer de l'approvisionnement en pétrole, ils n'avaient d'autre possibilité que d'occuper le terrain : c'est la [[diplomatie de la canonnière]]. Plus tard, il fut moins coûteux d'entretenir, ou d'installer, des [[Régime politique|régimes]] favorables à ces États dans les pays producteurs. L'[[opération Ajax]], en Iran (1953), en est un exemple typique et bien documenté.
En 1900, la [[Projection (défense)|capacité de projection]] des États était réduite à la portée de leurs armes. Pour s'assurer de l'approvisionnement en pétrole, ils n'avaient d'autre possibilité que d'occuper le terrain : c'est la [[diplomatie de la canonnière]]. Plus tard, il fut moins coûteux d'entretenir, ou d'installer, des [[Régime politique|régimes]] favorables à ces États dans les pays producteurs. L'[[opération Ajax]], en Iran (1953), en est un exemple typique et bien documenté.


À partir de 1979 environ, les effets de la [[mondialisation]], la volonté croissante d'autonomie des pays producteurs, le recours aux [[Organisation mondiale du commerce|règles du commerce international]], la crainte des conséquences d'interventions trop musclées, et l'obsession de la sécurité d'approvisionnement génèrent l'émergence de méthodes plus fines dont la « [[#Géopolitique du pipeline|diplomatie du pipeline]] » ({{Citation étrangère|lang=en|pipeline diplomacy}}). En 2009, les États et leurs représentants ont recours à un mélange de ces diverses méthodes. Enfin, le prix reste une composante fondamentale.
À partir de 1979 environ, les effets de la [[mondialisation]], la volonté croissante d'autonomie des pays producteurs, le recours aux [[Organisation mondiale du commerce|règles du commerce international]], la crainte des conséquences d'interventions trop musclées, et l'obsession de la sécurité d'approvisionnement génèrent l'émergence de méthodes plus fines dont la « diplomatie du pipeline » ({{Citation étrangère|lang=en|pipeline diplomacy}}). En 2009, les États et leurs représentants ont recours à un mélange de ces diverses méthodes. Enfin, le prix reste une composante fondamentale.


Cet ensemble de méthodes a permis aux pays consommateurs de ne jamais souffrir de pénurie de pétrole, en dehors de périodes très limitées telles que les périodes de guerre ou de [[choc pétrolier]].
Cet ensemble de méthodes a permis aux pays consommateurs de ne jamais souffrir de pénurie de pétrole, en dehors de périodes très limitées telles que les périodes de guerre ou de [[choc pétrolier]].

Certains pays décident de nationaliser leur gisement de pétrole afin de mieux contrôler leur ressource. C'est le cas de la [[Bolivie]], le gouvernement décidant en 2006 de nationaliser son or noir<ref>{{Article|langue=fr|prénom1=Ricardo|nom1=Molero Simarro|prénom2=María José|nom2=Paz Antolín|prénom3=Juan Manuel|nom3=Ramírez Cendrero|titre=Les hydrocarbures dans le processus de transformation bolivien : nationalisation et capital étranger (2006-2009)|périodique=Revue Tiers Monde|volume=208|numéro=4|date=2011|issn=1293-8882|issn2=1963-1359|doi=10.3917/rtm.208.0139|lire en ligne=http://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2011-4-page-139.htm|consulté le=2023-05-10|pages=139}}</ref>. Aux États-Unis, le propriétaire d'une terre terres a tous les droits sur ce qu'il trouve dans son sous-sol ; ainsi, « il y a aujourd'hui encore aux États-Unis de nombreux petits producteurs de pétrole (près de 10 000 avec 500 000 puits, contre 3 000 puits seulement au Moyen-Orient). Ceux-ci vendent le pétrole aux grandes compagnies, qui le transportent, le raffinent et le commercialisent<ref name="Lacoste, Yves (1990) Paysage politiques. Paris, Le livre de poche, 288 p.">{{Article|prénom1=Jean|nom1=Bergevin|titre=Lacoste, Yves (1990) Paysage politiques. Paris, Le livre de poche, 288 p.|périodique=Cahiers de géographie du Québec|volume=35|numéro=96|date=1991|issn=0007-9766|issn2=1708-8968|doi=10.7202/022232ar|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.7202/022232ar|consulté le=2023-05-10|pages=626}}</ref> ».


=== Contrôle des détroits ===
=== Contrôle des détroits ===
[[Fichier:Strait of Hormuz.jpg|thumb|left|upright=1.2|Le [[détroit d'Ormuz]], point de tension géostratégique entre l'[[Iran]], [[Oman]] (péninsule de Musandam) et les [[Émirats arabes unis]].]]
[[Fichier:Strait of Hormuz.jpg|thumb|left|upright=1.2|Le [[détroit d'Ormuz]], point de tension géostratégique entre l'[[Iran]], [[Oman]] (péninsule de Musandam) et les [[Émirats arabes unis]].]]

Le commerce du pétrole suscite des convoitises considérables. Il exige des [[gouvernement]]s, responsables du fonctionnement de leurs [[État]]s une surveillance permanente et les conduit à des comportements parfois extrêmes pour s'assurer de son [[approvisionnement]] régulier.


La [[géostratégie]] des [[détroit]]s par lesquels passent les [[pétrolier]]s constitue le second enjeu : celui du transport pétrolier. Près de 20 % du commerce mondial dont 40 % des exportations du pétrole emprunte le [[détroit d'Ormuz]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.eia.doe.gov/emeu/cabs/World_Oil_Transit_Chokepoints/Background.html|site=eia.doe.gov|titre=World Oil Transit Chokepoints|auteur=EIA/DoE|année=2008|consulté le=28 septembre 2009}}</ref>. Aujourd'hui, il est inconcevable que ce dernier soit fermé ou même menacé. Les pays limitrophes — [[Iran]], [[Oman]], [[Émirats arabes unis]] et [[Arabie saoudite]] — sont au cœur de l'une des régions les plus convoitées de la planète. La [[Cinquième flotte américaine]] y mouille d'ailleurs en permanence.
La [[géostratégie]] des [[détroit]]s par lesquels passent les [[pétrolier]]s constitue le second enjeu : celui du transport pétrolier. Près de 20 % du commerce mondial dont 40 % des exportations du pétrole emprunte le [[détroit d'Ormuz]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.eia.doe.gov/emeu/cabs/World_Oil_Transit_Chokepoints/Background.html|site=eia.doe.gov|titre=World Oil Transit Chokepoints|auteur=EIA/DoE|année=2008|consulté le=28 septembre 2009}}</ref>. Aujourd'hui, il est inconcevable que ce dernier soit fermé ou même menacé. Les pays limitrophes — [[Iran]], [[Oman]], [[Émirats arabes unis]] et [[Arabie saoudite]] — sont au cœur de l'une des régions les plus convoitées de la planète. La [[Cinquième flotte américaine]] y mouille d'ailleurs en permanence.
Ligne 28 : Ligne 52 :
Enfin, ceux du Japon et de la Chine passent par le [[détroit de Malacca]], toujours affecté par des actes de [[pirate]]rie. La [[République populaire de Chine|Chine]] cherchait en 2006 à passer contrat avec la [[Thaïlande]] pour faire passer son pétrole par voie de terre et doubler ainsi l'alimentation par le détroit ; la réactivation du pipeline qui double le [[canal de Panama]] est en cours (2009)<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.panamamagazine.net/blog/general/trans-panama-pipeline-to-be-reactivated|site=panamamagazine.net|titre=Trans Panama Pipeline to be Reactivated|date=5|année=2009|mois=avril|consulté le=29 septembre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20090904041428/http://www.panamamagazine.net/blog/general/trans-panama-pipeline-to-be-reactivated|archive-date=4 septembre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>.
Enfin, ceux du Japon et de la Chine passent par le [[détroit de Malacca]], toujours affecté par des actes de [[pirate]]rie. La [[République populaire de Chine|Chine]] cherchait en 2006 à passer contrat avec la [[Thaïlande]] pour faire passer son pétrole par voie de terre et doubler ainsi l'alimentation par le détroit ; la réactivation du pipeline qui double le [[canal de Panama]] est en cours (2009)<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.panamamagazine.net/blog/general/trans-panama-pipeline-to-be-reactivated|site=panamamagazine.net|titre=Trans Panama Pipeline to be Reactivated|date=5|année=2009|mois=avril|consulté le=29 septembre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20090904041428/http://www.panamamagazine.net/blog/general/trans-panama-pipeline-to-be-reactivated|archive-date=4 septembre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>.


Les menaces qui s'exercent sur les détroits peuvent être de nature militaire, mais aussi terroriste ou même la piraterie, qui connait des regains périodiques.
Les menaces qui s'exercent sur les détroits peuvent être de nature militaire, mais aussi terroriste ou même la piraterie, qui connaît des regains périodiques.


=== Tentation du cartel ===
=== Nationalisation ===
La nationalisation peut être utilisée afin de permettre à un État de contrôler ses gisements plus directement. Par exemple, en 1938, le [[Mexique]] a décidé de nationaliser les compagnies pétrolières étrangères sur son territoire. Cette loi figure elle-même dans la constitution mexicaine<ref name="Lacoste, Yves (1990) Paysage politiques. Paris, Le livre de poche, 288 p." />. La nationalisation récente du pétrole au Venezuela, en Équateur et en Bolivie, a pour objectif d’assurer, d’une part, une plus grande présence de l’État en tant qu’acteur prédominant dans la formulation et la réalisation des politiques pétrolières et, d’autre part, de garder la main sur les profits afin de garantir les revenus nécessaires au déploiement de programmes sociaux<ref>{{Article|prénom1=Mai|nom1=Yinhua|titre=La Chine, le pétrole et l'OMC [Les géants chinois du pétrole survivront-ils à la concurrence du marché ?]|périodique=Perspectives chinoises|volume=70|numéro=1|date=2002|issn=1021-9013|doi=10.3406/perch.2002.2730|lire en ligne=http://dx.doi.org/10.3406/perch.2002.2730|consulté le=2023-05-10|pages=24–34}}</ref>.
Comme toutes les matières premières, le commerce du pétrole est en butte aux aléas du cycle [[pénurie]]-[[surproduction]]. À la suite d'une baisse de l'offre par rapport à la demande, le [[Fluctuation du cours des actions|cours]] du pétrole monte, poussant les compagnies pétrolières à investir pour découvrir de nouveaux gisements. À cause d'un [[effet accélérateur]] qui fait que l'offre dépasse la demande, le cours du pétrole s'effondre. Cela était particulièrement vrai dans la première moitié du {{s-|XX|e}}, quand les grands gisements du Moyen-Orient, qui excédaient largement la demande, ont été découverts. Ces perturbations, qui pouvaient mener à la faillite des compagnies, étaient bien connues, et particulièrement craintes de deux personnages qui ont beaucoup influencé le commerce du pétrole, [[John Davison Rockefeller|John D. Rockefeller]] et [[Henri Deterding]], président de Shell. Ils ont été les acteurs principaux de la [[Cartel (économie)|cartel]]lisation du domaine pétrolier au début du {{s-|XX|e}}. {{Référence insuffisante|En 2008, les [[entente illicite|ententes illicites]] existent toujours dans l'industrie<ref>[http://fr.glassglobal.com/news/quatre_geants_de_lindustrie_du_verre_condamnes_pour_entente_illicite-7844.html Quatre géants de l´industrie du verre condamnés pour entente illicite]</ref>{{,}}<ref>[https://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0201785358087-concurrence-grosse-amende-pour-les-lessiviers-en-france-260244.php Concurrence : grosse amende pour les lessiviers en France]</ref>}}.


== Industrie ==
=== Monnaie unique et mouvements de capitaux ===
Le pétrole se paie en dollars, hormis la période pendant laquelle les États-Unis fondaient des pièces d'or pour les livrer à l'Arabie saoudite. Cette exclusivité accroît le poids déjà considérable de cette monnaie dans les échanges internationaux. Les États-Unis useront de cette position de force pour menacer le Royaume-Uni, pendant la [[crise du canal de Suez]], de faire chuter la [[livre sterling]]. Mais elle génère, dans les périodes de hausse de cours, des quantités excessives de [[pétrodollar]]s qui aboutissent, au moins en partie, sur les bourses occidentales, provoquant des [[Bulle (économie)|bulles financières]] aux effets dévastateurs. De plus, quand le dollar fléchit, les revenus des États producteurs fléchissent d'autant, ce qui a provoqué leur colère en 1971, et une exigence de majoration équivalente à la baisse des revenus ; un mouvement identique s'est produit dans la décennie 2000. Cette exclusivité, qui contribue à assujettir les pays producteurs, est périodiquement remise en cause, avec des succès nuls pour l'instant.


=== Tentation du cartel ===
[[Saddam Hussein]] avait ainsi annoncé qu'il souhaitait être payé en euros en 2000<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.321gold.com/editorials/petrov/petrov011706.html|site=321gold.com|titre=The Proposed Iranian Oil Bourse|auteur=Krassimir Petrov|année=2006|mois=janvier|consulté le=6 octobre 2009}}</ref>. L'Iran a, quant à lui, prétendu ouvrir une [[Bourse internationale iranienne du pétrole|bourse du pétrole]] en euros mais les transactions s'effectuent en monnaie iranienne. Le projet de monnaie unique pour les [[Conseil de coopération du Golfe|États du Golfe]] reste un projet<ref>{{Lien web|url=http://www.leblogfinance.com/2009/10/monnaie-unique-des-pays-du-golfe-le-kowe%C3%AFt-souhaite-un-report.html|titre=Monnaie unique des pays du Golfe : le Koweït souhaite un report|auteur=Elisabeth Studer|date=11|année=2009|mois=octobre|site=Le Blog Finance|citation=« Le Koweit ... a demandé dimanche un report du lancement prévu en 2010. »|consulté le=26 novembre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20091214152333/http://www.leblogfinance.com/2009/10/monnaie-unique-des-pays-du-golfe-le-kowe%C3%AFt-souhaite-un-report.html|archive-date=14 décembre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>.
Comme toutes les matières premières, le commerce du pétrole est en butte aux aléas du cycle [[pénurie]]-[[surproduction]]. À la suite d'une baisse de l'offre par rapport à la demande, le [[Fluctuation du cours des actions|cours]] du pétrole monte, poussant les compagnies pétrolières à investir pour découvrir de nouveaux gisements. À cause d'un [[effet accélérateur]] qui fait que l'offre dépasse la demande, le cours du pétrole s'effondre. Cela était particulièrement vrai dans la première moitié du {{s-|XX|e}}, quand les grands gisements du Moyen-Orient, qui excédaient largement la demande, ont été découverts. Ces perturbations, qui pouvaient mener à la faillite des compagnies, étaient bien connues, et particulièrement craintes de deux personnages qui ont beaucoup influencé le commerce du pétrole, [[John Davison Rockefeller|John D. Rockefeller]] et [[Henri Deterding]], président de Shell. Ils ont été les acteurs principaux de la [[Cartel (économie)|cartel]]lisation du domaine pétrolier au début du {{s-|XX|e}}.


=== Intégration et constellation ===
=== Intégration et constellation ===
Ligne 43 : Ligne 67 :
Mais ce marché est également cyclique, avec des revenus très variables. L'industrie s'est donc adaptée à ces contraintes en jouant l'[[intégration verticale]], afin de bénéficier de la valeur ajoutée jusqu'au client final, et sur l'[[intégration horizontale]], pour bénéficier de l'effet de masse — et absorber les concurrents — tout en s'entourant d'une constellation de sociétés de service, avec des contrats ponctuels, que l'on arrête de souscrire pendant les années maigres<ref>{{Lien web|url=http://gep-france.com/files/etudes/21_Rapport_petrolier_parapetrolier_%202008.pdf|titre=L'industrie pétrolière et parapétrolière, Contexte international, 2008|auteur1=S. Serbutoviez|auteur2=C. Silva|éditeur=IFP|page=21|citation=Moyenne annuelle de l'activité sismique sur la période 2000 à 2008|consulté le=29 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20100216025734/http://gep-france.com/files/etudes/21_Rapport_petrolier_parapetrolier_%202008.pdf|archive-date=16 février 2010|brisé le=6 août 2018}} {{pdf}}</ref>.
Mais ce marché est également cyclique, avec des revenus très variables. L'industrie s'est donc adaptée à ces contraintes en jouant l'[[intégration verticale]], afin de bénéficier de la valeur ajoutée jusqu'au client final, et sur l'[[intégration horizontale]], pour bénéficier de l'effet de masse — et absorber les concurrents — tout en s'entourant d'une constellation de sociétés de service, avec des contrats ponctuels, que l'on arrête de souscrire pendant les années maigres<ref>{{Lien web|url=http://gep-france.com/files/etudes/21_Rapport_petrolier_parapetrolier_%202008.pdf|titre=L'industrie pétrolière et parapétrolière, Contexte international, 2008|auteur1=S. Serbutoviez|auteur2=C. Silva|éditeur=IFP|page=21|citation=Moyenne annuelle de l'activité sismique sur la période 2000 à 2008|consulté le=29 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20100216025734/http://gep-france.com/files/etudes/21_Rapport_petrolier_parapetrolier_%202008.pdf|archive-date=16 février 2010|brisé le=6 août 2018}} {{pdf}}</ref>.


Au fil des décennies, ces sociétés de service ont développé et conservé une haute technologie dans une multitude de domaines qu'elles sont seules à maîtriser : [[gravimétrie]], [[sismique]], [[diagraphie]], outils et fluides de [[Industrie pétrolière#Forage|forage]], PVT, etc. Sans ces technologies, il est rapidement devenu impossible de produire du pétrole dans des conditions compétitives. Quand les pays producteurs voudront se libérer du joug politique et commercial des compagnies pétrolières, ils se retrouveront face à la dépendance technologique<ref>{{Article|prénom1=Virginie|nom1=Lepetit|titre=L'ours russe effraie aussi le parapétrolier français|périodique=L'Usine Nouvelle|jour=26|mois=octobre|année=2006|extrait=Même en imaginant que les majors perdent pied en Russie, l'industrie locale ne possède pas les technologies et le savoir-faire pour exploiter ses ressources offshore, et encore moins pour faire du gaz naturel liquéfié (GNL).
Au fil des décennies, ces sociétés de service ont développé et conservé une haute technologie dans une multitude de domaines qu'elles sont seules à maîtriser : [[gravimétrie]], [[sismique]], [[diagraphie]], outils et fluides de [[Industrie pétrolière#Forage|forage]], [[Équation d'état pvT|PVT]] (comportement de phase), etc. Sans ces technologies, il est rapidement devenu impossible de produire du pétrole dans des conditions compétitives. Quand les pays producteurs voudront se libérer du joug politique et commercial des compagnies pétrolières, ils se retrouveront face à la dépendance technologique<ref>{{Article|prénom1=Virginie|nom1=Lepetit|titre=L'ours russe effraie aussi le parapétrolier français|périodique=L'Usine Nouvelle|jour=26|mois=octobre|année=2006|extrait=Même en imaginant que les majors perdent pied en Russie, l'industrie locale ne possède pas les technologies et le savoir-faire pour exploiter ses ressources offshore, et encore moins pour faire du gaz naturel liquéfié (GNL).
|url texte=http://www.usinenouvelle.com/article/l-ours-russe-effraie-aussi-le-parapetrolier-francais.N53678|consulté le=octobre 2006}}</ref>. La société [[Schlumberger Limited|Schlumberger]], née en France, est la plus importante de ces sociétés de service. [[Halliburton]] a récemment fait l'objet d'une agitation médiatique<ref>{{Article|langue=en|prénom1=James|nom1=Risen|titre=Controversial Contractor’s Iraq Work Is Split Up |périodique= New York Times|jour=24|mois=mai|année=2008|url texte=https://www.nytimes.com/2008/05/24/world/middleeast/24contract.html?_r=1|consulté le=septembre 2009}}</ref>.
|url texte=http://www.usinenouvelle.com/article/l-ours-russe-effraie-aussi-le-parapetrolier-francais.N53678|consulté le=octobre 2006}}</ref>. La société [[Schlumberger Limited|Schlumberger]], née en France, est la plus importante de ces sociétés de service. [[Halliburton]] a fait l'objet d'une agitation médiatique<ref>{{Article|langue=en|prénom1=James|nom1=Risen|titre=Controversial Contractor’s Iraq Work Is Split Up |périodique=The New York Times|jour=24|mois=mai|année=2008|url texte=https://www.nytimes.com/2008/05/24/world/middleeast/24contract.html?_r=1|consulté le=septembre 2009}}</ref>.

== {{s-|XX|e}} : excès et excédents ==
[[Fichier:The first oil district in Los Angeles, Toluca Street, ca.1895-1901 (CHS-3686).jpg|thumb|[[Industrie pétrolière#Extraction|Puits de pétrole]] à [[Los Angeles]] en [[1896]].]]

À la fin du {{s-|XIX|e}}, les [[Grande puissance|grandes puissances]] se réduisent à un petit nombre d'acteurs : l'[[Empire britannique]] règne sur les mers en jouant le [[Grand Jeu (géostratégie)|Grand Jeu]] avec la [[Russie#Expansion de l’Empire vers le sud|Russie]], la [[Histoire de France#La Troisième République de 1870 à 1914|France]] est toujours une grande puissance militaire et coloniale, l'[[Allemagne#De la Confédération germanique à l’Empire allemand|Allemagne]] est sur une formidable pente ascendante, et tous lorgnent sur l'[[Empire ottoman]], surnommé « [[Empire ottoman#Tentative de modernisation|l'homme malade de l'Europe]] ». Les [[États-Unis]] ne sont encore qu'un lointain intervenant, le [[Ère Meiji|Japon]] vient à peine de s'ouvrir au monde tandis que la [[Histoire de la République de Chine|Chine]] connaît une de ses pires périodes de désunion.

L'avènement de l'[[industrialisation]] et de nouvelles [[technologie]]s donne à ces puissances de nouvelles armes et de nouveaux appétits qui, liés à des [[idéologie]]s délirantes, autoriseront à ce siècle tous les excès. Chacun est prêt, voire parfois désireux, à affronter l'autre, considérant le reste du monde comme un simple [[Théâtre militaire#Théâtre d'opérations|théâtre d'opérations]].

Le pétrole, sous sa forme affleurante ([[bitume]] ou [[naphte]]), est employé depuis des millénaires. Au cœur du {{s-|XIX|e}}, sa [[distillation]] est perfectionnée pour produire du [[kérosène]], qui rapidement éclaire les villes ([[Bucarest]], 1857), puis du [[fioul]], qui remplace avantageusement le charbon comme source d'énergie, et particulièrement pour la [[Propulsion maritime|propulsion navale]]. On se met alors à en chercher activement, à commencer par les endroits où l'on trouvait du bitume affleurant tels que [[Bakou]], et on se met à forer. Des sociétés aux noms historiques se créent à toute vitesse : [[Standard Oil]] (1863), [[Shell (entreprise)|Royal Dutch]] (1890), [[Branobel]] (1876), [[Alphonse de Rothschild|BNITO]] (1886), Burmah Oil (1886), etc. Le [[gaz naturel]] est un épiphénomène du pétrole : longtemps considéré comme une nuisance, il fut fréquemment mis à la [[Torchage et rejet de gaz naturel|torche]] jusque dans les années 1970. À partir de cette date, il commence à s'inclure dans la géopolitique du pétrole.

=== Du monopole au cartel, 1900-1928 ===
[[Fichier:Standard Oil.jpg|thumb|La première raffinerie de [[Standard Oil]] à Cleveland, dans l'Ohio, en [[1899]].]]

Dès la fin du {{s-|XIX|e}}, le pétrole était identifié comme ressource stratégique. La décision de l'[[Royal Navy|amirauté britannique]], vers 1910, de construire des navires qui consommeraient du fioul et non plus du charbon fut un moment important : la nation la plus puissante du monde, avec la flotte la plus puissante du monde, avait à l'époque beaucoup de charbon et pas une goutte de pétrole. Cette décision a posé la problématique européenne pour le reste du siècle<ref>{{Lien web|langue= en|url= http://www.dtic.mil/doctrine/jel/jfq_pubs/1327.pdf|site= dtic.mil|titre= From coal to oil|consulté le= 22 juin 2008|archive-url= https://web.archive.org/web/20070927191748/http://www.dtic.mil/doctrine/jel/jfq_pubs/1327.pdf|archive-date= 27 septembre 2007|brisé le= 6 août 2018}} ou comment l'Amirauté britannique parvint à prendre cette décision historique. {{pdf}}</ref>.

Alors qu'en 1899, la Deutsche Bank signe avec le gouvernement ottoman un accord provisoire pour la construction de la [[Chemin de fer Berlin-Bagdad|ligne Berlin-Bagdad]]<ref>{{fr}} [https://www.dailymotion.com/video/x9tt8i_1418-le-chemin-de-fer-de-baghdad-2a_news Le chemin de fer de Bagdad], documentaire vidéo</ref>, qui devait être poursuivie jusqu'à [[Bassorah]], épicentre du pétrole mésopotamien, [[William Knox D'Arcy]] fait des recherches en Perse, obtient une concession pétrolière de {{unité|60|ans}} au profit de la Grande-Bretagne, et fonde la [[Anglo-Persian Oil Company]], qui deviendra la [[BP (entreprise)|British Petroleum]].

{| class="wikitable gauche" style="width:25%; font-size:90%"
|+ {{Ancre|Le cartel des sept sœurs}}Les Sept Sœurs
|-
| style="background:#e6e6fa;" |1 Standard Oil of New Jersey (Esso) ⇒ devenue Exxon, puis [[ExxonMobil]]. {{États-Unis}}
|-
| style="background:#ffe4e1;" |2 [[Anglo-Iranian Oil Company|Anglo-Persian Oil Company]] ⇒ devenue [[BP (compagnie pétrolière)|BP]] (British Petroleum). {{Royaume-Uni}}
|-
| style="background:#ffe4e1;" |3 [[Royal Dutch Shell]]. {{Royaume-Uni}} / {{Pays-Bas}}
|-
| style="background:#e6e6fa;" |4 [[Chevron Corporation|Standard Oil of California]] (Socal) ⇒ devenue [[Chevron Corporation|Chevron]]. {{États-Unis}}
|-
| style="background:#dcdcdc;" |5 [[Texaco]] ⇒ fusionnée avec [[Chevron Corporation|Chevron]]. {{États-Unis}}
|-
| style="background:#dcdcdc;" |6 [[Standard Oil of New York]] (Socony) ⇒ devenue [[Mobil]], puis [[ExxonMobil]]. {{États-Unis}}
|-
| style="background:#dcdcdc;" |7 [[Gulf Oil]] ⇒ absorbée par [[Chevron Corporation|Chevron]]<ref>Un réseau de stations de carburant du nord-est des États-Unis porte encore le nom de ''Gulf Oil''.</ref>. {{États-Unis}}
|}

En 1904, la [[Standard Oil]], fondée par [[John Davison Rockefeller|John D. Rockefeller]] contrôle 91 % de la production pétrolière américaine, dont elle exporte la moitié sous forme de [[kérosène]]. À cause de sa position de monopole sanctionnée par le [[Sherman Antitrust Act]] de 1890, l'État fédéral lui intente un procès<ref>{{en}} [http://www.law.cornell.edu/supct/html/historics/USSC_CR_0221_0001_ZS.html Standard Oil Co. of New Jersey v. United States]</ref> et la condamne en 1911 à se partager en 34 sociétés séparées. La fin d'un géant ? Sans doute, mais le début d'une domination qui s'exercera jusqu'à la fin du siècle. Les rejetons se mangeront entre eux et constitueront, avec [[Royal Dutch Shell|Shell]] et [[BP (entreprise)|BP]], un [[Cartel (économie)|cartel]] au succès économique spectaculaire ; les Sept Sœurs.

Le tableau ci-contre montre les sociétés américaines en bleu, les britanniques en rose (Shell étant anglo-hollandaise) et les sociétés absorbées en gris. L'histoire des fusions et acquisitions est sans fin, ce tableau n'est qu'un résumé ; de plus, derrière ces sept sociétés, on trouve une multitude de sociétés « indépendantes », qui ont éventuellement participé à certains accords tels que l'[[Accord Achnacarry|accord d'Achnacarry]]. Nombre d'entre elles ont été absorbées par d'autres au cours du {{s-|XX|e}} ; aucune société extérieure au pétrole n'a réussi à se glisser parmi celles-ci.

==== Accords et désaccords ====
Le {{date|31|août|1907}}, l'entente anglo-russe pose un jalon dans le Grand Jeu, en définissant les sphères d'influence respectives ; à ce titre, les deux puissances se partagent la Perse<ref>M. A. Oraizi, Amérique, pétrole, domination : une stratégie globalisée: Tome 1, Buffalo Bill à la conquête de l'or noir, Paris, L'Harmattan, 2012, pp. 116-118.</ref> (carte ci-contre). Rapidement, le Royaume-Uni se rend compte que les zones pétrolifères sont hors de la sienne. Le {{date|11|juillet|1913}}, le Royaume-Uni, sur recommandation de [[Winston Churchill|Churchill]], acquiert 51 % de l'[[BP (entreprise)|Anglo Persian]], mais pas avant une visite complète des champs en exploitation. En 1915, Londres fait donc une proposition aux Russes, aux termes de laquelle elle prend le contrôle de la zone neutre, en échange de quoi les Russes « peuvent » conserver Constantinople<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.historytoday.com/MainArticle.aspx?m=32677&amid=30254919|titre=Britain, Persia and Petroleum|auteur=Roger Howard|année=2008|mois=mai|éditeur=History Today|citation=London secretly made an offer to St Petersburg, whereby Russia would recognize British control over Persia’s neutral zone, while in return the British would allow the Russians to take Constantinople and the Dardanelles from Turkey.|consulté le=15 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20080625174929/http://www.historytoday.com/MainArticle.aspx?m=32677&amid=30254919|archive-date=25 juin 2008|brisé le=6 août 2018}}</ref> (quand ils l'auront).

En 1916, pendant que les agents britanniques [[Thomas Edward Lawrence|Lawrence]] et [[St. John Philby|Philby]] font des promesses aux dirigeants locaux pour les pousser à s'opposer aux Ottomans, la France et le Royaume-Uni se partagent la dépouille de l'Empire Ottoman (carte ci-jointe), mettant ainsi en pratique la phrase de [[Winston Churchill|Churchill]] : « En temps de guerre, la vérité est si précieuse qu'elle devrait être sans cesse protégée par une garde de mensonges »<ref>{{Lien web|url=https://www.cia.gov/library/center-for-the-study-of-intelligence/kent-csi/vol20no1/html/v20i1a04p_0001.htm|titre=Intelligence in public literature: Bodyguard of lies|prénom1=Anthony Cave|nom1=Brown|date=2|année=1996|mois=juillet|site=CIA|consulté le={{1er}} novembre 2009}}</ref>. Aux termes des [[Accords Sykes-Picot]], [[Mark Sykes]], mieux au fait des données pétrolières locales, se taille la part du lion en se réservant le sud de l'Irak, laissant à la France la [[Syrie]] bien moins prometteuse. Le Royaume-Uni s'empresse ensuite d'écorner l'accord en installant des troupes à [[Mossoul]] en octobre 1918, s'emparant ainsi du reste des [[Régions pétrolifères au Moyen-Orient#Irak|zones pétrolifères]] du futur [[Irak]]. En 1919, Londres parvient à faire voter une sorte de protectorat par la chambre iranienne ; l'accord est léonin et ne tient pas. Mais en 1925, le jeune [[Reza Chah|Reza Pahlavi]] qui monte sur le [[trône du Paon]] est favorable aux intérêts britanniques.

[[Fichier:Sykes picot.jpg|left|thumb|Découpage du Moyen-Orient selon les accords Sykes-Picot en 1916.]]
[[Fichier:Flag of Hejaz 1917.svg|thumb|Le [[Couleurs panarabes|drapeau de la révolte arabe]], inventé par M. Sykes<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.crwflags.com/fotw/flags/hejaz.html|site=crwflags.com|titre=Kingdom of Hejaz 1915-1925|date=5|année=2003|mois=novembre|consulté le=2 novembre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20100130010759/http://www.crwflags.com/FOTW/flags/hejaz.html|archive-date=30 janvier 2010|brisé le=6 août 2018}}</ref>, symbolise les [[califat]]s [[Abbassides]], [[Omeyyades]] et [[Fatimides]], ainsi que la dynastie [[Hachémites|Hashemite]]. Il a inspiré les drapeaux actuels de plusieurs pays d'Afrique et du moyen-Orient.]]
En 1920, les {{Ancre|San_Remo}}[[Conférence de San Remo (1920)|accords de San Remo]] confirment la révocation de Sykes-Picot, et en échange, sur l'insistance de [[Georges Clemenceau|Clemenceau]], accordent à la France un magnifique « détail » : la propriété des 25 % que la [[Deutsche Bank]] détenait dans la [[Iraq Petroleum Company|Turkish Petroleum]], que le Royaume-Uni avait saisis au premier jour de la guerre<ref>{{Ouvrage|auteur1=André Giraud|auteur2=Xavier Boy de La Tour|titre=Géopolitique du pétrole et du gaz|éditeur=Technip|année=|passage=202|isbn=|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=AFtUFnaVvnEC&dq=Andr%C3%A9+Giraud%2C+G%C3%A9opolitique+du+p%C3%A9trole+et+du+gaz+++Turkish|consulté le=septembre 2009}}</ref>. La France crée en hâte la [[Total (entreprise)|Française des pétroles]] pour gérer ces parts ; l'Italie crée l'[[Agip]] en 1926. En Europe, l'État s'identifie à sa compagnie pétrolière.

En mai 1927, la Couronne britannique signe le Traité de Djeddah avec le jeune et victorieux [[Abdelaziz ben Abderrahman ben Fayçal al-Saoud|Ibn Seoud]], pacte de non-agression aux termes duquel celui-ci {{citation|s'engage à maintenir des rapports amicaux et pacifiques avec les territoires de Koveit et de Bahrein, ainsi qu'avec les cheiks de El-Kattar et de la côte d'Oman, avec lesquels le Gouvernement de Sa Majesté britannique entretient des relations spécialement déterminées par traité}}<ref>{{Lien web|langue=en, fr|url=http://untreaty.un.org/unts/60001_120000/15/39/00029937.pdf|titre=Traité d'amitié et de bonne entente, signé à Djeddah, le 20 mai 1927, et échange de notes y relatif, Djeddah, les 19|21 mai 1927|prénom1=Gilbert Falkingham|nom1=CLAYTON|prénom2=FAIS AL ABDUL-AZIZ AL|nom2=SAUD|date=21|année=1927|mois=mai|site=Nations Unies|éditeur=Nations Unies|page=3|consulté le=23 septembre 2009}} {{pdf}}</ref>. Mais dès 1933, ce sont les États-Unis qui obtiennent une concession au profit de la [[Chevron Corporation|Standard Oil of California]] (SoCal), avec l'aide de [[St. John Philby]].

En 1927, le pétrole coule enfin à [[Baba Gurgur]] (« le père des flammes » en [[Kurde]]), à côté de [[Kirkouk]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.geoexpro.com/history/babylontoiraq/|site=geoexpro.com|titre=Oil from Babylon to Iraq|consulté le={{1er}} octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20090910070958/http://www.geoexpro.com/history/babylontoiraq/|archive-date=10 septembre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>. Les États-Unis protestent devant le monopole européen en arguant de l{{'}}''[[Open Door Policy]]'', et la surproduction menace. L'[[accord de la ligne rouge]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.state.gov/r/pa/ho/time/id/88104.htm|site=state.gov|titre=The 1928 Red Line Agreement|auteur institutionnel=US Department of State|consulté le=24 septembre 2009}}</ref>, signé en 1928, fige les relations territoriales et commerciales entre les partenaires présents dans la [[Iraq Petroleum Company|Turkish Petroleum]], en y faisant une place aux compagnies américaines, aux dépens de l'État irakien. À ce titre, les partenaires présents s'interdisaient toute initiative personnelle sur l'ensemble du territoire concerné. Constitué de l'ex-empire ottoman, il incluait l'[[Arabie saoudite]], et excluait le [[Koweït]]. Chaque partenaire reçut 23,75 % des parts : [[Anglo-Persian Oil Company]], qui devient plus tard [[BP (entreprise)|BP]], [[Shell (entreprise)|Royal Dutch/Shell]], la [[Compagnie française des pétroles|CFP]], et la [[Near East Development Corporation]], consortium de cinq compagnies américaines. Le reste des parts fut conservé par [[Calouste Gulbenkian]], « Monsieur 5 % ». La France devient productrice de pétrole.
[[Fichier:Shell Headquarters 1 db.jpg|thumb|Siège de la [[Royal Dutch Shell]]]]

La même année, [[BP (entreprise)|Anglo Persian]], [[ExxonMobil|Standard Oil]] et [[Shell (entreprise)|Shell]], à l'instar du Portugal et de l'Espagne se partageant [[Traité de Tordesillas|le monde]], en font autant lors de la réunion d'{{Ancre|Achnacarry}}[[Accord Achnacarry|Achnacarry]]<ref>{{en}} [http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/energy/achnacarry.htm Accord d'Achnacarry] {{Lien archive|url=http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/energy/achnacarry.htm |titre=Copie archivée |horodatage archive=20180806135841 }}</ref>.

=== Le Pacte des Sept Sœurs ===
{{article principal|Cartel des sept sœurs}}
Réunis dans un château en Écosse, pour une partie de chasse à la grouse, les trois dirigeants des trois principales compagnies pétrolières du monde, [[Henri Deterding]] pour la [[Shell (entreprise)|Shell]] (le « Napoléon du pétrole »), Walter Teagle, pour la [[Standard Oil]] et Sir John Cadman, pour l’[[Anglo-Persian Oil Company|Anglo-Persian]], futur BP, constituent un cartel des producteurs. Le but est de se partager les zones d’exploitation du pétrole, son transport et sa distribution en Occident par des accords de prix. Chevron, Texaco, Exxon et Gulf Oil rejoignent le cartel et portent le nombre à sept à partir de 1945, tandis que la CFP, future Total, se place difficilement à côté. Le président [[Cardenas]] du Mexique (1934/40) porte un premier coup au cartel en nationalisant les pétroles mexicains, et Saddam Hussein, pour l’Iraq suivra, en 1971.

En peu de temps, [[Gulf Oil|Gulf]], [[Mobil|Socony]], [[Texaco]] et [[BP (entreprise)|Atlantic]] les rejoignent<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Shukri Mohammed|nom1=Ghanem|titre=OPEC, the rise and fall of an exclusive club|lieu=Londres|éditeur=Associated Book Publishers|année=1986|passage=14|isbn=978-0-7103-0175-8|lccn=87131574|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=6ssNAAAAQAAJ&printsec=frontcover|consulté le=octobre 2009}}</ref>. Cet accord signé à la suite d'une réunion secrète au château écossais d'[[Achnacarry]] le 28 août 1928, prévoit la répartition des bénéfices des compagnies concernées, ainsi que la calcul du prix du pétrole (''{{lang|en|Gulf Plus}}'') en tout point du globe. Le cartel, essentiellement anglo-saxon, est né, et règne sans grande opposition sur le pétrole mondial jusqu'en 1971.

Il marque la survenance d'un nouveau type d'acteurs dans la scène politique internationale : les compagnies internationales (''{{lang|en|IOC}}''), qui présentent le double intérêt de financer leur propre développement, sans apport des États, et de pouvoir être accusées de tous les maux dès que la morale est en jeu. Ainsi, quand le processus de [[décolonisation]] est lancé après la [[Seconde Guerre mondiale]], les États disposent d'un relais presque aussi puissant qu'eux-mêmes.

La [[#Géopolitique du pipeline|carte ci-dessous]] présente les principaux champs du Moyen-Orient ; en 1928, l'essentiel de ces champs est encore inconnu.

En 1940, la France capitule ; le Royaume-Uni coule la flotte française à [[Mers el-Kébir]] et saisit les parts de CFP dans l'[[Iraq Petroleum Company]] (IPC, ex Turkish Petroleum Company). La France se trouve ipso facto éjectée de l'accord de la Ligne Rouge, et donc du Moyen-Orient<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/Petroleum/ftc5.htm|site=mtholyoke.edu|titre=The International Petroleum Cartel|auteur institutionnel=Staff Report to the Federal Trade Commission|année=1952|page=47|consulté le=5 octobre 2009}}</ref>, laissant (enfin) le terrain libre aux compagnies américaines. En 1944, le partage est confirmé par les termes de l'Anglo-American Petroleum Agreement<ref>{{Ouvrage|langue=en|nom1=Ronald W. Ferrier,J. H. Bamberg|titre=The history of the British Petroleum Company Vol 2|éditeur=|année=1994|passage=332|isbn=|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=PduotC73nh0C&printsec=frontcover|consulté le=octobre 2009}}</ref>{{,}}<ref>{{en}} [en:Anglo-American Petroleum Agreement]</ref>. Mais en 1945 la France intente un procès, et finit par obtenir gain de cause : elle est réintégrée dans IPC, mais avec une part de 6 %.

=== De la tutelle européenne à la tutelle américaine, 1928-1971 ===
==== Deux guerres mondiales ====
[[Fichier:Ocupación estadounidense de Veracruz.jpg|thumb|Flotte américaine à Veracruz.]]

En 1914, les États-Unis occupent [[Veracruz (Veracruz)|Veracruz]], grand port et [[Régions pétrolières en Amérique du Nord#Mexique|région pétrolifère mexicaine]]. Le fameux [[Thomas Edward Lawrence|Lawrence d'Arabie]] intervient en manipulant le [[nationalisme arabe]] afin de déstabiliser la [[Organisation de l'Empire ottoman|tutelle ottomane]] au profit de l'[[Empire britannique]]. En 1917, l'Allemagne commet la bévue du [[télégramme Zimmermann]], par lequel elle demande sa coopération au Mexique (deuxième producteur de pétrole à l'époque), et lui demande d'envahir le [[Texas]]. Le télégramme, intercepté par les Britanniques qui le divulguent, contribuera à décider les États-Unis à entrer en guerre contre l'Allemagne. La même année, [[Georges Clemenceau|Clemenceau]], à court de carburant, en réclame à [[Woodrow Wilson|Wilson]]<ref>{{Lien web|url=http://www.annales.org/ri/1998/ri08-98/019-026%20Nouschi_019-026%20Nouschi.pdf|site=annales.org|titre=Pétrole et diplomatie française|auteur1=André Nouschi|responsabilité1=professeur à l'Université de Nice |page=2|consulté le=24 septembre 2009}} {{pdf}}</ref> de façon pressante (''Il faut que la France combattante, à l’heure du suprême choc germanique, possède l’essence aussi nécessaire que le sang dans les batailles de demain''<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://www.ihtp.cnrs.fr/spip.php%3Farticle316&lang=fr.html|titre=Chronologie commentée sur l’histoire du pétrole et du gaz en France|auteur=Alain Beltran|éditeur=IHTP - CNRS|consulté le={{1er}} novembre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20130527162229/http://www.ihtp.cnrs.fr/spip.php%3Farticle316%26lang%3Dfr.html|archive-date=27 mai 2013|brisé le=6 août 2018}}</ref>). En juin 1918, l'Allemagne, au bord de la défaite, et alertée par la divulgation prématurée de l'accord Sykes-Picot par les [[Izvestia]] en novembre 1917<ref>{{Ouvrage|prénom1=Salah|nom1=Jmor|titre=L'origine de la question kurde|lieu=Paris|éditeur=L'Harmattan|année=1994|pages totales=283|passage=72|isbn=978-2-7384-2742-7|lccn=95150606|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=y5IFSfUxQtsC&pg=PA72|consulté le=septembre 2009}}</ref>, dépêche une [[Expédition allemande dans le Caucase|expédition]] vers [[Bakou]], sans succès. Simultanément, les Britanniques envoient [[Lionel Dunsterville|Dunsterville]] occuper [[Bakou]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Audrey L.|nom1=Altstadt|titre=The Azerbaijani Turks|éditeur=Stanford University|année=1992|passage=92|isbn=|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=sZVN2MwWZVAC&printsec=frontcover|consulté le=octobre 2009}}</ref>, qui ne pourra s'y maintenir. [[Bakou]], bien identifiée comme gisement pétrolier de classe mondiale, changera de mains quatre fois en quatre ans.

Entre les deux guerres, les chimistes allemands [[Franz Fischer|Fischer]] et [[Hans Tropsch|Tropsch]] mettent au point le [[Procédé Fischer-Tropsch|procédé]] permettant de produire de l'[[essence synthétique]] à partir du charbon, abondant en Allemagne.

[[Fichier:Ploesti Columbia Aquila Refinery LOC fsa 8e01665u.jpg|thumb|left|La raffinerie Columbia Aquila à Ploieşti après le bombardement.]]

La [[Seconde Guerre mondiale]] fut marquée par le [[blitzkrieg]], stratégie très exigeante en carburants pour les transports de troupes, les chars et les avions ; l'Allemagne manque toujours cruellement d'accès au pétrole. Au début des années 1930, {{Ancre|Deterding}}[[Henri Deterding]] ([[Shell (entreprise)|Shell]]), rêvant de [[Bakou]], rencontre [[Adolf Hitler]], avec lequel il étudie un plan d'approvisionnement de l'Allemagne en pétrole ; mais en 1936, il est contraint à la démission. [[Torkild Rieber]] ([[Texaco]]) prend immédiatement le relais. L'Allemagne n'a pas d'argent ; qu'importe, il se fera payer en [[pétrolier]]s, et alimentera l'Allemagne jusqu'en 1940. Lui aussi sera écarté par son conseil d'administration en août 1940. À cette date, l'Allemagne n'a plus que les champs de son nouvel allié [[Roumanie|roumain]] : les Alliés [[Opération Tidal Wave|bombarderont]] les raffineries de [[Ploieşti]] de multiples fois<ref>{{en}} [http://www.roconsulboston.com/Pages/InfoPages/History/PloestiFrstPersn.html Bombardements de Ploiesti]</ref> à partir de 1943, mais aussi les sites d'essence synthétique<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://orbat.com/site/sturmvogel/ussbsnat.html|site=orbat.com|titre=The How and Why Air Attacks Crippled the German Oil-Chemical Industry|auteur=Ravi Rikhye|consulté le=23 septembre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20120521072812/http://orbat.com/site/sturmvogel/ussbsnat.html|archive-date=21 mai 2012|brisé le=6 août 2018}}</ref>.

{{Article détaillé|Bombardements stratégiques alliés contre les ressources pétrolières de l'Axe}}

Le pétrole devient l'affaire de tous les belligérants : le Royaume-Uni instaure le [[Petroleum Warfare Department]] pour gérer l'approvisionnement, alors que les sous-marins allemands ont coupé les îles britanniques de ses points de production coloniaux.

En 1941, [[Rachid Ali al Gaylani|Rachid Ali]], favorable aux Allemands, tente de prendre le pouvoir en Irak, et coupe l'oléoduc d'Haïfa. Les Britanniques réagissent rapidement, [[Guerre anglo-irakienne|prennent le contrôle]] de l'Irak, puis de la [[Campagne de Syrie (1941)|Syrie]] contre l'[[armée de Vichy]]. L'[[Invasion anglo-soviétique de l'Iran|opération Countenance]] conjointe entre l'[[Armée rouge]] et l'armée britannique sécurise le [[corridor Perse]] pour le transport de matériel, mais également le pétrole iranien et la raffinerie d'[[Abadan]]. Cette opération est vécue comme une invasion, avec de nombreux morts côté iranien. En septembre 1941, Hitler n'a plus aucun espoir d'accès au pétrole du Moyen-Orient. Alors c'est la course vers le [[Caucase#Histoire|Caucase]] et les champs de [[Bakou]]. Les Allemands prendront la raffinerie de Maikop<ref>{{Lien web|url=https://www.youtube.com/watch?v=Ot88ZNgi5zY|site=youtube.com|titre=Wehrmacht advancing in Caucasus (Oct 1942)|id=extrait video|année=1942|consulté le=6 octobre 2009}}</ref>, mais [[Bataille de Stalingrad|Stalingrad]] est la clé de la Caspienne ; la [[Wehrmacht]] et l'[[Armée rouge]] y perdront près d'un million de soldats, et en dépit de ce film frappant où ses généraux offrent la Caspienne à Hitler en {{Ancre|gateau}}gâteau<ref>{{Lien web|url=https://www.youtube.com/watch?v=rGzEs3K66hA|site=youtube.com|titre=Gâteau de Hitler : la Caspienne et Bakou|id=extrait video|année=1942|date=2008|consulté le=6 octobre 2009}}</ref>, celui-ci ne mettra jamais la main sur le pétrole de [[Bakou]]. Cet échec marquera le tournant de la guerre, et la pénurie de carburant contribuera à la défaite allemande.

En juillet 1940, les États-Unis, qui contrôlaient 80 % du pétrole consommé par le Japon, décrètent un embargo pétrolier partiel, puis total en juillet 1941<ref>{{Ouvrage|nom1=Cédric de Lestrange, Christophe-Alexandre Paillard, Pierre Zelenko|titre=Géopolitique du pétrole : un nouveau marché, de nouveaux risques, des nouveaux mondes|lieu=Paris|éditeur=Editions Technip|année=2005|pages totales=259|passage=196|isbn=978-2-7108-0853-4|lccn=2005543357|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=ex9r0Kr-LDcC&printsec=frontcover|consulté le=novembre 2009}}</ref> à l'encontre de l’[[Empire du Japon]] ; celui-ci avait prévu cette éventualité en stockant l'équivalent de deux années de consommation<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://ibiblio.org/hyperwar/USA/USA-P-Strategy/Strategy-2.html|titre=Japanese Policy and Strategy, 1931-July 1941|site=ibiblio.org/index.html|consulté le=11 octobre 2009}}</ref>. Le Japon attaquera à [[Pearl Harbor]] le 7 décembre suivant. Le 17, les forces japonaises occupent [[Miri]], un champ pétrolifère dans le nord du [[Sarawak]], et rapidement la totalité des sites pétroliers de [[Bornéo]], avec le [[Bataille de Tarakan (1942)|massacre de Tarakan]] le 11 janvier 1942. Un scénario similaire se reproduit en avril 1942 à la raffinerie de [[Yenangyaung]], cette fois-ci les saboteurs s'échapperont.

Le développement industriel des États-Unis pour toutes les armes est gigantesque. Pendant la période de guerre, ils construisent 500 [[pétrolier T2|pétroliers T2]], de tonnage inégalé par les autres nations. L'approvisionnement en carburant des divisions déployées pour la conquête de l'Europe après le [[Jour J]] fut assuré par l'[[opération PLUTO]], consistant au déploiement de plusieurs pipelines transmanche.

==== Après-guerre ====
[[Fichier:Franklin D. Roosevelt with King Ibn Saud aboard USS Quincy (CA-71), 14 February 1945 (USA-C-545).jpg|thumb|Roosevelt et Ibn Saoud, photo prise en Égypte en février [[1945]] à bord d'un bâtiment de l'US Navy.]]
L'[[après-guerre]] commence à [[Conférence de Yalta|Yalta]]<ref>{{Lien web|url=https://www.youtube.com/watch?v=0aYjRle2m_Q|site=youtube.com|titre=Yalta Conference: (Feb. 1945), World War II Allied leaders|année=1945|extrait=extrait vidéo|consulté le=6 octobre 2009}}</ref>, le 11 février 1945 : les États-Unis sortent leader du monde libre, les vieilles puissances coloniales sont en cendres et l'ours russe qui a subi 20 millions de morts est complètement exsangue. Roosevelt occupe le terrain, comblant la carence des puissances continentales trop faibles pour le faire. À peine sorti de la conférence, Roosevelt convoque [[Abdelaziz ben Abderrahman ben Fayçal al-Saoud|Ibn Saoud]] sur le Quincy<ref>{{Lien web|url=https://www.youtube.com/watch?v=jssvM9fqufY|site=youtube.com|titre=FDR Confers w/Middle East Chiefs 1945/2/21|année=1945|format électronique=vidéo|consulté le=6 octobre 2009}}</ref> et lui offre une coopération permettant l'exploitation des champs pétrolifères par les « majors » américaines<ref>{{Lien web|url=http://www.opa-conseils.fr/Fichiers/PDF/arabie_saoudite_conference_17102002.pdf|site=opa-conseils.fr|titre=L’islamisme saoudien à la lumière du 11 septembre|auteur=Antoine Basbous|date=17|année=2002|mois=10|page=3|consulté le=29 septembre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20071014092830/http://www.opa-conseils.fr/Fichiers/PDF/arabie_saoudite_conference_17102002.pdf|archive-date=14 octobre 2007|brisé le=6 août 2018}} {{pdf}}</ref>, en application du tout récent accord anglo-américain. Cette coopération est assortie d'une protection militaire ; ce [[Pacte du Quincy|pacte dit « du Quincy »]] durera jusqu'à la fin du siècle, et sera le socle de la politique pétrolière américaine au Moyen-Orient. La société commune s'appellera dorénavant l'[[Saudi Aramco|Arabian American Oil Company]] (Aramco, aujourd'hui [[Saudi Aramco]]).

Les [[plan Marshall|plans Marshall]] évitent la terrible erreur de 1919 : les États-Unis avaient déjà à l'époque souligné que les conditions léonines imposées à l'Allemagne conduiraient à une nouvelle guerre. Mais deux choses resteront interdites aux perdants : une armée, et une compagnie pétrolière. {{unité|60|ans}} plus tard, le Japon et l'Allemagne, géants économiques, sont toujours des nains pétroliers. Les États-Unis inventent la théorie de l'[[endiguement]], puis celle du [[rollback (politique)|rollback]] qui l'entraîneront dans la [[guerre du Viêt Nam]].

La [[décolonisation]] est en route à marche forcée : pratiquement tout le continent africain retrouve sa liberté entre 1945 et 1980, dans des conditions paisibles ou sanglantes. À chaque fois, la puissance partante cherche à maintenir les relations commerciales comme aux [[accords d'Évian]] ; les régimes mis en place sont fréquemment favorables aux intérêts des Européens. Le Royaume-Uni avait inventé le [[Commonwealth of Nations|Commonwealth]] en 1920, la France invente la [[Françafrique]], plus critiquée. Fréquemment, les frontières artificielles des pays telles que la [[Ligne Durand]], mises en place par des diplomates européens qui ignoraient ou écartaient les réalités locales, posent problème. Le [[Kurdistan]], pays partagé entre trois puissances régionales, et très riche en pétrole, n'aura pas le droit d'exister. En [[Angola]], le [[Cabinda]] riche en pétrole<ref>{{Lien web|langue=en
|url=https://www.washingtonpost.com/wp-adv/specialsales/spotlight/angola/article12.html|titre=Cabinda: Oil – Block Buster|éditeur=The Washington Post|consulté le=22 octobre 2009}}</ref> réclame son indépendance pendant des années, sans succès ; la guerre civile en Angola durera de 1975 à 1991. Au [[Nigeria]], futur premier [[Économie du Nigeria#Exploitation pétrolière|producteur africain]] de pétrole, la [[guerre du Biafra]] fait un million de morts ; les Français inventent les « [[Médecins sans frontières|French doctors]] », mais aussi le « [[droit d'ingérence]] ». Dans tous ces pays, l'exploitation du pétrole est parfois ralentie par les guerres, mais elle continue, essentiellement pour le compte de l'[[Organisation de coopération et de développement économiques|OCDE]]. On invente la « [[malédiction des ressources naturelles|malédiction pétrolière]] »<ref>{{Lien web|url=http://www.unmondelibre.org/Archives_Articles?q=node/437|site=unmondelibre.org|titre=La "malédiction du pétrole" en Afrique|auteur=Hicham El Moussaoui|date=27|année=2008|mois=mai|consulté le=26 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20110928034752/http://www.unmondelibre.org/Archives_Articles?q=node%2F437|archive-date=28 septembre 2011|brisé le=6 août 2018}}</ref> et la « [[maladie hollandaise]] ».

En 1952, la [[Federal Trade Commission]] procède à une enquête complète sur les pratiques commerciales des compagnies pétrolières ; l'enquête révèle entre autres les multiples participations croisées entre les majors<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/Petroleum/ftc2.htm|site=mtholyoke.edu|titre=The International Petroleum Cartel, Chapter 2, ''Concentration of Control of the World Petroleum Industry'', pp. 21-36.|année=1952|consulté le=29 octobre 2009}}</ref>, qui font échec à la réglementation anti-trust. Un courrier de [[J. Edgar Hoover]] signale que l'exploitation de ce dossier serait favorable à la propagande soviétique<ref>{{Lien web|url=http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/Petroleum/hoover.htm|site=mtholyoke.edu|titre=Report of John Edgar Hoover (Director, Federal Bureau of Investigation) to the Acting Attorney General relative to the Report of the Federal Trade Commission on the International Petroleum Cartel-May 7, 1952. |date=7|année=1952|mois=mai|consulté le=29 octobre 2009}}</ref> ; le président [[Harry S. Truman]] demande alors l'interruption de l'enquête criminelle<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.mtholyoke.edu/acad/intrel/Petroleum/hst.htm|site=mtholyoke.edu|titre=Letter of President Harry S. Truman to Attorney General James P. McGranery Terminating the Criminal Proceedings Against the International Oil Cartel, January 12, 1953.|auteur=Harry S. Truman|date=12|année=1953|mois=janvier|consulté le=29 octobre 2009}}</ref>, de sorte que les compagnies pétrolières ne subissent finalement aucune conséquence.

==== Le poids de l'or ====
{{Ancre|aramcocoin}}Aramco paye, dès 1944, des redevances en or à l'État saoudien. Les différences de cours importantes de l'or entre Londres et Djeddah ont incité l'État saoudien à exiger des paiements en métal précieux. Ces paiements, de l'ordre de {{unité|35|dollars}} l'[[Once (unité)|once]], au fur et à mesure de l'augmentation de la production saoudienne, contribuent à vider les réserves américaines, et participent à la faiblesse du dollar. À partir de 1950, le gouvernement saoudien exige une amélioration des conditions commerciales ; les partenaires trouvent le moyen d'imposer Aramco en Arabie saoudite, et non plus aux États-Unis : entre 1950 et 1951, les paiements d'Aramco au gouvernement saoudien passent de 46 à {{unité|110|millions}} de dollars, tandis que les impôts payés aux États-Unis passent de 50 à {{unité|6|millions}}. Le pays le plus capitaliste du monde subventionne son industrie la plus riche<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Ed|nom1=Shaffer|titre=The United States and the control of world oil|éditeur=Croom Helm|année=1986|mois=septembre|passage=100|isbn=|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=NL8OAAAAQAAJ&printsec=frontcover|consulté le=octobre 2009}}</ref>.

==== Ghawar, le géant ====
En 1948, on découvre [[Ghawar]]<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Louise S.|nom1=Durham|titre=The Elephant of All Elephants|périodique=American Association of Petroleum Geologists|mois=janvier|année=2005|url texte=http://www.aapg.org/explorer/2005/01jan/ghawar.cfm|consulté le=octobre 2009}}</ref> — ou plutôt, on commence à le découvrir, il faudra attendre 1959 pour percevoir la véritable étendue de ce gisement. Long de {{unité|270|km}}, c'est une « mer » de pétrole, de très loin le plus grand gisement du monde, qui à cette date aurait suffi à fournir la moitié de la consommation de la planète. L'Arabie saoudite n'est plus un pays, c'est un trésor stratégique. À partir de 1949, la production intérieure des États-Unis ne suffit plus à sa consommation ; l'Arabie saoudite devient l'État le plus nécessaire à sa sécurité énergétique, et à sa richesse, en dehors de son territoire. La découverte de ce gisement géant, qui pendant plusieurs décennies fournira à lui seul de 5 à 10 % de la consommation mondiale (c'est toujours le cas en 2008), convaincra à nouveau les compagnies pétrolières que la surproduction est leur problème majeur, justifiant le cartel.

==== La CIA, arme à double tranchant ====
La démarche [[Anticolonialisme|anticolonialiste]] des États-Unis favorise le démembrement des vieux empires<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Donald|nom1=Cameron Watt|titre=Succeeding John Bull|sous-titre=America in Britain's place, 1900-1975|lieu=Cambridge|éditeur=[[Cambridge University Press]]|année=1984|numéro d'édition=1|pages totales=302|passage={{Citation|Quand nous aurons gagné la guerre, je travaillerai de toutes mes forces pour que les États-Unis ne soient contraints à accepter aucun plan susceptible de favoriser les ambitions impérialistes de la France ou du Royaume-Uni. F. D. Roosevelt.}} p. 222|isbn=978-0-521-25022-1|lccn=83007813|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=vQE9AAAAIAAJ&printsec=frontcover|consulté le=octobre 2009}}</ref>. À l'opposé, la [[Central Intelligence Agency|CIA]], créée en 1947, aura une influence sur le maintien, et parfois l'installation au pouvoir, de régimes favorables aux États-Unis. La création, puis le soutien de l'État d'[[Israël]], le comportement des compagnies pétrolières, les actions de la [[CIA]] sont mal vécus par les dirigeants et les populations des pays producteurs, au Moyen-Orient et ailleurs. Après « [[indépendance (politique)|indépendance]] », le mot d'ordre devient vite « [[nationalisation]] », qui fait violemment réagir les États-Unis. Ils inventent la « [[dénégation plausible]] ». L'Iran, qui conserve un mauvais souvenir du [[corridor perse]], nationalise ses gisements, et c'est l'affaire [[Mossadegh]], déposé grâce à l'[[opération Ajax]] en 1953, et l'embargo sur le pétrole iranien ; on retrouve Torkild Rieber<ref>M. A. Oraizi,. Amérique, pétrole, domination : une stratégie globalisée: Tome 3, Apocalypse des dieux pétroliers. L'Harmattan, 2012 p. 60. {{ISBN|978-2-296-96287-3}}.</ref>, nommé aux côtés de Mossadegh juste avant l'opération. Elle sera niée par les États-Unis pendant des décennies, et finalement reconnue par le président [[Obama]] en 2009. Le Shah, déjà installé de force par les Alliés en 1941, sera à nouveau imposé de force à son propre pays, et les conditions de fonctionnement seront imposées au Shah. Au nombre des déboires de la CIA, on peut citer la [[surprise d'octobre]] et son corollaire, l'[[affaire Iran-Contra]] ; dans l'[[affaire Plame-Wilson]], [[Lewis Libby]] sera condamné à {{unité|30|mois}} de prison. L'incapacité à prévoir et empêcher les attentats du 11-Septembre a été considéré comme un échec de la CIA<ref>{{Ouvrage|langue=en|nom1=Gerald L. Posner|titre=Why America slept : the failure to prevent 9/11 Par|sous-titre=les mémoires d'un guerrier de l'ombre sur les fronts de l'islamisme|éditeur=[[Random House]]|année=2003|mois=septembre|pages totales=241|isbn=978-0-375-50879-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=GbPrAAAAIAAJ&dq=Why+America+slept%3A+the+failure+to+prevent+9%2F11|consulté le=février 2010}}</ref>.

==== L'opposition ====
La [[crise du canal de Suez]]<ref>nationalisation du canal annoncée par [[Gamal Abdel Nasser|Nasser]] : notamment, point de passage obligé pour l'approvisionnement de l'Europe.</ref> en 1956 manifeste la faiblesse diplomatique de la France et du Royaume-Uni et consacre les deux Grands en pleine coopération comme maîtres du jeu. Les carburants seront rationnés en France de novembre 1956 à juillet 1957. La crise révèle aussi l'émergence d'une capacité politique au Moyen-Orient. En 1960, Iran, Irak, Koweït, Arabie saoudite et Venezuela créent l’OPEP, [[Organisation des pays exportateurs de pétrole]]. Plusieurs pays du Moyen-Orient se rapprochent de l'[[URSS]], qui leur vend des armes. Malgré une première tentative d'embargo pétrolier en 1967 lors de la [[guerre des Six Jours]] et la [[résolution de Khartoum]], l'action de l'OPEP restera sans résultat jusqu'en 1971. <!--En 1968, le Koweit, la Libye et l'Arabie saoudite créent l'[[Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole]], avec une vision plus conservatrice que les partenaires de l'OPEP - vraisemblablement pro-occidentale ; cette vision a beaucoup évolué depuis.!--> En 1953, l'[[Agip]], privée d'accès aux gisements, est sauvée de la fermeture par la découverte d'un gisement gazier dans la [[plaine du Pô]]. Devenue l'[[Ente nazionale idrocarburi|ENI]], elle survit en proposant aux pays exportateurs des conditions meilleures que le Cartel. Son président [[Enrico Mattei]] disparaîtra prématurément en octobre 1962, dans un accident d'avion resté [[L'Affaire Mattei|mystérieux]].

==== Des individualités puissantes ====
La géopolitique est souvent le fait d'un tout petit nombre d'individus, que l'histoire retient ou pas selon leur flamboyance. On ne peut nier l'impact profond et durable de [[John D. Rockefeller]] ([[Exxon]]) et [[Henri Deterding]] ([[Shell (entreprise)|Shell]]), avec des côtés clairs, sombres ou dissimulés. [[Calouste Gulbenkian]], qui connaissait Alexandre Mantashev, fut un artisan central de la politique mondiale. Plus tard, [[Mouammar Kadhafi]] et [[Enrico Mattei]], dans deux genres très différents, seront les déclencheurs de la révolte des pays producteurs ; si l'un échappe à la mort jusqu'en 2011, l'autre périt prématurément dans un accident d'avion. [[Ahmed Zaki Yamani|Sheikh Yamani]] personnalise aussi bien la pondération que le terrorisme, selon les observateurs ; enfin, il est possible que le nom de [[Dick Cheney]] reste associé à l'histoire du pétrole, mais l'histoire se lit à distance.

=== 1971-2001 : chocs et guerres ===
Fin 1970, [[Mouammar Kadhafi]], qui vient de prendre le pouvoir en Libye, contraint les compagnies à accepter une augmentation du prix du baril. Cette nouvelle choque les gros producteurs, qui ont surtout subi des baisses de tarif depuis 1960. En [[1971]], les États-Unis, déjà importateurs nets de pétrole depuis 1949, voient leur production domestique décliner pour la première fois (pour ne jamais remonter), et se trouvent contraints d'importer des quantités inhabituelles de pétrole. Depuis plusieurs années, le dollar est mis sous pression, et le 15 août, c'est le « Nixon Shock », la révocation des [[Accords de Bretton Woods]] : l'équivalence or-dollar disparaît, et la valeur du [[Dollar américain|dollar]] faiblit immédiatement. Ces trois effets se conjuguent pour que les pays producteurs, toujours payés en dollars, se sentent floués trois fois, et ne cherchent plus qu'une bonne occasion pour augmenter les prix et réduire leurs productions. La [[guerre du Kippour]] leur donnera cette occasion. L'influence de l'économie sur le pétrole, et particulièrement le cours du dollar, était masquée jusque-là par l'équivalence or-dollar ; à partir du Nixon Shock, le cours du baril ne pourra s'analyser sans analyser le cours du dollar. Les pays du Sud parlent de la [[dégradation des termes de l'échange]].

La [[réserve stratégique de pétrole]] américaine est instaurée dès 1975. À l'issue des deux chocs pétroliers, la majorité des pays de l'OCDE instaureront des réserves de pétrole stratégiques ; sous diverses formes, elles représentent fréquemment {{unité|3|mois}} d'importation d'un pays donné. En Europe, où les dégâts économiques dus à la faiblesse du dollar s'ajoutent au poids accru de la facture énergétique, on commence à se préoccuper d'économies d'énergie plus que de géopolitique ; la France imposera sa première limitation de vitesse sur autoroute ({{unité|120|km/h}}) en décembre 1973<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://www.securite-routiere.org/desinformation/AR2methode.htm|titre=Sécurité routière rappel|site=securite-routiere.org|consulté le=16 octobre 2009}}</ref>. Les États-Unis vont plus loin, avec une limitation de vitesse à 55 milles à l'heure (environ {{unité|88|km/h}}, toujours en vigueur en 2009) introduite en 1974, et la réglementation Corporate Average Fuel Economy (CAFE)<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.nhtsa.dot.gov/portal/site/nhtsa/menuitem.d0b5a45b55bfbe582f57529cdba046a0/|site=nhtsa.dot.gov|titre=Corporate Average Fuel Economy (CAFE)|auteur institutionnel=National Highway Traffic Safety Administration|consulté le=16 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20091005002705/http://www.nhtsa.dot.gov/portal/site/nhtsa/menuitem.d0b5a45b55bfbe582f57529cdba046a0|archive-date=5 octobre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref> en 1975.

==== 1979-1980, l'année de toutes les erreurs ====
Le [[Mohammad Reza Pahlavi|Shah d'Iran]], qui a annoncé en 1973 ne pas reconduire les accords pétroliers en 1979, et qui commerce de façon croissante avec d'autres partenaires que les États-Unis, n'est plus leur favori ; ceux-ci commencent à envisager de soutenir une révolte religieuse au sein des républiques du sud de l'URSS ; la solution islamique paraît envisageable, et quand le [[Mohammad Reza Pahlavi|Shah]] est renversé, les États-Unis ne réagissent pas. La [[Révolution iranienne#Khomeyni prend le pouvoir|révolution iranienne]] porte l'ayatollah [[Rouhollah Khomeini|Khomeini]] au pouvoir le 11 février 1979, entraînant une cascade d'événements graves.

Le 20 novembre 1979, des fondamentalistes s'emparent de la [[Prise de la Grande Mosquée de La Mecque|Grande Mosquée de La Mecque]] en prenant des otages ; la répression de cette insurrection, qui fera des centaines de morts, aura un énorme retentissement dans le monde musulman. Le gouvernement saoudien, déjà critiqué pour ses liens avec les États-Unis et le non-respect de la [[Charia|loi coranique]], sera contraint de porter une attention accrue au fondamentalisme.

[[Fichier:Gascoupon.png|thumb|En [[1979]], lors du [[deuxième choc pétrolier]], des coupons de [[rationnement]] d'essence avaient été préparés par le [[département de l'Énergie des États-Unis]]; ils ne furent pas émis.]]
Le 27 décembre 1979, les Russes, toujours à la recherche d'une ouverture vers le sud, et profitant de l'embarras des Américains occupés par la [[Crise iranienne des otages|prise de leur ambassade]], entrent en [[Afghanistan]]. Cette occupation militaire fera des milliers de morts, et contribuera à l'effondrement de l'URSS.

Le 22 septembre 1980, [[Saddam Hussein]], inquiet des appels à la révolution islamique lancés par Khomeini, envahit l'Iran. Cette guerre fera un million de victimes, sans aucun gain pour l'agresseur, si ce n'est des ennuis ultérieurs.

L'ensemble de ces événements, auquel s'ajoutera une gestion parfois incohérente de la crise (le président Carter décrétera un [[Crise iranienne des otages#La réponse de Jimmy Carter|embargo]] sur le pétrole iranien, [[Opération Eagle Claw]], inflation délibérée), conduira au [[deuxième choc pétrolier]]. L'augmentation en flèche du prix du baril accompagnée d'un fléchissement du PIB mondial suscite énormément de préoccupations à l'échelle internationale. Dans la pagaille, le Canada coupera même sa fourniture de pétrole à son puissant voisin<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.eia.doe.gov/cabs/AOMC/7079.html#a1979|site=eia.doe.gov|titre=Annual Oil Market Chronology|auteur=EIA/DoE|consulté le=14 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20090228152846/http://eia.doe.gov/cabs/AOMC/7079.html#a1979|archive-date=28 février 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>. Pour la première fois de son histoire, l'OCDE craint de manquer de pétrole. Et pour la première fois, les pays producteurs ont l'impression de contrôler le marché. Toujours en 1980, l'Arabie saoudite achève le rachat des actions d'Aramco.

Pendant deux ans, la production de l'OPEP reste faible et le pétrole cher ; l'URSS devient le premier producteur mondial, et les États-Unis se rendent compte qu'ils contribuent à enrichir leur principal ennemi. Le manche a-t-il changé de mains ?

[[Fichier:Nominalrealoilprices1968-2006.png|thumb|Cours du baril en dollars courants et constants]]
Certainement pas : à partir de 1983, les États-Unis reprennent l'initiative, et parviennent à convaincre l'Arabie saoudite et le Koweït de réaugmenter leur production pétrolière. Immédiatement, d'autres pays producteurs, craignant de voir leur part de marché disparaître, lui emboîtent le pas, et se produit le cauchemar que les compagnies pétrolières avaient tant peiné à éviter pendant un siècle, la surproduction à l'échelon mondial, avec le « contre-choc pétrolier » de [[1986]]. Les robinets grand ouverts, rien ne fera remonter le cours du baril pendant {{unité|20|ans}}. Sur le plan militaire, à partir de 1984 les États-Unis apportent tout leur soutien à l'Irak, et poussent l'Arabie saoudite à en faire autant. Ils fournissent également de l'argent et des armes (dont les fameux [[FIM-92 Stinger|stingers]]) aux [[Moudjahid|Moudjahidins afghans]].

L'Iran et l'Irak, qui s'asphyxient l'un l'autre avec la guerre des tankers, ruinés par l'effondrement des cours, sont contraints à l'armistice en août 1988. Février 1989 voit les troupes russes quitter l'Afghanistan, en novembre le [[mur de Berlin]] tombe, préfigurant l'effondrement de l'Union soviétique (1991).

==== 1989, nouvel ordre mondial ====
[[Fichier:USAF F-16A F-15C F-15E Desert Storm pic.jpg|thumb|Opération [[Tempête du désert]] (1991) : avions de la coalition survolant des [[puits de pétrole]] incendiés par les troupes irakiennes lors de leur retraite.]]

Au [[sommet de Malte]] en décembre 1989, [[Gorbatchev]] et [[George H. W. Bush|Bush]] échangent de pieux sentiments, on y parle d'échange, de coopération et de règlement des problèmes, le [[Nouvel ordre mondial (relations internationales)|Nouvel ordre mondial]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.sweetliberty.org/issues/war/bushsr.htm|site=sweetliberty.org|titre=Toward a New World Order|prénom1=George Herbert Walker|nom1=Bush|date=11|mois=1990|consulté le=12 octobre 2009}}</ref> a un arrière-goût de [[Société des Nations]]. Mais il n'en est rien, les États-Unis sortent de la [[guerre froide]] en [[hyperpuissance (politique)|hyperpuissance]] unique, et cela change tout.

Saddam Hussein ne l'a pas compris. En 1990, il envahit le Koweït, ce qui donne une excellente occasion aux États-Unis de retrouver au Moyen-Orient le « deuxième pied » qui leur manquait depuis l'échec iranien. Ils feront d'une pierre deux coups, leur réplique ne sera <!-- trop long, conserver pour spin-off. Ruiné par huit ans de guerre et l'effondrement des cours, il demande des subsides aux États-Unis et à l'Arabie saoudite. Celle-ci refuse, trop heureuse de la faiblesse de ce remuant voisin. Les États-Unis refusent aussi, ils ont déjà d'autres plans pour lui. S. Hussein, ulcéré du comportement du Koweit, l'un des pays qui contribuent le plus aux excès de production, menace plusieurs fois en public de l'envahir<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://afa.at/histomun/HISTOMUN2008-Paper-Kuwait.pdf|titre=Preparation Paper Security Council 28 November 1990 Decision on Kuwait|auteur=Academic Forum for Foreign Affaires - Austria|année=1990|mois=novembre|site=afa.at|consulté le=13 octobre 2009}} {{pdf}}</ref> - rappelons que ce petit pays lui bouche l'accès au Golfe. Le 25 juillet 1990, après avoir massé des troupes à la frontière au vu et au su de tous, il convoque April Glaspie, l'ambassadeur américaine à Bagdad<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.mail-archive.com/ugandanet@kym.net/msg10082.html|titre=Minutes of Saddam Hussein and April Glaspie|date=25|année=1990|mois=juillet|site=mail-archive.com|consulté le=13 octobre 2009}}</ref> ; l'invasion est évoquée, mais les États-Unis ne réagissent pas. Le 2 août, c'est l'invasion, qui donne une excellente occasion aux États-Unis de retrouver un « deuxième pied » au Moyen-Orient. Qui va s'y opposer ? Certainement pas la Russie, en pleine déroute ; ni les membres de l'OCDE, qui vont docilement [[Chronologie de la Guerre du Koweït#Vote de l'ultimatum par le Conseil de sécurité|participer]] à la démarche. La France, qui bénéficiait d'une position commerciale enviable en Irak, va trébucher (démission de [[Jean-Pierre Chevènement]]), mais c'était [[Jacques Chirac|Chirac]] l'ami de S. Hussein<ref>{{Lien web|url=http://www.ina.fr/video/CAB7501119901/saddam-hussein-et-chirac-cooperation-nucleaire-entre-france-et-irak.fr.html|titre=Saddam HUSSEIN et CHIRAC-coopération nucléaire entre France et Irak|date=8|année=1975|mois=septembre|site=ina.fr|citation=extrait vidéo|consulté le=13 octobre 2009}}</ref>, pas [[François Mitterrand|Mitterrand]] : la France participera à la coalition qui écrasera l'armée irakienne en quinze jours.--> pas une guerre, mais une démonstration de puissance politique, logistique et militaire. Les États-Unis rassemblent [[Guerre du Golfe (1990-1991)#Effectifs des belligérants|33 pays]], déplacent {{unité|500000|hommes}}, inventent la guerre télévisée, et ne perdent « que » {{unité|240|soldats}}. Début 1991, les choses n'ont jamais été aussi claires.

[[Fichier:AnschalgInZahran1996 KhobarTower.jpg|left|thumb|L'attentat des Tours Khobar en 1996 manifeste le rejet des troupes américaines sur le sol saoudien.]]

La disparition de l'URSS laisse un énorme vide dans la conception même de la défense américaine ; [[Paul Wolfowitz]] et [[Dick Cheney]] occupent ce vide en proposant une nouvelle politique de défense pour les États-Unis, qui comprend 7 scénarios d'intervention militaire ; en premier lieu, une nouvelle invasion de l'Irak<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Patrick E.|nom1=Tyler|titre=7 Hypothetical Conflicts Foreseen by the Pentagon|périodique=[[The New York Times]]|jour=17|mois=février|année=1992|url texte=https://www.nytimes.com/1992/02/17/world/7-hypothetical-conflicts-foreseen-by-the-pentagon.html?scp=5&sq=iraq+war+scenario&st=nyt|consulté le=octobre 2009}}</ref> ; ils accompagnent une nouvelle doctrine prônant d'empêcher l'émergence de concurrents capables de défier l'autorité des États-Unis<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Patrick E.|nom1=Tyler|titre=US Strategy plan calls for insuring no rivals develop|périodique=The New York Times|jour=8|mois=mars|année=1992|url texte=https://www.nytimes.com/1992/03/08/world/us-strategy-plan-calls-for-insuring-no-rivals-develop.html|consulté le=octobre 2009}}</ref> ; les Européens emploient souvent le terme « Unilatéralisme », qui traduit mal la gravité des propositions qui seront avancées par le [[Project for the New American Century|Projet pour le Nouveau Siècle Américain]] (PNAC).

La prise de la mosquée n'a peut-être pas été suffisamment prise en compte par les États-Unis ; à l'issue de la [[Guerre du Golfe (1990-1991)]]
, de nombreuses troupes restent sur le sol saoudien, ce qui choque les fondamentalistes ; l'attentat des [[tours de Khobar]], réalisé essentiellement par des citoyens saoudiens<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://fl1.findlaw.com/news.findlaw.com/hdocs/docs/khobar/khobarindict61901.pdf|site=fl1.findlaw.com|titre=Conspiracy to Kill United States Nationals -v- (18 U.S.C. § 2332(b))|année=2001|mois=juin|consulté le=25 octobre 2009}} {{pdf}}</ref>, fait {{unité|19|morts}} et matérialise ce rejet des troupes américaines.

[[Fichier:CAFE vs Gas Price 2008.png|thumb|La consommation moyenne des véhicules neufs aux États-Unis s'améliore jusqu'en 1986, puis stagne jusqu'en 2005]]
À partir de 1973, la convergence des intérêts des pays de l'OCDE perdra son acuité ; d'un côté, on trouvera les pays européens et le Japon, qui tenteront de respecter une certaine neutralité au Moyen-Orient ; de l'autre, les États-Unis, qui continuent de soutenir Israël, et plus favorables aux actions directes. À partir de 1986, cette différence va se creuser, les Européens se lançant dans une véritable politique de réduction de leur dépendance au pétrole, basée sur l'augmentation graduelle mais continue des taxes sur les carburants, et des contraintes s'appliquant aux fabricants d'automobiles pour diminuer la consommation moyenne du parc de véhicules ; cette politique est efficace, puisque la consommation de pétrole en Europe va stagner jusqu'à nos jours (2010). Cette politique pourrait être résumée par la phrase de Fatih Birol, directeur de l'[[Agence internationale de l'énergie|AIE]] : « Nous devons abandonner le pétrole avant qu'il ne nous abandonne »<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Steve|nom1=Connor|titre=Warning: Oil supplies are running out fast|périodique=[[The Independant]]|jour=3|mois=août|année=2009|url texte=https://www.independent.co.uk/news/science/warning-oil-supplies-are-running-out-fast-1766585.html}}</ref>. Au contraire, les États-Unis ne feront plus d'efforts pour améliorer les valeurs « CAFE »<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.nhtsa.dot.gov/cars/rules/cafe/overview.htm|titre=CAFE Overview|éditeur=NHTSA|consulté le=19 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20061205030159/http://www.nhtsa.dot.gov/cars/rules/cafe/overview.htm|archive-date=5 décembre 2006|brisé le=6 août 2018}}</ref> ; les véhicules utilitaires sport (« SUV » en anglais) bénéficient même d'une dérogation.

Sur d'autres terrains, l'évanouissement de l'URSS ouvre le jeu, et des territoires entiers qui étaient interdits avant 1989 font à nouveau l'objet de convoitises - y compris de vieilles connaissances.

==== Le pétrole de la Caspienne refait surface ====
L'Occident avait quitté Bakou en 1918, et sa jeune étoile avait vite faibli devant les découvertes immenses du Moyen-Orient. La débauche d'hydrocarbures avait de quoi faire rêver : à Bakou, le sous-sol est tellement riche que les mouvements de sol génèrent des « [[Volcan de boue|volcans de boue]] », étranges éruptions d'une boue mélangée d'hydrocarbures qui s'enflamment spontanément<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/1626310.stm|titre=Azeri mud volcano flares|auteur=Clare Doyle|date=29|année=2001|mois=octobre|site=news.bbc.co.uk|éditeur=BBC|consulté le=16 octobre 2009}}</ref>. Ces « volcans » ont toujours existé dans cette région, comme l'atteste [[Lionel Dunsterville|Dunsterville]] en 1918. D'autres régions du monde connaissent également ce phénomène, avec la catastrophe de [[Volcan de boue de Sidoarjo|Sidoarjo]]<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.boston.com/bigpicture/2008/06/sidoarjos_manmade_mud_volcano.html|site=boston.com|titre=Sidoarjo's Man-made Mud Volcano, nombreuses photos du site|auteur=Alan Taylor|date=11|année=2008|mois=juin|consulté le=16 octobre 2009}}</ref> en Indonésie. Au-delà de cet aspect spectaculaire, la carte ci-contre manifeste la densité de gisements d'hydrocarbures, qui n'est pas sans rappeler le Moyen-Orient. Géologiquement, l'Asie Centrale, de Bakou à [[Samarcande]], est prometteuse, comme l'attestent aussi bien des phénomènes comme [[Darvaza]], que les exploitations en cours. {{unité|70|ans}} plus tard, le potentiel de la Caspienne est à peine exploité.

[[Fichier:Caspian sea oil gas-2001.jpg|thumb|Oléoducs et gazoducs en Asie centrale, 2001.]]Contrairement au Moyen-Orient, où le pétrole est fréquemment proche d'un port, la Caspienne est très éloignée à la fois des ports, et des centres de consommation. Le seul moyen de commercialiser de grandes quantités de pétrole, c'est de l'évacuer par oléoducs<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.sras.org/geopolitics_of_oil_pipelines_in_central_asia|site=sras.org|titre=From the Silk Road to Chevron: The Geopolitics of Oil Pipelines in Central Asia|auteur=James Fishelson|date=12|année=2007|mois=décembre|consulté le=27 octobre 2009}}</ref>. Déjà en 1906, le premier pipeline Bakou-[[Batoumi]], long de {{unité|800|km}}, transportait du kérosène vers la mer Noire et les marchés de l'ouest. En 1991, le trafic maritime à travers le Bosphore est déjà saturé, et on cherche d'autres tracés. Les États-Unis se dépêchent de faire des propositions<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.eia.doe.gov/emeu/cabs/caspgase.html|site=eia.doe.gov|titre=Caspian Sea Region: Natural Gas Export Options|auteur=EIA/DoE|consulté le=16 octobre 2009}}</ref> pour évacuer ce pétrole vers l'occident, afin de découpler les pays producteurs de l'Asie centrale d'un nouvel assujettissement à la Russie. {{Ancre|Clinton}}[[Bill Clinton]] lui-même se charge de la promotion<ref>{{Article|prénom1=Georges|nom1=Quioc|titre=La diversification énergétique s'accélère en Europe|périodique=Le Figaro|jour=15|mois=août|année=2008|url texte=http://www.lefigaro.fr/economie/2008/08/16/04001-20080816ARTFIG00062-la-diversification-energetique-s-accelere-en-europe-.php}}</ref> du projet [[Oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan]] (BTC), qui connaîtra une médiatisation étonnante : Elektra King {{Ancre|Marceau}}([[Sophie Marceau]]) en explique le tracé caucasien à [[James Bond]] ([[Pierce Brosnan]]) dans le film ''[[Le monde ne suffit pas]]''<ref>{{Lien web|url=https://www.youtube.com/watch?v=IgdjBrKBr6A|site=youtube.com|titre=Le Monde Ne Suffit Pas, extrait vidéo|année=1999|consulté le=16 octobre 2009}}</ref> (le tracé présenté est authentique)<ref>Les films de la série « James Bond » ont l'habitude d'être financés en partie par le biais de marques mises bien en évidence dans le cours du film.</ref>. Le BTC entrera en exploitation {{unité|6|ans}} plus tard<ref>{{Article|langue=en|titre=Giant Caspian oil pipeline opens|périodique=BBC Nexs|jour=25|mois=mai|année=2005|url texte=http://news.bbc.co.uk/2/hi/business/4577497.stm|consulté le=octobre 2009}}</ref>. Le Silk Road Strategy Act, qui autorise le gouvernement américain à soutenir les pays du « corridor est-ouest » qui leur sont favorables, et cite explicitement les pipelines, passe en 1999<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.govtrack.us/congress/billtext.xpd?bill=h106-1152|site=govtrack.us|titre=Silk Road Strategy Act of 1999|auteur=US Gov|date=3|année=1999|mois=août|consulté le=23 octobre 2009}}</ref>.

Simultanément, Centgas, un autre consortium mené par [[Unocal]], avec l'appui de la CIA et de [[Zalmay Khalilzad]], noue des relations avec les [[taliban]]s, après une tentative similaire de la part d'[[Enron]]. Plusieurs délégations de talibans se rendent aux États-Unis, et un accord est trouvé pour la construction d'un gazoduc, de [[Daulatabad]] au [[Turkménistan]] à [[Karachi]], en passant par [[Herat]], [[Kandahar]], et [[Quetta]] (projet TAP)<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.despardes.com/oscartango/2006/20061007-karzai-isi.html|site=despardes.com|titre=Karzai's ISI-CIA-Unocal Nexus|auteur=Irshad Salim|consulté le=21 octobre 2009}}</ref>. Mais les talibans exigent d'être reconnus par les États-Unis ; la guerre civile, puis les frappes américaines sur le pays interdisent tout financement privé, et Unocal abandonne le projet fin 1998, après avoir instamment réclamé au Congrès américain d'appuyer le processus de paix mené par les Nations unies en Afghanistan<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.serendipity.li/wot/wsap212982.htm|site=serendipity.li|titre=Testimony by John J. Maresca, vice president, international relations, Unocal Corporation, to House committee in international relations subcommitte on Asia and Pacific|auteur=John J. Maresca|date=12|année=1998|mois=février|consulté le=22 octobre 2009}}</ref>.

Au nord de la Caspienne, le Caspian Pipeline Consortium (CPC)<ref>[http://www.cpc.ru/portal/alias!press/lang!en-us/tabID!3357/DesktopDefault.aspx Caspian Pipeline Consortium] {{Lien archive|url=http://www.cpc.ru/portal/alias!press/lang!en-us/tabID!3357/DesktopDefault.aspx |titre=Copie archivée |horodatage archive=20180806135842 }} site officiel</ref> est en 2001 un succès de [[Chevron Corporation|Texaco]]<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/FD001303.pdf|titre=L’évolution de la politique américaine dans la région de la mer Caspienne|auteur=Annie Jafalian|éditeur=Ministère des Affaires Étrangères|consulté le=22 octobre 2009}} {{pdf}}</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.moonofalabama.org/2005/03/the_great_game.html|site=moonofalabama.org|titre=The Great Game|auteur=Jérôme à Paris|date=27|année=2005|mois=27|consulté le=22 octobre 2009}}</ref> malgré de grandes difficultés initiales<ref>[http://www.ifri.org/downloads/ifri_RNV_Dellecker_CPC_FRA_juin2008.pdf Caspian Pipeline Consortium, baromètre du climat d'investissement en Russie ?] Adrian Dellecker, juin 2008, IFRI</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.robertcutler.org/blog/2001/09/the_caspian_pipeline_consortiu.html|titre=The Caspian Pipeline Consortium Beats the Skeptics|auteur=Robert M. Cutler|année=2001|mois=septembre|éditeur=Central Asia - Caucasus Analyst|consulté le=12 décembre 2009}}</ref> ; il transporte le pétrole turkmène de [[Tengiz]] jusqu'à la mer Noire. Négocié au plus fort de la crise russe, il fait par la suite l'objet de pressions de la part d'un partenaire redevenu puissant<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://www.ifri.org/files/Russie/ifri_RNV_Dellecker_CPC_FRA_juin2008.pdf|site=ifri.org|titre=Caspian Pipeline Consortium : baromètre du climat d'investissement en Russie ?|auteur=Adrian Dellecker|année=2008|mois=juin|page=9|consulté le=22 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20081207150554/http://www.ifri.org/files/Russie/ifri_RNV_Dellecker_CPC_FRA_juin2008.pdf|archive-date=7 décembre 2008|brisé le=6 août 2018}} {{pdf}}</ref>. Cette pression s'est traduite par l'éviction de BP en décembre 2009, conduit à céder sa part dans le CPC à Lukoil. Cette transaction élimine également BP du champ de Tengiz<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://news.malaysia.msn.com/business/article.aspx?cp-documentid=3745563|site=news.malaysia.msn.com|titre=BP sells stake in Kazakh oil company to Lukoil|date=11|année=2009|mois=décembre|consulté le=12 décembre 2009}}</ref>.

Pour évacuer le gaz turkmène, on envisage également un gazoduc transcaspien (TC). La situation juridique des eaux territoriales en mer Caspienne est tellement complexe<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Robert M.|nom1=Cutler|titre=New chance for Trans-Caspian pipeline|périodique=Asia Times|jour=28|mois=février|année=2007|url texte=http://www.atimes.com/atimes/Central_Asia/IB28Ag01.html|consulté le=octobre 2009}}</ref> que l'Iran et la Russie sont en mesure de retarder ce projet, qui les désavantage tous deux<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Samuele|nom1=Furfari|titre=Le Monde et l'énergie. Enjeux géopolitiques|tome=2|lieu=Paris|éditeur=Éd. Technip|année=2007|pages totales=411|passage=172|isbn=978-2-7108-0887-9|lccn=2007459799|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=V1u2sYKzV6cC&printsec=frontcover}}</ref>.

La Chine a installé en 2006 un oléoduc entre le Kazakhstan (Atashu) et Karamay (Dushanzi) d'une capacité faible pour le moment<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://news.xinhuanet.com/english/2006-05/25/content_4600061.htm|site=news.xinhuanet.com|titre=Kazakhstan oil pours into China through crossborder pipeline|date=25|année=2006|mois=mai|consulté le=25 octobre 2009}}</ref> ; cependant, les chiffres de consommation chinoise pour 2009 (9 Mbbl/j) laissent supposer qu'une augmentation du débit serait bienvenue de part et d'autre.

==== Géopolitique du pipeline ====
[[Fichier:Oil and Gas Infrastructure Persian Gulf (large).gif|thumb|Champs de pétrole et de gaz au Moyen-Orient ; oléoducs et gazoducs.]]On parle aussi de « diplomatie du pipeline » ''(pipeline diplomacy)''. Tout lien fixe structure l'environnement, implique des conséquences économiques et traduit des volontés politiques<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=RIS_065_0051#|titre=Les pipelines internationaux, vecteurs de prospérité, de puissance et de rivalités. Oléoducs et gazoducs dans la géopolitique et les relations internationales|série=Revue internationale et stratégique|auteur=Loïc Simonet|éditeur=Dalloz|consulté le=22 octobre 2009}}</ref>. Un pipeline exige en plus un client et un fournisseur, qui s'engagent sur le très long terme d'une façon fiable, sur les volumes et sur le prix. Le premier pipeline de kérosène Bakou-Batoumi permettait d'atteindre les marchés d'Europe de l'Ouest, et conservait à Bakou la valeur ajoutée de l'extraction du kérosène par distillation du brut. Aujourd'hui on ne compte plus les milliers de kilomètres de pipeline en exploitation ; le tracé des pipelines récents de grande taille est révélateur.

Évoqué dès le début des années 1990, le BTC est conçu pour alimenter l'Europe de l'Ouest à partir de Bakou, en évitant le territoire russe, en contournant l'[[Arménie]] (qui avait de mauvaises relations avec la [[Turquie]] à cette époque) et en favorisant la Turquie par le trafic supplémentaire au port de Ceyhan. Il concurrence donc l'influence russe dans cette région au profit de partenaires favorables à l'[[OTAN]]. Mais le BTC transporte 1 Mbbl/j, alors qu'il est prévu que la Caspienne en produise 5 en 2015. Il faut donc trouver des trajets supplémentaires. Vers le sud, il paraît difficile de traverser l'Iran, qui n'a aucun intérêt à désenclaver un pétrole qui concurrencera le sien. Au nord, on retombe sur la Russie ; il ne reste donc que l'Afghanistan - et c'est le projet TAP<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.worldpress.org/specials/pp/pipeline_timeline.htm|titre=Timeline of Competition between Unocal and Bridas for the Afghanistan Pipeline|site=worldpress.org|consulté le=22 octobre 2009}}</ref> ([[Turkestan]], Afghanistan, [[Pakistan]]). Devenu le TAPI (avec l'Inde), on en ignore toujours le devenir en 2009<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.upiasia.com/Energy_Resources/2009/09/21/India-Turkmenistan-talk-TAPI-pipeline/UPI-97421253551200/|titre=India, Turkmenistan talk TAPI pipeline|date=21|année=2009|mois=septembre|éditeur=UPI Asia|consulté le=23 octobre 2009}}</ref>.

L'Iran possède, en commun avec le Qatar, le plus grand gisement de gaz naturel du monde ([[South Pars]]-[[North Dome]]). Alors que le Qatar a beaucoup investi pour le commercialiser, l'Iran n'a pas vraiment de débouchés aujourd'hui. La solution est le gazoduc Iran-Pakistan-Inde (IPI). Ce gazoduc, s'il se réalise, sera un concurrent direct du TAP, qui n'aurait plus guère de chances de se réaliser. Les États-Unis font donc de gros efforts pour empêcher la construction de l'IPI<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.dauphine.fr/cgemp/masterindustrie/cours%20geopolitics/geopolitics%202008/Presentation%20Masuda%207febpdf/Geopolitics%20of%20Oil%20and%20Gas%20Pipelines.pdf|titre=Geopolitics of Oil and Gas Pipelines|auteur=Tatsuo Masuda|date=7|mois=2008|éditeur=University of Paris-Dauphine|consulté le=22 octobre 2009}} {{pdf}}</ref>, et relancent régulièrement le sujet. Le Canada, quant à lui, semble vouloir renoncer à sa présence armée en échange de la construction de ce pipeline<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://www.policyalternatives.ca/news/2008/06/PressRelease1908/|site=policyalternatives.ca|titre=Le pipeline gazier en Afghanistan pourrait avoir des répercussions sur le rôle du Canada dans ce pays|date=19|année=2008|mois=juin|consulté le=22 octobre 2009}}</ref>.

L'Union européenne absorbe 88 % des exportations russes de gaz (2006)<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Jean-Christophe Victor]]|titre=Le dessous des cartes|sous-titre=Atlas d'un monde qui change|tome=2|lieu=Paris|éditeur=Arte éditions/Tallandier|année=2007|isbn=978-2-84734-466-0|lire en ligne=http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/le-dessous-des-cartes/2528054.html|consulté le=octobre 2009}}</ref> ; 80 % du volume dépend d'un gazoduc unique passant par l'Ukraine. Pour éviter les multiples [[conflits gaziers russo-ukrainiens]], [[Nord Stream]] inauguré en 2011 relie directement la Russie et l'Allemagne.

Le Canada est devenu le premier fournisseur des États-Unis grâce à l'exploitation des [[sables bitumineux]] d'[[Alberta]]. Cette exploitation exige de grandes quantités de gaz naturel pour fonctionner, et produit un pétrole synthétique trop visqueux pour être pompé ; il est donc mélangé à du brut ordinaire pour être livré<ref>{{Lien web|url=http://envoye-special.france2.fr/index-fr.php?page=reportage&id_rubrique=191|site=envoye-special.france2.fr|titre=Pour quelques barils de plus|auteur1=Patrice Lorton|auteur2=Elodie Metge|date=17|année=2008|mois=avril|consulté le=22 octobre 2009}}</ref>. Cette exploitation exige donc des pipelines pour acheminer le gaz<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.mackenziegasproject.com/theProject/index.html|site=mackenziegasproject.com|titre=The Mackenzie gas project|année=2008|consulté le=22 octobre 2009}}</ref>, pour acheminer le diluant<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.interpipelinefund.com/pdf/IPF_stakeholder_consultation.pdf|site=interpipelinefund.com|titre=Inter Pipeline’s Proposed Diluent Pipeline Expansion Project|auteur institutionnel=Inter Pipeline Fund|consulté le=22 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20091122183032/http://www.interpipelinefund.com/pdf/IPF_stakeholder_consultation.pdf|archive-date=22 novembre 2009|brisé le=6 août 2018}} {{pdf}}</ref>, et pour évacuer le produit fini<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.transcanada.com/keystone/kxl.html|site=transcanada.com|titre=Proposed Keystone Gulf Coast Expansion Project (Keystone XL)|auteur=TransCanada|consulté le=22 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20090430201509/http://www.transcanada.com/keystone/kxl.html|archive-date=30 avril 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>. En 2008, tous les pipelines de produit fini parviennent aux États-Unis<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.enbridge.com/ar2008/operations/liquids-pipelines/overview/|site=enbridge.com|titre=Liquids Pipelines|consulté le=22 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20090916095418/http://www.enbridge.com/ar2008/operations/liquids-pipelines/overview/|archive-date=16 septembre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>, enrichissant le Canada, mais rendant ce pays de plus en plus dépendant de son puissant voisin. Cette exploitation à elle seule empêche le Canada de ratifier le [[protocole de Kyoto]]<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://www.radio-canada.ca/util/zapmedia/version10/WMleftframe.asp?directLink=http://www.radio-canada.ca/Medianet/2007/CBFT/ZonelibreCombo200701192100.asx&promo=&duree=court|site=radio-canada.ca|titre=Du sable dans l'engrenage|auteur1=Guy Gendron|auteur2=Jean-Luc Paquette|auteur3=Monique Dumont|date=24|année=2007|mois=janvier|consulté le=22 octobre 2009}}</ref>. Le Canada revient donc sur ses engagements pris à l'échelle internationale, ce qui provoque un grand malaise au sein du pays. Pourtant, les États-Unis interdisent à leurs agences d'acheter des hydrocarbures de cette nature par l'article 526 de l'Energy Independence and Security Act (EISA), justement pour des raisons environnementales<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.mineweb.com/mineweb/view/mineweb/en/page38?oid=50551&sn=Detail|site=mineweb.com|titre=Repeal sought for ban on U.S. Govt. use of CTL, oil shale, tar sands-generated fuel|auteur=Dorothy Kosich|date=11|année=2008|mois=avril|citation=§526 ENERGY INDEPENDENCE, SECURITY ACT|consulté le=26 octobre 2009|archive-url=http://arquivo.pt/wayback/20160516232843/http://www.mineweb.com/mineweb/view/mineweb/en/page38?oid=50551&sn=Detail|archive-date=16 mai 2016|brisé le=6 août 2018}}</ref>.

== 2001-2010, passés et futurs ==
{{Diagramme circulaire
| thumb = left
| caption = La production de [[pétrole]] en [[2002]]<ref>« Les docs des incollables », 23 - L'énergie, p. 5</ref>.
| label1 = [[Moyen-Orient]]
| valeur1 = 28.5
| couleur1 = #008000
| label2 = {{Russie}}
| valeur2 = 10.7
| couleur2 = #ff8c00
| label3 = [[Afrique]]
| valeur3 = 10.6
| couleur3 = #dc143c
| label4 = {{États-Unis}}
| valeur4 = 9.9
| couleur4 = #80ffff
| label5 = [[Amérique latine]]
| valeur5 = 9.5
| couleur5 = #0000ff
| label6 = Autres
| valeur6 = 30.8
| couleur6 = #ffffff
}}
[[Fichier:Pi111804a1.jpg|thumb|M2 Bradley, Irak, novembre 2004.]]Le 20 janvier 2001, entre en fonction [[George W. Bush]], qui appelle auprès de lui plusieurs sympathisants du [[Project for the New American Century|Projet pour le Nouveau Siècle Américain]] (PNAC) : [[Jeb Bush]], [[Dick Cheney]], [[Zalmay Khalilzad]], [[Lewis Libby]], [[Dan Quayle]], [[Donald Rumsfeld]] et [[Paul Wolfowitz]] ; ainsi que [[Condoleezza Rice]], ex-collaboratrice de Chevron (Texaco), qui donnera le nom de la future Secrétaire d'État à l'un de ses pétroliers<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Carla|nom1=Marinucci|titre=Chevron redubs ship named for Bush aide Condoleezza Rice drew too much attention|périodique=San Francisco Chronicle|jour=5|mois=mai|année=2001|url texte=http://www.sfgate.com/cgi-bin/article.cgi?f=/c/a/2001/05/05/MN223743.DTL|consulté le=octobre 2009}}</ref>. Plusieurs d'entre eux sont signataires de la lettre que le PNAC envoya à Bill Clinton en 1998, qui stipulait que « la seule stratégie acceptable est celle qui élimine la possibilité que l'Irak puisse ou menace d'employer des [[Armes de destruction massive en Irak|armes de destruction massive]]. À court terme, cela signifie la volonté d'entreprendre une action militaire »<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.newamericancentury.org/iraqclintonletter.htm|site=newamericancentury.org|titre=Lettre du PNAC au Président Bill Clinton|auteur institutionnel=[[Project for the New American Century]]|date=26|mois=1998|consulté le=24 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20080909200819/http://www.newamericancentury.org/iraqclintonletter.htm|archive-date=9 septembre 2008|brisé le=6 août 2018}}</ref>. Le 11 septembre, la chute des tours du [[World Trade Center]] choque les États-Unis, et le monde entier. Le 14 septembre, [[Oussama ben Laden]], déjà poursuivi par les États-Unis et les Nations unies pour d'autres attentats préalables<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=S/RES/1267(1999)|site=un.org|titre=Résolution 1267|auteur institutionnel=Conseil de sécurité, [[Organisation des Nations unies|ONU]]|date=15|année=1999|mois=octobre|consulté le=26 octobre 2009}}</ref>, est cité comme responsable des attentats, et son pays d'accueil, l'Afghanistan, est sommé de l'extrader. Les talibans, pour obtempérer, exigent que des preuves de la culpabilité de Ben Laden leur soient fournies, ce qui ne sera jamais fait. Le 7 octobre, les forces anglo-américaines [[Guerre d'Afghanistan (2001)|attaquent l'Afghanistan]]. Les Britanniques ont déjà mené trois guerres dans ce pays, toutes perdues. Dès 2002, les négociations sur le pipeline trans-Afghan reprennent. Fin 2009, son avenir n'est toujours pas certain.

La nouvelle équipe au pouvoir applique ensuite à la lettre la position du PNAC, en soutenant dans un premier temps que l'Irak dispose d'[[armes de destruction massive]] ; rapidement, d'autres disent que ce n'est sans doute pas le cas, la France (suivie par l'Allemagne, la Russie et la Chine) signifie sa désapprobation<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://www.ina.fr/politique/politique-internationale/video/2208524001013/sommet-franco-britannique.fr.html|site=ina.fr|titre= Sommet franco-britannique Opposition de Jacques Chirac à la deuxième guerre d'Irak|date=4|année=2003|mois=février|consulté le=25 octobre 2009}}</ref> avec le discours prononcé à l'ONU par Villepin<ref>{{Lien web|url=http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_prononc%C3%A9_%C3%A0_l'ONU_lors_de_la_crise_irakienne_-_14_f%C3%A9vrier_2003|site=fr.wikisource.org|titre=Discours prononcé à l'ONU lors de la crise irakienne - 14 février 2003|auteur=Dominique de Villepin|date=14|année=2003|mois=02|consulté le=25 octobre 2009}}</ref> le 14 février 2003. Les États-Unis passent outre, réunissent des alliés en petit nombre et [[Guerre d'Irak|attaquent l'Irak]] le 19 mars 2003. Fin 2009, les États-Unis ont toujours une présence militaire en Irak. Alors que la première guerre en Irak avait coûté environ {{unité|60|milliards}} de dollars américains, dont l'essentiel avait été réglé par des alliés des États-Unis (Arabie saoudite, Koweït), le coût de la deuxième guerre en Irak est évalué à plus de {{unité|1300|milliards}} en 2009<ref>{{Article|langue=en|titre=War costs could total $1.6 trillion by 2009, panel estimates|périodique=CNN|jour=14|mois=11|année=2007|url texte=https://edition.cnn.com/2007/POLITICS/11/13/hidden.war.costs/}}</ref>. On n'a jamais trouvé d'armes de destruction massive en Irak, et certains Britanniques reconnaissent rapidement que le pétrole est bien au sommet des priorités<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Julie Hyland|titre=Britain: Foreign secretary admits oil central to war vs. Iraq|périodique=World Socialist Web Site|jour=14|mois=janvier|année=2003|url texte=http://www.wsws.org/articles/2003/jan2003/strw-j14.shtml}}</ref>.

[[Fichier:Supertanker AbQaiq.jpg|thumb|left|Le [[pétrolier|supertanker]] AbQaiq, protégé par des hélicoptères de l'USCENTCOM, reçoit son chargement sur un terminal de l'Irak occupé par les forces de la Coalition.]]
Selon certaines sources, Condoleezza Rice recommande de « punir la France, ignorer l'Allemagne, pardonner à la Russie », manifestant ainsi à quel point l'opinion des alliés des États-Unis leur est devenue indifférente<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Three Miscreants|titre=Three Miscreants: France, Germany and Russia|périodique=The Washington Post|jour=13|mois=avril|année=2003|url texte=http://pqasb.pqarchiver.com/washingtonpost/access/323913671.html?FMT=ABS&FMTS=ABS:FT&date=Apr+13%2C+2003&author=Jim+Hoagland&pub=The+Washington+Post&edition=&startpage=B.07&desc=Three+Miscreants|consulté le=octobre 2009}}</ref>. Alors que les années 1990 avaient montré les États-Unis en hyperpuissance sûre de ses moyens, les années 2000 semblent un retour vers le passé, avec l'utilisation de la force sans victoire, et l'incapacité à fédérer la puissance de l'OCDE derrière un projet commun ; cette incapacité va entre autres conduire les États-Unis à payer la quasi-totalité du coût de la [[guerre d'Irak]]<ref>{{Lien web|url=http://money.cnn.com/2003/03/17/news/economy/war_cost/|titre=How much will war cost? The tab for invading, occupying and rebuilding Iraq could be hundreds of billions of dollars|auteur=Mark Gongloff|date=19|année=2003|mois=mars|éditeur=CNNMoney|consulté le=29 octobre 2009}}</ref> ; il semble que certains pays créanciers de l'Irak aient été contraints par les États-Unis d'abandonner leurs créances, ce qui aurait coûté {{unité|5.5|milliards}} de dollars ({{unité|4|milliards}} d'Euros) à la France, et environ {{unité|30|milliards}} de dollars à l'ensemble des pays créanciers<ref>{{Lien web|url=http://www.rue89.com/2010/10/11/son-non-a-la-guerre-en-irak-a-coute-4-milliards-a-la-france-170466|titre=Le « non » à la guerre en Irak a coûté {{unité|4|milliards}} à la France|auteur=Vincent Nouzille|date=13|année=2010|mois=octobre|site=rue89.com|éditeur=éd. Fayard/Les Liens qui Libèrent|consulté le=7 octobre 2013}}</ref>. La CIA invente le « transfert exceptionnel » ([[Extraordinary rendition]]) et le « [[waterboarding]] ». La Russie profite des baisses concertées de l'OPEP pour occuper le marché, et devient à nouveau le premier producteur mondial en franchissant la barre des {{unité|10|millions}} de barils par jour en août 2009<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://steelguru.com/news/index/2009/10/10/MTE1NDM5/Kuwait_sees_steady_oil_price_of_USD_60_to_USD_80.html|site=steelguru.com|titre=Kuwait sees steady oil price of USD 60 to USD 80|date=10|année=2009|mois=octobre|consulté le=27 octobre 2009}}</ref>.

[[Fichier:Oil imports.PNG|thumb|Principaux importateurs de pétrole : la Chine et l'Inde se manifestent au {{s-|XXI|e}}.]]
Côté consommation, la majorité de l'OCDE est fidèle à une politique de décroissance lente<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Ben|nom1=Geman|titre=Oil Demand Has Peaked in Developed Nations, Never to Return|périodique=The New York Times|jour=13|mois=octobre|année=2009|url texte=https://www.nytimes.com/gwire/2009/10/13/13greenwire-oil-demand-has-peaked-in-developed-nations-nev-24104.html|consulté le=octobre 2009}}</ref>, en opposition avec la Chine, dont le secteur des transports continue de tirer la consommation vers le haut. La Chine manque d'infrastructures, particulièrement ferroviaires{{référence nécessaire}}, et une partie importante du transport est assurée par la route : la consommation de fioul accompagne sa performance industrielle. À force de courir sur de fausses pistes, comme celle de l'hydrogène<ref>{{Article|langue=en|titre=Why U.S. Is Running Out of Gas|périodique=Times|jour=13|mois=juillet|année=2003|url texte=http://www.time.com/time/magazine/article/0,9171,1101030721-464406,00.html|consulté le=octobre 2009}}</ref>, les États-Unis n'ont en fait aucun objectif clair en termes de consommation énergétique.

Autrefois, les compagnies internationales avaient un sourire condescendant à l'égard de leurs homologues nationales, qui se contentaient de comptabiliser leur production (« compter les barils »). Tout cela a bien changé, et [[Saudi Aramco|Aramco]] fait partie des géants non seulement sur le plan des réserves, mais aussi sur le plan technologique et logistique. [[Petrobras]] vient de faire une série de découvertes impressionnantes au large du Brésil, dans des conditions de forage extrêmes pour notre époque<ref>[http://www.actu-cci.com/article/2584/ Le défi de l'offshore profond]</ref>. Ainsi, même la technologie n'est plus l'apanage des anciennes puissances.

=== Anciens et nouveaux acteurs ===
{| class="wikitable droite" style="width:32%; font-size:85%"
|-
! scope=col | Pays
! scope=col | Consommation
! scope=col | Production
! scope=col | [[Budget de la Défense|Dépenses militaires]]
|-
| style="width:25%; height:30px;" |États-Unis
| style="width:25%;" |19 419
| style="width:25%;" |6 736
| style="width:25%;" |
661
|-
|
Chine
|7 999
|3 795
|
[100]
|-
|France
|1 930
|
|
63.9
|-
|
Royaume-Uni
|1 704
|1 544
|
58.3
|-
|
Russie
|2 797
|9 886
|
[53.3]
|-
|
Japon
|4 845
|
|
51.8
|-
|
Allemagne
|2 505
|
|
45.6
|}

En 2008, les trois principaux importateurs mondiaux de pétrole sont les [[États-Unis]], la [[République populaire de Chine|Chine]] (importateur net depuis [[1996]] et deuxième consommateur mondial depuis le deuxième trimestre 2003) et le [[Japon]] (deuxième consommateur jusqu'en [[2003]]). La Chine notamment voit ses importations croître de 9 % par an, et consomme déjà 20 % de l'énergie des pays de l'[[Organisation de coopération et de développement économiques|OCDE]]. Pratiquement jamais citée dans le domaine pétrolier au cours du {{s-|XX|e}}, elle est en 2009 loin devant tous les autres pays du monde en termes d'accélération de sa demande pétrolière<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Ben|nom1=Geman|titre=Oil Demand Has Peaked in Developed Nations, Never to Return|périodique=New York Times|jour=13|mois=octobre|année=2009|url texte=https://www.nytimes.com/gwire/2009/10/13/13greenwire-oil-demand-has-peaked-in-developed-nations-nev-24104.html|consulté le=octobre 2009}}</ref>.

Le tableau ci-contre montre les consommations et productions pétrolières<ref name="BP-2009"/> (millions de barils par jour, 2008) des pays classés par dépenses militaires<ref>[http://www.sipri.org/media/pressreleases/pressreleasetranslations/yearbooklaunchFRE Stockholm International Peace Research Institute, 2009] {{Lien archive|url=http://www.sipri.org/media/pressreleases/pressreleasetranslations/yearbooklaunchFRE|titre=Copie archivée|horodatage archive=20180806135842}}</ref> (milliards de dollars, 2009, [ ]=valeurs estimées).

Sous cet angle, la puissance des États-Unis paraît écrasante : avec des dépenses militaires supérieures à la somme des six suivants, qui eux-mêmes appartiennent à des familles géopolitiques très distinctes, ce pays a les moyens de ses ambitions, quelles qu'elles soient.

Les réserves et capacités de production ont changé de camp<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Carola|nom1=Hoyos|titre=The new Seven Sisters: oil and gas giants dwarf western rivals|périodique=Financial Times|jour=11|mois=mars|année=2007|url texte=http://www.ft.com/cms/s/2/471ae1b8-d001-11db-94cb-000b5df10621.html}}
</ref>. À la suite de la nationalisation progressive ou brutale des ressources, les [[compagnies pétrolières nationales]] ont pris le devant de la scène, et éjecté les compagnies internationales des dix premières places. Le tableau ci-dessous classe les compagnies pétrolières par réserves prouvées et par production<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.fas.org/sgp/crs/misc/RL34137.pdf|titre=The Role of National Oil Companies in the International Oil Market|auteur institutionnel=Federation of American Scientists|année=2007|mois=août|éditeur=[[Congressional Research Service]]|citation=The Market Position of National Oil Companies|consulté le=26 octobre 2009}} {{pdf}}</ref> : les compagnies internationales n'y figurent plus ; valeurs en milliards de barils (réserves) et millions de barils par jour (production), année 2006.

{| class="wikitable centre" style="width:70%; font-size:85%"
|+ Dix premières compagnies mondiales par les réserves et la production
|-
! scope=col | Rang
! scope=col | Compagnie
! scope=col | Reserves
! scope=col | Compagnie
! scope=col | Production
|-
| style="width:6%;" |
1
| style="width:37%;" |
[[Saudi Aramco]]
| style="width:10%;" |
264
| style="width:37%;" |
[[Saudi Aramco]]
| style="width:10%;" |
11.0
|-
| 2
| [[National Iranian Oil Company]]
| 138
| [[Iraq National Oil Company]]
| 4.0
|-
| 3
| [[Iraq National Oil Company]]
| 115
| [[Kuwait Oil Company]]
| 3.7
|-
| 4
| [[Kuwait Oil Company]]
| 102
| [[National Iranian Oil Company]]
| 2.7
|-
| 5
| [[Petróleos de Venezuela]]
| 80
| [[Petróleos de Venezuela]]
| 2.6
|-
| 6
| [[ADNOC|Abu Dhabi National Oil Company]]
| 57
| [[ADNOC|Abu Dhabi National Oil Company]]
| 2.6
|-
| 7
| [[National Oil Corporation|Libya NOC]]
| 33
| [[Pemex|Petróleos Mexicanos]]
| 2.5
|-
| 8
| [[Nigerian National Petroleum Company|Nigerian National Petroleum Corporation]]
| 22
| [[National Oil Corporation|Libya NOC]]
| 2.3
|-
| 9
| [[Lukoil]]
| 16
| [[Nigerian National Petroleum Company|Nigerian National Petroleum Corporation]]
| 2.1
|-
| 10
| [[Qatar Petroleum]]
| 15
| [[Lukoil]]
| 1.9
|}

=== Les États-Unis sur la défensive ===
[[Fichier:CENTCOM AOR.jpg|thumb|Périmètre assigné au [[United States Central Command|CENTCOM américain]], il concerne près des trois quarts des réserves mondiales de pétrole.]]
Quand il apparut que 15 des 19 terroristes ayant perpétré les [[attentats du 11 septembre 2001]], ainsi que leur instigateur présumé, étaient des citoyens saoudiens, il fut clair que la longue et fructueuse relation entre l'Arabie saoudite et les États-Unis prenait une tournure bien différente. Avec retard, les États-Unis prennent la décision d'évacuer leurs bases d'Arabie saoudite<ref>{{Article|langue=en|titre=U.S. Begins Moving Military Out of Saudi Arabia|périodique=Fox News|jour=29|mois=avril|année=2003|url texte=http://www.foxnews.com/story/0,2933,85446,00.html|consulté le=octobre 2009}}</ref>. C'est également avec retard que les États-Unis tentent de s'opposer à l'irruption de la Chine sur le théâtre africain, avec la création de l'[[United States Africa Command|Africom]] en 2007. Ils peinent à mettre fin efficacement aux occupations coûteuses en Afghanistan et en Irak. Sur au moins deux fronts, les relations avec la Chine, et la maîtrise de l'économie, l'[[Hyperpuissance (politique)|hyperpuissance]] manifeste un embarras inhabituel.

En mai 2005, [[Chinese national off-shore oil company]] (CNOOC) fait une offre de rachat sur [[Unocal Corporation|Unocal]], supérieure à celle de Texaco<ref>{{Article|titre=Pétrole - CNOOC abandonne l'achat d'Unocal|périodique=Le Devoir|jour=3|mois=août|année=2005|url texte=https://www.ledevoir.com/2005/08/03/87494.html|consulté le=octobre 2009|archiveurl=https://web.archive.org/web/20090612192923/http://www.ledevoir.com/2005/08/03/87494.html|archivedate=12 juin 2009}}</ref>. Les États-Unis prennent toutes sortes de mesures dilatoires, et en font adopter une qui prévoit un délai de quatre mois pour autoriser la prise de décision. En août, CNOOC abandonne<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://china.org.cn/english/2005/Aug/137165.htm|titre=CNOOC Withdraws Unocal Bid|date=3|année=2005|mois=août|éditeur=Chinaorg.cn|consulté le=29 octobre 2009}}</ref> et Texaco s'empare d'Unocal, pour un prix inférieur à la dernière offre de CNOOC. Bien que cette affaire soit un échec pour l'entreprise, elle illustre la montée en puissance, économique et politique, de la Chine, et force les États-Unis à appliquer des méthodes éloignées du libéralisme traditionnel.

=== L'emprise de la finance ===
[[Fichier:Commodities-Oil.jpg|thumb|left|Évolution de l'indice des commodités (vert) et du prix du pétrole WTI (en rouge).]]
Le {{s-|XX|e}} s'était beaucoup préoccupé de production. À partir de 1980, la [[titrisation]] devient le maître mot, et le pétrole n'y échappe pas, qui se voit affecté de son contrat de [[Contrat à terme|futures]] comme d'autres matières premières. À la fin de la décennie 2000, l'emballement des transactions boursières, précurseur de la [[Crise financière de 2007-2009|crise économique]], va affecter l'ensemble des matières premières<ref>{{Lien web|url=http://www.rba.gov.au/statistics/commodity_prices.html|site=rba.gov.au|titre=Index of Commodity Prices|date=1|année=2009|mois=octobre|consulté le=27 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20091028053405/http://www.rba.gov.au/Statistics/commodity_prices.html|archive-date=28 octobre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>, mais aussi le pétrole, dont le prix atteindra des sommets, en dépit d'une consommation sans surprise, et même stagnante en 2008. Dans ce processus, le prix du baril échappe totalement aux opérateurs physiques, et les compagnies pétrolières, qui ne contrôlaient déjà plus les volumes produits, se trouvent maintenant incapables d'agir sur le prix : le domaine financier vient de mettre la main sur le prix du baril.[[Fichier:EuroDollarECB.png|thumb|Taux de change BCE Euro-Dollar.]] Ce pic de tarification augmente momentanément les chiffres d'affaires de toutes les parties prenantes ; mais on sait depuis 1973 qu'il provoque également des réactions négatives de la part du consommateur final, qui tente de se tourner durablement vers des solutions plus économes, telles que des moteurs moins gourmands, ou tout simplement vers une autre solution que le pétrole. C'est ainsi que le chauffage au fioul diminue régulièrement au profit du gaz ou même de l'électricité. Ces variations brutales, provoquant une ''destruction de la demande'', sont donc un inconvénient grave pour les producteurs. Plus généralement, le secteur des services financiers et immobiliers représente couramment 30 % du PIB<ref>{{Article|prénom1=Clémence|nom1=Fugain|titre=L'importance du secteur financier a fragilisé les grands pays de l'OCDE|périodique=Le Journal des Finances|jour=14|mois=février|année=2009|url texte=http://www.jdf.com/essentiel/2009/02/14/04003-20090214ARTHBD00030-l-importance-du-secteur-financier-a-fragilise-les-grands-pays-de-l-ocde.php|consulté le=octobre 2009|archiveurl=https://web.archive.org/web/20090221124631/http://www.jdf.com/essentiel/2009/02/14/04003-20090214ARTHBD00030-l-importance-du-secteur-financier-a-fragilise-les-grands-pays-de-l-ocde.php|archivedate=21 février 2009}}</ref> dans les pays développés, alors que la totalité de l'industrie représente moins de 20 % : le poids du secteur pétrolier, qui n'est qu'une fraction de cette dernière valeur, se marginalise.

La crise économique en 2008 a provoqué de nombreuses difficultés ; la plupart des pays développés la combattent par des plans de relance accroissant brutalement les déficits publics. Les États-Unis sont caractéristiques de cette évolution, avec une dette de l'ordre de 60 %, en ligne avec beaucoup de pays de l'OCDE, mais qui paraît évidemment monumentale en valeur absolue. Les États-Unis présentent également un déficit de leur balance de paiements, on parle de [[déficits jumeaux]] ; le dollar semble se maintenir de façon durable dans des valeurs historiquement faibles, ce qui pourrait entraîner des réactions de certains pays (voir plus loin). Les États-Unis se trouvent ainsi confrontés à des déficits durables, et le coût des guerres en Irak et en Afghanistan paraît exagéré dans ces conditions.

=== La Chine au rendez-vous de l'histoire ===
[[Fichier:Chine PIB 2000-2009.jpg|thumb|left|PIB de la Chine : croissance en % et ratio Chine/USA, 2000-2009.]]
Alors qu'elle exportait du pétrole, la Chine est devenue depuis [[1992]] importatrice nette, et sa consommation augmente de 15 % l'an depuis [[2001]]. Elle est devenue le deuxième consommateur mondial, son PIB croît en moyenne de 10 % par an depuis l'an 1980<ref>[http://www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2009/02/weodata/weorept.aspx?sy=1980&ey=2008&scsm=1&ssd=1&sort=country&ds=.&br=1&c=924&s=NGDP_RPCH%2CNGDPD%2CPPPGDP%2CPPPPC&grp=0&a=&pr.x=17&pr.y=15 World Economic Outlook Database, October 2009], [[Fonds monétaire international]].</ref>. Elle est également le premier marché mondial pour l'automobile<ref>{{en}} [http://www.guardian.co.uk/business/2010/jan/08/china-us-car-sales-overtakes China overtakes US as world's biggest car market]</ref>. La Chine, dernière venue sur le théâtre d'opérations, et privée de moyens militaires bruts, agit essentiellement par la diplomatie et les relations bilatérales, avec des succès de plus en plus visibles : les rachats de certaines sociétés de pétrole kazakhes<ref>{{Lien web|url=https://www.nytimes.com/2006/03/17/business/worldbusiness/17kazakh.html|titre=China Pays Dearly for Kazakhstan Oil|auteur=Christopher Pala|date=17|année=2006|mois=mars|éditeur=New York Times|consulté le=25 octobre 2009}}</ref> sont des réussites à potentiel évident.

L'affrontement au Soudan entre les États-Unis et la Chine est indicatif : la Chine s'y installe dans des conditions difficiles<ref>Comme la Russie, la Chine détourne cet embargo en jouant sur les mots du texte de la résolution [http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2219/articles/a344627-Darfour__Moscou_et_P%C3%A9iin_arment_les_assassins.html ''Nouvel Observateur'' du 17 mai 2007]</ref>, et les États-Unis ne peuvent que lancer une campagne médiatique<ref>[https://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2006/07/images/20060725_p072506kh-0404-515h.html Site de la Maison Blanche]</ref> sans pouvoir s'y opposer sur le terrain. Fin 2009, la Chine porte le fer au Nigeria ; le sujet est bien plus grave, car le Nigeria est le premier producteur africain et le troisième fournisseur des États-Unis. L'offre chinoise commence à {{unité|30|milliards}} de dollars pour 49 % de champs actuellement exploités par Shell, Chevron et ExxonMobil<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.thisdayonline.com/nview.php?id=158467|titre=Shell Vows to Fight off Chinese over Nigeria’s Oil|auteur1=Alike Ejiofor|auteur2=James Segun|date=30|année=2009|mois=octobre|éditeur=This day online|consulté le={{1er}} novembre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20091102045011/http://www.thisdayonline.com/nview.php?id=158467|archive-date=2 novembre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>. La Chine a signé en 2009 une série d'accords commerciaux avec la Birmanie<ref>{{Lien web|langue=en|url=http://www.mizzima.com/news/inside-burma/1906-china-burma-to-build-cross-border-gas-pipeline.html|site=mizzima.com|titre=China, Burma to build cross border gas pipeline|auteur=Mungpi|date=27|année=2009|mois=mars|consulté le={{1er}} novembre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20091209204048/http://www.mizzima.com/news/inside-burma/1906-china-burma-to-build-cross-border-gas-pipeline.html
|archive-date=9 décembre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref> ; elle va construire un oléoduc et un gazoduc qui relieront le [[Yunnan]] à la côte occidentale de la Birmanie. Le gazoduc sera alimenté par le nouveau champ birman de Shwe<ref>{{Lien web|url=http://southasiaspeaks.wordpress.com/2009/08/03/is-myanmar-a-battleground-for-india-and-china-or-is-it-on-its-own/|titre=Is Myanmar a battleground for India and China, or is it on its own?|prénom1=Pramit Pal|nom1=Chaudhuri|auteur2=Rahul Singh|date=3|année=2009|mois=août|éditeur=SouthAsiaSpeaks|consulté le={{1er}} novembre 2009}}</ref>, et l'oléoduc par le pétrole du moyen-orient, ce qui court-circuite le détroit de Malacca et désenclave le Yunnan. L'appétit de la Chine ne se limite pas au pétrole : considérée comme « l'usine du monde », son besoin de matières premières de toutes sortes est généralisé<ref>{{Lien web|url=https://www.rtbf.be/info/pendant-la-crise-la-chine-augmente-ses-reserves-de-matieres-premieres-119053|site=rtbf.be|titre=Pendant la crise, la Chine augmente ses réserves de matières premières|date=21|année=2009|mois=juin|consulté le=25 octobre 2009}}</ref>.

[[Fichier:USA-China-deficit.jpg|thumb|Déficit commercial des États-Unis en bleu, excédent commercial chinois en rouge, valeurs FMI.]]
La Chine dispose de la plus grande réserve en dollars de l'histoire, plus de {{unité|2000|milliards}} de dollars en 2009. Avec un [[Dollar américain|dollar]] historiquement faible, ce stock devient une arme à double tranchant. La Chine, de plus en plus considérée comme un partenaire industriel et financier viable, envisage de diversifier l'usage de ses devises, avec la création d'un [[fonds souverain]]<ref>{{Lien web|url=http://www.china-inv.cn/cicen/resources/resources_news11.html|titre=CIC Purchases Stake in JSC KazMunaiGas Exploration Production|date=30|année=2009|mois=septembre|éditeur=China Investment Corporation|consulté le=27 octobre 2009|archive-url=https://web.archive.org/web/20091020033753/http://www.china-inv.cn/cicen/resources/resources_news11.html|archive-date=20 octobre 2009|brisé le=6 août 2018}}</ref>, mais aussi l'utilisation d'autres [[Monnaie de réserve|monnaies de réserve]]<ref>{{Article|prénom1=Guillaume|nom1=Puech|titre=L’euro profite des rumeurs sur les réserves monétaires de la Chine|périodique=Le Journal des Finances|année=2009|url texte=http://www.jdf.com/taux-devises/2009/10/26/02009-20091026ARTJDF00006-leuro-profite-des-rumeurs-sur-les-reserves-monetaires-de-la-chine.php|consulté le=27 octobre 2009|archiveurl=https://web.archive.org/web/20091029053939/http://www.jdf.com/taux-devises/2009/10/26/02009-20091026ARTJDF00006-leuro-profite-des-rumeurs-sur-les-reserves-monetaires-de-la-chine.php|archivedate=29 octobre 2009}}</ref>.

L'affrontement Chine-USA, que l'on annonce depuis des décennies, se dessine en ce moment même, avec une opposition frappante entre le déficit régulier des États-Unis, et le surplus quasi structurel de la Chine qui le finance en grande partie. Le PIB de la Chine croît beaucoup plus vite que le reste du monde, il représentait 13 % du PIB américain en 2000, pour 28 % en 2009. Alors que le poids économique s'est depuis longtemps déplacé vers l'est, ce dernier commence à exister sur le plan géopolitique, avec la création de l'[[Organisation de Coopération de Shanghai]] (OCS)<ref>{{Lien web|langue=fr|url=http://french.cri.cn/781/2009/10/14/302s202960.htm|site=french.cri.cn|titre=Huitième Conférence de premier ministres [sic] de SCO à Pékin|date=14|année=2009|mois=octobre|consulté le=27 octobre 2009}}</ref> en 2001 - son seul nom est (doublement) indicatif. La Chine profite des relations houleuses que les États-Unis entretiennent avec certains pays, et l'Iran a annoncé son souhait d'entrer dans ce cercle<ref>{{Lien web|url=http://en.rian.ru/analysis/20080326/102299498.html|titre=Iran wants full SCO membership|date=26|année=2008|mois=mars|éditeur=Rianovosti|consulté le=27 octobre 2009}}</ref>.

En 2010, la Chine profite des inquiétudes légitimes éprouvées par les sociétés occidentales vis-à-vis de la lourde [[empreinte écologique]] liée à l'exploitation des sables bitumineux du Canada, pour s'installer en Amérique du Nord. Le gouvernement canadien approuve deux projets d'un montant de 1,9 milliard de dollars canadiens, dans lesquels [[PetroChina]] prend la majorité, et annonce que d'autres projets sont en cours<ref>{{Article|langue=en|prénom1=Suzanne|nom1=Goldenberg|titre=Canada looks to China to exploit oil sands rejected by US|périodique=The Guardian|jour=14|mois=février|année=2010|url texte=http://www.guardian.co.uk/business/2010/feb/14/canada-china-investment-oil-sands|consulté le=février 2010}}</ref>. Le Canada est en 2010 l'un des deux premiers fournisseurs de pétrole des États-Unis.

== Depuis 2010, d'autres découplages ==
Jusqu'en 1971, ce qui était bon pour les compagnies pétrolières était bon pour les États-Unis et ce qui était bon pour les États-Unis était bon pour l'OCDE. À partir de 1973, l'OCDE commence à se démarquer, à la fois sur un plan politique (neutralité au Moyen-Orient) et sociétal (recherche d'une moindre consommation de pétrole). À partir de 2001, les États-Unis payent un prix de plus en plus élevé pour leur domination pétrolière, et même George W. Bush se plaint de la dépendance de son pays au pétrole {{citation|''America is addicted to oil''}}<ref>https://www.nytimes.com/2006/02/01/world/americas/01iht-state.html?pagewanted=all&_r=0</ref>.

Enfin, la volonté récente de certains fabricants d'automobiles de promouvoir les [[véhicule électrique|véhicules électriques]] laisse envisager également le découplage entre les compagnies pétrolières et les [[Constructeur automobile|constructeurs]]. Ces multiples modifications des anciens équilibres donnent plus de profondeur à la phrase de [[Ahmed Zaki Yamani|Sheikh Yamani]] : « L'âge de pierre ne s'est pas terminé par manque de pierres. L'âge du pétrole ne s'achèvera pas avec le manque de pétrole »<ref>{{Article|nom1=Charles-Emmanuel Haquet et Emmanuel Lechypre|titre=Les révolutions de l'après-pétrole|périodique=L'expansion|jour=1|mois=octobre|année=2005|url texte=http://www.lexpansion.com/economie/les-revolutions-de-l-apres-petrole_24415.html|consulté le=octobre 2009}}</ref>.

Au cours des [[années 2020]], avec l'accélération des ventes de [[voitures électriques]], le pétrole pourrait progressivement changer de statut : d’énergie stratégique pour laquelle les grandes puissances étaient prêtes à se battre, le pétrole pourrait devenir l’énergie des États n’ayant pas les moyens d’acquérir les technologies les plus avancées<ref>[https://www.20minutes.fr/planete/3006043-20210329-vehicules-electriques-pourquoi-essor-va-faire-petrole-energie-pauvre Véhicules électriques : Pourquoi leur essor va faire du pétrole « l’énergie du pauvre »]</ref>.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
Ligne 501 : Ligne 136 :
* {{fr}} ''Énergies : quel futur ?'', ''Géopolitique'', revue de l’[[Institut international de géopolitique]], {{numéro}}93, janvier 2006.
* {{fr}} ''Énergies : quel futur ?'', ''Géopolitique'', revue de l’[[Institut international de géopolitique]], {{numéro}}93, janvier 2006.
* {{en}} Film : [[Syriana]] (2005), un pamphlet géopolitique critique des politiques menées régionalement.
* {{en}} Film : [[Syriana]] (2005), un pamphlet géopolitique critique des politiques menées régionalement.
* {{fr}} [[Turab Gurbanov]],'' [[Le pétrole de la Caspienne et la politique extérieure de l'Azerbaïdjan]] : tome 1- Questions économiques et juridiques'', l’Harmattan, 2007, {{unité|304|pages}}, {{ISBN|978-2-2960-4019-9}}
* {{fr}} Turab Gurbanov, '' Le pétrole de la Caspienne et la politique extérieure de l'Azerbaïdjan : tome 1- Questions économiques et juridiques'', l’Harmattan, 2007, {{unité|304|pages}}, {{ISBN|978-2-2960-4019-9}}
* {{fr}} [[Turab Gurbanov]], ''[[Le pétrole de la Caspienne et la politique extérieure de l'Azerbaïdjan]] : tome 2- Questions géopolitiques'', l’Harmattan, 2007, {{unité|297|pages}}, {{ISBN|978-2-2960-4020-5}}
* {{fr}} Turab Gurbanov, ''Le pétrole de la Caspienne et la politique extérieure de l'Azerbaïdjan : tome 2- Questions géopolitiques'', l’Harmattan, 2007, {{unité|297|pages}}, {{ISBN|978-2-2960-4020-5}}
* {{fr}} [http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2007/iatu/article.htm Géohistoire du pétrole roumain]
* {{fr}} [http://fig-st-die.education.fr/actes/actes_2007/iatu/article.htm Géohistoire du pétrole roumain]
* {{en}} [http://azer.com/aiweb/categories/magazine/ai102_folder/102_articles/102_oil_chronology.html Azerbaijan's Oil History]
* {{en}} [http://azer.com/aiweb/categories/magazine/ai102_folder/102_articles/102_oil_chronology.html Azerbaijan's Oil History]
Ligne 512 : Ligne 147 :
* {{fr}} [[Taki Rifaï]], 1972, [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1972_num_22_6_418926 La crise pétrolière internationale (1970-1971) : essai d'interprétation], ''Revue française de science politique'', volume 22, numéro 6 {{p.|1205–1236}}
* {{fr}} [[Taki Rifaï]], 1972, [http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1972_num_22_6_418926 La crise pétrolière internationale (1970-1971) : essai d'interprétation], ''Revue française de science politique'', volume 22, numéro 6 {{p.|1205–1236}}
* {{fr}} [[Gilles Munier]], ''Les espions de l'or noir'', Édition Alphée-Koutoubia, 318 p., 2009
* {{fr}} [[Gilles Munier]], ''Les espions de l'or noir'', Édition Alphée-Koutoubia, 318 p., 2009
* {{fr}} M. A. Oraizi,. Amérique, pétrole, domination : une stratégie globalisée, 5 vols, Paris, L'Harmattan, 2012
* {{fr}} M. A. Oraizi, Amérique, pétrole, domination : une stratégie globalisée, 5 vols, Paris, L'Harmattan, 2012


{{Palette|Pouvoir et puissance dans le système international|Hydrocarbures}}
{{Palette|Pouvoir et puissance dans le système international|Hydrocarbures}}
Ligne 519 : Ligne 154 :
{{DEFAULTSORT:Geopolitique du petrole}}
{{DEFAULTSORT:Geopolitique du petrole}}
[[Catégorie:Géopolitique du pétrole|*]]
[[Catégorie:Géopolitique du pétrole|*]]
[[Catégorie:Géopolitique]]

Dernière version du 10 mars 2024 à 13:32

La géopolitique du pétrole s'attache à la description et à l'analyse des rivalités entre États au sujet du contrôle de zones pétrolifères, à la protection de l'acheminement du pétrole, et à la fixation des prix. L'importance du pétrole est liée à son caractère essentiel dans le mode de vie des pays développés et des pays émergents.

Les tensions autour du pétrole sont liées à plusieurs facteurs. Les gisements de pétrole sont limités, et la quantité de pétrole encore disponible à un prix qui assure la rentabilité de l'extraction est inconnue. Aussi, l'emplacement géographique des gisements ne coïncide généralement pas avec celui des pays consommateurs, ce qui rend l'exploitation et l'acheminement compliqué. Les pays consommateurs, généralement de grandes puissances militaires, sont alors tentés d'employer des moyens de pression puissants (militaires ou économiques) pour avoir accès à ces ressources. Le pétrole, matière hautement stratégique, est fréquemment associé aux affrontements internationaux depuis le début du XXe siècle. Il est ainsi possible de faire une histoire de la géopolitique du pétrole.

Histoire[modifier | modifier le code]

Le pétrole est l'objet de confrontations et de tensions géopolitiques depuis la mise au point de sa distillation au XIXe siècle. Le premier grand évènement géopolitique lié au pétrole est en 1892 avec le premier voyage du navire pétrolier le "SS Murex" de Shell qui part de la Géorgie en ayant récupéré du pétrole de l'Azerbaïdjan, passe par les Dardanelles, le canal de Suez, le détroit de Bab-el-Mandeb puis le détroit de Malacca, dessinant ainsi les couloirs stratégiques du pétrole mondial[1].

Enjeux économiques[modifier | modifier le code]

Dépendance au pétrole[modifier | modifier le code]

Le pétrole est une matière première stratégique, nécessaire au bon fonctionnement de l'économie mondiale, étant l'une de ses principales sources d'énergie. Les pays en développement sont tout autant, si ce n'est plus, dépendants[2]. En 2005, une étude américaine estime une élasticité de -0,07 à -0,29 entre le PIB des États-Unis et la variation du prix du pétrole[3]. En 2009, le seul commerce du pétrole (activités en aval exclues) représente des échanges de l'ordre de 6 milliards de dollars par jour. L'Europe et les États-Unis en importent chaque jour 1,5 million de tonnes (ou 10 millions de barils) chacun[4].

Cette dépendance mondiale a considérablement enrichi les entreprises liées à l'industrie du pétrole : en 2022, la troisième plus grande entreprise du monde est la compagnie pétrolière Saudi Aramco ; trois des vingt plus grandes entreprises du monde sont des majors du pétrole[5].

La dépendance au pétrole est double, car elle implique les majors pétroliers chargés de l'extraction, du raffinage et de la vente. Beaucoup de pays exportateurs sont tributaires du pétrole en ce qu'il s'agit de leur première source de revenus, voire, parfois, de la seule du fait d'un manque de diversification économique[2].

Le pétrole est un facteur d'interdépendance dans le monde, peu de pays disposant de gisements sur leur territoire. Par conséquent, « le pétrole est un facteur de production largement mobile à l’échelle de la planète : près de 60 % du pétrole est consommé dans un pays autre que celui où il a été produit. Cela signifie qu’il repose sur un principe d’interdépendance beaucoup plus fort que pour la plupart des autres sources d’énergie »[6]. Étant donné la dépendance de certains États, le pétrole devient une partie essentielle de l’économie d’un pays et les pays exportateurs, des agents macroéconomiques dont les gouvernements doivent tenir compte[6].

En conséquence de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et des sanctions mises en place, notamment la suspension de toute importation de pétrole russe, les pays occidentaux ont dû se tourner vers d’autres pays producteurs et la Russie vers d'autres acheteurs[7].

Pétrole et monnaies[modifier | modifier le code]

Du fait de son abondance, le dollar sert de principale monnaie d'échange du pétrole. Les contrats pétroliers sont ainsi libellés en dollars quand bien même le pays producteur de pétrole vend sa denrée à un pays qui n'utilise par le dollar américain comme devise officielle. Cela oblige ces pays à puiser dans leurs réserves de dollars pour payer leurs factures. Ces dollars issus du pétrole, appelés pétrodollars, sont ensuite réinvestis aux États-Unis, ce qui permet de financer le déficit américain[8].

Cette exclusivité accroît le poids déjà considérable de cette monnaie dans les échanges internationaux. Les États-Unis useront de cette position de force pour menacer le Royaume-Uni, pendant la crise du canal de Suez, de faire chuter la livre sterling. Mais elle génère, dans les périodes de hausse de cours, des quantités excessives de pétrodollars qui aboutissent, au moins en partie, sur les bourses occidentales, provoquant des bulles financières aux effets dévastateurs. De plus, quand le dollar fléchit, les revenus des États producteurs fléchissent d'autant, ce qui a provoqué leur colère en 1971, et une exigence de majoration équivalente à la baisse des revenus ; un mouvement identique s'est produit dans la décennie 2000. Cette exclusivité, qui contribue à assujettir les pays producteurs, est périodiquement remise en cause, avec des succès nuls pour l'instant.

Saddam Hussein avait ainsi annoncé qu'il souhaitait être payé en euros en 2000[9]. L'Iran a, quant à lui, prétendu ouvrir une bourse du pétrole en euros mais les transactions s'effectuent en monnaie iranienne. Le projet de monnaie unique pour les États du Golfe reste un projet[10]. En 2023, à l'occasion d'un sommet des BRICS, Vladimir Poutine a déclaré « La dédollarisation est irréversible »[11].

Contrôle[modifier | modifier le code]

Contrôle des gisements[modifier | modifier le code]

En 1900, la capacité de projection des États était réduite à la portée de leurs armes. Pour s'assurer de l'approvisionnement en pétrole, ils n'avaient d'autre possibilité que d'occuper le terrain : c'est la diplomatie de la canonnière. Plus tard, il fut moins coûteux d'entretenir, ou d'installer, des régimes favorables à ces États dans les pays producteurs. L'opération Ajax, en Iran (1953), en est un exemple typique et bien documenté.

À partir de 1979 environ, les effets de la mondialisation, la volonté croissante d'autonomie des pays producteurs, le recours aux règles du commerce international, la crainte des conséquences d'interventions trop musclées, et l'obsession de la sécurité d'approvisionnement génèrent l'émergence de méthodes plus fines dont la « diplomatie du pipeline » (« pipeline diplomacy »). En 2009, les États et leurs représentants ont recours à un mélange de ces diverses méthodes. Enfin, le prix reste une composante fondamentale.

Cet ensemble de méthodes a permis aux pays consommateurs de ne jamais souffrir de pénurie de pétrole, en dehors de périodes très limitées telles que les périodes de guerre ou de choc pétrolier.

Certains pays décident de nationaliser leur gisement de pétrole afin de mieux contrôler leur ressource. C'est le cas de la Bolivie, le gouvernement décidant en 2006 de nationaliser son or noir[12]. Aux États-Unis, le propriétaire d'une terre terres a tous les droits sur ce qu'il trouve dans son sous-sol ; ainsi, « il y a aujourd'hui encore aux États-Unis de nombreux petits producteurs de pétrole (près de 10 000 avec 500 000 puits, contre 3 000 puits seulement au Moyen-Orient). Ceux-ci vendent le pétrole aux grandes compagnies, qui le transportent, le raffinent et le commercialisent[13] ».

Contrôle des détroits[modifier | modifier le code]

Le détroit d'Ormuz, point de tension géostratégique entre l'Iran, Oman (péninsule de Musandam) et les Émirats arabes unis.

Le commerce du pétrole suscite des convoitises considérables. Il exige des gouvernements, responsables du fonctionnement de leurs États une surveillance permanente et les conduit à des comportements parfois extrêmes pour s'assurer de son approvisionnement régulier.

La géostratégie des détroits par lesquels passent les pétroliers constitue le second enjeu : celui du transport pétrolier. Près de 20 % du commerce mondial dont 40 % des exportations du pétrole emprunte le détroit d'Ormuz[14]. Aujourd'hui, il est inconcevable que ce dernier soit fermé ou même menacé. Les pays limitrophes — Iran, Oman, Émirats arabes unis et Arabie saoudite — sont au cœur de l'une des régions les plus convoitées de la planète. La Cinquième flotte américaine y mouille d'ailleurs en permanence.

Les approvisionnements européens dépendent quant à eux, très largement du canal de Suez. Fermé de 1967 à 1973, à la suite de sa nationalisation par le président égyptien Nasser, les pétroliers n'ont d'autres choix que de rallonger leur route pour contourner le Cap de Bonne-Espérance, ce qui pousse les armateurs à construire des pétroliers de taille considérable (VLCC et ULCC). Cette interruption, à l'origine de la crise du canal de Suez, n'a néanmoins pas suffi à bloquer l'approvisionnement européen. Par la suite, le canal est doublé par un oléoduc (Sumed pipeline) d'une capacité de 2,5 Mbbl/j. Une occupation physique des lieux reste cependant une menace.

Enfin, ceux du Japon et de la Chine passent par le détroit de Malacca, toujours affecté par des actes de piraterie. La Chine cherchait en 2006 à passer contrat avec la Thaïlande pour faire passer son pétrole par voie de terre et doubler ainsi l'alimentation par le détroit ; la réactivation du pipeline qui double le canal de Panama est en cours (2009)[15].

Les menaces qui s'exercent sur les détroits peuvent être de nature militaire, mais aussi terroriste ou même la piraterie, qui connaît des regains périodiques.

Nationalisation[modifier | modifier le code]

La nationalisation peut être utilisée afin de permettre à un État de contrôler ses gisements plus directement. Par exemple, en 1938, le Mexique a décidé de nationaliser les compagnies pétrolières étrangères sur son territoire. Cette loi figure elle-même dans la constitution mexicaine[13]. La nationalisation récente du pétrole au Venezuela, en Équateur et en Bolivie, a pour objectif d’assurer, d’une part, une plus grande présence de l’État en tant qu’acteur prédominant dans la formulation et la réalisation des politiques pétrolières et, d’autre part, de garder la main sur les profits afin de garantir les revenus nécessaires au déploiement de programmes sociaux[16].

Industrie[modifier | modifier le code]

Tentation du cartel[modifier | modifier le code]

Comme toutes les matières premières, le commerce du pétrole est en butte aux aléas du cycle pénurie-surproduction. À la suite d'une baisse de l'offre par rapport à la demande, le cours du pétrole monte, poussant les compagnies pétrolières à investir pour découvrir de nouveaux gisements. À cause d'un effet accélérateur qui fait que l'offre dépasse la demande, le cours du pétrole s'effondre. Cela était particulièrement vrai dans la première moitié du XXe siècle, quand les grands gisements du Moyen-Orient, qui excédaient largement la demande, ont été découverts. Ces perturbations, qui pouvaient mener à la faillite des compagnies, étaient bien connues, et particulièrement craintes de deux personnages qui ont beaucoup influencé le commerce du pétrole, John D. Rockefeller et Henri Deterding, président de Shell. Ils ont été les acteurs principaux de la cartellisation du domaine pétrolier au début du XXe siècle.

Intégration et constellation[modifier | modifier le code]

L'industrie du pétrole implique beaucoup de valeur ajoutée : frais d'exploration/production, transport et raffinage. Ceux-ci bénéficient souvent de l'économie d'échelle ; une grosse raffinerie coûte moins cher que deux petites si bien que très tôt, les compagnies pétrolières se sont lancées dans une course à la taille.

Mais ce marché est également cyclique, avec des revenus très variables. L'industrie s'est donc adaptée à ces contraintes en jouant l'intégration verticale, afin de bénéficier de la valeur ajoutée jusqu'au client final, et sur l'intégration horizontale, pour bénéficier de l'effet de masse — et absorber les concurrents — tout en s'entourant d'une constellation de sociétés de service, avec des contrats ponctuels, que l'on arrête de souscrire pendant les années maigres[17].

Au fil des décennies, ces sociétés de service ont développé et conservé une haute technologie dans une multitude de domaines qu'elles sont seules à maîtriser : gravimétrie, sismique, diagraphie, outils et fluides de forage, PVT (comportement de phase), etc. Sans ces technologies, il est rapidement devenu impossible de produire du pétrole dans des conditions compétitives. Quand les pays producteurs voudront se libérer du joug politique et commercial des compagnies pétrolières, ils se retrouveront face à la dépendance technologique[18]. La société Schlumberger, née en France, est la plus importante de ces sociétés de service. Halliburton a fait l'objet d'une agitation médiatique[19].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Thibaut Klinger, Géopolitique de l'énergie, Studyrama, (ISBN 978-2-7590-0396-9 et 2-7590-0396-5, OCLC 276990432, lire en ligne)
  2. a et b Michael Renner, Hilary French, Erik Assadourian et al., L'état de la planète : Redéfinir la sécurité mondiale Rapport de l'Institut Worldwatch sur le développement durable, L'état de la planète publications, , 265 p. (ISBN 978-2-9700489-0-9, lire en ligne), p. 125
  3. (en) « EMF SR 9: The Economic Consequences of Higher Crude Oil Prices | Energy Modeling Forum », sur emf.stanford.edu (consulté le )
  4. (en) « BP Statistical Review of World Energy June 2009 », sur bp.com, (consulté le ) [PDF]
  5. (en) Forbes, « The Global 2000 2022 », sur Forbes (consulté le )
  6. a et b Copinschi, P. (2010). Introduction. Dans : P. Copinschi, Le pétrole, quel avenir : Analyse géopolitique et économique (pp. 5-9). Louvain-la-Neuve: De Boeck Supérieur.
  7. Zone International- ICI.Radio-Canada.ca, « La Russie baissera sa production de pétrole en mars, les prix décollent | Guerre en Ukraine », sur Radio-Canada.ca (consulté le )
  8. Paillard Christophe-Alexandre, Les nouvelles guerres économiques: Concours grandes écoles, ENA, IEP, Concours administratifs, Formation en entreprises, Editions OPHRYS, (ISBN 978-2-7080-1322-3, lire en ligne)
  9. (en) Krassimir Petrov, « The Proposed Iranian Oil Bourse », sur 321gold.com, (consulté le )
  10. Elisabeth Studer, « Monnaie unique des pays du Golfe : le Koweït souhaite un report » [archive du ], sur Le Blog Finance, (consulté le ) : « « Le Koweit ... a demandé dimanche un report du lancement prévu en 2010. » »
  11. Nicolas GALLANT, « BRICS : pour les pays émergents, “la dédollarisation est irréversible”, l’or devrait se renforcer », sur Capital.fr, (consulté le )
  12. Ricardo Molero Simarro, María José Paz Antolín et Juan Manuel Ramírez Cendrero, « Les hydrocarbures dans le processus de transformation bolivien : nationalisation et capital étranger (2006-2009) », Revue Tiers Monde, vol. 208, no 4,‎ , p. 139 (ISSN 1293-8882 et 1963-1359, DOI 10.3917/rtm.208.0139, lire en ligne, consulté le )
  13. a et b Jean Bergevin, « Lacoste, Yves (1990) Paysage politiques. Paris, Le livre de poche, 288 p. », Cahiers de géographie du Québec, vol. 35, no 96,‎ , p. 626 (ISSN 0007-9766 et 1708-8968, DOI 10.7202/022232ar, lire en ligne, consulté le )
  14. (en) EIA/DoE, « World Oil Transit Chokepoints », sur eia.doe.gov, (consulté le )
  15. (en) « Trans Panama Pipeline to be Reactivated » [archive du ], sur panamamagazine.net, (consulté le )
  16. Mai Yinhua, « La Chine, le pétrole et l'OMC [Les géants chinois du pétrole survivront-ils à la concurrence du marché ?] », Perspectives chinoises, vol. 70, no 1,‎ , p. 24–34 (ISSN 1021-9013, DOI 10.3406/perch.2002.2730, lire en ligne, consulté le )
  17. S. Serbutoviez et C. Silva, « L'industrie pétrolière et parapétrolière, Contexte international, 2008 » [archive du ], IFP (consulté le ) : « Moyenne annuelle de l'activité sismique sur la période 2000 à 2008 », p. 21 [PDF]
  18. Virginie Lepetit, « L'ours russe effraie aussi le parapétrolier français », L'Usine Nouvelle,‎ (lire en ligne) :

    « Même en imaginant que les majors perdent pied en Russie, l'industrie locale ne possède pas les technologies et le savoir-faire pour exploiter ses ressources offshore, et encore moins pour faire du gaz naturel liquéfié (GNL). »

  19. (en) James Risen, « Controversial Contractor’s Iraq Work Is Split Up », The New York Times,‎ (lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Articles connexes et cartes[modifier | modifier le code]

Conflits :

Importance économique :

Géopolitique :

Cartes :

Bibliographie et sources[modifier | modifier le code]