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===Le camps de Soltau===
'''LE CAMP DE SOLTAU'''


La Belgique est envahie par l'Allemagne en août 1914...
La [[Belgique]] est envahie par l'Allemagne en août 1914 et occupée sauf dans la petite portion du territoire située au-delà de l'[[Yser]] qui résiste.
L'été est magnifique. La Belgique va rapidement être occupée sauf dans la petite portion du territoire située au-delà de l'Yser qui résiste.


Rapidement en Belgique occupée, les Allemands exigent qu'un certain nombre de belges travaillent pour eux de manière "volontaire".
Rapidement en Belgique occupée, les Allemands exigent qu'un certain nombre de Belges travaillent pour eux de manière "volontaire".
Réfractaires au travail obligatoire pour les Allemands ( et notammant à l'engagement pour travailler dans les chemin de fer sur les convois allemands ) de nombreux belges refusent de signer un engagement volontaire.
Réfractaires au travail obligatoire pour les Allemands (et notamment à l'engagement pour travailler dans les chemin de fer sur les convois allemands) de nombreux Belges refusent de signer un engagement volontaire.


Au titre de représailles un certain nombre de jeunes villageois de '''Marcq-lez-Enghien''' ( une dizaine, tous enterrés au cimetière Saint-Martin dans la pelouse d'honneur ) sont déportés en Allemagne comme travailleurs forcés à Soltau près de Hambourg où ils resteront prisonniers plusieurs années.
Au titre de représailles un certain nombre de jeunes villageois de [[Marcq-lez-Enghien]] (une dizaine, tous enterrés au cimetière Saint-Martin dans la pelouse d'honneur) sont déportés en Allemagne comme travailleurs forcés à [[Soltau]] près de [[Hambourg]] où ils resteront prisonniers plusieurs années.
Le plus gros contingent venait cependant de la ville de Soignies.
Le plus gros contingent venait cependant de la ville de [[Soignies]].


Le voyage se passe dans des wagons à bestiaux.
Le voyage se passe dans des wagons à bestiaux.
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De là à pied, ils se rendent au camp construit par les soldats belges prisonniers dans une zone marécageuse avoisinante.
De là à pied, ils se rendent au camp construit par les soldats belges prisonniers dans une zone marécageuse avoisinante.


====Soltau, le camp des Belges====




Quant au camp de Soltau, il s'agissait là d'un véritable camp de concentration. Situé à environ 80 km de Hanovre, à l'est de [[Brême]] (''Bremen'') et au sud de Hambourg, dans le Land de Basse-Saxe, il est construit dans les marais de Lüneburg, et disposé en baraquements entourés de miradors et de barbelés. Il s'agissait du principal camp de 'représailles' de la zone c'est-à-dire d'un camp situé à proximité d'une zone de feu ou dans une zone géographique aux conditions réputées difficiles.
'''SOLTAU, LE CAMP DES BELGES''' :


Quant au camp de Soltau, il s'agissait là d'un véritable camp de concentration. Situé à environ 80 km de Hanovre, à l'est de '''Brême ( Bremen )''' et au sud de Hambourg, dans le Land de Basse-Saxe, il est construit dans les marais de Lüneburg, et disposé en baraquements entourés de miradors et de barbelés. Il s'agissait du principal camp de 'représailles' de la zone c'est-à-dire d'un camp situé à proximité d'une zone de feu ou dans une zone géographique aux conditions réputées difficiles.
Ce camp dépendait du commando d'Ostenholz.
Ce camp dépendait du commando d'Ostenholz.


'''Au total il y avait à l'époque 534 camps en Allemagne dont entre 120 et 150 considérés comme camps principaux. Le camp de Soltau était aussi appelé le"camp des belges".'''
Au total il y avait à l'époque 534 camps en Allemagne dont entre 120 et 150 considérés comme camps principaux. Le camp de Soltau était aussi appelé le ''camp des Belges''.


Il avait en effet été construit au départ par les soldats belges faits prisonniers eux-mêmes dès le début 1914. Il y existait une importante bibliothèque avec des ouvrages en français et en flamand. Y étaient internés essentiellement des Belges et des Français, civils et soldats ( pour les français, ceux de la région du Xème corps d'armée ) mais aussi des Russes qui y étaient plus malheureux car totalement coupés de leur pays, ne recevant ni courrier ni colis et enfin une série d'autres nationalités ( des zouaves, des tirailleurs sénégalais.. etc.)
Il avait en effet été construit au départ par les soldats belges faits prisonniers eux-mêmes dès le début 1914. Il y existait une importante bibliothèque avec des ouvrages en français et en flamand. Y étaient internés essentiellement des Belges et des Français, civils et soldats (pour les Français, ceux de la région du Xe corps d'armée) mais aussi des Russes qui y étaient plus malheureux car totalement coupés de leur pays, ne recevant ni courrier ni colis et enfin une série d'autres nationalités (des [[zouave]]s, des tirailleurs sénégalais, etc.)
Dans les baraquements du camp, les prisonniers logeaient à 120.
Dans les baraquements du camp, les prisonniers logeaient à 120.
L'hygiène déficiente nécessitait un épouillage régulier. De 5 à 10 prisonniers décédaient chaque jour à Soltau.
L'hygiène déficiente nécessitait un épouillage régulier. De 5 à 10 prisonniers décédaient chaque jour à Soltau.
Pour le reste, l'organisation était semblable à celle de tous les autres camps : corvée de latrine, de cuisine, de nettoyage, de menuiserie ( pour la réalisation de cercueils notamment...). Le courrier censuré à plusieurs niveaux n'arrivait pas toujours à destination. Parfois des séances obligatoires de courrier à destination des familles de prisonniers sont organisées par les allemands. Le soir le couvre-feu est imposé. La vie du camp s'organise : un théâtre, un orchestre sont constitués.
Pour le reste, l'organisation était semblable à celle de tous les autres camps : corvée de latrine, de cuisine, de nettoyage, de menuiserie (pour la réalisation de cercueils notamment...). Le courrier censuré à plusieurs niveaux n'arrivait pas toujours à destination. Parfois des séances obligatoires de courrier à destination des familles de prisonniers sont organisées par les Allemands. Le soir le couvre-feu est imposé. La vie du camp s'organise : un théâtre, un orchestre sont constitués.
Les Allemands prennent des photos qu'ils revendent aux prisonniers pour les envoyer aux familles.
Les Allemands prennent des photos qu'ils revendent aux prisonniers pour les envoyer aux familles.


Beaucoup d'archives de famille de l'époque ( photos, lettres ...etc.) ont malheureusement disparus. Y figuraient notamment des chansons venues de Soltau...comme celles ci-dessous.
Beaucoup d'archives de famille de l'époque (photos, lettres, etc.) ont malheureusement disparus. Y figuraient notamment des chansons venues de Soltau...comme celles ci-dessous.




Un des prisonniers '''Jules Vanliefferinghen''' parlait souvent d'une cage au centre du camp de Soltau où étaient enfermés des prisonniers dont un russe devenu fou et qui menaçait les autres prisonniers d'un balai qu'il prenait pour un fusil. Il se souvenait également d'un compagnon de chambrée sonégien, horloger de son état, obligés de travailler la terre avec les autres et dont les mains étaient en sang... Il avait beau proclamer son état d'horloger, rien n'y faisait. Les sévices et les brutalités étaient monnaie courante : les prisonniers étaient obligés de prendre une couverture pour se ceindre les reins afin d'amortir les coups de crosse qui pleuvaient.
Un des prisonniers Jules Vanliefferinghen parlait souvent d'une cage au centre du camp de Soltau où étaient enfermés des prisonniers dont un russe devenu fou et qui menaçait les autres prisonniers d'un balai qu'il prenait pour un fusil. Il se souvenait également d'un compagnon de chambrée sonégien, horloger de son état, obligés de travailler la terre avec les autres et dont les mains étaient en sang... Il avait beau proclamer son état d'horloger, rien n'y faisait. Les sévices et les brutalités étaient monnaie courante : les prisonniers étaient obligés de prendre une couverture pour se ceindre les reins afin d'amortir les coups de crosse qui pleuvaient.
La discipline du camp était très stricte. La punition courante est le "poteau" : l'homme puni est attaché par le cou, pieds et mains liés derrière le pieu, et est privé de nourriture. Il reste ainsi attaché pendant deux heures.
La discipline du camp était très stricte. La punition courante est le "poteau" : l'homme puni est attaché par le cou, pieds et mains liés derrière le pieu, et est privé de nourriture. Il reste ainsi attaché pendant deux heures.
La seule obligation quotidienne des prisonniers est un travail obligatoire et parfois illusoire : retourner la terre et bêcher à longueur de journée dans les marais pour les assécher.
La seule obligation quotidienne des prisonniers est un travail obligatoire et parfois illusoire : retourner la terre et bêcher à longueur de journée dans les marais pour les assécher.


La nourriture était rationnée et de mauvaise qualité : le pain était à portion congrue. Les prisonniers devaient tirer au sort pour savoir à qui attribuer les tartines du milieu du pain, plus grandes ( pains ronds ) que celles de la périphérie. Il y avait bien sûr carence en protéines et nombreux sont les prisonniers qui moururent de dénutrition et de maladies intercurrentes. Jules Vanliefferinghen avait toujours été sensible de la gorge : il fit des angines à répétition et un total d'une dizaine d'abcès amygdalien qui étaient percés par le médecin du camp au lazaret et traité par de la glace, en l'absence bien entendu d'antibiotiques. ( En Belgique au contraire à l'époque, les abcès de la gorge étaient plutôt traités par des cataplasmes de lin chauds ).
La nourriture était rationnée et de mauvaise qualité : le pain était à portion congrue. Les prisonniers devaient tirer au sort pour savoir à qui attribuer les tartines du milieu du pain, plus grandes (pains ronds) que celles de la périphérie. Il y avait bien sûr carence en protéines et nombreux sont les prisonniers qui moururent de dénutrition et de maladies intercurrentes. Jules Vanliefferinghen avait toujours été sensible de la gorge : il fit des angines à répétition et un total d'une dizaine d'[[abcès amygdalien]]s qui étaient percés par le médecin du camp au lazaret et traité par de la glace, en l'absence bien entendu d'antibiotiques. (En Belgique au contraire à l'époque, les abcès de la gorge étaient plutôt traités par des cataplasmes de lin chauds).


Un documentaire existe concernant ce camp : '''"Soltau, 1914 - 1918" ( inédits RTBF 5 octobre 2001 ).'''
Un documentaire existe concernant ce camp : ''Soltau, 1914 - 1918'' (inédits RTBF 5 octobre 2001).
Le commentaire journalistique dit ce qui suit : ''" Un camp de prisonniers construit par les soldats belges envoyés là-bas en captivité après l'offensive allemande de 1914. Pour passer le temps les soldats allemands photographient les prisonniers de guerre, la construction des baraquements, le lazaret, la poste, le barbier, la vie du camp. Moyennant quelques services, les soldats détenus étaient autorisés à envoyer ces documents à leur famille. Un étonnant album de photos conservé précieusement au sein d'une famille"'' ( i.e. la '''famille Pletinckx d'Uccle''' ).
Le commentaire journalistique dit ce qui suit : " Un camp de prisonniers construit par les soldats belges envoyés là-bas en captivité après l'offensive allemande de 1914. Pour passer le temps les soldats allemands photographient les prisonniers de guerre, la construction des baraquements, le lazaret, la poste, le barbier, la vie du camp. Moyennant quelques services, les soldats détenus étaient autorisés à envoyer ces documents à leur famille. Un étonnant album de photos conservé précieusement au sein d'une famille'' ( i.e. la ''famille Pletinckx d'Uccle'' ).
Comme tous ses camarades de déportation, Jules Vanliefferinghen reviendra en novembre 1918. Il a alors 33 ans et est très amaigri, présentant un véritable kwashiorkor ( déficit protéinique chronique ). Son oedème était si marqué qu'on dut couper son pantalon et scier ses sabots pour les extraire. Le médecin consulté par la famille à son retour au pays vu son état alarmant lui prescrit le repos et la diète avec une réalimentation très progressive.
Comme tous ses camarades de déportation, Jules Vanliefferinghen reviendra en novembre 1918. Il a alors 33 ans et est très amaigri, présentant un véritable [[kwashiorkor]] (déficit protéinique chronique). Son oedème était si marqué qu'on dut couper son pantalon et scier ses sabots pour les extraire. Le médecin consulté par la famille à son retour au pays vu son état alarmant lui prescrit le repos et la diète avec une réalimentation très progressive.


Beaucoup de ses compagnons de déportation meurent rapidement après la fin de la guerre ( dénutrition et grippe espagnole en 1919 ). Lui se remet progressivement de ses privations en se réalimentant petit à petit.
Beaucoup de ses compagnons de déportation meurent rapidement après la fin de la guerre (dénutrition et grippe espagnole en 1919). Lui se remet progressivement de ses privations en se réalimentant petit à petit.
Il restera cependant toujours particulièrement maigre par la suite mais ses privations ne l'empêchèrent pas d'atteindre un état avancé.
Il restera cependant toujours particulièrement maigre par la suite mais ses privations ne l'empêchèrent pas d'atteindre un état avancé.


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Les souvenirs d'un autre compagnon de déportation, Georges Tondeur, ont eux été conservés et publiés en wallo-picard hennuyer, sous la forme d'une pièce en vers intitulée :
Les souvenirs d'un autre compagnon de déportation, Georges Tondeur, ont eux été conservés et publiés en wallo-picard hennuyer, sous la forme d'une pièce en vers intitulée :


'''" SOLTAU ! "'''avec comme sous-titre
''SOLTAU !''avec comme sous-titre : ''La mort dans un camp de travail en Allemagne pendant la première guerre mondiale.''
'''" La mort dans un camp de travail en Allemagne pendant la première guerre mondiale".'''


'''SOLTAU !'''
'''SOLTAU !'''
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''par '''G. Tondeur''' ''
''par '''G. Tondeur''' ''


extrait de'' '''" Recueil de poésies wallonnes" Bruxelles, Lorie, 1937, 48-50'''
extrait de'' '''" Recueil de poésies wallonnes" Bruxelles, Lorie, 1937, p. 48-50'''




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Les Allemands emmènent en Prusse des ouvriers forcés de contribuer à l'effort de guerre. Des milliers de belges et surtout d'hennuyers font partie du convoi. A '''Soignies''', il y a d'ailleurs une "rue des martyrs de Soltau". Le camp comportait 20.000 prisonniers dont pas moins de 842 sonégiens dont 35 seront exécutés et martyrisés sur place !
Les Allemands emmènent en Prusse des ouvriers forcés de contribuer à l'effort de guerre. Des milliers de belges et surtout d'hennuyers font partie du convoi. A Soignies, il y a d'ailleurs une "rue des martyrs de Soltau". Le camp comportait 20.000 prisonniers dont pas moins de 842 Sonégiens dont 35 seront exécutés et martyrisés sur place !
La pièce ci-après décrit les terribles conditions de vie qu'ils endurent, une fois dans le camp de travail.
La pièce ci-après décrit les terribles conditions de vie qu'ils endurent, une fois dans le camp de travail.
Malheur à celui qui proteste.... Il est fouetté, exposé jour et nuit au froid, lié à un piquet.
Malheur à celui qui proteste... Il est fouetté, exposé jour et nuit au froid, lié à un piquet.
Les prisonniers en arrivent à se battre "comme des bêtes enragées" quand il faut, pour survivre, s'emparer d'un "trognon moisi", d'un "poisson avancé".
Les prisonniers en arrivent à se battre "comme des bêtes enragées" quand il faut, pour survivre, s'emparer d'un "trognon moisi", d'un "poisson avancé".


Un chaudronnier de '''Braine-le-Comte''' dont le fils combat sur l'Yser, se montre le plus récalcitrant et est mis au cachot. Après plusieurs semaines d'un régime particulièrement sévère, "plein de poux, plein de puces, couvert d'ordures", il tombe malade. L'occupant, sentant "qu'il était tout à la dernière", le fait porter sur un lit. Le vieil ouvrier, déporté en Allemagne, va mourir au camp de Soltau, victime des mauvais traitements de ses bourreaux...
Un chaudronnier de [[Braine-le-Comte]] dont le fils combat sur l'Yser, se montre le plus récalcitrant et est mis au cachot. Après plusieurs semaines d'un régime particulièrement sévère, "plein de poux, plein de puces, couvert d'ordures", il tombe malade. L'occupant, sentant "qu'il était tout à la dernière", le fait porter sur un lit. Le vieil ouvrier, déporté en Allemagne, va mourir au camp de Soltau, victime des mauvais traitements de ses bourreaux...





Version du 16 septembre 2005 à 07:01

Le camps de Soltau

La Belgique est envahie par l'Allemagne en août 1914 et occupée sauf dans la petite portion du territoire située au-delà de l'Yser qui résiste.

Rapidement en Belgique occupée, les Allemands exigent qu'un certain nombre de Belges travaillent pour eux de manière "volontaire". Réfractaires au travail obligatoire pour les Allemands (et notamment à l'engagement pour travailler dans les chemin de fer sur les convois allemands) de nombreux Belges refusent de signer un engagement volontaire.

Au titre de représailles un certain nombre de jeunes villageois de Marcq-lez-Enghien (une dizaine, tous enterrés au cimetière Saint-Martin dans la pelouse d'honneur) sont déportés en Allemagne comme travailleurs forcés à Soltau près de Hambourg où ils resteront prisonniers plusieurs années. Le plus gros contingent venait cependant de la ville de Soignies.

Le voyage se passe dans des wagons à bestiaux. Le départ a lieu sous bonne escorte à la gare d'Enghien. Après quelques jours de voyage, entassés dans ces wagons , ils arrivent dans le village de Soltau. De là à pied, ils se rendent au camp construit par les soldats belges prisonniers dans une zone marécageuse avoisinante.

Soltau, le camp des Belges

Quant au camp de Soltau, il s'agissait là d'un véritable camp de concentration. Situé à environ 80 km de Hanovre, à l'est de Brême (Bremen) et au sud de Hambourg, dans le Land de Basse-Saxe, il est construit dans les marais de Lüneburg, et disposé en baraquements entourés de miradors et de barbelés. Il s'agissait du principal camp de 'représailles' de la zone c'est-à-dire d'un camp situé à proximité d'une zone de feu ou dans une zone géographique aux conditions réputées difficiles. Ce camp dépendait du commando d'Ostenholz.

Au total il y avait à l'époque 534 camps en Allemagne dont entre 120 et 150 considérés comme camps principaux. Le camp de Soltau était aussi appelé le camp des Belges.

Il avait en effet été construit au départ par les soldats belges faits prisonniers eux-mêmes dès le début 1914. Il y existait une importante bibliothèque avec des ouvrages en français et en flamand. Y étaient internés essentiellement des Belges et des Français, civils et soldats (pour les Français, ceux de la région du Xe corps d'armée) mais aussi des Russes qui y étaient plus malheureux car totalement coupés de leur pays, ne recevant ni courrier ni colis et enfin une série d'autres nationalités (des zouaves, des tirailleurs sénégalais, etc.)

Dans les baraquements du camp, les prisonniers logeaient à 120. L'hygiène déficiente nécessitait un épouillage régulier. De 5 à 10 prisonniers décédaient chaque jour à Soltau. Pour le reste, l'organisation était semblable à celle de tous les autres camps : corvée de latrine, de cuisine, de nettoyage, de menuiserie (pour la réalisation de cercueils notamment...). Le courrier censuré à plusieurs niveaux n'arrivait pas toujours à destination. Parfois des séances obligatoires de courrier à destination des familles de prisonniers sont organisées par les Allemands. Le soir le couvre-feu est imposé. La vie du camp s'organise : un théâtre, un orchestre sont constitués. Les Allemands prennent des photos qu'ils revendent aux prisonniers pour les envoyer aux familles.

Beaucoup d'archives de famille de l'époque (photos, lettres, etc.) ont malheureusement disparus. Y figuraient notamment des chansons venues de Soltau...comme celles ci-dessous.


Un des prisonniers Jules Vanliefferinghen parlait souvent d'une cage au centre du camp de Soltau où étaient enfermés des prisonniers dont un russe devenu fou et qui menaçait les autres prisonniers d'un balai qu'il prenait pour un fusil. Il se souvenait également d'un compagnon de chambrée sonégien, horloger de son état, obligés de travailler la terre avec les autres et dont les mains étaient en sang... Il avait beau proclamer son état d'horloger, rien n'y faisait. Les sévices et les brutalités étaient monnaie courante : les prisonniers étaient obligés de prendre une couverture pour se ceindre les reins afin d'amortir les coups de crosse qui pleuvaient. La discipline du camp était très stricte. La punition courante est le "poteau" : l'homme puni est attaché par le cou, pieds et mains liés derrière le pieu, et est privé de nourriture. Il reste ainsi attaché pendant deux heures. La seule obligation quotidienne des prisonniers est un travail obligatoire et parfois illusoire : retourner la terre et bêcher à longueur de journée dans les marais pour les assécher.

La nourriture était rationnée et de mauvaise qualité : le pain était à portion congrue. Les prisonniers devaient tirer au sort pour savoir à qui attribuer les tartines du milieu du pain, plus grandes (pains ronds) que celles de la périphérie. Il y avait bien sûr carence en protéines et nombreux sont les prisonniers qui moururent de dénutrition et de maladies intercurrentes. Jules Vanliefferinghen avait toujours été sensible de la gorge : il fit des angines à répétition et un total d'une dizaine d'abcès amygdaliens qui étaient percés par le médecin du camp au lazaret et traité par de la glace, en l'absence bien entendu d'antibiotiques. (En Belgique au contraire à l'époque, les abcès de la gorge étaient plutôt traités par des cataplasmes de lin chauds).

Un documentaire existe concernant ce camp : Soltau, 1914 - 1918 (inédits RTBF 5 octobre 2001). Le commentaire journalistique dit ce qui suit : " Un camp de prisonniers construit par les soldats belges envoyés là-bas en captivité après l'offensive allemande de 1914. Pour passer le temps les soldats allemands photographient les prisonniers de guerre, la construction des baraquements, le lazaret, la poste, le barbier, la vie du camp. Moyennant quelques services, les soldats détenus étaient autorisés à envoyer ces documents à leur famille. Un étonnant album de photos conservé précieusement au sein d'une famille ( i.e. la famille Pletinckx d'Uccle ).

Comme tous ses camarades de déportation, Jules Vanliefferinghen reviendra en novembre 1918. Il a alors 33 ans et est très amaigri, présentant un véritable kwashiorkor (déficit protéinique chronique). Son oedème était si marqué qu'on dut couper son pantalon et scier ses sabots pour les extraire. Le médecin consulté par la famille à son retour au pays vu son état alarmant lui prescrit le repos et la diète avec une réalimentation très progressive.

Beaucoup de ses compagnons de déportation meurent rapidement après la fin de la guerre (dénutrition et grippe espagnole en 1919). Lui se remet progressivement de ses privations en se réalimentant petit à petit. Il restera cependant toujours particulièrement maigre par la suite mais ses privations ne l'empêchèrent pas d'atteindre un état avancé.


Les souvenirs d'un autre compagnon de déportation, Georges Tondeur, ont eux été conservés et publiés en wallo-picard hennuyer, sous la forme d'une pièce en vers intitulée :

SOLTAU !avec comme sous-titre : La mort dans un camp de travail en Allemagne pendant la première guerre mondiale.

   SOLTAU !
      par G. Tondeur 
      extrait de " Recueil de poésies wallonnes" Bruxelles, Lorie, 1937, p. 48-50 


    Al mémoire des dèportés 

Soltau! Pa-yi des môrts, pa-yi des condamnés! Pa-yi qu'on voû dè d'lon comme in grand, grand cimetiére! Pa-yi usqu'on a fait indurer tant d' nos fréres! Pa-yi d'infier! Pa-yi qu'on n'oublîra jamais! C'est oû 'l neuf dè novembe mil neuf cint seize. Tout 'l nûte on avoû sté dessu dès cautès braises; Tout 'l nûte on avou brai, brai qu'on n'in povoû pu, et on avoû compté les heures. El djoû stoû vnu. El ciel estoû tout gris, tout rimpli d' noirès taques, iet 'l pleuve queyoû, toute foide, faisant des grandès flaques au mitan dou pavé.

On veyoû del lumiére asteur pa tous costés, al ville, din l'z alintours et bî lon s'qu'au vilâdje, pasqu'i daloû iette l'heure usquè, din chaque mein-nâdge, les hommes dali-ntè dîre arvoir, tout in brayant, l'uny à 's mére, l'aute à 's feme et à ses petits èfants. (...) tous les hommes dali-ntè iette prîs pa les Almands, pauves comme riches, vieils comme djon-nes, malâdes comme bî portants.


Les Allemands emmènent en Prusse des ouvriers forcés de contribuer à l'effort de guerre. Des milliers de belges et surtout d'hennuyers font partie du convoi. A Soignies, il y a d'ailleurs une "rue des martyrs de Soltau". Le camp comportait 20.000 prisonniers dont pas moins de 842 Sonégiens dont 35 seront exécutés et martyrisés sur place ! La pièce ci-après décrit les terribles conditions de vie qu'ils endurent, une fois dans le camp de travail. Malheur à celui qui proteste... Il est fouetté, exposé jour et nuit au froid, lié à un piquet. Les prisonniers en arrivent à se battre "comme des bêtes enragées" quand il faut, pour survivre, s'emparer d'un "trognon moisi", d'un "poisson avancé".

Un chaudronnier de Braine-le-Comte dont le fils combat sur l'Yser, se montre le plus récalcitrant et est mis au cachot. Après plusieurs semaines d'un régime particulièrement sévère, "plein de poux, plein de puces, couvert d'ordures", il tombe malade. L'occupant, sentant "qu'il était tout à la dernière", le fait porter sur un lit. Le vieil ouvrier, déporté en Allemagne, va mourir au camp de Soltau, victime des mauvais traitements de ses bourreaux...


Avant d' mori, l'homme a dmandé à rvîr un d' ses vîs camarâdes, iuny qui avoû din 'l temps trava-yî din 's brigâde; et quand il a ieu vu 's vî compagnon, quand il a intindu qu'i 'l'apéloû pa 's nom, mon Dieu, mon Dieu, çou qu'el pauvre homme s'a mîs à braire, oubliant ses malheurs, oubliant ses miséres, oubliant tout çou qu'il avoû soufri, et ça, pasqu'i d'avoû iun d' Braine à costé d'li; et à 'l vîr si faïé, si tème et si malâde, es camarâde navoû seu s'ertèni, si bî q'les malheureux brayi-ntè tous les deux. Au d'bout d'in ptit moumint, quand l'homme a seu s'ermette, dè dzou 's païasse il a saquî 'n tcharpette, ene tcharpette toute usée, qui n'avoû pu d' taïant, qu'ès feme - metnant dvant Dieu - li avoû dné din 'l temps. Après, ça sté 's saclo au toubac, ène vessée toute plate et toute ratatinée, avû in bia blanc scafotoû. - C'estoû les deux affaires qu'i li dmoroû - - "Djoseph, dist-i adon, d'n'ai pu laumint à vîve: " dji sin bî què d'm'in va tout doucemint; 'm n'heure arrîve. " Vla 'm vessée, vla 'm tcharpette... vos les dnrez à 'm garçon, " quand i rvéra pu tard à no maison. " Vos l' rimbrasserez pour mi... in li dzant qu'ès pauve pére " est môrt ci à Soltau... môrt dè fam... et d' misére... " mins qu'il a fait 's dèvoir: qu'i s'a layî mori, " putôt què d' trava-yî conte ès pa-yi... " Ah! qui c' qu'èroû pinsé què d' mourroû si lon d' Braine!... " Min vla què d'voû tout troûbe... què di dvî coûrt d'haleine... " Vos mans, Djoseph!... donnez-me vos mans... Là, comme i faut " Mètnant dvisez-me dè Braine... parlez-me in tout ptit pau " du temps passé... parlez-me dè no djon-nesse.. " Di sin què d'va mori... sèra là 'm derniére fiesse..." Et comme on pâle à n'in èfant, pou 'l l'indormi in 'l l'amusant, tout doucemint, tout doucemint, in 's forçant pou 'n nî braire, Djoseph a raconté tous les vieillès affaires dè leu djon-ne temps, quand, tout gamins, is couri-nte à chabots tout 'l long des qmins, quand is cachi-nte à nids, qu'is dali-nte à nogettes lauvau invî 'l Roquette; quand is dali-nte à puns su 'l grand pachî Bourbecq et qu'is pèti-ntè vwé, pourcachîs squ'à Scaubecq; quand is parti-nte in binde, bî lon, au bo d' l'Houssiére pou mindgî des meumeures autour del sabloniére; quand is dali-nté fai d'z astanques au Richercha et qu'el varlet Rimbaux les rmènoû à bègna; quand is dali-ntè fai des couyonnes su les diques, et imbéter Machére devin 's pètite boutique... Et Djoseph racontoû et racontoû toudi... pindant qu'el pauve malâde èn faisoû pu q'djumi. Il avoû clô ses îs tout rinfoncés din 's tiette, et il avoû ouvri ses deux léves ène mîyette comme iun qui va dormi; à 'l vîr on èroû dit in innocint qui réve... et qui voû 'l paradis... I 'n boudjoû pu nî 'n mîle... I s'in daloû comme ène lampe qui 's destein faute d'huîle... Et i s'a indormi tout doucemint pou du bon, comme l'infant qui s'indôrt in ascoutant 'n canson. (...)

images encore à ajouter :

Figure 1. Jules Vanliefferinghen après Soltau Figure 2. Entrée du camp de concentration de Soltau en 1915 Figure 3. Camps allemands 14-18 Soltau est situé au sud de Hambourg, à l’est de Brême Figure 4. Prisonnier battu à Soltau

Lien vers histoire de Belgique.