« Isabel Martínez de Perón » : différence entre les versions

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'''Isabel Martínez de Perón''' (née '''María Estela Martínez Cartas''' le [[4 février]] [[1931]] à La Rioja, en [[Argentine]]) est une [[Homme d'État|femme d’État]] [[argentine]], [[Liste des chefs d'État argentins|présidente de la Nation argentine]] du {{1er juillet}} [[1974]] au [[24 mars]] [[1976]].
'''María Estela Martínez Cartas''', dite '''Isabel Martínez de Perón''' ou '''Isabel Perón''', surnommée « Isabelita », née le {{date|4 février 1931}} à [[La Rioja (Argentine)|La Rioja]] ([[Provinces de l'Argentine|province]] de [[Province de La Rioja (Argentine)|La Rioja]]), est une [[Homme d'État|femme d’État]] [[argentine]], [[Président de la Nation argentine|présidente de la Nation argentine]] du {{date|1 juillet 1974}} au {{date|24 mars 1976}} après en avoir été la [[Vice-président d'Argentine|vice-présidente]].


En tant que vice-présidente, élue en [[1973]] comme colistière de son mari [[Juan Perón|Juan Domingo Perón]], elle lui succède comme présidente après la mort de celui-ci en [[1974]]. Troisième épouse de Perón et [[Première dame]] de 1973 à 1974, elle est par ailleurs la première femme présidente de l'Argentine mais aussi la première femme [[Président de la République|présidente de la République]] de l'[[Histoire du monde|histoire de l'humanité]]<ref>Les « précédents » de [[Sühbaataryn Yanjmaa]] en Mongolie et de [[Song Qingling]] en Chine ne sont pas comparables : elles n'ont en effet occupé que des fonctions honorifiques et à titre intérimaire mais n'ont pas dirigé effectivement leur pays.</ref>.
En tant que vice-présidente, élue en [[1973]] comme colistière de son mari [[Juan Perón|Juan Domingo Perón]], elle lui succède comme présidente après la mort de celui-ci en [[1974]]. Troisième épouse de Perón et [[Première dame]] de 1973 à 1974, elle est la [[Liste des premières femmes par fonction ou titre|première femme]] élue vice-présidente et la première femme à devenir présidente de l'Argentine, souvent connue comme la première femme [[Président de la République|présidente de la République]] de l'[[Histoire du monde|histoire mondiale]]<ref>Les « précédents » de [[Sühbaataryn Yanjmaa]] en [[République populaire mongole|Mongolie]] et de [[Song Qingling]] en [[Chine]] ne sont pas comparables : elles n'ont en effet occupé que des fonctions honorifiques et à titre intérimaire mais n'ont pas dirigé effectivement leur pays.</ref>, ce titre revenant cependant à [[Khertek Anchimaa-Toka]] en [[1940]].


Après moins de deux ans de présidence dans un contexte difficile, elle est déposée par la [[junte militaire]] que dirige le général putschiste [[Jorge Rafael Videla]], donnant naissance à ce que celui-ci appela le ''[[Processus de réorganisation nationale]]'' (''Proceso de Reorganización Nacional'').
Après moins de deux ans de présidence dans un contexte difficile, elle est déposée par la [[junte militaire]] que dirige le général putschiste [[Jorge Rafael Videla]], donnant naissance à ce que celui-ci appela le ''[[Processus de réorganisation nationale]]'' (''Proceso de Reorganización Nacional'').


Elle vit exilée en [[Espagne]] depuis [[1981]], après cinq ans d'emprisonnement en Argentine. Depuis [[2007]], elle doit se tenir à la disposition de la justice argentine, qui examine ses actions ou omissions comme présidente en [[1975]].
Elle vit exilée en [[Espagne]] depuis [[1981]], après cinq ans d'emprisonnement en Argentine. En [[2007]], elle est arrêtée et placée sous contrôle judiciaire jusqu'en [[2017]], à la suite d'une demande de la justice argentine, qui examine ses actions ou omissions comme présidente en [[1975]]<ref name=":0">{{Article |langue=fr |titre=L'ancienne présidente argentine Isabel Peron arrêtée à Madrid, à la demande de Buenos Aires |périodique=Le Monde.fr |date=2007-01-13 |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2007/01/13/l-ancienne-presidente-argentine-isabel-peron-arretee-a-madrid-a-la-demande-de-buenos-aires_855055_3222.html |consulté le=2020-03-03 }}</ref>.

== Jeunesse ==
María Estela Martínez Cartas, née à [[La Rioja (Argentine)|La Rioja]], en [[Argentine]], est la fille de María Josefa Cartas Olguín et de Carmelo Martínez. Elle a abandonné l'école après la cinquième année. Au début des années 1950, elle devient danseuse de boîte de nuit en adoptant le nom d'Isabel (forme espagnole de celui de Sainte [[Élisabeth de Portugal]]) qu'elle avait choisi comme nom de [[confirmation]].


== Rencontre et mariage avec Perón ==
== Rencontre et mariage avec Perón ==
[[Fichier:Isabel y Perón en Madrid.png|gauche|vignette|Isabel et Juan Perón à Madrid, en 1961.]]
[[Fichier:The Ceauşescus and the Peróns in a common photo - A.jpg|vignette|270px|En tant que vice-présidente et Première dame, Isabel Perón reçoit le couple présidentiel roumain, [[Nicolae Ceaușescu]] et son épouse [[Elena Ceaușescu|Elena]], en mars 1974. Le président Perón est à droite.]]
En 1955, Isabel Martínez rencontre [[Juan Perón]], ancien [[Liste des chefs d'État argentins|président argentin]] renversé par un [[Coup d'État de septembre 1955 en Argentine|coup d'État en septembre 1955]] et en [[exil]] au [[Panama]]. Juan Perón est veuf de ses deux précédentes épouses, [[Aurelia Tizón|Aurelia Gabriela Tizón]] (18 mars 1902 – 10 septembre 1938) et l’actrice [[Eva Perón|Eva Duarte]] (1919 – 1952), toutes deux décédées d'un [[Tumeur de l'utérus|cancer de l'utérus]]. Elle est danseuse occasionnellement dans une troupe folklorique et à temps plein dans un [[cabaret]] nocturne. Le célèbre présentateur de la télévision argentine Roberto Galan était un de ses amis et fut celui qui la présenta à Perón. Elle abandonne alors cette carrière et l'épouse le 15 novembre 1961 à [[Madrid]], en [[Espagne]]. Elle l'accompagne dès lors dans son exil espagnol.
[[Fichier:Isabelita y Kim Il-sung.jpg|vignette|Isabel Perón et le dirigeant nord-coréen [[Kim Il-sung]], en 1973.|270x270px]]
Isabel Martínez rencontre [[Juan Perón]], ancien président argentin déchu en [[exil]] au [[Panama]], en 1955. Elle est danseuse occasionnellement dans une troupe folklorique et à temps plein dans un [[cabaret]] nocturne. Le célèbre conducteur de la télévision argentine Roberto Galan était un de ses amis et fut celui qui la présenta à Peron. Elle abandonne alors cette carrière et l'épouse en [[1961]], à [[Madrid]], en [[Espagne]]. Elle l'accompagne dans son exil espagnol.


== Ascension politique ==
== Ascension politique et élections de 1973 ==
Elle fait un voyage en [[Argentine]] en [[1965]], à titre de déléguée personnelle de Perón, pour faire face au phénomène dit du ''néopéronisme'', qui tente alors d'intégrer les revendications de la classe ouvrière tout en écartant Perón lui-même de la direction du [[Péronisme|mouvement péroniste]].
Elle fait un voyage en [[Argentine]] en 1965, à titre de déléguée personnelle de Perón, pour faire face au phénomène dit du ''néopéronisme'', qui tente alors d'intégrer les revendications de la [[classe ouvrière]] tout en écartant Perón lui-même de la direction du [[Péronisme|mouvement péroniste]].


Perón l'envoie à nouveau en Argentine, et elle arrive à [[Buenos Aires]] le {{date|7|décembre|1971}} afin de promouvoir la consigne « unité, solidarité et organisation » proclamée par le général dans le cadre des élections internes au [[Parti justicialiste]], de nouveau autorisé grâce au « [[Grand Accord National]] » du [[Alejandro Agustín Lanusse|général Lanusse]].
Perón l'envoie à nouveau en Argentine, et elle arrive à [[Buenos Aires]] le {{date|7|décembre|1971}} afin de promouvoir la consigne « unité, solidarité et organisation » proclamée par le général dans le cadre des élections internes au [[Parti justicialiste]], de nouveau autorisé grâce au « [[Grand Accord National]] » du [[Alejandro Agustín Lanusse|général Lanusse]].


Lorsque Perón retourne en Argentine pour se présenter aux [[élections de 1973 (Argentine)|élections de septembre 1973]], Isabel l'accompagne comme colistière au sein de la formule dite « Perón-Perón » qui obtient plus de 60 % des suffrages.
Lorsque Juan Perón retourne en Argentine pour se présenter aux [[Élections de 1973 en Argentine|élections de septembre 1973]], Isabel l'accompagne comme colistière au sein de la formule dite « Perón-Perón » qui obtient plus de 60 % des suffrages. Elle est la première femme élue vice-présidente de l'Argentine.


<gallery mode="packed">
== Vice-présidence et succession de Perón ==
Fichier:Primer viaje de Isabel Perón a la Argentina, 1966.png|Isabel Perón durant son voyage en Argentine, fin 1965.
Devenue [[Vice-président|vice-présidente]] et [[Première dame]], elle assure brièvement l'intérim après l'hospitalisation de son mari, le 28 juin 1974. Après la mort du général, le {{date|1|juillet|1974}}, elle assume la continuité de la présidence, conservant son conseiller et ministre [[José López Rega]] à ses côtés.
Fichier:Isabel Perón abraza a una de las hermanas de Eva Perón.png|Martínez de Perón arrivant en Argentine et serrant dans ses bras Erminda Duarte de Bertolini, sœur d'Eva Perón, décembre 1971.
Fichier:Isabelita y Kim Il-sung.jpg|Isabel Perón et le dirigeant nord-coréen [[Kim Il-sung]], en 1973.
Fichier:Isabel Perón votando en 1973.png|Isabel Perón votant aux élections de 1973.
Fichier:Anuncio de victoria de la fórmula Perón - Perón, 1973.png|Annonce de la victoire des Pérón aux élections de 1973.
</gallery>

== Vice-présidence et succession de Juan Perón ==

Devenue [[Vice-président d'Argentine|vice-présidente]] et [[Première dame]], elle assure brièvement l'intérim après l'hospitalisation de son mari, le {{date-|28 juin 1974}}. Après la mort du général, le {{date|1|juillet|1974}}, elle assume la continuité de la présidence, conservant son conseiller et ministre [[José López Rega]] à ses côtés.

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Fichier:Asunción de Juan Domingo Perón e Isabel Perón, 1973.png|Juan et Isabel Perón lors de leur investiture comme président et vice-présidente, le 12 octobre 1973.
Fichier:The Ceaușescus and the Peróns in a common photo - A.jpg|La vice-présidente et Première dame Isabel Perón recevant le président roumain [[Nicolae Ceaușescu]] et son épouse [[Elena Ceaușescu|Elena]], en mars 1974. Le président Perón est à droite.
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== Présidence ==
== Présidence ==
C'est en tant que vice-présidente qu'Isabel Perón succède à son mari<ref>https://www.liberation.fr/planete/2007/12/10/des-peron-aux-kirchner-buenos-aires-de-famille_108265</ref>. Elle devient la première femme en Amérique latine à assumer d'aussi hautes fonctions<ref>https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1981/07/08/mme-isabel-peron-a-ete-liberee-apres-cinq-ans-de-detention_2719481_1819218.html?</ref>. Dès son accession au pouvoir, Isabel essaie de faire face à une situation à laquelle elle n'est pas préparée, mais elle subit l'influence de son [[ministre]] du ''Bien-être social'' et [[Secrétariat|secrétaire]] personnel, [[José López Rega]], connu sous le surnom de ''el Brujo'' (le [[sorcier]]), qui vise à faire prévaloir les intérêts de la droite du mouvement péroniste contre les divers [[mouvement social|mouvements sociaux]].
C'est en tant que vice-présidente qu'Isabel Perón succède à son mari<ref>{{Article |auteur1=Antoine Bigo |titre=Des Perón aux Kirchner, Buenos Aires de famille |périodique=[[Libération (journal)|Libération]] |date=10-12-2007 |lire en ligne=https://www.liberation.fr/planete/2007/12/10/des-peron-aux-kirchner-buenos-aires-de-famille_108265 |consulté le=11-07-2020}}.</ref>. Elle devient la première femme en [[Amérique]] à assumer d'aussi hautes fonctions<ref>{{lien web |titre=Mme Isabel Peron a été libérée après cinq ans de détention |url=https://abonnes.lemonde.fr/archives/article/1981/07/08/mme-isabel-peron-a-ete-liberee-apres-cinq-ans-de-detention_2719481_1819218.html? |site=Lemonde.fr |date=08-07-1981 |consulté le=11-07-2020}}.</ref>. Dès son accession au pouvoir, Isabel essaie de faire face à une situation à laquelle elle n'est pas préparée, mais elle subit l'influence de son [[ministre]] du ''Bien-être social'' et [[Secrétariat|secrétaire]] personnel, [[José López Rega]], connu sous le surnom de ''el Brujo'' (le [[sorcier]]), qui vise à faire prévaloir les intérêts de la droite du mouvement péroniste contre les divers [[mouvement social|mouvements sociaux]].

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Fichier:Isabel Perón anuncia la muerte de Perón.png|Isabel Perón annonçant la mort de Perón.
Fichier:Isabel Perón con el bastón y la banda presidencial.jpg|Isabel Perón avec l'écharpe présidentielle.
Fichier:José López Rega.jpeg|Isabel Martínez de Perón et José López Rega en 1975.
Fichier:Operativo Independencia, provincia de Tucumán 05.jpg|Isabel Peron passant en revue les troupes militaires durant l'Opération Indépendance, [[province de Tucumán]], 1975.
</gallery>


=== Répression politique ===
=== Répression politique ===
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L'attitude du gouvernement se fait aussi plus dure et plus répressive, intervenant dans les provinces « dissidentes », les [[université]]s, des [[syndicat]]s, les canaux de [[télévision]] privés, établissant une censure sans cesse renforcée contre les [[journal|journaux]] et les [[revue]]s<ref name="todoar"/>.
L'attitude du gouvernement se fait aussi plus dure et plus répressive, intervenant dans les provinces « dissidentes », les [[université]]s, des [[syndicat]]s, les canaux de [[télévision]] privés, établissant une censure sans cesse renforcée contre les [[journal|journaux]] et les [[revue]]s<ref name="todoar"/>.

Le rapport ''{{lien|langue=es|trad=Nunca más (libro)|texte=Nunca Más}}'', rédigé en 1983, estime à 600 disparitions et 500 exécutions d'opposants le bilan de sa présidence, au cours des années [[1975]] et [[1976]].


=== Difficultés économiques ===
=== Difficultés économiques ===
[[Fichier:Isabel Perón en la CGT.jpg|vignette|Isabel Martínez de Perón tenant un discours devant la [[Confédération générale du travail de la République argentine|CGT]], le 10 mars 1976.]]
L'économie argentine subit des dommages sévères : [[inflation]] galopante, paralysie des [[investissement]]s, suspension des [[exportation]]s de viande vers l'[[Europe]] et accroissement important de la dette<ref name="Larousse">[http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Per%C3%B3n/137668] Article Larousse</ref>{{,}}<ref name="todoar"/>. Une solution de type [[Monétarisme|monétariste]] fut tentée par le ministre Alfredo Gómez Morales, mais sans succès, provoquant au contraire un processus de [[stagflation]] (l'inflation atteint 444 % en 1976)<ref>{{Article|langue=|auteur1=Stéphane Boisard, Mariana Heredia|titre=Laboratoires de la mondialisation économique. Regards croisés sur les dictatures argentine et chilienne des années 1970|périodique=Vingtième Siècle. Revue d'histoire|date=2010|issn=|lire en ligne=|pages=}}</ref>.
L'économie argentine subit des dommages sévères : [[inflation]] galopante, paralysie des [[investissement]]s, suspension des [[exportation]]s de viande vers l'[[Europe]] et accroissement important de la dette<ref name="Larousse">[http://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Per%C3%B3n/137668] Article Larousse</ref>{{,}}<ref name="todoar"/>. Une solution de type [[Monétarisme|monétariste]] fut tentée par le ministre Alfredo Gómez Morales, mais sans succès, provoquant au contraire un processus de [[stagflation]] (l'inflation atteint 444 % en 1976)<ref>{{Article|langue=|auteur1=Stéphane Boisard, Mariana Heredia|titre=Laboratoires de la mondialisation économique. Regards croisés sur les dictatures argentine et chilienne des années 1970|périodique=Vingtième Siècle. Revue d'histoire|date=2010|issn=|lire en ligne=|pages=}}</ref>.


=== Coup d'État militaire et chute ===
== Chute ==
{{article détaillé|Coup d'État de 1976 en Argentine}}
Les militaires essaient de la convaincre de démissionner, mais elle s'y refuse et envisage de se présenter aux élections ; elle est déposée le [[24 mars]] [[1976]] par la [[junte militaire]] dirigée par le [[général]] [[Jorge Rafael Videla]] qui met en place une dictature militaire sous le nom de ''[[Processus de réorganisation nationale]]''.
Les militaires essaient de la convaincre de démissionner, mais elle s'y refuse et envisage de se présenter aux élections ; elle est déposée le {{date|24 mars 1976}} par la [[junte militaire]] dirigée par le [[général]] [[Jorge Rafael Videla]], qui met en place une dictature militaire sous le nom de ''[[Processus de réorganisation nationale]]''.


== Après la présidence ==
== Après la présidence ==


=== Emprisonnement et exil ===
=== Emprisonnement et exil ===
Isabel Perón est incarcérée pendant cinq ans par les militaires, dans des conditions initialement si dures et si humiliantes que le [[nonce apostolique]] doit intervenir à sa demande auprès du gouvernement militaire. Libérée en [[1981]], elle s'exile en [[Espagne]].
Isabel Perón est incarcérée pendant cinq ans par les militaires, dans des conditions initialement si dures et si humiliantes que le [[nonce apostolique]] doit intervenir à sa demande auprès du gouvernement militaire. Elle est condamnée à huit ans de prison le {{date|20|mars|1981}} pour [[détournement de fonds]] publics<ref>{{lien web|auteur=JACQUES DESPRES|titre=L'ancienne présidente Isabel Peron pourrait être graciée|url=https://www.lemonde.fr/archives/article/1981/05/15/l-ancienne-presidente-isabel-peron-pourrait-etre-graciee_2721558_1819218.html|site=Le Monde|date=15 mai 1981|consulté le=20 mars 2019}}.</ref>. Après cinq ans d'emprisonnement, elle est libérée en [[1981]], et vit exilée depuis lors à [[Madrid]], en [[Espagne]].


=== Poursuites judiciaires ===
=== Poursuites judiciaires ===
À la suite d'un [[mandat d'arrêt]] émis par la [[justice]] argentine dans le cadre d'une enquête portant sur la disparition d'Héctor Fagetti, un opposant politique, pendant sa présidence, elle est interpellée par la [[Police (institution)|police]] espagnole le [[12 janvier]] [[2007]] à son domicile de [[Villanueva de la Cañada]], à l'ouest de [[Madrid]], où elle résidait depuis [[1982]].
À la suite d'un [[mandat d'arrêt]] émis par la [[justice]] argentine dans le cadre d'une enquête portant sur la disparition d'Héctor Fagetti, un opposant politique, pendant sa présidence, elle est interpellée par la [[Corps national de police d'Espagne|police espagnole]] le {{date|12 janvier 2007}} à son domicile de [[Villanueva de la Cañada]], à l'ouest de [[Madrid]], où elle résidait depuis [[1982]]<ref name=":0" />. Cependant, l'[[Audience nationale]] espagnole refuse son [[extradition]] vers l'Argentine<ref>{{Article |langue=fr |titre=La justice espagnole refuse d'extrader l'ancienne présidente argentine Isabel Peron |périodique=Le Monde.fr |date=2008-04-28 |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2008/04/28/la-justice-espagnole-refuse-d-extrader-l-ancienne-presidente-argentine-isabel-peron_1039492_3222.html |consulté le=2020-03-03 }}</ref>.


À la suite de son arrestation en Espagne, elle est placée sous contrôle judiciaire jusqu'en [[2017]], pendant que la justice argentine examine ses actions ou omissions comme présidente en [[1975]]. En 2017, la Cour suprême argentine rejette finalement les pétitions demandant son interrogatoire comme témoin ou accusée.
Le rapport ''Nunca Más'', rédigé en 1983, estime à 600 disparitions et 500 exécutions d'opposants le bilan de sa présidence, de [[1973]] à [[1976]].


== Cause et effets ==
== Cause et effets ==
[[Fichier:Boleta FreJuLI Perón-Perón 1973.jpg|vignette|Bulletin de vote de 1973 pour le couple Perón.|314x314px]]
Le décret ''261/75'' dit d'« anéantissement de l'action de la subversion » est signé par Isabel Perón et ratifié par ses [[ministre]]s. Il vise notamment les activités du groupe [[guérillero]] [[marxiste]] [[Armée révolutionnaire du peuple (Argentine)|ERP]] (Ejército Revolucionario del Pueblo) dans la Province de Tucumán et autorise les forces armées à employer « tous les moyens disponibles » pour éliminer ce « danger ». Trois autres décrets dits {{Lien|Decretos de aniquilamiento de 1975 (Argentina)|lang=es}} seront pris pendant l'intérim d' Ítalo Argentino Luder à la Présidence de la République Argentine en octobre 1975.
Le décret ''261/75'' dit d'« anéantissement de l'action de la subversion » est signé par Isabel Perón et ratifié par ses [[ministre]]s. Il vise notamment les activités du groupe [[guérillero]] [[marxiste]] [[Armée révolutionnaire du peuple (Argentine)|ERP]] (Ejército Revolucionario del Pueblo) dans la Province de Tucumán et autorise les forces armées à employer « tous les moyens disponibles » pour éliminer ce « danger ». Trois autres décrets dits {{Lien|Decretos de aniquilamiento de 1975 (Argentina)|lang=es}} seront pris pendant l'intérim d' Ítalo Argentino Luder à la Présidence de la République Argentine en {{date-|octobre 1975}}.


La justice argentine étudie à l'heure actuelle les disparitions d'individus perpétrées par l'armée au cours de l'année 1975, autorisées précisément par ces décrets, bien qu'en théorie cette pratique ne soit devenue courante qu'à partir de mars 1976, après le coup d'État militaire. En effet l'armée, dans une interprétation extensive du décret, aurait recherché l'anéantissement non seulement de l'action de la « subversion », mais aussi des « subversifs ».
La justice argentine étudie à l'heure actuelle les disparitions d'individus perpétrées par l'armée au cours de l'année 1975, autorisées précisément par ces décrets, bien qu'en théorie cette pratique ne soit devenue courante qu'à partir de {{date-|mars 1976}}, après le coup d'État militaire. En effet l'armée, dans une interprétation extensive du décret, aurait recherché l'anéantissement non seulement de l'action de la « subversion », mais aussi des « subversifs ».


Le problème légal tourne autour des deux questions suivantes : dans quelle mesure le décret lui-même est-il démocratiquement tolérable ? Et Isabel Perón était-elle vraiment au courant de l'existence même de la Triple A ?
Le problème légal tourne autour des deux questions suivantes : dans quelle mesure le décret lui-même est-il démocratiquement tolérable ? Et Isabel Perón était-elle vraiment au courant de l'existence même de la Triple A ?
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En ce qui concerne la première question, les avocats chargés de la défense des généraux lors du procès de la Junte en 1985 ont plaidé en faveur de la légalité du décret. Placé dans son contexte historique, le décret visait l'élimination de l'[[Armée révolutionnaire du peuple (Argentine)|ERP]]. Le décret émanait donc d'un gouvernement légitime contre un groupe guerillero. Le procureur Julio César Strassera a estimé lors de ce procès qu'Isabel Perón ne pouvait être jugée par ces faits, le décret étant selon lui constitutionnel.
En ce qui concerne la première question, les avocats chargés de la défense des généraux lors du procès de la Junte en 1985 ont plaidé en faveur de la légalité du décret. Placé dans son contexte historique, le décret visait l'élimination de l'[[Armée révolutionnaire du peuple (Argentine)|ERP]]. Le décret émanait donc d'un gouvernement légitime contre un groupe guerillero. Le procureur Julio César Strassera a estimé lors de ce procès qu'Isabel Perón ne pouvait être jugée par ces faits, le décret étant selon lui constitutionnel.


La deuxième question est plus complexe : Isabel Perón était-elle au courant de l'existence de la Triple A et des raids contre les péronistes de gauche et autres militants de gauche ? L'indépendance de [[José Lopez Rega]] vis-à-vis d'elle, la gigantesque emprise psychologique qu'il avait sur elle et la grande naïveté dont elle a fait la preuve ces dernières années montrent que tout est possible. L'intelligence et la lucidité d'Isabel Perón ont souvent été mises en doute et il s'avère fort probable que de la même façon qu'elle ne comprit pas le contexte social ingouvernable du pays qu'elle dirigea entre 1974 et 1976, sa naïveté l'empêcha de s'apercevoir des menées de [[José Lopez Rega]]. Dans une interview accordée au journal ''[[Clarín]]'' le 19 janvier 2007, l'ancien sénateur [[Hipólito Solari Yrigoyen]], première victime de la Triple A, qui survécut à deux attentats, reconnaît lui-même que le décret signé par Isabel Perón visait clairement l'action de la guérilla qui mettait en péril les institutions de l'État, et non pas les personnes elles-mêmes, et suggère par ailleurs qu'Isabel Perón n'était pas assez lucide pour savoir exactement ce qui se passait dans le pays, étant très influencée par [[José Lopez Rega]]<ref name="HSY"/>. Il rappelle toutefois aussi qu'avant le coup d'Etat du 24 mars 1976 « il y avait déjà 900 [[disparitions forcées|disparus]] », sans compter les innombrables prisonniers politiques, « presque tous péronistes » et « pas nécessairement [[Montoneros]] »<ref name=HSY/>. Par ailleurs, l'enquête menée dans le cadre d'une plainte déposée à Tucumán semble établir qu'Isabel Perón aurait visité les centres de détention clandestins de Famaillá et Santa Lucía<ref name="intran">[http://elintransigente.com/notas/2011/4/14/fiscal-extradicion-isabel-peron-78800.asp] Fiscal pide extradición de Isabel Perón, in ''[[El Intransigente]]'', 14/04/2011</ref>.
La deuxième question est plus complexe : Isabel Perón était-elle au courant de l'existence de la Triple A et des raids contre les péronistes de gauche et autres militants de gauche ? L'indépendance de [[José Lopez Rega]] vis-à-vis d'elle, la gigantesque emprise psychologique qu'il avait sur elle et la grande naïveté dont elle a fait la preuve ces dernières années montrent que tout est possible. L'intelligence et la lucidité d'Isabel Perón ont souvent été mises en doute et il s'avère fort probable que de la même façon qu'elle ne comprit pas le contexte social ingouvernable du pays qu'elle dirigea entre 1974 et 1976, sa naïveté l'empêcha de s'apercevoir des menées de [[José Lopez Rega]]. Dans une interview accordée au journal ''[[Clarín]]'' le {{date-|19 janvier 2007}}, l'ancien sénateur [[Hipólito Solari Yrigoyen]], première victime de la Triple A, qui survécut à deux attentats, reconnaît lui-même que le décret signé par Isabel Perón visait clairement l'action de la guérilla qui mettait en péril les institutions de l'État, et non pas les personnes elles-mêmes, et suggère par ailleurs qu'Isabel Perón n'était pas assez lucide pour savoir exactement ce qui se passait dans le pays, étant très influencée par [[José Lopez Rega]]<ref name="HSY"/>. Il rappelle toutefois aussi qu'avant le coup d'État du {{date-|24 mars 1976}} « il y avait déjà 900 [[disparitions forcées|disparus]] », sans compter les innombrables prisonniers politiques, « presque tous péronistes » et « pas nécessairement [[Montoneros]] »<ref name=HSY/>. Par ailleurs, l'enquête menée dans le cadre d'une plainte déposée à Tucumán semble établir qu'Isabel Perón aurait visité les centres de détention clandestins de Famaillá et Santa Lucía<ref name="intran">[http://elintransigente.com/notas/2011/4/14/fiscal-extradicion-isabel-peron-78800.asp] Fiscal pide extradición de Isabel Perón, in ''[[El Intransigente]]'', 14/04/2011</ref>.


L'extradition d'Isabel Perón vers l'Argentine s'avère extrêmement difficile, du fait de sa double nationalité argentine et espagnole, et la longue bataille judiciaire ne fait que commencer<ref name="od">[http://www.elnuevodiario.com.ni/internacionales/13141] Isabel Perón resiste intento de extradición a la Argentina, in ''El Nuevo Diario'', 14/04/2008</ref>{{,}}<ref name=intran/>. Plusieurs membres importants du Parti justicialiste ont fait part de leur indignation devant les attaques dirigées contre Isabel, et l'ancien président de l'Argentine [[Eduardo Duhalde]] s'est proposé pour être l'un de ses avocats<ref name="caracol">[http://www.caracol.com.co/noticias/duhalde-se-ofrecio-como-abogado-de-isabel-peron-investigada-por-los-crimenes-de-la-triple-a/20070125/nota/382872.aspx] Duhalde se ofreció como abogado de Isabel Perón, in ''caracol.com'', 25/01/2007.</ref>.
L'extradition d'Isabel Perón vers l'Argentine s'avère extrêmement difficile, du fait de sa double nationalité argentine et espagnole, et la longue bataille judiciaire ne fait que commencer<ref name="od">[http://www.elnuevodiario.com.ni/internacionales/13141] Isabel Perón resiste intento de extradición a la Argentina, in ''El Nuevo Diario'', 14/04/2008</ref>{{,}}<ref name=intran/>. Plusieurs membres importants du Parti justicialiste ont fait part de leur indignation devant les attaques dirigées contre Isabel, et l'ancien président de l'Argentine [[Eduardo Duhalde]] s'est proposé pour être l'un de ses avocats<ref name="caracol">[http://www.caracol.com.co/noticias/duhalde-se-ofrecio-como-abogado-de-isabel-peron-investigada-por-los-crimenes-de-la-triple-a/20070125/nota/382872.aspx] Duhalde se ofreció como abogado de Isabel Perón, in ''caracol.com'', 25/01/2007.</ref>.


== Critiques de la personne ==
== Critiques de la personne ==
[[Fichier:Boleta FreJuLI Perón-Perón 1973.jpg|vignette|Bulletin de vote de 1973 pour le couple Perón.]]
[[Fichier:Ma. Estela Martinez Cartas de Peron.jpg|vignette|Isabel Martínez de Perón en 1974.]]
Les critiques dirigées contre Isabel Perón sont nombreuses : elle a ainsi été qualifiée de {{citation|femme maladroite, inculte, limitée, se sachant dépassée par les évènements}}<ref name="p12">[http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/subnotas/79048-25506-2007-01-13.html] Una "débil" mujer, in ''Página 12'', 13/01/2007;</ref>— pourtant, dans son unique biographie ''Isabel Perón; la Argentina en los años de María Estela Martínez'' (2003), María Sáenz Quesada en dresse un portrait beaucoup plus nuancé ; elle garde d'ailleurs le respect de nombreux péronistes, qui soulignent le courage qu'elle a eu, selon eux, d'assumer la présidence dans des conditions extrêmement dures auxquelles elle n'était pas préparée, et la dignité de son exil volontaire.
Les critiques dirigées contre Isabel Perón sont nombreuses : elle a ainsi été qualifiée de {{citation|femme maladroite, inculte, limitée, se sachant dépassée par les évènements}}<ref name="p12">[http://www.pagina12.com.ar/diario/elpais/subnotas/79048-25506-2007-01-13.html] Una "débil" mujer, in ''Página 12'', 13/01/2007;</ref>— pourtant, dans son unique biographie ''Isabel Perón; la Argentina en los años de María Estela Martínez'' (2003), María Sáenz Quesada en brosse un portrait beaucoup plus nuancé ; elle garde d'ailleurs le respect de nombreux péronistes, qui soulignent le courage qu'elle a eu, selon eux, d'assumer la présidence dans des conditions extrêmement dures auxquelles elle n'était pas préparée, et la dignité de son exil volontaire.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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== Liens externes ==
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* [http://www.elpais.com/articulo/Revista/sabado/sombra/Isabelita/Peron/recorre/Madrid/elpepirsa/20120121elpepirsa_3/Tes La sombra de Isabelita Perón recorre Madrid, article dans ''El País Revista'' du 21 janvier 2012]
* [http://www.elpais.com/articulo/Revista/sabado/sombra/Isabelita/Peron/recorre/Madrid/elpepirsa/20120121elpepirsa_3/Tes La sombra de Isabelita Perón recorre Madrid, article dans ''El País Revista'' du 21 janvier 2012]


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María Estela Martínez Cartas
Illustration.
Isabel Martínez de Perón en 1975.
Fonctions
Présidente de la Nation argentine[N 1]

(1 an, 8 mois et 23 jours)
Prédécesseur Juan Perón
Successeur Jorge Rafael Videla (de facto)
Vice-présidente de la Nation argentine

(8 mois et 19 jours)
Élection 23 septembre 1973
Président Juan Perón
Prédécesseur Vicente Solano Lima
Successeur Víctor Martínez
Première dame d'Argentine

(8 mois et 19 jours)
Président Juan Perón
Prédécesseur Norma Beatriz López Rega
Successeur Alicia Raquel Videla
Biographie
Nom de naissance María Estela Martínez Cartas
Surnom Isabelita
Date de naissance (93 ans)
Lieu de naissance La Rioja (province de La Rioja, Argentine)
Nationalité argentine
Parti politique Parti justicialiste
Conjoint Juan Perón
Profession Danseuse
Religion Catholicisme

Signature de María Estela Martínez Cartas

Isabel Martínez de Perón
Vice-présidents de la Nation argentine
Présidents de la Nation argentine

María Estela Martínez Cartas, dite Isabel Martínez de Perón ou Isabel Perón, surnommée « Isabelita », née le à La Rioja (province de La Rioja), est une femme d’État argentine, présidente de la Nation argentine du au après en avoir été la vice-présidente.

En tant que vice-présidente, élue en 1973 comme colistière de son mari Juan Domingo Perón, elle lui succède comme présidente après la mort de celui-ci en 1974. Troisième épouse de Perón et Première dame de 1973 à 1974, elle est la première femme élue vice-présidente et la première femme à devenir présidente de l'Argentine, souvent connue comme la première femme présidente de la République de l'histoire mondiale[1], ce titre revenant cependant à Khertek Anchimaa-Toka en 1940.

Après moins de deux ans de présidence dans un contexte difficile, elle est déposée par la junte militaire que dirige le général putschiste Jorge Rafael Videla, donnant naissance à ce que celui-ci appela le Processus de réorganisation nationale (Proceso de Reorganización Nacional).

Elle vit exilée en Espagne depuis 1981, après cinq ans d'emprisonnement en Argentine. En 2007, elle est arrêtée et placée sous contrôle judiciaire jusqu'en 2017, à la suite d'une demande de la justice argentine, qui examine ses actions ou omissions comme présidente en 1975[2].

Jeunesse[modifier | modifier le code]

María Estela Martínez Cartas, née à La Rioja, en Argentine, est la fille de María Josefa Cartas Olguín et de Carmelo Martínez. Elle a abandonné l'école après la cinquième année. Au début des années 1950, elle devient danseuse de boîte de nuit en adoptant le nom d'Isabel (forme espagnole de celui de Sainte Élisabeth de Portugal) qu'elle avait choisi comme nom de confirmation.

Rencontre et mariage avec Perón[modifier | modifier le code]

Isabel et Juan Perón à Madrid, en 1961.

En 1955, Isabel Martínez rencontre Juan Perón, ancien président argentin renversé par un coup d'État en septembre 1955 et en exil au Panama. Juan Perón est veuf de ses deux précédentes épouses, Aurelia Gabriela Tizón (18 mars 1902 – 10 septembre 1938) et l’actrice Eva Duarte (1919 – 1952), toutes deux décédées d'un cancer de l'utérus. Elle est danseuse occasionnellement dans une troupe folklorique et à temps plein dans un cabaret nocturne. Le célèbre présentateur de la télévision argentine Roberto Galan était un de ses amis et fut celui qui la présenta à Perón. Elle abandonne alors cette carrière et l'épouse le 15 novembre 1961 à Madrid, en Espagne. Elle l'accompagne dès lors dans son exil espagnol.

Ascension politique et élections de 1973[modifier | modifier le code]

Elle fait un voyage en Argentine en 1965, à titre de déléguée personnelle de Perón, pour faire face au phénomène dit du néopéronisme, qui tente alors d'intégrer les revendications de la classe ouvrière tout en écartant Perón lui-même de la direction du mouvement péroniste.

Perón l'envoie à nouveau en Argentine, et elle arrive à Buenos Aires le afin de promouvoir la consigne « unité, solidarité et organisation » proclamée par le général dans le cadre des élections internes au Parti justicialiste, de nouveau autorisé grâce au « Grand Accord National » du général Lanusse.

Lorsque Juan Perón retourne en Argentine pour se présenter aux élections de septembre 1973, Isabel l'accompagne comme colistière au sein de la formule dite « Perón-Perón » qui obtient plus de 60 % des suffrages. Elle est la première femme élue vice-présidente de l'Argentine.

Vice-présidence et succession de Juan Perón[modifier | modifier le code]

Devenue vice-présidente et Première dame, elle assure brièvement l'intérim après l'hospitalisation de son mari, le . Après la mort du général, le , elle assume la continuité de la présidence, conservant son conseiller et ministre José López Rega à ses côtés.

Présidence[modifier | modifier le code]

C'est en tant que vice-présidente qu'Isabel Perón succède à son mari[3]. Elle devient la première femme en Amérique à assumer d'aussi hautes fonctions[4]. Dès son accession au pouvoir, Isabel essaie de faire face à une situation à laquelle elle n'est pas préparée, mais elle subit l'influence de son ministre du Bien-être social et secrétaire personnel, José López Rega, connu sous le surnom de el Brujo (le sorcier), qui vise à faire prévaloir les intérêts de la droite du mouvement péroniste contre les divers mouvements sociaux.

Répression politique[modifier | modifier le code]

López Rega utilise des fonds publics pour le financement d'un groupe armé, connu comme Alianza Anticomunista Argentina ou triple A[5],[6] Cette formation paramilitaire entreprend, sous sa direction, des actions de harcèlement contre des personnalités de la frange gauche du péronisme et de la gauche argentine, qui prennent la forme d'attentats, de séquestrations, de tortures et d'assassinats[7].

L'attitude du gouvernement se fait aussi plus dure et plus répressive, intervenant dans les provinces « dissidentes », les universités, des syndicats, les canaux de télévision privés, établissant une censure sans cesse renforcée contre les journaux et les revues[5].

Le rapport Nunca Más (es), rédigé en 1983, estime à 600 disparitions et 500 exécutions d'opposants le bilan de sa présidence, au cours des années 1975 et 1976.

Difficultés économiques[modifier | modifier le code]

Isabel Martínez de Perón tenant un discours devant la CGT, le 10 mars 1976.

L'économie argentine subit des dommages sévères : inflation galopante, paralysie des investissements, suspension des exportations de viande vers l'Europe et accroissement important de la dette[8],[5]. Une solution de type monétariste fut tentée par le ministre Alfredo Gómez Morales, mais sans succès, provoquant au contraire un processus de stagflation (l'inflation atteint 444 % en 1976)[9].

Coup d'État militaire et chute[modifier | modifier le code]

Les militaires essaient de la convaincre de démissionner, mais elle s'y refuse et envisage de se présenter aux élections ; elle est déposée le par la junte militaire dirigée par le général Jorge Rafael Videla, qui met en place une dictature militaire sous le nom de Processus de réorganisation nationale.

Après la présidence[modifier | modifier le code]

Emprisonnement et exil[modifier | modifier le code]

Isabel Perón est incarcérée pendant cinq ans par les militaires, dans des conditions initialement si dures et si humiliantes que le nonce apostolique doit intervenir à sa demande auprès du gouvernement militaire. Elle est condamnée à huit ans de prison le pour détournement de fonds publics[10]. Après cinq ans d'emprisonnement, elle est libérée en 1981, et vit exilée depuis lors à Madrid, en Espagne.

Poursuites judiciaires[modifier | modifier le code]

À la suite d'un mandat d'arrêt émis par la justice argentine dans le cadre d'une enquête portant sur la disparition d'Héctor Fagetti, un opposant politique, pendant sa présidence, elle est interpellée par la police espagnole le à son domicile de Villanueva de la Cañada, à l'ouest de Madrid, où elle résidait depuis 1982[2]. Cependant, l'Audience nationale espagnole refuse son extradition vers l'Argentine[11].

À la suite de son arrestation en Espagne, elle est placée sous contrôle judiciaire jusqu'en 2017, pendant que la justice argentine examine ses actions ou omissions comme présidente en 1975. En 2017, la Cour suprême argentine rejette finalement les pétitions demandant son interrogatoire comme témoin ou accusée.

Cause et effets[modifier | modifier le code]

Bulletin de vote de 1973 pour le couple Perón.

Le décret 261/75 dit d'« anéantissement de l'action de la subversion » est signé par Isabel Perón et ratifié par ses ministres. Il vise notamment les activités du groupe guérillero marxiste ERP (Ejército Revolucionario del Pueblo) dans la Province de Tucumán et autorise les forces armées à employer « tous les moyens disponibles » pour éliminer ce « danger ». Trois autres décrets dits Decretos de aniquilamiento de 1975 (Argentina) (es) seront pris pendant l'intérim d' Ítalo Argentino Luder à la Présidence de la République Argentine en .

La justice argentine étudie à l'heure actuelle les disparitions d'individus perpétrées par l'armée au cours de l'année 1975, autorisées précisément par ces décrets, bien qu'en théorie cette pratique ne soit devenue courante qu'à partir de , après le coup d'État militaire. En effet l'armée, dans une interprétation extensive du décret, aurait recherché l'anéantissement non seulement de l'action de la « subversion », mais aussi des « subversifs ».

Le problème légal tourne autour des deux questions suivantes : dans quelle mesure le décret lui-même est-il démocratiquement tolérable ? Et Isabel Perón était-elle vraiment au courant de l'existence même de la Triple A ?

En ce qui concerne la première question, les avocats chargés de la défense des généraux lors du procès de la Junte en 1985 ont plaidé en faveur de la légalité du décret. Placé dans son contexte historique, le décret visait l'élimination de l'ERP. Le décret émanait donc d'un gouvernement légitime contre un groupe guerillero. Le procureur Julio César Strassera a estimé lors de ce procès qu'Isabel Perón ne pouvait être jugée par ces faits, le décret étant selon lui constitutionnel.

La deuxième question est plus complexe : Isabel Perón était-elle au courant de l'existence de la Triple A et des raids contre les péronistes de gauche et autres militants de gauche ? L'indépendance de José Lopez Rega vis-à-vis d'elle, la gigantesque emprise psychologique qu'il avait sur elle et la grande naïveté dont elle a fait la preuve ces dernières années montrent que tout est possible. L'intelligence et la lucidité d'Isabel Perón ont souvent été mises en doute et il s'avère fort probable que de la même façon qu'elle ne comprit pas le contexte social ingouvernable du pays qu'elle dirigea entre 1974 et 1976, sa naïveté l'empêcha de s'apercevoir des menées de José Lopez Rega. Dans une interview accordée au journal Clarín le , l'ancien sénateur Hipólito Solari Yrigoyen, première victime de la Triple A, qui survécut à deux attentats, reconnaît lui-même que le décret signé par Isabel Perón visait clairement l'action de la guérilla qui mettait en péril les institutions de l'État, et non pas les personnes elles-mêmes, et suggère par ailleurs qu'Isabel Perón n'était pas assez lucide pour savoir exactement ce qui se passait dans le pays, étant très influencée par José Lopez Rega[7]. Il rappelle toutefois aussi qu'avant le coup d'État du « il y avait déjà 900 disparus », sans compter les innombrables prisonniers politiques, « presque tous péronistes » et « pas nécessairement Montoneros »[7]. Par ailleurs, l'enquête menée dans le cadre d'une plainte déposée à Tucumán semble établir qu'Isabel Perón aurait visité les centres de détention clandestins de Famaillá et Santa Lucía[12].

L'extradition d'Isabel Perón vers l'Argentine s'avère extrêmement difficile, du fait de sa double nationalité argentine et espagnole, et la longue bataille judiciaire ne fait que commencer[13],[12]. Plusieurs membres importants du Parti justicialiste ont fait part de leur indignation devant les attaques dirigées contre Isabel, et l'ancien président de l'Argentine Eduardo Duhalde s'est proposé pour être l'un de ses avocats[14].

Critiques de la personne[modifier | modifier le code]

Isabel Martínez de Perón en 1974.

Les critiques dirigées contre Isabel Perón sont nombreuses : elle a ainsi été qualifiée de « femme maladroite, inculte, limitée, se sachant dépassée par les évènements »[15]— pourtant, dans son unique biographie Isabel Perón; la Argentina en los años de María Estela Martínez (2003), María Sáenz Quesada en brosse un portrait beaucoup plus nuancé ; elle garde d'ailleurs le respect de nombreux péronistes, qui soulignent le courage qu'elle a eu, selon eux, d'assumer la présidence dans des conditions extrêmement dures auxquelles elle n'était pas préparée, et la dignité de son exil volontaire.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Par intérim du 29 juin au .

Références[modifier | modifier le code]

  1. Les « précédents » de Sühbaataryn Yanjmaa en Mongolie et de Song Qingling en Chine ne sont pas comparables : elles n'ont en effet occupé que des fonctions honorifiques et à titre intérimaire mais n'ont pas dirigé effectivement leur pays.
  2. a et b « L'ancienne présidente argentine Isabel Peron arrêtée à Madrid, à la demande de Buenos Aires », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. Antoine Bigo, « Des Perón aux Kirchner, Buenos Aires de famille », Libération,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  4. « Mme Isabel Peron a été libérée après cinq ans de détention », sur Lemonde.fr, (consulté le ).
  5. a b et c [1] Presidencia de Isabel Perón, in Todoargentina.net
  6. [2] "Paralelamente, se fue estructurando el terrorismo para estatal conocida como la Alianza Anticomunista Argentina (Triple A), organización parapolicial que contaba con los fondos y armamentos que le proporcionaba el Ministerio de Bienestar Social, a cargo de José López Rega." in Alicia Servetto, Memorias de intolerancia política: las víctimas de la Triple A.
  7. a b et c « Hipólito Solari Yrigoyen, primera victima de la Triple A. "Isabel y López Rega vinieron a verme cuando estaba internado" », Clarín, 19 janvier 2007
  8. [3] Article Larousse
  9. Stéphane Boisard, Mariana Heredia, « Laboratoires de la mondialisation économique. Regards croisés sur les dictatures argentine et chilienne des années 1970 », Vingtième Siècle. Revue d'histoire,‎
  10. JACQUES DESPRES, « L'ancienne présidente Isabel Peron pourrait être graciée », sur Le Monde, (consulté le ).
  11. « La justice espagnole refuse d'extrader l'ancienne présidente argentine Isabel Peron », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  12. a et b [4] Fiscal pide extradición de Isabel Perón, in El Intransigente, 14/04/2011
  13. [5] Isabel Perón resiste intento de extradición a la Argentina, in El Nuevo Diario, 14/04/2008
  14. [6] Duhalde se ofreció como abogado de Isabel Perón, in caracol.com, 25/01/2007.
  15. [7] Una "débil" mujer, in Página 12, 13/01/2007;

Article connexe[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]