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Vol de l'aigle

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Retour de l'île d'Elbe, 28 février 1815; rencontre du brick l'Inconstant avec le brick le Zéphir. (par Ambroise Louis Garneray)

Le Vol de l'aigle est l'expression usuellement consacrée au retour de Napoléon Ier depuis l'île d'Elbe, entre le 1er et le .

Déroulement

Départ de l'île d'Elbe

Maquette de L'Inconstant, musée Saint-Remi de Reims.

Au cours de ses 300 jours de séjour à l'île d'Elbe, Napoléon active des réseaux civils et militaires et reçoit de France de nombreuses visites. Cette activité lui permet de se rendre compte d'une certaine déception des Français vis-à-vis de la Restauration, mais c'est surtout la crainte d'un débarquement allié et d'un enlèvement qui l'incitent à partir.

Au cours du mois de , sept bateaux sont préparés pour accueillir l'Empereur et un millier d'hommes composant sa suite, dont les généraux Bertrand et Cambronne, ainsi que les armes et le matériel nécessaires. Le brick L'Inconstant, maquillé en navire anglais, est préparé pour accueillir Napoléon et une grande partie de ses soldats.

Le 24 février, des mouvements suspects lui ayant été signalés, le navire britannique le Partridge accoste sur l'île. Le navire la quitte peu après, mais le capitaine, rentré au port de Livourne, fait son rapport.

Le départ des sept navires a lieu le 26 février vers 21 heures. La flotte anglaise, mise en alerte par le capitaine Ady, du Partridge, se met en route le 26 dans l'après-midi mais ne peut l'intercepter[1].

Napoléon souhaite reconquérir son trône « sans verser une seule goutte de sang », il espère donc que les Français le rejoignent massivement.

Débarquement à Golfe-Juan

Le débarquement a lieu le à 13 heures. Napoléon est accompagné d'à peu près 1 200 hommes, et envoie un détachement composé de 25 soldats pour prendre Antibes, mais la ville refuse de se rendre et fait prisonniers les soldats. Après avoir installé son campement, l'Empereur envoie deux déclarations aux Français et aux soldats afin de justifier son retour. Il effectue également le choix de son itinéraire, renonçant à passer par la vallée du Rhône en raison des importantes garnisons qui s'y trouvent mais aussi de l'opinion provençale, majoritairement royaliste. Il passe par la route du Dauphiné.

Trajet de Golfe-Juan à Paris[2]

  • Dimanche 5 mars : Malijai - Gap (68 km). Le roi de France apprend que Napoléon a débarqué en France[3]. Le conseil des ministres demande de l'arrêter militairement.
  • Lundi 6 mars : Gap - Corps (40 km)[2]. Le comte d'Artois (futur roi Charles X) va à Lyon pour arrêter « l'ogre corse », aidé par le général Macdonald. Le général Marchand, fidèle au roi, ordonne au bataillon du 5e de ligne, commandé par Delassart, de marcher sur le défilé de Laffrey par lequel Napoléon doit passer[3].

Bonaparte est déclaré « traître » et Louis XVIII rassure les diplomates étrangers. Dans le même temps, l'empereur d'Autriche apprend le retour de Napoléon.

Delassart, commandant le 5e de ligne dépêché pour arrêter « l'ogre corse », rencontre la troupe de l'empereur. Le colonel Raoul, dans le camp bonapartiste, se porte vers le commandant royaliste et annonce : « l'Empereur va marcher vers vous ». Delassart lui répond : « Je suis déterminé à faire mon devoir, et si vous ne vous retirez pas sur-le-champ, je vous fais arrêter »[3]. Les deux camps se font face[3].

Delassart confie à ses officiers : « Comment engager le combat avec des hommes qui tremblent de tous leurs membres et qui sont pâles comme la mort ? »[3] Napoléon s'avance alors tout seul, demande aux soldats bonapartistes de reculer et de ne pas tirer[3]. Les officiers royalistes demandent aux militaires de leur camp de tirer, mais pas un coup de feu ne retentit. L'empereur lance d'une voix forte: « Soldats du 5e, je suis votre empereur. Reconnaissez-moi ! ». Il s'avance de nouveau, ouvre sa redingote et déclare : « S'il est parmi vous un soldat qui veuille tuer son empereur, me voilà ! ». Les cris de « Vive l'empereur » se font alors entendre, le 5e de ligne rejoint Bonaparte, doublant les effectifs de la troupe[3].

Le 7e régiment de ligne, qui était sur le chemin de Bonaparte par pur hasard[4], rejoint ses troupes peu avant Grenoble ; il est commandé par Charles de La Bédoyère, qui passe pour un royaliste alors qu'il est en réalité tout dévoué à l'Empereur[3]. La Bédoyère dit à ses hommes « Je viens de recevoir l'ordre de me porter en avant et de m'opposer au retour de l'Empereur. Marchons-nous contre lui ou pour lui ? ». Les soldats répondent « Pour lui ! »[3]. 2 000 paysans se rallient spontanément aux troupes bonapartistes avant l'entrée dans Grenoble[3].

Napoléon poursuit sa route vers Grenoble. Le colonel en charge de garder cette ville refuse d'ouvrir les portes de celle-ci[4]. La Bédoyère monte alors sur un tertre et s’écrie, en s'adressant aux militaires gardant la ville : « Soldats ! Nous vous ramenons le héros que vous avez suivi dans tant de batailles ; c'est à vous de le recevoir et de le répéter avec nous l'ancien cri de ralliement des vainqueurs de l’Europe : Vive l'empereur ! »[4]. Ce sont au final les soldats chargés de défendre la ville qui ouvrent le passage aux bonapartistes[4]. Plus-tard, Bonaparte écrira « jusqu'à Grenoble, j'étais aventurier ; à Grenoble, j'étais prince »[3].

  • Mercredi 8 mars : Napoléon Bonaparte reste à Grenoble[2]. Le Maréchal Ney promet au roi de France de ramener Bonaparte à Paris « dans une cage de fer ».
  • Vendredi 10 mars : Bourgoin - Lyon (37 km)[2].

Le roi d'Angleterre apprend à son tour le retour de « l'aigle » en France. Napoléon quitte Bourgoin à 15 heures, laissant aux autorités royalistes en place à Lyon le choix de demeurer sur place ou de partir. À Lyon, Les troupe du roi commandées par son frère le duc d’Artois (futur Charles X) ainsi que par le duc d'Orléans (futur Louis-Philippe) et le général Macdonald refusent d'attaquer Bonaparte[3]. Les commandants de l'armée quittent la ville le matin, suivis par le préfet Chabrol. Ses opposants partis, Napoléon entre sereinement à Lyon, acclamé par une foule composée notamment de canuts.

  • Samedi 11 et dimanche 12 mars : Bonaparte reste à Lyon[2] : Ces deux journées sont consacrées à la réception des corps constitués de la ville de Lyon, à la revue des troupes sur la place Bellecour[2] ainsi qu'à la rédaction de décrets rétablissant son autorité (les « décrets de Lyon » instituant le retour du drapeau tricolore, par exemple)[3]. La nouvelle de son retour se répand dans les campagnes[2].
Affiche royaliste à l'attention des habitants du Rhône. 7 mars 1815.
Proclamation du général Sonjeon appelant les militaires à soutenir le retour de l'Empereur, 26 mars 1815.
  • Lundi 13 mars : Lyon - Mâcon (72 km)[2]. Napoléon quitte Lyon à une heure du matin et parvient dans la matinée à Villefranche-sur-Saône, où il remonte la rue principale acclamé, selon la chronique bonapartiste, par 60 000 personnes[2][Note 1]. Il parvient à Mâcon à 19 heures. Une adresse aux Lyonnais est placardée sur les murs de la ville. Les puissances européennes se réunissent à Vienne et déclarent « l'usurpateur » hors-la-loi.
  • Mardi 14 mars : Mâcon - Chalon-sur-Saône (64 km).
  • Mercredi 15 mars :Chalon-sur-Saône - Autun (60 km). Le maréchal Ney est tiraillé entre le roi et Bonaparte. Napoléon lui envoie un message, lui disant « je vous recevrai comme le lendemain de la Moskova ». Ney, envoyé pour attaquer l'Empereur, dit de lui-même qu'il « ne peut pas arrêter l'eau de la mer avec les mains »[3]. Il se rallie à Napoléon. Sa décision prise, le maréchal Ney fait afficher sa proclamation de Lons-le-Saunier, le même jour :
« Soldats ! La cause des Bourbons est à jamais perdue. La dynastie légitime, que la nation française a adoptée, va remonter sur le trône. C’est à l’empereur Napoléon, notre souverain, qu’il appartient de régner sur notre beau pays… ». Ses soldats crient « Vive l'empereur ! »[3]
Joachim Murat, roi de Naples et allié de Napoléon, décide de déclarer la guerre à l'Autriche.
  • Jeudi 16 mars : Autun - Avallon (80 km).
  • Vendredi 17 mars : Avallon - Auxerre (61 km).
  • Samedi 18 mars : Napoléon reste à Auxerre. Le 18 mars, lui et le maréchal Ney se rencontrent à huis clos. Les témoignages divergent. Il semble que les deux hommes aient fortement haussé le ton. Certains prétendent que Napoléon aurait fortement tancé son maréchal pour sa « défection » de 1814. il n’y a dans tous les cas pas eu d’affrontement entre les troupes du maréchal Ney et celles de Napoléon. Désormais, les troupes bonapartistes sont fortes de 30 000 hommes[3].

Le ralliement de Ney fait forte impression dans la capitale. La Garde, aux ordres du maréchal Oudinot, rejoint Napoléon à Chaumont. À Auxerre, Bonaparte écrit à Marie-Louise sa troisième lettre depuis son départ de l'île d'Elbe[2].

  • Lundi 20 mars - Pont-sur-Yonne - Fontainebleau puis Paris (110 km). Alors que Napoléon n'est pas encore dans la capitale, le drapeau impérial flotte déjà dans la ville. Le roi, lui, est à Abbeville. Enfin, à 20 ou 21 h, Bonaparte entre dans Paris, où il est accueilli par une foule immense.

Napoléon a réussi son objectif, il a reconquit son trône « sans verser une seule goutte de sang »[3].

Bibliographie

  • Georges Blond, Les Cent-Jours, Julliard, .
  • Bruno Benoît et Jean-Philippe Rey, Les Cent-Jours, itinéraires politiques et géographiques, éditions du Poutan, .
  • Jean Tulard et Louis Garros, Napoléon au jour le jour, Tallandier, .
  • Emmanuel de Waresquiel, Cent Jours : La Tentation de l'impossible. Mars-juillet 1815, Fayard, .

Notes et références

Notes

  1. Le chiffre de la population caladoise à cette date (environ 5 000 habitants) rend ce chiffre de 60 000 sujet à discussion.

Références

  1. Benoît et Rey 2014, p. 30-38.
  2. a b c d e f g h i j k l m et n Benoît et Rey 2014, p. 41-74.
  3. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r Dmitri Casali, Antoine Auger, Jacques Garnier et Vincent Rollin, Napoléon Bonaparte, France Loisirs (ISBN 978-2-298-01771-7)
  4. a b c et d Sylvie Yvert, Une année folle (ISBN 978-2-266-29846-9)