Race bovine canadienne

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La canadienne est la première race bovine laitière à avoir été créée sur le continent de l’Amérique du Nord. Elle a été intimement associée à la colonisation du Canada français (le Québec) où elle a dominé, sans partage, l’élevage bovin jusqu’au XIXe siècle.

Elle a fourni la force motrice et de traction pour le transport et le labour, ainsi que la production de lait et de viande pour les habitants.

Quelles sont ses origines ?

On sait que la canadienne descend des races françaises qui faisaient parties du paysage de la Normandie du XVIIe siècle. Lors de ses deux voyages, en 1538 et en 1541, Jacques Cartier avait amené à la colonie (le Québec) des bestiaux qui provenaient du nord-ouest de la France. Vraisemblablement, comme ces bovins servirent de pitance aux explorateurs, ils ne purent assurer leur descendance. C’est réellement en 1601 que M. de Poutrincourt ordonna la première livraison fructueuse. C’est donc dire que c’est principalement entre 1601 et 1665 que parvinrent au Québec les noyaux de bovins qui allaient donner naissance à la canadienne. Ces derniers envois étant partis de « Honfleur » en Normandie, sous Samuel de Champlain, gouverneur de la Nouvelle-France à ce moment, nous sommes persuadés que la canadienne tire ses origines ou est apparentée à la célèbre race « cotentine », cette dernière qui, après avoir été croisée à la race pie-rouge de Hollande, les races augeronne et cauchoise de Normandie et, finalement, la race durham de Grande-Bretagne, donna naissance à la race bovine normande d’aujourd’hui.

Quelles sont ses caractéristiques ?

La vache canadienne typique est un animal laitier. La femelle pèse environ 27 kilogrammes à la naissance et atteint 500 kilogrammes à l’âge adulte. Quant au mâle, il pèse 32 kilogrammes à la naissance et en moyenne 750 kilogrammes à maturité.

La robe peut être noire, brun fauve ou rousse. Elle est généralement plus pâle sur la ligne du dos, autour du mufle et au niveau du pis. Grâce à sa robe, la canadienne est adaptée pour vivre dans des conditions extrêmes. Cette vache s’adapte aux conditions hivernales en se dotant d’une fourrure duveteuse qui lui permet d’affronter les grands froids. Elle s’acclimate également bien aux conditions tropicales, grâce à la couleur de sa robe, son poil luisant et fin, et à la pigmentation de sa peau.

Ces bovins descendent d’ancêtres qui survécurent, durant plusieurs générations, à une sélection naturelle implacable. La canadienne possède une rusticité exceptionnelle, fruit d’une sélection naturelle rigoureuse. Elle est pourvue d’une fertilité supérieure qui se démontre quotidiennement en insémination artificielle pour un taux de non-retour supérieur et par des récoltes d’embryons également supérieures aux grandes races laitières. Elle vêle facilement, ce qui évite des nuits de veille aux éleveurs. Elle est dotée d’un tempérament à la fois doux et vigoureux. Agile, elle se déplace facilement en terrain accidenté. Elle est une bonne brouteuse et est aussi reconnue pour sa frugalité. Les connaisseurs apprécient sa viande tendre et savoureuse à cause de son persillé. Autrement dit, notre vache est dotée de qualités qui furent mises en veilleuse suite au développement de l’agriculture industrielle qui nécessite une régie pointue et une alimentation optimale.

La production laitière officielle est d’environ 5 800 kilogrammes de lait avec des taux de 4,28 % en matière grasse et de 3,66 % en matière protéique. À quantité égale au lait généralement produit, son lait riche en constituants multiples est particulièrement valorisé par les formules de paiement du lait selon les composantes. Le contenu en caséine de son lait et le contenu protéique/matière grasse représentent des atouts particulièrement précieux pour la production et la fabrication de fromage.

Notes historiques

C’est vers 1880 et grâce au docteur J.-A. Couture, médecin-vétérinaire, fondateur et premier secrétaire (1895-1922) de la Société des éleveurs de bovins canadiens que débuta la période de réorganisation et d’amélioration de la race bovine canadienne. C’est en 1886 que fut ouvert le livre généalogique de la canadienne. À cette époque, les races britanniques avaient déjà leur livre généalogique et, par conséquent, leurs associations d’éleveurs avaient créées leurs pedigrees. L’absence de pedigree exclua donc les éleveurs de la canadienne des expositions dans les classes des pur-sang. Les animaux furent ainsi forcés de participer uniquement aux classes de croisés. Au tournant du siècle, la canadienne fut aussi absente de la plupart des publications canadiennes anglaises. Ces développements découragèrent plusieurs éleveurs d'entrer en compétition et, par conséquent, ils les empêchèrent de présenter leurs troupeaux à de grandes manifestations. Malgré toutes ces misères, ce bétail avait amélioré ses performances à un tel point que la canadienne fut reconnue comme la productrice laitière la plus économique lors de la Pan-American de Buffalo (États-Unis d'Amérique) en 1901. À la même époque, elle fut aussi reconnue comme la race laitière la plus profitable au Canada.

La Société des éleveurs de bovins canadiens fut finalement organisée en 1895 et incorporée sous la loi de la Généalogie du bétail en 1905. Le ministère de l’Agriculture du Canada prit donc en main les livres généalogiques des races animales et il organisa à Ottawa les « Annales canadiennes du bétail ».

Lors de la Convention annuelle des éleveurs de bétail en 1908, le ministre de l’Agriculture du Canada de l’époque, Mr Sydney Fisher affirmait :

« Je n’hésite pas à proclamer que la vache canadienne est la meilleure machine à faire du beurre qui se tienne sur quatre pattes. Chacun peut avoir ses goûts et ses préférences, mais tous ceux qui connaissent ses bonnes qualités, la richesse de son lait, la vigueur de sa constitution et la facilité avec laquelle elle s’élève, seront de mon avis… »

Pendant une quinzaine d’années, jusqu’en 1914, Thomas Bassett Macaulay (vice-président de la SEBC, de 1906 à 1911) joua un rôle important en amorçant un audacieux programme d’élevage basé principalement sur l’accouplement consanguin contrôlé et intensif des meilleurs sujets de la race. Dans la conclusion de son opuscule intitulé The Rising Breed, T.B. Macaulay faisait l’éloge de la canadienne et on peut y lire :

« Les Canadiens n’ont aucune bonne raison de faire venir à grands frais, de l’étranger, des reproducteurs pour améliorer leur bétail laitier. Ils ont ici-même une race qui occupe le premier rang parmi les races laitières du monde et qui est destinée à devenir la race par excellence. Cette race, c’est la canadienne. Elle a la symétrie de formes, une constitution extrêmement vigoureuse, un tempérament doux, mais non lymphatique, une frugalité incomparable lui permettant de trouver sa subsistance où une autre souffrirait de malnutrition et de donner des profits avec une alimentation ordinaire ; elle donne du lait riche presque d’un vêlage à l’autre. C’est la plus profitable pour un cultivateur ordinaire de ce pays. »

Malheureusement, suite à un conflit majeur (genre guerre de religion) qui se développa au sein de la direction de la SEBC, T.B. Macaulay quitta la SEBC.

Vers 1920, il mit ses talents au service de la holstein. En une vingtaine d’années, il développa un troupeau dont l’impact se répercute encore aujourd’hui dans la généalogie de tous les sujets de race holstein de la planète. Il est tout de même étonnant que, aujourd’hui aux États-Unis comme au Canada où la holstein est maître en fait de nombre et de production mondiale, il existe une très forte demande pour la canadienne.

Il est bon de citer que, en 1940, lors d’un concours interraces, c’est le taureau de race canadienne « Maurice d’Etchemin » qui remporta la palme sur tous ses compétiteurs de races holstein et ayrshire. En 1946, à l’Exposition royale de Toronto, c’est le taureau canadien « Tixandre Ferme Centrale » (âgé de 16 ans) qui remporta le grand championnat sur un total d’environ 1 200 bêtes appartenant à toutes les races.

La Gazette des Campagnes (journal de la Pocatière au Québec) publiait dans son numéro du 14 avril 1947 le record de production laitière de la vache « Belle-du-lac », propriété des Ursulines de Roberval. Vêlée à 6 ans, cette vache fit une lactation de 9 580 kilogrammes de lait, 417 kilogrammes de matière grasse (4,35 %).

Épilogue

Le 15 décembre 1999, l’Assemblée nationale du Québec adopta le projet de loi « 199 », la « Loi sur les races animales du patrimoine agricole du Québec ». Ainsi on désignait enfin la race de vache dite « canadienne » comme race patrimoniale du Québec ; en France, elle recevait en 2004 son code race numéro 92. Ce qui lui conférait le titre de race officielle française, un pas important compte tenu du fait que la France n’accepte plus d’autres races bovines.

Il était plus que temps que le gouvernement du Québec reconnaisse et réalise à quel point cette petite laitière a bien servi les Québécois pendant presque quatre cents ans. Il serait souhaitable qu’elle puisse survivre une autre période de quatre cents ans en se multipliant comme au temps jadis. Il ne reste qu’aux Québécois de veiller sur elle et surtout d’assurer sa survie dans ses élevages, en faisant en sorte qu’elle soit toujours élevée en race pur-sang originelle parce que c’est la seule façon de préserver ce bel héritage unique en son genre dans lequel nos ancêtres ont tellement mis d’ardeur, de fierté, de dévouement, de patience et de courage à protéger pour ensuite le transmettre. Aujourd’hui, ce patrimoine génétique est irremplaçable et si jamais on devait le perdre, ce serait fort regrettable. Il ne revient qu’à nous d’agir dès maintenant tandis qu’il est encore temps. On dit qu’il ne faut pas remettre à demain ce qu’on peut faire aujourd’hui parce ce que, souvent, demain c’est trop tard…