« Année liturgique du rite de l'Église de Jérusalem » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
Veverve (discuter | contributions)
Veverve (discuter | contributions)
Ligne 27 : Ligne 27 :
#:Cette évolution au tournant du {{Ve}}s. est significative de l'importance que commence à prendre le culte de la [[invention de reliques|Croix]].
#:Cette évolution au tournant du {{Ve}}s. est significative de l'importance que commence à prendre le culte de la [[invention de reliques|Croix]].
#:La dédicace de l'église aurait eu lieu en fait non pas un 13 mais un {{date-|17 septembre 335}} (d’après la ''[[Chronicon Paschale|Chronique pascale]]'', ''PG'' 92, col. 713). Les ides de septembre (et de novembre), le 13, sont la date de l'[[Jeux (Rome antique)|''epulum Jovis in Capitolio'']], qui pouvait passer (selon une idée de Baumstark) pour la dédicace du [[temple de Jupiter capitolin]] à Rome. La même date devait donc être fêtée aussi à Jérusalem pour le sanctuaire de Jupiter qui avait été construit sur le Tombeau vide (Jérôme, ''Lettre'', 58, §3), et dont le nom de la cité bâtie par Hadrien, ''Aelia capitolina'', rappelle la consécration à Jupiter capitolin. On peut attribuer à [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin]] le choix du changement de la date de la dédicace<ref>Selon un argument développé en même temps mais séparément (?) par E.D. HUNT, ''Constantine and Jerusalem'', ''Jour. Eccl. Hist.'' 48 (1997), 405-423, {{p.|420-421}} et M.F. FRASER, ''Constantine and the Encaenia'', ''Studia Patristica'', 29 (1997), 25-28</ref>
#:La dédicace de l'église aurait eu lieu en fait non pas un 13 mais un {{date-|17 septembre 335}} (d’après la ''[[Chronicon Paschale|Chronique pascale]]'', ''PG'' 92, col. 713). Les ides de septembre (et de novembre), le 13, sont la date de l'[[Jeux (Rome antique)|''epulum Jovis in Capitolio'']], qui pouvait passer (selon une idée de Baumstark) pour la dédicace du [[temple de Jupiter capitolin]] à Rome. La même date devait donc être fêtée aussi à Jérusalem pour le sanctuaire de Jupiter qui avait été construit sur le Tombeau vide (Jérôme, ''Lettre'', 58, §3), et dont le nom de la cité bâtie par Hadrien, ''Aelia capitolina'', rappelle la consécration à Jupiter capitolin. On peut attribuer à [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin]] le choix du changement de la date de la dédicace<ref>Selon un argument développé en même temps mais séparément (?) par E.D. HUNT, ''Constantine and Jerusalem'', ''Jour. Eccl. Hist.'' 48 (1997), 405-423, {{p.|420-421}} et M.F. FRASER, ''Constantine and the Encaenia'', ''Studia Patristica'', 29 (1997), 25-28</ref>

== Fêtes d'Épiphanie ==
L'[[épiphanie]] est un mot d'origine grecque signifiant « manifestation », « apparition », de Dieu dans le monde. Ce n’est pas à l’origine une fête commémorant un événement historique de la vie de Jésus. Elle fut pourtant très tôt associée à des événements de sa vie. L’antique signification, associée à une certaine théologie paulinienne (II Tm. 1, 10, etc.), n’a toutefois jamais complètement disparu. En effet, si la fête en Orient commémore en général le baptême de Jésus, les Arméniens ont conservé au {{date-|6 janvier}} son sens primitif dans la tradition de Jérusalem, à savoir celui de sa naissance (tandis que pour les catholiques latins c'est la fête de l'adoration de Jésus par les « rois mages »).

Le fait est que la première attestation d'une fête du baptême de Jésus est [[gnostique]]. [[Clément d'Alexandrie]] se demande quand est né exactement Jésus. {{citation|Certains, avec plus de minutie encore, assignent à la naissance de Notre Sauveur non seulement une année mais un jour : ce fut, disent-ils, l’an XXVIII d’Auguste, le {{25e|jour}} du mois Pachon. Les adeptes de [[Basilide]] fêtent aussi le jour du baptême de Jésus, et passent toute la nuit précédente en lectures. Selon eux, ce fut l’an XV de Tibère, le 15 — ou selon d’autres le 11 — du mois de Tubi.}} (''Stromates'', I 21 ''ad'' 1456-1462). Certains gnostiques fêtaient donc le baptême de Jésus le {{date-|10 janvier}} (15 Tobi), ou, selon d’autres adeptes de la même secte, le 6 (11 Tobi). L’origine de la fête du {{date-|6 janvier}} est donc vraisemblablement non-chrétienne et semble liée à un rite égyptien en rapport avec le Nil, d'après un texte d'[[Épiphane de Salamine|Épiphane]] : {{citation|(Les chefs du culte des idoles) font une très grande fête en cette même nuit de l’Épiphanie… à Alexandrie…, à Pétra — la métropole de l’Arabie qui est l’Édom de l’Écriture… aussi à Hélousa la même nuit qu’à Alexandrie et à Pétra}} (''Panarion'', LI 22).

Les nomades arabo-nabatéens, chrétiens, quand ils ne résidaient pas dans leurs villes de Pétra et Hélousa, circulaient entre la Palestine et l'Égypte et l'on conçoit fort bien que très tôt, au {{s-|III|e}}, la fête se soit introduite en Palestine (par exemple à Hélousa, non loin de [[Beer-Sheva|Beer Sheva]], dans le [[Néguev]] israélien). Mais elle y rencontra une autre tradition d'épiphanie, originaire cette fois de milieux judéo-chrétiens, une tradition qui est à la source de la fête du {{date-|15 août}}.

==== La Dormition (15 août) ====
{{Voir aussi|Dormition}}
Le [[Protévangile de Jacques]], au chapitre 19, décrit l'« épiphanie » de Jésus, sa venue au monde du sein de sa mère, comme une lumière jaillissant de Marie, vierge même pendant l'enfantement. Mis à part les traits fantastiques de ce récit, il situe l'événement d'une manière très précise : dans une grotte au « troisième mille » (17, §2) sur la route de Jérusalem à Bethléem. Le vieux lectionnaire arménien possède précisément une station « au troisième mille », pour le {{date-|15 août}}. Les lectures bibliques n'ont encore rien à voir avec la fête de la Dormition que deviendra plus tard le {{date-|15 août}}. Elles tournent en effet autour de la naissance de Jésus, notamment l'Évangile Lc 2, 1-7. Le même document possède pourtant le récit de la naissance de Jésus à une date où elle surprend moins (avant l'introduction de la fête du {{date-|25 décembre}} en provenance de Rome), le {{date-|6 janvier}}, où on lit Mt. 1, 18-25. Il y avait donc, au {{s-|IV|e}} et au début du siècle suivant, deux fêtes d'Épiphanie, l'une le {{date-|6 janvier}} centrée sur la naissance de Jésus (sans doute en réaction à la tradition gnostique qui insistait sur le baptême de Jésus), et l'autre le {{date-|15 août}}. Celle-ci pourrait bien avoir une origine judéo-chrétienne. En effet le {{date-|15 août}} n'est pas loin de la date juive pour la commémoration de la destruction du temple, le [[Tisha Beav|9 av]]. Cette date a en tous cas influencé le vieux lectionnaire de Jérusalem sur un autre point, le cycle des lectures d'Isaïe en carême (voir ci-dessus). Six jours plus tard, d'ailleurs, le judaïsme connaît une fête mineure, le [[Tou Beav|15 av]]. Le {{date-|15 août}} serait donc l'autre signe de l'importance de cette date pour les juifs christianisants de la région de Jérusalem. Le [[midrash]] ''Eykha rabba'' contient une scène de l'apparition du messie à Bethléem le [[Tisha Beav|9 av]] qui pointe dans la même direction.

Après 431 et le [[concile d'Éphèse]], la fête d'épiphanie primitive s'est transformée en fête mariale, et le lieu de station primitif, la grotte du « troisième mille » s'est transformée en un rocher. Le récit du Protévangile est relu depuis lors comme une allusion à un rocher sur lequel Marie se serait arrêtée en chemin vers la grotte de Bethléem (et sa basilique). Les restes d'une église, et d'un tel rocher, ont été découverts en 1992 aux environs de l'endroit où devait se trouver le troisième mille. Il porte le nom de [[Lieux de station de la liturgie de Jérusalem#Kathisme et village de Betebre|Kathisme]] dans le lectionnaire géorgien et d'autres sources, y compris la toponymie arabe locale jusqu'à une époque très récente<ref>Pour une argumentation plus détaillée voir Id., ''Le 15 août, le 9 av et le Kathisme'', ''Questions liturgiques'', 82 (2001), 161-191</ref>.

Les nombreux récits relatifs à la [[Dormition]] de Marie apparaissent à partir de la fin du {{s-|V|e}}. Ils dépendent primitivement de la localisation du tombeau de Marie à Jérusalem, non loin de Gethsémani (une [[Lieux de station de la liturgie de Jérusalem#Gethsémani, tombeau de la Theotokos ; fondation du roi Maurice|église]] de la [[Théotokos]] qui, après maintes restaurations, est encore debout aujourd'hui). La fête du {{date-|15 août}} a dès lors évolué dans le sens d'une fête de la Dormition, où le Kathisme, d'ailleurs, n'avait plus de fonction liturgique.

La liturgie est conservatrice et il y a en fait deux « kathismes », l'ancien, avec sa magnifique église octogonale bâtie par Hikélia, lieu de station le 2 ou {{date-|3 décembre}} (dédicace), et le nouveau à ''Betebre'' (sans doute les ruines de l'église découvertes à [[Ramat-Rachel|Ramat Rachel]]), pour le {{date-|13 août}}, dédicace d'une église dédiée à Marie. Ce serait le début d'une sorte de ''triduum'' de la Dormition comme il y en a un à Pâques (et aussi, d'après certaines sources arméniennes, le {{date-|6 janvier}}).

Cette église, toutefois, n'est pas identifiée clairement comme la « maison de Marie » à laquelle fait allusion la légende de la Dormition (Marie y décéda, miraculeusement entourée des apôtres, qui l'amenèrent ensuite en procession à Gethsémani, d'où elle fut « enlevée », sens du mot [[assomption]], le troisième jour). On peut bien imaginer qu'il y ait eu une procession depuis le Kathisme (ancien), mais à la date du {{date-|2 février}}, puisque la fondatrice de l'église, Hikélia, est connue pour avoir, par ailleurs, introduit l'usage de porter des cierges pendant cette procession. D'autre part, la procession du {{date-|15 août}} a connu plusieurs points de départ au cours de son histoire (et donc plusieurs « maisons de Marie »), mais jamais, autant qu'on puisse le savoir, depuis le Kathisme.

==== Le Baptême de Jésus ====
{{Voir aussi|Épiphanie}}
# '''La fête du {{date-|6 janvier}}'''
#:Bien que ni Égérie ni le lectionnaire arménien ne fassent allusion au baptême de Jésus, il est vraisemblable qu'on le commémorait d'une manière ou d'une autre dès cette époque le {{date-|6 janvier}}. Il y aurait place dans l'octave de l'Épiphanie du lectionnaire arménien pour une lecture de Mt. 3 avant l'introduction de lectures johanniques destinées à de nouveaux lieux de station (Saint-Étienne et Béthanie). Comme [[Juvénal de Jérusalem|Juvénal]], d'autre part, tenta de déplacer la datation de la Nativité au {{date-|25 décembre}}, il y avait une bonne raison de fêter le {{date-|6 janvier}} le Baptême, durant son épiscopat. Et l'on trouve dans les ''Centons homériques'' attribués à [[Eudoxie (épouse de Théodose II)|Eudocie]] des indications qui peuvent être interprétées dans le sens d'une mémoire du Baptême le {{date-|6 janvier}} à cette même époque<ref>A.L. Rey, ''Patricius, Eudocie, Optimus, Côme de Jérusalem. Centons homériques (homerocentones)'', ''Sources Chrétiennes'', 437 (1998), {{p.|138}} et 190.</ref>. Le soupçon concernant les origines païennes de la datation du Baptême au {{date-|6 janvier}}, sur les bords du Nil (voir [[Année liturgique du rite de Jérusalem#Fêtes d'épiphanie|ci-dessus]]), a dû jouer un rôle dans le silence des sources anciennes.
#:L’auteur grec anonyme dit Cosmas Indicopleustès, représentant à Alexandrie l’école de Nisibe à la veille de sa condamnation au [[deuxième concile de Constantinople|concile des Trois chapitres]] (553), explique que « les Jérusalémites, partant apparemment du bienheureux Luc qui dit que le Seigneur a été baptisé « lors de ses débuts, à trente ans environ » [Lc 3], célèbrent la Nativité au jour de l’Épiphanie » (''Topographie chrétienne'', V 10 ; Wolska-Cornus (éd. et trad.), ''Sources Chrétiennes'', 159, {{p.|22}}). Ce devait être la situation durant tout le {{Ve}} s. (si ce n'est qu'entre 431 et 458, Juvénal tenta de déplacer au {{date-|25 décembre}} la fête de la Nativité).
#:Après l'intervention directe de [[Justinien]] dans la séparation des deux motifs (voir plus loin), la structure liturgique de la fête du Baptême a été calquée sur celle de la Nativité (à quoi se résumait autrefois la fête du {{date-|6 janvier}}) : un office de lecture l'après-midi du {{date-|5 janvier}} « aux portes de l'église » suivi d'un déplacement dans l'église (le complexe Martyrium-Anastasis) pour l'office du soir, avec l'intéressante lecture de l'[[apocryphes bibliques|apocryphe]] [[Livre d'Esdras|IV Esdras]], V 21-30 (LG {{Numéro|84}}), sans doute à cause du thème de la colombe. Suit la Liturgie eucharistique et puis les vigiles avec dix lectures bibliques (dont trois sont prises directement aux vigiles de la Nativité), enfin une seconde Liturgie eucharistique.
#:Avant les vigiles prend place un office de la « bénédiction de l'eau », en dehors de l'église. Les vigiles commencent après, à minuit, et non directement après l'office du soir, comme c'est le cas pour les vigiles de Pâques par exemple. Il y a donc bien une vigile, une agrypnie, de toute la nuit, comme dans les milieux gnostiques du {{s-|II|e}}, selon le texte de Clément cité [[Année liturgique du rite de Jérusalem#Fêtes d'épiphanie|plus haut]].
#:Le pèlerin de Plaisance au {{s-|VI|e}} mentionne aussi une bénédiction de l'eau, mais au Jourdain même, le {{date-|6 janvier}}. La pratique actuelle dans le rite de l'Église grecque orthodoxe consiste à se rendre au Jourdain le {{date-|6 janvier}}, non loin du monastère, restauré, de saint Jean-Baptiste (fondé au début du {{VIe}} s. par l'empereur Anastase). Mais cette pratique ne semble pas très ancienne (avant la restauration du monastère au {{s-|XIX|e}} ?). Le plus ancien témoin est probablement l'hymnaire géorgien de Michel Modrekili, au {{s-|X|e}}<ref>Garitte, 1958, {{p.|126}}.</ref>.
# '''L'octave de l’Épiphanie'''
#:Le thème de la fête palestinienne du {{date-|6 janvier}}, bien qu’il exclue celui du baptême jusqu’au témoignage du lectionnaire géorgien, ne se limite pas à la seule naissance de Jésus. Les lectures de l’octave de l’Épiphanie dans le lectionnaire arménien font allusion à l’Adoration des mages (Mt. 2, 1-12 à la messe de la vigile et Lc 2, 8-20 à la fin de l’office des vigiles), la Fuite en Égypte (Mt. 2, 13-23 à la messe du {{date-|8 janvier}}), l’Annonciation (Lc 1, 26-38 à la messe du {{date-|9 janvier}}), la Visitation (Lc 1, 39-56 à la messe du {{date-|10 janvier}}) et, naturellement le {{8e|jour}}, la Circoncision (Lc 2, 21). En outre, la Présentation, ou Hypapante, fête du {{40e|jour}} (lecture de Lc 2, 22-40), est signalée à la date du {{date-|14 février}}, et cela déjà par Égérie.

===== L'Hypapante =====
{{Voir aussi|Fête de la Présentation de Jésus au Temple}}

C'est à [[Justin II]] que remonte partout en Orient chalcédonien, et donc en Palestine, le déplacement de la fête de la nativité de Jésus du {{date-|6 janvier}} au {{date-|25 décembre}} (Nicéphore Xanthopoulos, ''Histoire ecclésiastique'', XVIII 26 ; ''PG'' 147, col. 292). Le même texte fait remonter à son prédécesseur [[Justinien]] le déplacement de la fête de la Présentation, ou Hypapante (la « Rencontre » de Siméon et Anne avec Jésus, selon Lc 2, 21), du 14 au {{date-|2 février}}, puisque cette rencontre eut lieu 40 jours après la Nativité. Ceci est confirmé par un autre historien grec ([[Théophane le Confesseur]], ''Chronographie'', an 6034 ; ''PG'' 108, col. 488) et par des documents en géorgien et en arménien, que M. van Esbroeck a mis en évidence<ref>''La lettre de l’empereur Justinien sur l’Annonciation et la Noël en 561'', ''Analecta Bollandiana'', 86 (1968), 351-371 ; ''La Lettre de Justinien pour la fête de l’Hypapante en 562'', ''Analecta Bollandiana'', 112 (1994), 65-84 ; ''Barsabée de Jérusalem. Sur le Christ et les Églises'', ''Patrologia Orientalis'', 41 (1982), {{p.|159-160}}.</ref>. Il s'agit des restes d'une lettre de Justinien (''[[Clavis Patrum Græcorum|CPG]]'' 6892) ordonnant au patriarche de Jérusalem, et à son Église, de fêter l’Hypapante le {{date-|2 février}} au lieu du 14, et d'une lettre de Grégoire Arzrouni, évêque arménien contemporain, qui écrit à Jérusalem une lettre envoyée en Arménie, où il raconte les conséquences que l'édit de Justinien eurent à Jérusalem. La {{34e|année}} (ou la {{33e}} selon les mss) de son règne (560/561), l'empereur envoya sa lettre au patriarche Eustochios (552-563/564). Celui-ci refusa d’obtempérer. L’année suivante, l’empereur fit dépêcher la troupe, qui interdit la célébration de l’Hypapante dans le lieu et à la date habituels (le Martyrium le {{date-|14 février}}) ; le patriarche se rendit alors à [[Lieux de station de la liturgie de Jérusalem#Église du martyr Procope|l’église de Saint-Procope]], où les fidèles furent assiégés ; {{citation|mais eux trouvèrent leur salut dans la mort plutôt que dans la vie}}. Eustochios a été déposé de son siège en 563/564. Macaire II (552, 564-575), qui avait été consacré comme successeur de Pierre (524-552) mais déposé après deux mois au profit de l’Alexandrin Eustochios en raison de ses sympathies origénistes ([[Cyrille de Scythopolis]], ''Vie de saint Sabas'', 90), est réinstallé sur la chaire de Jacques. Mais il n’admit pas non plus l’ordre de Justinien. Devant leur refus de célébrer la fête avec les représentants de l’empereur, les habitants de Jérusalem et leur évêque retranchés dans la Sainte-Sion, furent à nouveau exposés aux représailles de la troupe. Mais, pour la deuxième fois d'après l'évêque arménien, un signe céleste se manifesta, {{citation|[Dieu] fit la paix, et l’orage et le tumulte fut écarté de Jérusalem. Et ils célébrèrent la Présentation d’après l’Épiphanie, selon la prescription du saint apôtre Jacques.}} L'empereur étant mort l'année suivante (565), le conflit semble s'être tassé quelques années avant que Justin II, comme on l'a noté au début de ce paragraphe, ne résolve le problème en supprimant sa source, à savoir la Nativité le {{date-|6 janvier}}.

La fête est déjà indiquée par Égérie (ch. 26) et le vieux lectionnaire arménien, sans procession. Le biographe de saint Sabas montre que celle-ci s'est introduite peu avant 455, et qu'une certaine Hikélia, connue par ailleurs comme fondatrice de l’église du Kathisme, lui donna une impulsion décisive (sous l'influence des mystères d'Éleusis ?, voir la remarque à la fin de la section sur le [[Lieux de station de la liturgie de Jérusalem#Kathisme et village de Betebre|Kathisme]]) : {{citation|C’est cette bienheureuse Hikélia, qui, après avoir parcouru tout le chemin de la perfection, donna alors pour la première fois l’exemple de l’emploi des cierges dans la procession à la Rencontre de notre Dieu Sauveur}} (''Vie de Théodose le Cénobiarque'', § 1). Le lectionnaire géorgien ({{Numéro|196}}-206) n’éclaire pas la manière dont se faisait cette procession, mais on y trouve une allusion dans une homélie pseudo-cyrillienne étudiée par Caro (''CPG'' 3592), homélie qui serait de Jérusalem. Le point d’arrivée de la procession était apparemment l’église de Sion (''PG'' 33, col. 1189 etc.), et on peut se demander si, étant donné le rôle d'Hikélia dans la fondation du Kathisme, le point de départ n'en était pas le Kathisme lui-même (dont Saint-Procope citée dans la lettre de l'évêque arménien ne se trouve pas loin)<ref>H. Brakmann, ''Hè hypapantè tou Kyriou. Christi Lichtmess im frühchristlichen Jerusalem'', dans ''Crossroad of Cultures'' (Mél. Winkler, ''OCA'' 260), Rome, 2000, 151-172.</ref>.

==== Noël et son octave ====
{{Voir aussi|Noël}}

La date du {{date-|25 décembre}} faisait partie, à Jérusalem au {{IVe}}-{{Ve}} s., d'une série de fêtes de la fin du mois de décembre. Une des origines de ce cycle de fêtes particulièrement riche (voir ci-dessous l'octave) est à chercher dans la christianisation de la fête juive de [[Hanoucca|Hanukka]]<ref>G. Kretschmar, ''Die frühe Geschichte der Jerusalemer Liturgie'', ''Jahrbuch für Liturgie und Hymnologik'', 2 (1956), 22-46, {{p.|41, 43-45}}.</ref>, dont nous avons vu [[Année liturgique du rite de Jérusalem#Fête de l'Église : La Dédicace (Encénies) et son octave|ci-dessus]] une autre trace de l'influence.

# '''La fête de Noël'''
#:La comparaison entre les deux lectionnaires montrent que les rubriques ont été déplacées du {{date-|6 janvier}} au {{date-|25 décembre}}, quand, à la fin du {{VIe}} s. (voir [[Année liturgique du rite de Jérusalem#L'Hypapante|ci-dessus]]), Jérusalem a dû s'aligner sur les autres Églises pour fêter la Nativité le {{date-|25 décembre}}. L'office du soir et une première eucharistie sont donc suivis des vigiles à minuit (mais sans la bénédiction de l'eau entre les deux, qui est caractéristique du {{date-|6 janvier}}), puis des matines et d'une seconde oblation. La longue série des douze lectures qui composent les vigiles, qui étaient une sorte d’embolisme du [[Lucernaire (liturgie)|lucernaire]] chez Égérie et le lectionnaire arménien, est désormais considérée plutôt comme un prélude aux matines. La place de la première oblation ''avant'' les vigiles est une différence caractéristique d'avec les vigiles de Pâques, qui commencent et se terminent plus tôt.
#:La cérémonie commence dans un lieu de station différent du lieu de la vigile : l’[[Lieux de station de la liturgie de Jérusalem#Poimnion (lieu des Bergers)|église des Bergers]], « à la dixième heure », pour l’office des vêpres (mais l'office de sexte dans le vieux lectionnaire arménien). On se rend alors dans le lieu de station principal, l’[[Lieux de station de la liturgie de Jérusalem#Bethléem|église de Bethléem]].
# '''L'octave de Noël'''
#:Quatre fêtes relativement solennelles et anciennes prennent place dans l'octave de Noël : David et Jacques (ou Jacob) le {{date-|26 décembre}} (le 25 dans LA [le vieux lectionnaire arménien]), Étienne premier martyr le {{date-|27 décembre}} (le 26 dans LA), Paul et Pierre apôtres le {{date-|28 décembre}} et Jacques et Jean fils de Zébédée le {{date-|29 décembre}}. Le lectionnaire géorgien ajoute d'autres mémoires moins importantes durant l'octave. Selon une hypothèse de Kretschmar que je suis volontiers, il s'agit vraisemblablement de la christianisation d'une fête judéo-chrétienne de ''[[Hanoucca|Hanukka]]''. Les fêtes de ces personnages sont en effet attestées avant leur introduction dans le lectionnaire (lui-même postérieur à 415, date de l'[[invention de reliques|invention des reliques]] d'Étienne). Or celle de Paul et Pierre ainsi que celle de Jacques et Jean le sont à des dates différentes, tandis que celle de David et Jacques est propre à Jérusalem. Quant à celle d'Étienne, son attestation dans un document antérieur à l'invention des reliques prouve que celle-ci est une mise en scène<ref>La place des prophètes dans le sanctoral de Jérusalem, ''Questions liturgiques'', 84 (2003), 182-203, {{p.|186-187, 195-196}}.</ref>.

===== Lectures des trois principales vigiles =====
{|class="wikitable"
! !! Pâques (LA)!! Pâques (LG)!! {{date-|6 janvier}} (LA)!! {{date-|25 décembre}} (LG)!! {{date-|6 janvier}} (LG)
|-
|1.
|Ps.117 (v.24)
|
|
|pss interméd.
|pss interméd.
|-
|2.
|Gn. 1 - 3, 24
|Gn. 1 - 3, 24
|Gn. 1 - 3, 20
|Gn. 1 - 3, 24
|(renvoi à Noël)
|-
|3.
|Gn. 22, 1-18
|Gn. 22, 1-19
|Is. 7, 10-17
|Is. 7, 10-17
|Is. 60, 1-22 <br /> (voir l. 8)
|-
|4.
|Ex. 12, 1-24
|Ex. 12, 1-42 (ou 24)
|
|
|
|-
|5.
|Jon. 1 - 4, 11
|Jon. 1 - 4, 11|||
|
|
|
|-
|6.
|Ex. 14, 24 - 15, 21 <br /> avec refr. verset 1
|Ex. 14, 24 - 15, 21
|Ex. 14, 24 - 15, 21
|(renvoi à Pâques)
|(renvoi à Noël)
|-
|7.
|
|
|Mi. 5, 1-6
|Mi. 5, 2-7
|
|-
|8.
|Is. 60, 1-13 avec <br /> refrain non-bibl.
|Is. 60, 1-13 (ou 22)
|{{Pr}} 1, 2-9
|{{Pr}} 1, 1-9
|Is. 43, 10-20
|-
|9.
|Jb 38, 2-28
|Jb 38, 2 - 39, 35
|Is. 9, 4b-6
|Is. 9, 5-6
|Jos. 4, 4-11
|-
|10.
|IV Rg. 2, 1-22
|IV Rg. 2, 1-14 (ou 22)
|Is. 11, 1-9
|Is. 11, 1-9
|Is. 44, 2-7
|-
|11.
|Jr. 38 (31), 31-34
|Jr. 38 (31), 31-34
|Is. 35, 3-8
|Is. 35, 3-10 (ou 8)
|Mi. 7, 16 (7) – 20
|-
|12.
|Jos. 1, 1-9
|Jos. 1, 1-9
|Is. 40, 10-17
|Is. 40, 9-17
|Is. 55, 1-13
|-
|13.
|Ez. 37, 1-14
|Ez. 1, 1-14
|Is. 42, 1-8a
|Is. 42, 1-18 (ou 10)
|Ez. 36, 25-36
|-
|14.
|Dn. 3, 1-35a avec <br /> refrain non-bibl. <br /> Dn. 3, 35b-51 avec <br /> refrain non-bibl. <br /> Dn. 3, 52-90
|Dn. 3, 1-97
|Dn. 3, 1-35a avec <br /> refrain non-bibl. <br /> Dn. 3, 35b-51 avec <br /> refrain non-bibl. <br /> Dn. 3, 52-90
|Dn. 3, 1-97
|(renvoi à Noël)
|}

==== La fête de Marie au début de l'année et le 25 mars ====
Il existe dans toutes les traditions chrétiennes orientales une fête mariale dans le contexte de la fête de la nativité de Jésus. Dans le vieux lectionnaire arménien représentant l'usage hagiopolite dans la première moitié du {{Ve}} s., la fête mariale est située dans l’octave de la fête du {{date-|6 janvier}}, le 9 (lecture de Lc 1, 26-38), date suivie par d'autres sources arméniennes. Certains des textes de la fête sont conservés dans le lectionnaire géorgien, et le lieu de station à « Sainte-Marie » ([[Lieux de station de la liturgie de Jérusalem#Justinien ; Néa|fondation de Justinien]]) montre clairement que le {{date-|9 janvier}} est resté une mémoire mariale. Le texte principal, cependant, Lc 1, 26-38, est déplacé au {{date-|25 mars}}, et on peut y voir une conséquence des initiatives de Justinien en matière liturgique (voir ci-dessus), d'autant plus qu'un texte datant de 540 environ affirme que l'[[Annonciation]] ne faisait pas encore l'objet de commentaires particuliers à Jérusalem le {{date-|25 mars}} : {{citation|Jusqu’à ce jour seulement des Palestiniens, et les Arabes qui dépendent d’eux, ne concourent pas à ce sentiment commun à tous et ne célèbrent pas notre fête de la sainte conception du Christ.}}, '''[[Abraham d'Éphèse]]''', ''PO'' 16, {{p.|441}} (Jugie), ''[[Clavis Patrum Græcorum|CPG]]'' 7381.

Cela dit, les anciennes sources liturgiques géorgiennes ont la curieuse habitude de commencer le cycle annuel liturgique par les rubriques de la fête du {{date-|25 mars}}, avant même, donc, les rubriques relatives à la fête de Noël du {{date-|25 décembre}}. On considère parfois que ceci reflète un usage de copistes cherchant à témoigner, par un acte de piété mariale, leur dévotion à la Vierge Marie. Il existe peut-être une autre explication. On sait d'une part que, avant le troisième tiers du {{VIe}} s., le cycle liturgique commençait au {{date-|6 janvier}} (et non au {{date-|25 décembre}}). Et on peut constater, par ailleurs, que dans un ouvrage juif appelé la ''Pesiqta de-Rav Kahana'', qui est une compilation d'homélies festives judéo-palestiniennes du {{IVe}}-{{Ve}} s., non seulement le cycle annuel commence par la fête de Hanukka, c'est-à-dire aux environs du début de l'année civile, comme le cycle chrétien correspondant, mais que le premier chapitre du recueil comprend des allusions plus ou moins polémiques au thème de Marie génitrice de Dieu (''[[Theotokos]]'')<ref>Observation faite par L. Baeck, ''Haggadah and Christian Doctrine'', ''Heb. Union Coll. Ann.'' 23 (1950-51), 549-560 dans S. Verhelst, ''Pesiqta de-Rav Kahana, chapitre 1, et la liturgie chrétienne'', ''Liber Annuus'', 47 (1997), 129-138.</ref>. On peut en conclure qu'avant le troisième tiers du {{VIe}} s., la fête était effectivement célébrée avant le {{date-|6 janvier}} (nonobstant l'usage représenté par le vieux lectionnaire arménien sans doute limité à la liturgie de la cathédrale), et qu'elle s'inscrit en réalité non pas d'abord dans la série des fêtes liées à la naissance de Jésus, mais dans la série des fêtes liées à la semaine judéo-chrétienne de Hanukka dont nous avons parlé [[Année liturgique du rite de Jérusalem#Noël et son octave|ci-dessus]].


== Le sanctoral ==
== Le sanctoral ==

Version du 19 septembre 2022 à 15:14

L'année liturgique de l'Église de Jérusalem peut être envisagée sous deux aspects : l'un diachronique – exposer autant que possible l'origine d'une fête ou d'une tradition liturgique, ainsi que les principales étapes de leur évolution – et l'autre synchronique – rendre compte brièvement des rubriques relatives à cette fête ou cette tradition liturgique, principalement d'après le lectionnaire arménien et géorgien.

Début de l'année

La tradition homilétique géorgienne représentée par Jean de Bolnisi a conservé un cycle complet d'homélies pour les dimanches de carême selon les évangiles de la tradition de Jérusalem, y compris le huitième dimanche avant Pâques selon l'ancienne lecture (Lc 7, 36-50). Il existerait également un cycle complet d'homélies pour le carême de l'évêque arabe Théodore Abu Qurra, mais elles sont inédites et on ignore si elles comprennent sept ou huit semaines (cet auteur étant proche de Jean Damascène, il serait logique qu'elles ne comprennent que sept semaines)[1].

La Grande Semaine

L'originalité de cette semaine est l'office de lectures dans le Martyrium, qui a lieu, au temps d'Égérie, à la 9e heure. Il montre la compréhension de la Passion du Christ que l'on se faisait à Jérusalem, sur les lieux mêmes où elle se déroula.
Le manuscrit Stavrou 43 de la bibliothèque du Patriarcat grec orthodoxe de Jérusalem est la principale source qu'il faut ajouter à Égérie et aux deux lectionnaires pour l'étude de cette semaine[2].

La vigile du vendredi de la Grande Semaine

On entre ici dans la chronologie synoptique, où la nuit du jeudi au vendredi saint concentre plusieurs épisodes : la proskynèse de Jésus (sa prière dans le Jardin des Oliviers), son arrestation, et, le matin, le procès devant Pilate suivi de la flagellation. Bien qu’Égérie n’y fasse pas allusion, les évangiles situent entre l’arrestation et le procès, un épisode de Jésus devant le grand-prêtre (et le « sanhédrin tout entier » dans les synoptiques, avec un déplacement de lieu indiqué par Lc et Jn), le soir juste après l'arrestation chez Mt. et Mc (et Jn), le matin chez Lc, suivi (ou précédé chez Lc) de l'épisode racontant les reniements de Pierre. C'est aussi là, chez le grand-prêtre, que Jésus passe la nuit. Sebastià Janeras, après Charles Renoux, a longuement analysé les sources concernant la procession au cours de laquelle ces évangiles étaient lus[3].

Pentecôte

De Pâques à Pentecôte

Pour l'eucharistie quotidienne de ce cycle, le système de lecture ancien privilégiait la lectio continua de trois livres bibliques[4].

Les trois processions de Pentecôte

Un jeu sur les chiffres a une fonction symbolique. On en trouve d'autres ailleurs dans la liturgie[5].

Deux autres fêtes majeures

Fête de l'Église : La Dédicace (Encénies) et son octave

En d'autres termes, on a procédé à la dédicace de l'Anastasis et du Martyrium à cette date du mois de septembre dans le but de déplacer la fête plus ancienne, judéo-chrétienne, du mois de décembre[6].

  1. La fête de la Dédicace ou Encénies ()
    « La sainte église qui se trouve à l’Anastasis, à l’endroit où le Seigneur est ressuscité après sa passion, a été consacrée à Dieu le même jour (que le Martyrium la veille) (…) la croix du Seigneur a été découverte ce jour-là. » (Égérie, 48, §1) La pèlerine précise que la station se fait, ces deux jours, au Martyrium. D’après le lectionnaire, un peu plus tard, la station du premier jour se fait à l’Anastasis (« dédicace des saints lieux de Jérusalem ») et la seconde seulement au Martyrium (le jour où « l'on montre la vénérable croix à toute l’assemblée »). Une évolution comparable existe dans l’octave de Pâques et de l’Épiphanie : alors qu’Égérie prévoit le même lieu de station pour les deux premiers jours de la fête, le lieu n’est plus le même ultérieurement.
    Cette évolution au tournant du Ves. est significative de l'importance que commence à prendre le culte de la Croix.
    La dédicace de l'église aurait eu lieu en fait non pas un 13 mais un (d’après la Chronique pascale, PG 92, col. 713). Les ides de septembre (et de novembre), le 13, sont la date de l'epulum Jovis in Capitolio, qui pouvait passer (selon une idée de Baumstark) pour la dédicace du temple de Jupiter capitolin à Rome. La même date devait donc être fêtée aussi à Jérusalem pour le sanctuaire de Jupiter qui avait été construit sur le Tombeau vide (Jérôme, Lettre, 58, §3), et dont le nom de la cité bâtie par Hadrien, Aelia capitolina, rappelle la consécration à Jupiter capitolin. On peut attribuer à Constantin le choix du changement de la date de la dédicace[7]

Le sanctoral

Alors que le lectionnaire géorgien est dépourvu d'index de noms, une source importante pour l'étude du culte des saints à Jérusalem à l'époque byzantine est le calendrier de Jean Zosime, un copiste géorgien du Xe s., moine de Mar-Saba, qui avait utilisé un manuscrit du lectionnaire proche de ceux qui ont été conservés et dont l'édition par Garitte est accompagnée d'un riche commentaire. À côté des deux cycles de carême et de pentecôte, où le sanctoral est réduit au minimum, presque chaque jour est consacré à la mémoire d'un ou plusieurs saints (près de 300 noms de saints ou groupes de saints, contre 24 dans le vieux lectionnaire arménien et aucun dans la description liturgique d'Égérie).

C'est à partir de l'invention des reliques d'Étienne en 415 que se développe le culte des saints, sur les bases de la liturgie stationnale primitive qui, comme le montre la description d'Égérie, était organisée uniquement autour des lieux bibliques. Juvénal, et Eudocie qui lui est contemporaine, s'en sont faits les plus importants propagateurs : une vingtaine de sanctuaires nouveaux peuvent être plus ou moins bien datés entre 430 et 460. Mais le moteur de cette expansion est le culte des reliques, dont la grande majorité provient de l'étranger. On compte une cinquantaine de groupes de reliques explicitement mentionnés, répartis dans une trentaine de lieux. Or les saints dont les reliques proviennent de Jérusalem même sont peu nombreux : le prophète Isaïe, et le groupe « Zacharie (postexilique), Siméon et Jacques ». S'ajoutent, pour la région limitrophe de Jérusalem, Étienne venant de Kfar Gimal, Zacharie (préexilique) venant d'Éleuthéropolis, le groupe Jean-Baptiste, Élisée, Abdias venant de Sébaste, peut-être Joseph patriarche venant de Sichem.

On peut ici de dresser la liste, non pas de tous les saints (ce serait la tâche d’un index du lectionnaire géorgien, travail qui est par ailleurs en cours de réalisation), mais de toutes les dates du sanctoral qui sont pourvues de lectures, avec un lien à la page du jour de l’année. Dans certains cas, après avoir lu les textes, on peut constater des mots communs aux lectures. Il semble que, conformément à un principe herméneutique que Jacob Mann a mis en évidence dans les homélies juives palestiniennes de la période byzantine[8], une lecture ne pouvait être choisie que si elle possédait un mot commun avec la péricope principale, à savoir pour le lectionnaire chrétien l’Évangile. Le principe n’est pas toujours vérifié mais quand il l’est, on peut présumer que le choix de la lecture remonte à une source judéo-chrétienne.

Il reste à examiner les homélies conservées sur la péricope évangélique pour voir si, comme dans les homélies juives, le mot qui sert de point de contact entre les lectures est aussi le mot sur lequel l’homélie était normalement faite.

Liste des dates pourvues de lectures

1er janvier 1er février 9 mars 18 avril 1er mai 3 juin 2 juillet 1er août 1er septembre 2 octobre 1er novembre 4 décembre
2 janvier 6 février 18 mars 19 avril 2 mai 4 juin 3 juillet 6 août 2 septembre 5 octobre 5 novembre 10 décembre
3 janvier 15 février 30 avril 5 mai 10 juin 15 juillet 13 août 3 septembre 8 octobre 9 novembre 20 décembre
4 janvier 18 février 7 mai 12 juin 18 juillet 15 août 4 septembre 9 octobre 10 novembre 21 décembre
11 janvier 8 mai 16 juin 26 juillet 20 août 8 septembre 12 octobre 14 novembre 23 décembre
17 janvier 9 mai 17 juin 27 juillet 21 août 11 septembre 13 octobre 15 novembre 26 décembre
18 janvier 17 mai 21 juin 30 juillet 22 août 13 septembre 15 octobre 20 novembre 27 décembre
19 janvier 22 mai 22 juin 24 août 14 septembre 17 octobre 21 novembre 28 décembre
22 janvier 25 mai 24 juin 25 août 15 septembre 18 octobre 23 novembre 29 décembre
27 janvier 26 mai 29 août 16 septembre 19 octobre 26 novembre 30 décembre
28 janvier 31 mai 30 août 17 septembre 20 octobre 27 novembre 31 décembre
29 janvier 18 septembre 23 octobre
31 janvier 19 septembre 24 octobre
20 septembre 27 octobre
26 septembre 29 octobre
27 septembre
29 septembre

À comparer sur Wikipédia anglais, une page recensant tous les saints provenant de Terre Sainte (en) ; à voir également et Liste de saints catholiques.

Note sur la répartition de la lecture des Évangiles

L'exemple d'Origène, qui à Césarée prêchait chaque matin à l'intention des candidats au baptême sur le texte de l'Écriture suivant celui qui avait été commenté la veille, suggère que, à Jérusalem également, à une époque relativement ancienne, un « didascale » comme Hésychius, commentait chaque jour, le matin, un texte de l'Écriture. De cet usage découle le principe que l'on voit à l'œuvre dans le lectionnaire : quand, pour la messe, un livre de la Bible est lu pendant une certaine période, comme l'Évangile de Jean durant le temps de Pâques par exemple, les péricopes se suivent dans l'ordre des chapitres de ce livre, même s'il y a souvent des passages omis. C'est le principe de ce qu'on appelle la lectio continua (ou Bahnlesung). On peut l'observer en particulier pour la lecture des Évangiles.

Ainsi, comme dans le rite byzantin actuel, le lectionnaire de Jérusalem conservé (respectivement no 742 et suivants, no 1693-1696, no 1427A, et no 1427B) montre qu'on lisait l'Évangile de Jean (Jn) pendant sept semaines après Pâques (y compris certains jours autres que les dimanches), l'Évangile de Matthieu (Mt.) pendant à peu près quinze dimanches après la Pentecôte (selon la date de Pâques), ensuite, mais là Jérusalem s'oppose à Byzance qui inverse les deux derniers, l'Évangile de Marc (Mc) pendant quatorze (ou quinze) dimanches après la fête de la Croix le et l'Évangile de Luc (Lc) pendant treize à dix-sept dimanches (selon la date du début du carême) après l'Épiphanie (y compris certains samedis pendant le temps de carême).

Cette répartition des Évangiles revient à diviser l'année en trois parties d'à peu près quinze semaines et une partie de sept semaines. En creusant un peu plus, on constate qu'il existe une célébration des Apôtres le septième dimanche après la Pentecôte (dimanche dit « d'Athénogène » dans la tradition géorgienne, de « Vardavar » dans la tradition arménienne). On connaît par ailleurs, dans la tradition liturgique syrienne orientale (ou assyrienne ou chaldéenne), une division de l'année liturgique en sept périodes de sept semaines, avec trois ou quatre semaines intercalaires[9]. Certains détails comme la fête du septième dimanche après la Pentecôte se retrouvent en Palestine byzantine et pointent vers une origine commune du cycle, qui pourrait avoir été l'Église judéo-chrétienne à la source des autres traces d'influence juive que nous avons notées (structure du carême, Encénies, 15 août, 25 décembre et son octave, etc.). En effet la division de l'année en périodes de cinquante jours se retrouve en partie dans le calendrier essénien, qui connaît une fête de type agricole le cinquantième jour après Pentecôte (shavou'ôt) et une autre cinquante jours plus tard, avec des offrandes successives du blé nouveau, du vin nouveau et de l'huile nouvelle (sans oublier à Pâques l'offrande de l'orge nouveau)[10]. Or c'est dans la tradition juive que le principe de la lectio continua (de la Torah en l'occurrence) est respecté de la manière la plus rigoureuse (encore dans la pratique juive actuelle). Le principe aurait donc été transposé aux Évangiles dans une communauté judéo-chrétienne (au IIIe s., date du diakonikon de la Sainte-Sion ?), sans doute d'abord, comme le suggère Origène à Césarée, pour la catéchèse matinale.

Sources

  • P. Maraval, Égérie. Journal de voyage (Itinéraire) – Valère du Bierzo. Lettre à la louange de la très bienheureuse Égérie (par M. C. Diaz y Diaz), (Sources chrétiennes, 296), Paris, 1982 (réimpr. 1997)
  • A. [C.] Renoux, [Le codex arménien Jérusalem 121, t. II]. Édition comparée du texte et de deux autres manuscripts, introduction, textes, traduction et notes, Patrologia Orientalis, 36 (1971), 141-390
  • M. Tarchnišvili, Le grand lectionnaire de l'Église de Jérusalem (VeVIIIe siècle), t.I (CSCO vol. 188, Scriptores iberici t. 9, texte ; vol. 189, Scriptores iberici t.10, version) & t.II, (CSCO vol. 204, Scriptores iberici t.13 texte ; vol. 205, Scriptores iberici t. 14, version), Louvain, 1959 & 1960
  • G. Garitte, Le calendrier palestino-géorgien du sinaiticus 34 (Xe siècle), (Subsidia hagiographica, 30), Bruxelles, 1958

Notes

  1. Les remarques de cette section sont discutées en détail dans deux publications de Stéphane Verhelst : Histoire ancienne de la durée du carême à Jérusalem, Questions liturgiques, 84 (2003), 23-50 ; et l'introduction à l'ouvrage cité note précédente.
  2. A. Papadopoulos-Kerameus, Analekta Hierosolumitikês Stachuologias, II, Saint-Pétersbourg, 1894, p. 1-254; voir le tableau comparatif (avec Égérie et le lectionnaire) de R. Zerfaß, Die Schriftlesung im Kathedraloffizium Jerusalems (LQF 48), Münster, 1968, p. 75-95.
  3. S. Janeras, Le Vendredi-Saint dans la tradition liturgique byzantine. Structure et histoire de ses offices (Studia anselmiana, 99), Rome, 1988, p. 51-95, en distinguant l’ordo sabaïte (p. 95-109).
  4. Selon une observation déjà faite par A. Baumstark, Die Sonntägliche Evangelienlesung im Vorbyzantinischen Jerusalem, Byz. Zeitschrift, 30 (1929-30), 350-359
  5. S. Verhelst, La place des prophètes dans le sanctoral de Jérusalem, Questions liturgiques, 84 (2003), 182-203, p. 203.
  6. Détails de cette question dans le livre de S. Verhelst, Les traditions judéo-chrétiennes dans la liturgie de Jérusalem, spécialement la Liturgie de saint Jacques frère de Dieu (Textes et études liturgiques. Studies in Liturgy, 18), Louvain (Leuven), 2003, p. 172-174.
  7. Selon un argument développé en même temps mais séparément (?) par E.D. HUNT, Constantine and Jerusalem, Jour. Eccl. Hist. 48 (1997), 405-423, p. 420-421 et M.F. FRASER, Constantine and the Encaenia, Studia Patristica, 29 (1997), 25-28
  8. J. Mann, The Bible as read and preached in the old Synagogue, 1, 1940 (1971), p. 10)
  9. Éléments dans J. Mateos, Lelya-Sapra. Les offices chaldéens de la nuit et du matin (OCA 156), 1re éd. 1959, Rome, 1972, p. 14-16.
  10. Y. Yadin, The Temple Scroll, I, Jérusalem, 1983, p. 99-124.