« Maria Malibran » : différence entre les versions

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| nom de naissance = María-Felicia García
| nom de naissance = María-Felicia García
| date de naissance = 24 mars 1808
| date de naissance = 24 mars 1808
| lieu de naissance = [[Paris]]
| lieu de naissance = [[Ancien 2e arrondissement de Paris]]
| date de décès = 23 septembre 1836
| date de décès = 23 septembre 1836
| lieu de décès = [[Manchester]]
| lieu de décès = [[Manchester]]
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| élèves =
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| ascendants = [[Manuel Garcia]]<br />Maria Joaquina Sitches, dite la Briones
| ascendants = [[Manuel Garcia]]<br />Maria Joaquina Sitches, dite la Briones
| conjoints = [[Eugène Malibran]] [[Charles-Auguste de Bériot]]
| conjoints = [[Eugène Malibran]]<!-- Wikidata : Q32955985 (prénom différent, mais semble le plus probable compte tenu de la « Déclaration : conjoint ») ou Q94798561 ? voire : fiches Wikidata à fusionner ? --> [[Charles-Auguste de Bériot]]
| descendants = [[Charles Wilfrid de Bériot]]
| descendants = [[Charles Wilfrid de Bériot]]
| famille = [[Manuel Garcia junior]]<br />[[Pauline Viardot]]<br/>[[Josefa Ruiz García]], demi-sœur<br/>[[Antonia Sitchès de Mendi]], cousine
| famille = [[Manuel Garcia junior]]<br />[[Pauline Viardot]]<br/>[[Josefa Ruiz García]], demi-sœur<br/>[[Antonia Sitchès de Mendi]], cousine
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[[Fichier:Plaque Maria Malibran, 3 rue de Condé, Paris 6.jpg|vignette|gauche|Détail de la plaque commémorative.]]
[[Fichier:Plaque Maria Malibran, 3 rue de Condé, Paris 6.jpg|vignette|gauche|Détail de la plaque commémorative.]]


María de la Felicídad García naît la nuit du {{date-|24 mars 1808|en France}} à Paris, au 3, [[Rue de Condé (Paris)|rue de Condé]]. Elle est la fille de [[Manuel Garcia]], [[ténor]] célèbre à l'époque, né en 1775 à [[Séville]], et de [[Joaquína Sitchez]], chanteuse soprano<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Joaquina Garcia (1780-1864)|url=https://data.bnf.fr/fr/15751149/joaquina_garcia/|site=data.bnf.fr|consulté le=2019-05-12}}</ref>, née en 1780 à Barcelone.
María de la Felicídad García naît la nuit du {{date-|24 mars 1808|en France}} à Paris, au 3, [[Rue de Condé (Paris)|rue de Condé]]. Elle est la fille de [[Manuel Garcia]], [[ténor]] célèbre à l'époque, né en 1775 à [[Séville]], et de [[Joaquína Sitchez]], chanteuse soprano<ref>{{Lien web|langue=fr |titre=Joaquina Garcia (1780-1864) |url=https://data.bnf.fr/fr/15751149/joaquina_garcia/ |site=[[data.bnf.fr]] |consulté le=2019-05-12}}.</ref>, née en 1780 à Barcelone.


Elle est la sœur aînée de [[Pauline Viardot|Pauline Garcia, dite Viardot]], plus jeune qu'elle de {{unité|13|ans}}<ref name=dico>{{chapitre | langue=fr | auteur1=Bruno Serrou | titre chapitre=Malibran, Maria [Paris 1808 – Manchester 1836 ] | titre ouvrage=[[Dictionnaire universel des créatrices]] | auteurs ouvrage=[[Béatrice Didier]], [[Antoinette Fouque]] et [[Mireille Calle-Gruber]] (dir.) | éditeur=[[Éditions des femmes]] | année=2013 | passage=2727-2728}}</ref>.
Elle est la sœur aînée de [[Pauline Viardot|Pauline Garcia, dite Viardot]], plus jeune qu'elle de {{unité|13|ans}}<ref name="dico">{{chapitre | langue=fr | auteur1=Bruno Serrou<!-- Wikidata : Q93239607 --> | titre chapitre=Malibran, Maria [Paris 1808 – Manchester 1836 ] | titre ouvrage=[[Dictionnaire universel des créatrices]] | auteurs ouvrage=[[Béatrice Didier]], [[Antoinette Fouque]] et [[Mireille Calle-Gruber]] (dir.) | éditeur=[[Éditions des femmes]] | année=2013 | passage=2727-2728}}.</ref>.


=== Enfance et début de carrière ===
=== Enfance et début de carrière ===
Les trois premières années de Maria se déroulent paisiblement dans un foyer « uni et aisé ». Son père rayonne autant sur scène, au [[Théâtre des Italiens]], que dans les salons mondains, tandis que Maria fait ses premiers pas au jardin du Luxembourg et qu’un peu plus tard, sa mère lui apprend à lire, écrire, et compter.
Les trois premières années de Maria se déroulent paisiblement dans un foyer « uni et aisé ». Son père rayonne autant sur scène, au [[Théâtre des Italiens]], que dans les salons mondains, tandis que Maria fait ses premiers pas au [[jardin du Luxembourg]] et qu'un peu plus tard, sa mère lui apprend à lire, écrire, et compter.


En 1811, la famille Garcia déménage à Naples, où le père de Maria a été appelé par le roi [[Joachim Murat]] qui vient de le nommer maître de sa chapelle privée après l’avoir écouté au [[Teatro San Carlo|San Carlo]]. Avant le départ, Manuel remporte un dernier succès dans la capitale française, à l’occasion des festivités données en l’honneur de la naissance de l’Aiglon, fils de Napoléon et de Marie-Louise d’Autriche. La famille Garcia passe quatre années à Naples, « totalement rythmées par la musique ». Manuel Garcia et sa femme Maria se produisent régulièrement au San Carlo, tandis que leurs deux premiers enfants, Manuel Garcia fils ainsi que Maria, apprennent le solfège et la musique avec le pianiste Hérold et le compositeur Panseron<ref name=GonsagueStBris>{{Ouvrage|langue=fr|titre=La Malibran|sous-titre=la voix qui dit je t'aime|auteur=[[Gonzague Saint Bris]]|lieu=Paris|éditeur=Place des éditeurs|année= 2010|lire en ligne={{Google Livres|page=PT114|-QHYqNfXQ1wC}}|pages totales=153|isbn=978-2-71444-889-7}}</ref>. Maria impressionne beaucoup Hérold qui écrit dans ses Mémoires : « Depuis [[Wolfgang Amadeus Mozart|Mozart]], on n'a jamais vu de vocation si énergiquement prononcée pour la musique.<ref name=GonsagueStBris /> ».
En 1811, la famille Garcia déménage à Naples, où le père de Maria a été appelé par le roi [[Joachim Murat]] qui vient de le nommer maître de sa chapelle privée après l'avoir écouté au [[Teatro San Carlo|San Carlo]]. Avant le départ, Manuel remporte un dernier succès dans la capitale française, à l'occasion des festivités données en l'honneur de la naissance de [[Napoléon II|l’Aiglon]], fils de [[Napoléon Ier|Napoléon]] et de [[Marie-Louise d'Autriche]]. La famille Garcia passe quatre années à Naples, « totalement rythmées par la musique ». Manuel Garcia et sa femme se produisent régulièrement au San Carlo, tandis que leurs deux premiers enfants, Manuel Garcia fils ainsi que Maria, apprennent le [[solfège]] et la musique avec le pianiste [[Ferdinand Hérold (compositeur)|Hérold]] et le compositeur [[Auguste Mathieu Panseron|Panseron]]<ref name="GonsagueStBris">{{Ouvrage|langue=fr |titre=La Malibran |sous-titre=la voix qui dit je t'aime |auteur=[[Gonzague Saint Bris]] |lieu=Paris |éditeur=[[Place des éditeurs]] |année= 2010 |lire en ligne={{Google Livres|page=PT114|-QHYqNfXQ1wC}} |pages totales=153 |isbn=978-2-71444-889-7}}.</ref>. Maria impressionne beaucoup Hérold qui écrit dans ses Mémoires : « Depuis [[Wolfgang Amadeus Mozart|Mozart]], on n'a jamais vu de vocation si énergiquement prononcée pour la musique<ref name="GonsagueStBris" />. ».


En 1813, Maria, alors âgée de cinq ans, fait ses premiers pas sur scène en jouant un rôle secondaire dans ''L’Agnese'' (''Agnès''), de [[Ferdinando Paër]], qui consiste à apporter une lettre à son père lorsqu’il chante avec la soprano<ref name=":0">{{Lien web|langue=fr|titre=Compositrices du {{s-|XIX}}|sous-titre=Maria Malibran|url=https://www.crescendo-magazine.be/compositrices-du-xixe-siecle-maria-malibran/|site=Crescendo Magazine|consulté le=2022-05-05}}.</ref>{{,}}<ref name="dico" />; son neveu, Louis Héritte-Viardot, raconte qu'un soir, la soprano a une défaillance et que Maria prend sa suite en chantant l'air au pied levé, à la stupéfaction et à la grande joie du public<ref>{{Ouvrage|auteur1=Louis Héritte de la Tour|titre=Une famille de grands musiciens|passage=p. 51|éditeur=Stock|date=1922}}.</ref>. À [[Naples]], Manuel Garcia fait également la connaissance de personnages importants, dont le ténor âgé [[Giovanni Ansani]], avec lequel Manuel perfectionne son chant, et [[Rossini]]<ref name=GonsagueStBris/>, alors à ses débuts, et avec qui Manuel Garcia et Maria resteront amis à vie.
En 1813, Maria, alors âgée de cinq ans, fait ses premiers pas sur scène en jouant un rôle secondaire dans ''{{lang|it|L’Agnese}}'' (''Agnès''), de [[Ferdinando Paër]], qui consiste à apporter une lettre à son père lorsqu'il chante avec la soprano<ref name=":0">{{Lien web|langue=fr |titre=Compositrices du {{s-|XIX}} |sous-titre=Maria Malibran |url=https://www.crescendo-magazine.be/compositrices-du-xixe-siecle-maria-malibran/ |site=Crescendo Magazine |consulté le=2022-05-05}}.</ref>{{,}}<ref name="dico" /> ; son petit-neveu, Louis Hériite de la Tour, raconte qu'un soir, la soprano a une défaillance et que Maria prend sa suite en chantant l'air au pied levé, à la stupéfaction et à la grande joie du public<ref>{{Ouvrage|auteur1=Louis Héritte de la Tour |titre=Une famille de grands musiciens|sous-titre=Mémoires de Louise Héritte-Viardot |passage=51 |éditeur=[[Éditions Stock|Stock]] |année=1922}}.</ref>. À [[Naples]], Manuel Garcia fait également la connaissance de personnages importants, dont le ténor âgé [[Giovanni Ansani]], avec lequel Manuel perfectionne son chant, et [[Rossini]]<ref name="GonsagueStBris" />, alors à ses débuts, et avec qui Manuel Garcia et Maria resteront amis à vie.


En 1815, c’est la chute de l’[[Premier Empire|Empire français]], suivie de celle des Murat. Les [[Maison capétienne de Bourbon|Bourbons]] reprennent possession du trône de Naples. Les Murat détrônés, l’engagement de Garcia ne tient plus. Il s’en va donc avec sa famille et Rossini à [[Rome]]. L’hiver de cette même année, à la demande du duc de [[Sforza-Cesarini]], Rossini compose ''[[Le Barbier de Séville (Rossini)|Le Barbier de Séville]]''. Le rôle du comte Almaviva est attribué à Manuel Garcia.
En 1815, c’est la chute de l'[[Premier Empire|Empire français]], suivie de celle des Murat. Les [[Maison capétienne de Bourbon|Bourbons]] reprennent possession du trône de Naples. Les Murat détrônés, l'engagement de Garcia ne tient plus. Il s'en va donc avec sa famille et Rossini à [[Rome]]. L'hiver de cette même année, à la demande du [[Famille Sforza|duc de Sforza-Cesarini]]<!-- Wikidata : Q110263577 pour la famille, ou lien plus précis ? -->, Rossini compose ''[[Le Barbier de Séville (Rossini)|Le Barbier de Séville]]''. Le rôle du comte {{page h|Almaviva}}<!-- [[Almaviva (opéra)|Almaviva]] ? --> est attribué à Manuel Garcia.


En 1816, la famille Garcia revient à Paris, où Manuel ouvre une école de chant au [[Palais-Royal]], rue de Louvois. Sa notoriété et sa technique lui attirent des élèves qui feront de carrière, tels le [[haute-contre]] [[Adolphe Nourrit]]<ref>{{lien web | langue=fr | titre=Nourrit Adolphe (1802-1839) | site=Encyclopedia Universalis | url=https://www.universalis.fr/encyclopedie/adolphe-nourrit/ }}</ref>. Il fait également la formation vocale de Maria, mais la voix de sa fille est rebelle. Le père et la fille ont tous les deux un caractère fort, aussi les leçons tournent-elles la plupart du temps au conflit. Son père lui impose un enseignement terrifiant, tant par son rythme que par son exigence<ref name=dico /> : Maria ne doit manger que ce qui est bon pour sa [[Voix (instrument)|voix]], il lui interdit de se promener, de faire la grasse matinée, d'aller rire et s'amuser avec d'autres filles de son âge – elle se doit déjà corps et âme au [[chant]]<ref>{{ouvrage | auteur1=[[Gonzague Saint Bris]] | titre=La Malibran | éditeur= Belfond | année= 2009 | passage=37}}.</ref>.
En 1816, la famille Garcia revient à Paris, où Manuel ouvre une école de chant au [[Palais-Royal]], [[rue de Louvois]]. Sa notoriété et sa technique lui attirent des élèves qui feront de carrière, tel le [[ténor]] [[Adolphe Nourrit]]<ref>{{lien web | langue=fr | titre=Nourrit Adolphe (1802-1839) | site={{lang|la|[[Encyclopædia Universalis]]}} | url=https://www.universalis.fr/encyclopedie/adolphe-nourrit/ }}.</ref>. Il fait également la formation vocale de Maria, mais la voix de sa fille est rebelle. Le père et la fille ont tous les deux un caractère fort, aussi les leçons tournent-elles la plupart du temps au conflit. Son père lui impose un enseignement terrifiant, tant par son rythme que par son exigence<ref name="dico" /> : Maria ne doit manger que ce qui est bon pour sa [[Voix (instrument)|voix]], il lui interdit de se promener, de faire la grasse matinée, d'aller rire et s'amuser avec d'autres filles de son âge – elle se doit déjà corps et âme au [[chant]]<ref>{{ouvrage | auteur1=[[Gonzague Saint Bris]] | titre=La Malibran | éditeur= [[Éditions Belfond|Belfond]] | année= 2009 | passage=37}}.</ref>.


En 1824, les Garcia partent pour [[Londres]], où le père de Maria a été engagé pour chanter les opéras de Rossini au [[King’s Theatre|King's Theatre]]. Le grand lancement de Maria a lieu en 1825. Le {{date-|7 juin}} de cette année-là, Giambattista Velluti, le dernier des grands castrats, se produit au King's Theatre. Parmi les œuvres interprétées, figure le duo de ''Roméo et Juliette'', de [[Niccolò Antonio Zingarelli|Zingarelli]] ; mais aucune soprano ne veut se mesurer à la voix et la ligne vocale sans failles du chanteur. Le directeur du théâtre, John Ebers, cherche alors une voix capable de relever le défi, et demande l’aide de Garcia, qui propose sa fille de dix-sept ans. Le directeur accepte. Le soir de la représentation arrive, et Velluti lance son fameux « canto fiorito » – art d‘enjoliver la partition en ajoutant plus de nuances, de modulations, de vocalises et d’effets de rythme que Velluti possédait à un très haut degré, et qui a fait sa célébrité. Lorsque vient le tour de Maria pour chanter, celle-ci ajoute encore plus de fioritures que le chanteur. Le public lui fait une telle ovation qu’en sortant de scène, Velluti, jaloux, lui pince le bras avec véhémence, en la traitant de ''briccona'' (« coquine »)<ref name=":0" />.
En 1824, les Garcia partent pour [[Londres]], où le père de Maria a été engagé pour chanter les opéras de Rossini au [[Her Majesty's Theatre|{{lang|en|King's Theatre}}]]. Le grand lancement de Maria a lieu en 1825. Le {{date-|7 juin}} de cette année-là, [[Giovanni Battista Velluti]], le dernier des grands [[castrat]]s, se produit au {{lang|en|King's Theatre}}. Parmi les œuvres interprétées figure le duo de ''Roméo et Juliette'', de [[Niccolò Antonio Zingarelli|Zingarelli]] ; mais aucune soprano ne veut se mesurer à la voix et la ligne vocale sans failles du chanteur. Le directeur du théâtre, {{lien|lang=en|trad=John Ebers}}, cherche alors une voix capable de relever le défi, et demande l'aide de Garcia, qui propose sa fille de dix-sept ans. Le directeur accepte. Le soir de la représentation arrive, et Velluti lance son fameux « {{lang|it|canto fiorito}} » – art d'enjoliver la partition en ajoutant plus de nuances, de modulations, de vocalises et d'effets de rythme que Velluti possédait à un très haut degré, et qui a fait sa célébrité. Lorsque vient le tour de Maria pour chanter, celle-ci ajoute encore plus de fioritures que le chanteur. Le public lui fait une telle ovation qu'en sortant de scène, Velluti, jaloux, lui pince le bras avec véhémence, en la traitant de ''{{lang|it|briccona}}'' (« coquine »)<ref name=":0" />.


Voyant le grand succès de Maria, John Ebers l’engage pour chanter Rosine du ''[[Barbier de Séville]]''. Ce rôle, dans lequel elle débute à partir du {{date-|25 juin}} de cette même année, et qu’elle chante pendant six semaines, lui permet de connaître un succès qui s’amplifie au fur et à mesure des représentations. Il croît aussi lorsque Maria chante, avec la troupe de son père, ''Il Crociato en Egitto'' (''Le Croisé en [[Égypte]]'') de Meyerbeer dans le rôle de Felicia<ref>{{ouvrage|langue=en|titre=Giacomo Meyerbeer|sous-titre=A Critical Life and Iconography|auteur1=Robert Ignatius Letellier|éditeur=Cambridge Scholars Publishing|année=2019|passage=139|lire en ligne={{Google Livres|page=PA139|3lmGDwAAQBAJ}}|pages totales=732|isbn=978-1-52752-758-4}}.</ref> à [[Londres]], [[Manchester]], et [[Liverpool]].
Voyant le grand succès de Maria, John Ebers l’engage pour chanter Rosine du ''[[Barbier de Séville]]''. Ce rôle, dans lequel elle débute à partir du {{date-|25 juin}} de cette même année, et qu'elle chante pendant six semaines, lui permet de connaître un succès qui s'amplifie au fur et à mesure des représentations. Il croît aussi lorsque Maria chante, avec la troupe de son père, ''[[Il crociato in Egitto]]'' (''Le Croisé en Égypte'') de [[Giacomo Meyerbeer|Meyerbeer]] dans le rôle de Felicia<ref>{{ouvrage|langue=en |titre=Giacomo Meyerbeer |sous-titre=A Critical Life and Iconography |auteur1={{lien|lang=en|trad=Robert Letellier|texte=Robert Ignatius Letellier}} |éditeur={{lang|en|{{lien|lang=en|trad=Cambridge Scholars Publishing}}}} |année=2019<!-- ou selon l'article dédié à l'auteur sur WP:EN : 2018 ; ISBN 978-1-5275-0396-0 --> |passage=139 |lire en ligne={{Google Livres|page=PA139|3lmGDwAAQBAJ}} |pages totales=732 |isbn=978-1-52752-758-4}}.</ref> à [[Londres]], [[Manchester]], et [[Liverpool]].


=== Installation à New York et mariage avec Eugène Malibran ===
=== Installation à New York et mariage avec Eugène Malibran ===
À Liverpool, le {{date-|1 octobre 1825}}, la famille Garcia et sa troupe embarquent dans un brick de la ''Black Ball Company'' en partance pour [[New York]], désirant faire découvrir l‘opéra aux Américains. Ils y arrivent le {{date-|6 novembre}}, après trente-sept jours de navigation dans des conditions difficiles, et s'installent dans un hôtel qui leur a été réservé par Stephen Price, directeur du Park Theatre de [[Manhattan]], qui, avec le librettiste de Mozart, [[Lorenzo Da Ponte]], et le milliardaire Dominick Lynch, grand amateur d’opéra et importateur de vins français, est à l’origine de ce voyage. Le {{date-|29 novembre 1825}}, la troupe représente ''[[Le Barbier de Séville]]''<ref name=dico />. C’est un triomphe. La troupe amasse une recette de trois mille dollars, une somme élevée pour l’époque. Les mois suivants la troupe joue successivement à New York : ''[[Tancredi (opéra)|Tancrède]]'', ''[[Otello (Rossini)|Othello]]'', ''[[La Cenerentola|Cendrillon]]'' et ''[[Il turco in Italia|Le Turc en Italie]]'' de [[Gioachino Rossini|Rossini]], ''Roméo et Juliette'' de [[Niccolò Antonio Zingarelli|Zingarelli]], ainsi que deux opéras de Garcia, ''L’Amante Têtue'' et ''La Fille de l’air'', et pour finir ''[[Don Giovanni]]'' de Mozart, le {{date-|23 mai 1826}}. Tous furent accueillis avec enthousiasme.
À Liverpool, le {{date-|1 octobre 1825}}, la famille Garcia et sa troupe embarquent dans un brick de la ''{{lang|en|Black Ball Company}}'' en partance pour [[New York]], désirant faire découvrir l'opéra aux Américains. Ils y arrivent le {{date-|6 novembre}}, après trente-sept jours de navigation dans des conditions difficiles, et s'installent dans un hôtel qui leur a été réservé par {{lien|lang=en|trad=Stephen Price (theatre manager)|fr=Stephen Price}}, directeur du {{lien|lang=en|trad=Park Theatre (Manhattan)|texte={{lang|en|Park Theatre}}}} de [[Manhattan]], qui, avec le librettiste de Mozart, [[Lorenzo Da Ponte]], et le milliardaire {{lien|lang=en|trad=Dominick Lynch (wine merchant)|fr=Dominick Lynch (marchand de vin)|texte=Dominick Lynch}}, grand amateur d’opéra et importateur de vins français, est à l'origine de ce voyage. Le {{date-|29 novembre 1825}}, la troupe représente ''[[Le Barbier de Séville]]''<ref name="dico" />. C'est un triomphe. La troupe amasse une recette de trois mille dollars, une somme élevée pour l'époque. Les mois suivants la troupe joue successivement à New York : ''[[Tancredi (opéra)|Tancrède]]'', ''[[Otello (Rossini)|Othello]]'', ''[[La Cenerentola|Cendrillon]]'' et ''[[Il turco in Italia|Le Turc en Italie]]'' de [[Gioachino Rossini|Rossini]], ''Roméo et Juliette'' de [[Niccolò Antonio Zingarelli|Zingarelli]], ainsi que deux opéras de Garcia, ''L'Amante Têtue'' et ''La Fille de l'air'', et pour finir ''[[Don Giovanni]]'' de Mozart, le {{date-|23 mai 1826}}. Tous furent accueillis avec enthousiasme.


La beauté de Maria séduit à New York. Le premier homme à la courtiser est le poète [https://en.wikipedia.org/wiki/Fitz-Greene%20Halleck Fitz-Greene Halleck]<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Maria Malibran|sous-titre=A Biography of the Singer|auteur1=Howard Bushnell|éditeur=Pennsylvania State University Press|année=1979|lire en ligne={{Google Livres|KVQIAQAAMAAJ}}|passage=26|isbn=978-0-27100-222-4|pages totales=264}}.</ref>. Mais le père de Maria ne l’apprécie pas et voyant que Maria n’est pas insensible au charme du poète, le somme d’arrêter ses avances. Puis vient Eugène Malibran. Il fait sa cour avec respect, et n’oublie jamais, à chacune de ses visites, « d’apporter des fleurs, des chocolats, et autres friandises. » Au bout de quatre mois, Maria est conquise, et veut se marier avec lui, surtout, selon son fils, pour échapper à la férule paternelle. Au début ses parents refusent - Eugène Malibran a une cinquantaine d’années et María, pas encore 18 ans - puis, après quelques disputes, son père finit par accepter<ref name=":0" />. Le mariage est prononcé par le consul de France à New-York, le 23 mars 1826. Avec son époux, Maria s’initie au sport. Il lui apprend à nager et à monter à cheval. L’équitation va d’ailleurs devenir sa seconde passion après le chant<ref name=":0" />.
La beauté de Maria séduit à New York. Le premier homme à la courtiser est le poète {{lien|lang=en|trad=Fitz-Greene Halleck}}<ref>{{Ouvrage|langue=en |titre=Maria Malibran |sous-titre=A Biography of the Singer |auteur1=Howard Bushnell |éditeur=[[Université d'État de Pennsylvanie|{{lang|en|Pennsylvania State University Press}}]] |année=1979 |lire en ligne={{Google Livres|KVQIAQAAMAAJ}} |passage=26 |isbn=978-0-27100-222-4 |pages totales=264}}.</ref>. Mais le père de Maria ne l'apprécie pas et voyant que Maria n’est pas insensible au charme du poète, le somme d'arrêter ses avances. Puis vient Eugène Malibran. Il fait sa cour avec respect, et n'oublie jamais, à chacune de ses visites, « d'apporter des fleurs, des chocolats, et autres friandises. » Au bout de quatre mois, Maria est conquise, et veut se marier avec lui, surtout, selon son fils, pour échapper à la férule paternelle. Au début, ses parents refusent {{incise|Eugène Malibran a une cinquantaine d'années et María, pas encore {{nombre|18|ans}}}} puis, après quelques disputes, son père finit par accepter<ref name=":0" />. Le mariage est prononcé par le consul de France à New-York, le {{date-|23 mars 1826}}. Avec son époux, Maria s'initie au sport. Il lui apprend à nager et à monter à cheval. L'équitation va d'ailleurs devenir sa seconde passion après le chant<ref name=":0" />.


Mais la scène lui manque. De plus, les affaires de son mari, qui a manifestement menti sur la réalité de ses finances, vont très mal, il est au bord de la faillite, la dot de Maria ne suffit pas à renflouer sa trésorerie. Maria tente de remonter ses finances en créant une troupe qui se produit sur la scène du Bowery Theater. Cette fois, elle abandonne le répertoire italien et choisit de jouer les comédies légères françaises et anglaises, plus faciles à monter. Le succès est immense. Maria l’entretient en chantant dans les églises le dimanche. Elle est bientôt engagée à Philadelphie. Son mari à nouveau en faillite, Maria le quitte et s'embarque pour la France au début de novembre. Elle débarque au Havre le {{date-|28 novembre}} 1827<ref>{{ouvrage | langue=it | titre=Maria Malibran (1808-1836): una vita nei nomi di Rossini e Bellini | auteur1=Remo Giazotto | éditeur=ERI | année= 1986 | passage=541-542}}</ref>.
Mais la scène lui manque. De plus, les affaires de son mari, qui a manifestement menti sur la réalité de ses finances, vont très mal : il est au bord de la faillite, et la dot de Maria ne suffit pas à renflouer sa trésorerie. Maria tente de remonter ses finances en créant une troupe qui se produit sur la scène du {{lien|lang=en|trad=Bowery Theatre|texte={{lang|en|Bowery Theater}}}}. Cette fois, elle abandonne le répertoire italien et choisit de jouer les comédies légères françaises et anglaises, plus faciles à monter. Le succès est immense. Maria l'entretient en chantant dans les églises le dimanche. Elle est bientôt engagée à Philadelphie. Son mari à nouveau en faillite, Maria le quitte et s'embarque pour la France au début de novembre. Elle débarque au Havre le {{date-|28 novembre 1827}}<ref>{{ouvrage | langue=it | titre=Maria Malibran (1808-1836): una vita nei nomi di Rossini e Bellini | auteur1=[[Remo Giazotto]] | éditeur=ERI | année= 1986 | passage=541-542}}.</ref>.


=== Retour à Paris ===
=== Retour à Paris ===
[[Fichier:Maria Malibran by Henri Decaisne.jpg|vignette|''Maria Malibran'' (vers 1831), par [[Henri Decaisne]], [[musée Carnavalet]].]]
[[Fichier:Maria Malibran by Henri Decaisne.jpg|vignette|''Maria Malibran'' (vers 1831), par [[Henri Decaisne]], [[musée Carnavalet]].]]
Elle fait son retour sur la scène parisienne durant l’hiver 1828, lors d’un concert de charité, à la salle du conservatoire de la rue Bleue. C'est un succès. Elle s’installe, au numéro 23 de la rue Neuve-Saint-Eustache, chez ses deux belles-sœurs, avec lesquelles elle devient amie. Mais celles-ci la surveillent pour le compte de leur frère, le mari de Maria. Le découvrant, elle écrira à son mari : « Si j’avais des dispositions à être mauvaise ou à me laisser entraîner par la séduction, tu serais là, le Père éternel y serait aussi que cela ne ferait rien ! […] Je ne veux que ce qui est bien. Quand bien même les anges du ciel viendraient me tenter, je résisterais comme saint Antoine. »<ref>{{ouvrage | langue=fr | titre=La passion de la Malibran | auteur1=Henry Malherbe | année=1937 | éditeur=Albin Michel}}</ref>.
Elle fait son retour sur la scène parisienne durant l'hiver 1828, lors d'un concert de charité, à la salle du conservatoire de la [[Rue Bleue (Paris)|rue Bleue]]. C'est un succès. Elle s'installe, au {{nobr|numéro 23}} de la [[rue Neuve-Saint-Eustache]], chez ses deux belles-sœurs, avec lesquelles elle devient amie. Mais celles-ci la surveillent pour le compte de leur frère, le mari de Maria. Le découvrant, elle écrira à son mari : « Si j'avais des dispositions à être mauvaise ou à me laisser entraîner par la séduction, tu serais là, le Père éternel y serait aussi que cela ne ferait rien ! […] Je ne veux que ce qui est bien. Quand bien même les anges du ciel viendraient me tenter, je résisterais comme saint Antoine. »<ref>{{ouvrage | langue=fr | titre=La passion de la Malibran | auteur1=[[Henry Malherbe]] | année=1937 | éditeur=[[Éditions Albin Michel|Albin Michel]]}}.</ref>.


Avec l’aide du comédien Nicolas Bouilly, relation de son père grâce auquel elle a pu chanter au conservatoire de la rue Bleue, elle donne des concerts de charité qui la font connaître, et où elle connaît continuellement le succès. Par la suite, elle se produit au salon de son amie Mercedes, désormais comtesse Merlin, puisque mariée au général comte Christophe Merlin. Le salon, situé rue de Bondy, est alors l'un des plus renommés de Paris. Il est fréquenté par des artistes tels que [[George Sand]], [[Honoré de Balzac|Balzac]], [[Mérimée]], ou [[Rossini]]. Elle est ensuite invitée à chanter chez la [[Marie-Caroline de Bourbon-Siciles (1798-1870)|duchesse de Berry]], aux [[Palais des Tuileries|Tuileries]].
Avec l'aide du comédien Nicolas Bouilly<!-- s’agit-il de [[Jean-Nicolas Bouilly]] ? -->, relation de son père grâce auquel elle a pu chanter au conservatoire de la rue Bleue, elle donne des concerts de charité qui la font connaître, et où elle connaît continuellement le succès. Par la suite, elle se produit au salon de son amie Mercedes, désormais comtesse Merlin, puisque mariée au général comte [[Christophe Antoine Merlin]]. Le salon, situé [[rue de Bondy]], est alors l'un des plus renommés de Paris. Il est fréquenté par des artistes tels que [[George Sand]], [[Honoré de Balzac|Balzac]], [[Mérimée]], ou [[Rossini]]. Elle est ensuite invitée à chanter chez la [[Marie-Caroline de Bourbon-Siciles (1798-1870)|duchesse de Berry]], aux [[Palais des Tuileries|Tuileries]].


Le {{date-|14 janvier 1828}} (12 selon les mémoires de son fils), elle chante à l’Opéra pour le bénéfice du chanteur Galli. Elle y interprète un acte de ''[[Sémiramis]]'' de Rossini, en duo avec la [[contralto]] Benedetta Pisaroni, puis un acte de ''[[Roméo et Juliette]]'', avec Hariett Smithson, et finit avec la soprano allemande [[Henriette Sontag]]. Le public l’ovationne, et l’Opéra lui propose un autre engagement, qu’elle refuse, parce qu’elle n’aime pas le grand opéra français. Le Théâtre Italien lui fait une autre proposition qu'elle acceptera, avec un cachet de soixante-quinze mille francs pour sa nouvelle saison. Son frère Manuel rejoint lui aussi la troupe du Théâtre Italien, ce qui leur permet de chanter ensemble. Elle commence la saison dans le rôle-titre de ''[[Sémiramis (opéra)|Sémiramis]]''. C’est un grand succès populaire. Elle rencontre le même succès dans ''[[Otello (Rossini)|Othello]]'', ''[[La Cenerentola]]'' et ''Roméo et Juliette''. Elle prend ensuite trois mois de vacances chez son amie, la comtesse de Sparre, au château de Brizay, en [[Touraine]]. La comtesse lui conseille de ne plus loger chez ses belles-sœurs. En effet, après l’avoir bien accueillie, elles lui lancent souvent des piques. Dès son retour à Paris, elle va loger rue d’Artois, chez Madame Naldi, qui, bientôt, gère ses contrats. Maria revient au Théâtre des Italiens.
Le {{date-|14 janvier 1828}} (12 selon les mémoires de son fils), elle chante à l'Opéra pour le bénéfice du chanteur Galli. Elle y interprète un acte de ''[[Sémiramis]]'' de Rossini, en duo avec la [[contralto]] [[Benedetta Rosmunda Pisaroni|Benedetta Pisaroni]], puis un acte de ''[[Roméo et Juliette]]'', avec [[Harriet Smithson]], et finit avec la soprano allemande [[Henriette Sontag]]. Le public l'ovationne, et l'Opéra lui propose un autre engagement, qu'elle refuse, parce qu'elle n'aime pas le grand opéra français. Le Théâtre Italien lui fait une autre proposition qu'elle acceptera, avec un cachet de soixante-quinze mille francs pour sa nouvelle saison. Son frère Manuel rejoint lui aussi la troupe du Théâtre Italien, ce qui leur permet de chanter ensemble. Elle commence la saison dans le rôle-titre de ''[[Sémiramis (opéra)|Sémiramis]]''. C'est un grand succès populaire. Elle rencontre le même succès dans ''[[Otello (Rossini)|Othello]]'', ''[[La Cenerentola]]'' et ''Roméo et Juliette''. Elle prend ensuite trois mois de vacances chez son amie, la comtesse de Sparre, au château de Brizay<!-- Wikidata : Q83713174 -->, en [[Touraine]]. La comtesse lui conseille de ne plus loger chez ses belles-sœurs. En effet, après l'avoir bien accueillie, elles lui lancent souvent des piques. Dès son retour à Paris, elle va loger [[rue d'Artois]], chez Madame Naldi, qui, bientôt, gère ses contrats. Maria revient au [[Théâtre italien de Paris|Théâtre des Italiens]].
[[Fichier:Charles-Auguste de Bériot by Charles Baugniet 1838.jpg|vignette|[[Charles-Auguste de Bériot]] devant le buste de Maria Malibran (''Bibliothèque du [[Conservatoire royal de Bruxelles]]'')]]
[[Fichier:Charles-Auguste de Bériot by Charles Baugniet 1838.jpg|vignette|[[Charles-Auguste de Bériot]] devant le buste de Maria Malibran (''Bibliothèque du [[Conservatoire royal de Bruxelles]]'').]]
En 1829, elle fait une tournée à Londres, puis en [[Belgique]], à [[Bruxelles]] et à [[Chimay]]. C'est au [[château de Chimay]] qu'elle rencontre [[Charles-Auguste de Bériot]], premier violoniste du roi des [[Royaume uni des Pays-Bas|Pays-Bas]]. Immédiatement, elle éprouve pour lui un amour qui est réciproque et ils deviennent amants.
En 1829, elle fait une tournée à Londres, puis en [[Belgique]], à [[Bruxelles]] et à [[Chimay]]. C'est au [[château de Chimay]] qu'elle rencontre [[Charles-Auguste de Bériot]], premier violoniste du roi des [[Royaume uni des Pays-Bas|Pays-Bas]]. Immédiatement, elle éprouve pour lui un amour qui est réciproque et ils deviennent amants.
[[Fichier:Portrait_de_Maria_Malibran,_par_Ary_Scheffer,_1831.jpg|vignette|Portrait de Maria Malibran, par [[Ary Scheffer]], 1831]]
[[Fichier:Portrait_de_Maria_Malibran,_par_Ary_Scheffer,_1831.jpg|vignette|Portrait de Maria Malibran, par [[Ary Scheffer]], 1831.]]
Le {{date-|2 juin 1832}}, le père de Maria meurt. Elle invite sa mère et sa jeune sœur à résider dans la villa que Charles-Auguste de Bériot a fait construire à [[Ixelles]]<ref name=":0" />. Toute l'année, elle est en tournée à Rome, à Naples et à Bologne.
Le {{date-|2 juin 1832}}, le père de Maria meurt. Elle invite sa mère et sa jeune sœur à résider dans la villa que Charles-Auguste de Bériot a fait construire à [[Ixelles]]<ref name=":0" />. Toute l'année, elle est en tournée à Rome, à Naples et à Bologne.


Le {{date-|12 février 1833}}, à Paris, elle donne naissance à Charles-Wilfrid de Bériot. En juin, elle est en tournée à Londres, où elle se lie d’amitié avec [[Vincenzo Bellini]]. Le {{date-|15 juin 1833}}, elle chante dans [[Le Mariage de Figaro]] à [[Covent Garden]] <ref>Archives de la famille Dumangin</ref>.
Le {{date-|12 février 1833}}, à Paris, elle donne naissance à [[Charles Wilfrid de Bériot]]. En juin, elle est en tournée à Londres, où elle se lie d’amitié avec [[Vincenzo Bellini]]. Le {{date-|15 juin 1833}}, elle chante dans ''[[Le Mariage de Figaro]]'' à {{lang|en|[[Covent Garden]]}}<ref>Archives de la famille Dumangin.</ref>.


En 1834, la Malibran fait un tour de chant dans les grandes villes d'Italie - Bologne, Milan, Modène, Senigallia, Lucca et Florence - où elle chante souvent avec sa demi-sœur, [[Josefa Ruiz García]].
En 1834, la Malibran fait un tour de chant dans les grandes villes d'Italie {{incise|Bologne, Milan, Modène, Senigallia, Lucca et Florence}} où elle chante souvent avec sa demi-sœur, [[Josefa Ruiz García]].


Le {{date-|6 mars 1835}}, l'annulation par le tribunal de la Seine de son mariage avec Eugène Malibran, obtenu sur la base d'une erreur juridique<ref group="α">Le consul de France n'aurait pas dû marier un Américain et une Espagnole.</ref>, est finalement prononcée<ref name=":0" />. En cette année 1835, elle fait une autre tournée italienne, à [[Venise]] et [[Naples]], avec l'aide de la basse Lablache. À Venise - où elle se fait fabriquer sa propre [[gondole]] -, elle chante à [[la Fenice]] et y apprend la faillite d'un théâtre édifié par la famille Grimant. Elle propose alors un concert de bienfaisance pour aider au redressement de celui-ci. La recette de ce concert se révélant insuffisante, Maria y ajoute son cachet de la Fenice. Depuis ce jour, ce théâtre fameux, puisque le plus grand et le plus somptueux avant l'existence de la Fenice, portera le nom de [[Teatro Malibran]]. Elle poursuit sa tournée par Londres, avant de revenir à Milan, malgré une épidémie de choléra.
Le {{date-|6 mars 1835}}, l'annulation par le tribunal de la Seine de son mariage avec Eugène Malibran, obtenu sur la base d'une erreur juridique<ref group="α">Le consul de France n'aurait pas dû marier un Américain et une Espagnole.</ref>, est finalement prononcée<ref name=":0" />. En cette année 1835, elle fait une autre tournée italienne, à [[Venise]] et [[Naples]], avec l'aide de la basse Lablache. À Venise {{incise|où elle se fait fabriquer sa propre [[gondole]]}}, elle chante à [[La Fenice]] et y apprend la faillite d'un théâtre édifié par la famille [[Grimani]]. Elle propose alors un concert de bienfaisance pour aider au redressement de celui-ci. La recette de ce concert se révélant insuffisante, Maria y ajoute son cachet de la Fenice. Depuis ce jour, ce théâtre fameux, puisque le plus grand et le plus somptueux avant l'existence de la Fenice, portera le nom de {{lang|it|[[Teatro Malibran]]}}. Elle poursuit sa tournée par Londres, avant de revenir à Milan, malgré une épidémie de [[choléra]].


En 1836, elle fait un séjour parisien durant lequel elle épouse, le {{date-|29 mars}}, le violoniste belge [[Charles-Auguste de Bériot]], avec pour témoins Legouvé, le pianiste [[Sigismund Thalberg]] et Rossini. Bériot était son amant depuis six ans et le père de son fils, [[Charles Wilfrid de Bériot]], qui deviendra pianiste virtuose et professeur de [[Maurice Ravel]]. Entre-temps, le couple s'est fixé à [[Bruxelles]], où il réside à [[Ixelles]] et [[Saint-Josse-ten-Noode|Saint-Josse]], dans deux vastes hôtels de maître en forme de villa entourée de jardins<ref>Les deux résidences de la Malibran à Bruxelles ont subsisté et sont devenues chacune hôtel communal d'Ixelles et de Saint-Josse.</ref>, puis fait une tournée en Angleterre pendant l'été de [[1836]]. À nouveau enceinte de quelques mois, elle monte à cheval chaque matin, fait une chute, mais refuse de se soigner et tente encore d'honorer son public sur scène<ref name=":0" />. Elle donne encore des concerts à [[Liège]], [[Aix-la-Chapelle|Aix la Chapelle]], Paris puis participe au festival de [[Manchester]]<ref name=":0" />. En septembre, après quelques jours de coma, elle meurt à [[Manchester]] des suites de cet accident, qui avait provoqué la formation d'un caillot de sang au cerveau.
En 1836, elle fait un séjour parisien durant lequel elle épouse, le {{date-|29 mars}}, le violoniste belge [[Charles-Auguste de Bériot]], avec pour témoins Legouvé, le pianiste [[Sigismund Thalberg]] et Rossini. Bériot était son amant depuis six ans et le père de son fils, [[Charles Wilfrid de Bériot]], qui deviendra pianiste [[virtuose]] et professeur de [[Maurice Ravel]]. Entre-temps, le couple s'est fixé à [[Bruxelles]], où il réside à [[Ixelles]] et [[Saint-Josse-ten-Noode|Saint-Josse]], dans deux vastes hôtels de maître en forme de villa entourée de jardins<ref>Les deux résidences de la Malibran à Bruxelles ont subsisté et sont devenues chacune hôtel communal d'Ixelles et de Saint-Josse.</ref>, puis fait une tournée en Angleterre pendant l'été de [[1836]]. À nouveau enceinte de quelques mois, elle monte à cheval chaque matin, fait une chute, mais refuse de se soigner et tente encore d'honorer son public sur scène<ref name=":0" />. Elle donne encore des concerts à [[Liège]], [[Aix-la-Chapelle]], Paris puis participe au festival de [[Manchester]]<ref name=":0" />. En septembre, après quelques jours de coma, elle meurt à [[Manchester]] des suites de cet accident, qui avait provoqué la formation d'un caillot de sang au cerveau.


Bériot fait rapatrier son corps à [[Bruxelles]], grâce à l'intervention de la mère de Maria Malibran, et construire un imposant mausolée dans le [[cimetière de Laeken]], nécropole sise autour de l'[[Ancienne église Notre-Dame de Laeken|église Notre-Dame de Laeken]], qui abrite les tombeaux de la [[roi des Belges|dynastie de Belgique]]. Une foule immense et trois formations musicales l’accompagnent : la Société d’Harmonie d’Ixelles (dont Bériot est le président), la Société de Philharmonie de Bruxelles et la Musique du {{1er}} Régiment des Guides belges<ref name=":0" />.
Bériot fait rapatrier son corps à [[Bruxelles]], grâce à l'intervention de la mère de Maria Malibran, et construit un imposant mausolée dans le [[cimetière de Laeken]], nécropole sise autour de l'[[Ancienne église Notre-Dame de Laeken|église Notre-Dame de Laeken]], qui abrite les tombeaux de la [[Roi des Belges|dynastie de Belgique]]. Une foule immense et trois formations musicales l'accompagnent : la Société d'Harmonie d’Ixelles (dont de Bériot est le président), la Société de Philharmonie de Bruxelles et la Musique du {{1er|Régiment}} des Guides belges<ref name=":0" />.


== Postérité ==
== Postérité ==
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:''Cette harpe vivante attachée à ton cœur ?'' »
:''Cette harpe vivante attachée à ton cœur ?'' »


Sur sa tombe, on peut lire ce quatrain de [[Alphonse de Lamartine|Lamartine]] :
Sur sa tombe, on peut lire ce [[quatrain]] de [[Alphonse de Lamartine|Lamartine]] :
:''Beauté, génie, amour furent son nom de femme, ''
:''Beauté, génie, amour furent son nom de femme, ''
:''Écrit dans son regard, dans son cœur, dans sa voix.''
:''Écrit dans son regard, dans son cœur, dans sa voix.''
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En 1913, la veuve du lieutenant-général [[Henri Emmanuel Wauwermans|Henri Wauwermans]], cousine de [[Charles-Auguste de Bériot]], second époux de la Malibran, lègue une partie des documents et objets personnels ayant appartenu à la diva au [[Conservatoire royal de Bruxelles]], où ils sont conservés aujourd'hui au sein du [[Fonds Maria Malibran]]<ref>Référence B-Bc, FMM.</ref>.
En 1913, la veuve du lieutenant-général [[Henri Emmanuel Wauwermans|Henri Wauwermans]], cousine de [[Charles-Auguste de Bériot]], second époux de la Malibran, lègue une partie des documents et objets personnels ayant appartenu à la diva au [[Conservatoire royal de Bruxelles]], où ils sont conservés aujourd'hui au sein du [[Fonds Maria Malibran]]<ref>Référence B-Bc, FMM.</ref>.


=== La rue Malibran ===
=== Postérité du nom Malibran ===
Plusieurs villes donnent son nom à une de leurs voies ː
Une rue d'[[Ixelles]] porte son nom: la rue Malibran, aujourd'hui rue Maria-Malibran, qui monte de la [[place Eugène Flagey]] à la [[place Raymond Blyckaerts]]. Les bus 38 et 60 de la [[STIB]] la parcourent de bout en bout, desservant à mi-chemin l'arrêt Malibran.
* À [[Ixelles]]: la rue Malibran<!-- Wikidata : Q85066589 -->, renommée rue Maria-Malibran, monte de la [[place Eugène Flagey]] à la [[place Raymond Blyckaerts]]. Les [[Liste des lignes de l'autobus de Bruxelles#Ligne 38|{{nobr|bus 38}}]] et [[Liste des lignes de l'autobus de Bruxelles#Ligne 60|60]] de la [[Société des transports intercommunaux de Bruxelles|STIB]] la parcourent de bout en bout, desservant à mi-chemin l'arrêt Malibran ;
* À [[Roissy-en-Brie]] ː le boulevard de la Malibran va de la rue Denis Papin à la rue de la Gare d'[[Émerainville]] ;
* À [[Cormeilles-en-Parisis]] ː la courte rue Malibran est très empruntée, car juste à la sortie de la gare, entre la place Pierre-Sémart et la rue de Saint-Germain.


== La cantatrice ==
== La cantatrice ==
La voix de la Malibran est décrite à la fois « ample, avec des variations dynamiques importantes »<ref name="Forum Opera - Disques-DVDs">{{lien web | langue=fr | titre=Quand Bartoli célèbre la Malibran | url=http://www.forumopera.com/index.php?mact=News,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=2180&cntnt01detailtemplate=gabarit_detail_breves&cntnt01dateformat=%25d-%25m-%25Y&cntnt01lang=fr_FR&cntnt01returnid=55 | auteur=Placido Carrerotti | jour=11 | mois=décembre | année=2010 | site=[[Forumopera.com]]}}</ref>, « sombre, chaude, et ronde »<ref name="Maria: Cecilia Bartoli. Dossier">{{lien web | url=http://www.classiquenews.com/ecouter/lire_article.aspx?article=1365&identifiant=2007919TR4ZJRZAAQQDCSSH9L75SQUAG | site=classiquenews.com | titre=Maria}}</ref>. [[Castil-Blaze]] ajoute qu'elle est « vibrante, pleine d'éclat et de vigueur ». S'il revendique qu'elle ne perd « jamais ce timbre flatteur, ce velouté qui lui donnaient tant de séduction dans les morceaux tendres ou passionnés », d'autres ont évoqué des sons « durs » et « “effondrés” », « quelques notes creuses » dans le médium<ref>{{lien web |titre=María de la Felicidad García dite Maria Malibran |url=http://www.larousse.fr/encyclopedie/musdico/Malibran/168938 |site=larousse.fr |consulté le=11-09-2020}}.</ref> et un aigu instable dans ses notes les plus hautes<ref>« The Callas Debate », ''Opera'', septembre–octobre 1970.</ref>, et « un peu voilé »<ref name="Forum Opera - Disques-DVDs"/>.
La voix de la Malibran est décrite à la fois « ample, avec des variations dynamiques importantes »<ref name="Forum Opera - Disques-DVDs">{{lien web | langue=fr | titre=Quand Bartoli célèbre la Malibran | url=http://www.forumopera.com/index.php?mact=News,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=2180&cntnt01detailtemplate=gabarit_detail_breves&cntnt01dateformat=%25d-%25m-%25Y&cntnt01lang=fr_FR&cntnt01returnid=55 | auteur=Placido Carrerotti | jour=11 | mois=décembre année=2010 | site=[[Forumopera.com]]}}.</ref>, « sombre, chaude, et ronde »<ref name="Maria: Cecilia Bartoli. Dossier">{{lien web | url=http://www.classiquenews.com/ecouter/lire_article.aspx?article=1365&identifiant=2007919TR4ZJRZAAQQDCSSH9L75SQUAG | site=classiquenews.com | titre=Maria}}.</ref>. [[Castil-Blaze]] ajoute qu'elle est « vibrante, pleine d'éclat et de vigueur ». S'il revendique qu'elle ne perd « jamais ce timbre flatteur, ce velouté qui lui donnaient tant de séduction dans les morceaux tendres ou passionnés », d'autres ont évoqué des sons « durs » et « “effondrés” », « quelques notes creuses » dans le médium<ref>{{lien web |titre=María de la Felicidad García dite Maria Malibran |url=http://www.larousse.fr/encyclopedie/musdico/Malibran/168938 |site=[[Éditions Larousse|larousse.fr]] |consulté le=11-09-2020}}.</ref> et un aigu instable dans ses notes les plus hautes<ref>{{en}} « {{lang|en|The Callas Debate}} », ''Opera'', septembre–{{date-|octobre 1970}}.</ref>, et « un peu voilé »<ref name="Forum Opera - Disques-DVDs" />.


Sa maîtrise de la [[colorature]] est réputée « époustouflante »<ref name="Maria: Cecilia Bartoli. Dossier"/>. Elle était d'un si haut niveau qu'elle a exécuté un [[trille]] sur « la note extrême du registre de soprano »<ref name="La Malibran Belfond, Paris, 2009. p. 92 ">[[Gonzague Saint Bris]], ''La Malibran'', Belfond, Paris, 2009. {{p.|92}}.</ref>. Castil-Blaze témoigne : {{citation bloc|Vivacité, justesse, audace dans l'attaque, [[Gamme chromatique|gammes chromatiques]] ascendantes, de quinzième, [[arpège]]s, traits éblouissants de force, de grâce ou de coquetterie, tout ce que l'art peut faire acquérir, elle le possédait<ref>[[Gonzague Saint Bris]], ''La Malibran'', Belfond, Paris, 2009. {{p.|104-105}}.</ref>.}}
Sa maîtrise de la [[colorature]] est réputée « époustouflante »<ref name="Maria: Cecilia Bartoli. Dossier" />. Elle était d'un si haut niveau qu'elle a exécuté un [[trille]] sur « la note extrême du registre de soprano »<ref name="La Malibran Belfond, Paris, 2009. p. 92">[[Gonzague Saint Bris]], ''La Malibran'', [[Éditions Belfond|Belfond]], Paris, 2009. {{p.|92}}.</ref>. Castil-Blaze témoigne : {{citation bloc|Vivacité, justesse, audace dans l'attaque, [[Gamme chromatique|gammes chromatiques]] ascendantes, de quinzième, [[arpège]]s, traits éblouissants de force, de grâce ou de coquetterie, tout ce que l'art peut faire acquérir, elle le possédait<ref>[[Gonzague Saint Bris]], ''La Malibran'', [[Éditions Belfond|Belfond]], Paris, 2009. {{p.|104-105}}.</ref>.}}


Sa perfection technique, la cantatrice l'obtint grâce à la formation que lui prodigua son père. Parlant de sa voix au début de cette formation, sa sœur [[Pauline Viardot]], la décrit : {{citation|faible, d'un registre étroit, dont les tons aigus étaient durs et le médium voilé}}. Elle ajoute : {{citation bloc|la lutte constante qu'elle avait à soutenir contre son organe imparfait et rebelle était tellement pénible que, parfois, le découragement l'envahissait. Et c'est ainsi qu'elle acquit le don assez rare de savoir pleurer en chantant<ref>Gonzague Saint Bris, ''La Malibran'', Belfond, Paris, 2009. {{p.|35-36}}.</ref>}}. Elle maintenait sa voix dans les meilleures conditions possibles grâce à une volonté de fer et un travail vocal sans relâche. [[Ernest Legouvé]], son premier biographe, raconte à ce sujet : {{citation bloc|Je l'ai entendue, à Rome, un jour où elle devait jouer le ''Barbier [de Séville]'', travailler pendant plusieurs heures les traits de sa cavatine, et de temps en temps, elle s'interrompait pour interpeller sa voix en lui disant : “Je te forcerai bien à m'obéir !” La lutte était donc chez elle un besoin, une habitude qui [...] prêtait un caractère puissant et original à son talent<ref name="La Malibran Belfond, Paris, 2009. p. 92 "/>.}}
Sa perfection technique, la cantatrice l'obtint grâce à la formation que lui prodigua son père. Parlant de sa voix au début de cette formation, sa sœur [[Pauline Viardot]], la décrit : {{citation|faible, d'un registre étroit, dont les tons aigus étaient durs et le médium voilé}}. Elle ajoute : {{citation bloc|la lutte constante qu'elle avait à soutenir contre son organe imparfait et rebelle était tellement pénible que, parfois, le découragement l'envahissait. Et c'est ainsi qu'elle acquit le don assez rare de savoir pleurer en chantant<ref>Gonzague Saint Bris, ''La Malibran'', Belfond, Paris, 2009. {{p.|35-36}}.</ref>.}} Elle maintenait sa voix dans les meilleures conditions possibles grâce à une volonté de fer et un travail vocal sans relâche. [[Ernest Legouvé]], son premier biographe, raconte à ce sujet : {{citation bloc|Je l'ai entendue, à Rome, un jour où elle devait jouer le ''Barbier [de Séville]'', travailler pendant plusieurs heures les traits de sa cavatine, et de temps en temps, elle s'interrompait pour interpeller sa voix en lui disant : “Je te forcerai bien à m'obéir !” La lutte était donc chez elle un besoin, une habitude qui [] prêtait un caractère puissant et original à son talent<ref name="La Malibran Belfond, Paris, 2009. p. 92 "/>.}}


La [[tessiture]] de Maria Malibran s'étendait du sol<sub>2</sub> au contre-mi, et son étendue extrême partait du ré<sup>2</sup> (ce qui lui a permis d'interpréter le rôle-titre d'[[Otello (Rossini)|Otello]]) et monter la gamme jusqu'au fa<sup>5</sup> en ''altissimo'' – atteint lors d'échauffements vocaux et une interprétation privée de ''[[Exsultate, jubilate]]'' de Mozart<ref>Geoffrey S. Riggs, ''The assoluta voice in opera'', {{ISBN|0-7864-1401-4}}, {{p.|137-141}}.</ref>{{,}}<ref>William Ashbrook, ''Donizetti and his Operas'', 1983, {{p.|634}}.</ref>.
La [[tessiture]] de Maria Malibran s'étendait du sol<sub>2</sub><!-- {{ind|2}} ou {{exp|2}} ? --> au contre-mi, et son étendue extrême partait du ré<sup>2</sup><!-- {{exp|2}} ou {{ind|2}} ? --> (ce qui lui a permis d'interpréter le rôle-titre d'''[[Otello (Rossini)|Otello]]'') et monter la gamme jusqu'au fa<sup>5</sup><!-- {{exp|5}} ou {{ind|5}} ? --> en ''altissimo'' – atteint lors d'échauffements vocaux et une interprétation privée de ''{{lang|la<!-- ou it ? -->|[[Exsultate, jubilate]]}}'' de Mozart<ref>{{en}} Geoffrey S. Riggs, ''{{lang|en|The assoluta voice in opera}}'', {{ISBN|0-7864-1401-4}}, {{p.|137-141}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} {{lien|lang=en|trad=William Ashbrook}}, ''{{lang|en|Donizetti and his Operas}}'', 1983<!-- selon l’article consacré à l’auteur sur WP:EN : Cambridge University Press (1982). ISBN 052123526X, 0-521-23526-X -->, {{p.|634}}.</ref>.


== La compositrice ==
== La compositrice ==
Sous le nom de Garcia de Bériot, elle a publié des romances
Sous le nom de Garcia de Bériot, elle a publié des romances :
* Hymne des matelots ; Troupenas, 1840
* Hymne des matelots ; Troupenas<!-- s’agit-il d’Eugène Troupenas (Wikidata : Q55875031) ? -->, 1840
* Belle, viens à moi ! Nocturne à {{nombre|2|voix}} égales de {{Mme}} [[Marceline Desbordes-Valmore]] ; 1877, Paris
* Belle, viens à moi ! Nocturne à {{nombre|2|voix}} égales de {{Mme|[[Marceline Desbordes-Valmore]]}} ; 1877, Paris
* Chagrin d'amour. Paroles de M.-L. de Ronsière ; Hachette 1907
* Chagrin d'amour. Paroles de M.-L. de Ronsière ; [[Hachette Livre|Hachette]] 1907
* En soupirant ! Tyrolienne ; Pacini
* En soupirant ! Tyrolienne ; Pacini<!-- serait-ce en relation avec [[Émilien Pacini]] ? -->
* Le Prisonnier, romance, paroles de [[Pierre-Jean de Béranger]] ; Pacini
* Le Prisonnier, romance, paroles de [[Pierre-Jean de Béranger]] ; Pacini
* Pensées musicales de Marie-Félicité Garcia de Bériot ; Troupenas<ref>François-Joseph Fétis, ''Biographie universelle des musiciens'', p. 420.</ref>
* Pensées musicales de Marie-Félicité Garcia de Bériot ; Troupenas<ref>[[François-Joseph Fétis]], ''Biographie universelle des musiciens'', {{p.|420}}.</ref>
** [http://data.bnf.fr/11939490/maria_malibran/#rdt220-11939490 Données BNF]
** [http://data.bnf.fr/11939490/maria_malibran/#rdt220-11939490 Données BNF]


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== Maria Malibran sur la scène ==
== Maria Malibran sur la scène ==
* La cantatrice [[Cécilia Bartoli]] lui a consacré un spectacle en 2008 pour le bicentenaire de sa naissance : ''Maria'' (cf. le DVD ''Maria : the Barcelona Concert ; Malibran rediscovered, the romantic revolution'', Michael Sturminger, réal. - Decca, 2008).
* La cantatrice [[Cécilia Bartoli]] lui a consacré un spectacle en 2008 pour le bicentenaire de sa naissance : ''Maria'' ({{cf.}} le DVD ''{{lang|en|Maria : the Barcelona Concert ; Malibran rediscovered, the romantic revolution}}'', {{lien|lang=de|trad=Michael Sturminger}}, réal. - [[Decca Records|Decca]], 2008).


== Bibliographie ==
== Bibliographie ==
* [[Patrick Barbier]], ''La Malibran, reine de l'opéra romantique'', Paris, Pygmalion, 2005.
* [[Patrick Barbier]], ''La Malibran, reine de l'opéra romantique'', Paris, [[Pygmalion (maison d'édition)|Pygmalion]], 2005.
* [[Alain Duault]], ''Une femme de feu. Le roman de la Malibran'', Gallimard, 2021.
* [[Alain Duault]], ''Une femme de feu. Le roman de la Malibran'', [[Éditions Gallimard|Gallimard]], 2021.
* Albert Flament, ''La Malibran'', Paris, Ernest Flammarion, 286 p., 1937.
* Albert Flament<!-- Wikidata : Q61653709 -->, ''La Malibran'', Paris, [[Ernest Flammarion]], 286{{nb p.}}, 1937.
* Suzanne Desternes, ''La Malibran et Pauline Viardot'', Paris, Fayard, 1969.
* Suzanne Desternes, ''La Malibran et Pauline Viardot'', Paris, [[Librairie Arthème Fayard|Fayard]], 1969.
* Carmen de Reparaz, ''Maria Malibran. La Diva romantique'', trad. de l'espagnol par Florence Barberousse, Paris, Perrin, 276 p., 1979.
* Carmen de Reparaz, ''Maria Malibran. La Diva romantique'', trad. de l'espagnol par Florence Barberousse, Paris, [[Éditions Perrin|Perrin]], 276{{nb p.}}, 1979.
* {{Ouvrage|auteur1=[[Gonzague Saint Bris]]|titre=La Malibran|sous-titre=la voix qui dit je t'aime|éditeur=Belfond|date=2009|isbn=978-2-7144-4542-1|isbn2=2-7144-4542-X|oclc=377787021|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/377787021|consulté le=2020-10-16}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Gonzague Saint Bris]] |titre=La Malibran |sous-titre=la voix qui dit je t'aime |éditeur=[[Éditions Belfond|Belfond]] |année=2009 |isbn=978-2-7144-4542-1 |isbn2=2-7144-4542-X |oclc=377787021 |lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/377787021 |consulté le=2020-10-16}}.
* Violaine Vanoyeke, ''La Passionnée, Le roman de la Malibran'', Paris, Michel Lafon, 1997.
* [[Violaine Vanoyeke]], ''La Passionnée, Le roman de la Malibran'', Paris, [[Éditions Michel Lafon|Michel Lafon]], 1997.


== Notes et références ==
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├──> Claudie VIARDOT ( - )
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x Georges Chamerot
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Éditeur
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dont postérité
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[[Catégorie:Décès en septembre 1836]]
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Maria Malibran
Description de l'image (Gaillac) Maria Malibran - Firmin Salabert - Musée des Beaux-Arts de Gaillac.jpg.
Surnom La Malibran
Nom de naissance María-Felicia García
Naissance
Ancien 2e arrondissement de Paris
Décès (à 28 ans)
Manchester
Activité principale artiste lyrique
mezzo-soprano
Style
Ascendants Manuel Garcia
Maria Joaquina Sitches, dite la Briones
Conjoint Eugène Malibran Charles-Auguste de Bériot
Descendants Charles Wilfrid de Bériot
Famille Manuel Garcia junior
Pauline Viardot
Josefa Ruiz García, demi-sœur
Antonia Sitchès de Mendi, cousine

María-Felicia García, dite la Malibran, née le à Paris et morte le à Manchester, est une artiste lyrique française (mezzo-soprano) d'origine espagnole.

Biographie[modifier | modifier le code]

Origines familiales[modifier | modifier le code]

Numéros 1 et 3 de la rue de Condé, avec la plaque commémorative de la naissance de Maria Malibran.
Détail de la plaque commémorative.

María de la Felicídad García naît la nuit du à Paris, au 3, rue de Condé. Elle est la fille de Manuel Garcia, ténor célèbre à l'époque, né en 1775 à Séville, et de Joaquína Sitchez, chanteuse soprano[1], née en 1780 à Barcelone.

Elle est la sœur aînée de Pauline Garcia, dite Viardot, plus jeune qu'elle de 13 ans[2].

Enfance et début de carrière[modifier | modifier le code]

Les trois premières années de Maria se déroulent paisiblement dans un foyer « uni et aisé ». Son père rayonne autant sur scène, au Théâtre des Italiens, que dans les salons mondains, tandis que Maria fait ses premiers pas au jardin du Luxembourg et qu'un peu plus tard, sa mère lui apprend à lire, écrire, et compter.

En 1811, la famille Garcia déménage à Naples, où le père de Maria a été appelé par le roi Joachim Murat qui vient de le nommer maître de sa chapelle privée après l'avoir écouté au San Carlo. Avant le départ, Manuel remporte un dernier succès dans la capitale française, à l'occasion des festivités données en l'honneur de la naissance de l’Aiglon, fils de Napoléon et de Marie-Louise d'Autriche. La famille Garcia passe quatre années à Naples, « totalement rythmées par la musique ». Manuel Garcia et sa femme se produisent régulièrement au San Carlo, tandis que leurs deux premiers enfants, Manuel Garcia fils ainsi que Maria, apprennent le solfège et la musique avec le pianiste Hérold et le compositeur Panseron[3]. Maria impressionne beaucoup Hérold qui écrit dans ses Mémoires : « Depuis Mozart, on n'a jamais vu de vocation si énergiquement prononcée pour la musique[3]. ».

En 1813, Maria, alors âgée de cinq ans, fait ses premiers pas sur scène en jouant un rôle secondaire dans L’Agnese (Agnès), de Ferdinando Paër, qui consiste à apporter une lettre à son père lorsqu'il chante avec la soprano[4],[2] ; son petit-neveu, Louis Hériite de la Tour, raconte qu'un soir, la soprano a une défaillance et que Maria prend sa suite en chantant l'air au pied levé, à la stupéfaction et à la grande joie du public[5]. À Naples, Manuel Garcia fait également la connaissance de personnages importants, dont le ténor âgé Giovanni Ansani, avec lequel Manuel perfectionne son chant, et Rossini[3], alors à ses débuts, et avec qui Manuel Garcia et Maria resteront amis à vie.

En 1815, c’est la chute de l'Empire français, suivie de celle des Murat. Les Bourbons reprennent possession du trône de Naples. Les Murat détrônés, l'engagement de Garcia ne tient plus. Il s'en va donc avec sa famille et Rossini à Rome. L'hiver de cette même année, à la demande du duc de Sforza-Cesarini, Rossini compose Le Barbier de Séville. Le rôle du comte Almaviva Ce lien renvoie vers une page d'homonymie est attribué à Manuel Garcia.

En 1816, la famille Garcia revient à Paris, où Manuel ouvre une école de chant au Palais-Royal, rue de Louvois. Sa notoriété et sa technique lui attirent des élèves qui feront de carrière, tel le ténor Adolphe Nourrit[6]. Il fait également la formation vocale de Maria, mais la voix de sa fille est rebelle. Le père et la fille ont tous les deux un caractère fort, aussi les leçons tournent-elles la plupart du temps au conflit. Son père lui impose un enseignement terrifiant, tant par son rythme que par son exigence[2] : Maria ne doit manger que ce qui est bon pour sa voix, il lui interdit de se promener, de faire la grasse matinée, d'aller rire et s'amuser avec d'autres filles de son âge – elle se doit déjà corps et âme au chant[7].

En 1824, les Garcia partent pour Londres, où le père de Maria a été engagé pour chanter les opéras de Rossini au King's Theatre. Le grand lancement de Maria a lieu en 1825. Le de cette année-là, Giovanni Battista Velluti, le dernier des grands castrats, se produit au King's Theatre. Parmi les œuvres interprétées figure le duo de Roméo et Juliette, de Zingarelli ; mais aucune soprano ne veut se mesurer à la voix et la ligne vocale sans failles du chanteur. Le directeur du théâtre, John Ebers (en), cherche alors une voix capable de relever le défi, et demande l'aide de Garcia, qui propose sa fille de dix-sept ans. Le directeur accepte. Le soir de la représentation arrive, et Velluti lance son fameux « canto fiorito » – art d'enjoliver la partition en ajoutant plus de nuances, de modulations, de vocalises et d'effets de rythme que Velluti possédait à un très haut degré, et qui a fait sa célébrité. Lorsque vient le tour de Maria pour chanter, celle-ci ajoute encore plus de fioritures que le chanteur. Le public lui fait une telle ovation qu'en sortant de scène, Velluti, jaloux, lui pince le bras avec véhémence, en la traitant de briccona (« coquine »)[4].

Voyant le grand succès de Maria, John Ebers l’engage pour chanter Rosine du Barbier de Séville. Ce rôle, dans lequel elle débute à partir du de cette même année, et qu'elle chante pendant six semaines, lui permet de connaître un succès qui s'amplifie au fur et à mesure des représentations. Il croît aussi lorsque Maria chante, avec la troupe de son père, Il crociato in Egitto (Le Croisé en Égypte) de Meyerbeer dans le rôle de Felicia[8] à Londres, Manchester, et Liverpool.

Installation à New York et mariage avec Eugène Malibran[modifier | modifier le code]

À Liverpool, le , la famille Garcia et sa troupe embarquent dans un brick de la Black Ball Company en partance pour New York, désirant faire découvrir l'opéra aux Américains. Ils y arrivent le , après trente-sept jours de navigation dans des conditions difficiles, et s'installent dans un hôtel qui leur a été réservé par Stephen Price (en), directeur du Park Theatre (en) de Manhattan, qui, avec le librettiste de Mozart, Lorenzo Da Ponte, et le milliardaire Dominick Lynch (en), grand amateur d’opéra et importateur de vins français, est à l'origine de ce voyage. Le , la troupe représente Le Barbier de Séville[2]. C'est un triomphe. La troupe amasse une recette de trois mille dollars, une somme élevée pour l'époque. Les mois suivants la troupe joue successivement à New York : Tancrède, Othello, Cendrillon et Le Turc en Italie de Rossini, Roméo et Juliette de Zingarelli, ainsi que deux opéras de Garcia, L'Amante Têtue et La Fille de l'air, et pour finir Don Giovanni de Mozart, le . Tous furent accueillis avec enthousiasme.

La beauté de Maria séduit à New York. Le premier homme à la courtiser est le poète Fitz-Greene Halleck (en)[9]. Mais le père de Maria ne l'apprécie pas et voyant que Maria n’est pas insensible au charme du poète, le somme d'arrêter ses avances. Puis vient Eugène Malibran. Il fait sa cour avec respect, et n'oublie jamais, à chacune de ses visites, « d'apporter des fleurs, des chocolats, et autres friandises. » Au bout de quatre mois, Maria est conquise, et veut se marier avec lui, surtout, selon son fils, pour échapper à la férule paternelle. Au début, ses parents refusent — Eugène Malibran a une cinquantaine d'années et María, pas encore 18 ans — puis, après quelques disputes, son père finit par accepter[4]. Le mariage est prononcé par le consul de France à New-York, le . Avec son époux, Maria s'initie au sport. Il lui apprend à nager et à monter à cheval. L'équitation va d'ailleurs devenir sa seconde passion après le chant[4].

Mais la scène lui manque. De plus, les affaires de son mari, qui a manifestement menti sur la réalité de ses finances, vont très mal : il est au bord de la faillite, et la dot de Maria ne suffit pas à renflouer sa trésorerie. Maria tente de remonter ses finances en créant une troupe qui se produit sur la scène du Bowery Theater (en). Cette fois, elle abandonne le répertoire italien et choisit de jouer les comédies légères françaises et anglaises, plus faciles à monter. Le succès est immense. Maria l'entretient en chantant dans les églises le dimanche. Elle est bientôt engagée à Philadelphie. Son mari à nouveau en faillite, Maria le quitte et s'embarque pour la France au début de novembre. Elle débarque au Havre le [10].

Retour à Paris[modifier | modifier le code]

Maria Malibran (vers 1831), par Henri Decaisne, musée Carnavalet.

Elle fait son retour sur la scène parisienne durant l'hiver 1828, lors d'un concert de charité, à la salle du conservatoire de la rue Bleue. C'est un succès. Elle s'installe, au numéro 23 de la rue Neuve-Saint-Eustache, chez ses deux belles-sœurs, avec lesquelles elle devient amie. Mais celles-ci la surveillent pour le compte de leur frère, le mari de Maria. Le découvrant, elle écrira à son mari : « Si j'avais des dispositions à être mauvaise ou à me laisser entraîner par la séduction, tu serais là, le Père éternel y serait aussi que cela ne ferait rien ! […] Je ne veux que ce qui est bien. Quand bien même les anges du ciel viendraient me tenter, je résisterais comme saint Antoine. »[11].

Avec l'aide du comédien Nicolas Bouilly, relation de son père grâce auquel elle a pu chanter au conservatoire de la rue Bleue, elle donne des concerts de charité qui la font connaître, et où elle connaît continuellement le succès. Par la suite, elle se produit au salon de son amie Mercedes, désormais comtesse Merlin, puisque mariée au général comte Christophe Antoine Merlin. Le salon, situé rue de Bondy, est alors l'un des plus renommés de Paris. Il est fréquenté par des artistes tels que George Sand, Balzac, Mérimée, ou Rossini. Elle est ensuite invitée à chanter chez la duchesse de Berry, aux Tuileries.

Le (12 selon les mémoires de son fils), elle chante à l'Opéra pour le bénéfice du chanteur Galli. Elle y interprète un acte de Sémiramis de Rossini, en duo avec la contralto Benedetta Pisaroni, puis un acte de Roméo et Juliette, avec Harriet Smithson, et finit avec la soprano allemande Henriette Sontag. Le public l'ovationne, et l'Opéra lui propose un autre engagement, qu'elle refuse, parce qu'elle n'aime pas le grand opéra français. Le Théâtre Italien lui fait une autre proposition qu'elle acceptera, avec un cachet de soixante-quinze mille francs pour sa nouvelle saison. Son frère Manuel rejoint lui aussi la troupe du Théâtre Italien, ce qui leur permet de chanter ensemble. Elle commence la saison dans le rôle-titre de Sémiramis. C'est un grand succès populaire. Elle rencontre le même succès dans Othello, La Cenerentola et Roméo et Juliette. Elle prend ensuite trois mois de vacances chez son amie, la comtesse de Sparre, au château de Brizay, en Touraine. La comtesse lui conseille de ne plus loger chez ses belles-sœurs. En effet, après l'avoir bien accueillie, elles lui lancent souvent des piques. Dès son retour à Paris, elle va loger rue d'Artois, chez Madame Naldi, qui, bientôt, gère ses contrats. Maria revient au Théâtre des Italiens.

Charles-Auguste de Bériot devant le buste de Maria Malibran (Bibliothèque du Conservatoire royal de Bruxelles).

En 1829, elle fait une tournée à Londres, puis en Belgique, à Bruxelles et à Chimay. C'est au château de Chimay qu'elle rencontre Charles-Auguste de Bériot, premier violoniste du roi des Pays-Bas. Immédiatement, elle éprouve pour lui un amour qui est réciproque et ils deviennent amants.

Portrait de Maria Malibran, par Ary Scheffer, 1831.

Le , le père de Maria meurt. Elle invite sa mère et sa jeune sœur à résider dans la villa que Charles-Auguste de Bériot a fait construire à Ixelles[4]. Toute l'année, elle est en tournée à Rome, à Naples et à Bologne.

Le , à Paris, elle donne naissance à Charles Wilfrid de Bériot. En juin, elle est en tournée à Londres, où elle se lie d’amitié avec Vincenzo Bellini. Le , elle chante dans Le Mariage de Figaro à Covent Garden[12].

En 1834, la Malibran fait un tour de chant dans les grandes villes d'Italie — Bologne, Milan, Modène, Senigallia, Lucca et Florence — où elle chante souvent avec sa demi-sœur, Josefa Ruiz García.

Le , l'annulation par le tribunal de la Seine de son mariage avec Eugène Malibran, obtenu sur la base d'une erreur juridique[α 1], est finalement prononcée[4]. En cette année 1835, elle fait une autre tournée italienne, à Venise et Naples, avec l'aide de la basse Lablache. À Venise — où elle se fait fabriquer sa propre gondole —, elle chante à La Fenice et y apprend la faillite d'un théâtre édifié par la famille Grimani. Elle propose alors un concert de bienfaisance pour aider au redressement de celui-ci. La recette de ce concert se révélant insuffisante, Maria y ajoute son cachet de la Fenice. Depuis ce jour, ce théâtre fameux, puisque le plus grand et le plus somptueux avant l'existence de la Fenice, portera le nom de Teatro Malibran. Elle poursuit sa tournée par Londres, avant de revenir à Milan, malgré une épidémie de choléra.

En 1836, elle fait un séjour parisien durant lequel elle épouse, le , le violoniste belge Charles-Auguste de Bériot, avec pour témoins Legouvé, le pianiste Sigismund Thalberg et Rossini. Bériot était son amant depuis six ans et le père de son fils, Charles Wilfrid de Bériot, qui deviendra pianiste virtuose et professeur de Maurice Ravel. Entre-temps, le couple s'est fixé à Bruxelles, où il réside à Ixelles et Saint-Josse, dans deux vastes hôtels de maître en forme de villa entourée de jardins[13], puis fait une tournée en Angleterre pendant l'été de 1836. À nouveau enceinte de quelques mois, elle monte à cheval chaque matin, fait une chute, mais refuse de se soigner et tente encore d'honorer son public sur scène[4]. Elle donne encore des concerts à Liège, Aix-la-Chapelle, Paris puis participe au festival de Manchester[4]. En septembre, après quelques jours de coma, elle meurt à Manchester des suites de cet accident, qui avait provoqué la formation d'un caillot de sang au cerveau.

Bériot fait rapatrier son corps à Bruxelles, grâce à l'intervention de la mère de Maria Malibran, et construit un imposant mausolée dans le cimetière de Laeken, nécropole sise autour de l'église Notre-Dame de Laeken, qui abrite les tombeaux de la dynastie de Belgique. Une foule immense et trois formations musicales l'accompagnent : la Société d'Harmonie d’Ixelles (dont de Bériot est le président), la Société de Philharmonie de Bruxelles et la Musique du 1er Régiment des Guides belges[4].

Postérité[modifier | modifier le code]

Les hommages[modifier | modifier le code]

Maria Malibran laisse un souvenir ébloui à tous ses admirateurs. Alfred de Musset lui a dédié des stances bouleversées dont celle-ci :

« Ô Ninette ! où sont-ils, belle muse adorée,
Ces accents pleins d'amour, de charme et de terreur,
Qui voltigeaient le soir sur ta lèvre inspirée,
Comme un parfum léger sur l'aubépine en fleur ?
Où vibre maintenant cette voix éplorée,
Cette harpe vivante attachée à ton cœur ? »

Sur sa tombe, on peut lire ce quatrain de Lamartine :

Beauté, génie, amour furent son nom de femme,
Écrit dans son regard, dans son cœur, dans sa voix.
Sous trois formes au ciel appartenait cette âme.
Pleurez, terre ! Et vous, cieux, accueillez-la trois fois !

Le fonds Maria Malibran[modifier | modifier le code]

En 1913, la veuve du lieutenant-général Henri Wauwermans, cousine de Charles-Auguste de Bériot, second époux de la Malibran, lègue une partie des documents et objets personnels ayant appartenu à la diva au Conservatoire royal de Bruxelles, où ils sont conservés aujourd'hui au sein du Fonds Maria Malibran[14].

Postérité du nom Malibran[modifier | modifier le code]

Plusieurs villes donnent son nom à une de leurs voies ː

La cantatrice[modifier | modifier le code]

La voix de la Malibran est décrite à la fois « ample, avec des variations dynamiques importantes »[15], « sombre, chaude, et ronde »[16]. Castil-Blaze ajoute qu'elle est « vibrante, pleine d'éclat et de vigueur ». S'il revendique qu'elle ne perd « jamais ce timbre flatteur, ce velouté qui lui donnaient tant de séduction dans les morceaux tendres ou passionnés », d'autres ont évoqué des sons « durs » et « “effondrés” », « quelques notes creuses » dans le médium[17] et un aigu instable dans ses notes les plus hautes[18], et « un peu voilé »[15].

Sa maîtrise de la colorature est réputée « époustouflante »[16]. Elle était d'un si haut niveau qu'elle a exécuté un trille sur « la note extrême du registre de soprano »[19]. Castil-Blaze témoigne :

« Vivacité, justesse, audace dans l'attaque, gammes chromatiques ascendantes, de quinzième, arpèges, traits éblouissants de force, de grâce ou de coquetterie, tout ce que l'art peut faire acquérir, elle le possédait[20]. »

Sa perfection technique, la cantatrice l'obtint grâce à la formation que lui prodigua son père. Parlant de sa voix au début de cette formation, sa sœur Pauline Viardot, la décrit : « faible, d'un registre étroit, dont les tons aigus étaient durs et le médium voilé ». Elle ajoute :

« la lutte constante qu'elle avait à soutenir contre son organe imparfait et rebelle était tellement pénible que, parfois, le découragement l'envahissait. Et c'est ainsi qu'elle acquit le don assez rare de savoir pleurer en chantant[21]. »

Elle maintenait sa voix dans les meilleures conditions possibles grâce à une volonté de fer et un travail vocal sans relâche. Ernest Legouvé, son premier biographe, raconte à ce sujet :

« Je l'ai entendue, à Rome, un jour où elle devait jouer le Barbier [de Séville], travailler pendant plusieurs heures les traits de sa cavatine, et de temps en temps, elle s'interrompait pour interpeller sa voix en lui disant : “Je te forcerai bien à m'obéir !” La lutte était donc chez elle un besoin, une habitude qui […] prêtait un caractère puissant et original à son talent[19]. »

La tessiture de Maria Malibran s'étendait du sol2 au contre-mi, et son étendue extrême partait du ré2 (ce qui lui a permis d'interpréter le rôle-titre d'Otello) et monter la gamme jusqu'au fa5 en altissimo – atteint lors d'échauffements vocaux et une interprétation privée de Exsultate, jubilate de Mozart[22],[23].

La compositrice[modifier | modifier le code]

Sous le nom de Garcia de Bériot, elle a publié des romances :

  • Hymne des matelots ; Troupenas, 1840
  • Belle, viens à moi ! Nocturne à 2 voix égales de Mme Marceline Desbordes-Valmore ; 1877, Paris
  • Chagrin d'amour. Paroles de M.-L. de Ronsière ; Hachette 1907
  • En soupirant ! Tyrolienne ; Pacini
  • Le Prisonnier, romance, paroles de Pierre-Jean de Béranger ; Pacini
  • Pensées musicales de Marie-Félicité Garcia de Bériot ; Troupenas[24]

Maria Malibran au cinéma[modifier | modifier le code]

Maria Malibran sur la scène[modifier | modifier le code]

  • La cantatrice Cécilia Bartoli lui a consacré un spectacle en 2008 pour le bicentenaire de sa naissance : Maria (cf. le DVD Maria : the Barcelona Concert ; Malibran rediscovered, the romantic revolution, Michael Sturminger (de), réal. - Decca, 2008).

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Le consul de France n'aurait pas dû marier un Américain et une Espagnole.

Références[modifier | modifier le code]

  1. « Joaquina Garcia (1780-1864) », sur data.bnf.fr (consulté le ).
  2. a b c et d Bruno Serrou, « Malibran, Maria [Paris 1808 – Manchester 1836 ] », dans Béatrice Didier, Antoinette Fouque et Mireille Calle-Gruber (dir.), Dictionnaire universel des créatrices, Éditions des femmes, , p. 2727-2728.
  3. a b et c Gonzague Saint Bris, La Malibran : la voix qui dit je t'aime, Paris, Place des éditeurs, , 153 p. (ISBN 978-2-71444-889-7, lire en ligne).
  4. a b c d e f g h et i « Compositrices du XIXe siècle : Maria Malibran », sur Crescendo Magazine (consulté le ).
  5. Louis Héritte de la Tour, Une famille de grands musiciens : Mémoires de Louise Héritte-Viardot, Stock, , p. 51.
  6. « Nourrit Adolphe (1802-1839) », sur Encyclopædia Universalis.
  7. Gonzague Saint Bris, La Malibran, Belfond, , p. 37.
  8. (en) Robert Ignatius Letellier (en), Giacomo Meyerbeer : A Critical Life and Iconography, Cambridge Scholars Publishing (en), , 732 p. (ISBN 978-1-52752-758-4, lire en ligne), p. 139.
  9. (en) Howard Bushnell, Maria Malibran : A Biography of the Singer, Pennsylvania State University Press, , 264 p. (ISBN 978-0-27100-222-4, lire en ligne), p. 26.
  10. (it) Remo Giazotto, Maria Malibran (1808-1836): una vita nei nomi di Rossini e Bellini, ERI, , p. 541-542.
  11. Henry Malherbe, La passion de la Malibran, Albin Michel, .
  12. Archives de la famille Dumangin.
  13. Les deux résidences de la Malibran à Bruxelles ont subsisté et sont devenues chacune hôtel communal d'Ixelles et de Saint-Josse.
  14. Référence B-Bc, FMM.
  15. a et b Placido Carrerotti, « Quand Bartoli célèbre la Malibran », sur Forumopera.com.
  16. a et b « Maria », sur classiquenews.com.
  17. « María de la Felicidad García dite Maria Malibran », sur larousse.fr (consulté le ).
  18. (en) « The Callas Debate », Opera, septembre–.
  19. a et b Gonzague Saint Bris, La Malibran, Belfond, Paris, 2009. p. 92.
  20. Gonzague Saint Bris, La Malibran, Belfond, Paris, 2009. p. 104-105.
  21. Gonzague Saint Bris, La Malibran, Belfond, Paris, 2009. p. 35-36.
  22. (en) Geoffrey S. Riggs, The assoluta voice in opera, (ISBN 0-7864-1401-4), p. 137-141.
  23. (en) William Ashbrook (en), Donizetti and his Operas, 1983, p. 634.
  24. François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, p. 420.

Annexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]

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