Ambazonie

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République fédérale d'Ambazonie

(en) Federal Republic of Ambazonia

Drapeau
Drapeau de l'Ambazonie
Blason
Emblème
Devise en anglais : One Nation, One Destiny, Under God (« Une nation, un destin, sous Dieu »)
Hymne en anglais : Hail Ambazonia, Land of Glory (« Vive l'Ambazonie, terre de gloire ! »)
Description de l'image Southern cameroons.png.
Description de l'image Federal ambazonia.png.
Administration
Forme de l'État République fédérale
Revendiqué par Drapeau du Cameroun Cameroun (Région du Nord-Ouest et Région du Sud-Ouest)
Langue officielle
Langues nationales
Anglais
pidgin camerounais, langues des Grassfields, oroko, langues manenguba, kenyang et duala
Capitale Buéa

3° 52′ N, 11° 31′ E

Géographie
Plus grande ville Bamenda
Superficie totale 43 700 km2
Fuseau horaire UTC +1
Histoire
Entité précédente
Indépendance Drapeau du Cameroun Cameroun
Déclarée
Démographie
Gentilé Ambazonien(s), Ambazonienne(s)
Population totale (2015) 3 521 900 hab.
Densité 81 hab./km2
Économie
Monnaie Franc CFA (CEMAC), AmbaCoin
Divers
Code ISO 3166-1 CMR, CM
Domaine Internet .cm (de facto), .ab (de jure)
Indicatif téléphonique +237

L'Ambazonie, en forme longue la république fédérale d'Ambazonie, également appelée Amba Land (en anglais : Ambazonia, Federal Republic of Ambazonia et Amba Land), est un État autoproclamé dans les deux régions anglophones du Cameroun, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest, depuis le [1].

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le nom « Ambazonie » provient de la baie d'Ambas, située dans la région du Sud-Ouest[2]. Le nom est inventé par l'avocat et militant Fongum Gorji Dinka au milieu des années 1980[3].

Histoire[modifier | modifier le code]

Période coloniale[modifier | modifier le code]

De 1884 à 1914, le Cameroun est un protectorat allemand sous le nom de Kamerun. La défaite de l'Empire allemand en 1918 à l'issue de la Première Guerre mondiale entraîne son démantèlement et sa partition par la France et le Royaume-Uni sous mandat de la Société des Nations.

Du rattachement du Cameroun méridional à la « République du Cameroun » à l'abolition du fédéralisme[modifier | modifier le code]

Le Cameroun méridional est la partie sud du Cameroun britannique, qui est rattaché à la « République du Cameroun » (ex-Cameroun français) en 1961 pour former la « République fédérale du Cameroun » à la suite d'un référendum au cours duquel le Cameroun septentrional, la partie nord du territoire choisi d'adhérer au Nigeria. En 1972, à la suite d'un référendum constitutionnel, le président Ahmadou Ahidjo supprime l'État fédéral et le remplace par un État unitaire.

Néanmoins, les séparatistes et les autonomistes remettent en cause cette décision, arguant que les droits de la minorité anglophone ne sont pas respectés par la majorité francophone du pays. Parmi eux, les plus radicaux[4] estiment que l'indépendance est nécessaire pour garantir ces droits[5].

Conflit séparatiste[modifier | modifier le code]

Le , Sisiku Julius Ayuk Tabe déclare symboliquement l'indépendance des régions anglophones sous le nom de république fédérale d'Ambazonie, suivie d'une répression par les forces de l'ordre se soldant par des morts, des blessés, des émeutes, barricades, manifestations, couvre-feu, etc[6]. En janvier 2018, le Nigeria accueille entre 7 000 et 30 000 réfugiés après les violences qui ont suivi cette déclaration d'indépendance[7].

Le , des membres du gouvernement intérimaire de l'Ambazonie, dont Sisiku Julius Ayuk Tabe, sont arrêtés au Nigeria et extradés vers le Cameroun[8].

En février 2018, Samuel Ikome Sako est devenu le président intérimaire de l'Ambazonie, succédant temporairement à Sisiku Julius Ayuk Tabe[9]. Sous sa présidence, le conflit s'intensifie et s'étend à l'ensemble des régions anglophones. Le , il déclare que 2019 verra le passage d'une guerre défensive à une guerre offensive, les séparatistes s'efforçant d'obtenir une indépendance de facto sur le terrain[10].

En avril 2019, Sisiku Julius Ayuk Tabe refuse de se présenter à son procès[11],[12].

Le 20 août 2019, le tribunal militaire de Yaoundé condamne Sisiku Julius Ayuk Tabe et neuf autres de ses partisans à la prison à perpétuité[13].

Le , les élections législatives et municipales donnent lieu à un regain de violence dans les régions anglophones, autour de la tentative d'indépendance de l'Ambazonie. Les groupes séparatistes promettent des représailles à ceux qui votent et, en réponse, le gouvernement camerounais renforce sa présence militaire dans la région[14]. Selon Human Rights Watch (HRW), au cours des deux semaines précédant les élections, les rebelles séparatistes enlèvent plus d'une centaine de personnes dans les deux régions anglophones, tandis que les forces de sécurité commettent de nombreux abus de pouvoir[14]. Le jour du scrutin, les rebelles séparatistes empêchent l'accès aux bureaux de vote[14]. Si la participation électorale est faible dans tout le Cameroun, y compris dans les régions francophones, la participation dans les régions anglophones est probablement encore plus faible, en raison des menaces, de la violence et du blocage des urnes, bien que le gouvernement n'ait pas communiqué officiellement le taux de participation ou les résultats de ces régions[14].

Les violences dans les régions anglophones se poursuivent après les élections. Le , 23 civils, dont quinze enfants et une femme enceinte, sont massacrés dans le village de Ntumbaw dans la région du Nord-Ouest[14]. L'opposition, notamment le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) et des ONG locales accusent l'armée et le gouvernement central d'avoir perpétré ce massacre[14]. Le 18 février, l'armée camerounaise admet sa responsabilité, avançant une explication controversée selon laquelle les soldats auraient été attaqués par sept terroristes séparatistes et que, lors de la contre-attaque, les soldats auraient accidentellement allumé un feu responsable de la plupart des morts[14]. Le 21 avril, le régime camerounais reconnait sa responsabilité, expliquant que l'armée et un groupe d'autodéfense allié avaient attaqué les séparatistes, tué cinq d'entre eux, puis s'étaient rendu compte que leur assaut avait également tué accidentellement des femmes et des enfants, et avaient alors décidé d'allumer l'incendie pour tenter de dissimuler leurs actes[15].

Le , HRW estime qu'au moins 6 000 personnes ont été tuées dans le conflit[16].

Structures[modifier | modifier le code]

Gouvernement provisoire et groupes en exil[modifier | modifier le code]

Les séparatistes affirment que l'Ambazonie est gouvernée par le gouverment intérimaire de l'Ambazonie, en tant que gouvernement provisoire en exil[17]. Cependant, durant le conflit, ce gouvernement en exil s'est divisé à plusieurs reprises, entraînant des luttes intestines et plusieurs factions revendiquant la légitimité de diriger l'Ambazonie[18].

Malgré les conflits internes du gouvernement intérimaire, ses membres et d'autres activistes en exil conservent une certaine influence sur les groupes armés séparatistes. Par exemple, les exilés organisent des campagnes de collecte de fonds qui comprenaient l'introduction de leur propre cryptomonnaie, l'AmbaCoin ; l'argent ainsi obtenu est ensuite utilisé pour armer les groupes séparatistes sur le terrain. Les commandants de certains groupes opèrent également depuis l'exil[18],[19].

Pour créer une cohésion au sein du mouvement séparatiste et renforcer l'idée d'un « État-nation ambazonien », les militants en exil créent également une série d'autres organisations pour soutenir le gouvernement intérimaire. Il s'agit notamment de la FUCACM, de la SCBC TV pour diffuser de la propagande et d'un Conseil d'éducation du Cameroun méridional-Ambazonie (CECMA) pour mettre en œuvre un nouveau programme scolaire dans les écoles des zones rebelles[20].

Groupes armés[modifier | modifier le code]

Carte des différents groupes armés dans les régions anglophones en octobre 2023.

Les rebelles séparatistes impliqués dans le conflit se considèrent comme fidèles à l'Ambazonie et utilisent les symboles de l'État autoproclamé, mais ils sont divisés en dizaines de groupes, souvent concurrents et aux allégeances changeantes[21],[22]. Les commandants de ces groupes sont qualifiés de « seigneurs de guerre » par les chercheurs[23]. Les séparatistes armés sont communément appelés « Amba Boys » ou « Ambazoniens »[24],[25]. Les groupes varient généralement en taille, allant de petits groupes à des alliances comptant des centaines de membres[26],[24],[27],[28].

De nombreux groupes de guérilla rejoignent le Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie (CAA). Les principaux groupes non-CAA sont les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA) et les Forces de défense du Cameroun méridional (FDCM), qui coopèrent avec le CAA à un certain niveau[29]. Il existe également des dizaines de groupes plus petits. Les groupes séparatistes diffèrent considérablement dans leurs objectifs et leurs méthodes, bien qu'ils bénéficient généralement d'un certain niveau de soutien populaire au sein de la population rurale[23].

Des experts estiment que les groupes séparatistes se tournent davantage vers une économie criminelle en raison des revers subis. Yerima Kini Nsom, rédacteur en chef du bihebdomadaire anglophone The Post, observe que les séparatistes se livrent à des enlèvements et à des extorsions dans les zones rurales où ils se sont repliés. L'historien Raoul Sumo Tayo note une évolution vers le terrorisme pur, avec un nombre croissant d'attentats à la bombe. De plus, les engins explosifs sont utilisés sans discernement. Les vols, le racket, les enlèvements contre rançon, les attaques contre les institutions de microfinance et les particuliers se multiplient[30].

Un nombre important de séparatistes utilisent également la religion pour justifier leurs actions. Les religions traditionnelles africaines sont importantes pour de nombreux séparatistes, mais des « versets décontextualisés de la Bible et du Coran » sont également utilisés dans les vidéos de propagande. Des chefs rebelles tels que général No Pity laissent entendre publiquement qu'ils bénéficient d'une protection mystique et religieuse pour améliorer leur réputation[31].

Médias[modifier | modifier le code]

Les séparatistes sont très présents sur Internet et utilisent les réseaux sociaux pour diffuser leurs idées. Au début du conflit, la « Ambazonian Broadcasting Co-operation » (formée par des exilés), est un canal majeur de diffusion de la propagande et de la désinformation au Cameroun pour encourager les anglophones à se ranger du côté des séparatistes[31].

Géographie[modifier | modifier le code]

L'Ambazonie couvre les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun. Elle se situe entre le Nigeria au sud-est, le reste du Cameroun à l'ouest sur le golfe de Guinée et la partie nord-ouest de l'île de Bioko de la Guinée équatoriale. Elle a une superficie de 43 700 km2.

Population et société[modifier | modifier le code]

Démographie[modifier | modifier le code]

En 2015, les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest comptent une population totale de 3 521 900 habitants[32].

Langues[modifier | modifier le code]

L'anglais est principalement parlé dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, avec respectivement 66 % et 75 % des locuteurs[33]. Le pidgin camerounais, créole à base lexicale anglaise, est également largement répandu, avec 75 % de la population régionale qui l'utilise[34].

Religions[modifier | modifier le code]

La population est généralement protestante (anglicane ou évangélique) ou musulmane, mais il y a aussi des catholiques[35].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Incertitude dans les régions anglophones du Cameroun – DW – 29/09/2017 », sur dw.com (consulté le )
  2. « Cameroun : ce qu'il faut comprendre de la crise anglophone », (consulté le )
  3. (en-US) Rogers Orock, « Cameroon: how language plunged a country into deadly conflict with no end in sight », sur The Conversation, (consulté le )
  4. « Plus de 80 sécessionnistes interpellés au Nord-Ouest du Cameroun », sur Le Bled Parle, (consulté le )
  5. « Le sud anglophone boycotte la présidentielle », sur Slate Afrique, (consulté le )
  6. « Le Cameroun anglophone, en ébullition, compte ses morts », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  7. « Patrick, Camerounais anglophone réfugié au Nigeria : « Plus que jamais, je suis ambazonien ! » », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. « Le Nigeria extrade au Cameroun des dirigeants séparatistes anglophones », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. AfricaNews, « Crise anglophone au Cameroun : les séparatistes ont un nouveau chef », sur Africanews, 2018-02-11cet16:29:00+01:00 (consulté le )
  10. (en-US) « Acting President Sako Ikome addresses Southern Cameroonians-Full Speech – Cameroon Concord News » (consulté le )
  11. « Cameroun : Julius Sisiku Ayuk Tabe leader séparatiste déjà déchu ? - Jeune Afrique.com », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  12. « Crise anglophone au Cameroun : pourquoi les leaders séparatistes boycottent leur procès - Jeune Afrique.com », sur JeuneAfrique.com (consulté le )
  13. « Cameroun: le chef des séparatistes anglophones condamné à la perpétuité », sur RFI, (consulté le )
  14. a b c d e f et g « Un village du Cameroun anglophone cible d'une attaque armée, 14 enfants tués », sur France 24, (consulté le )
  15. « Le Cameroun admet l'implication de militaires dans le meurtre de 13 civils », sur France 24, (consulté le )
  16. « Cameroun anglophone : un mort dans un attentat à la bombe », sur Voice of America, (consulté le )
  17. (en-GB) « Several killed in Cameroon as anglophones declare 'independent Ambazonia' », sur www.euractiv.com, (consulté le )
  18. a et b (en-US) Gareth Browne, « Cameroon’s Separatist Movement Is Going International », sur Foreign Policy (consulté le )
  19. (en) « English-speaking villages are burning in Cameroon », The Economist,‎ nov 7th 2019 (ISSN 0013-0613, lire en ligne, consulté le )
  20. Joseph Nkwain, « Current Insights into the Evolution of Cameroon English: The Contribution of the ‘Anglophone Problem’ », ATHENS JOURNAL OF HUMANITIES & ARTS, vol. 9, no 3,‎ , p. 233–260 (ISSN 2241-7702, DOI 10.30958/ajha.9-3-3, lire en ligne, consulté le )
  21. (en) Gareth Browne, « Cameroon’s Separatist Movement Is Going International », sur Foreign Policy (consulté le )
  22. (en) Mark Dike DeLancey, Mark W. Delancey et Rebecca Neh Mbuh, Historical Dictionary of the Republic of Cameroon, Rowman & Littlefield, (ISBN 978-1-5381-1968-6, lire en ligne)
  23. a et b « Wayback Machine », sur web.archive.org (consulté le )
  24. a et b (en) Mark Dike DeLancey, Mark W. Delancey et Rebecca Neh Mbuh, Historical Dictionary of the Republic of Cameroon, Rowman & Littlefield, (ISBN 978-1-5381-1968-6, lire en ligne)
  25. « Cameroun : au moins vingt morts dans une attaque de « séparatistes » anglophones », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  26. (en-US) Gareth Browne, « Cameroon’s Separatist Movement Is Going International », sur Foreign Policy, (consulté le )
  27. (en) « Cameroon: I spent a week embedded with Anglophone armed separatists », sur RFI, (consulté le )
  28. (en) « Cameroon’s Anglophone Crisis: How to Get to Talks? », sur www.crisisgroup.org, (consulté le )
  29. (en) « Cameroon: I spent a week embedded with Anglophone armed separatists », sur RFI, (consulté le )
  30. « Au Cameroun anglophone, les groupes armés indépendantistes changent de stratégie », sur RFI, (consulté le )
  31. a et b (en) Alex Purcell, « Amba Boys: Transforming Pacifists into Warmongers? », sur grey dynamics, (consulté le )
  32. « Cameroon: Regions, Major Cities & Towns - Population Statistics, Maps, Charts, Weather and Web Information », sur www.citypopulation.de (consulté le )
  33. « Provinces administratives du Cameroun », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )
  34. « Cameroun », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )
  35. « Cameroun », sur www.axl.cefan.ulaval.ca (consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Mark Dike DeLancey, Rebecca Mbuh, Mark W. Delancey, « Ambazonia (Ambazania)», in Historical Dictionary of the Republic of Cameroon, Scarecrow Press, 2010 (4e éd.), p. 36 (ISBN 9780810873995)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]