« Antioche » : différence entre les versions

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{{Infobox Site archéologique
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| époque4 = 638 - 661
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| époque7 = 968 - 1084
| nom époque8 = [[Empire seldjoukide]]
| époque8 = 1084 - 1098
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| époque9 = 1098 - 1268
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== Histoire ==
== Histoire ==
=== Fondation ===
=== Fondation ===
Fondée vers {{date-|300 av. J.-C.|}} par [[Séleucos Ier|Séleucos {{Ier}}]] Nicator après sa victoire d'[[bataille d'Ipsos|Ipsos]] sur [[Antigone le Borgne]], il l'appelle ''Antiocheia'' (en [[grec ancien|grec]] Ἀντιόχεια) en souvenir de son père [[Antiochos (père de Séleucos Ier)|Antiochos]]. La ville connaît un essor démographique rapide car elle est créée par [[synœcisme]] de plusieurs bourgs avoisinants, Lopolis, Jope, Meroe et Bottia, (le synœcisme est la réunion de plusieurs villages pour fonder une ''poli''s), synœcisme amplifié par l'adjonction de {{nb|3500 familles}} [[Royaume de Macédoine|macédoniennes]] et [[Grèce antique|grecques]] déplacées d'[[Antigonie (Syrie)|Antigonie]], l'ancienne capitale de son rival située {{unité|9 km}} en amont sur l'Oronte. Bâtie initialement en retrait de la rive gauche du [[fleuve]] en raison des risques d'[[inondation]]s, elle est conçue sur un [[plan hippodamien]] à l'image d'[[Alexandrie]]. Elle s'en veut la concurrente dans la région. Antioche devient l'une des grandes villes de l'[[époque hellénistique|époque]]. Les immigrants et en particulier, fait rare, les [[Juifs]], y obtiennent les mêmes droits que les autres habitants.

Fondée vers {{date-|300 av. J.-C.|}} par [[Séleucos Ier|Séleucos {{Ier}}]] Nicator après sa victoire d'[[bataille d'Ipsos|Ipsos]] sur [[Antigone le Borgne]], il l'appelle ''Antiocheia'' (en [[grec ancien|grec]] Ἀντιόχεια) en souvenir de son père [[Antiochos (père de Séleucos Ier)|Antiochos]]. La ville connaît un essor démographique rapide car elle est créée par [[synœcisme]] de plusieurs bourgs avoisinants, Lopolis, Jope, Meroe et Bottia, (le synœcisme est la réunion de plusieurs villages pour fonder une ''poli''s), synœcisme amplifié par l'adjonction de {{nb|3500 familles}} [[Royaume de Macédoine|macédoniennes]] et [[Grèce antique|grecques]] déplacées d'[[Antigonie (Syrie)|Antigonie]], l'ancienne capitale de son rival située {{unité|9 km}} en amont sur l'Oronte. Bâtie initialement en retrait de la rive gauche du [[fleuve]] en raison des risques d'[[inondation]]s, elle est conçue sur un [[plan hippodamien]] à l'image d'[[Alexandrie]]. Elle se veut en être la concurrente dans la région. Antioche devient l'une des grandes villes de l'[[époque hellénistique|époque]]. Les immigrants et en particulier, fait rare, les [[Juifs]], y obtiennent les mêmes droits que les autres habitants.


On la connaît aussi sous le nom d’''Antioche sur l'Oronte'' afin de la distinguer des quinze autres {{page h'|Antioche (homonymie)|Antioche}} créées par le monarque et d’''Antioche épi [près de] [[Daphné (faubourg d'Antioche)|Daphnè]]'', du nom d'un bois sacré voisin consacré à [[Apollon]] et dans lequel Séleucos éleva un [[temple]] au [[divinités olympiennes|dieu]] tutélaire des [[Séleucides]].
On la connaît aussi sous le nom d’''Antioche sur l'Oronte'' afin de la distinguer des quinze autres {{page h'|Antioche (homonymie)|Antioche}} créées par le monarque et d’''Antioche épi [près de] [[Daphné (faubourg d'Antioche)|Daphnè]]'', du nom d'un bois sacré voisin consacré à [[Apollon]] et dans lequel Séleucos éleva un [[temple]] au [[divinités olympiennes|dieu]] tutélaire des [[Séleucides]].
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La première Antioche, dont Séleucos confia la construction à une commission de trois superviseurs, Attaios, Péritas et Anaxicratès, ne comprenait que deux quartiers : ce qui devait devenir le quartier royal, dans l’île, et le quartier sud. Elle fut entourée d’une enceinte (dont il ne reste rien) conçue par l’architecte Xénaïos.
La première Antioche, dont Séleucos confia la construction à une commission de trois superviseurs, Attaios, Péritas et Anaxicratès, ne comprenait que deux quartiers : ce qui devait devenir le quartier royal, dans l’île, et le quartier sud. Elle fut entourée d’une enceinte (dont il ne reste rien) conçue par l’architecte Xénaïos.


Légende tardive ou souvenir d’un rite barbare, [[Jean Malalas]]<ref>[[Jean Malalas]], ''Chronographie'', {{p.|199-204}} (éd. Dindorf).</ref> explique que la fondation d’Antioche est marquée par un sacrifice humain, celui d’une jeune fille nommée Aimathè. Elle est alors considérée comme une déesse, la ''[[Tyché]]'' (la Fortune), et son sanctuaire fondé par Séleucos devient l’un des plus importants de la cité. Le roi commande une statue au sculpteur [[Eutychidès de Sicyone]], œuvre monumentale qui va devenir une des plus célèbres du monde grec : elle représentait la jeune fille voilée, couronnée de tours, tenant à la main des épis de blé, assise sur un rocher qui symbolise le mont [[Silpios]] ; à ses pieds apparaît à partir de la taille un jeune nageur étendant les bras, et représentant l’[[Oronte]]. Le roi fonde aussi d’autres sanctuaires pour la ville nouvelle : celui de [[Zeus Bottaios]], un dieu macédonien, et dans les environs un temple d’[[Athéna]] avec une belle statue de bronze pour les colons athéniens venus d’Antigonéia, ainsi qu’un bois sacré de cyprès à proximité du Daphneion, le « sanctuaire du Laurier » consacré à [[Apollon]], sur les hauteurs de Daphnè au sud-ouest.
Légende tardive ou souvenir d’un rite barbare, [[Jean Malalas]]<ref>[[Jean Malalas]], ''Chronographie'', éd. Dindorf, {{p.|199-204}}, 1831.</ref> explique que la fondation d’Antioche est marquée par un sacrifice humain, celui d’une jeune fille nommée Aimathè. Elle est alors considérée comme une déesse, la ''[[Tyché]]'' (la Fortune), et son sanctuaire fondé par Séleucos devient l’un des plus importants de la cité. Le roi commande une statue au sculpteur [[Eutychidès de Sicyone]], œuvre monumentale qui va devenir une des plus célèbres du monde grec : elle représentait la jeune fille voilée, couronnée de tours, tenant à la main des épis de blé, assise sur un rocher qui symbolise le mont [[Silpios]] ; à ses pieds apparaît à partir de la taille un jeune nageur étendant les bras, et représentant l’[[Oronte]]. Le roi fonde aussi d’autres sanctuaires pour la ville nouvelle : celui de [[Zeus Bottaios]], un dieu macédonien, et dans les environs un temple d’[[Athéna]] avec une belle statue de bronze pour les colons athéniens venus d’Antigonéia, ainsi qu’un bois sacré de cyprès à proximité du Daphneion, le « sanctuaire du Laurier » consacré à [[Apollon]], sur les hauteurs de Daphnè au sud-ouest.


Particulièrement bien située, à la charnière des voies conduisant vers l'[[Anatolie]], la [[Mésopotamie]] et la [[Judée]], et sur l'[[Oronte]] alors navigable, Antioche devient la capitale du royaume [[Séleucides|séleucide]] et l'un des principaux centres de diffusion de la [[Époque hellénistique|culture hellénistique]]. La ville se pose très tôt en rivale d'[[Alexandrie]].
Particulièrement bien située, à la charnière des voies conduisant vers l'[[Anatolie]], la [[Mésopotamie]] et la [[Judée]], et sur l'[[Oronte]] alors navigable, Antioche devient la capitale du royaume [[Séleucides|séleucide]] et l'un des principaux centres de diffusion de la [[Époque hellénistique|culture hellénistique]]. La ville se pose très tôt en rivale d'[[Alexandrie]].


La ville est dans la plaine fertile de l'[[Amuq]], abritée par de petits massifs montagneux (le [[mont Staurin]] et le [[mont Silpion]]) qui défendent son approche et fournissent des piémonts aisés à fortifier. Elle est sans cesse agrandie, ce qui lui vaut la qualification de ''[[Tétrapole]]'' (cité quadruple) par le géographe [[Strabon]]<ref>[[Strabon]], ''Géographie'', Livre XVI, chap. 2, 4-5.</ref>. Au milieu de l'Oronte, il y avait une île aménagée sous [[Antiochos III]] avec la construction du palais ou quartier royal, et au sud de cette île, la cité fondée par Séleucos avec ses rues parallèles au fleuve. Plus au sud encore le quartier d'Epiphaneia dont [[Antiochos IV]] Épiphane voulut faire le centre politique de la cité. Elle est peuplée de [[Grecs]], de [[Syrie|Syriens]] rapidement hellénisés. C’est une cité florissante et prospère (industrie textile, joaillerie, produits de luxe) mais qui ne peut rivaliser ni avec [[Alexandrie]] ni avec [[Pergame]] comme foyer littéraire et artistique.
La ville est dans la plaine fertile de l'[[Amuq]], abritée par de petits massifs montagneux (le [[mont Staurin]] et le [[mont Silpion]]) qui défendent son approche et fournissent des piémonts aisés à fortifier. Elle est sans cesse agrandie, ce qui lui vaut la qualification de ''[[Tétrapole]]'' (cité quadruple : [[Apamée]], Laodicée de Syrie ([[Lattaquié]]), Antioche et [[Séleucie de Piérie]]) par le géographe [[Strabon]]<ref>[[Strabon]], ''Géographie'', Livre XVI, chap. 2, 4-5.</ref>. Au milieu de l'Oronte, il y avait une île aménagée sous [[Antiochos III]] avec la construction du palais ou quartier royal, et au sud de cette île, la cité fondée par Séleucos avec ses rues parallèles au fleuve. Plus au sud encore le quartier d'Epiphaneia dont [[Antiochos IV]] Épiphane voulut faire le centre politique de la cité. Elle est peuplée de [[Grecs]], de [[Syrie|Syriens]] rapidement hellénisés. C’est une cité florissante et prospère (industrie textile, joaillerie, produits de luxe) mais qui ne peut rivaliser ni avec [[Alexandrie]] ni avec [[Pergame]] comme foyer littéraire et artistique.


La cité compte de {{nb|300000 à 400000 habitants}} à la fin de la période hellénistique. Son urbanisme (rues à angle droit) et ses institutions ([[boulè]] et [[archonte]]s) sont ceux d’une ''polis'' (cité), qui peut se comporter à l’occasion comme un État souverain, surtout en cas d’affaiblissement du pouvoir royal. En {{date-|83 av. J.-C.}}, les Antiochiens n’hésitent pas à lâcher la dynastie séleucide et à demander la protection du roi d’[[Arménie]] [[Tigrane II d'Arménie|Tigrane II]].
La cité compte de {{nb|300000 à 400000 habitants}} à la fin de la période hellénistique. Son urbanisme (rues à angle droit) et ses institutions ([[boulè]] et [[archonte]]s) sont ceux d’une ''polis'' (cité), qui peut se comporter à l’occasion comme un État souverain, surtout en cas d’affaiblissement du pouvoir royal. En {{date-|83 av. J.-C.}}, les Antiochiens n’hésitent pas à lâcher la dynastie séleucide et à demander la protection du roi d’[[Arménie]] [[Tigrane II d'Arménie|Tigrane II]].


=== Antioche romaine ===
=== Antioche romaine ===
[[Fichier:Mosaïque Phénix 02.JPG|thumb|Antioche, mosaïque, bouquetins (détail), [[musée du Louvre]].]]
[[Fichier:Mosaïque Phénix 02.JPG|vignette|Antioche, mosaïque, bouquetins (détail), [[musée du Louvre]].]]
[[File:P1170845 Louvre jugement de Pâris Ma3443 rwk.jpg|thumb|Le ''[[Jugement de Pâris]]''. Marbre, calcaire et pâte de verre, 115-150 ap. J.-C, [[triclinium]] de la maison de l'Atrium à Antioche sur l'[[Oronte]], Turquie ([[musée du Louvre]]).]]
[[Fichier:P1170845 Louvre jugement de Pâris Ma3443 rwk.jpg|vignette|Le ''[[Jugement de Pâris]]''. Marbre, calcaire et pâte de verre, 115-150 ap. J.-C, [[triclinium]] de la maison de l'Atrium à Antioche sur l'[[Oronte]], Turquie ([[musée du Louvre]]).]]
[[Fichier:Ancient Roman road of Tall Aqibrin.jpg|thumb|Ancienne voie romaine en [[Syrie]] qui reliait Antioche à [[Qinnasrīn|Chalcis]].]]
[[Fichier:Ancient Roman road of Tall Aqibrin.jpg|vignette|Ancienne voie romaine en [[Syrie]] qui reliait Antioche à [[Qinnasrīn|Chalcis]].]]
Après la conquête [[Empire romain|romaine]] en {{date-|-64}} par [[Pompée]], elle devient la capitale de la [[Syrie (province romaine)|province de Syrie]] et, loin de s'affaiblir, conserve le surnom de « Couronne de l'Orient ». Sous le règne de [[Tibère]], la ville est étendue vers le nord, reçoit une enceinte unique et son centre de gravité devient une avenue d'environ {{Unité|30 mètres}} de largeur comportant {{nb|3200 colonnes}}, presque parallèle à l'Oronte, séparant le quartier d'Épiphanie du reste de la cité, et offerte par [[Hérode Ier le Grand|Hérode le Grand]]. Ce type d'urbanisme est ensuite imité par presque toutes les cités d'Orient. Antioche, compte alors environ {{nb|500000 habitants}}, et est la troisième ville de l'Empire, derrière [[Rome]] et [[Alexandrie]].
Après la conquête [[Empire romain|romaine]] en {{date-|-64}} par [[Pompée]], elle devient la capitale de la [[Syrie (province romaine)|province de Syrie]] et, loin de s'affaiblir, conserve le surnom de « Couronne de l'Orient ». Sous le règne de [[Tibère]], la ville est étendue vers le nord, reçoit une enceinte unique et son centre de gravité devient une avenue d'environ {{nobr|30 mètres}} de largeur comportant {{nb|3200 colonnes}}, presque parallèle à l'Oronte, séparant le quartier d'Épiphanie du reste de la cité, et offerte par [[Hérode Ier le Grand|Hérode le Grand]]. Antioche, troisième ville de l'Empire derrière [[Rome]] et [[Alexandrie]], compte alors environ {{nb|500000 habitants}}.Ce type d'urbanisme est ensuite imité par presque toutes les cités d'Orient.


Ce décor, déjà exceptionnel, eut à souffrir du séisme de 37. Les monuments sont restaurés, et l’empereur Caïus César « [[Caligula]] » fait construire à [[Daphné (faubourg d'Antioche)|Daphné]] des thermes avec leur aqueduc. [[Titus (empereur romain)|Titus]] ajoute un théâtre à proximité. Dans Antioche, [[Domitien]] fait construire des thermes et un temple d’[[Asclépios]], [[Trajan]] un nouveau pont, un cirque et d'autres thermes. Survient le [[Séisme du 13 décembre 115 à Antioche|séisme]] de 115 : Trajan en personne se trouve en ville et manque bien de recevoir le plafond sur la tête. Les destructions sont considérables ; Trajan puis [[Hadrien]] rebâtissent une ville plus somptueuse qu’avant. La grande colonnade, cœur commerçant de la cité, est entièrement refaite sur toute sa longueur par-dessus les gravats. La chaussée centrale avait alors une largeur de {{unité|9 m}}, les portiques latéraux une largeur presque équivalente, et les boutiques une profondeur de {{unité|4 m}}. C’est sous les portiques qu’on circulait, à l’abri du soleil et des intempéries ; la chaussée centrale était sans doute encombrée de marchandises et de petits stands démontables, dont au {{s-|IV}} [[Libanios]] donna une évocation vivante. Hadrien fait construire deux temples, à [[Artémis]] et à Trajan divinisé. Entre 162 et 166, durant sa guerre contre les Parthes, [[Lucius Aurelius Verus]] séjourne surtout à Antioche, entouré d'une cour brillante. Son frère adoptif, [[Marc Aurèle]] fait restaurer des thermes, et construire le [[Nymphée]], fontaine monumentale ornée comme un décor de théâtre. La ville avait pourtant soutenu l'usurpation d'[[Avidius Cassius]]. Marc Aurèle cependant ne prend pas de mesures de rétorsion autres que symboliques : il ne visite la ville qu'au retour de son voyage en Orient en 176. Son gendre [[Claudius Pompeianus]] était originaire de la cité. [[Commode (empereur)|Commode]] fait construire de nouveaux [[thermes romains|thermes]] si monumentaux que l'empereur [[Caracalla]] s'en servit pour donner ses audiences, des temples à [[Zeus]] Olympien et à [[Athéna]], et le ''[[Xyste|Xystos]]'' qui était un stade couvert.
Ce décor, déjà exceptionnel, eut à souffrir du séisme de 37. Les monuments sont restaurés, et l’empereur Caïus César « [[Caligula]] » fait construire à [[Daphné (faubourg d'Antioche)|Daphné]] des thermes avec leur aqueduc. [[Titus (empereur romain)|Titus]] ajoute un théâtre à proximité. Dans Antioche, [[Domitien]] fait construire des thermes et un temple d’[[Asclépios]], [[Trajan]] un nouveau pont, un [[cirque d'Antioche|cirque]] et d'autres thermes. Survient le [[Séisme du 13 décembre 115 à Antioche|séisme]] de 115 : Trajan en personne se trouve en ville et manque bien de recevoir le plafond sur la tête. Les destructions sont considérables ; Trajan puis [[Hadrien]] rebâtissent une ville plus somptueuse qu’avant. La grande colonnade, cœur commerçant de la cité, est entièrement refaite sur toute sa longueur par-dessus les gravats. La chaussée centrale avait alors une largeur de {{unité|9 m}}, les portiques latéraux une largeur presque équivalente, et les boutiques une profondeur de {{unité|4 m}}. C’est sous les portiques qu’on circulait, à l’abri du soleil et des intempéries ; la chaussée centrale était sans doute encombrée de marchandises et de petits stands démontables, dont au {{s-|IV}} [[Libanios]] donna une évocation vivante. Hadrien fait construire deux temples, à [[Artémis]] et à Trajan divinisé. Entre 162 et 166, durant sa guerre contre les Parthes, [[Lucius Aurelius Verus]] séjourne surtout à Antioche, entouré d'une cour brillante. Son frère adoptif, [[Marc Aurèle]] fait restaurer des thermes, et construire le [[Nymphée]], fontaine monumentale ornée comme un décor de théâtre. La ville avait pourtant soutenu l'usurpation d'[[Avidius Cassius]]. Marc Aurèle cependant ne prend pas de mesures de rétorsion autres que symboliques : il ne visite la ville qu'au retour de son voyage en Orient en 176. Son gendre [[Claudius Pompeianus]] était originaire de la cité. [[Commode (empereur)|Commode]] fait construire de nouveaux [[thermes romains|thermes]] si monumentaux que l'empereur [[Caracalla]] s'en servit pour donner ses audiences, des temples à [[Zeus]] Olympien et à [[Athéna]], et le ''[[Xyste|Xystos]]'' qui était un stade couvert.


En 193-194, la cité prend parti pour son gouverneur [[Pescennius Niger]] au cours de la guerre civile qui l'oppose à [[Septime Sévère]]. Après la victoire de ce dernier, Antioche est punie, rétrogradée au rang de simple bourg du territoire de [[Lattaquié|Laodicée]] (Lattaquié), mais recouvre rapidement son statut de cité et de capitale de la Syrie. Avec la multiplication des conflits entre l'Empire romain et l'[[Parthie|Empire parthe]], puis l'[[Sassanides|Empire sassanide]], Antioche devient souvent résidence impériale et base arrière des campagnes romaines en [[Mésopotamie]]. [[Caracalla]], [[Macrin]], [[Héliogabale]], [[Sévère Alexandre]], [[Gordien III]], [[Philippe l'Arabe]], [[Valérien]], [[Aurélien (empereur romain)|Aurélien]], [[Carus]], [[Dioclétien]], [[Galère (empereur romain)|Galère]] et [[Maximin II Daïa|Maximin Daïa]] et [[Julien (empereur romain)|Julien]] y séjournent.
En 193-194, la cité prend parti pour son gouverneur [[Pescennius Niger]] au cours de la guerre civile qui l'oppose à [[Septime Sévère]]. Après la victoire de ce dernier, Antioche est punie, rétrogradée au rang de simple bourg du territoire de [[Lattaquié|Laodicée]] (Lattaquié), mais recouvre rapidement son statut de cité et de capitale de la Syrie. Avec la multiplication des conflits entre l'Empire romain et l'[[Parthie|Empire parthe]], puis l'[[Sassanides|Empire sassanide]], Antioche devient souvent résidence impériale et base arrière des campagnes romaines en [[Mésopotamie]]. [[Caracalla]], [[Macrin]], [[Héliogabale]], [[Sévère Alexandre]], [[Gordien III]], [[Philippe l'Arabe]], [[Valérien]], [[Aurélien (empereur romain)|Aurélien]], [[Carus]], [[Dioclétien]], [[Galère (empereur romain)|Galère]] et [[Maximin II Daïa|Maximin Daïa]] et [[Julien (empereur romain)|Julien]] y séjournent.


Lors de l'invasion de la Syrie par les Perses [[sassanides]] de [[Chapour Ier|Shapur {{Ier}}]] en 252 la cité, dont un notable nommé [[Cyriadès|Mariadès]] avait pris le contrôle, collabore un temps avec les Perses, qui se ravisent et la détruisent de fond en comble, déportant en [[Iran]] une grande partie de la population. Elle est reconstruite par [[Valérien]], et peut-être reprise par les Perses en 260. Au {{s-|IV}}, elle retrouve son importance, et est résidence impériale du [[César (titre)|César]] [[Constantius Gallus]] vers 350, qui fait régner dans la cité une atmosphère de terreur policière. Les Antiochiens étaient volontiers frondeurs, n'hésitant pas à critiquer les empereurs comme [[Julien (empereur romain)|Julien]] qui y séjourne durant l'hiver 362/363. Les surnoms injurieux que lui infligent les Antiochiens l'irritent au point qu'il réplique par un discours pamphlet, le ''Misopogon''<ref>[[Julien (empereur romain)|Julien]], Misopogon, traduction de Ch. Lacombrade, Les Belles Lettres, 2003 {{ISBN|2-251-79970-2}}.</ref>. En 387, un nouvel impôt déclenche la {{Citation|révolte des statues}}, durant laquelle la population renverse les statues de la famille impériale.
Lors de l'invasion de la Syrie par les Perses [[sassanides]] de [[Chapour Ier|Shapur {{Ier}}]] en 252 la cité, dont un notable nommé [[Cyriadès|Mariadès]] avait pris le contrôle, collabore un temps avec les Perses, qui se ravisent et la détruisent de fond en comble, déportant en [[Iran]] une grande partie de la population. Elle est reconstruite par [[Valérien]], et peut-être reprise par les Perses en 260. Au {{s-|IV}}, elle retrouve son importance, et est résidence impériale du [[César (titre)|César]] [[Constantius Gallus]] vers 350, qui fait régner dans la cité une atmosphère de terreur policière. Les Antiochiens étaient volontiers frondeurs, n'hésitant pas à critiquer les empereurs comme [[Julien (empereur romain)|Julien]] qui y séjourne durant l'hiver 362/363. Les surnoms injurieux que lui infligent les Antiochiens l'irritent au point qu'il réplique par un discours pamphlet, le ''[[Le Misopogon|Misopogon]]''<ref>[[Julien (empereur romain)|Julien]], Misopogon, traduction de Ch. Lacombrade, Les Belles Lettres, 2003 {{ISBN|2-251-79970-2}}.</ref>. En 387, un nouvel impôt déclenche la {{Citation|révolte des statues}}, durant laquelle la population renverse les statues de la famille impériale.

<gallery mode="packed">
File:Grand Temple Antioche élévation 1.jpg|Proposition de restitution de l'élévation du Grand Temple d'Antioche sur l'Oronte
File:GRAND TEMPLE ANTIOCHE élévation 2.jpg|Proposition de restitution de l'élévation en longueur du Grand Temple d'Antioche sur l'Oronte
File:GRAND TEMPLE ANTIOCHE vue biais.jpg|Proposition de restitution du Grand Temple d'Antioche sur l'Oronte
</gallery>


=== Antioche chrétienne ===
=== Antioche chrétienne ===
Antioche {{incise|à ne pas confondre avec [[Antioche de Pisidie]]}} est l'un des premiers appuis du [[christianisme]] naissant. Une communauté de fidèles du [[Jésus de Nazareth|Christ]] s'y développe dès les premières années du [[christianisme]] et, selon les ''[[Actes des Apôtres]]'' (11, 26), c'est dans ce lieu que les disciples de [[Jésus de Nazareth|Jésus]] reçoivent pour la première fois le nom de {{Citation|chrétiens}}{{sfn|Laurence Brottier 1993|p=623|id=lb}}.


Antioche est, très tôt, le siège d'un des [[Patriarche (christianisme)|patriarcats]] [[chrétiens d'Orient]] qui se réclame de l'apostolat de [[Pierre (apôtre)|saint Pierre.]] La tradition en fait le premier évêque de la ville. Selon une tradition tardive, ''[[la Légende dorée]]'', l'apôtre saint Pierre devient son premier évêque après avoir converti son prince. Au début du {{s-|II}}, l'[[Église d'Antioche]] est extrêmement organisée, avec [[Ignace d'Antioche|saint Ignace]] pour évêque depuis l'an 69. Vers 270, les chrétiens d'Antioche se divisent, entre ceux soutenant leur évêque [[Paul de Samosate]], qui nie la divinité du Christ et qui professe qu'il s'agit d'un homme envoyé par Dieu, et ceux qui font appel à l'arbitrage de l'empereur [[Aurélien (empereur romain)|Aurélien]] pour le chasser de sa résidence épiscopale. Au {{s-|IV}}, l'Église d'Antioche est considérée comme la plus importante de la chrétienté après [[Rome antique|Rome]] et [[Alexandrie]]. Elle est l'une des premières villes de l'Empire à construire une importante cathédrale (entre 327 et 341) avec coupole et mosaïques qui conservait les reliques de [[Julien de Tarse|saint Julien d'Antioche]]. Saint [[Jean Chrysostome]] rapporte la charité des habitants d’Antioche, soucieux de secourir les chrétiens de [[Jérusalem]], alors qu’une terrible famine les menaçait eux-mêmes{{sfn|Laurence Brottier 1993|p=623|id=lb}}{{,}}<ref>''[[Actes des Apôtres]]'', 11, 28-29.</ref>. Il souligne leur foi chrétienne au moment du [[Concile de Jérusalem]] avec la mission de [[Paul de Tarse|Paul]] et [[Barnabé]]<ref>''[[Actes des Apôtres]]'', 15, 1-4.</ref>
Antioche à ne pas confondre avec [[Antioche de Pisidie]] est l'un des premiers appuis du [[christianisme]] naissant. Une communauté de fidèles du [[Jésus de Nazareth|Christ]] s'y développe dès les premières années du [[christianisme]] et, selon les ''[[Actes des Apôtres]]'' (11, 26), c'est dans ce lieu que les disciples de [[Jésus de Nazareth|Jésus]] reçoivent pour la première fois le nom de {{Citation|chrétiens}}.

Antioche est, très tôt, le siège d'un des [[Patriarche (christianisme)|patriarcats]] chrétiens d'Orient qui se réclame de l'apostolat de [[Pierre (apôtre)|saint Pierre.]] La tradition en fait le premier évêque de la ville. Selon une tradition tardive, ''[[la Légende dorée]]'', l'apôtre saint Pierre devient son premier évêque après avoir converti son prince. Au début du {{s-|II}}, l'[[Église d'Antioche]] est extrêmement organisée, avec [[Ignace d'Antioche|saint Ignace]] pour évêque depuis l'an 69. Vers 270, les chrétiens d'Antioche se divisent, entre ceux soutenant leur évêque [[Paul de Samosate]], qui nie la divinité du Christ et qui professe qu'il s'agit d'un homme envoyé par Dieu, et ceux qui font appel à l'arbitrage de l'empereur [[Aurélien (empereur romain)|Aurélien]] pour le chasser de sa résidence épiscopale. Au {{s-|IV}}, l'Église d'Antioche est considérée comme la plus importante de la chrétienté après [[Rome antique|Rome]] et [[Alexandrie]]. Elle est l'une des premières villes de l'Empire à construire une importante cathédrale (entre 327 et 341) avec coupole et mosaïques qui conservait les reliques de [[Julien de Tarse|saint Julien d'Antioche]].


L'importance religieuse d'Antioche diminue progressivement avec la montée de [[Constantinople]] et l'érection de [[Jérusalem]] en patriarcat. L'Église d'Antioche est affaiblie par les [[hérésie]]s [[arianisme|arienne]] (Concile d'Antioche de 324), puis [[nestorianisme|nestorienne]] et [[monophysisme|monophysite]].
L'importance religieuse d'Antioche diminue progressivement avec la montée de [[Constantinople]] et l'érection de [[Jérusalem]] en patriarcat. L'Église d'Antioche est affaiblie par les [[hérésie]]s [[arianisme|arienne]] (Concile d'Antioche de 324), puis [[nestorianisme|nestorienne]] et [[monophysisme|monophysite]].


Nonobstant cette décadence religieuse, aux {{s mini-|IV}} et {{s-|V}}s, une brillante [[école théologique d'Antioche|école théologique]] participe aux controverses théologiques de l'époque en soutenant en particulier l'interprétation littérale des textes de la [[Bible]]. Ses principaux représentants sont surtout [[Jean Chrysostome]], [[Archevêque]] de [[Constantinople]] de 397 à 407 mais aussi [[Diodore de Tarse|Diodore, évêque de Tarse de 378 à 393]], [[Théodore de Mopsueste|Théodore, évêque de Mopsueste de 392 à 428]], [[Théodoret de Cyr|Théodoret, évêque de Cyr de 423 à 460]] et. Ils s'opposent principalement à l'[[école théologique d'Alexandrie|école d'Alexandrie]] qui soutient l'interprétation [[allégorie|allégorique]] de ces textes.
Nonobstant cette décadence religieuse, aux {{s mini-|IV}} et {{s-|V}}s, une brillante [[école théologique d'Antioche|école théologique]] participe aux controverses théologiques de l'époque en soutenant en particulier l'interprétation littérale des textes de la [[Bible]]. Ses principaux représentants sont surtout [[Jean Chrysostome]], [[Archevêque]] de [[Constantinople]] de 397 à 407 mais aussi [[Diodore de Tarse|Diodore, évêque de Tarse]] de 378 à 393, [[Théodore de Mopsueste|Théodore, évêque de Mopsueste]] de 392 à 428, [[Théodoret de Cyr|Théodoret, évêque de Cyr]] de 423 à 460. Ils s'opposent principalement à l'[[école théologique d'Alexandrie|école d'Alexandrie]] qui soutient l'interprétation [[allégorie|allégorique]] de ces textes.


=== Moyen Âge ===
=== Moyen Âge ===
{{Article connexe|Chefs musulmans face aux croisades#Antioche{{!}}Antioche à la veille des croisades|siège d'Antioche{{!}}siège d'Antioche (1098)|principauté d'Antioche}}
{{Article connexe|Chefs musulmans face aux croisades#Antioche{{!}}Antioche à la veille des croisades|siège d'Antioche{{!}}siège d'Antioche (1098)|Duché d'Antioche|principauté d'Antioche}}
[[Fichier:Passages d'outremer - BNF Fr5594 f59v - Siège d'Antioche.jpg|thumb|upright|Prise d'Antioche par les croisés. Miniature de [[Jean Colombe]] tirée des ''[[Passages d'outremer]]'' de [[Sébastien Mamerot]], [[Bibliothèque nationale de France|BNF]] Fr 5594, f.59v.]]
[[Fichier:Passages d'outremer - BNF Fr5594 f59v - Siège d'Antioche.jpg|thumb|upright|Prise d'Antioche par les croisés. Miniature de [[Jean Colombe]] tirée des ''[[Passages d'outremer]]'' de [[Sébastien Mamerot]], [[Bibliothèque nationale de France|BNF]] Fr 5594, f.59v.]]
La cité est détruite en grande partie par un [[Séisme de mai 526 à Antioche|tremblement de terre]] en 526, lequel aurait fait plus de {{nb|250000 victimes}}, puis prise et pillée de nouveau par les [[Perses]] en 540 qui déportent une grande partie de sa population dans les environs d'[[Ecbatane]]. La ville est reconstruite par [[Justinien]] qui élève une nouvelle muraille, sur une superficie plus réduite, et la refonde sous le nom de ''Théoupolis'' (« Cité de Dieu »).
La cité est détruite en grande partie par un [[Séisme de mai 526 à Antioche|tremblement de terre]] en 526, lequel aurait fait plus de {{nb|250000 victimes}}, puis prise et pillée de nouveau par les [[Perses]] en 540 qui déportent une grande partie de sa population dans les environs d'[[Ecbatane]]. La ville est reconstruite par [[Justinien]] qui élève une nouvelle muraille, sur une superficie plus réduite, et la refonde sous le nom de ''Théoupolis'' (« Cité de Dieu »).


Conquise par les Perses [[sassanides]] en 614, reprise par [[Héraclius]], elle est enlevée par les Arabes en 638 durant le califat d'[[Omar ibn al-Khattâb|Omar]]. Antioche redevient byzantine en 966 lors de la reconquête de [[Nicéphore II Phocas|Nicéphore Phocas]]. L'empereur byzantin [[Constantin IX|Constantin Monomaque]] est originaire de la cité.
Conquise par les Perses [[sassanides]] en 614, reprise par [[Héraclius]], elle est [[Expansion de l'islam|enlevée par les Arabes]] en 638 durant le califat d'[[Omar ibn al-Khattâb|Omar]]. Antioche redevient byzantine en 966 lors de la reconquête de [[Nicéphore II Phocas|Nicéphore Phocas]]. L'empereur byzantin [[Constantin IX|Constantin Monomaque]] est originaire de la cité.


Presque un siècle plus tard, en 1084, les Turcs [[seldjoukides]] s'en emparent.
Un peu plus d'un siècle plus tard, en 1084, les Turcs [[seldjoukides]] s'en emparent.


La ville est conquise par les [[croisé]]s le {{date-|2 juin 1098}} après un siège de {{nb|8 mois}}. Ils en font la capitale d'une [[principauté d'Antioche|principauté]] au profit de [[Bohémond de Tarente|Bohémond {{Ier}} de Tarente]], fils aîné de [[Robert Guiscard]]. Après la victoire de Saladin à la [[bataille de Hattin]] (1187), cette principauté décline assez rapidement et se limite aux faubourgs d'Antioche. La ville est reprise par le sultan [[mamelouk]] [[Baybars]] en 1268. Sa chute annonce la fin de la présence chrétienne en [[Syrie]].
La ville est conquise par les [[Croisé|croisés]] le {{date-|2 juin 1098}}. Les chroniqueurs chrétiens racontent la famine et le cannibalisme des croisés pendant le siège de huit mois, puis les massacres et les viols après la prise de la ville par traîtrise<ref>{{Article|prénom1=Henri|nom1=Glaesener|titre=La prise d'Antioche en 1098 dans la littérature épique française|périodique=Revue belge de Philologie et d'Histoire|volume=19|numéro=1|date=1940|doi=10.3406/rbph.1940.1571|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1940_num_19_1_1571|consulté le=2023-02-08|pages=68}}</ref>. Les croisés en font la capitale d'une [[principauté d'Antioche|principauté]] au profit de [[Bohémond de Tarente|Bohémond {{Ier}} de Tarente]], fils aîné de [[Robert Guiscard]]. Après la victoire de Saladin à la [[bataille de Hattin]] (1187), cette principauté décline assez rapidement et se limite aux faubourgs d'Antioche. La ville est [[siège d'Antioche (1268)|reprise]] et mise à sac par le sultan [[sultanat mamelouk d'Égypte|mamelouk]] [[Baybars]] en 1268. Sa chute annonce la fin de la présence croisée en [[Syrie]].

À la suite de sa destruction par Baybars, la ville, devenue [[Antakya]], décline en importance au profit d'[[Iskenderun]] et d'[[Alep]].


=== Époque moderne ===
=== Époque moderne ===
{{Article détaillé|Antakya#Histoire}}


== Monuments et autres lieux ==
Les [[Turc]]s prennent la ville {{référence souhaitée|en 1489}} et y installent une garnison de [[janissaire]]s. Antioche est devenue une bourgade, à l’écart des voies commerciales qui convergent vers [[Alep]]. Les vaisseaux venus d’[[Europe]] débarquent au {{s-|XVII}} à [[Alexandrette]]. Les marchandises prennent ensuite la route d’[[Alep]] où les puissances européennes, dont la France depuis [[François Ier (roi de France)|François {{Ier}}]], sont représentées par des consuls. Les affaires se font désormais ailleurs qu'à Antioche, qui n'est plus une ville étape commerciale.

En 1832, [[Ibrahim Pacha]] s'en empare au nom de son père [[Méhémet Ali]], vice-roi d'[[Égypte]]. Antioche est restituée à la [[Convention de Kütahya|paix de Kütahya]], le {{date-|14 mai 1833}}. La population d'Antioche est alors constituée de communautés bien diverses. Les Syriens constituent le gros de la population, les colons Turcs sont de plus en plus nombreux, et on trouve de fortes communautés chrétiennes, notamment des [[Grecs]] mais surtout des [[Arméniens]].

Cette diversité ethnico-religieuse fut à l’origine des déchirements d’Antioche au début du {{s-|XX}}. Choisissant de résister par les armes aux persécutions dont ils sont victimes à partir de 1915, les Arméniens se retranchent sur le [[Musa Dagh]] (« la montagne de Moïse »), entre la ville et la mer, et doivent être évacués ''in extremis'' par la marine française.
{{Article détaillé|Génocide arménien|Les Quarante Jours du Musa Dagh}}

En 1918, le [[sandjak d'Alexandrette]] dont Antioche fait partie, est occupé par l’armée française, comme la Cilicie et la Syrie. La [[Société des Nations]] pense intégrer Antioche à la Syrie, placée sous [[Mandat français en Syrie et au Liban|mandat français]], mais la présence d’une forte population turque impose l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Pour ménager la Turquie dont on souhaitait la neutralité en cas de nouvelle guerre, le gouvernement d'[[Édouard Daladier]] laisse l’armée turque pénétrer dans le Sandjak en {{date-|juillet 1938}} et organiser le recensement des électeurs. Le résultat donne {{nb|63 %}} de Turcs.

En 1939, Antioche et sa région sont intégrées à la Turquie sous le nom de province de [[Hatay]]. {{nb|14000 Arméniens}} (sur les {{nb|23000 recensés}} en 1933) choisissent d’émigrer, comme de nombreux syriens arabes.

De nos jours, Antioche reste une pomme de discorde entre la Syrie et la Turquie. Officiellement, les Syriens considèrent la ville et le [[Hatay]] comme une province [[Irrédentisme|irrédente]], de même que le plateau du Jawlan ([[Plateau du Golan (géographie)|Golan]] en hébreu). La ville d’Antakya regroupe moins de {{nb|46000 habitants}} en 1970 alors que sa population en comptait près de {{nb|400000}} au {{s-|II}} de notre ère.
[[Fichier:Antioch Panorama Saint Pierre Church.jpg|thumb|center|upright=2.5|Panorama d'Antioche en 2003.]]

=== Rivière Asi ===
La rivière Asi, qui coule vers le nord pour former la frontière entre la Turquie et la Syrie, retourne à l'ouest après être revenue sur les terres de la Turquie et se confond avec le petit Asi du lac Amik, qui a été séché aujourd'hui.

=== Divers ===
=== Monuments et autres lieux ===
[[Fichier:Antioch Saint Pierre Church Altar.JPG|thumb|250px|Autel de l’église Saint-Pierre.]]
[[Fichier:Antioch Saint Pierre Church Altar.JPG|thumb|250px|Autel de l’église Saint-Pierre.]]
* L'[[Église Saint-Pierre d'Antioche|église Saint-Pierre]] est creusée dans la roche et est sans doute la première église chrétienne. Elle comporte un souterrain qui aurait permis aux premiers chrétiens de fuir en cas de persécutions.
* L'[[Église Saint-Pierre d'Antioche|église Saint-Pierre]] est creusée dans la roche et est sans doute la première église chrétienne. Elle comporte un souterrain qui aurait permis aux premiers chrétiens de fuir en cas de persécutions.
* La [[grotte Beshikli]] abrite des tombeaux rupestres
* La [[grotte Beshikli]] abrite des tombeaux rupestres
* Le [[:en:Hatay_Archaeology_Museum|musée du Hatay]], avec l'une des plus riches collection de mosaïques romaines
* La [[colonne de Yunus]]
* La [[:en:Habib'i_Neccar_Mosque|mosquée Habib-i Neccar]], la plus vieille de Turquie
* Le [[musée de la Mosaïque]]
* La [[mosquée Habib Neccar|mosquée Habib-i Neccar]]
* Le [[bazar]]
* Le [[bazar]]
* Le [[pont]] romain
* Le pont romain
* La [[citadelle]] qui domine la ville
* La [[:tr:Hatay_Kalesi|citadelle]] séleucide qui domine la ville


=== Natifs d'Antioche renommés ===
== Natifs d'Antioche renommés ==
* [[Maron (saint)|Saint Maroun]]
* [[Maron (saint)|Saint Maroun]]
* Saint [[Ignace d'Antioche]]
* Saint [[Ignace d'Antioche]]
Ligne 120 : Ligne 125 :
* [[Cyr de Tarse|Saint Cyr]] d'Antioche
* [[Cyr de Tarse|Saint Cyr]] d'Antioche
* Sainte {{page h'|Pélagie d'Antioche}}
* Sainte {{page h'|Pélagie d'Antioche}}
* [[Aphthonios]], rhéteur du {{sap-|III}}
* Sainte {{page h'|Marguerite d'Antioche}}
* [[Aphthonios]], rhéteur du {{s-|III}} {{ap JC}}
* [[Libanios]], rhéteur du IVe siècle {{ap JC}}
* [[Ammien Marcellin]], historien latin
* [[Ammien Marcellin]], historien latin
* [[Jean Malalas]], historien grec
* [[Jean Malalas]], historien grec
Ligne 128 : Ligne 133 :
* {{page h'|Marie d'Antioche}}
* {{page h'|Marie d'Antioche}}
* [[Georges d'Antioche]]
* [[Georges d'Antioche]]

=== Dans le Coran ===
La ville d'Antioche n'est pas mentionnée explicitement dans le [[Coran]]. Dans la [[sourate]] XXXVI, les versets 12 à 29 pourraient se référer à la ville d'Antioche :
{{citation_bloc|Cite-leur comme exemple les habitants d’une ville que visitèrent des envoyés de Dieu.<br />
Nous en envoyâmes d’abord deux, et ils furent traités d’imposteurs ; nous les appuyâmes par un troisième, et tous trois dirent aux habitants de cette cité : Nous sommes envoyés vers vous.|{{Réf Coran|36|12-13}}.}}


== Notes et références ==
== Notes et références ==
{{Références}}
<references/>

== Bibliographie ==
* [[André-Jean Festugière]], ''Antioche païenne et chrétienne. Libanius, Chrysostome et les moines de Syrie'', Paris, 1959.
* {{en}} Glanville Downey, ''A History of Antioch in Syria, from Seleucus to the Arab Conquest'', Princeton, Princeton University Press 1961, XVII-752 p., 21 ill. ; rééd., 1974.
* {{en}} Glanville Downey, ''Ancient Antioch'', Princeton, Princeton University Press, XVII-295 p., 80 fig, 1963.
* {{en}} Sheila Campbell, ''The Mosaics of Antioch'', 1988.


== Articles connexes ==
== Voir aussi ==
{{Autres projets
{{Autres projets
|commons=Category:Antioch
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}}
=== Articles connexes ===
* [[Nemrut Dağı]]
{{catégorie principale}}
* [[Église d'Antioche]]
* [[Église d'Antioche]]
* [[Patriarcat orthodoxe d'Antioche]]
* [[Patriarcat orthodoxe d'Antioche]]
* [[Patriarche d'Antioche]]
* [[Patriarche d'Antioche]]
* [[Patriarche latin d'Antioche]]
* [[Patriarche latin d'Antioche]]
* [[Raymond-Roupen d'Antioche]]
* [[Antiquité tardive]]
* [[Antiquité tardive]]
* Autres établissements chrétiens du {{Ier}} siècle : [[Konya]], [[Tarse (ville)|Tarse]], [[Derbé]], [[Pergé]], [[Lystre]], [[Antioche de Pisidie]], [[Hiérapolis]], [[Éphèse]], [[Milet]], [[Pergame]], [[Troie|Troas]]
* Autres établissements chrétiens du {{s-|I}} : [[Konya]], [[Tarse (ville)|Tarse]], [[Derbé]], [[Pergé]], [[Lystre]], [[Antioche de Pisidie]], [[Hiérapolis]], [[Éphèse]], [[Milet]], [[Pergame]], [[Troie|Troas]]

=== Bibliographie ===
* {{Article|auteur1=Laurence Brottier|titre=L’image d’Antioche dans les homélies ''Sur les statues'' de Jean Chrysostome|périodique=Revue des Études grecques|volume=106|numéro=506-508|date=juillet-décembre 1993|pages=619-635|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1993_num_106_506_2599|id=lb}}
* [[André-Jean Festugière]], ''Antioche païenne et chrétienne. Libanius, Chrysostome et les moines de Syrie'', Paris, 1959.
* {{en}} Glanville Downey, ''A History of Antioch in Syria, from Seleucus to the Arab Conquest'', Princeton, Princeton University Press 1961, XVII-752 p., 21 ill. ; rééd., 1974.
* {{en}} Glanville Downey, ''Ancient Antioch'', Princeton, Princeton University Press, XVII-295 p., 80 fig, 1963.
* {{en}} Sheila Campbell, ''The Mosaics of Antioch'', 1988.

=== Liens externes ===
{{Liens}}


{{Palette|Histoire des royaumes hellénistiques}}
{{Palette|Histoire des royaumes hellénistiques}}

Dernière version du 15 mars 2024 à 11:24

Antioche
actuelle Antakya
Image illustrative de l’article Antioche
Antioche entre le Ier et le Ve siècle.
Localisation
Pays Drapeau de la Turquie Turquie
Province Hatay
Coordonnées 36° 12′ 17″ nord, 36° 10′ 54″ est
Géolocalisation sur la carte : Empire romain
(Voir situation sur carte : Empire romain)
Antioche
Antioche
Géolocalisation sur la carte : Turquie
(Voir situation sur carte : Turquie)
Antioche
Antioche
Géolocalisation sur la carte : Syrie
(Voir situation sur carte : Syrie)
Antioche
Antioche
Géolocalisation sur la carte : Hatay
(Voir situation sur carte : Hatay)
Antioche
Antioche
Histoire
Empire séleucide c. 300 - 64 av. J.-C.
Empire romain 64 av. J.-C. - 395
Empire byzantin 395 - 638
Califat Rashidun 638 - 661
Califat omeyyade 661 - 750
Califat abbasside 750 - 968
Empire byzantin 968 - 1084
Empire seldjoukide 1084 - 1098
Principauté d'Antioche 1098 - 1268

Antioche, ou Antioche-sur-l'Oronte (en grec ancien : Ἀντιόχεια ἡ ἐπὶ Ὀρόντου / Antiókheia hē epì Oróntou ; en latin : Antiochia ad Orontem) afin de la distinguer des autres Antioche plus récentes, est une ville historique originellement fondée sur la rive gauche de l'Oronte dans la Syrie historique et qu'occupe la ville moderne d'Antakya, en Turquie. C'était l'une des villes d'arrivée de la route de la soie.

Histoire[modifier | modifier le code]

Fondation[modifier | modifier le code]

Fondée vers par Séleucos Ier Nicator après sa victoire d'Ipsos sur Antigone le Borgne, il l'appelle Antiocheia (en grec Ἀντιόχεια) en souvenir de son père Antiochos. La ville connaît un essor démographique rapide car elle est créée par synœcisme de plusieurs bourgs avoisinants, Lopolis, Jope, Meroe et Bottia, (le synœcisme est la réunion de plusieurs villages pour fonder une polis), synœcisme amplifié par l'adjonction de 3 500 familles macédoniennes et grecques déplacées d'Antigonie, l'ancienne capitale de son rival située 9 km en amont sur l'Oronte. Bâtie initialement en retrait de la rive gauche du fleuve en raison des risques d'inondations, elle est conçue sur un plan hippodamien à l'image d'Alexandrie. Elle s'en veut la concurrente dans la région. Antioche devient l'une des grandes villes de l'époque. Les immigrants et en particulier, fait rare, les Juifs, y obtiennent les mêmes droits que les autres habitants.

On la connaît aussi sous le nom d’Antioche sur l'Oronte afin de la distinguer des quinze autres Antioche créées par le monarque et d’Antioche épi [près de] Daphnè, du nom d'un bois sacré voisin consacré à Apollon et dans lequel Séleucos éleva un temple au dieu tutélaire des Séleucides.

La première Antioche, dont Séleucos confia la construction à une commission de trois superviseurs, Attaios, Péritas et Anaxicratès, ne comprenait que deux quartiers : ce qui devait devenir le quartier royal, dans l’île, et le quartier sud. Elle fut entourée d’une enceinte (dont il ne reste rien) conçue par l’architecte Xénaïos.

Légende tardive ou souvenir d’un rite barbare, Jean Malalas[1] explique que la fondation d’Antioche est marquée par un sacrifice humain, celui d’une jeune fille nommée Aimathè. Elle est alors considérée comme une déesse, la Tyché (la Fortune), et son sanctuaire fondé par Séleucos devient l’un des plus importants de la cité. Le roi commande une statue au sculpteur Eutychidès de Sicyone, œuvre monumentale qui va devenir une des plus célèbres du monde grec : elle représentait la jeune fille voilée, couronnée de tours, tenant à la main des épis de blé, assise sur un rocher qui symbolise le mont Silpios ; à ses pieds apparaît à partir de la taille un jeune nageur étendant les bras, et représentant l’Oronte. Le roi fonde aussi d’autres sanctuaires pour la ville nouvelle : celui de Zeus Bottaios, un dieu macédonien, et dans les environs un temple d’Athéna avec une belle statue de bronze pour les colons athéniens venus d’Antigonéia, ainsi qu’un bois sacré de cyprès à proximité du Daphneion, le « sanctuaire du Laurier » consacré à Apollon, sur les hauteurs de Daphnè au sud-ouest.

Particulièrement bien située, à la charnière des voies conduisant vers l'Anatolie, la Mésopotamie et la Judée, et sur l'Oronte alors navigable, Antioche devient la capitale du royaume séleucide et l'un des principaux centres de diffusion de la culture hellénistique. La ville se pose très tôt en rivale d'Alexandrie.

La ville est dans la plaine fertile de l'Amuq, abritée par de petits massifs montagneux (le mont Staurin et le mont Silpion) qui défendent son approche et fournissent des piémonts aisés à fortifier. Elle est sans cesse agrandie, ce qui lui vaut la qualification de Tétrapole (cité quadruple : Apamée, Laodicée de Syrie (Lattaquié), Antioche et Séleucie de Piérie) par le géographe Strabon[2]. Au milieu de l'Oronte, il y avait une île aménagée sous Antiochos III avec la construction du palais ou quartier royal, et au sud de cette île, la cité fondée par Séleucos avec ses rues parallèles au fleuve. Plus au sud encore le quartier d'Epiphaneia dont Antiochos IV Épiphane voulut faire le centre politique de la cité. Elle est peuplée de Grecs, de Syriens rapidement hellénisés. C’est une cité florissante et prospère (industrie textile, joaillerie, produits de luxe) mais qui ne peut rivaliser ni avec Alexandrie ni avec Pergame comme foyer littéraire et artistique.

La cité compte de 300 000 à 400 000 habitants à la fin de la période hellénistique. Son urbanisme (rues à angle droit) et ses institutions (boulè et archontes) sont ceux d’une polis (cité), qui peut se comporter à l’occasion comme un État souverain, surtout en cas d’affaiblissement du pouvoir royal. En , les Antiochiens n’hésitent pas à lâcher la dynastie séleucide et à demander la protection du roi d’Arménie Tigrane II.

Antioche romaine[modifier | modifier le code]

Antioche, mosaïque, bouquetins (détail), musée du Louvre.
Le Jugement de Pâris. Marbre, calcaire et pâte de verre, 115-150 ap. J.-C, triclinium de la maison de l'Atrium à Antioche sur l'Oronte, Turquie (musée du Louvre).
Ancienne voie romaine en Syrie qui reliait Antioche à Chalcis.

Après la conquête romaine en par Pompée, elle devient la capitale de la province de Syrie et, loin de s'affaiblir, conserve le surnom de « Couronne de l'Orient ». Sous le règne de Tibère, la ville est étendue vers le nord, reçoit une enceinte unique et son centre de gravité devient une avenue d'environ 30 mètres de largeur comportant 3 200 colonnes, presque parallèle à l'Oronte, séparant le quartier d'Épiphanie du reste de la cité, et offerte par Hérode le Grand. Antioche, troisième ville de l'Empire derrière Rome et Alexandrie, compte alors environ 500 000 habitants.Ce type d'urbanisme est ensuite imité par presque toutes les cités d'Orient.

Ce décor, déjà exceptionnel, eut à souffrir du séisme de 37. Les monuments sont restaurés, et l’empereur Caïus César « Caligula » fait construire à Daphné des thermes avec leur aqueduc. Titus ajoute un théâtre à proximité. Dans Antioche, Domitien fait construire des thermes et un temple d’Asclépios, Trajan un nouveau pont, un cirque et d'autres thermes. Survient le séisme de 115 : Trajan en personne se trouve en ville et manque bien de recevoir le plafond sur la tête. Les destructions sont considérables ; Trajan puis Hadrien rebâtissent une ville plus somptueuse qu’avant. La grande colonnade, cœur commerçant de la cité, est entièrement refaite sur toute sa longueur par-dessus les gravats. La chaussée centrale avait alors une largeur de 9 m, les portiques latéraux une largeur presque équivalente, et les boutiques une profondeur de 4 m. C’est sous les portiques qu’on circulait, à l’abri du soleil et des intempéries ; la chaussée centrale était sans doute encombrée de marchandises et de petits stands démontables, dont au IVe siècle Libanios donna une évocation vivante. Hadrien fait construire deux temples, à Artémis et à Trajan divinisé. Entre 162 et 166, durant sa guerre contre les Parthes, Lucius Aurelius Verus séjourne surtout à Antioche, entouré d'une cour brillante. Son frère adoptif, Marc Aurèle fait restaurer des thermes, et construire le Nymphée, fontaine monumentale ornée comme un décor de théâtre. La ville avait pourtant soutenu l'usurpation d'Avidius Cassius. Marc Aurèle cependant ne prend pas de mesures de rétorsion autres que symboliques : il ne visite la ville qu'au retour de son voyage en Orient en 176. Son gendre Claudius Pompeianus était originaire de la cité. Commode fait construire de nouveaux thermes si monumentaux que l'empereur Caracalla s'en servit pour donner ses audiences, des temples à Zeus Olympien et à Athéna, et le Xystos qui était un stade couvert.

En 193-194, la cité prend parti pour son gouverneur Pescennius Niger au cours de la guerre civile qui l'oppose à Septime Sévère. Après la victoire de ce dernier, Antioche est punie, rétrogradée au rang de simple bourg du territoire de Laodicée (Lattaquié), mais recouvre rapidement son statut de cité et de capitale de la Syrie. Avec la multiplication des conflits entre l'Empire romain et l'Empire parthe, puis l'Empire sassanide, Antioche devient souvent résidence impériale et base arrière des campagnes romaines en Mésopotamie. Caracalla, Macrin, Héliogabale, Sévère Alexandre, Gordien III, Philippe l'Arabe, Valérien, Aurélien, Carus, Dioclétien, Galère et Maximin Daïa et Julien y séjournent.

Lors de l'invasion de la Syrie par les Perses sassanides de Shapur Ier en 252 la cité, dont un notable nommé Mariadès avait pris le contrôle, collabore un temps avec les Perses, qui se ravisent et la détruisent de fond en comble, déportant en Iran une grande partie de la population. Elle est reconstruite par Valérien, et peut-être reprise par les Perses en 260. Au IVe siècle, elle retrouve son importance, et est résidence impériale du César Constantius Gallus vers 350, qui fait régner dans la cité une atmosphère de terreur policière. Les Antiochiens étaient volontiers frondeurs, n'hésitant pas à critiquer les empereurs comme Julien qui y séjourne durant l'hiver 362/363. Les surnoms injurieux que lui infligent les Antiochiens l'irritent au point qu'il réplique par un discours pamphlet, le Misopogon[3]. En 387, un nouvel impôt déclenche la « révolte des statues », durant laquelle la population renverse les statues de la famille impériale.

Antioche chrétienne[modifier | modifier le code]

Antioche — à ne pas confondre avec Antioche de Pisidie — est l'un des premiers appuis du christianisme naissant. Une communauté de fidèles du Christ s'y développe dès les premières années du christianisme et, selon les Actes des Apôtres (11, 26), c'est dans ce lieu que les disciples de Jésus reçoivent pour la première fois le nom de « chrétiens »[4].

Antioche est, très tôt, le siège d'un des patriarcats chrétiens d'Orient qui se réclame de l'apostolat de saint Pierre. La tradition en fait le premier évêque de la ville. Selon une tradition tardive, la Légende dorée, l'apôtre saint Pierre devient son premier évêque après avoir converti son prince. Au début du IIe siècle, l'Église d'Antioche est extrêmement organisée, avec saint Ignace pour évêque depuis l'an 69. Vers 270, les chrétiens d'Antioche se divisent, entre ceux soutenant leur évêque Paul de Samosate, qui nie la divinité du Christ et qui professe qu'il s'agit d'un homme envoyé par Dieu, et ceux qui font appel à l'arbitrage de l'empereur Aurélien pour le chasser de sa résidence épiscopale. Au IVe siècle, l'Église d'Antioche est considérée comme la plus importante de la chrétienté après Rome et Alexandrie. Elle est l'une des premières villes de l'Empire à construire une importante cathédrale (entre 327 et 341) avec coupole et mosaïques qui conservait les reliques de saint Julien d'Antioche. Saint Jean Chrysostome rapporte la charité des habitants d’Antioche, soucieux de secourir les chrétiens de Jérusalem, alors qu’une terrible famine les menaçait eux-mêmes[4],[5]. Il souligne leur foi chrétienne au moment du Concile de Jérusalem avec la mission de Paul et Barnabé[6]

L'importance religieuse d'Antioche diminue progressivement avec la montée de Constantinople et l'érection de Jérusalem en patriarcat. L'Église d'Antioche est affaiblie par les hérésies arienne (Concile d'Antioche de 324), puis nestorienne et monophysite.

Nonobstant cette décadence religieuse, aux IVe et Ve siècles, une brillante école théologique participe aux controverses théologiques de l'époque en soutenant en particulier l'interprétation littérale des textes de la Bible. Ses principaux représentants sont surtout Jean Chrysostome, Archevêque de Constantinople de 397 à 407 mais aussi Diodore, évêque de Tarse de 378 à 393, Théodore, évêque de Mopsueste de 392 à 428, Théodoret, évêque de Cyr de 423 à 460. Ils s'opposent principalement à l'école d'Alexandrie qui soutient l'interprétation allégorique de ces textes.

Moyen Âge[modifier | modifier le code]

Prise d'Antioche par les croisés. Miniature de Jean Colombe tirée des Passages d'outremer de Sébastien Mamerot, BNF Fr 5594, f.59v.

La cité est détruite en grande partie par un tremblement de terre en 526, lequel aurait fait plus de 250 000 victimes, puis prise et pillée de nouveau par les Perses en 540 qui déportent une grande partie de sa population dans les environs d'Ecbatane. La ville est reconstruite par Justinien qui élève une nouvelle muraille, sur une superficie plus réduite, et la refonde sous le nom de Théoupolis (« Cité de Dieu »).

Conquise par les Perses sassanides en 614, reprise par Héraclius, elle est enlevée par les Arabes en 638 durant le califat d'Omar. Antioche redevient byzantine en 966 lors de la reconquête de Nicéphore Phocas. L'empereur byzantin Constantin Monomaque est originaire de la cité.

Un peu plus d'un siècle plus tard, en 1084, les Turcs seldjoukides s'en emparent.

La ville est conquise par les croisés le . Les chroniqueurs chrétiens racontent la famine et le cannibalisme des croisés pendant le siège de huit mois, puis les massacres et les viols après la prise de la ville par traîtrise[7]. Les croisés en font la capitale d'une principauté au profit de Bohémond Ier de Tarente, fils aîné de Robert Guiscard. Après la victoire de Saladin à la bataille de Hattin (1187), cette principauté décline assez rapidement et se limite aux faubourgs d'Antioche. La ville est reprise et mise à sac par le sultan mamelouk Baybars en 1268. Sa chute annonce la fin de la présence croisée en Syrie.

À la suite de sa destruction par Baybars, la ville, devenue Antakya, décline en importance au profit d'Iskenderun et d'Alep.

Époque moderne[modifier | modifier le code]

Monuments et autres lieux[modifier | modifier le code]

Autel de l’église Saint-Pierre.
  • L'église Saint-Pierre est creusée dans la roche et est sans doute la première église chrétienne. Elle comporte un souterrain qui aurait permis aux premiers chrétiens de fuir en cas de persécutions.
  • La grotte Beshikli abrite des tombeaux rupestres
  • Le musée du Hatay, avec l'une des plus riches collection de mosaïques romaines
  • La mosquée Habib-i Neccar, la plus vieille de Turquie
  • Le bazar
  • Le pont romain
  • La citadelle séleucide qui domine la ville

Natifs d'Antioche renommés[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean Malalas, Chronographie, éd. Dindorf, p. 199-204, 1831.
  2. Strabon, Géographie, Livre XVI, chap. 2, 4-5.
  3. Julien, Misopogon, traduction de Ch. Lacombrade, Les Belles Lettres, 2003 (ISBN 2-251-79970-2).
  4. a et b Laurence Brottier 1993, p. 623.
  5. Actes des Apôtres, 11, 28-29.
  6. Actes des Apôtres, 15, 1-4.
  7. Henri Glaesener, « La prise d'Antioche en 1098 dans la littérature épique française », Revue belge de Philologie et d'Histoire, vol. 19, no 1,‎ , p. 68 (DOI 10.3406/rbph.1940.1571, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Antioche.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Laurence Brottier, « L’image d’Antioche dans les homélies Sur les statues de Jean Chrysostome », Revue des Études grecques, vol. 106, nos 506-508,‎ , p. 619-635 (lire en ligne)
  • André-Jean Festugière, Antioche païenne et chrétienne. Libanius, Chrysostome et les moines de Syrie, Paris, 1959.
  • (en) Glanville Downey, A History of Antioch in Syria, from Seleucus to the Arab Conquest, Princeton, Princeton University Press 1961, XVII-752 p., 21 ill. ; rééd., 1974.
  • (en) Glanville Downey, Ancient Antioch, Princeton, Princeton University Press, XVII-295 p., 80 fig, 1963.
  • (en) Sheila Campbell, The Mosaics of Antioch, 1988.

Liens externes[modifier | modifier le code]