Aller au contenu

Hernani

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Ceci est une version archivée de cette page, en date du 11 mars 2013 à 14:02 et modifiée en dernier par Yannollivier (discuter | contributions). Elle peut contenir des erreurs, des inexactitudes ou des contenus vandalisés non présents dans la version actuelle.

Hernani
Image illustrative de l’article Hernani
La bataille d’Hernani

Auteur Victor Hugo
Pays Drapeau de la France France
Genre Drame romantique
Éditeur Mame et Delaunay
Lieu de parution Paris
Date de parution 1830
Date de création
Lieu de création Comédie-Française

Hernani, ou l’Honneur castillan est une pièce de théâtre de Victor Hugo représentée pour la première fois à la Comédie-Française le et publiée la même année.

Cette pièce, parmi les plus célèbres de Victor Hugo et dont la représentation déclencha la bataille d’Hernani, consacra le genre du drame romantique.

Personnages principaux et présentations

  • Hernani, personnage éponyme de la pièce, est un noble banni, amant de Doña Sol. Il appartient à la génération des héros romantiques, nécessairement enfiévrés et maudits. Il a vingt ans et sa vie est marquée par la mort de son père sur l’échafaud à cause d'un membre de la famille de don Carlos (le roi) ; d'où sa haine envers cet homme.
  • Don Carlos est roi d’Espagne. C’est un personnage type de la Renaissance, capable du meilleur et du pire, traversé de tous les contrastes. Il feint la soumission au pape et exerce un chantage sur Don Ruy. Il sera élu Empereur ;
  • Don Ruy Gomez de Silva « duc de Pastrania » est un vieillard amoureux. C’est un duc riche, puissant, et c’est un partisan de l’ordre. C’est l’oncle de Doña Sol avec qui il veut se marier. Il a fait promettre à Hernani qu’en cas de victoire la vie de celui-ci lui appartiendrait ;
  • Doña Sol de Silva amante d’Hernani, et femme destinée au mariage avec son oncle Don Ruy Gomez de Silva, et qui fut un temps courtisée par Don Carlos.

Résumé d’Hernani

Préface

Hugo réaffirme ses dires exposés dans la Préface de Cromwell : il faut briser les règles du théâtre classique et réaffirmer l’ambition esthétique de la nouvelle génération, le romantisme. Il demande aussi, et surtout, la mise en valeur du public, le public vrai, le peuple, car c’est lui qui rend les œuvres immortelles, et que « la poésie ait la même devise que la politique : TOLÉRANCE ET LIBERTÉ »

L’action principale se situe en Espagne en 1519 (de février à août).

Acte I : Le roi (Saragosse, une chambre à coucher au palais du duc Don Ruy Gomez de Silva, la nuit)

Le roi d'Espagne Don Carlos s’introduit la nuit dans la chambre de Doña Sol dont il est secrètement amoureux. Caché dans une armoire, il assiste à la rencontre entre Doña Sol et Hernani, un banni. Hernani, fils d’un homme décapité sur ordre du père de Don Carlos, s’est promis de venger son père. Doña Sol aime Hernani mais on l’a fiancée à son oncle, Don Ruy Gomez de Silva.

Don Carlos sort de sa cachette et les deux rivaux s’apprêtent à croiser le fer. Mais le vieux duc frappe à la porte. Don Ruy Gomez de Silva s'indigne en voyant deux hommes chez sa nièce. L’inconnu découvre son visage et se présente. Le roi justifie sa présence et fait passer Hernani pour quelqu'un de sa suite. Il indique que l’heure est grave car l’empereur Maximilien, son aïeul vient de mourir. Il vient consulter Don Ruy Gomez de Silva, son fidèle sujet, et écouter ses conseils. Doit-il se porter candidat au trône du Saint-Empire ? Resté seul, Hernani qui a retrouvé le fils de l’assassin de son père exprime sa haine et médite sa vengeance.

Acte II : Le bandit (Saragosse, un patio du palais de Silva)

Le lendemain, à minuit, dans une cour du palais de Don Ruy, Don Carlos (le futur Charles Quint) se rend sous la fenêtre de Doña Sol. Il souhaite enlever la jeune fille avant Hernani, dont il connaît maintenant l’identité. Trompée par l’obscurité, Doña Sol le rejoint. C’est alors que surgit Hernani. Il propose un duel au roi, qui refuse avec beaucoup de mépris. Cette fois c’est Hernani qui a l’avantage. Grand seigneur, il laisse la vie sauve au roi et lui donne son manteau pour qu’il puisse traverser sans dommage sa troupe de bandits.

Restés seuls, Hernani et Doña Sol échangent quelques mots d’amour. Mais l’armée du roi est déjà à sa poursuite. Hernani quitte Doña Sol et part rejoindre sa troupe.

Acte III : Le vieillard (Le château de Silva, dans les montagnes d’Aragon)

Quelques semaines plus tard, dans la grande salle du château du duc de Silva, dans les montagnes, le vieux duc Don Ruy Gomez de Silva va épouser Doña Sol, sa jeune nièce. On prépare le mariage. Il savoure son bonheur, d’autant qu’on lui apprend la mort probable d’Hernani. Le jour des noces, un pèlerin frappe à la porte du château de Silva.

Découvrant Doña Sol en tenue de mariée, le pèlerin déchire son habit et déclare son identité : « je suis Hernani ».

La tête d’Hernani est mise à prix, mais la loi de l’hospitalité étant sacrée, Don Ruy Gomez de Silva fait barricader le château De Silva et décide de le protéger.

Hernani et Doña Sol restent seuls et dissipent tout malentendu. La jeune femme lui montre le poignard qu’elle a dérobé au roi. Hernani et Doña Sol échangent des mots d’amour et s’enlacent. C’est alors que surgit Don Ruy Gomez qui a des mots très durs sur l’attitude d’Hernani mais, au nom de l’honneur, il se refuse toujours à trahir son hôte. C’est alors que les trompettes annoncent l’arrivée du roi. Don Ruy Gomez cache Hernani dans une cachette que seul lui connait, derrière son portrait.

Le roi pénètre dans le château et est furieux d’apprendre que Don Ruy Gomez cache ce scélérat d’Hernani. Il lui propose le choix : ou Don Ruy accepte de livrer Hernani ou il sera tué. Le duc hésite, mais finalement refuse de livrer Hernani. Le Roi, impressionné par sa fidélité à la loi d'hospitalité, décide de seulement enlever Doña Sol. Après son départ, Don Ruy Gomez et Hernani complotent pour tuer le roi. Hernani offre son bras et sa vie à Don Ruy Gomez.

Acte IV : Le tombeau (Aix-la-Chapelle, dans le tombeau de Charlemagne)

Deux mois plus tard, en juin 1519, à Aix-la-Chapelle (capitale du Saint-Empire romain germanique), Don Carlos attend les résultats de l’élection impériale tout en déjouant un complot : parmi les conjurés se trouvent Don Ruy Gomez et Hernani ; ce dernier, désigné pour assassiner le roi, refuse de laisser sa place à Don Ruy Gomez, qui lui propose pourtant de rompre le pacte. Élu empereur, Don Carlos pardonne aux conjurés et annonce le mariage de Doña Sol avec Hernani, qui révèle sa véritable identité (car il est noble mais né en exil) qui est celle de Jean d’Aragon et abandonne son idée de vengeance.

Acte V : La noce (Saragosse, sur une terrasse du palais d’Aragon)

Quelques semaines après, à Saragosse dans le palais d'Hernani, redevenu Don Juan d'Aragon, les noces de Doña Sol et d’Hernani ont lieu ; mais Don Ruy Gomez, implacable, vient exiger le respect du pacte fatal ; Doña Sol s’empoisonne, imitée par Hernani. Don Ruy Gomez se poignarde alors sur leurs corps.

La théorie du drame romantique

On ne peut parler d’Hernani sans évoquer son genre : le drame romantique. Quelques théoriciens des années 1820 comme Stendhal ou Alessandro Manzoni (Lettre à monsieur Chauvet sur l’unité de lieu et de temps dans la tragédie) l'ont d'ailleurs étudié dans leurs œuvres.

La création de la pièce

Représentation d’Hernani.

Après la rédaction de la préface de Cromwell en 1827, où il affirmait la nécessité de briser les règles du théâtre classique, Hugo est revenu à la poésie lyrique avec notamment les Odes et Ballades (août 1828), qui lui valent la protection du roi, et Les Orientales (janvier 1829). Comme il désirait toujours abattre les classiques sur leur terrain admis, le théâtre tragique, il enchaînait aussi les projets et les échecs, ainsi Amy Robsart, échec à l’Odéon en février 1828. Mais le succès de Henri III et sa cour en 1829 de son ami Alexandre Dumas lui redonna vigueur et il s’attela à un drame historique en Espagne (les sujets français étant systématiquement censurés par le pouvoir royal, tels Marion Delorme ou Un duel sous Richelieu inspiré de la vie de la courtisane du XVIIe siècle Marion Delorme). Ce fut Hernani.

La rédaction s’étala du 19 août au , et il lut son œuvre le 30 septembre à ses amis du cénacle romantique, qui l’approuvèrent presque sans réserve. Il obtint l’autorisation de créer sa pièce au Théâtre Français, les censeurs désirant l’abattre une fois pour toutes, et une nouvelle lecture le 5 octobre devant la troupe de la Comédie-Française suscita l’enthousiasme. Aussitôt distribuée, la pièce entra en répétition.

Les répétitions furent cependant ardues : Mademoiselle Mars, étoile de la troupe, jouant Doña Sol, avait le goût plutôt classique, même si elle désirait aider ce jeune et talentueux auteur, et se prêtait mal aux hardiesses de ton romantiques ; d’autres comme Firmin, un Hernani un peu falot, et Michelot, Don Carlos plus élégant que vigoureux, redoutaient surtout l’affrontement futur. Plusieurs, dont notamment Joanny, ancien soldat aux ordres du général Hugo, et qui désirait ainsi rendre hommage au fils en interprétant Don Ruy Gomez, étaient cependant enthousiastes de briser les carcans ampoulés du jeu classique.

Les censeurs épluchèrent le manuscrit jusqu’en janvier, la pièce étant retardée par le succès de l’Othello de Shakespeare mis en scène par Vigny, coupant certains passages (mais pour des raisons politiques ou religieuses, les censeurs se faisant honneur de laisser les hardiesses stylistiques, espérant que le « mauvais gout » prononcé discréditerait définitivement leur auteur), alors qu’une cabale se formait dans la presse, menée par les classiques, visant à démolir à l’avance l’œuvre nouvelle, ce qui ne fit que conforter Hernani dans son rang de « manifeste » de la nouvelle génération, qui eut ainsi le temps de se préparer à la bataille.

Chef de famille et chef de bande, tel est le Hugo qui attaque sa dernière Bastille: le théâtre, protégé du romantisme par la tradition et la censure. L'offensive se fait en trois temps. En 1827, acte I, théorique: Cromwell et sa Préface proclament la liberté dans l'art, la mort des «règles» classiques, la beauté moderne du «grotesque». En 1829, acte II, politique: Charles X fait interdire Marion de Lorme pour atteinte à la majesté royale; Hugo rompt avec le régime. En 1830, le rideau se lève sur Hernani. Enfin mobilisée pour sa cause, voici l'armée des fidèles, violemment parés et décoiffés, visibles, voyants, sonores; en première ligne, le gilet rouge de Gautier et la crinière de Dumas. Contre les «perruques» académiques et les «grisâtres» classiques, les «flamboyants» défendent, pied à pied, l'alexandrin romantique. Succès de scandale, la bataille d'Hernani s'achève sur un triomphe financier et la victoire de l'art nouveau.

Les réactions

Lors de la première représentation, la pièce déclencha de vives et surprenantes réactions entre les classiques venus pour détruire la contestation dans l’œuvre et les romantiques venus soutenir leur champion. Ce fut la bataille d’Hernani.

Mais, malgré la bataille qui faisait rage, la pièce fut un vrai succès (recette de 4 940,65 francs) et l’éditeur Mame versa son dû à l’auteur et le lia séance tenante, selon la légende, par un contrat d’édition. Les représentations suivantes augmentèrent l’intensité de la bataille mais la pièce avait trouvé son public et le succès ne se démentit pas, Victor Hugo étant porté aux nues par la nouvelle génération. Ainsi, comme le note Théophile Gautier, « pour la génération de 1830, Hernani a été ce que fut Le Cid pour les contemporains de Corneille. Tout ce qui était jeune, vaillant, amoureux, poétique, en reçut le souffle. » Hugo, contre l’éreintement systématique des tenants des classiques, tels que Charles Maurice, Sainte-Beuve ou Jean Viennet, reçut cependant le soutien de nombreuses personnes hors de sa génération, tels que Victor Pavie ou Chateaubriand qui lui écrivit au lendemain de la première : « J’ai vu, Monsieur, la première représentation d’Hernani. Vous connaissez mon admiration pour vous, ma vanité s’attache à votre lyre, vous savez pourquoi. Je m’en vais, Monsieur, et vous venez. Je me recommande au souvenir de votre muse. Une pieuse gloire doit prier pour les morts. »

La pièce fut ensuite reprise en 1838, non sans difficulté car les pouvoirs officiels de la Monarchie de Juillet cherchaient à effacer les œuvres romantiques à la Comédie-Française, et plusieurs autres fois avant 1849. Mais Victor Hugo se détachant du pouvoir impérial, Napoléon III interdit toutes ses pièces tout le long du Second Empire, et il fallut attendre 1877 pour voir redécouvrir cette pièce, avec Mounet-Sully et Sarah Bernhardt, où l’on put l’entendre pour la première fois dans sa version entière et non censurée. En 1952, la pièce avait été jouée 906 fois à la Comédie-Française.

On peut cependant penser que si Hernani a gagné la bataille contre les classiques, il a subi un certain éreintement de son image, car elle est aujourd’hui bien moins jouée et connue que d’autres pièces du romantisme, tels que Ruy Blas du même auteur ou Lorenzaccio et On ne badine pas avec l'amour de Musset.

Analyse de l’œuvre

Sources

Victor Hugo s’inspire de sources diverses pour cristalliser dans la légende de chevalerie hispanique, comme dans Le Cid de Corneille, auquel il se référait volontiers, l’ambition romantique de sa génération. Il tire son sujet ainsi, selon ses dires, d’un passage d’une vieille chronique espagnole : « Don Carlos, tant qu’il ne fut qu’archiduc d’Autriche et roi d’Espagne, fut un prince amoureux de son plaisir, grand coureur d’aventures, sérénades et estocades sous les balcons de Saragosse, ravissant volontiers les belles aux galants, voluptueux et cruel au besoin. Mais du jour où il fut empereur, une révolution se fit en lui. » Il tira ensuite sans doute l’ambiance hispanique de ses souvenirs de ce pays, où il habita quelque temps à la suite de son père durant les campagnes napoléoniennes, et de textes récents sur l’histoire locale, toujours selon ses dires. On peut aussi noter des analogies avec des pièces qui lui ont peut-être inspiré certains passages : Le Tisserand de Ségovie d’Alarcon ou La Dévotion à la croix de Calderon (histoires d’amour, d’honneur et de sang) mais aussi des sources moins latines, tels que Evadne or The Statue de Richard Lalor Sheil (la scène des portraits), Egmont de Goethe, Les Brigands de Schiller… Cette pièce tire son nom d'une ville espagnole qui a pour nom Ernani où l'on a rajouté le H de Hugo pour en faire HERNANI

Adaptations

Hernani a été mis en musique par Verdi en 1844 sous le titre de Ernani.

Liens externes