Grande ordonnance de 1357

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 7 novembre 2006 à 19:58 et modifiée en dernier par Papydenis (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.
(diff) ← Version précédente | Voir la version actuelle (diff) | Version suivante → (diff)

Modèle:Ébauche Moyen Âge La grande ordonnance (1357)

Contexte historique

Depuis l'an mil et la renaissance clunisienne la société médiévale a considérablement évolué. L'Europe a fortement progressé techniquement, artistiquement et démographiquement. Les villes se sont développées créant de nouvelles classes sociales centrées sur l'artisanat et le commerce. Autant une société agricole est adaptée à un système féodal et religieux où la noblesse protège les terres et rend justice, autant les artisans et commerçants ont besoin de liberté pour entreprendre. La multiplication des affaires à régler a rendu impossible leur traitement par les rois et la grande seigneurie seuls, ils ont alors délégué une partie de leur pouvoirs judiciaires à des parlements et autres cours de justice. En Angleterre, les revers de Jean sans Terre (considéré comme illégitime et usurpant le trône de son frère Richard Cœur de Lion) contre Philippe Auguste ont conduits les citadins à lui imposer en 1215 la Magna Carta, une grande charte qui institue la liberté des villes et le contrôle de la fiscalité par le parlement.

En France, le début de la guerre de Cent Ans a été catastrophique et le pouvoir royal est très contesté depuis la défaite de Crécy en 1346. En effet, Philippe VI a été mis sur le trône au détriment d'Édouard III grâce à une série d'artifices légaux.
De la même manière Charles de Navarre dit "le mauvais" peut prétendre au trône, sa mère Jeanne ayant été écartée pour éviter qu'un étranger puisse prendre le contrôle du pays par mariage. À cette époque la noblesse justifie l'essence divine de son pouvoir par une conduite chevaleresque particulièrement sur le champ de bataille. Hors, Crécy fut un désastre contre une armée pourtant très inferieure numériquement et Philippe VI a fuit remettant en cause la légitimité divine des Valois. Ce discrédit est aggravé par l'apparition de la grande peste en 1348 corroborant l'idée que cette dynastie n'est par soutenue par Dieu. Édouard III et Charles de Navarre voient donc l'occasion de faire valoir leurs revendications respectives à la couronne de France et en jouent pour séduire les villes en laissant espérer l'institution d'une monarchie contrôlée.
En 1356, à la bataille de Poitiers, le roi Jean le Bon ne voulant pas fuir comme l'a fait son père à Crécy se bat héroïquement et est fait prisonnier par les Anglais, mais acquiert un prestige énorme. Son fils le dauphin Charles qui a pu quitter le champ de bataille assure la régence et tente de négocier avec l'Angleterre. Les mercenaires démobilisés pillent les campagnes: ce sont les grandes compagnies. Pour l'éviter le dauphin propose de créer une armée permanente de 30000 hommes. Il faut lever de nouveaux impôts et il convoque les états généraux.

Les états généraux

Étienne Marcel, prévot des marchands de Paris devient le chef du tiers état aux états généraux de 1355 et de 1356.

Les débuts de la régence du dauphin Charles sont difficiles : il n'a que 18 ans, peu de prestige personnel (d'autant qu'il a quitté le champ de bataille de Poitiers contrairement à son père et son frère Philippe le Hardi), peu d'expérience et doit porter sur ses épaules le discrédit des Valois. Il s'entours des membres du conseil du roi de son père qui sont très décriés.
Dès son arrivée à Paris, dix jours après la bataille, il convoque les états généraux de la langue d'oïl pour le 17 octobre 1356. Les députés du tiers état sont au nombre de 400. Le dauphin va se heurter à une forte opposition: Étienne Marcel à la tête de la Bourgeoisie et les amis de Charles de Navarre regroupés autours de Robert Le Coq, l'évêque de Laon. Un comité de 80 membres, constitué sur leur initiative, appuie leurs revendications. Étienne Marcel cherche à réformer le gouvernement et l'administration du royaume. Il exige la destitution des sept conseillers les plus compromis, que les états élisent un conseil de vingt personnes (dont douze bourgeois) qui assisterai le roi et de délivrer le roi de Navarre. À ces conditions, les états sont disposés à voter pour une année une aide d'un décime et demi sur tous les revenus des trois ordres. Pas assez puissant pour pouvoir refuser d'emblée ces propositions le dauphin ajourne sa réponse. Mais, manquant d'argent, il se trouve bientôt à la merci du prévôt des marchands qui avait fait prendre les armes à toutes les corporations; il doit accepter le renvoi de ses conseillers et les états généraux sont rappelés pour le début du mois de février 1357. Le 3 mars, après de houleux débats, le dauphin accepte la promulgation de la grande "grande ordonnance" qui avait été votée le 28 décembre au cours des états généraux de 1355 et que son père avait ratifiée juste avant de partir en campagne contre l'Anglais en été 1356.
Le texte de cette ordonnance comporte 61 articles. Moins rigoureux que celui de décembre 1355, il est l'esquisse d'une monarchie contrôlée et un vaste plan de réorganisation administrative. Il précise qu'une commission d'épuration composée de vingt-huit députés, dont douze bourgeois, daura pour charge de destituer les fonctionnaires fautifs (et particulièrement les collecteurs d'impôts indélicats). Les coupables seront alors comdamnés et auront leurs biens confisqués. Le dauphin renonce à toute imposition non votée par les états généraux et accepte la création d'un conseil de tutelle de 36 membres qui se met aussitôt en mesure d'exécuter un programme de réformes. 6 représentants des états entrent au conseil du roi qui devient un conseil de tutelle, l'administration royale sera surveillée de près: les finances et particulièrement les mutations monétaires et les subsides extraordinaires seront contrôlés par les états. L'ordonnance prévoie aussi une monnaie fixe, les nobles ne doivent plus être dispensés de l'impôt, le droit de réquisition des seigneurs doit être aboli, les fourrages et les chevaux mis à l'abri du pillage. En échange de ces mesures les villes fourniront un homme d'armes par cent foyers. Cinq jours après la promulgation de l'ordonnace, presque tous les conseillers royaux du moment sont exilés, les membres du parlement et de la chambre des comptes renouvelés, les officiers de justice et de finances destitués, la cour des aides créée.

Mais l'exécution de cette ordonnance va être vite bloquée. La commission d'épuration est désignée mais ne fonctionne que 5 mois. Les collecteurs d'impôts nommés par les états rencontrent l'hostilité des paysans et des artisans pauvres. Les 6 députés entrés au conseil de tutelle sont en minorité et les états généraux manquent d'expérience politique pour contrôler en permanence le pouvoir du dauphin qui en prenant de l'expérience retrouve l'appui des fonctionnaires. Les déplacements fréquents, coûteux et dangereux à l'époque, découragent les députés de province et les états sont de moins en moins représentatifs. Peu à peu seule la bourgeoisie parisienne vient siéger aux assemblées. Mais enfin, le roi Jean II le Bon, gardant un grand prestige et venant de signer une trêve de deux ans avec les procureus du Prince de Galles, désavoue le dauphin et depuis sa prison de Bordeaux, interdit l'application de l'ordonnance de réformation le 6 avril 1357. Étienne Marcel et Robert Le Coq protestent auprès du dauphin qui, se sentant soutenu par les provinces, lesquelles ne suivaient pas le mouvement imprimé par la population parisienne, interdit au mois d'août au prévôt et à ses adhérents de se mêler désormais du gouvernement, attendu qu'il entendait gouverner tout seul.
Le Coq se retira dans son évêché; mais le prévot, resté à Paris, profita du départ du dauphin Charles qui avait convoqué les états hors de la capitale, pour organiser la résistance. Il songea dès lors à opposer à la branche régnante des Valois une autre branche de la maison de France et trouva en la personne du roi de Navarre, Charles le Mauvais, un prétendant prêt à tout. Un coup de main combiné par le prévôt des marchands fit sortir le roi de Navarre du château d'Ailleux où il était détenu, et le dauphin, revenu à Paris sans argent, dut une fois encore convoquer les états pour le 7 novembre; sous la pression des chefs populaires, il accorda à son beau-frère un sauf-conduit et l'autorisation de rentrer à Paris. Le 13 janvier 1358, les états s'assemblèrent de nouveau; mais presque aucun noble et très peu de gens d'église s'y rendirent. Les députés se quittèrent sans avoir pu se mettre d'accord sur les moyens à trouver des subsides. Le 23 janvier suivant, le dauphin prescrit une ordonnance l'autorisant à dévaluer la monnaie
Étienne Marcel, constatant l'échec de l'instauration d'une monarchie contrôlée par voie législative, va essayer de la faire proclamer par la force. Il est à noter qu'il ne remet pas en cause la nécessité d'avoir un souverain, mais il doit composer avec celui qui lui laissera le plus de pouvoir. Il oscillera entre la faiblesse supposée du dauphin et la cupidité de Charles le Mauvais.