Pine Gap

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Pine Gap
Image illustrative de l’article Pine Gap
Vue aérienne de Pine Gap, près d'Alice Springs en Australie, en 2008.

Lieu Alice Springs, Territoire du Nord

Australie

Fait partie de UKUSA
Type d’ouvrage Station d'interception des radiocommunications
Construction 1966-1967
Utilisation En activité
Contrôlé par Drapeau des États-Unis États-Unis
Garnison Central Intelligence Agency (CIA)

Australian Signals Directorate (ASD) National Reconnaissance Office (NRO) National Security Agency (NSA)

Coordonnées 23° 47′ 56″ sud, 133° 44′ 13″ est
Géolocalisation sur la carte : Australie
(Voir situation sur carte : Australie)
Pine Gap
Géolocalisation sur la carte : Territoire du Nord
(Voir situation sur carte : Territoire du Nord)
Pine Gap
Panneau avertisseur sur la route vers Pine Gap
Pine Gap vue depuis le Mount Gillen

Pine Gap (appellation réduite de Joint Defence Facility Pine Gap) est une station de renseignement d'origine électromagnétique située au sud-ouest de la ville d'Alice Springs, dans le Territoire du Nord, en Australie. Elle joue un rôle important en soutenant les activités de renseignement et les opérations militaires des États-Unis.

Histoire

À la fin de l'année 1966, dans un contexte de guerre froide, la construction d'une base américaine de surveillance par satellite, sur le territoire australien, est actée par un accord conclu entre les deux gouvernements[1],[2]. La station, dénommée « Joint Defence Space Research Facility », est présentée au public en tant que centre de recherche spatiale[3]. Le traité est signé le à Canberra[1],[2].

Lors de sa mise en service, la station est un centre de contrôle et de communication pour les satellites géostationnaires de la Central Intelligence Agency (CIA), développés de 1967 à 1985 sous les appellations « RHYOLITE/AQUACADE » puis « MAGNUM/ORION »[4],[5]. Les deux premières antennes paraboliques ont été construites en 1966-1967, selon l'auteur universitaire Desmond Ball[2]. Ce premier système opérationnel est utilisé pour la surveillance et la collecte des données relatives aux essais de missiles balistiques soviétiques[3],[6].

Allégations concernant la destitution de Gough Whitlam

En 1974, le Premier ministre Gough Whitlam remet en question le rôle des bases américaines en Australie, demandant au président américain, Richard Nixon, la révision des modalités régissant les relations entre les deux pays. Il envisage la fermeture de la station, alors que l'accord pour l'exploitation du site doit expirer le [7],[note 1].

Pour Victor Marchetti, ancien responsable de la CIA, cette menace, exprimée publiquement[note 1], est à l'origine de la destitution de Whitlam, le [7],[8]. Plusieurs journalistes, historiens et commentateurs politiques appuient la théorie selon laquelle l'agence de renseignement américaine serait impliquée, en agissant sous la couverture de la Nugan Hand Bank (en)[8],[9]. Ces allégations ont été catégoriquement démenties par la CIA et par le gouverneur général d'Australie en fonction lors de cette crise politique, John Kerr[10].

Années 1990

En 1999, la station est dotée de dix-huit antennes paraboliques[11], qui participent à l'interception d'une partie des télécommunications en Chine, en Inde, au Japon, en Corée du Nord et au Moyen-Orient[2],[12]. D'après plusieurs experts en renseignement, dont Desmond Ball, sollicité par un comité du Sénat, l'expansion de la station dans les années 1990, au lendemain de la guerre froide, a été particulièrement significative. En plus des ondes radioélectriques hautes-fréquences (HF), très utilisées durant la seconde moitié du XXe siècle, l'évolution de l'infrastructure technique permet l'interception des ondes très hautes fréquences (VHF) et ultra hautes fréquences (UHF). Par ailleurs, la collecte d'informations ne concerne plus seulement la surveillance des activités militaires, mais aussi l'intelligence économique et la politique[2],[4].

La fermeture du site de Nurrungar (« Joint Defense Facility Nurrungar »), en fin d'année 1999, entraîne le transfert à Pine Gap du centre de contrôle des satellites de détection infrarouge du programme de défense antimissile américain[2],[13]. Des documents publiés en 2019 révèlent que cette extension des activités de la station, pour un usage strictement militaire, a suscité l'inquiétude du gouvernement australien[14].

Années 2000

Au début des années 2000, les capacités de Pine Gap en matière de renseignement d'origine électromagnétique sont étendues. En 1999-2000, deux antennes paraboliques de 23 m de diamètre sont installées, permettant de cibler directement les satellites de télécommunications étrangers (FORNSAT/COMSAT)[5],[15]. Selon un rapport du Parlement Européen, publié en 2001, elles sont utilisées pour cibler les satellites INTELSAT stationnés en orbite au-dessus de l'océan Pacifique et de l'océan Indien[11].

En 2008, une antenne multi-faisceaux Torus est installée dans un périmètre indépendant à environ 200 m au sud du complexe principal. Le déploiement de cette technologie avancée vient compléter le dispositif d'interception visant les satellites de télécommunications, en complément d'autres installations à Seeb, Oman, et à Waihopai, en Nouvelle-Zélande[5],[15].

Années 2010

En parallèle des révélations médiatiques sur les activités de la NSA qui ont lieu à partir de 2013, un certain nombre d'informations sensibles sur la station de Pine Gap sont dévoilées publiquement[6].

En 2017, l'analyse d'un rapport de la NSA sur le fonctionnement de la station (dont le nom de code américain est « RAINFALL ») démontre qu'elle « joue un rôle important dans le soutien des activités de renseignement et les opérations militaires des États-Unis »[12],[16].

Explications de Desmond Ball

En 1999, lorsque le gouvernement australien refusa de donner des explications à une commission du Sénat australien, celle-ci demanda au professeur Desmond Ball (en) de l'Australian National University, expert en renseignement, d'exposer les grandes lignes de la base.

Le personnel employé sur la base a augmenté, passant d'environ 400 au début des années 1970, à 600 au début des années 1990 pour approcher les 1 000 au début du XXIe siècle. La plus grande expansion du site a eu lieu à la fin de la guerre froide.

Il expliqua que le principal rôle de la station était le recueil et le traitement des informations transmises par des satellites de renseignements géostationnaires, indiquant que quatre types de signaux étaient exploités :

  • la télémesure des armes de technologie avancée, comme les missiles balistiques, utilisée pour vérifier le respect des traités de limitation des armements ;
  • les signaux des radars anti-missiles et anti-aériens ;
  • les transmissions envoyées aux satellites de communication ;
  • les émissions par micro-ondes telles que celles des appels téléphoniques à longues distances.

Il expliqua que la zone est partagée en trois secteurs : un secteur de suivi des satellites, un secteur de recueil des signaux et un secteur d'analyse des signaux, d'où les Australiens avaient été écartés jusqu'en 1980. En 2017, les Australiens n'ont pas accès à la National Cryptographic Room (de même que les Américains n'ont pas accès à l'Australian Cryptographic Room).

Chaque matin une commission, le Joint Reconnaissance Schedule Committee, se réunit pour déterminer quels satellites seront surveillés pendant les prochaines 24 heures.

Adaptation pour la télévision

Le site de Pine Gap a fait l'objet d'une création de série TV originale produite par la société australienne Screentime et réalisée pour Netflix en 2018. Elle a été diffusée sur la chaîne ABC. La série, constituée de six épisodes, a été créée par Greg Haddrick et Felicity Packard, et réalisée par Mat King.

Notes et références

Notes

  1. a et b Le gouvernement australien considère qu'il ne devrait pas y avoir de bases, de stations ou d'installations militaires étrangères en Australie. Nous respectons les accords concernant les stations existantes. Nous ne sommes pas favorables à l'extension ou à la prolongation de l'une d'entre elles. - (en) « Déclaration de Whitlam au Parlement d'Australie, le 3 avril 1974 »

Références

  1. a et b (en) « Agreement between the Government of the Commonwealth of Australia and the Government of the United States of America relating to the Establishment of a Joint Defence Space Research Facility [Pine Gap, NT] », Australian Treaty Series 1966 No 17, Canberra, Australian Government Publishing Service,
  2. a b c d e et f (en) « Testimony of Professor Desmond Ball and Professor Paul Dibb to the Joint Standing Committee On Treaties : Pine Gap » [PDF], sur nautilus.org, Nautilus Institute for Security and Sustainability, (consulté le )
  3. a et b (en) Jackie Dent, « An American Spy Base Hidden in Australia’s Outback », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  4. a et b (en) Duncan Campbell, « Interception Capabilities 2000 », Science and Technology Options Assessment [PDF], Parlement européen, , p. 7
  5. a b et c (en) Desmond Ball, Duncan Campbell, Bill Robinson et Richard Tanter, Expanded Communications Satellite Surveillance and Intelligence Activities utilising Multi beam Antenna Systems, Nautilus Institute for Security and Sustainability, (lire en ligne), p. 29-32
  6. a et b (en) Philip Dorling, « Australian outback station at forefront of US spying arsenal », The Sydney Morning Herald,‎ (lire en ligne)
  7. a et b (en) John Pilger, « The British-American coup that ended Australian independence », The Guardian,‎ (lire en ligne)
  8. a et b Fabrizio Calvi et Olivier Schmidt, Intelligences secrètes : Annales de l'espionnage, Hachette, (lire en ligne), p. 20-31
  9. (en) William Blum, Killing Hope : U.S. Military and CIA Interventions since World War II, Common Courage Press, (ISBN 1-84277-369-0), chap. 40 (« Australia 1973-1975: Another free election bites the dust »)
  10. (en) Paul Kelly et Troy Bramston, « Whitlam dismissal: Queen, CIA played no role in 1975 », The Australian,‎ (lire en ligne)
  11. a et b Parlement européen, Rapport sur l’existence d’un système d’interception mondial des communications privées et économiques (système d’interception ECHELON), , 202 p. (lire en ligne), p. 58-60
  12. a et b (en) Ryan Gallagher, « The U.S. Spy Hub in the Heart of Australia », The Intercept,‎ (lire en ligne)
  13. (en) Michael Richardson, « Early-Warning Facility Would Play Key Role in U.S. Missile Defense : Australia Scrutinizes Shield Project », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  14. (en) Henry Belot, « Cabinet documents reveal Pine Gap expansion deal and concerns about 'weaponising space' », ABC News,‎ (lire en ligne)
  15. a et b (en) Philip Dorling, « Pine Gap’s new spy role revealed », The Syndey Morning Herald,‎ (lire en ligne)
  16. (en) Peter Cronau, « Pine Gap plays crucial role in America's wars, leaked documents reveal », ABC News,‎ (lire en ligne)


Annexes

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

  • (en) « The Pine Gap project » - Page d'accueil du projet sur le site du Nautilus Institute for Security and Sustainability