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Émeutes de 1992 à Los Angeles

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Émeutes de 1992 à Los Angeles
Description de cette image, également commentée ci-après
Patrouille de la garde nationale dans les rues de South Central, appelée en renfort pour mettre fin aux pillages.
Informations
Date 29 avril – 4 mai 1992
Localisation Los Angeles, États-Unis
Caractéristiques
Participants Des centaines d'habitants de Los Angeles, principalement de jeunes hommes afro-américains et latinos.
Types de manifestations émeutes, pillages, incendies volontaires, vandalisme, échanges de coups de feu
Bilan humain
Morts entre 53[1] et 55 morts[2]
Blessés plus de 2 300 blessés[2]
Arrestations plus de 11 000

Les émeutes de 1992 à Los Angeles ont débuté le à Los Angeles après qu'un jury, composé de dix Blancs, un Asiatique et un Latino, a acquitté quatre officiers de police blancs accusés d'avoir passé à tabac un automobiliste noir américain, Rodney King, après une course-poursuite pour excès de vitesse. Elles impliquent des centaines d'habitants de Los Angeles, principalement de jeunes hommes afro-américains et latinos.

Les émeutes durent six jours, bien que les événements les plus importants aient eu lieu entre le soir du verdict et le troisième jour. Finalement, on dénombre entre 53[1] et 55 morts[2], plus de 2 300 blessés[2], des milliers d'arrestations[3] et des dommages matériels s'élevant entre 800 millions et un milliard de dollars[1]. Il y a plus de 3 600 départs de feu, détruisant 1 100 bâtiments[2]. Après un déploiement important de la police et de la garde nationale sur place, plusieurs milliers de personnes sont arrêtées, dont 36 % d'Afro-Américains, 52 % d'Hispaniques et 10 % de Blancs[4]. En 1993, les policiers accusés sont rejugés par un tribunal fédéral et condamnés à trente mois de prison.

Des violences ont aussi eu lieu à Seattle, Oakland, San Francisco, Las Vegas et San Diego pour la côte ouest, New York, Philadelphie et Atlanta pour la côte est, sans toutefois atteindre le degré des émeutes de Los Angeles.

Contexte

Tensions raciales

La composition raciale du Sud de Los Angeles, historiquement noir, évolue à l'arrivée de Latinos et de Coréens. Ces derniers en particulier achètent des petites épiceries et des débits d'alcool où ils pratiquent des prix élevés s'appuyant sur leur quasi-monopole, les grandes chaînes de supermarchés ne s'installant pas dans les quartiers pauvres[5]. Dans la zone touchée par les émeutes, la population hispanique a augmenté en une dizaine d'années de 119 %[6].

La compétition économique entre les différentes populations des classes ouvrières et des petites entreprises est à l'origine d'une certaine animosité raciale ; ainsi, dans les années 1980, les entreprises du centre de Los Angeles se séparent de la plupart de leurs employés noirs responsables de l'entretien des bâtiments pour les remplacer par des immigrants latinos, payés moitié moins que leurs prédécesseurs syndiqués. La fracture entre les boutiques coréennes et les habitants noirs est également très prononcée. La communauté noire se plaint de mauvais traitements et de la hausse des prix[réf. nécessaire].

Chômage et pauvreté

Le taux de chômage est extrêmement élevé parmi les résidents de South Central : les quartiers du Sud de Los Angeles sont sévèrement touchés par la récession nationale de la fin des années 1980[5].

La police de Los Angeles, quant à elle, est perçue comme particulièrement violente et accusée de racisme. Son recours régulier au délit de faciès sera confirmé par la commission d'enquête de Warren Christopher après les émeutes[5],[7].

Événements déclencheurs

Affaire Latasha Harlins

Au matin du à South Central, Soon Ja Du, une Coréenne âgée de 51 ans à l'époque, gérante d'une épicerie, voit Latasha Harlins, une Afro-Américaine de 15 ans, mettre une bouteille de jus d'orange dans son sac à dos. Quand Harlins se présente au comptoir, Du lui reprend violemment la bouteille. Au moment où Harlins se retourne pour sortir du magasin, Du sort un revolver et tire derrière la tête de Harlins, qui meurt sur le coup. Le mari de Soon Ja Du, réveillé par les coups de feu, appelle la police pour leur informer qu'un braquage a eu lieu.

L'enquête de police a montré que Harlins prévoyait de payer — les enquêteurs ont trouvé 2 dollars dans sa main gauche — et que celle-ci en avait informé la gérante quand cette dernière l'accusait d'avoir volé, selon les témoignages[8],[9].

Le , la juge Joyce Karlin justifie la réaction de Soon Ja Du et la condamne à 5 ans de prison avec sursis, 400 heures de travaux d'intérêt général et 500 dollars d'amende. Elle va ainsi contre l'avis du jury qui demande 16 ans d'emprisonnement pour homicide volontaire[10]. Le jugement est confirmé en appel le [11].

Affaire Rodney King

Le , à Los Angeles, Rodney King est poursuivi par des policiers du Los Angeles Police Department à la suite d'un excès de vitesse. Il a deux passagers à bord et refuse de s'arrêter. Il a passé la soirée à boire avec ses amis, en regardant un match de basket-ball. Au terme de la poursuite, qui se fait à des vitesses allant d'après la police jusqu'à 190 km/h (117 mph) et sur environ 13 kilomètres, il arrête son véhicule. En quelques secondes, trois voitures de police et un hélicoptère sont sur les lieux. Bryant « Pooh » Allen et Freddie Helms, les deux passagers, obtempèrent aux ordres des policiers et sortent du véhicule, ils sont emmenés à l'écart sans incident, mais King refuse de sortir. Une policière, Melanie Singer, pointe son arme sur lui et lui ordonne de sortir et de s'allonger au sol. Quatre policiers tentent alors de le maîtriser mais King, ivre et musclé, se débat et ils battent en retraite[12].

Le comportement anormal du suspect et son regard « vide » font penser aux officiers (à tort, comme l'indiquera l'enquête) qu'il est sous l'emprise de PCP, une drogue qui occulte la douleur et donne à celui qui est sous son influence l'impression d'avoir une force surhumaine[12].

Le sergent Stacey Koon tire sur King au taser. Il tombe à genoux avant de se relever. Koon tire alors une deuxième fois, ce qui jette Rodney King au sol. King se relève néanmoins une deuxième fois et devant sa résistance, les officiers Laurence Powell et Timothy Wind le rouent de coups, à l'aide de leurs bâtons. Le passage à tabac dure environ une minute vingt et est filmé par George Holliday, un habitant du quartier, réveillé par le bruit et la lumière[13]. Une vingtaine d'autres policiers présents restent en retrait[12].

Après 56 coups de bâton, dont un à la tête, et six coups de pieds, cinq ou six officiers maîtrisent King, le menottent et entravent ses bras et ses jambes à l'aide de cordes. Ils le traînent ensuite à plat ventre vers le bas-côté et attendent une ambulance[14]. Les deux passagers de King sont immédiatement relâchés[12].

À l'hôpital, Rodney King reçoit vingt points de suture dont cinq à l'intérieur de la bouche, l'examen médical montre qu'il a la mâchoire fracturée et la cheville droite cassée[14]. Il est emprisonné quatre jours, puis est relâché, un procureur ayant estimé qu'aucune charge ne peut être retenue contre lui[12],[14].

La vidéo de George Holliday dure au total neuf minutes et vingt secondes ; elle commence avec des images montrant King se jetant sur Powell, puis l'intégralité du tabassage, le menottage, et la fin de l'arrestation[13].

En mars 1992, commence à Simi Valley le procès des policiers Koon, Powell, Wind et Briseno. Ils sont accusés d'« usage excessif de la force » (« use of excessive force »). La défense ayant récusé les Afro-Américains, le jury est composé de dix Blancs, un Asiatique et une Latina[15]. La vidéo de George Holliday est versée au dossier et est examinée image par image par des experts[12].

Le , après sept jours de délibérations du jury, les quatre accusés sont acquittés[16]. Stacey Koon doit être escorté par plusieurs policiers chargés de sa sécurité à la sortie du tribunal[17].

Déroulement

Mercredi 29 avril

Annonce du verdict

Pendant

  • Kings, film de 2017 qui se déroule pendant les émeutes de 1992.
  • LA 92, documentaire de 2017 produit par National Geographic composé uniquement d'images d'archives, relatant les émeutes ainsi que leur contexte, du tabassage de Rodney King au meurtre de Latasha Harlins.
  1. a b et c (en) « Destruction in 1992 L.A. Upheaval: How law enforcement let the largest urban riot/rebellion rage on », sur The Sundial, .
  2. a b c d et e (en) « Ex-police chief: Morale low in Los Angeles force », sur CNN, .
  3. Frédéric Martel, De la culture en Amérique, Paris, Gallimard, (ISBN 2070779319), p. 455.
  4. Davis 1998, p. 40.
  5. a b et c Andrew Diamont, « Émeutes à Los Angeles. La guerre des communautés », L'Histoire no 305, janvier 2006, p. 18-19. Accès payant
  6. (en) Gail Pollard, « Latinos Bring Racial Mix to Boil », The Guardian,‎ , p. 7.
  7. The Independent Commission on the Los Angeles Police Department, Report of the Independent Commission on the Los Angeles Police Department (Christopher Commission Report), (lire en ligne)
  8. (en) « People v. Superior Court (Du) », sur courtroomcast.lexisnexis.com (consulté le )
  9. (en) « 25 years later, vigil marks Latasha Harlins' death, which fed anger during Rodney King riots », sur latimes.com, (consulté le )
  10. (en) « Black People As Criminals First, Citizens Second: The L.A. Riots », sur theshadowleague.com, (consulté le )
  11. (en) « Judge Who Gave Probation in '91 Killing Quits », sur articles.latimes.com, (consulté le )
  12. a b c d e et f (en) An Account of the Los Angeles Police Officers' Trials (The Rodney King Beating Case) - Doug Linder, University of Missouri-Kansas City (UMKC) School of Law, 2001
  13. a et b (en) The Holliday Videotape - University of Missouri-Kansas City (UMKC) School of Law
  14. a b et c (en) Report of the Independent Commission on the Los Angeles Police Department - Chapitre 1, The Rodney King Beating, p. 7, 1991 [PDF]
  15. (en) « After the riots; A Juror Describes the Ordeal of Deliberations », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  16. (en) « After the riots; A Juror Describes the Ordeal of Deliberations », The New York Times,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. CNN Documentary Race + Rage: The Beating of Rodney King, aired originally on March 5, 2011; approximately 14 minutes into the hour (not including commercial breaks).