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« Base sous-marine de Lorient » : différence entre les versions

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Elle est construite entre [[1941]] et [[1944]] et est alors destinée à abriter les [[2. Unterseebootsflottille|2{{e}}]] et [[10. Unterseebootsflottille|10{{e}} flottilles de U-boote]] de la [[Kriegsmarine]], tout en s'inscrivant dans le dispositif du [[mur de l'Atlantique]]. La base est récupérée par la [[Marine Nationale]] après le conflit, et est utilisée jusqu'en [[1997]] comme base de [[sous-marins]]. Elle est aussi utilisée pour le développement du programme de [[SNLE]] français, et pour la création de constructions navales à base de [[matériaux composites]]. Depuis cette date, le site est employé pour des activités civiles dont le pôle d'activité est centré sur le domaine maritime.
Elle est construite entre [[1941]] et [[1944]] et est alors destinée à abriter les [[2. Unterseebootsflottille|2{{e}}]] et [[10. Unterseebootsflottille|10{{e}} flottilles de U-boote]] de la [[Kriegsmarine]], tout en s'inscrivant dans le dispositif du [[mur de l'Atlantique]]. La base est récupérée par la [[Marine Nationale]] après le conflit, et est utilisée jusqu'en [[1997]] comme base de [[sous-marins]]. Elle est aussi utilisée pour le développement du programme de [[SNLE]] français, et pour la création de constructions navales à base de [[matériaux composites]]. Depuis cette date, le site est employé pour des activités civiles dont le pôle d'activité est centré sur le domaine maritime.


Le complexe est composé de trois bunkers, Keroman I, II, et III, ainsi que de deux dom bunker situés dans l'espace du port de pêche, et d'un bunker situé à [[Lanester]] sur les rive du [[Scorff]]. Le tout a nécessité le travail de {{formatnum:15000}} personnes, et le coulage de près d'un million de mètres cubes de béton.
Le complexe est composé de trois bunkers, Keroman I, II et III ainsi que de deux dom bunker situés dans l'espace du port de pêche, et d'un bunker situé à [[Lanester]] sur les rive du [[Scorff]]. Le tout a nécessité le travail de {{formatnum:15000}} personnes, et le coulage de près d'un million de mètres cubes de béton.


==Histoire==
==Histoire==
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La ville de Lorient s'est développée depuis l'implantation de la [[compagnie française des Indes orientales]] en [[1666]], et ses ports ont connu plusieurs modernisations successives. Son arsenal est équipé d'une cale couverte et d'une [[forme de radoub]] en [[1825]], et cette dernière est agrandie et accompagnée d'une seconde [[forme de radoub]] en [[1862]]. À la même époque sort de ses chantiers la première frégate intégralement cuirassée, [[La Couronne (navire français)|La Couronne]]<ref name="Abrégé d'histoire de Lorient">Louis Chaumeil, ''[http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391x_1939_num_46_1_1788 « Abrégé d'histoire de Lorient de la fondation (1666) à nos jours (1939) »]'', Annales de Bretagne, Tome 46, numéro 1-2, 1939, {{pp.|66-87}}, consulté sur www.persee.fr le 3 juin 2011</ref>. Dans les [[années 1920]], l'ingénieur Henri Verrière développe l'actuel port de pêche de Keroman en le dotant d'un équipement moderne<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P112">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=112}}</ref>. Le [[slipway]] est ainsi inauguré en [[1927]]<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=12}}</ref>. À l'époque, Verrière prévoit de prolonger ce port vers la presqu'île de Keroman en y construisant de nouveaux quais, ainsi que des usines de transformation du poisson<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P112"/>.
La ville de Lorient s'est développée depuis l'implantation de la [[compagnie française des Indes orientales]] en [[1666]], et ses ports ont connu plusieurs modernisations successives. Son arsenal est équipé d'une cale couverte et d'une [[forme de radoub]] en [[1825]], et cette dernière est agrandie et accompagnée d'une seconde [[forme de radoub]] en [[1862]]. À la même époque sort de ses chantiers la première frégate intégralement cuirassée, [[La Couronne (navire français)|La Couronne]]<ref name="Abrégé d'histoire de Lorient">Louis Chaumeil, ''[http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/abpo_0003-391x_1939_num_46_1_1788 « Abrégé d'histoire de Lorient de la fondation (1666) à nos jours (1939) »]'', Annales de Bretagne, Tome 46, numéro 1-2, 1939, {{pp.|66-87}}, consulté sur www.persee.fr le 3 juin 2011</ref>. Dans les [[années 1920]], l'ingénieur Henri Verrière développe l'actuel port de pêche de Keroman en le dotant d'un équipement moderne<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P112">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=112}}</ref>. Le [[slipway]] est ainsi inauguré en [[1927]]<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=12}}</ref>. À l'époque, Verrière prévoit de prolonger ce port vers la presqu'île de Keroman en y construisant de nouveaux quais, ainsi que des usines de transformation du poisson<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P112"/>.


La ville recouvre son statut de [[préfecture maritime]] par un décret du {{date|20|mai|1939}}, et dispose avant le début de la guerre d'une garnison de près de {{formatnum:5600}} marins et d'un arsenal militaire employant quelques {{formatnum:5000}} ouvriers, pour une population de l'agglomération de {{formatnum:60000}} habitants<ref name="Abrégé d'histoire de Lorient"/>. La ville de Lorient sert de base de repli face à l'avancée allemande en {{date||juin|1940}}. L'or des banques nationales belge et polonaise est évacué par son port les 17 et {{date|18|juin|1940}}. Le même jour, l'[[amiral Darlan]], alors replié à [[Bordeaux]], ordonne aux forces locales de résister à l'avancée allemande<ref>{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=12}}</ref>. Le vice-amiral [[Hervé de Penfentenyo|Penfentenyo]] qui est en charge de la ville applique la [[politique de la terre brûlée]] : les cuves de mazout des ports de la ville sont incendiées, les munitions sont noyées dans la rade, et les portes des [[bassin de radoub|bassins de radoub]] de l'arsenal sont dynamitées. Le {{date|21|juin|1940}}, les troupes allemandes qui se sont regroupées à [[Quimperlé]] attaquent à [[Guidel]]. La ville de Lorient tombe le même jour<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P14">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=14}}</ref>.
La ville recouvre son statut de [[préfecture maritime]] par un décret du {{date|20|mai|1939}}, et dispose avant le début de la guerre d'une garnison de près de {{formatnum:5600}} marins et d'un arsenal militaire employant quelques {{formatnum:5000}} ouvriers, pour une population de l'agglomération de {{formatnum:60000}} habitants<ref name="Abrégé d'histoire de Lorient"/>. La ville de Lorient sert de base de repli face à l'avancée allemande en {{date||juin|1940}}. L'or des banques nationales Belge et Polonaise est évacué par son port les 17 et {{date|18|juin|1940}}. Le même jour, l'[[amiral Darlan]], alors replié à [[Bordeaux]], ordonne aux forces locales de résister à l'avancée allemande<ref>{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=12}}</ref>. Le vice-amiral [[Hervé de Penfentenyo|Penfentenyo]], qui est en charge de la ville, applique la [[politique de la terre brûlée]] : les cuves de mazout des ports de la ville sont incendiées, les munitions sont noyées dans la rade, et les portes des [[bassin de radoub|bassins de radoub]] de l'arsenal sont dynamitées. Le {{date|21|juin|1940}}, les troupes allemandes, qui se sont regroupées à [[Quimperlé]], attaquent à [[Guidel]]. La ville de Lorient tombe le même jour<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P14">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=14}}</ref>.


=== Utilisation par l'Allemagne nazie ===
=== Utilisation par l'Allemagne nazie ===
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==== Le choix de Keroman ====
==== Le choix de Keroman ====
[[Image:Bundesarchiv Bild 101II-MW-3983-23, Lorient, Einlaufen von U-123.jpg|thumb|Le U-123 à quai devant les anciens locaux de la [[Compagnie française des Indes orientales]]]]
[[Image:Bundesarchiv Bild 101II-MW-3983-23, Lorient, Einlaufen von U-123.jpg|thumb|Le U-123 à quai devant les anciens locaux de la [[Compagnie française des Indes orientales]]]]
Au début du mois de {{date||juin|1940}}, le vice-amiral [[Karl Dönitz]], qui alors est le commandant supérieur des sous-marins de la [[Kriegsmarine]], envoie des officiers de son état-major inspecter les ports de la côte française pouvant servir de base pour ses sous-marins. L'armistice est signé le 22 juin<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=4}}</ref>, et il se rend à [[Lorient]] le {{date|23|juin|1940}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P14"/>. Il décide d'établir son quartier général ainsi que la [[2. Unterseebootsflottille|2{{e}} flottille de U-boote]] dans la ville le {{date|28|juin|1940}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P15"/> : la ville est dotée d'installations modernes, elle est reliée par voie ferrée, et est moins exposée aux frappes anglaises que [[Brest]]<ref name="Luc Braeuer P5">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=5}}</ref>. Il s'installe le {{date|16|octobre|1940}} dans une villa du quartier de Kernével à [[Larmor-Plage]], face à la presqu'île de Keroman<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P18">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=18}}</ref>. Le ministre de la guerre allemand, l'amiral [[Erich Raeder]], visite la ville le {{date|8|août|1940}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P17"/>.
Au début du mois de {{date||juin|1940}}, le vice-amiral [[Karl Dönitz]], qui alors est le commandant supérieur des sous-marins de la [[Kriegsmarine]], envoie des officiers de son état-major inspecter les ports de la côte française pouvant servir de base pour ses sous-marins. L'armistice est signé le 22 juin<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=4}}</ref> et il se rend à [[Lorient]] le {{date|23|juin|1940}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P14"/>. Il décide d'établir son quartier général ainsi que la [[2. Unterseebootsflottille|2{{e}} flottille de U-boote]] dans la ville le {{date|28|juin|1940}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P15"/> : la ville est dotée d'installations modernes, est reliée par voie ferrée et est moins exposée aux frappes anglaises que [[Brest]]<ref name="Luc Braeuer P5">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=5}}</ref>. Dönitz s'installe le {{date|16|octobre|1940}} dans une villa du quartier de Kernével à [[Larmor-Plage]], face à la presqu'île de Keroman<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P18">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=18}}</ref> et le ministre de la guerre allemand, l'amiral [[Erich Raeder]], visite la ville le {{date|8|août|1940}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P17"/>.


Des ouvriers allemands venant de la base de [[Wilhelmshaven]] partent dès la fin juin pour rejoindre [[Lorient]], et peuvent effectuer des réparations sur place à partir du 2 août. La rade est inspectée pour contrer le risque de mines magnétiques, et le port est déclaré ouvert le 6 juillet<ref name="Luc Braeuer P5"/>. Un premier [[U-boot]], le [[Unterseeboot 30 (1936)|U-30]], arrive pour faire un ravitaillement le jour suivant<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P15">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=15}}</ref>. Des travaux de remise en état des infrastructures portuaires sont entrepris, et certaines comme le [[slipway]] du port de pêche sont renforcées pour permettre leur utilisation par des sous-marins. En septembre, 17 sous-marins viennent ravitailler dans la ville, puis 40 le mois suivant<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P18"/>. À partir de {{date||novembre|1940}}, le bassin {{n°}}2 réparé est utilisé pour le [[Carénage (bateau)|carénage]] de ceux-ci<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P17">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=17}}</ref>.
Des ouvriers allemands venant de la base de [[Wilhelmshaven]] partent dès la fin juin pour rejoindre [[Lorient]] et peuvent effectuer des réparations sur place à partir du 2 août. La rade est inspectée pour contrer le risque de mines magnétiques et le port est déclaré ouvert le 6 juillet<ref name="Luc Braeuer P5"/>. Un premier [[U-boot]], le [[Unterseeboot 30 (1936)|U-30]], arrive pour faire un ravitaillement le jour suivant<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P15">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=15}}</ref>. Des travaux de remise en état des infrastructures portuaires sont entrepris et certaines comme le [[slipway]] du port de pêche sont renforcées pour permettre leur utilisation par des sous-marins. En septembre, {{formatnum:17}} sous-marins viennent ravitailler dans la ville, puis {{formatnum:40}} le mois suivant<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P18"/>. À partir de {{date||novembre|1940}}, le bassin {{n°}}2, réparé, est utilisé pour le [[Carénage (bateau)|carénage]] de ceux-ci<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P17">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=17}}</ref>.


Les premiers bombardements anglais visent la ville les 22 et {{date|23|août|1940}} et sont menés par 12 appareils<ref name="ref-1">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=49}}</ref>. Ils touchent régulièrement la région jusqu'en {{date||juillet|1941}}. Plusieurs mesures de [[défense passive]] sont alors prises par l'occupant. [[Donitz]] rencontre [[Hitler]] le {{date|28|octobre|1940}} dans les environs de [[Paris]] et lui demande la construction de trois bases à [[Lorient]], [[Brest]], et [[Saint-Nazaire]]<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=9}}</ref>. Le {{date|7|novembre|1940}}, [[Hitler]] ordonne la construction de ces bunkers de protection pour sous-marins sur la côte Atlantique, et une première réunion sur ce sujet a lieu à [[Lorient]] en présence de [[Fritz Todt]] les 15 et 16 du même mois<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P24">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=24}}</ref>. [[Hitler]] approuve le plan de construction le {{date|23|décembre|1940}}<ref name="Luc Braeuer P10">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=10}}</ref>.
Les premiers bombardements anglais visent la ville les 22 et {{date|23|août|1940}} et sont menés par {{formatnum:12}} appareils<ref name="ref-1">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=49}}</ref>. Ils touchent régulièrement la région jusqu'en {{date||juillet|1941}}. Plusieurs mesures de [[défense passive]] sont alors prises par l'occupant et [[Donitz]] rencontre [[Hitler]] le {{date|28|octobre|1940}} dans les environs de [[Paris]] pour lui demander la construction de trois bases à [[Lorient]], [[Brest]] et [[Saint-Nazaire]]<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=9}}</ref>. Le {{date|7|novembre|1940}}, [[Hitler]] ordonne la construction de ces bunkers de protection pour sous-marins sur la côte Atlantique et une première réunion sur ce sujet a lieu à [[Lorient]] en présence de [[Fritz Todt]] les 15 et 16 du même mois<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P24">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=24}}</ref>. Finalement, [[Hitler]] approuve le plan de construction le {{date|23|décembre|1940}}<ref name="Luc Braeuer P10">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=10}}</ref>.


==== Construction de la base ====
==== Construction de la base ====
Le site de la presqu'île de Keroman est choisi pour accueillir la future base. La construction est confiée à l'ingénieur en chef Triebel qui a déjà travaillé sur la base de [[Héligoland]]. Il prévoit dans un premier temps de creuser la presqu'île pour créer un canal qui relierait les alvéoles des bunkers, celles-ci fonctionnant comme des [[bassin à flot|bassins à flot]], mais les sondages du sous-sol sont volontairement faussés par des [[lorient]]ais de manière à faire croire que ce projet nécessiterait des travaux de percement important. Un second projet est alors conçu, structuré autour d'un [[slipway]], les sous-marins étant mis au sec dans les alvéoles. Il est retenu par [[Hitler]], et les travaux débutent en {{date||janvier|1941}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P27">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=27}}</ref>.
Le site de la presqu'île de Keroman est choisi pour accueillir la future base. La construction est confiée à l'ingénieur en chef Triebel qui a déjà travaillé sur la base de [[Héligoland]]. Il prévoit dans un premier temps de creuser la presqu'île pour créer un canal qui relierait les alvéoles des bunkers, celles-ci fonctionnant comme des [[bassin à flot|bassins à flot]]. Mais les sondages du sous-sol sont volontairement faussés par des Lorientais de manière à faire croire que ce projet nécessiterait des travaux de percement important. Un second projet est alors conçu, structuré autour d'un [[slipway]], les sous-marins étant mis au sec dans les alvéoles. Il est retenu par [[Hitler]] et les travaux débutent en {{date||janvier|1941}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P27">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=27}}</ref>.


Les premiers travaux sont lancés à [[Lorient]] en {{date||janvier|1940}}, et dès {{date||mai|1941}} deux Dom-Bunkers<ref group="n">Le nom de « Dom-Bunkers » vient de la forme arrondie de ceux-ci. L'appellation de « Bunker Cathédrale » est aussi utilisée par certains auteurs pour les désigner</ref> sont inaugurés autour du [[slipway]] du port de pêche<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=16}}</ref>. La construction de la base de Keroman I est commencée en {{date||février|1941}}, et celle de Keroman II trois mois plus tard en mai. Keroman I est inauguré le {{date|1|septembre|1941}}, et Keroman II en décembre de la même année<ref name="ref-2">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=29}}</ref>. A [[Lanester]], un bunker d'abris pouvant accueillir deux U-boot est construit à partir de {{date||novembre|1940}}<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=17}}</ref>, et inauguré le {{date|1|octobre|1941}}<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=19}}</ref>.
Les premiers travaux sont lancés à [[Lorient]] en {{date||janvier|1940}}, et dès {{date||mai|1941}} deux Dom-Bunkers<ref group="n">Le nom de « Dom-Bunkers » vient de la forme arrondie de ceux-ci. L'appellation de « Bunker Cathédrale » est aussi utilisée par certains auteurs pour les désigner</ref> sont inaugurés autour du [[slipway]] du port de pêche<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=16}}</ref>. La construction de la base de Keroman I est commencée en {{date||février|1941}} et celle de Keroman II trois mois plus tard, en mai. Keroman I est inauguré le {{date|1|septembre|1941}}, et Keroman II en décembre de la même année<ref name="ref-2">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=29}}</ref>. A [[Lanester]], un bunker d'abris pouvant accueillir deux U-boot est construit à partir de {{date||novembre|1940}}<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=17}}</ref>, et inauguré le {{date|1|octobre|1941}}<ref>{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=19}}</ref>.


===== Moyens matériels et humains =====
===== Moyens matériels et humains =====
[[image:Bundesarchiv Bild 101II-MW-3935-02A, Lorient, U-Bootbunker im Bau.jpg|thumb|right|200px|La base en construction en 1942]]
[[image:Bundesarchiv Bild 101II-MW-3935-02A, Lorient, U-Bootbunker im Bau.jpg|thumb|right|200px|La base en construction en 1942]]
La base nécessite le travail de près de {{formatnum:15000}} personnes, et jusqu'à {{formatnum:10000}} de plus travaillent dans la région pour l'édification d'autres structures du [[mur de l'Atlantique]]. L'historien {{lien|Sönke Neitzel}} recense ainsi en {{date||avril|1942}} 5780 français<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P28"/>, 3178 allemands<ref name="Luc Braeuer P10"/>, 1467 néerlandais, 1296 belges, 501 espagnols, 89 italiens, ainsi que 90 étrangers venant d'autres pays. À ceux-ci s'ajoutent les ouvriers employés par les entreprises sous-traitantes<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P28">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=28}}</ref>. Dans un premier temps, les ouvriers sont attirés par des salaires élevés, supérieurs de plus de 50 % à ceux proposés aux manœuvres agricoles dans le [[Morbihan]], mais leur nombre restant insuffisant, et dès {{date||février|1941}} les Allemands doivent demander à l'administration française de procéder à des réquisitions<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P30">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=30}}</ref>. Celles-ci restent sans effet, le nombre de prisonniers de guerre étant assez élevé, représentant environs 20 % des agriculteurs de la région, et le recrutement doit s'effectuer loin de la région<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P31">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=31}}</ref>. La loi instaurant le [[service du travail obligatoire]] le {{date|16|février|1943}} fournit à l'[[Organisation Todt]] de [[Lorient]] jusqu'à {{formatnum:22285}} travailleurs, dont les deux tiers travaillent sur le site de Kéroman<ref name="ref-3">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=11}}</ref>.
La base nécessite le travail de près de {{formatnum:15000}} personnes, et jusqu'à {{formatnum:10000}} de plus travaillent dans la région pour l'édification d'autres structures du [[mur de l'Atlantique]]. L'historien {{lien|Sönke Neitzel}} recense ainsi en {{date||avril|1942}} 5780 français<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P28"/>, 3178 allemands<ref name="Luc Braeuer P10"/>, 1467 néerlandais, 1296 belges, 501 espagnols et 89 italiens ainsi que 90 étrangers venant d'autres pays. À ceux-ci s'ajoutent les ouvriers employés par les entreprises sous-traitantes<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P28">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=28}}</ref>. Dans un premier temps, les ouvriers sont attirés par des salaires élevés, supérieurs de plus de 50 % à ceux proposés aux manœuvres agricoles dans le [[Morbihan]]. Néanmoins, leur nombre restant insuffisant, les Allemands doivent demander à l'administration française de procéder à des réquisitions<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P30">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=30}}</ref> dès {{date||février|1941}} . Celles-ci restent sans effet, le nombre de prisonniers de guerre étant assez élevé (environ 20 % des agriculteurs de la région) et le recrutement devant s'effectuer loin de la région<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P31">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=31}}</ref>. La loi instaurant le [[service du travail obligatoire]] le {{date|16|février|1943}} fournit à l'[[Organisation Todt]] de [[Lorient]] jusqu'à {{formatnum:22285}} travailleurs, dont les deux tiers travaillent sur le site de Kéroman<ref name="ref-3">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=11}}</ref>.


Des hébergements sont mis en place dès {{date||décembre|1940}}, et prennent la forme de baraquements en bois disséminés dans un rayon de {{unité|15|km}} autour du site de construction. Le camps de prisonniers du [[Morbihan]] sont vidés et reconvertis à partir du mois de {{date||mars|1941}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P30"/>. L'[[Organisation Todt]] prend aussi en charge les loisirs de ceux-ci en ouvrant un cinéma-salle de spectacle, ou en gérant des [[maison close|maisons closes]]<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P31"/>.
Des hébergements sont mis en place dès {{date||décembre|1940}}, et prennent la forme de baraquements en bois disséminés dans un rayon de {{unité|15|km}} autour du site de construction. Le camps de prisonniers du [[Morbihan]] sont vidés et reconvertis à partir du mois de {{date||mars|1941}}<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P30"/>. L'[[Organisation Todt]] prend aussi en charge les loisirs de ceux-ci en ouvrant un cinéma-salle de spectacle, ou en gérant des [[maison close|maisons closes]]<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P31"/>.


Près d'un million de mètres cube de béton sont utilisés pour construire la forteresse, ce qui représente près du quart du béton travaillé en [[France]] pour l'effort militaire allemand. {{formatnum:60000}} wagons de matériel sont acheminés sur le site, ainsi que {{unité|40000|m|3}} de bois de coffrage. Plusieurs lignes de chemin de fer doivent être construites pour acheminer le sable nécessaire au coulage du béton : jusqu'à l'embouchure de la [[Laïta]] à l'ouest, et jusqu'à la rivière d'[[Étel]] à l'est<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P32"/>. Une gare supplémentaire est ouverte à une dizaine de kilomètres du site, près d'[[Auray]], pour stocker le matériel<ref name="ref-3" />. Le gravier provient lui de la [[Penthièvre]] dans la presqu'île de [[Quiberon]]<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P32">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=32}}</ref>.
Près d'un million de mètres cube de béton sont utilisés pour construire la forteresse, ce qui représente près du quart du béton travaillé en [[France]] pour l'effort militaire allemand. {{formatnum:60000}} wagons de matériel sont acheminés sur le site, ainsi que {{unité|40000|m|3}} de bois de coffrage. Plusieurs lignes de chemin de fer doivent être construites pour acheminer le sable nécessaire au coulage du béton : jusqu'à l'embouchure de la [[Laïta]] à l'ouest, et jusqu'à la rivière d'[[Étel]] à l'est<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P32"/>. Une gare supplémentaire est ouverte à une dizaine de kilomètres du site, près d'[[Auray]], pour stocker le matériel<ref name="ref-3" />. Le gravier provient, lui, de la [[Penthièvre]] dans la presqu'île de [[Quiberon]]<ref name="Christophe Cérino et Yann Lukas P32">{{harvsp|Christophe Cérino et Yann Lukas|2003|p=32}}</ref>.


===== Résistances au chantier =====
===== Résistance au chantier =====


Le chantier est touché par plusieurs bombardements alliés. Ceux-ci sont cependant d'ampleur limitée, les alliés visant en priorité [[Brest]] où le croiseur lourd [[Admiral Hipper]] mouille à partir de fin {{date||décembre|1940}}, puis à partir de fin {{date||mars|1941}} où les croiseurs [[Scharnhorst (1936)|Scharnhorst]] et [[Gneisenau (1938)|Gneisenau]] mouillent à leur tour. En {{date||janvier|1941}}, Lorient est la cible de trois raids de cinq bombardiers chacun. Quatre raids suivent entre les 15 et 22 {{date||mars|1941}}, totalisant plus de 110 bombardiers. En mai, deux raids d'un total de 10 appareils touchent la ville, suivi en juillet d'une attaque totalisant 47 appareils, et d'une autre attaque dans la nuit du 23 au 24 {{date||novembre|1941}} totalisant 53 appareils. À cette date, le bunker du [[Scorff]] ainsi que ceux de Keroman I et II sont entrés en service. À ces raids s'ajoutent ceux d'appareils détournés de leurs cibles initiales : 20 bombardiers attaquent la ville en {{date||avril|1940}}, détournés de [[Brest]], et quatre autres en {{date||septembre|1941}} détournés du [[Le Havre|Havre]]<ref name="ref-1">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=49}}</ref>. Les dégâts sont avant tout humains : 80 ouvriers meurent lors d'un bombardement britannique dans la nuit du 16 au {{date|17|mai|1941}}, 48 autres lors du bombardement américain du {{date|21|octobre|1942}}<ref name="Luc Braeuer P10"/>, et 10 de plus lors du bombardement du {{date|18|novembre|1942}}<ref name="ref-3"/>.
Le chantier est touché par plusieurs bombardements alliés. Ceux-ci sont cependant d'ampleur limitée, les alliés visant en priorité [[Brest]] où le croiseur lourd [[Admiral Hipper]] mouille à partir de fin {{date||décembre|1940}}, puis à partir de fin {{date||mars|1941}} où les croiseurs [[Scharnhorst (1936)|Scharnhorst]] et [[Gneisenau (1938)|Gneisenau]] mouillent à leur tour. En {{date||janvier|1941}}, Lorient est la cible de trois raids de cinq bombardiers chacun. Quatre raids suivent entre les 15 et 22 {{date||mars|1941}}, totalisant plus de 110 bombardiers. En mai, deux raids d'un total de 10 appareils touchent la ville, suivi en juillet d'une attaque totalisant 47 appareils, et d'une autre attaque dans la nuit du 23 au 24 {{date||novembre|1941}} totalisant 53 appareils. À cette date, le bunker du [[Scorff]] ainsi que ceux de Keroman I et II sont entrés en service. À ces raids s'ajoutent ceux d'appareils détournés de leurs cibles initiales : 20 bombardiers attaquent la ville en {{date||avril|1940}}, détournés de [[Brest]], et quatre autres en {{date||septembre|1941}} détournés du [[Le Havre|Havre]]<ref name="ref-1">{{harvsp|Luc Braeuer|2008|p=49}}</ref>. Les dégâts sont avant tout humains : 80 ouvriers meurent lors d'un bombardement britannique dans la nuit du 16 au {{date|17|mai|1941}}, 48 autres lors du bombardement américain du {{date|21|octobre|1942}}<ref name="Luc Braeuer P10"/>, et 10 de plus lors du bombardement du {{date|18|novembre|1942}}<ref name="ref-3"/>.

Version du 9 juin 2011 à 23:41

Modèle:Infobox structure militaire

La base sous-marine de Lorient, ou encore base de sous-marins de Keroman, est un immense complexe de bunkers de la Seconde Guerre mondiale, situé à Lorient en France. Elle occupe l'extrémité de la presqu'île de Keroman, située dans la rade de Lorient qui donne sur le Golfe de Gascogne.

Elle est construite entre 1941 et 1944 et est alors destinée à abriter les 2e et 10e flottilles de U-boote de la Kriegsmarine, tout en s'inscrivant dans le dispositif du mur de l'Atlantique. La base est récupérée par la Marine Nationale après le conflit, et est utilisée jusqu'en 1997 comme base de sous-marins. Elle est aussi utilisée pour le développement du programme de SNLE français, et pour la création de constructions navales à base de matériaux composites. Depuis cette date, le site est employé pour des activités civiles dont le pôle d'activité est centré sur le domaine maritime.

Le complexe est composé de trois bunkers, Keroman I, II et III ainsi que de deux dom bunker situés dans l'espace du port de pêche, et d'un bunker situé à Lanester sur les rive du Scorff. Le tout a nécessité le travail de 15 000 personnes, et le coulage de près d'un million de mètres cubes de béton.

Histoire

La situation de Lorient avant guerre

La ville de Lorient s'est développée depuis l'implantation de la compagnie française des Indes orientales en 1666, et ses ports ont connu plusieurs modernisations successives. Son arsenal est équipé d'une cale couverte et d'une forme de radoub en 1825, et cette dernière est agrandie et accompagnée d'une seconde forme de radoub en 1862. À la même époque sort de ses chantiers la première frégate intégralement cuirassée, La Couronne[1]. Dans les années 1920, l'ingénieur Henri Verrière développe l'actuel port de pêche de Keroman en le dotant d'un équipement moderne[2]. Le slipway est ainsi inauguré en 1927[3]. À l'époque, Verrière prévoit de prolonger ce port vers la presqu'île de Keroman en y construisant de nouveaux quais, ainsi que des usines de transformation du poisson[2].

La ville recouvre son statut de préfecture maritime par un décret du , et dispose avant le début de la guerre d'une garnison de près de 5 600 marins et d'un arsenal militaire employant quelques 5 000 ouvriers, pour une population de l'agglomération de 60 000 habitants[1]. La ville de Lorient sert de base de repli face à l'avancée allemande en . L'or des banques nationales Belge et Polonaise est évacué par son port les 17 et . Le même jour, l'amiral Darlan, alors replié à Bordeaux, ordonne aux forces locales de résister à l'avancée allemande[4]. Le vice-amiral Penfentenyo, qui est en charge de la ville, applique la politique de la terre brûlée : les cuves de mazout des ports de la ville sont incendiées, les munitions sont noyées dans la rade, et les portes des bassins de radoub de l'arsenal sont dynamitées. Le , les troupes allemandes, qui se sont regroupées à Quimperlé, attaquent à Guidel. La ville de Lorient tombe le même jour[5].

Utilisation par l'Allemagne nazie

Le choix de Keroman

Le U-123 à quai devant les anciens locaux de la Compagnie française des Indes orientales

Au début du mois de , le vice-amiral Karl Dönitz, qui alors est le commandant supérieur des sous-marins de la Kriegsmarine, envoie des officiers de son état-major inspecter les ports de la côte française pouvant servir de base pour ses sous-marins. L'armistice est signé le 22 juin[6] et il se rend à Lorient le [5]. Il décide d'établir son quartier général ainsi que la 2e flottille de U-boote dans la ville le [7] : la ville est dotée d'installations modernes, est reliée par voie ferrée et est moins exposée aux frappes anglaises que Brest[8]. Dönitz s'installe le dans une villa du quartier de Kernével à Larmor-Plage, face à la presqu'île de Keroman[9] et le ministre de la guerre allemand, l'amiral Erich Raeder, visite la ville le [10].

Des ouvriers allemands venant de la base de Wilhelmshaven partent dès la fin juin pour rejoindre Lorient et peuvent effectuer des réparations sur place à partir du 2 août. La rade est inspectée pour contrer le risque de mines magnétiques et le port est déclaré ouvert le 6 juillet[8]. Un premier U-boot, le U-30, arrive pour faire un ravitaillement le jour suivant[7]. Des travaux de remise en état des infrastructures portuaires sont entrepris et certaines comme le slipway du port de pêche sont renforcées pour permettre leur utilisation par des sous-marins. En septembre, 17 sous-marins viennent ravitailler dans la ville, puis 40 le mois suivant[9]. À partir de , le bassin no 2, réparé, est utilisé pour le carénage de ceux-ci[10].

Les premiers bombardements anglais visent la ville les 22 et et sont menés par 12 appareils[11]. Ils touchent régulièrement la région jusqu'en . Plusieurs mesures de défense passive sont alors prises par l'occupant et Donitz rencontre Hitler le dans les environs de Paris pour lui demander la construction de trois bases à Lorient, Brest et Saint-Nazaire[12]. Le , Hitler ordonne la construction de ces bunkers de protection pour sous-marins sur la côte Atlantique et une première réunion sur ce sujet a lieu à Lorient en présence de Fritz Todt les 15 et 16 du même mois[13]. Finalement, Hitler approuve le plan de construction le [14].

Construction de la base

Le site de la presqu'île de Keroman est choisi pour accueillir la future base. La construction est confiée à l'ingénieur en chef Triebel qui a déjà travaillé sur la base de Héligoland. Il prévoit dans un premier temps de creuser la presqu'île pour créer un canal qui relierait les alvéoles des bunkers, celles-ci fonctionnant comme des bassins à flot. Mais les sondages du sous-sol sont volontairement faussés par des Lorientais de manière à faire croire que ce projet nécessiterait des travaux de percement important. Un second projet est alors conçu, structuré autour d'un slipway, les sous-marins étant mis au sec dans les alvéoles. Il est retenu par Hitler et les travaux débutent en [15].

Les premiers travaux sont lancés à Lorient en , et dès deux Dom-Bunkers[n 1] sont inaugurés autour du slipway du port de pêche[16]. La construction de la base de Keroman I est commencée en et celle de Keroman II trois mois plus tard, en mai. Keroman I est inauguré le , et Keroman II en décembre de la même année[17]. A Lanester, un bunker d'abris pouvant accueillir deux U-boot est construit à partir de [18], et inauguré le [19].

Moyens matériels et humains
La base en construction en 1942

La base nécessite le travail de près de 15 000 personnes, et jusqu'à 10 000 de plus travaillent dans la région pour l'édification d'autres structures du mur de l'Atlantique. L'historien Sönke Neitzel recense ainsi en 5780 français[20], 3178 allemands[14], 1467 néerlandais, 1296 belges, 501 espagnols et 89 italiens ainsi que 90 étrangers venant d'autres pays. À ceux-ci s'ajoutent les ouvriers employés par les entreprises sous-traitantes[20]. Dans un premier temps, les ouvriers sont attirés par des salaires élevés, supérieurs de plus de 50 % à ceux proposés aux manœuvres agricoles dans le Morbihan. Néanmoins, leur nombre restant insuffisant, les Allemands doivent demander à l'administration française de procéder à des réquisitions[21] dès . Celles-ci restent sans effet, le nombre de prisonniers de guerre étant assez élevé (environ 20 % des agriculteurs de la région) et le recrutement devant s'effectuer loin de la région[22]. La loi instaurant le service du travail obligatoire le fournit à l'Organisation Todt de Lorient jusqu'à 22 285 travailleurs, dont les deux tiers travaillent sur le site de Kéroman[23].

Des hébergements sont mis en place dès , et prennent la forme de baraquements en bois disséminés dans un rayon de 15 km autour du site de construction. Le camps de prisonniers du Morbihan sont vidés et reconvertis à partir du mois de [21]. L'Organisation Todt prend aussi en charge les loisirs de ceux-ci en ouvrant un cinéma-salle de spectacle, ou en gérant des maisons closes[22].

Près d'un million de mètres cube de béton sont utilisés pour construire la forteresse, ce qui représente près du quart du béton travaillé en France pour l'effort militaire allemand. 60 000 wagons de matériel sont acheminés sur le site, ainsi que 40 000 m3 de bois de coffrage. Plusieurs lignes de chemin de fer doivent être construites pour acheminer le sable nécessaire au coulage du béton : jusqu'à l'embouchure de la Laïta à l'ouest, et jusqu'à la rivière d'Étel à l'est[24]. Une gare supplémentaire est ouverte à une dizaine de kilomètres du site, près d'Auray, pour stocker le matériel[23]. Le gravier provient, lui, de la Penthièvre dans la presqu'île de Quiberon[24].

Résistance au chantier

Le chantier est touché par plusieurs bombardements alliés. Ceux-ci sont cependant d'ampleur limitée, les alliés visant en priorité Brest où le croiseur lourd Admiral Hipper mouille à partir de fin , puis à partir de fin où les croiseurs Scharnhorst et Gneisenau mouillent à leur tour. En , Lorient est la cible de trois raids de cinq bombardiers chacun. Quatre raids suivent entre les 15 et 22 , totalisant plus de 110 bombardiers. En mai, deux raids d'un total de 10 appareils touchent la ville, suivi en juillet d'une attaque totalisant 47 appareils, et d'une autre attaque dans la nuit du 23 au 24 totalisant 53 appareils. À cette date, le bunker du Scorff ainsi que ceux de Keroman I et II sont entrés en service. À ces raids s'ajoutent ceux d'appareils détournés de leurs cibles initiales : 20 bombardiers attaquent la ville en , détournés de Brest, et quatre autres en détournés du Havre[11]. Les dégâts sont avant tout humains : 80 ouvriers meurent lors d'un bombardement britannique dans la nuit du 16 au , 48 autres lors du bombardement américain du [14], et 10 de plus lors du bombardement du [23].

La Résistance se développe aussi sur le chantier et autour de celui-ci. Des relevés géologiques sont truqués pour ralentir les travaux dès [15]. Les plans de la base sont communiqués à Londres dès par un ingénieur de l'arsenal, Alphonse Tanguy[11]. Le directeur adjoint de l'arsenal, Jacques Stosskopf, communique lui aux alliés les mouvements des U-boot[25]. Dans l'enceinte de l'arsenal, 18 actions sont officiellement recensées de à . Dans la ville et ses environs, les sabotages se multiplient à partir de , de même que des actes de résistance passive comme des manifestations[25]. Le bordel de l'Organisation Todt est attaqué à l'explosif le [23].

Extension de la base

La taille insuffisante des deux premiers bunkers de Keroman ne permet par d'accueillir certains U-boote comme les type IX D et type X B qui sont trop longs pour ces installations, ou encore les type XXI qui sont trop hauts pour celles-ci[17]. La décision est donc prise de construire un troisième bunker, Keroman III, lors de la visite de Fritz Todt à Lorient le . Les travaux commencent en , et la construction est opérationnelle en [26]. La base est agrandie mi-43 par l'ajout d'un espace de stockage sur sa partie gauche[27], et sur sa partie arrière par l'ajout d'un espace de 14 m de large sur 163 m de long. Trois bunkers de défense rapprochée sont rajoutés à la même date au rez-de-chaussé, ainsi que trois abris de flak sur son toit. Deux navires, le croiseur Strasbourg et le Crapaud, sont coulés en 1944 face à ses entrées pour éviter les lancements de torpilles aériennes[28].

Rommel en visite des installations du mur de l'Atlantique à Lorient en février 1944

La construction du mur de l'Atlantique débute à partir de 1942. L'Opération Chariot menée par les alliés sur la base sous-marine de Saint-Nazaire le démontre alors que ce type d'installation reste exposé aux offensives terrestres[29], et la défense de la région de Lorient est revue. Le périmètre de défense s'étend sur une bande de 24 km à l'intérieur des terres, et intègre par ailleurs la base d'aéronautique navale de Lann-Bihoué[30]. Près de 400 blockhaus, nids de mitrailleuses, ou encore tours de guet sont construits entre l'embouchure de la Laïta et celle de la rivière d'Étel[31].

La mise en service des U-boote type XXI nécessite la création de nouveaux bunkers en raison de leur hauteur. La base de Lorient est la seule sur la façade Atlantique à les accueillir, et la construction de nouvelles installations, Keroman IVa et Keroman IVb, est lancée durant l'été 1943 pour accueillir 24 de ces U-boote. Ces nouveaux bunkers doivent se situer dans le prolongement de Keroman I et II et doivent eux aussi être utilisés pour le stockage à sec des submersibles, Keroman IVa étant de plus doté d'une alvéole en eau et d'un espace de protection du slipway[32]. La construction de Keroman IVa est ralentie par le manque de matériaux et de main-d'œuvre et doit être stoppée le [33], et seuls les murs de deux alvéoles et celui faisant l'interface avec Keroman I sont achevés[32]. La construction de Keroman IVb ne vont pas plus loin que des travaux de creusement des fondations et de début de coffrage de quelques murs d'alvéoles[33].

Le retour à la France

La base après-guerre

Implantation de keroman I, II, et III dans la rade de Lorient

La poche de Lorient se rend le au terme d'un siège de neuf mois, et les forces françaises récupèrent la base dans un parfait état de marche[34]. Le gouvernement provisoire y établit le un « centre de sous-marins », et une note prescrit à la base d'être prête à partir du 1er août à ouvrir deux chantiers de réparation de sous-marins[35]. L'état-major de la marine nationale visite la base à la mi-octobre de la même année, et le 24 octobre est créée la base militaire de Kéroman, constituée définitivement le 5 décembre. Le , la base prend le nom de Jacques Stosskopf[29].

En , cinq U-boote sont attachés à la base de Lorient et servent à la création à la fin de la même année à la création de la « deuxième escadrille de sous-marins »[36]. Celle-ci est cependant dissoute à la fin de l'année 1948, et les sous-marins sont réaffectés à Toulon[37]. La base retrouve son nom de base de sous-marins en 1953 et le la deuxième escadrille de sous-marins est reconstituée[38]. Les marins sont hébergés dans un premier temps dans la caserne protégée de Keroman II, avant que de 1957 à 1973 soient ouverts le long des rives du Ter plusieurs casernements ainsi que d'autres infrastructures de vie[39].

Au début des années 1970, l'état-major français décide de remplacer progressivement ses sous-marins d'attaque classiques par des sous-marins nucléaires d'attaque jusqu'au début du XXIe siècle. La base de Lorient ne disposant pas de site de traitement des combustibles nucléaires, la fermeture de celle-ci est alors prévue pour le début des années 2000[40].

L'annonce de la dissolution de la deuxième escadrille intervient le et prévoit la fermeture de la base de Keroman dans un délai de deux ans[41]. Les quatre classe Agosta affectés à Lorient sont réaffectés à Brest et quittent définitivement leur ancien port d'attache le [42]. La Sirène est le dernier sous-marin à passer dans les chantiers et quitte le site le pour Toulon[43].

La base aujourd'hui

Le désengagement de la Marine intervient dans un contexte économique difficile pour la région de Lorient, à un moment où le port de pêche connaît une baisse importante de ses tonnages à partir de la fin des années 1980, et où la DCN restructure ses activités[44]. C'est dans ce contexte que l'agglomération de Lorient doit penser la reconversion des 25 Ha du site, dont six occupés par les bunkers[2]. Plusieurs études sont lancées à partir de 1992, et les résultats sont rendus publiques jusqu'en 1997. En 1999 un projet final est adopté[45].

Les bunkers sont conservés en raison de leur valeur patrimoniale et du coût de leur destruction, estimé à 31 millions d'euros. Il est décidé de constituer dans l'espace un centre sur « l'homme et la mer au XXIe siècle » structuré en cinq pôles : course au large, stratégies navales, prévention des risques en mer, archéologie sous-marine, et pêche et aquaculture[45]. Des travaux sont réalisés sur le site à partir de 2001 avec une première enveloppe de 45 millions d'euros[46].

Utilisation

Seconde Guerre Mondiale

Kriegsmarine

Le U-37 en carénage

La 2e flottille de U-boote est établie dans la ville à partir du [7]. Elle est rejointe par la 10e flottilles de U-boote à partir de [47]. La base est utilisée jusqu'au , date de départ du dernier U-boot, le U-155, pour la Norvège[48]. Au total, 168 U-boote ont été affectés à Keroman pendant la guerre[49], dont les sept u-boote ayant le plus lourd tableau de chasse[50]. Sur ces 168 U-boote, 135 ont été coulés pendant le conflit soit 80 % des flottilles[49].

Les U-boote sont engagés dans la Bataille de l'Atlantique menée contre les alliés. Keroman sert par ailleurs de point de départ d'opérations particulières, comme l'Opération Paukenschlag menée à New-York en [51], ou dans les opérations d'attaque de bateaux alliés pendant la bataille de Normandie[52].

La base est aussi utilisée pour les opérations de réparation et d'entretien des U-boote. Sur les 1 149 grands carénages effectués par la Kriegsmarine dans les ports français de l'Atlantique, 500 sont réalisés à Lorient[53].

Marine Impériale Japonaise

Equipage du I-29, ici en 1943

La base de Keroman sert à plusieurs reprises de port d'escale pour les sous-marins de la Marine Impériale Japonaise, alors alliée de l'Allemagne nazie. Trois d'entre eux y font escale entre août 1942[54] et 1944 : le I-30, le I-8, et le I-29[55].

Ils servent à apporter des matériaux stratégiques comme du tungstène ou du caoutchouc, ainsi que des médicaments comme de la quinine, ou des plans d'armement. Les équipages sont utilisés à des fins de propagande, et sont par exemple reçus par Hitler, ou encore envoyés visiter Paris. Ils rapportent au Japon des plans d'armement et des ingénieurs allemands, ainsi que des machines Enigma[56].

Sur les trois sous-marins ayant relié Keroman, seul le I-8 parvient à rentrer sain et sauf au Japon en [55].

Cible des alliés

Destruction de la ville

Les pertes causées aux convois alliés par les « loups gris » de Dönitz lors de la Bataille de l'Atlantique obligent les alliés à réagir. Un raid américain est lancé sur la base le pour tester la solidité des bunkers, et les dégâts infligés restent minimes. Churchill ordonne alors le de détruire les villes entourant ces bases, de manière à limiter leur approvisionnement[57]. Lorient est désignée comme la cible prioritaire, et la ville est rasée par plus de 4 000 tonnes de bombes entre le 14 janvier et le . Seules les bases de Keroman sont intactes[58], alors que dans la ville où a été donné l'ordre d'évacuation le 3 février, 3 500 immeubles sont détruits, et on dénombre 230 morts[59].

La durée moyenne d'immobilisation des sous-marins entre deux missions à Keroman augmente de 30 % entre et [60]. Le tonnage détruit par ceux-ci dans l'Atlantique baisse de 17 100 tonnes par U-boot en à 8 500 tonnes en [61].

Détail des bombardements de janvier-février 1943[62]
Date Nationalité Nombre d'appareils tonnes de bombes nombre de bombes incendiaires
Royal Air Force 99 73,6 83 548
Royal Air Force 132 140,4 87 163
US Air Force 36
Royal Air Force 47
Royal Air Force 136 80 56 687
Royal Air Force 130 50,7
Royal Air Force 120 90,6 63 376
Royal Air Force 296 254,1
Royal Air Force 422 524,3 26 168
Royal Air Force 360 461,9 230 916
Poche de Lorient
Soldats allemands capturés au nord de Lorient fin août 1944

La Bretagne commence à être libérée par les alliés en et la ville de Brest se rend mi-septembre. Le coût humain pour les alliés est élevé, et s'élève à plus de 10 000 soldats blessés ou tués. Les villes de Lorient et de Saint-Nazaire n'ont plus la même priorité stratégique, et l'US Army n'y dénombrera que 32 morts jusqu'à la fin du conflit[34].

Les premiers G.I.s arrivent au nord des défenses de la ville le 7 août. La veille, la RAF a tenté sans succès de détruire un toit d'un des bunkers de Keroman en y lâchant une bombe de six tonnes[63]. Dans la poche, quelques 25 000 soldats organisent leur défense. Les bunkers de Keroman sont réaménagés en hébergements, et la base d'aéronautique navale de Lann-Bihoué continue d'assurer la liaison avec l'Allemagne jusqu'au [64]. La poche de Lorient résiste pendant neuf mois aux attaques[34], et la reddition n'est obtenue que le [65].

Après-guerre

Marine Nationale

La marine nationale utilise le site de 1945 à 1995. Un maximum de 10 sous-marins et de 2 000 marins y sont affectés pendant cette période[66]. La base est alors utilisée dans une premier temps pour des missions de formation, et des missions anti-sous-marines dans le cadre de l'appartenance à la France à l'OTAN[36]. Au début des années 1960, le développement de la propulsion nucléaire et celui-ci des SNLE dans la Marine Nationale redéfinit l'importance des sous-marins. La base de Keroman se voit affecter, à partir de 1968 et pour trois ans, le prototype Gymnote qui a la charge de l'expérimentation du lancement de missiles à têtes nucléaires[67], et la base sert à la formation des futurs équipages de SNLE[40]. À la même époque, la base est utilisée pour la formation de sous-mariniers étrangers, mais aussi pour l'entraînement de commando et de nageurs de combat, ou pour des opérations de renseignements[68].

Les premiers sous-marins français sont affectés à la base en et sont constitués de prises de guerre : le Roland Morillot, le Blaison, le Bouan, le Millé, et le Laubie, tous d'anciens U-boote[36]. Suivent les décennies suivantes les classe Narval qui sont affectés à Keroman à partir de [69] et les classe Daphné à partir de 1964[70]. Quatre classe Agosta sont affectés à la base à partir de 1984[40] pour remplacer les classe Narval en fin de vie[71]. La base dispose alors, à la fin des années 1980, de quatre classe Narval et de trois classe Daphné[72].

La Marine Nationale développe les construction de la base à partir des années 1950. Des hébergements pour les marins sont construits sur le site, de même que des bâtiments pour l'état-major et pour des services généraux[72]. Les bunkers sont aussi réaménagés. Keroman I accueille des services de santé à partir de l'été 1955 et est ainsi équipé d'un caisson hyperbare ; il dispose aussi d'un « centre d'entraînement à la guerre sous-marine », comprenant une salle simulant un central d'opération. Keroman II accueille lui le centre des opérations et de transmission, ainsi que des bureaux militaires et administratifs[39]. La marine utilise enfin plusieurs plus petits bunkers appelés « Jaguar » pour le stockage de ses torpilles ; ceux-ci sont détruits au débuts des années 1990[73].

Direction des Chantiers Navals

La Direction des Chantiers Navals occupe le site de 1945 à 1997 pour des opérations de maintenance ou de modernisation de la flotte de sous-marins. Un maximum de 900 personnes y sont employées au plus fort de l'activité, et un total de 95 navires sont traités dans le cadre de grands carénages ou de refontes[74].

Le bunker de Keroman I est utilisé pour les installations électriques du site ainsi que pour le stockage d'eau et de carburant, et le slipway continue à être utilisé pour son usage initial[75]. Dans le milieu des années 1970, les alvéoles 1 à 3 sont aménagées pour recevoir un atelier dédié aux matériaux composites, et une dizaine de chasseurs de mines y sont contruits, de même que des équipements pour d'autres navires[76]. Keroman II est lui réaménagé complètement pour y recevoir des ateliers, chaque alvéole accueillant un atelier spécialisé différent[77]. Keroman III concentre les deux chaines de carénage, l'alvéole F étant réutilisée dès la fin de la guerre, et l'alvéole G étant remise en fonction en 1958[77]. La DCN construit par ailleurs plusieurs bâtiments sur le site pour accueillir le travail ou la restauration de ses équipes[73].

Reconversions civiles

La Cité de la voile Éric Tabarly alors en construction

Un pôle nautique est constitué à partir de 1997 avec l'installation dans le bunker de Keroman II de la société Plastimo, spécialisée dans l'accastillage[78]. À partir de 2001, des travaux supplémentaires sont entrepris pour permettre le réaménagement de Keroman I et pour édifier des hangars destinés à la préparation de multicoques de compétition[46]. La Cité de la voile Éric Tabarly est érigée en 2005 à partir d'un budget de 18 millions d'euros[79].

Le site est utilisé pour plusieurs courses nautiques ou pour la préparation de celles-ci. Le défi français de la Coupe de l'America 2001 se prépare ainsi à Lorient[78]. La ville est par ailleurs désignée pour accueillir des étapes de la Volvo Ocean Race de 2012[80].

Réalisé avec un budget de dix millions d'euros, le centre d'affaire « Celtic Submarine », tourné vers la mer et composé de deux bâtiments, est ouvert à partir d' ; la première tranche représente 9 000 m2 de bureaux[81] pour environ 400 emplois[82]. La construction d'un troisième bâtiment est lancée à la fin des travaux de cette première tranche[83].

Le patrimoine laissé est exploité à partir de 1999 par l'ouverture dans la tour Davis d'un musée[84]. Le 1er mai 2010, il est agrandi pour permettre de visiter l'un des anciens sous-marins de la base, le Flore[85].

Architecture

Dom Bunker

Les deux Dom Bunkers sont construits autour du slipway du port de pêche à partir de par la société Carl Brand de Düren, et à l'époque le projet prévoit la construction d'un total de six bunkers de ce type. Ils sont réalisés en six tronçons, et mesurent 81 m de long pour 16 m de large, et 25 m de haut. Les murs ont une épaisseur de 1,5 m, et leurs toitures sont courbées de manière à réduire l'impact de bombardements[13].

Conçus à l'origine pour accueillir les U-boot lors de leurs réparations après leur montée sur le slipway, ils s'avèrent peu pratiques à l'usage et sont reconvertis en ateliers puis en entrepôts[13].

Bunker du Scorff

Le bunker du Scorff est le premier construit. Après plusieurs hésitations, il est décidé de l'implanter à Lanester à coté de l'arsenal, de manière à disposer des moyens techniques de celui-ci[13]. En raison de l'envasement du lieu d'implantation, il est construit en employant une technique de construction sur pilotis, utilisant ainsi 2 557 pieux d'acier de 20 m de long[86].

Il est inauguré en , et est équipé le mois précédent d'un poste de DCA. Son emplacement dans une portion de la rivière qui sédimente en permanence réduit assez rapidement son utilisation par l'occupant. Sa construction sur pilotis rend aussi impossible le renforcement de son toit, la structure ne pouvant supporter un supplément de poids[86].

Keroman I

Keroman II peu après l'achèvement des travaux

Keroman I mesure 120 m de long pour 85 m de large, et compte cinq alvéoles et un slipway couvert. Il est achevé en après sept mois de travaux[87]. Sa toiture est constituée initialement d'une couche de béton armé de 3,50 m, composée d'un assemblage de poutrelles fabriquées en Allemagne par la firme Dortmunder-Union. Un ferraillage de 49 Kg de fer par mètre cube est ajouté au moment du coulage du béton. Trois emplacements de DCA y sont par ailleurs adjointes[17], et des blocs de granite sont rajoutés pour le protéger des bombardement[87]. Il est agrandi en 1942 par l'ajout sur sa partie arrière d'une partie technique de 81,7 m de long pour 23 m de large destinée à accueillir des générateurs électriques[88], et par l'adjonction d'une tour d'entrainement équipée d'une cuve de 7 m permettant aux sous-mariniers de simuler des manœuvres d'évacuation[89].

Il est utilisé lors de sa construction pour abriter jusqu'à sept U-boote dans ses alvéoles (places numérotées de K1 à K5), ainsi que le chariot servant à transporter ces submersibles d'une alvéole à l'autre[87]. Chaque alvéole est équipée d'au moins un pont roulant mobile muni de grues d'une à trois tonnes[90]. Le bunker est équipé du système de slipway, ce dernier présentant une pente de 10 %[91], le chariot pouvant effectuer une opération de mise à sec ou de mise en eau en 46 à 60 minutes vers ou depuis les alvéoles de Keroman I ou II. Le reste du système du slipway est équipé d'un total de 12 chariots mécaniques, et de huit rails installés dans l'esplanade reliant Keroman I à II[92].

Keroman II

Le U-67 rentré dans une alvéole

Keroman II mesure 120 m de long pour 138 m de large, et compte sept alvéoles. Il est achevé en [87]. Sa toiture présente les mêmes particularités que celui de Keroman I[17], à l'exception des emplacements de DCA. Il est agrandis en 1942 par l'ajout sur sa partie arrière d'une partie technique de 57,42 m de long pour 24 m de large destiné à accueillir des transformateurs électriques[88].

Il est utilisé lors de sa construction pour abriter jusqu'à cinq U-boote (places numérotées de K6 à K12), ainsi que le chariot permettant de transferrer ces submersibles d'un bunker à l'autre[87]. Ses alvéoles disposent du même équipement que celles de Keroman I, mais il est équipé d'une grue d'une tonne placée à l'extérieur pour s'occuper de l'entretient des périscopes[90].

Keroman III

Keroman III mesure 138 m de long pour 170 m de large, et compte sept alvéoles[87] (deux d'une longueur de 95 m, trois d'une longueur de 98,5 m, et deux d'une longueur de 84 m[93]). Il est achevé en après que les constructions ont débuté en [87]. Son toit est initialement d'une épaisseur de 3,80 m avant d'être épaissi de 2 m en [26], et il est le seul des 3 bunkers à avoir son toit équipé d'une structure de type « Fangrost » destinée à faire exploser les bombes avant qu'elles n´atteignent la dalle de couverture[87], portant l'épaisseur totale à près de 9,4 m[26]. Il est agrandi à partir de la mi-1943 par la construction sur sa partie gauche d'un espace de stockage de 20,73 m de large pour 153 m de long[27], et sur sa partie arrière par un espace de 14 m de large pour 163 m de long. Trois bunkers de défense sont ajoutés au rez de chaussé, ainsi que trois emplacements servant à accueillir des pièces de DCA sur son toit[28].

Il est utilisé lors de sa construction pour abriter jusqu'à 13 U-boote (places numérotées de K13 à K24), et est le seul des bunkers à bénéficier de bassins à flot[87]. Toutes les places sont initialement équipées de grues de 5 t pour les opérations d'entretien, et les places K23 et K24 sont de plus équipées de grues de 30 t pour les opérations de démontage des moteurs Diesel[94].

Sources

Notes

  1. Le nom de « Dom-Bunkers » vient de la forme arrondie de ceux-ci. L'appellation de « Bunker Cathédrale » est aussi utilisée par certains auteurs pour les désigner

Références

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  6. Luc Braeuer 2008, p. 4
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  8. a et b Luc Braeuer 2008, p. 5
  9. a et b Christophe Cérino et Yann Lukas 2003, p. 18
  10. a et b Christophe Cérino et Yann Lukas 2003, p. 17
  11. a b et c Luc Braeuer 2008, p. 49
  12. Luc Braeuer 2008, p. 9
  13. a b c et d Christophe Cérino et Yann Lukas 2003, p. 24
  14. a b et c Luc Braeuer 2008, p. 10
  15. a et b Christophe Cérino et Yann Lukas 2003, p. 27
  16. Luc Braeuer 2008, p. 16
  17. a b c et d Luc Braeuer 2008, p. 29
  18. Luc Braeuer 2008, p. 17
  19. Luc Braeuer 2008, p. 19
  20. a et b Christophe Cérino et Yann Lukas 2003, p. 28
  21. a et b Christophe Cérino et Yann Lukas 2003, p. 30
  22. a et b Christophe Cérino et Yann Lukas 2003, p. 31
  23. a b c et d Luc Braeuer 2008, p. 11
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Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Sur la base de Keroman
    • Luc Braeuer, La base de sous-marins de Lorient, Le Pouliguen, Liv'Édition, , 64 p. (ISBN 978-2-9525651-20[à vérifier : ISBN invalide])Document utilisé pour la rédaction de l’article
    • Christophe Cérino et Yann Lukas, Keroman : base de sous-marin, 1940-2003, Plomelin, Éditions Palantines, , 127 p. (ISBN 2-911434-34-X)Document utilisé pour la rédaction de l’article
    • Louis Bourget-Maurice et Josyane Grand Colas, Et la tanière devient village : La base de sous-marins de Lorient-Kéroman (1940-1997), Éditions du Quantième, , 156 p. (ISBN 2951194811)Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Sur les bases de U-boote de la Seconde Guerre Mondiale
    • (en) Randolph Bradham, Hitler's U-boat fortresses, Westport, Praeger Press, , 207 p. (ISBN 0-275-98133-9, lire en ligne)
    • (en) Gordon Williamson et Ian Palmer, U-Boat Bases and Bunkers 1941-45, Oxford, Osprey Publishing, , 67 p. (ISBN 1-84176-256-2[à vérifier : ISBN invalide], lire en ligne)
  • Sur les U-Boote pendant la Seconde Guerre Mondiale

Annexes

Articles connexes

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