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Scène (cinéma)

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Dans les films, un ensemble de séquences situées en plusieurs lieux et/ou en plusieurs temps, et se rapportant à une même action, s’appelle une scène.

Rappelons qu’une séquence est un ensemble de plans se rapportant à une même action et se déroulant dans le même temps et dans le même lieu. « Le plan est l’unité créatrice du film : c’est la portion d’action enregistrée sur la pellicule ou sur le disque dur entre un démarrage de la caméra et son arrêt. Pour simplifier, le plan est le jeu de scène filmé entre les deux mots magiques du tournage : Action ! et Coupez [1] ! »

Au montage, un plan peut être scindé en plusieurs extraits, intercalés dans d’autres plans.

Utilisation du mot

Le mot scène au cinéma et dans l'audiovisuel n’a rien à voir avec le même mot dans son acception théâtrale (voir Scène (théâtre)).

Le mot scène au cinéma est utilisé par les scénaristes, quand ils sont encore dans l'étape de construction de la dramaturgie, au niveau de ce qu'ils nomment le « traitement », un texte qui donne les grandes lignes, les péripéties principales du film avec les personnages principaux. Par la suite, dans ce qui s'appelle la « continuité non dialoguée » et la « continuité dialoguée », le mot scène n'apparaît plus, le découpage en séquences l'ayant supplanté dans le « scénario » et plus tard dans le « découpage ». Mais il peut être utilisé par commodité pour rapporter le récit d'un film, puisqu'il englobe plusieurs séquences et se concentre sur les actions principales.

Exemples

Le mot scène, étant d'une utilisation restreinte (par les scénaristes), est parfois mal défini, aussi bien par le grand public que par ceux qui étudient l'écriture audiovisuelle. Dans son livre, La Dramaturgie, fondateur en France des ouvrages sur le sujet, Yves Lavandier lançait déjà le quiproquo entre séquence et scène, en donnant comme définition de la scène : « partie d'une œuvre dramatique présentant une action locale. Une scène dramatique peut se dérouler dans plusieurs décors différents, donc comprendre plusieurs scènes logistiques[2]. » Cette définition de la scène est exacte, mais ce que l'auteur définit ensuite comme étant des « scènes logistiques », correspond en fait à des séquences. Et sa définition personnelle de la séquence : « groupe de scènes réunies par le même sous-objectif[3]. », ne correspond à aucun usage dans le milieu des scénaristes français. Elle correspond à la définition anglo-saxonne du mot "sequence". En France, la scène est souvent plus vaste qu'une séquence (aussi bien en termes de lieux que de temps), et une scène peut compter en son sein plusieurs séquences.

La Mort aux trousses

Exemple : dans un film très connu et étudié de nombreuses fois, La Mort aux trousses, une scène particulièrement célèbre est la "scène de l'avion". Celle-ci raconte comment le héros, Roger Thornhill, va à un rendez-vous dont il ne sait pas qu'il est un piège dont un avion sera l'arme inattendue.

Cette scène comprend 5 séquences :

1/ Arrivée en bus de Roger Thornhill, seul, dans un décor de rase campagne, traversé par une grande route. Attente. Passages de nombreux véhicules.

2/ Débarqué d'une voiture provenant d'un chemin, un quidam se place juste en face de Thornhill, de l'autre côté de la grande route. Les deux hommes s'observent en silence. Puis Thornhill traverse la route pour entamer un dialogue qui lui prouve que l'inconnu n'est pas l'homme qui lui a fixé ce rendez-vous. Le bus arrive, emportant le quidam.

3/ Un avion biplan à hélice, à peine remarqué par Thornhill, mais dont la trajectoire aléatoire a étonné le quidam, se dirige droit sur lui et le survole en le mitraillant. Jeu du chat et de la souris dans un champ de maïs. Alors que Thornhill se croit hors de vue, l'avion le fait déguerpir en déversant sur le champ un nuage d'insecticide.

4/ Thornhill est à découvert. Un camion citerne arrive au loin sur la grande route. Thornhill joue une carte de la dernière chance : il se dresse face au camion qui klaxonne et freine en catastrophe, tandis que l'avion, qui s'apprêtait à mitrailler de nouveau, décroche et va s'écraser sur la citerne qui prend feu. Explosion. (Forte musique). Thornhill est indemne, le chauffeur du camion aussi, les occupants de l'appareil ont de toute évidence péri dans l'accident. Des automobilistes assistent à l'incendie. Thornhill dérobe un pick-up et s'enfuit.

5/ (La musique se calme). Le pick-up, abandonné en ville, est examiné par un policier qui rédige une contravention. Fin de la scène de l'avion.

On remarque que chaque séquence de cette scène débute avec une arrivée nouvelle : Séquence 1 = Roger Thornhill, Séquence 2 = le quidam (l'illusoire red herring)[4], Séquence 3 = l'avion, la bête maléfique, comme dans Duel (pilote et mitrailleur ne sont jamais vus, contrairement à ce que prévoyait le scénario d'Ernest Lehman, qui avait proposé de montrer les occupants de l'avion), Séquence 4 = le chauffeur du camion (indemne, ce n'est pas un méchant), les automobilistes dont le propriétaire du pick-up, Séquence 5 = le policier. Cette division claire en séquences d'une scène permet ainsi de préparer la production de chaque séquence (personnages, véhicules, avion, effet spécial).

Pulp Fiction

Autre exemple de structuration en plans, séquences et scènes : début du film de Quentin Tarantino, Pulp Fiction.

Écran noir avec avertissement écrit en lettres blanches : définition du mot pulp. Plan muet.

Séquence 0. Pré-générique. Intérieur bar. Jour. Personnages : Pumpkin (Tim Roth), Yolanda (Amanda Plummer), serveuse.

Cette séquence, au cours de laquelle deux jeunes délinquants discutent des risques du métier, et finalement braquent les clients et le personnel, a été tournée avec 10 plans qui ont donné 39 plans au montage. Le dernier plan (début du braquage) se termine par un arrêt sur image.

(N.B. : la suite du braquage fait l’objet de la dernière séquence du film)

Générique sur fond noir, lettres oranges (sur fond musical de « Misirlou », interprété par Dick Dale & His Del-Tones)

Scène 1. Arrivée de Jules et Vincent. Séquence 1. Intérieur voiture Jules roulant dans une avenue. Jour. Personnages : Vincent (John Travolta), Jules (Samuel L. Jackson).

Vincent déride Jules en lui racontant des histoires de drogue en Hollande, et de Big Mac en France.

Cette séquence est composée de 3 plans tournés qui ont donné 10 plans au montage.

Scène 1. Arrivée de Jules et Vincent. Séquence 2. Intérieur du coffre de la voiture de Jules. Jour. Contre-plongée. Personnages : Vincent, Jules.

Le coffre, où est placée la caméra, s’ouvre. Les deux truands choisissent leurs armes. Ils regrettent de ne pas avoir amené un « canon scié », car « ils » sont 4 ou 5.

Séquence traitée en 1 plan. Le coffre est refermé sur la caméra.

Scène 1. Arrivée de Jules et Vincent. Séquence 3. Extérieur trottoir et entrée de l’immeuble. Jour. Panoramique de gauche à droite suivant les personnages : Vincent, Jules.

Les deux truands évoquent une certaine Mia, puis parlent des « pilotes » à la télé.

Séquence traitée en 1 seul plan.

Scène 1. Arrivée de Jules et Vincent. Séquence 4. Intérieur hall d’entrée de l’immeuble. Jour. Plongée. Personnages : Vincent, Jules.

Traitée en 1 seul plan, cette séquence continue l’information que Jules donne à Vincent sur un gars « amoché » par un certain Marsellus.

Scène 1. Arrivée de Jules et Vincent. Séquence 5. Intérieur ascenseur. Jour. Personnages de face : Vincent, Jules.

Traitée en 1 plan, cette séquence poursuit l’histoire, racontée par Jules, du gars qui a été défenestré sur l’ordre de Marsellus, et qui s’est relevé bègue.

Scène 1. Arrivée de Jules et Vincent. Séquence 6. Intérieur couloirs. Jour. Personnages : Vincent, Jules.

Traitée en plan-séquence à l’aide d’un steadicam, cette séquence montre les deux truands cherchant une certaine porte, s’arrêtant devant, consultant l’heure : « 7h22 – Attends, on est un poil en avance ! », puis déambulant de nouveau pour faire passer le temps. Jules explique que le gars a été surpris en train de masser les pieds de « la femme à Marsellus », Mia. S’ensuit une discussion tragi-comique sur l’érotisme et la moralité des massages plantaires.

Scène 1. Arrivée de Jules et Vincent. Séquence 7. Intérieur couloir. Devant la porte. Jour. Personnages (de dos) : Vincent, Jules.

Traitée en 1 plan, la séquence apprend au spectateur que Vincent a été chargé par Marsellus de chaperonner sa femme dans ses sorties en ville. Jules comprend le danger d’une telle mission.

Ici, s’arrête la Scène 1, Arrivée de Jules et Vincent, et commence la Scène 2, Récupération de la mallette (remplie de dollars volés à Marsellus), scène d’action et tuerie, bien séparée de la première scène dans la structure du film par un Très-gros plan (TGP) d’une targette intérieure que les dealers ouvrent pour répondre au rendez-vous précis fixé par les deux hommes de main : 7h30.

On constate ainsi que la Scène 1 (Arrivée de Jules et Vincent) est divisée en 7 séquences, elles-mêmes composées globalement de 9 plans tournés séparément qui ont donné 16 plans au montage.

Dans le scénario, le mot scène, tel un échafaudage, disparaît des indications dans la ligne de présentation de chaque séquence. Ainsi, dans le scénario de Pulp Fiction, il restera pour l'une ou l'autre des séquences :

Ex. : Séquence 7. Intérieur couloir. Devant la porte. Jour.

Extension du mot

Par tradition, la dramaturgie au théâtre ayant précédé celle qu'emploient les cinéastes, le réalisateur de films a été, et est encore, qualifié de « metteur en scène », responsable de sa « mise en scène ». L'expression, liée au plateau du théâtre (décors et comédiens), amplifie même la qualification du maître d'œuvre d'un film, et le film "à grand spectacle" est souvent désigné par sa "mise en scène", c'est-à-dire par l'ampleur des décors, la richesse des costumes, et la multitude des figurants. Ex. : Une "mise en scène somptueuse".

Références

  1. Marie-France Briselance et Jean-Claude Morin, Grammaire du cinéma, Paris, Nouveau Monde, coll. « Cinéma », , 588 p. (ISBN 978-2-84736-458-3), p. 344
  2. Yves Lavandier, La Dramaturgie, Cergy, Le Clown et l'Enfant, édi., 1994, (ISBN 2-910606-00-7), 488 pages, citation de la page 432
  3. idem
  4. Red herring ("hareng saur") signifie en anglais "diversion".

Articles connexes