Voir la source de Adolf Hitler

{{Semi-protection longue}}
{{Nom protégé}}
{{Redirect|Hitler}}
{{Confusion|Adolf Hitler Uunona}}
{{Infobox Personnalité politique
 | charte                 = Chef d'État
 | nom                    = Adolf Hitler
 | image                  = Bundesarchiv Bild 183-H1216-0500-002, Adolf Hitler.jpg
 | légende                = [[Portrait photographique]] d’Adolf Hitler en 1938.
 | fonction1              = [[Führer]] [[Président du Reich|du Reich allemand]]
 | à partir du fonction1  = 2 août 1934
 | jusqu'au fonction1     = 30 avril 1945<br><small>({{durée|2|8|1934|30|4|1945}})</small>
 | élection1              = ''Transfert des fonctions de chef de l'État à la suite de la mort de [[Paul von Hindenburg]]<ref>{{lien web|url=http://mjp.univ-perp.fr/constit/de1933.htm#1.8.34|titre=Loi du {{date-|1 août 1934}}, relative au chef de l'État du Reich allemand, site de l'université de Perpignan}}</ref><br>[[Plébiscite du 19 août 1934|Ratifié par plébiscite le {{Date-|19 août 1934}}]]''
 | chancelier 1           = ''Lui-même''
 | prédécesseur 1         = [[Paul von Hindenburg]] <small>([[président du Reich]])</small>
 | successeur 1           = [[Karl Dönitz]] <small>([[président du Reich]])</small>
 | fonction2              = [[Chancelier du Reich]]
 | à partir du fonction2  = 30 janvier 1933
 | jusqu'au fonction2     = 30 avril 1945<br><small>({{durée|30|1|1933|30|4|1945}})</small>
 | président 2            = [[Paul von Hindenburg]]<br>''Lui-même''
 | gouvernement 2         = [[Cabinet Hitler|Hitler]]
 | prédécesseur 2         = [[Kurt von Schleicher]]
 | successeur 2           = [[Joseph Goebbels]]
 | nom de naissance       = 
 | date de naissance      = 20 avril 1889
 | lieu de naissance      = [[Braunau am Inn]], [[Haute-Autriche|Archiduché de Haute-Autriche]] ([[Autriche-Hongrie]])
 | date de décès          = 30 avril 1945
 | lieu de décès          = [[Berlin]] ([[Troisième Reich|Allemagne]])
 | nature du décès        = [[Suicide]]
 | sépulture              = 
 | nationalité            = [[Autriche-Hongrie|Autrichienne]] <small>(1889-1925)</small><br>[[Apatride]] <small>(1925-1932)</small><br>[[République de Weimar|Allemande]] <small>(1932-1945)</small><ref>{{de}} [http://www.ns-archiv.de/personen/hitler/oesterreich/staatsbuergerschaft.php {{citation|Hitler renonce à sa nationalité autrichienne}}], ''NS-Archiv.de'', {{date-|7|avril|1925}}.</ref>
 | parti                  = [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]]
 | père                   = [[Alois Hitler]]
 | mère                   = [[Klara Hitler|Klara Pölzl]]
 | conjoint               = [[Eva Braun]]
 | fratrie                = {{Liste simple|
* [[Alois Hitler (fils)|Alois Hitler]] <small>(demi-frère)</small>
* [[Angela Hitler]] <small>(demi-sœur)</small>
* [[Ida Hitler]] <small>(sœur)</small>
* [[Paula Hitler]] <small>(sœur)</small>
}}
 | entourage              = 
 | université             = 
 | profession             = 
 | religion               = {{Cf.|maj}} ''[[#Conceptions religieuses|Conceptions religieuses]]''
 | résidence              = 
 | signature              = Hitler Signature2.svg
 | emblème                = Reichsadler.svg
 | liste                  = [[Liste des chefs du gouvernement allemand|Chanceliers d'Allemagne]]<br>[[Président du Reich|Chefs de l'État allemand]]
}}

'''Adolf Hitler''' ({{MSAPI|ˈadɔlf ˈhɪtlɐ}}{{note|groupe=n|[[Prononciation de l'allemand|Prononciation]] en [[haut allemand]] [[Allemand standard|standardisé]] [[Transcription phonétique|retranscrite]] selon la [[Alphabet phonétique international|norme API]].}} {{prononciation|De-Adolf Hitler.ogg}}) est un [[Idéologie|idéologue]] et [[homme d'État]] [[Allemagne|allemand]], né le {{Date de naissance-|20|avril|1889}} à [[Braunau am Inn]] en [[Autriche-Hongrie]] (aujourd'hui en [[Autriche]] et toujours ville-frontière avec l’Allemagne) et mort par [[Derniers jours d'Adolf Hitler|suicide]] le {{Date de décès-|30|avril|1945}} à [[Berlin]]. Fondateur et figure centrale du [[nazisme]], il arrive au pouvoir en [[Allemagne]] en 1933 et instaure une [[dictature]] [[Totalitarisme|totalitaire]], [[Impérialisme|impérialiste]], [[Antisémitisme|antisémite]], [[Racisme|raciste]] et [[Xénophobie|xénophobe]] désignée sous le nom de [[Troisième Reich]].

Établi à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] puis à [[Munich]], il tente en vain de devenir artiste, en [[Autoformation|autodidacte]] puisqu'il échoue aux [[Académie des Beaux-Arts de Vienne|Beaux-Arts]]. Bien qu'ayant tenté de se soustraire à ses obligations militaires, il participe à la [[Première Guerre mondiale]] au sein des troupes bavaroises. Après-guerre, il rentre à Munich où il mène une vie assez attentiste dans cette époque troublée, avant d'adhérer au [[Parti ouvrier allemand]] (DAP, qui deviendra NSDAP, le parti nazi, en 1920). Il s'impose par ses talents d'orateur à la tête du mouvement en 1921 et tente en 1923 un [[Putsch de la Brasserie|coup d'État]] qui échoue. Il met à profit sa courte peine de prison pour rédiger le livre ''{{langue|de|[[Mein Kampf]]}}'' dans lequel il expose ses conceptions racistes et ultranationalistes.

Dans les années 1920, dans un climat de [[violence politique]], il occupe une place croissante dans la vie publique allemande avec le parti nazi dont les scores s'améliorent à chaque élection. Alors que la [[Grande Dépression]] fait rage, il se présente à la présidentielle de 1932 contre [[Paul von Hindenburg|Hindenburg]], qui est réélu. Hitler est nommé un peu plus tard [[Chancelier du Reich|chancelier]], le {{date-|30|janvier|1933}}, après des élections législatives qui ont pourtant vu baisser le score du parti nazi. Son gouvernement met très rapidement en place les premiers [[camps de concentration nazis|camps de concentration]] destinés à la répression des opposants politiques (notamment socialistes, communistes et syndicalistes). En {{date-|août 1934}}, après une violente opération d’élimination physique d’opposants et rivaux {{incise|connue sous le nom de [[nuit des Longs Couteaux]]}} et la mort du vieux [[Paul von Hindenburg|maréchal Hindenburg]], [[président du Reich]], il est [[Plébiscite du 19 août 1934|plébiscité]] [[Liste des chefs d'État allemands|chef de l'État]]. Il porte dès lors le double titre de « chancelier du Reich » et de « {{langue|de|[[Führer]]}} » (guide), saborde la [[république de Weimar]] et met ainsi fin à la première [[démocratie parlementaire]] en Allemagne. La politique qu'il conduit est [[Pangermanisme|pangermaniste]], [[Antisémitisme|antisémite]], [[Revanchisme|revanchiste]] et [[Bellicisme|belliqueuse]]. Son régime adopte en 1935 une [[Lois de Nuremberg|législation anti-juive]] et les nazis prennent le [[Gleichschaltung|contrôle de la société allemande]] ([[Deutsche Arbeitsfront|travailleurs]], [[Jeunesses hitlériennes|jeunesse]], [[Ministère de l'Éducation du peuple et de la Propagande du Reich|médias]] et [[Cinéma sous le Troisième Reich|cinéma]], [[Réarmement de l'Allemagne sous le Troisième Reich|industrie militaire]], [[Science sous le Troisième Reich|sciences]]{{etc.}}).

L'[[Lebensraum|expansionnisme]] du régime conduit l'Allemagne dans l'[[Campagne de Pologne (1939)|invasion de la Pologne en 1939]], fait générateur du volet européen de la [[Seconde Guerre mondiale]]. L'Allemagne connaît d'abord une période de victoires militaires et [[Europe sous domination nazie|occupe la majeure partie de l'Europe]], mais elle est ensuite repoussée sur tous les fronts, puis envahie par les [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|Alliés]] : [[Front de l'Est (Seconde Guerre mondiale)|à l'Est]] par les [[Union des républiques socialistes soviétiques|Soviétiques]], [[Front de l'Ouest (Seconde Guerre mondiale)|à l'Ouest]] par les Anglo-Américains et leurs alliés, dont des forces issues des pays occupés par l'Allemagne. Au terme d'une [[guerre totale]] ayant atteint des sommets de destruction et de barbarie, Hitler, terré à Berlin dans [[Führerbunker|son bunker]], [[Derniers jours d'Adolf Hitler|se suicide]] alors que [[Bombardement de Berlin pendant la Seconde Guerre mondiale|la capitale du Reich en ruines]] est [[Bataille de Berlin|investie par les troupes soviétiques]].

Le Troisième Reich, qui, selon Hitler, devait durer « mille ans », n'en aura duré que douze mais a provoqué la mort de dizaines de millions de personnes et la destruction d'une grande partie des villes et des infrastructures en Europe. L'ampleur sans précédent des massacres {{incise|commis par les {{langue|de|[[Einsatzgruppen]]}} puis dans les [[centres d'extermination nazis|centres d'extermination de masse]]}} comme le [[Shoah|génocide des Juifs européens]] et des [[Porajmos|Tziganes]], la [[Hungerplan|mort par la faim de millions de civils soviétiques]] ou l'[[Aktion T4|assassinat des personnes handicapées]], auxquels s'ajoutent les innombrables exactions [[Victime civile|contre les populations civiles]], le [[Crimes nazis contre les prisonniers de guerre soviétiques|traitement inhumain des prisonniers de guerre soviétiques]] ou encore les destructions et les pillages dont il est responsable, ainsi que le racisme radical singularisant sa doctrine et la barbarie des sévices infligés à ses victimes, valent à Hitler d'être jugé de manière particulièrement négative par l'historiographie et la mémoire collective. Sa personne et son nom sont considérés comme des symboles du [[mal]] absolu.

== Origine du nom ==
Selon ''[[Le Petit Robert des noms propres]]''<ref>''[[Le Petit Robert des noms propres]] - 2012 : édition des 60 ans'', dictionnaire illustré, {{date-|mai 2011}}, page 1055. {{ISBN|978-2-84902-888-9}}</ref>, « {{langue|de|Hitler}} » est une variante de « {{langue|de|Hüttler}} », de l'[[allemand]] {{langue|de|Hüttle}} signifiant « petite [[cabane]] » (peut avoir désigné un homme vivant près d'une cabane ; en [[Bavière]], désignait un charpentier).

Hitler porte le nom du beau-père de son père [[Alois Hitler|Alois]], [[Généalogie d'Adolf Hitler|Johann Georg Hiedler]], sous une orthographe différente, mais la prononciation est très proche. Ce dernier a épousé la grand-mère de Hitler, [[Généalogie d'Adolf Hitler|Maria Anna Schicklgruber]], après la naissance d'Alois, sans que l'on sache s'il en était le père. Alois a été déclaré à l'[[état civil]] sous le nom de sa mère, avec la mention ''fils illégitime'', et a adopté plus tard le nom de son beau-père, sous la forme Hitler<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=[[Ian Kershaw]]|titre=Hitler, 1889–1936 : Hubris|éditeur=W. W. Norton & Company|date=2000|passage=3–9}}</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=[[John Toland (historien)|John Toland]]|titre=Adolf Hitler|éditeur=Doubleday & Company|date=1976|passage=3-5}}</ref>.

Hitler fut baptisé Adolphus Hitler<ref>{{ouvrage |langue=en|auteur=James Cross Giblin |titre=The Life and Death of Adolf Hitler |éditeur=Houghton Mifflin Harcourt |lieu= New York |année=2002 |isbn=0-395-90371-8}}.</ref>. Au {{s-|XIX}}, [[Adolf]] est un prénom fréquent dans les pays germanophones et scandinaves.

Selon la fiche signalétique établie par les renseignements français en 1924, le second prénom de Hitler serait [[Jacques (prénom)|Jakob]] (Jacques, en allemand), mais cette fiche contient diverses erreurs grossières, dont la date et le lieu de naissance de Hitler, et rien ne corrobore la thèse d'un second prénom<ref>{{citation|Adolf Jakob Hitler, geboren 1880 in Passau - Karteikarte der französischen Polizei von 1924}}, {{Lien brisé|url=http://finanzcrash.com/forum/read.php?1,131652,131652}}.</ref>.

== Jeunes années ==
=== Origines et enfance ===
{{Article détaillé|Généalogie d'Adolf Hitler}}
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-1989-0322-506, Adolf Hitler, Kinderbild retouched.jpg|vignette|gauche|redresse=0.7|Adolf Hitler bébé.|alt=Photo en noir et blanc d’Adolf Hitler prise peu après sa naissance. Sur un fond blanc, dans un médaillon au fond sombre, au centre de la photo, un bébé, en layette blanche, est assis sur un siège en velours foncé. Les yeux grands ouverts, il fixe l’appareil photo avec curiosité.]]
{{double image|right|Alois Hitler.jpeg|142|Klara Hitler (Kubizek).jpg|160|Les parents d'Adolf Hitler : [[Alois Hitler]] (1837-1903) et [[Klara Hitler|Klara Pölzl]] (1860-1907).|alt=Portrait photographique en pied du père d'Adolf Hitler : Alois Hitler. Photographie noir et blanc du visage de la mère d'Adolf Hitler : Klara Pölz.}}
Les sources traitant des premières années d'Adolf Hitler sont {{Citation|extrêmement lacunaires et subjectives}}. Les fonds d'archives, les témoins et Hitler lui-même donnent des interprétations très différentes de cette période qui s'étale de 1889 à 1919<ref name="3IJPD7">{{Harvsp|Marlis Steinert|1999|p=48|id=steinert1999}}.</ref>. De nombreux historiens se sont même penchés sur la possibilité d'une [[Généalogie d'Adolf Hitler#Rumeurs et théories concernant de supposées origines juives d'Hitler|origine juive de Hitler]], en concluant néanmoins à de simples rumeurs infondées.

Adolf Hitler naît le {{date-|20 avril 1889}} à {{heure|18|30}} à [[Braunau am Inn]], une petite ville de [[Haute-Autriche]] près de la frontière austro-allemande ; il est baptisé deux jours plus tard à l'église de Braunau{{note|groupe=n|Selon les dires d'Adolf Hitler lui-même plus tard dans son livre ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', Braunau était une ville symbolique, c'est en ce lieu précis, entre l'Allemagne et l'Autriche que le ciel l'aurait élu pour le destin<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=16|id=richard2000}}.</ref>.}}. Il est le quatrième enfant d'[[Alois Hitler]] (1837-1903) et de [[Klara Hitler|Klara Pölzl]] (1860-1907). Ses parents, unis par le mariage depuis le {{date-|6 janvier 1885}}, sont originaires de la région rurale du [[Waldviertel]], pauvre et frontalière de la [[Bohême]].

En 1894, la famille Hitler déménage pour [[Passau]] du côté allemand de la frontière. Un an plus tard, Alois prend sa retraite et achète une petite ferme à Fischlham près de [[Lambach (Haute-Autriche)|Lambach]] pour se consacrer à l'[[apiculture]]<ref name="3IJPD7"/>.

Adolf fait son entrée à l'école du village le {{date-|2 mai 1895}}. Son maître d'école, Karl Mittermaier, témoigne : {{Citation|Je me souviens combien ses affaires de classe étaient toujours rangées dans un ordre exemplaire<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=27|id=richard2000}}.</ref>}}.

Au cours de l'été 1897, le patriarche décide de revendre sa ferme et installe sa famille à Lambach. Adolf devient élève au monastère du village où ses résultats restent bons. Il y devient [[Servant d'autel|enfant de chœur]]{{note|groupe=n|Selon Adolf Hitler, c'est sur le portail du monastère de Lambach qu'il aurait vu pour la première fois une croix gammée. Ce motif représentait les armoiries du fondateur de l'abbaye Theoderich Hagen<ref name="ReferenceB">{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=29|id=richard2000}}.</ref>.}}. En {{date-|novembre 1898}}, Alois acquiert, dans le village de [[Leonding]], une maison à proximité de l'église et du cimetière. Selon des témoins de l'époque, Adolf est un enfant qui aime le grand air et jouer aux cow-boys et aux Indiens comme de nombreux enfants de son âge{{note|groupe=n|La maison de Leonding sera promue monument national de la Grande Allemagne en 1938 peu de temps après l'[[Anschluss]]<ref name="ReferenceB" />.}}. Sa sœur Paula déclarera à ce sujet : {{Citation|Quand on jouait aux Indiens, Adolf faisait toujours le chef. Tous ses camarades devaient obéir à ses ordres. Ils devaient sentir que sa volonté était la plus forte<ref>D'après une interview de Paula Hitler en 1958 {{incise|''Hitler en famille'', documentaire réalisé par Oliver Halmburger et Guido Knopp, 2002|stop}}.</ref>}}.

==== Les relations père-fils ====

[[Fichier:Hitler at school 1899.jpg|vignette|[[Photo de classe]] à l'école de Leonding en 1899 ; au centre de la rangée supérieure, Adolf Hitler.|alt=Photo de classe noir et blanc d'une cinquantaine de garçons réunis autour de leur maître d'école ; le jeune Hitler se tient debout, au centre de la rangée supérieure.]]

À l'âge de {{Nobr|11 ans}}, en {{Date-|septembre 1900}}, Adolf Hitler est inscrit par son père Alois à la [[Système éducatif en Allemagne|{{langue|de|Realschule}}]] de [[Linz]] à quatre kilomètres au nord-est de Leonding. Ses résultats scolaires s'effondrent alors. Il finit par redoubler, le conflit entre Adolf et son père devient inévitable<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=32-33|id=richard2000}}.</ref>. En effet, le père veut que son fils devienne fonctionnaire comme lui, alors que le jeune garçon souhaite devenir artiste-peintre{{note|groupe=n|Il semble cependant que de nombreux historiens aient exagéré la violence des relations entre Adolf Hitler et son père. Bien qu'il lui reproche sa détermination à faire de son fils un fonctionnaire, Hitler dresse<!-- ne pas modifier --> un portrait respectueux d'Alois dans son livre ''{{langue|de|Mein Kampf}}''<ref name="ReferenceC">{{Harvsp|Marlis Steinert|1999|p=49|id=steinert1999}}.</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=44|id=richard2000}}.</ref>.}}.

{{Citation bloc|Pour la première fois de ma vie, je pris place dans l'opposition. Aussi obstiné que put l'être mon père pour réaliser les plans qu'il avait conçus, son fils ne fut pas moins résolu à refuser une idée dont il n'attendait rien. Je ne voulais pas être fonctionnaire. Ni discours, ni sévères représentations ne purent réduire cette résistance. Je ne serai pas fonctionnaire, non, et encore non !|Adolf Hitler, ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', 1925<ref>{{Harvsp|Édouard Husson|1999|p=38|id=husson1999}}.</ref>.}}

Le {{date-|3|janvier|1903}}, Alois Hitler succombe à une [[Infarctus du myocarde|crise cardiaque]], un verre de vin à la main, dans la brasserie Wiesinger à Leonding{{note|groupe=n|Dans une biographie officielle sur Hitler, en 1935, Annemarie Stiehler a soigneusement caché le fait que le père du Führer pouvait passer du temps à boire à l'auberge de son village<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=38|id=richard2000}}.</ref>.}}. C'est un véritable tournant dans la vie du jeune Hitler. Mais les spécialistes sont divisés sur le sentiment de Hitler vis-à-vis de la mort de son père{{note|groupe=n|Selon l'historien [[John Toland (historien)|John Toland]], le jeune Hitler a sangloté, ce dont doute Ian Kershaw qui voit en ce décès la disparition de l'autorité. [[Brigitte Hamann]], quant à elle, soutient que le décès de son père fut un {{Citation|soulagement}}<ref name="ReferenceC" />{{,}}<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=42|id=richard2000}}.</ref>.}}.

==== La fin de l'école ====
[[Fichier:Adolf Hitler - Sturmlechner.jpg|vignette|redresse|Adolf Hitler à l'âge de {{nobr|16 ans}}, portrait dessiné par son camarade Sturmlechner de l'établissement de [[Steyr (ville)|Steyr]], vers 1904-1905.|alt=Portrait dessiné d'Adolf Hitler à l'âge de seize ans, de profil.]]
Klara, devenue veuve, devient de fait la tutrice d'Adolf et de Paula Hitler âgés respectivement de quatorze et sept ans. Elle reçoit une aide de l'État de {{unité|600|couronnes}} et mensuellement la moitié de la pension de son défunt mari (soit {{unité|100|couronnes}}) puis {{unité|20|couronnes}} par enfant scolarisé. Son fils porte toujours la photographie de sa mère sur lui<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=46|id=richard2000}}.</ref>. Au printemps 1903, Klara place Adolf en pension à Linz afin qu'il réussisse dans ses études. Léopold Pötsch, son professeur d'histoire, est un partisan du [[pangermanisme]] mais aucun document ne peut attester un militantisme nationaliste de la part d'Adolf Hitler à cette époque. En revanche, il baigne dans une société autrichienne d'esprit pangermaniste{{note|groupe=n|Cette vision va à contre-courant de ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', où après coup il affirme avoir été dès sa scolarité à Linz un meneur raciste et antisémite. Cela est confirmé par le témoignage de Josef Keplinger, camarade de classe de Hitler à Linz<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=48-49|id=richard2000}}.</ref>.}}. Voici le portrait du collégien Hitler qu'en brosse son professeur principal lors du procès du putsch en 1923 :

{{Citation bloc|Il était incontestablement doué, quoique d'un caractère buté. Il avait du mal à se maîtriser, ou passait du moins pour un récalcitrant, autoritaire, voulant toujours avoir le dernier mot, irascible, et il lui était visiblement difficile de se plier au cadre d'une école. Il n'était pas non plus travailleur, car sinon […] il aurait dû parvenir à des résultats bien meilleurs. Hitler n'était pas simplement un dessinateur qui avait un beau brin de crayon, mais il était capable aussi, à l'occasion, de se distinguer dans les matières scientifiques […].|Eduard Huemer, 1923<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=55|id=richard2000}}.</ref>.}}

À la rentrée scolaire de l'année 1904, pour une raison obscure, Hitler quitte l'école de Linz pour l'établissement de [[Steyr (ville)|Steyr]] à quarante-cinq kilomètres de là. Ses résultats scolaires ne s'améliorent pas et il ne termine pas sa troisième. Il prétexte une mauvaise santé, simulée ou exagérée, et finit par abandonner définitivement l'école<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=34|id=kershaw2008_1}}.</ref>. De ces années 1904-1905, le seul document authentique connu est un portrait de Hitler fait par son camarade Sturmlechner. On y distingue {{Citation|un visage maigre d'adolescent avec un duvet de moustache et l'air rêveur}}<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=59|id=richard2000}}.</ref>.

=== Vie de bohème (1907-1913) ===
==== Parcours à Vienne ====
[[Fichier:Bal hotel de ville Vienne Wilhelm Gause.jpg|vignette|gauche|''Bal à l'Hôtel de ville de Vienne'' (Wilhelm Gause, 1904). La politique antisémite de [[Karl Lueger]], alors maire de [[Vienne (Autriche)|Vienne]], influença le jeune Adolf Hitler.|alt=Peinture de Wilhelm Gause (1904), montrant des hommes et des femmes en tenue de soirée, dans un hall de l'hôtel de ville de Vienne.]]
[[Fichier:Leopold Horowitz Kaiser Franz Joseph.jpg|vignette|redresse|Pour le jeune Adolf Hitler, l'empereur [[François-Joseph Ier|François-Joseph]] incarnait le vieillissement de l'empire d’Autriche.]]
Au cours de l'été 1905, Klara Hitler vend la maison de Leonding pour s'installer en famille dans un appartement loué dans le centre de Linz au 31 de la Humboldtstrasse. Adolf reçoit de sa tante Johanna un peu d'argent de poche, qu'il utilise pour aller au cinéma et au théâtre. Il y rencontre, en {{date-|novembre 1905}}, un apprenti tapissier : [[August Kubizek]], passionné de musique<ref>Voir {{Ouvrage|titre=Adolf Hitler, mon ami d'enfance|auteur1=Auguste Kubizek|traducteur=Lise Graf|langue originale=de|titre original=Adolf Hitler, mein Jugenfreunde|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|année=1954|pages totales=303|collection=L'Air du temps|oclc=491981223}}.</ref>. À en croire son ami, bien que sans emploi, Hitler se comporte en véritable {{Citation|dandy}} : fine moustache, manteau et chapeau noirs et canne au pommeau d'ivoire{{note|groupe=n|Le témoignage de Kubizek, rédigé après la guerre, doit être traité avec prudence. Il a en effet tendance à embellir et à modifier les faits apportés dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}''. Certains passages sont inventés de toutes pièces. Il reste cependant un témoin direct et indispensable<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=35-36|id=kershaw2008_1}}.</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=60-61|id=richard2000}}.</ref>.}}. Il boit de l'alcool, fume beaucoup et adhère à l'Association des amis du musée de Linz. En {{date-|mai 1906}}, sa mère lui offre un séjour à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] où il assiste à deux opéras de [[Richard Wagner]] : ''Tristan'' et ''[[Der Fliegende Holländer|Le Hollandais volant]]''. Il contemple la capitale impériale qui à la fois le fascine et le met mal à l'aise : l'empereur [[François-Joseph Ier|François-Joseph]] représente à ses yeux le symbole du vieillissement de l'Empire. Il finit par revenir à Linz début juin{{note|groupe=n|Hitler vouait un véritable culte à la musique de [[Richard Wagner]]. Son opéra favori était ''[[Lohengrin (opéra)|Lohengrin]]''. Selon lui, le compositeur était un {{Citation|génie suprême}}<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=36|id=kershaw2008_1}}.</ref>{{,}}<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=62|id=richard2000}}.</ref>{{,}}<ref>Joachim Fest, ''Hitler, une carrière'', 2010.</ref>.}}. Ses discussions avec Kubizek lui donnent envie de devenir compositeur ; il convainc sa mère d'entamer des études de musique avant d'abandonner rapidement.

En {{date-|janvier 1907}}, le médecin de famille, le docteur [[Eduard Bloch]], examine Klara et diagnostique une [[Cancer du sein|tumeur du sein]] <ref>''Hitler, tome 1 : 1889-1936'', Flammarion, 1999, 1157 p. (éd. originale : ''Hitler, 1889-1936 : Hubris'', Penguin Books, Londres, 1998).</ref> qui est opérée. Diminuée physiquement, Klara déménage de son appartement pour un logement à l'extérieur de Linz à [[Urfahr]]. Adolf possède sa propre chambre tandis que Klara, Paula et Johanna, la tante de Hitler, se partagent les deux autres pièces<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=64|id=richard2000}}.</ref>. Durant l'automne, il décide enfin de se présenter à l'examen d'entrée de l'[[Académie des beaux-arts de Vienne]] ; sa mère cède à contrecœur. Hitler est refusé ; son travail est jugé {{Citation|insuffisant}}. Il mentionne ultérieurement cet événement dans ''{{langue|en|[[Mein Kampf]]}}'' de la sorte : {{Citation|J'étais si persuadé du succès que l'annonce de mon échec me frappa comme un coup de foudre dans un ciel clair<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=39|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}}

En octobre, le docteur Bloch déclare solennellement à la famille Hitler que l'état de Klara est irréversible : sa dernière volonté est de reposer aux côtés de son mari, Aloïs, à Leonding. Elle meurt le {{date-|21|décembre|1907}}, à l'âge de {{nobr|47 ans}}{{note|groupe=n|Les spécialistes ont longtemps réfléchi sur les conséquences du décès de Klara Hitler sur l'avenir de son fils. Certains y ont déjà vu la naissance du monstre, d'autres un jeune homme débrouillard s'occupant de la maison en l'absence de sa mère ou encore un fils en présence continue auprès de sa mère<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=65-70|id=richard2000}}.</ref>.}}. August propose à Hitler de passer les fêtes de Noël avec sa famille, mais celui-ci décline l'invitation. Selon le témoignage du docteur Bloch, {{Citation|Klara Hitler était une femme simple, modeste et pleine de bonté. Grande, elle avait des cheveux bruns soigneusement tressés et un long visage ovale avec de beaux yeux gris bleu expressifs […]. Jamais je n'ai vu quiconque aussi terrassé par le chagrin qu'Adolf Hitler{{note|groupe=n|Témoignage recueilli par la Gestapo en 1938<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=28 et 39|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}}.}}

[[Fichier:Adolf Hitler - Wien Oper.jpg|vignette|''L'[[Opéra d'État de Vienne]]'', une des [[peintures d'Adolf Hitler]], réalisée en 1912.]]
Lorsqu'il était revenu à Linz au chevet de sa mère mourante, il n'avait pas osé lui avouer son échec à l'École des Beaux-Arts. Âgé de dix-neuf ans, Adolf Hitler est désormais un jeune homme mesurant {{unité|1.72|m}} et pesant {{unité|68|kilos}}. Entêté, il décide qu'il sera [[artiste peintre]] ou [[architecte]] et retente l'examen d'entrée à Vienne. Apparemment, à cette époque, Hitler n'est pas vraiment un nationaliste fanatique comme il le prétend dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}''. En effet, pourquoi rejoindre une ville cosmopolite comme Vienne, aux nombreuses nationalités, plutôt que de rejoindre directement l'Allemagne{{note|groupe=n|La plupart des spécialistes s'accordent pour affirmer qu'au printemps 1908, Hitler avait certes des préjugés à l'égard des Juifs, comme nombre de ses contemporains, mais ne leur était pas fanatiquement hostile. La communauté hébraïque était importante à Vienne : le quartier Leopoldstadt concentre 40 % des Juifs de la capitale impériale<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=78-79|id=richard2000}}.</ref>.}} ? Vienne représente à ses yeux un défi, une porte vers une ascension sociale. Hitler est subjugué par les représentations de [[Felix Weingartner]] puis de [[Gustav Mahler]] à l'Opéra<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=78|id=richard2000}}.</ref>. Depuis 1897, Vienne est dirigée par [[Karl Lueger]] (1844-1910), le fondateur du parti chrétien-social. Le maire est violemment antisémite et rassemble une bonne partie de l'électorat catholique<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=79-80|id=richard2000}}.</ref>.

==== Le second échec aux Beaux-Arts ====
[[Fichier:1902 Academy Fine Arts Vienna Austria Schillerplatz.jpg|vignette|gauche|L'[[Académie des beaux-arts de Vienne]].]]
Au cours du printemps 1908, August Kubizek rejoint Hitler à Vienne, où celui-ci loue un [[piano à queue]] pour parfaire ses gammes. Selon son témoignage, Hitler se prive régulièrement de nourriture afin de se rendre plusieurs fois au théâtre ou à l'Opéra. Il prétend également que Hitler ne s'intéresse guère aux filles excepté une jeune bourgeoise prénommée Stefanie{{note|groupe=n|[[Ian Kershaw]] rapproche cela du code moral prôné par Schönerer : rester célibataire jusqu'à vingt-cinq ans, éviter de manger de la viande et de boire de l'alcool, se tenir à l'écart des marginaux comme des prostituées. De nombreuses sources (Kubizek, ''{{langue|de|Mein Kampf}}'' notamment) tendent à démontrer chez le jeune Hitler une sexualité troublée et refoulée<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=48-49|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}}. Appelé par le service militaire, le musicien rentre à Linz en juillet. Durant l'été, Hitler rompt les liens à la fois avec Kubizek et avec le reste de sa famille résidant à Spital{{note|groupe=n|Lorsqu'il revient à Vienne, en {{date-|octobre 1909}}, Hitler a déménagé sans laisser d'adresse. À Spital, sa demi-sœur Angela lui conseille de trouver une {{Citation|profession normale<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=83|id=richard2000}}.</ref>.}}}}.

En {{date-|octobre 1908}}, l'École des Beaux-Arts recale {{nobr|96 élèves}} dont Adolf Hitler, qui {{Citation|n'a pas été autorisé à passer l'épreuve}}. Non pas qu'il soit mauvais dessinateur mais parce qu'il ne travaille pas assez, il est incapable de se soumettre à une discipline<ref>{{Harvsp|Édouard Husson|1999|p=35|id=husson1999}}.</ref>. Il déménage en {{date-|août 1909}} rue Felbert, puis rue Sechshauser et enfin rue Simon-Denk. Faute d'argent, il est mis à la rue<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=84-85|id=richard2000}}.</ref>.
{{clr}}

==== Le marginal ====
[[Fichier:1906 - 20., Meldemannstraße 27 - Männerheim der Kaiser Franz Josef I.jpg|vignette|Foyer viennois pour hommes, sis au 27, rue Meldermann (carte postale, 1906).]]
Les registres de police de Vienne indiquent qu'à partir du {{date-|8|février|1910}}, Hitler est domicilié dans un foyer pour hommes, au 27 de la rue Meldermann. Grâce à Reinhold Hanisch, un jeune homme de cinq ans son aîné, qu'il a rencontré quelques mois plus tôt dans un foyer d'accueil pour sans-abris, Hitler gagne un peu d'argent en déblayant la neige ou en portant les valises des voyageurs encombrés de la gare de l'Ouest (Westbahnhof)<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=85|id=richard2000}} ; {{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=56-57|id=kershaw2008_1}}.</ref>. Il se nourrit alors d'une soupe le matin et d'un croûton de pain le soir.

Selon ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', il aurait été manœuvre et aide-maçon mais aucun document ne le prouve. Certains témoins {{incise|dont Hanisch}} insistent sur l'oisiveté de Hitler qui refuse de travailler. Grâce aux cinquante couronnes envoyées par sa tante Johanna, il fait l'acquisition du matériel d'artiste-peintre : Hanisch se charge de vendre les peintures de Hitler en format carte postale{{note|groupe=n|Hitler produisait en moyenne une peinture par jour, qu'Hanish vendait cinq couronnes. Selon le témoignage d'Hanish, Hitler ne suivait pas la cadence et les hommes se disputaient régulièrement<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=57-58|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}}{{,}}{{note|groupe=n|Hanisch a tenté de gagner de l'argent en vendant des peintures de Hitler à un marchand d'art sans partager la somme. Or, il finit au poste de police pour usurpation d'identité. Il réapparaît dans les années 1920 et fournit aux journalistes des documents sur la vie de Hitler en échange d'argent. Ses informations sont souvent fausses<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=86-87|id=richard2000}}.</ref>.}}. Le {{date-|4|mai|1911}}, [[Angela Hitler|Angela Raubal]] réclame au tribunal de Linz la pension de Hitler afin d'élever dignement Paula, ce qu'il doit accepter malgré lui<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=90|id=richard2000}}.</ref>.

==== Antisémitisme et aryosophie ====

Après avoir touché le fond au cours de l'hiver 1909{{note|groupe=n|{{Citation|Nous autres Autrichiens étions les seuls à savoir avec quelle avidité aiguillonnée par le ressentiment Hitler convoitait Vienne, cette ville qui l'avait vu dans la pire misère et où il voulait entrer en triomphateur<ref>[[Stefan Zweig]], ''[[Le Monde d'hier. Souvenirs d'un Européen|Le Monde d'hier]]''.</ref>.}}}}, le marginal Hitler vit toujours en 1912 de ses peintures vendues dans la rue. Selon Jacob Altenberg, l'un de ses marchands d'art juifs, {{Citation|il avait pris l'habitude de se raser […], il se faisait régulièrement les cheveux et portait des vêtements qui, pour être vieux et usés, n'en étaient pas moins propres<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=61|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}} Hitler participe aux débats politiques qui éclatent dans le foyer. Deux sujets le mettent hors de lui : le parti social-démocrate et la [[Maison de Habsbourg|Maison de Habsbourg-Lorraine]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Hitler|auteur1=[[Joachim Fest]]|langue originale=de|traducteur=Clara et Richard Winston|titre original=Hitler|lieu=Orlando|éditeur=Houghton Mifflin Harcourt|année=2013|mois=février|pages totales=856|format=ebook|isbn=054419554X}}.</ref>. Aucun témoin ne fait état de propos antisémites de sa part. Selon ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', il serait devenu antisémite à son arrivée à Vienne :

{{Citation bloc|Un jour que je traversais la vieille ville, je rencontrai tout à coup un personnage en long caftan avec des boucles de cheveux noirs. Est-ce là aussi un Juif ? Telle fut ma première pensée. À Linz, ils n'avaient pas cet aspect-là.|Adolf Hitler, ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', 1925<ref name="WHXQJT">{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=65|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}}

Cet antisémitisme soudain est contredit par diverses sources. Kubizek affirme que son ami était déjà {{citation|farouchement antisémite}} en arrivant à Vienne mais de nombreuses anecdotes qu'il rapporte sont clairement douteuses. Selon Reinhold Hanisch, travailleur autrichien qui l'a côtoyé à l'époque, Hitler ne serait devenu antisémite que {{citation|plus tard}} ; ce témoin insiste ainsi sur l'amitié entre le futur ''[[Führer]]'' et Joseph Neumann, un jeune Juif rencontré au foyer viennois pour hommes de la rue Meldermann. Toutefois, [[Ian Kershaw]] doute de la véracité des dires de Hanisch : selon l'historien, Hitler est bel et bien antisémite lors de son séjour viennois, mais il s'agit d'une {{Citation|haine personnalisée}} et intériorisée tant qu'il a besoin des Juifs pour vivre. Il semblerait donc, mais sans réelle preuve, que son antisémitisme exacerbé ne soit apparu qu'à la fin de la guerre en 1918-1919, lorsqu'il {{Citation|rationalis[e] sa haine viscérale en une vision du monde}}{{note|groupe=n|Aucun de ses camarades de tranchée n'apporte de témoignage en faveur d'une haine exacerbée d'Adolf Hitler contre les Juifs durant la [[Première Guerre mondiale|Grande Guerre]]<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=67-72|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}}.

Outre des brochures antisémites, Hitler lit alors très probablement la revue ''[[Ostara (revue)|Ostara]]'' de [[Jörg Lanz von Liebenfels]] : selon [[Nicholas Goodrick-Clarke]], {{Citation|l'hypothèse d'une influence idéologique de Lanz sur Hitler peut être acceptée}} ; ce dernier aurait {{citation|assimilé l'essentiel de l'[[mysticisme nazi|aryosophie]] de Lanz : le désir d'une [[théocratie]] aryenne prenant la forme d'une dictature de droit divin des Germains aux cheveux blonds et aux yeux bleus sur les races inférieures ; la croyance dans une conspiration, continue à travers l'histoire, de ces dernières contre les héroïques Germains, et l'attente d'une apocalypse dont serait issu un ''[[Millénium (christianisme)|millénium]]'' consacrant la suprématie mondiale des Aryens<ref>{{ouvrage|auteur1=[[Nicholas Goodrick-Clarke]]|traducteur=Armand Seguin|titre=Les racines occultes du nazisme|sous-titre=les sectes secrètes aryennes et leur influence sur l'idéologie nazie|lieu= Rosières-en-Haye|éditeur=Camion blanc|collection=Camion noir|numéro dans collection=CN41|année=2010|pages totales=507|isbn=978-2-35779-054-4|passage=348-356}}.</ref>}}. Ian Kershaw, pour sa part, pense également que la revue figurait parmi les lectures courantes de Hitler à cette époque, mais conclut plus prudemment sur la nature précise de l'influence de Lanz sur ses convictions<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|1999|p=101-104|id=kershaw1999}}.</ref>. Il est en revanche improbable que Hitler ait connu alors l'aryosophe [[Guido von List]] et, s'il a pu être attiré par les aspects politiques de la pensée de List les plus similaires à celle de Lanz, il n'a jamais manifesté d'intérêt pour ses théories occultistes{{sfn|Goodrick-Clarke|2010|p=356-359}}.

==== La vie à Munich ====
[[Fichier:Adolf Hitler Der Alte Hof.jpg|vignette|redresse|''Cour d'une résidence à Munich'', aquarelle peinte par Adolf Hitler en 1914.]]
Au printemps 1913, Adolf Hitler caresse l'espoir d'aller étudier à l'[[Académie des beaux-arts de Munich]]. Pour ses vingt-quatre ans, il attend la perception de son héritage paternel, de {{unité|819|couronnes}}{{note|groupe=n|Somme qu'il perçoit effectivement le {{date-|16 mai 1914}} sur décision de la cour du district de Linz<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=73|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}}. De plus, ayant omis de s'inscrire en 1909 pour effectuer son service militaire, il pense à présent que l'administration autrichienne l'a oublié et qu'il peut passer la frontière tranquillement. Le {{date-|24 mai}}, habillé correctement, portant une valise et accompagné d'un homme, le commis Rudolf Häusler, il quitte le foyer pour la gare. En plus d'être une ville d'art, [[Munich]] lui paraît familière car elle est proche de sa région natale<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=101-102|id=richard2000}} ; {{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=73|id=kershaw2008_1}}.</ref>. Arrivés sur place, Häusler et Hitler louent une chambre au 34 Schleissheim. Häusler montre ses papiers autrichiens, Hitler se déclare apatride<ref>{{Harvsp|Marlis Steinert|1999|p=51|id=steinert1999}}.</ref>.

En {{date-|janvier 1914}}, Hitler reçoit l'ordre de se rendre au consulat d'Autriche dans les plus brefs délais pour rendre compte de sa désertion. Il explique qu'il se serait présenté à l'hôtel de ville de Vienne où il s'est fait enregistrer, mais que la convocation ne serait jamais arrivée. Qui plus est, il a peu de ressources et est affaibli par une infection. Le consul croit en sa bonne foi et le {{date-|5 février 1914-}}, Hitler est définitivement ajourné devant la commission militaire de [[Salzbourg]]. Pendant longtemps, la présence de Häusler aux côtés de Hitler à Munich sera gommée, car il est l'un des rares témoins à connaître le rappel à l'ordre de l'armée autrichienne à Adolf Hitler qui n'a toujours pas fait son service militaire. Hitler ne souhaitait pas dévoiler cet épisode embarrassant. En réalité, il avait fui l'Autriche en refusant de porter les armes pour les Habsbourg<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=109-111|id=richard2000}}.</ref>.

Comme à Vienne, Hitler vit de ses peintures. Il aime reproduire l'hôtel de ville, des rues, des brasseries, des magasins. Il vend chaque tableau entre cinq et vingt marks, soit une centaine de marks par mois. Dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', Hitler déclare avoir beaucoup lu et appris en politique à cette époque, mais aucun document ne le prouve. Peut-être fréquente-t-il les bars et les brasseries où il discute de politique<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=113|id=richard2000}}.</ref>.

=== Soldat pendant la Première Guerre mondiale ===
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1974-082-44, Adolf Hitler im Ersten Weltkrieg retouched.jpg|vignette|redresse=1.1|alt=Une photo noir et blanc d'un groupe de sept hommes en tenue militaire de l'armée allemande de 1915. Deux hommes se tiennent debout, devant un mur de briques qui forme l'arrière-plan de la photo, et derrière quatre autres hommes assis dont Adolf Hitler, à droite, reconnaissable à son épaisse moustache. Au premier plan, un septième homme tout sourire se tient allongé sur le côté, dans l'herbe, aux pieds des quatre hommes assis.|Adolf Hitler (''assis à droite''), soldat en 1915.]]

Le {{date-|28|juin|1914}}, l'archiduc [[François-Ferdinand d'Autriche|François-Ferdinand]], héritier du trône Austro-Hongrois, [[Attentat de Sarajevo|est assassiné à Sarajevo]] par un étudiant serbe. Le {{date-|31 juillet}}, la mobilisation générale est proclamée à Berlin. Le roi de [[Royaume de Bavière|Bavière]], {{Souverain2|Louis III (roi de Bavière)}}, envoie un télégramme à {{Souverain2|Guillaume II (empereur allemand)}} pour l'assurer de son soutien militaire.

==== Août 1914 ====

Le {{date|2|août|1914|guerre mondiale}}, au lendemain de la déclaration de guerre du Kaiser, des milliers de Munichois se pressent sur l'[[Odeonsplatz]] pour applaudir le roi de Bavière. Une photographie immortalise l'événement et Hitler y figure{{note|groupe=n|Selon Lionel Richard, ce cliché publié en 1931 est douteux. L'homme est élégant, a de petites moustaches, c'est-à-dire l'inverse d'un vulgaire artiste-peintre de rue. S'agit-il d'un trucage ? Hitler ne parle à aucun moment de sa présence à l'[[Odeonsplatz]] dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}''<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=116-117|id=richard2000}}.</ref>.}}. Dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', il se déclare heureux de partir en guerre. C'est pourtant oublier qu'il a tenté de se dérober à l'armée autrichienne quelques années plus tôt. D'après son livret militaire, il ne se serait présenté que le {{date-|5 août 1914-}} au bureau de recrutement. Il est définitivement incorporé le {{date-|16 août 1914-}} comme {{Citation|volontaire}} dans le {{1er|bataillon}} du {{2e|régiment}} d'infanterie de l'armée bavaroise. Le départ du {{16e|régiment}} d'infanterie de réserve bavarois (régiment List, du nom de son colonel, Julius von List{{sfn|Weber|2012|p=à préciser}}), dans lequel il vient d'être incorporé pour le front est fixé au {{date|8 octobre 1914|guerre mondiale}}. Le train atteint la frontière belge le {{date-|22 octobre}} puis arrive à [[Lille]] le 23{{note|groupe=n|Dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', Hitler affirme qu'il s'est adressé directement au roi {{souverain2|Louis III (roi de Bavière)}} pour lui demander la faveur de l'accepter dans l'[[armée bavaroise]]. Une réponse positive lui serait parvenue dès le lendemain<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=118-120|id=richard2000}}.</ref>.}}.

==== Combats ====
Le soldat Hitler connaît son [[baptême du feu]] le {{date-|28|octobre|1914}} à [[Kruiseyck]], lors de l'assaut de [[Geluveld]], près d'[[Ypres]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jacques de|nom1=Launay|titre=Hitler en Flandres|passage=p. 52|éditeur=Axial|date=1975|lire en ligne=https://books.google.be/books?id=7-ugAAAAMAAJ|consulté le=2023-01-13}}</ref>. Au {{date|1 novembre 1914-|guerre mondiale}}, son bataillon est décimé : sur {{unité|3600 hommes}}, {{nobr|611 seulement}} restent opérationnels. Après seulement quelques jours en première ligne, il est affecté comme [[estafette]] le {{date-|9 novembre 1914-}}. Le {{date-|3 novembre 1914-}} précédent, il était nommé ''[[gefreiter]]'', ce qui ne correspond pas, comme le proposent divers historiens, au grade de [[caporal]]{{note|groupe=n|Pendant longtemps l'on a avancé l'idée qu'il n'avait pas les qualités nécessaires pour être sous-officier. S'il n'a pas tenté de monter en grade, c'est probablement parce qu'il n'a pas voulu : changer de poste, c'était se rapprocher du danger. De plus, il restait à proximité du cercle des officiers<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=122|id=richard2000}}.</ref>.}} mais à celui de Première classe, sans prérogative de commandement sur d'autres soldats{{sfn|Weber|2012|p=76}}. Pour récompenser son courage (pour avoir ramené à l'abri, en compagnie de son coéquipier Anton Bachmann, le commandant du régiment, Philipp Engelhardt), Hitler est proposé par l'adjudant Gutmann à la décoration de la [[croix de fer|croix de fer de deuxième classe]]{{note|groupe=n|Il sera décoré de la croix de fer {{2e|classe}} le {{date|2 décembre 1914|guerre mondiale}} et de la croix de fer {{1re|classe}} le {{date-|4 août 1918}}<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=82|id=kershaw2008_1}}.</ref>}} (et il recevra la ''première classe'' en 1918). Il a la position d'estafette auprès de l'état-major de son régiment : il va chercher les ordres des officiers pour les transmettre aux bataillons. En période de calme relatif, l'estafette Hitler sillonne la campagne des environs de [[Fournes-en-Weppes|Fournes]] pour peindre des aquarelles{{note|groupe=n|Le danger était réel pour l'estafette Hitler, bien que moins exposée que ses camarades sur le front : le {{date-|17 novembre 1914}}, le poste de commandement avancé de son régiment est rasé par un obus français quelques minutes après son départ<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=82-83|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}}.

En 1918, au campement, Hitler, qui était dans les ordres du lieutenant von Tubeuf, fit face pour la première fois à [[Rudolf Hess]] lors de sa dernière mission en tant que fantassin.

Réputé pour son caractère difficile, il est néanmoins apprécié de ses camarades. Lui proposer de {{Citation|coucher avec des Françaises}} le met hors de lui, puisque cela serait {{Citation|contraire à l'honneur allemand}}<ref>{{Harvsp|Édouard Husson|1999|p=36|id=husson1999}}.</ref>. Il ne fume pas, il ne boit pas, il ne fréquente pas les prostituées. Le soldat Hitler s'isole pour réfléchir ou lire<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=84|id=kershaw2008_1}}.</ref>. Les quelques photographies connues de cette période présentent un homme pâle, moustachu, maigre et souvent à l'écart du groupe. Son véritable compagnon est son chien Foxl et un jour il s'angoisse à l'idée de ne pas le retrouver : {{Citation|Le salaud qui me l'a enlevé ne sait pas ce qu'il m'a fait<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=85|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}} Hitler est un véritable guerrier fanatique, aucune fraternité, aucun défaitisme ne doivent être tolérés. Il écrit :

{{Citation bloc|Chacun d'entre nous n'a qu'un seul désir, celui d'en découdre définitivement avec la bande, d'en arriver à l'épreuve de force, quoi qu'il en coûte, et que ceux d'entre nous qui auront la chance de revoir leur patrie la retrouvent plus propre et purifiée de toute influence étrangère, qu'à travers les sacrifices et les souffrances consentis chaque jour par des centaines de milliers d'entre nous, qu'à travers le fleuve de sang qui coule chaque jour dans notre lutte contre un monde international d'ennemis, non seulement les ennemis extérieurs de l'Allemagne soient écrasés, mais les ennemis intérieurs soient aussi brisés. Cela aurait plus de prix à mes yeux que tous les gains territoriaux.|Adolf Hitler, lettre à Ernst Hepp, 5 février 1915<ref name="WHXQJT"/>.}}

==== Blessures ====
[[File:Hitler 1921.jpg|vignette|redresse|Portrait d'Adolf Hitler en 1921.]]
Le {{date|7|octobre|1916|guerre mondiale}}, un [[obus]] explose dans l'abri des estafettes : Hitler est blessé à la cuisse gauche. Il est soigné à l'hôpital de [[Beelitz]] près de [[Berlin]]. Après quelque temps au bataillon de dépôt, il demande à rejoindre son régiment ; le {{date|7|mars|1917|guerre mondiale}}, il arrive à [[Vimy]]{{note|groupe=n|À l'hôpital, il se dit consterné d'entendre certains soldats se vanter d'avoir simulé des blessures<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=86-87|id=kershaw2008_1}}.</ref>.}}. A la fin du mois de {{date|septembre 1917|guerre mondiale}}, son régiment obtient deux semaines de permission, Hitler part pour Berlin. Dans la nuit du {{date|13|octobre|1918|guerre mondiale}} au 14, au lieu-dit ''La Montagne'' à [[Wervicq-Sud|Wervicq-sud]]<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Jacques de|nom1=Launay|titre=Hitler en Flandres|passage=p. 43|éditeur=Axial|date=1975|lire en ligne=https://books.google.be/books?id=7-ugAAAAMAAJ|consulté le=2023-01-13}}</ref>, il est gravement gazé. Il est envoyé à l'hôpital de [[Pasewalk]] en [[Poméranie]]. Lors du procès à Munich en 1923, il explique :

{{Citation bloc|C'était une intoxication par l'[[Gaz moutarde|ypérite]], et pendant toute une période j'ai été presque aveugle. Après, mon état s'est amélioré, mais en ce qui concerne ma profession d'architecte je n'étais plus qu'un estropié complet, et je n'aurais jamais cru que je pourrais un jour lire de nouveau un journal.|Adolf Hitler, procès de Munich (1923){{note|groupe=n|Selon Hitler, il était donc devenu invalide de guerre<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=123|id=richard2000}}.</ref>.}}}}

Alors que l’Allemagne est sur le point de capituler, la [[Révolution allemande de 1918-1919|révolution]] gagne Berlin et la [[Mutineries de Kiel|Kaiserliche Marine se mutine]]. Le [[Liste des souverains d'Allemagne|Kaiser]] {{souverain2|Guillaume II (empereur allemand)}} [[abdication|abdique]] et se réfugie aux [[Pays-Bas]]. Le socialiste [[Philipp Scheidemann]] proclame la [[République de Weimar|République]]. Deux jours plus tard, le nouveau pouvoir signe l’[[armistice de 1918]].

Le séjour de Hitler à Pasewalk est un tournant dans sa vie. Il raconte dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}'' qu'étant incapable de lire les journaux, c'est par un pasteur venu l'annoncer aux convalescents qu'il apprend le {{date|10 novembre 1918-|guerre mondiale}} la nouvelle de l'instauration d'une république en Allemagne. En larmes, il s'enfuit, dit-il, vers le dortoir : il se dit alors comme {{citation|frappé par la foudre}} puis saisi d'une {{citation|révélation}}{{note|groupe=n|Cette révélation est décrite comme religieuse à la manière de [[Jeanne d'Arc]] qui aurait entendu des voix. Il devenait le nouveau Messie de l'Allemagne contre le Mal juif et bolchévique<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=124|id=richard2000}}.</ref>.}}. De son lit d’hôpital, alors qu'il a retrouvé l'usage de ses yeux, Hitler est anéanti par cette annonce et redevient aveugle. <!--NOTE : compte tenu des débats entre fonctionnalistes et intentionalistes, il est important pour ce qui suit d’indiquer la date de la citation… Il accusa les Juifs d’avoir manigancé l’abdication du Kaiser<ref name="Fleming1994_p14X">Mémorandum de Walter Hevel, fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères du Reich, {{date-|21 janvier 1940}}, ''Akten zur deutschen auswärtigen Politik'', vol. 158, {{p.|170}} {{incise|cité par Gerald Fleming, ''Hitler and the Final Solution'', University of California Press, 1994, {{p.|14}}|stop}}.</ref>. -->Il affirme dans ''{{langue|en|[[Mein Kampf]]}}'' y avoir eu une vision patriotique et avoir sur le coup {{Citation|décidé de faire de la politique}}. Un mythe s'est construit sur cette {{citation|cécité hystérique}} soignée par le médecin psychiatre [[Edmund Forster]], spécialiste des névroses de guerre, qui aurait entrepris une [[hypnothérapie]] sur Hitler à la suite de laquelle se seraient structurées la [[paranoïa]], la [[psychose]] et la vision patriotique du futur Führer<ref>{{Ouvrage|auteur=[[Ernst Weiss]]|titre=Le témoin oculaire|éditeur=Gallimard|année=1991|passage=352|isbn=2070383768}}.</ref>, éléments invérifiables car le rapport médical de Hitler a disparu et le docteur Forster, surveillé par la Gestapo, s'est suicidé en 1933<ref>{{Article|langue=de|auteur=Jan Armbruster|titre=Die Behandlung Adolf Hitlers im Lazarett Pasewalk 1918 : Historische Mythenbildung durch einseitige bzw. spekulative Pathographie|périodique=Journal für Neurologie, Neurochirurgie und Psychiatrie|année=2009|volume=10|numéro=4|lire en ligne=http://www.kup.at/kup/pdf/8276.pdf |format=pdf}}.</ref>.

==== Attentisme ====

Hitler arrive à Munich le {{date-|21|novembre|1918}}. Sans famille, sans travail et sans domicile, sa préoccupation est de rester dans l'armée. Le {{date|3 décembre 1918-|guerre mondiale}}, il part pour le camp de prisonniers de [[Traunstein]] dans le sud de la Bavière comme gardien militaire. Puis, le camp étant fermé, le soldat Hitler est renvoyé dans sa caserne le {{date-|25|janvier|1919}} et arrive à Munich autour du {{date-|12 février 1919-}}<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=128|id=richard2000}}.</ref>. À Munich, les combats de rue s'intensifient, les ouvriers en armes défilent dans la ville et [[Kurt Eisner]], le premier Ministre de [[État libre de Bavière|Bavière]], est assassiné en pleine rue par un étudiant nationaliste. {{citation|Homme de confiance}} de son état-major, Hitler est nommé en avril à la tête de la commission d'enquête de son régiment sur les événements révolutionnaires. Mais, comme le fait remarquer L. Richard, contrairement à ce qu'il déclare dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', l'armistice n'a pas été pour lui la {{citation|révélation}} politique de sa vie. Il ne s'est pas précipité au-devant des événements mais a profité de sa proximité avec les officiers. Il n'a pris aucun engagement politique particulier (ni [[Corps franc|Freikorps]] ni garde civique bavaroise). Le soldat Hitler d'alors n'est pas un militant dynamique, ni un fanatique antisémite ; c'est un adepte de l'attentisme<ref>{{Harvsp|Lionel Richard|2000|p=132-133|id=richard2000}}.</ref>.

Toute sa vie, Hitler adhère au [[mythe]] du {{Citation|[[Dolchstoßlegende|coup de poignard dans le dos]]}}, diffusé par la caste militaire, selon lequel l'Allemagne n'aurait pas été vaincue militairement, mais trahie de l'intérieur par les [[Juifs]], les forces de gauche, les républicains. Jusqu'à ses derniers jours, le futur maître du Troisième Reich reste obsédé par la destruction totale de l'ennemi intérieur. Il veut à la fois châtier les {{citation|criminels de novembre}}, effacer {{date-|novembre 1918}} et ne jamais voir se reproduire cet évènement traumatique, à l'origine de son engagement en politique.

==== Un héros de propagande ====

L’image du combattant héroïque de la Grande Guerre façonnée par Hitler dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}'', puis par la propagande nazie de la fin des années 1920, fait l’objet en 2011 d’une étude approfondie par l'historien Thomas Weber, appuyée sur les archives du régiment List dont l'histoire officielle a été publiée en 1932. Dans son ouvrage ''La Première Guerre d'Hitler''{{sfn|Weber|2012}}, il conclut à une large part de mystification, notamment due aux récits hagiographiques de [[Hans Mend]] et de [[Balthasar Brandmayer]]. Son régiment avait une très médiocre valeur militaire (unité peu entraînée, mal équipée, composée pour l'essentiel de paysans démotivés<ref>Voir {{Harvsp|Weber|2012}} emplacements 442, 519 sur {{formatnum:14400}}.</ref>{{,}}<ref name="Kauffmann">{{Lien web|url=http://www.lexpress.fr/culture/livre/la-premiere-guerre-d-hitler_1145465.html|titre=Hitler pendant la Première Guerre mondiale : un {{citation|planqué}}|auteur=[[Grégoire Kauffmann]]|date=2 août 2012|site=L'Express}}.</ref>) et n’a pas été engagé dans des combats décisifs. Hitler lui-même et la propagande auraient brodé par la suite sur l’image de l’estafette héroïque en première ligne, or Hitler a une mission d'estafette de régiment transportant les dépêches quelques kilomètres derrière la ligne de front et non d'estafette de bataillon ou de compagnie<ref name="Kauffmann"/>. Hitler aurait surtout été attaché à conserver son affectation auprès du commandement de son régiment, qui lui permettait de se tenir aussi protégé que possible des dangers de la ligne de front.

==== Une expérience fondatrice contestée ====

Thomas Weber insiste également sur les incohérences entre ce que révèle son étude à partir des sources disponibles sur le {{citation|régiment List}} (notamment les lettres et cartes expédiées par le soldat Hitler<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur=[[Eberhard Jäckel]] et Axel Kuhn|titre=Hitler - Sämtliche Aufzeichnungen|éditeur=Deutsche Verlags-Anstalt|année=1980|pages totales=1315}}.</ref>) et l’image propagée par Hitler lui-même selon laquelle la Première Guerre mondiale aurait été pour lui un événement idéologiquement et politiquement décisif. S'opposant fortement aux conclusions antérieures de l'historien australien John Williams<ref>Voir {{Harvsp|Weber|2012}} emplacements 78 et suiv. sur {{formatnum:14400}} et {{Ouvrage|langue=en|titre=Corporal Hitler And The Great War 1914-1918: The List Regiment|auteur1=John F. Williams|éditeur=Routledge|année=2005|pages totales=238|isbn=978-0-415-35854-5}}.</ref>, il relève que {{citation|si cette approche était fondée, Hitler devrait être le personnage principal de cette histoire régimentaire de 1932 et non une figure fugace d'arrière-plan, cantonnée à un rôle presque insultant de second couteau<ref>{{Harvsp|Weber|2012}} emplacements 110 sur {{formatnum:14400}}.</ref>}} et conclut qu’à l’issue de la guerre, {{citation|son atterrissage dans les rangs ultranationalistes et contre-révolutionnaires semble avoir été dicté par des considérations de pur opportunisme autant que par de solides convictions}}<ref>{{Harvsp|Weber|2012}} emplacements 6214 et suiv. sur {{formatnum:14400}} et {{Lien web |auteur=Thomas Weber |url=http://www.historytoday.com/blog/2011/09/interview-thomas-weber-hitlers-first-war |titre=Interview: Thomas Weber on Hitler's First War |date=22 septembre 2011 |site=historytoday.com }}.</ref>.

== Ascension politique ==
{{Article détaillé|Chronologie de la république de Weimar}}

À sa sortie d’hôpital en {{date-|novembre 1918}}, Hitler retourne dans son régiment de Munich. Il écrira plus tard que la guerre avait été {{citation|le temps le plus inoubliable et le plus sublime}}<ref>''{{langue|en|[[Mein Kampf]]}}'', {{nobr|chapitre V}} : {{citation|La guerre mondiale}}.</ref>.

=== Année 1919 ===
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-2004-0048, Revolution in Bayern, Gefangener.jpg|vignette|gauche|Des soldats des [[Histoire des corps francs allemands de 1918 à 1939|corps francs]] avec un prisonnier {{citation|rouge}} lors de l'écrasement de la [[République des conseils de Bavière]] en {{date-|mai 1919}}.]]
[[Fichier:Hitler as young man.jpg|vignette|redresse=0.9|Adolf Hitler au début des années 1920.]]
Bien que Hitler ait écrit dans ''{{langue|en|[[Mein Kampf]]}}'' avoir décidé de s'engager en [[politique]] dès l'annonce de l'[[armistice de 1918|armistice du {{date-|11 novembre 1918}}]], il s'agit là surtout d'une reconstruction rétrospective. Comme le note [[Ian Kershaw]], Hitler s'abstient encore de s'engager dans les premiers mois de 1919, ne songeant nullement par exemple à rejoindre les nombreux [[corps franc]]s {{incise|des unités paramilitaires formées par les anciens combattants d'extrême droite pour écraser les insurrections communistes en Allemagne puis la jeune [[république de Weimar]] elle-même|stop}}. Sous l'éphémère [[République des conseils de Bavière|république des conseils de Munich]], il est resté discret et passif, et a probablement fait extérieurement allégeance au régime<ref>L'historien Ian Kershaw suppose que Hitler a même très probablement arboré alors le brassard socialiste comme tous les soldats {{incise|{{Harvsp|Ian Kershaw|1999|id=kershaw1999}}|stop}}.</ref>.

Depuis le {{date-|9|novembre|1918}}, la [[Bavière]] est en effet entre les mains de la ''[[République des conseils de Bavière|Räterepublik]]'' ou {{citation|république des conseils}}, un gouvernement révolutionnaire proclamé par le socialiste [[Kurt Eisner]] et virant de plus en plus à gauche après l'assassinat de ce dernier début 1919. La propre caserne de Hitler est dirigée par un [[Conseil ouvrier|conseil]]. Dégoûté, Hitler quitte [[Munich]] pour [[Traunstein]]. Cependant, en 1919, alors que le pouvoir est hésitant entre communistes du [[Parti communiste d'Allemagne|KPD]] et sociaux-démocrates du [[Parti social-démocrate d'Allemagne|SPD]], il se fait élire délégué de sa caserne, une première fois lorsque le pouvoir en Bavière est aux mains du SPD, puis une seconde fois en tant que délégué adjoint sous l’éphémère régime communiste (avril-{{date-|mai 1919}}), juste avant la prise de Munich par les troupes fédérales et les corps francs. Il n'a pas cherché à combattre ces régimes, sans pour autant avoir adhéré à aucun de ces partis, et il est probable que les soldats connaissaient ses opinions politiques nationalistes<ref>Voir {{Harvsp|Ian Kershaw|1999|id=kershaw1999}} et {{Ouvrage|titre=Adolf Hitler|auteur1=Konrad Heiden|lieu=Paris|traducteur=Armand Pierhal|langue originale=de|éditeur=Éditions Bernard Grasset|année=1937|pages totales=452|oclc=491337298}}.</ref>{{,}}{{note|groupe=n|Dans ''{{langue|en|[[Mein Kampf]]}}'', Hitler donne de cet épisode un récit plutôt elliptique, mais assez clair quant à sa vision du monde :
{{Début citation bloc}}
En {{date-|mars 1919}}, nous étions de retour à [[Munich]]. La situation était intenable et poussait à la continuation de la révolution. La mort d’[[Kurt Eisner|Eisner]] ne fit qu’accélérer l’évolution et conduisit finalement à la dictature des [[soviet]]s, pour mieux dire, à une souveraineté passagère des [[Juifs]], ce qui avait été originairement le but des promoteurs de la révolution et l’idéal dont ils se berçaient. […]

Au cours de cette nouvelle révolution de soviets, je me démasquai pour la première fois de telle façon que je m’attirai le mauvais œil du soviet central. Le 27 avril 1919, je devais être arrêté, mais les trois gaillards n’eurent point le courage nécessaire en présence du fusil braqué sur eux et s’en retournèrent comme ils étaient venus. Quelques jours après la délivrance de [[Munich]], je fus désigné pour faire partie de la Commission chargée de l’enquête sur les événements révolutionnaires dans le {{2e}} régiment d’infanterie.

Ce fut ma première fonction active à caractère politique.{{Fin citation bloc}}}}.

Hitler reste théoriquement dans l’armée jusqu’au {{date-|31|mars|1920}}. En {{date-|juin 1919}}, alors que la répression de la révolution fait rage en Bavière, son supérieur, le capitaine [[Karl Mayr]]{{note|groupe=n|L'homme {{citation|qui inventa Hitler}} mourra résistant socialiste à [[Buchenwald]] en {{date-|février 1945}}, deux mois avant le suicide du Führer.}}, le charge de faire de la propagande [[Anticommunisme|anticommuniste]] auprès de ses camarades. C'est au cours de ses conférences parmi les soldats que Hitler découvre ses talents d'[[orateur]] et de [[propagande|propagandiste]] et que pour la première fois un public se montre spontanément séduit par son charisme.

C'est aussi de cette époque que date le premier écrit antisémite de Hitler, une lettre qu'il adresse, le {{date-|16 septembre 1919}}, à un certain Adolf Gemlich, sur l'initiative de son supérieur, le capitaine Karl Mayr<ref>Voir cette lettre en allemand : {{Lien web |auteur=Adolf Hitler |titre=Gutachten über den Antisemitismus 1919 erstellt im Auftrag seiner militärischen Vorgesetzten |url=http://www.ns-archiv.de/verfolgung/antisemitismus/hitler/gutachten.php |site=NS-Archiv - Dokumente zum Nationalsozialismus}} ou en anglais : {{Lien web |auteur=Adolf Hitler |titre=Adolf Hitler's First Antisemitic Writing |url=http://www.jewishvirtuallibrary.org/jsource/Holocaust/Adolf_Hitler%27s_First_Antisemitic_Writing.html |site=[[Jewish Virtual Library]] |date=16 septembre 1919}}.</ref>. Après une virulente attaque antisémite, dans laquelle il qualifie l'action des Juifs de {{citation|tuberculose raciale des peuples}}, il y oppose {{citation|antisémitisme instinctif}} et {{citation|antisémitisme raisonné}} : {{Citation|L'antisémitisme instinctif s'exprimera en dernier ressort par des [[pogrom]]s. L'antisémitisme raisonné, en revanche, doit conduire à une lutte méthodique sur le plan légal et à l'élimination des privilèges du Juif. Son objectif final doit être cependant, en tout état de cause, leur bannissement}}<ref>{{Harvsp|Joachim Fest|1973|p=130|id=fest1973_1}}.</ref>. Pour [[Ernst Nolte]], cette lettre est aussi un témoignage de l'antibolchévisme naissant de Hitler et de l'association qu'il fait entre Juifs et révolution : Hitler termine en effet sa lettre avec une remarque selon laquelle les Juifs {{citation|sont en effet les forces motrices de la révolution}}<ref>{{Ouvrage|titre=La guerre civile européenne|sous-titre=National-socialisme et bolchevisme 1917-1945|auteur1=[[Ernst Nolte]]|préface=Stéphane Courtois|lieu=Paris|collection=collection Tempus|langue originale=de|traducteur=Jean-Marie Argelès|éditeur=Éditions Perrin|année=2011|mois=février|passage=177|pages totales=960|isbn=9782262034580}}.</ref>.

=== Orateur charismatique du parti nazi (1919-1922) ===
[[Fichier:Hitler's DAP membership card.png|gauche|vignette|redresse=1.0|alt=Image noir et blanc de la carte du Parti national-socialiste des travailleurs allemands d'Adolf Hitler. La date d'adhésion du {{date-|1 janvier 1920}} est lisible.|Carte de membre du [[Parti ouvrier allemand|DAP]] (futur [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]]) d'Adolf Hitler, 1920.]]
[[Fichier:Anton Drexler.jpg|vignette|redresse|[[Anton Drexler]].]]

Début {{date-|septembre 1919}}, le capitaine [[Karl Mayr]] charge le caporal Hitler et l'adjudant Alois Grillmeier d'une mission de propagande{{sfn|Longerich|2019|p=87-88}}au sein d'un groupuscule politique ultra-nationaliste, le DAP (''[[Parti ouvrier allemand|Deutsche Arbeiterpartei]]'', Parti ouvrier allemand), fondé au début de l'année 1919 par [[Anton Drexler]] et [[Karl Harrer]]. Le {{date-|12 septembre 1919}}, Hitler se rend à une réunion du parti en compagnie de l'adjudant Alois Grillmeier ainsi que six autres anciens agents de propagande<ref name="r23">Bundesarchiv Berlin (BAB) NS 26/80 "liste de présence" cité par Peter Longerich dans sa Biographie "Hitler" aux éditions Perrin Tempus {{ISBN|978-2262076870}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage| auteur1=Othmar Plöckinger| titre=Unter Soldaten und Agitatoren: Hitlers prägende Jahre im deutschen Militär 1918 - 1920| éditeur=Verlag Ferdinand Schöningh| année=2013| passage=p.149 | asin=B01ALMEPW0}}</ref> placés sous les ordres de Karl Mayr. Ce dernier était également attendu à cette réunion, comme l'atteste une note sur la liste de présence<ref name="r23" />. À la fin de cette réunion, Hitler prend la parole à l'improviste pour fustiger la proposition d'un intervenant, favorable à une sécession de la Bavière<ref name="LGISGR">{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=225|id=evans2009_1}}.</ref>. Remarqué par Drexler, il adhère au DAP, probablement aussi sur ordre de ses supérieurs. Une demande d'adhésion de Hitler au [[Deutschsozialistische Partei|Parti socialiste-allemand]] (''Deutschsozialistische Partei''), un autre parti d'extrême droite, avait été rejetée cette même année<ref>{{Article|langue=fr-FR|titre=Et si Hitler n'avait pas rejoint le parti nazi…|périodique=Le Point|date=2017-11-01|lire en ligne=http://www.lepoint.fr/culture/et-si-hitler-n-avait-pas-rejoint-le-parti-nazi-01-11-2017-2169131_3.php|consulté le=2018-03-23}}</ref>. Son numéro d'adhérent, le 555, est le reflet de la tradition, dans les partis politiques marginaux, de faire débuter les listes d'adhésions au numéro 501<ref name="LGISGR"/>. Cependant, les premiers numéros ne furent pas attribués dans l'ordre d'arrivée des membres mais, aux alentours de fin 1919 début 1920, en suivant l'ordre alphabétique des membres du moment. Ce n'est qu'à partir de la carte de membre 714 ({{date-|25 janvier 1920}}) que les numéros suivirent l'ordre chronologique<ref>Bundesarchiv Berlin (BAB) NS 26/230 "liste des membres" cité par Peter Longerich dans sa Biographie "Hitler" aux éditions Perrin Tempus {{ISBN|978-2262076870}}</ref>. La seule chose dont nous soyons certains est que Hitler faisait partie des quelque deux cent premiers membres qui rejoignirent le parti avant la fin de l'année 1919{{sfn|Longerich|2019|p=86}}. En {{date-|février 1920}}, orateur principal du DAP, il transforme le parti en [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands]] (NSDAP), pour aligner le parti sur des partis semblables en Autriche ou dans les Sudètes<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=227|id=evans2009_1}}.</ref>.
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 102-00204, Bayern, Hitler auf Propagandafahrt.jpg|vignette|redresse=1.1|alt=Photographie en noir et blanc d'Adolf Hitler en tournée de propagande en 1923. Il est assis à bord d'une voiture, au premier plan à gauche de l'image|Hitler en tournée de propagande en 1923.]]
Son charisme et ses capacités d'orateur en font un personnage prisé des réunions publiques des extrémistes de brasserie. Ses thèmes favoris {{incise|[[antisémitisme]], [[Bolcheviks|antibolchevisme]], [[nationalisme]]}} trouvent un auditoire réceptif. En effet, il emploie un langage simple, utilise des formules percutantes et utilise abondamment les possibilités de sa voix<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=226|id=evans2009_1}}.</ref>. Mobilisant de plus en plus de partisans séduits par ses discours, tant par ses idées que par sa gestuelle, il se rend indispensable au mouvement au point d'en exiger la présidence, que le groupe dirigeant initial lui abandonne dès [[avril 1921]] après un ultimatum de sa part. Du fait de ses talents d’agitateur politique, le parti gagne rapidement en popularité, tout en restant très minoritaire.
[[Fichier:Völkischer Beobachter - ausgabe vom 25. Dezember 1920.jpg|vignette|redresse=1.2|gauche|Le ''[[Völkischer Beobachter]]'' ({{date-|25 décembre 1920}}).]]
Hitler dote son mouvement d'un journal, le ''[[Völkischer Beobachter]]'', lui choisit le drapeau à [[Svastika|croix gammée]] pour emblème, fait adopter un [[programme en 25 points]] (en 1920) et le dote d'une milice agressive, les [[Sturmabteilung]] (SA). Il change également de style vestimentaire, s'habille constamment de noir ou en tenue militaire, et c'est à cette époque également qu'il taille sa [[moustache en brosse à dents]] qui devient, avec sa mèche sur le front, la plus célèbre de ses caractéristiques physiques.

Au départ, Hitler se présente comme un simple {{citation|tambour}} chargé d'ouvrir la voie à un futur sauveur de l'Allemagne, encore inconnu. Mais le [[culte de la personnalité|culte]] spontanément apparu autour de sa personnalité [[Charisme|charismatique]] dans les rangs des SA et des militants le convainc bientôt qu'il est lui-même ce sauveur providentiel. À partir de 1921-1922, la conviction intime qu'il est désigné par le destin pour régénérer et purifier l'Allemagne vaincue ne le quitte plus<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|id=kershaw2001_1}}.</ref>{{,}}<ref name="YR27EB">{{Harvsp|Ian Kershaw|1999|id=kershaw1999}}.</ref>. Son [[narcissisme]] et sa [[mégalomanie]] ne font en conséquence que s'accentuer, comme sa prédominance absolue au sein du mouvement nazi. C’est ce qui le différencie de [[Benito Mussolini|Mussolini]], au départ simple ''{{langue|la|[[primus inter pares]]}}'' d'une direction collective [[fascisme|fasciste]], ou de [[Joseph Staline|Staline]], qui ne croit pas lui-même à son propre culte, fabriqué tardivement. Au contraire, le culte du Führer s'organise rapidement, avec en ligne la structuration du parti autour du ''{{langue|la|[[Führerprinzip]]}}'' : tout tourne autour du Führer, qui crée un lien de dépendance, au sens féodal du terme, entre ses fidèles et lui ; la réponse de Hitler à ceux qui le saluent est en réalité une acceptation de l'hommage de ces derniers<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=241|id=evans2009_1}}.</ref>.

Inspiré par la lecture du psychologue [[Gustave Le Bon]], Hitler met au point une [[propagande]] violente mais efficace.

{{citation|L'idée centrale de Hitler est simple : lorsqu'on s'adresse aux [[Peuple|masses]], point n'est besoin d'[[argumentation|argumenter]], il suffit de séduire et de frapper. Les discours passionnés, le refus de toute discussion, la répétition de quelques thèmes assénés à satiété constituent l'essentiel de son arsenal propagandiste, comme le recours aux effets théâtraux, aux affiches criardes, à un expressionnisme outrancier, aux gestes symboliques dont le premier est l'emploi de la force. Ainsi, quand les SA brutalisent leurs adversaires politiques, ce n'est pas sous l'effet de passions déchaînées, mais en application des directives permanentes qui leur sont données<ref>{{Harvsp||texte=Henri Burgelin {{et al.}} 1991|loc={{citation|Les succès de la propagande nazie}}|p=123|id=collectif1991_1}}.</ref>}}.

De sa vie, Hitler n'accepta jamais un débat rationnel ni contradictoire et ne parla que devant des auditoires acquis{{note|groupe=n|En 1932, de passage à [[Munich]], l'ancien ministre britannique [[Winston Churchill]] accepta par curiosité un rendez-vous avec le dirigeant nazi, mais ce dernier annula l'entrevue avec son futur vainqueur quand ce dernier demanda à son intermédiaire pourquoi Hitler en voulait tant à des gens qui n'avaient fait que naître Juifs.}}.

En {{date-|janvier 1922}}, Hitler est condamné à trois mois de prison (dont deux avec sursis) pour {{citation|troubles à l'ordre public}}. Il purge cette peine à la [[prison de Stadelheim]] de Munich entre juin et {{date-|juillet 1922}}. Il est même menacé d’être expulsé de [[Bavière]].

=== Putsch manqué de Munich (9 novembre 1923) ===
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 102-00344A, München, nach Hitler-Ludendorff Prozess.jpg|vignette|upright=1.6|Les [[Putsch de la Brasserie|personnalités inculpées]] lors du procès d'Adolf Hitler en 1924, photo d'[[Heinrich Hoffmann (photographe)|Heinrich Hoffmann]].|alt=Photo noir et blanc de neuf hommes debout, dans une rue, devant la porte d'entrée fermée d'un bâtiment. Sept hommes sont en tenue militaire. Il s'agit d'Adolf Hitler et des autres personnalités inculpées lors du son procès en 1924.]]
{{Article détaillé|Putsch de la Brasserie}}

Admirateur fervent de [[Benito Mussolini|Mussolini]] (dont un buste ornera durablement son bureau), Hitler rêve d'avoir à son tour sa {{citation|[[marche sur Rome]]}} qui le fasse accéder au pouvoir par la force<ref>{{Harvsp||texte=Pierre Milza {{et al.}} 1991|loc={{citation|Hitler et Mussolini}}|p=112|id=collectif1991_1}}.</ref>. En {{date-|novembre 1923}}, alors que l'économie s'est effondrée avec l'[[occupation de la Ruhr]], que le ''{{langue|la|[[Papiermark]]}}'' rongé par l'[[hyperinflation de la république de Weimar|hyperinflation]] ne vaut plus rien et que des entreprises séparatistes ou communistes secouent certaines parties de l'Allemagne, Hitler croit le moment venu pour prendre le contrôle de la Bavière avant de marcher sur Berlin et d'en chasser le gouvernement élu. Les 8 et {{date-|9 novembre 1923}}, il conduit avec le général [[Erich Ludendorff]] le [[coup d'État]] avorté de Munich connu comme le [[putsch de la Brasserie]]. Le complot, bâclé, est facilement mis en déroute et, lors d'un heurt de ses troupes avec la police devant la [[Feldherrnhalle]], Hitler est lui-même blessé tandis que sont tués seize de ses partisans, promus ultérieurement {{citation|martyrs}} du nazisme.

Le [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]] est aussitôt interdit. En fuite, Hitler est arrêté le {{date-|11 novembre}}, inculpé de [[conspiration]] contre l’[[État]] et incarcéré à la prison de [[Landsberg am Lech]]. À partir de cet instant, il se résoudra à se tourner tactiquement vers la seule voie légale pour arriver à ses fins. Mais dans l'immédiat, il sait exploiter son procès en se servant de la barre comme d'une tribune. Le procès pour haute trahison (''[[Hitler-Prozess]]'' ou ''Hitler-Ludendorff Prozess'') se tient du {{date-|26 février}} au {{date-|1er avril 1924}} à l'École d'infanterie de la Reichswehr à Munich : la médiatisation de ce procès permet à Hitler de se mettre en vedette et de se faire connaître à travers le reste de l'Allemagne. Les magistrats, reflétant l'attitude des élites traditionnelles peu attachées à la [[république de Weimar]], se montrent assez indulgents à son égard. Le {{date-|1|avril|1924}}, il est condamné à cinq ans de détention à la forteresse de Landsberg am Lech pour {{citation|[[haute trahison]]}}, ce qui fait scandale, même au sein des conservateurs<ref name="4K04GN">{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=253|id=evans2009_1}}.</ref>. Détenu en forteresse, à l'image des criminels ayant agi pour des motifs nobles<ref name="4K04GN"/>, il purge sa peine dans une vaste cellule au sein de laquelle il peut recevoir des visites, et surtout où il a aménagé un véritable cabinet de travail, dans lequel il lit énormément et dicte à ses proches les premières ébauches de ''{{langue|de|Mein Kampf}}''<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=254|id=evans2009_1}}.</ref>. Condamné à cinq ans de forteresse, il est libéré au terme de neuf mois<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|1998|p=272|id=kershaw1998}}.</ref>.

=== Constitution définitive d'une idéologie (1923-1924) ===
[[Fichier:Erstausgabe von Mein Kampf.jpg|vignette|redresse=1.2|Première édition de ''{{langue|la|[[Mein Kampf]]}}'', {{date-|juillet 1925}}.]]
Sa détention à la prison de Landsberg est considérée par Hitler comme {{Citation|son université aux frais de l'État}}, qui lui permet de lire des ouvrages de [[Friedrich Nietzsche]], [[Houston Stewart Chamberlain]], [[Leopold von Ranke|Ranke]], [[Heinrich von Treitschke|Treitschke]], [[Karl Marx]] et les mémoires d'[[Otto von Bismarck]] et de généraux et hommes d'État alliés ou allemands<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|1999|p=354|id=kershaw1999}}.</ref>. Elle lui donne l'occasion de dicter à son secrétaire [[Rudolf Hess]] son ouvrage ''{{langue|la|[[Mein Kampf]]}}'', récit [[autobiographie|autobiographique]] et [[manifeste]] politique, appelé à devenir le manifeste du mouvement nazi<ref>Voir [http://www.historisches-lexikon-bayerns.de/document/artikel_44547_bilder_value_5_mein-kampf3.jpg Frontispice de la première édition, 1925].</ref>. Hitler y dévoile sans fard l’[[idéologie]] redoutable qu’il a achevé de se constituer depuis 1919 (''{{langue|la|[[Weltanschauung]]}}''), dont il ne variera plus et qu’il cherchera à mettre en pratique{{note|groupe=n|[[François Bédarida]] souligne la spécificité de l’idéologie de Hitler : parfaitement cohérente, sincèrement ressentie, cette ''{{langue|la|[[Weltanschauung]]}}'' est unique au monde car aucune autre n’a entraîné par son application de crimes aussi vastes et singuliers<ref>{{Ouvrage|titre=Le Nazisme et le Génocide|sous-titre=Histoire et témoignage|auteur1=François Bédarida|lieu=Paris|éditeur=Presses Pocket|année=1992|pages totales=254|isbn=2-266-04676-4}}.</ref>.}}.

Outre sa haine de la [[démocratie]], de la [[France]] {{citation|ennemie mortelle du peuple allemand}}, du [[socialisme]] et du {{citation|[[judéo-bolchevisme]]}}, sa doctrine repose sur sa conviction intime à base pseudo-scientifique d’une lutte [[Théorie synthétique de l'évolution|darwinienne]] entre différentes {{citation|[[race]]s}} foncièrement inégales. Au sommet d’une stricte pyramide, se trouverait la race allemande ou {{citation|race des Seigneurs}}, qualifiée tantôt de {{citation|race nordique}} et tantôt de {{citation|[[race aryenne]]}} et dont les plus éminents représentants seraient les grands blonds aux yeux bleus. Cette race supérieure doit être {{citation|purifiée}} de tous les éléments étrangers, {{citation|non allemands}}, [[Juifs]], [[homosexualité|homosexuels]], ou malades, et doit dominer le monde par la force brute. Au traditionnel [[pangermanisme]] visant à regrouper tous les Allemands ethniques dans un même État, Hitler ajoute la conquête d’un ''{{langue|la|[[Lebensraum]]}}'' indéfini, à arracher notamment à l’Est aux {{citation|[[Untermensch|sous-hommes]]}} [[slaves]]. Enfin, Hitler parle constamment d’{{citation|éradiquer}} ou d’{{citation|anéantir}} les Juifs, comparés à de la vermine, à des asticots<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=255|id=evans2009_1}}.</ref>, ou à des poux, qui ne sont pas seulement pour lui une race radicalement inférieure, mais aussi radicalement dangereuse.

Hitler a principalement emprunté sa vision ultra-raciste à [[Houston Stewart Chamberlain|H. S. Chamberlain]], son culte du [[surhomme]] à [[Friedrich Nietzsche|Nietzsche]], son obsession de la [[décadence]] à [[Oswald Spengler]] et, enfin, les concepts de race nordique et d'espace vital à [[Alfred Rosenberg]], idéologue du parti. Il puise aussi dans la {{Citation|[[Révolution conservatrice (Weimar)|révolution conservatrice]]}} animée par [[Arthur Moeller van den Bruck]], dont il a lu l'ouvrage ''Le Troisième Reich''.

Selon la fiche signalétique établie par les renseignements français en 1924, Hitler est inscrit comme [[journaliste]] et est qualifié de {{citation|[[Benito Mussolini|Mussolini]] allemand}} avec ces notes : {{citation|Ne serait que l'instrument de puissances supérieures : n'est pas un imbécile mais très adroit démagogue. Aurait [[Erich Ludendorff|Ludendorf]] derrière lui. Organise des [[Sturmtruppen]] genre fasciste. Condamné à cinq ans de forteresse avec possibilité de sursis après six mois de détention<ref>{{citation|Dans le secret des archives de France : {{citation|La fiche des [[Direction centrale des Renseignements généraux|RG]] sur Hitler}}}}, ''[[Sciences et Avenir]]'', mars 2009, {{p.|17}}.</ref>.}}<ref>{{citation|L'étrange fiche de police d'Adolf Hitler}}, ''[[Sciences et Avenir]]'', avril 2009, {{p.|7}}.</ref>.

Après treize mois de détention (dont neuf depuis sa condamnation) et malgré l’opposition déterminée du {{page h'|Procureur|procureur}} [[Ludwig Stenglein]] à Munich, il bénéficie d’une libération anticipée le {{date-|20 décembre 1924}}<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|1998|p=297|id=kershaw1998}}.</ref>.

=== Réorganisation du parti (1925-1928) ===

À sa sortie de prison le {{date-|20|décembre|1924}}, Hitler retrouve un parti déchiré entre différentes tendances centrifuges.

Sous la menace d'une expulsion vers l’[[Autriche]], menace vite réduite à néant par le refus du gouvernement autrichien de l'accueillir<ref name="O2OSV7">{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=257|id=evans2009_1}}.</ref>, il est interdit de séjour dans le [[État libre de Prusse|Land de Prusse]] et de parole dans de nombreux autres Länder<ref name="O2OSV7"/>. Devenu [[apatride]] le {{date-|30|avril|1925}} et interdit de parole en public jusqu’au {{date-|5|mars|1927}}, il reconstruit le NSDAP sur de nouvelles bases et retrouve une certaine popularité.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 119-1721, Gregor Strasser crop.jpg|vignette|redresse|gauche|[[Gregor Strasser]] en 1928.]]
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 102-01888A, Joseph Goebbels.jpg|vignette|redresse|[[Joseph Goebbels]].]]
En effet, il exploite son aura de putschiste pour faire du NSDAP un instrument à sa main. Durant cette période, il discipline les ''{{langue|la|[[Sturmabteilung]]}}'' (SA), leur interdisant tout lien avec d'autres formations paramilitaires d'extrême-droite, et encourageant la création de la ''{{langue|la|[[Schutzstaffel]]}}'' (SS), petite troupe d'élite, confiée dès 1925 à [[Heinrich Himmler]], {{citation|le fidèle Heinrich}} en qui il place toute sa confiance et qui voue au Führer une admiration fanatique. Cette mise à l'écart de la SA, troupe indisciplinée, suscite l'opposition de [[Ernst Röhm|Röhm]], qui se retire un temps du NSDAP<ref name="8U8L80">{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=259|id=evans2009_1}}.</ref> ; ensuite, il sape l'influence de [[Erich Ludendorff|Ludendorff]], son grand rival, en le poussant à se présenter à l’[[Élection présidentielle allemande de 1925|élection présidentielle de 1925]]<ref name="8U8L80"/>. Enfin, Hitler lance la transformation en profondeur du NSDAP, écartant [[Gregor Strasser]], menaçant en raison de ses qualités d'organisateur et de son influence dans le Nord du Reich, où Hitler l'a envoyé pour implanter le parti en profondeur ; Strasser, appuyé entre autres sur [[Joseph Goebbels|Goebbels]], tente de mettre en place un NSDAP non directement lié à Hitler, qualifié lui-même de « petit-bourgeois » ; ce parti refondé par le groupe de Strasser serait plus centré sur un programme de tendance socialisante et la lutte contre la [[ploutocratie]] occidentale, y compris au moyen d'une alliance avec l'URSS, que sur un lien direct entre un chef de parti et des militants<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=260-262|id=evans2009_1}}.</ref>. Pour reprendre la main sur Strasser et ses partisans, Hitler organise le {{date-|14 février 1926}} une réunion des cadres à [[Bamberg]], en [[Franconie]], fief de [[Julius Streicher]]<ref name="K48L91">{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=263|id=evans2009_1}}.</ref>. Ce rassemblement se solde par la victoire de Hitler sur Strasser, malgré le maintien de ce dernier grâce à de nombreux appuis. Cette défaite entraîne le ralliement de Goebbels à Hitler au cours de cette année, malgré la proximité du futur ministre de la propagande avec les idées de Strasser<ref name="K48L91"/>. En définitive, Strasser est balayé par l'absence de résultats tangibles dans sa stratégie de conquête réelle d'un électorat ouvrier, et par une réorientation stratégique de la propagande du parti, dorénavant dirigée vers le milieu rural<ref name="5NBBLR">{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=266-267|id=evans2009_1}}.</ref>. Mais la tactique de toucher l'ensemble de la société, par la création d'organisations spécifiques, que Strasser a amorcée, est reprise systématiquement après sa défaite ; en effet, des éléments d'une nouvelle société et d'un nouvel État nationaux-socialistes, susceptibles de se substituer de plain-pied au pouvoir d’État<ref>{{Harvsp||texte=Serge Berstein {{et al.}} 1991|loc={{citation|La prise du pouvoir par Adolf Hitler}}|p=26|id=collectif1991_1}}.</ref>, se mettent progressivement en place, axés sur la loyauté envers le Führer ; les premiers membres de chacune de ces structures comptent parmi les proches de Hitler et le restent pratiquement jusqu'à la fin du régime<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=275|id=evans2009_1}}.</ref>.

Le rassemblement de Weimar de {{date-|juillet 1926}} constitue l'occasion de la mise en scène de ce succès : selon les statuts du parti, Hitler est confirmé à sa place de dirigeant du NSDAP ; mais surtout, par un cérémonial centré sur la personne du Führer, le rassemblement fournit l'occasion de prestations de serments de soumission et d'allégeance à la personne de Hitler, Führer du NSDAP<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=264|id=evans2009_1}}.</ref>.

Les premiers succès du parti en milieu rural, en Saxe, dans le Mecklembourg, dans le Land de Bade valident son approche politique et renforcent la popularité de Hitler au sein du parti. Commencent alors à se développer les prémices du culte de la personnalité : le salut ''[[Salut fasciste|{{langue|de|Heil Hitler}}]]'' devient obligatoire, même en l'absence du Führer ; les rassemblements de Nuremberg, en 1927, puis en 1929 prennent une nouvelle orientation, dorénavant axée sur l'enthousiasme généré par le discours de Hitler<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=271|id=evans2009_1}}.</ref>. De même, la Ligue de jeunesse du parti, existante depuis 1922, devient en 1926 les [[Jeunesses hitlériennes]], rapidement encadrées, à partir de 1928, par un thuriféraire, [[Baldur von Schirach]]<ref>{{Harvsp|Richard J. Evans|2009|p=273|id=evans2009_1}}.</ref>.

Les principes mis en avant pour réorganiser le parti sont tous axés sur la capacité des cadres à conquérir puis à conserver leur place, définissant ainsi une nébuleuse, le NSDAP, constamment en équilibre instable, avec des changements fréquents aux différents échelons locaux du parti, Hitler se bornant alors à arbitrer entre les différents chefs locaux qui se dégagent de ces luttes ; de plus, lors de ces affrontements, chaque cadre peut se réclamer de la volonté du Führer, demeurant volontairement floue<ref name="5NBBLR" />.

En 1929, pour mieux mener campagne contre le [[plan Young]] sur les réparations de guerre dues à la France, soumis à référendum, le patron de presse et chef nationaliste [[Alfred Hugenberg]] s'est allié à Hitler, dont il a besoin des talents oratoires, et a financé la campagne de propagande qui a permis au ''{{langue|de|Führer}}'' des nazis de se faire connaître dans toute l'Allemagne.

Ayant écarté, rallié à lui, ou circonvenu les principaux partisans d'un socialisme national, Hitler, dont le train de vie personnel ne cesse par ailleurs de s'embourgeoiser, s'attache aussi à se rendre respectable et rassurant aux yeux des élites traditionnelles. Pour rallier celles-ci et faire oublier son image d'agitateur plébéien et révolutionnaire, il se prononce par exemple, lors du référendum de {{date-|juin 1926}}, en faveur de l'indemnisation des [[Révolution allemande de 1918-1919|princes régnants renversés en 1918]]<ref>En 1918, les biens des familles régnantes allemandes ont été mis sous séquestre. Le KPD dépose en décembre 1925 un projet de loi en faveur de leur expropriation sans indemnisation. Le projet est repoussé malgré le soutien du SPD. La gauche obtient alors l’organisation d’un référendum qui a lieu le 20 juin 1926. Une forte abstention invalide finalement le scrutin {{incise|Voir {{Ouvrage|langue=anglais|auteur=Franklin C. West|titre=A Crisis of the Weimar Republic: A Study of the German Referendum of 20 June 1926|éditeur=American Philosophical Society|année=1985|pages totales=360|passage=178-186|isbn=9780871691644}}|stop}}. Hitler s’oppose à cette occasion à [[Gregor Strasser]] {{incise|Voir {{Ouvrage|langue=de|auteur=[[Hans Mommsen]]|titre=Aufstieg und Untergang der Republik von Weimar (1918-1933)|numéro d'édition=2|éditeur=Econ-Ullstein-List-Verlag|lieu=Munich|année=2001|pages totales=742|passage=395|isbn=3-54826-581-2}}|stop}}.</ref>. Le magnat de la Ruhr, [[Fritz Thyssen]], lui apporte ainsi son soutien public.

La [[Sturmabteilung|SA]], la brutale milice du parti qui s’illustre dans des agressions et des combats de rues, pose plus de problèmes à Hitler par son recrutement [[plèbe|plébéien]] assez large et par sa discipline souvent incertaine. La base des SA est partisane d'une {{citation|seconde révolution}} et est exaspérée par les compromis que doit faire le parti nazi dans sa conquête du pouvoir. Leurs sections berlinoises, commandées par [[Walter Stennes]], iront même jusqu'à saccager à plusieurs reprises les locaux du parti nazi entre 1930 et 1931<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Robert Paxton]]|titre=Le Fascisme en action|titre original=The Anatomy of Fascism|langue originale=en|lieu=Paris|traducteur=William Olivier Desmond|date=avril 2004 |pages totales=448|passage=173-174|éditeur=Seuil|collection={{s-|XX}} |isbn=2020591928}}.</ref>. Dès 1930, confronté à cette grave mutinerie de leur part, Hitler rappelle de [[Bolivie]] son ancien complice du putsch de 1923, [[Ernst Röhm]], qu’il avait mis lui-même sur la touche en 1925 : ce dernier reprend leur tête et rétablit en partie l’ordre dans leurs rangs.

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Fichier:Nazi Party Meeting In Weimar 1926.jpg|Hitler défile avec les [[Sturmabteilung|chemises brunes]] lors du congrès du [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]] à [[Weimar]], en 1926.
Fichier:Bundesarchiv Bild 119-0779, Sturmabteilung aus Essen.jpg|La [[Sturmabteilung|SA]] d'[[Essen]] en 1926.
Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1969-054-53A, Nürnberg, Reichsparteitag.jpg|[[Congrès de Nuremberg|Congrès du NSDAP à Nuremberg]], en 1927 ; derrière Hitler, on distingue, de gauche à droite, [[Heinrich Himmler|Himmler]], [[Rudolf Hess|Hess]], [[Gregor Strasser]], [[Franz Pfeffer von Salomon]].
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=== « Résistible ascension » (1929-1932) ===
[[Fichier:KAS-Politischer Gegner, Nationalsozialisten-Bild-15738-2.jpg|vignette|gauche|redresse=0.9|Affiche électorale du [[Zentrum]] (1930). Ce [[Parti politique|parti]] [[Démocratie chrétienne|démocrate-chrétien]] est dépeint ici par l'illustrateur [[Theo Matejko]] comme un pont surplombant fermement la terreur et le chaos incarnés par les nazis et les [[Parti communiste d'Allemagne|communistes]].]]
Comme le suggère [[Bertolt Brecht]] par le titre de sa pièce ''[[La Résistible Ascension d'Arturo Ui]]'', âpre satire antinazie, la marche au pouvoir d'Adolf Hitler ne fut ni linéaire ni irrésistible. Toutefois, elle fut favorisée après 1929 par un contexte de crise exceptionnel, et par les faiblesses, les erreurs ou le discrédit de ses adversaires et concurrents politiques.

L'Allemagne n'avait derrière elle en 1918 qu'une faible tradition démocratique. Née d'une défaite et d'une révolution, la [[république de Weimar]] s'était mal enracinée, d'autant que serviteurs et nostalgiques du [[Empire allemand|Kaiser]] restaient très nombreux dans l'armée, l'administration, l'économie et la population. Le [[Zentrum]] catholique, parti membre de la coalition fondatrice de la République, s'engage dans une dérive autoritaire à partir de la fin des [[années 1920]], tandis que communistes, nationalistes du [[Parti populaire national allemand|DNVP]] et nazis continuent de refuser le régime et de le combattre. Enfin, le culte traditionnel des grands chefs et l'attente diffuse d'un sauveur providentiel prédisposaient une bonne part de sa population à s'en remettre à Hitler. État-nation très récent et fragile, traversé de multiples clivages géographiques, religieux, politiques et sociaux, l'Allemagne entre en plus dans une nouvelle phase d'instabilité politique à partir de 1929. Après le décès de [[Gustav Stresemann]], artisan avec [[Aristide Briand]] du [[relations entre l'Allemagne et la France#Les accords de Locarno (1925)|rapprochement franco-allemand]], la chute du chancelier [[Hermann Müller]] en 1930 est celle du dernier gouvernement parlementaire. Il est remplacé par le gouvernement conservateur et autoritaire de [[Heinrich Brüning]], du Zentrum.

[[Fichier:Evolution du chômage en Allemagne (1928-1940).svg|vignette|redresse=0.8|Évolution en pourcentage du chômage en Allemagne de 1928 à 1940.|alt=Graphique présentant la courbe du chômage en Allemagne de 1928 à 1940. La courbe est ascendante de 1928 (5 %) à 1932 (30 %) puis descendante jusqu'à 0 % de 1932 à 1940 ; en 1935, le chômage est réduit à 10 %.]]
Monarchiste convaincu, le très populaire maréchal [[Paul von Hindenburg]], porté à la [[Élection présidentielle allemande de 1925|présidence de la République en 1925]], cesse de jouer le jeu de la démocratie à partir de 1930. Il se met à gouverner par [[décret]]s, nommant des cabinets à ses ordres de plus en plus dépourvus de la moindre majorité au Parlement, usant et abusant de son droit de dissolution du [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]] {{incise|utilisé pas moins de quatre fois de 1930 à 1933|stop}}. Les institutions de Weimar sont donc vidées de leur substance bien avant que Hitler ne leur porte le coup de grâce<ref>{{Ouvrage |langue originale=de |titre=La République de Weimar |auteur=Detlev J. Peukert |sous-titre=Années de crise de la modernité |traducteur=Paul Kessler |titre original=Die Weimarer Republik |lieu=Paris |année=1995 |pages totales=301 |éditeur=Aubier |collection=Histoires |isbn=2-7007-2266-3}}.</ref>.

Les conséquences catastrophiques de la [[Grande Dépression|crise de 1929]] sur l’[[Économie de l'Allemagne|économie allemande]], très dépendante des capitaux rapatriés aux [[États-Unis]] immédiatement après le krach de Wall Street, apportent bientôt au [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]] un succès foudroyant et imprévu. Aux élections du {{date-|14|septembre|1930}}, avec {{unité|6,5|millions}} d'électeurs, 18,3 % des voix et {{unité|107|sièges}}, le parti nazi devient le deuxième parti au Reichstag. La [[déflation]] sévère et anachronique menée par [[Heinrich Brüning|Brüning]] ne fait qu'aggraver la [[crise économique]] et précipite de nombreux Allemands inquiets dans les bras de Hitler. En constituant avec ce dernier le {{citation|[[Front de Harzburg]]}} en {{date-|octobre 1931}}, dirigé contre le gouvernement et la République, [[Alfred Hugenberg|Hugenberg]] et les autres forces des droites nationalistes jouent involontairement le jeu de Hitler, dont la puissance (électorale et parlementaire) en fait désormais un personnage de premier plan sur la scène politique<ref>{{Harvsp||texte=Serge Berstein {{et al.}} 1991|loc={{citation|La prise du pouvoir par Adolf Hitler}}|p=29|id=collectif1991_1}}.</ref>.

Le 8 mai 1931, Adolf Hitler est convoqué par le [[tribunal]] à la barre des témoins dans le cadre d'un procès mettant en cause des activistes nazis de la section 33 de la [[Sturmabteilung|SA]], qui ont blessé par balle des militants communistes<ref>{{Ouvrage|prénom1=Pierre|nom1=Vallaud|prénom2=Mathilde|nom2=Aycard|titre=Hitler contre Berlin: 1933-1945|éditeur=Perrin|date=2015|isbn=978-2-262-04235-6|consulté le=2023-10-15}}</ref>. L'avocat [[Hans Litten]] lui fait alors subir un [[contre-interrogatoire]] de près de trois heures duquel Hitler sortira fort ébranlé.

Le [[septennat]] du président [[Paul von Hindenburg|Hindenburg]] se terminant le {{date-|5 mai 1932}}, la droite et le [[Zentrum]], afin d’éviter de nouvelles élections, proposent de renouveler tacitement le mandat présidentiel. L’accord des [[nazisme|nazis]] étant nécessaire, Hitler exige la démission du chancelier Brüning et de nouvelles élections parlementaires. Hindenburg refuse, et le {{date-|22 février 1932}}, [[Joseph Goebbels]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Lionel Richard]]|titre=Goebbels|sous-titre=Portrait d'un manipulateur|lieu=Bruxelles|année=2008|pages totales=278|éditeur=[[André Versaille]] éditeur|collection=Histoire|isbn=978-2-87495-017-9}}.</ref> annonce la candidature d’Adolf Hitler à la présidence de la République. Le {{date-|25 février}}, Hitler est nommé conseiller de gouvernement (''Regierungsrat'') auprès de la légation de l'[[État libre de Brunswick]] à Berlin (poste de fonctionnaire qu’il occupe formellement jusqu’à sa mise en congé le 8 novembre 1932, précédant sa démission de la fonction publique en février 1933), ce qui lui confère automatiquement la [[nationalité]] allemande, quelques jours seulement avant le premier tour qui a lieu le 13 mars<ref>{{Article |auteur1=[[Marie-Bénédicte Vincent]] |titre=Le serment de fidélité dans le nazisme : représentations et pratiques |périodique=[[Histoire@Politique]] |numéro=40 |date=2020 |pages= |issn= |e-issn= |lire en ligne=https://journals.openedition.org/histoirepolitique/869 |consulté le=19 novembre 2023 |id= }}.</ref>{{,}}<ref>{{Article |auteur1=[[François Delpla]] |titre=Genèse de la prise de pouvoir |périodique=[[Revue des Deux Mondes]] |numéro= |date=décembre 2019-janvier 2020 |pages=40 |issn= |e-issn= |lire en ligne=https://www.revuedesdeuxmondes.fr/wp-content/uploads/2019/11/R2M-2019-12.pdf |consulté le=19 novembre 2023 |id= }}.</ref>. [[Jean-Christophe Brisard]] dans son ouvrage biographique d'Hitler<ref>''Le livre d'or d'Hitler : Des diplomates au cœur du IIIe Reich, Fayard, Paris, 2020'' [https://www.google.fr/books/edition/Le_livre_d_or_d_Hitler/dan_DwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&pg=PT5&printsec=frontcover lire en ligne] [https://www.google.fr/books/edition/Le_livre_d_or_d_Hitler/dan_DwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&printsec=frontcover&bsq=nationalit%C3%A9%20autrichienne extrait]</ref> rapporte qu'il s'agit de sa septième tentative ou occasion manquée d'obtenir la nationalité allemande entre 1925 et 1932.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1978-096-03, Mecklenburg, Wahlpropaganda der NSDAP.jpg|vignette|gauche|Membres du [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]] collant une affiche électorale à l'effigie d'Hitler en 1932.]]
Sa [[campagne électorale]] est sans précédent sur le plan de la [[propagande]]. En particulier, l’usage alors inédit et spectaculaire de l’avion dans ses déplacements électoraux permet à Goebbels de placarder des affiches : {{citation|Le Führer vole au-dessus de l’Allemagne}}.

[[Fichier:Parti Nazi aux élections législatives.svg|vignette|redresse=1.2|La montée du NSDAP au [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]].|alt=Graphique (diagramme en bâtons vertical) qui montre la progression en nombre de sièges du NSDAP au Reichstag de 1924 ({{nobr|31 sièges}}, 6,6 %) à 1933 ({{nobr|288 sièges}}, 43,9 %).]]
Hitler obtient [[Élection présidentielle allemande de 1932|30,1 % des voix au premier tour]] le {{date-|13|mars|1932}} et 36,8 % au second tour en avril, soit {{unité|13,4|millions}} de suffrages qui se portent sur sa personne, doublant le score des [[Élections législatives allemandes de 1930|élections législatives de 1930]]. Soutenu en désespoir de cause par les socialistes, Hindenburg est réélu à {{unité|82|ans}}. Mais lors des scrutins régionaux qui suivent l’élection présidentielle le [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]] renforce ses positions et arrive partout en tête, sauf dans sa Bavière d'origine. Aux [[Élections législatives allemandes de juillet 1932|élections législatives du {{date-|31 juillet 1932}}]], il confirme sa position de premier parti d'Allemagne, avec 37,3 % des voix et devient le premier groupe parlementaire. [[Hermann Göring]], bras droit de Hitler depuis 1923, devient président du Reichstag. Né d'un groupuscule, le [[culte de la personnalité|culte]] de Hitler est devenu en moins de deux ans un phénomène de masse capable de toucher plus du tiers des Allemands.

Hitler réussit à faire l'unité d'un électorat très diversifié. Contrairement à une idée reçue, ce ne sont pas les [[chômage|chômeurs]] qui ont mis leur espoir en lui (c'est parmi eux que Hitler fait ses moins bons scores), mais les [[Classe moyenne|classes moyennes]], qui redoutent d'être les prochaines victimes de la crise<ref name="F2H7H6">{{Harvsp||texte=Philippe Burrin {{et al.}} 1991|loc={{citation|Qui était nazi ?}}|id=collectif1991_1}}.</ref>. Si l'électorat féminin votait fort peu à l'extrême-droite dans les [[années 1920]], la popularité bien connue du Führer auprès des femmes s'est jointe au rapprochement structurel entre vote féminin et vote masculin pour lui assurer des renforts de voix supplémentaires après 1930. Les [[protestantisme|protestants]] ont davantage voté pour lui que les [[catholicisme|catholiques]], mais une bonne part du vote de ces derniers était fixée par le [[Zentrum]]. Les campagnes, éprouvées par la crise et soumises en [[Prusse]] à la rude exploitation quasi féodale des ''[[Junker]]s'', se sont servies du vote envers Hitler à des fins protestataires. Les ouvriers ont moins voté nazi que la moyenne, même si une part non négligeable a été tentée. Quant aux [[fonction publique|fonctionnaires]], aux [[étudiant]]s ou aux [[médecin]]s, leur haut niveau d'instruction ne les a pas empêchés d'être sur-représentés dans le soutien au doctrinaire de ''{{langue|de|Mein Kampf}}''<ref name="F2H7H6"/>.

Allié à la droite nationaliste, bénéficiant du discrédit du Zentrum et de l'obligation pour le [[Parti social-démocrate d'Allemagne|SPD]] de soutenir l'impopulaire [[Franz von Papen]] « pour éviter le pire », Hitler multiplie aussi les déclarations hypocrites où il se pose en démocrate et en modéré, tout en flattant les élites traditionnelles et jusqu'aux Églises par un discours plus traditionaliste qu'avant.

Les communistes du [[Parti communiste d'Allemagne|KPD]], qui réduisent Hitler à un simple pantin du [[Capitalisme|grand capital]], lui rendent service en combattant avant tout les socialistes, au nom de la ligne {{citation|classe contre classe}} dictée par le [[Internationale communiste|Komintern]] [[Stalinisme|stalinien]], et en refusant toute action commune avec eux contre le NSDAP. Le [[Parti communiste d'Allemagne|KPD]] va jusqu'à coopérer avec les nazis lors de la grève des transports à Berlin en 1932<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Robert Paxton]]|titre=Le Fascisme en action|titre original=The Anatomy of Fascism|langue originale=en|lieu=Paris|traducteur=William Olivier Desmond |année=2004 |pages totales=435 |passage=162 |éditeur=Seuil |collection={{s-|XX}} |isbn=2-02-059192-8}}.</ref>. Fin 1932, la situation se dégrade encore sur les plans économique et social (plus de 6 millions de [[chômage|chômeurs]] à la fin de l’année). L’agitation et l’insécurité politique sont à leur comble, les rixes avec implication de SA hitlériens sont permanentes. Le gouvernement très réactionnaire de Von Papen est incapable de réunir plus de 10 % des députés et des électeurs.

Engagé dans un bras de fer personnel avec Hitler, le président [[Paul von Hindenburg|Hindenburg]] refuse toujours de le nommer [[chancelier fédéral d'Allemagne|chancelier]] : le vieux maréchal prussien, ancien chef de l’armée allemande pendant la Grande Guerre, affiche son mépris personnel pour celui qu’il qualifie de {{citation|petit caporal bohémien}} et dont il affirme qu’il a {{citation|tout juste l’envergure pour faire un ministre des Postes}}. Toutes les tentatives de conciliation échouent. Fin 1932, le mouvement nazi traverse une phase difficile. Sa crise financière devient aiguë. Les militants et les électeurs se lassent de l’absence de perspectives, des discours à géométrie variable de Hitler et des contradictions internes du programme nazi{{note|groupe=n|{{citation|La conquête du pouvoir par Hitler résulte largement de l'usage cynique qu'il sut faire d'une propagande fondée sur le [[mépris (émotion)|mépris]] : mépris de ses camarades politiques dont il abandonnait le programme à sa guise et dont il trahit les préoccupations ouvriéristes ; mépris de ses concitoyens auxquels il promet toute chose et son contraire, changeant de style selon les lieux, les moments et les publics. Les seules constantes des discours hitlériens sont l'[[antisémitisme]] et la [[xénophobie]]<ref>{{Harvsp||texte=Henri Burgelin {{et al.}} 1991|loc={{citation|Les succès de la propagande nazie}}|p=127|id=collectif1991_1}}.</ref>.}}}}. Bien des SA parlent de déclencher tout de suite un soulèvement suicidaire dont Hitler ne veut à aucun prix, et [[Gregor Strasser]] menace de faire scission avec l’appui du chancelier [[Kurt von Schleicher]]. Enfin, les [[Élections législatives allemandes de novembre 1932|élections législatives de novembre 1932]] ont consacré une baisse de popularité du NSDAP qui perd {{unité|2|millions}} de voix et {{unité|34|sièges}}. C’est le moment où [[Léon Blum]], en France, écrit dans ''[[Le Populaire]]'' que la route du pouvoir est définitivement fermée pour Hitler et que toute espérance d’y accéder est pour lui révolue. Pourtant, ces revers n’entament en rien sa détermination.

<gallery mode="packed" heights="200" caption="Caricatures d'Adolf Hitler publiées dans le journal satirique allemand ''[[Der wahre Jacob]]''">
Fichier:Jacobus Belsen - Das Firmenschild 1931.jpg|Selon que son auditoire soit composé d'ouvriers ou de financiers, Hitler accentue alternativement tel ou tel vocable du nom de son [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|parti]]. Illustration de Jacobus Belsen, 1930.
Fichier:Warum fürchtet ihr euch denn vor mir.jpg|''« Mais pourquoi donc avez-vous peur de moi ? »''<br> Illustration de Kurt Lange-Christopher, 1931.
Fichier:Jacobus Belsen - Wie Herr Hitler das Wort 'legal' in den Mund nimmt.jpg|''Comment Hitler a le mot « légal » à la bouche''.<br> Illustration de Jacobus Belsen, 1932.
</gallery>

== Accession au pouvoir absolu ==
{{Article détaillé|Chronologie du Troisième Reich|Cabinet Hitler}}

Le {{date-|30|janvier|1933}} vers midi, Adolf Hitler atteint son but : il est nommé chancelier de la [[république de Weimar]] après un mois d’intrigues au sommet organisées par l’ancien chancelier [[Franz von Papen]], et grâce au soutien de la droite et à l’implication du [[Parti populaire national allemand]] (DNVP). Le soir même, des milliers de [[Sturmabteilung|SA]] effectuent un défilé nocturne triomphal sur l’avenue [[Unter den Linden]], sous le regard du nouveau chancelier, marquant ainsi la prise de contrôle de [[Berlin]] et le lancement de la chasse aux opposants. Le quotidien ''{{langue|de|[[Deutsche Allgemeine Zeitung]]}}'' (DAZ), proche de la droite conservatrice, écrivit le {{date-|31 janvier 1933}} : {{citation|En tout cas, c'est une décision hardie et audacieuse, et aucun homme politique conscient de ses responsabilités ne sera enclin à applaudir}}. Le quotidien catholique ''Regensburger Anzeiger'' mit en garde contre {{citation|un saut dans l'obscurité}}<ref>Cit. {{Harvsp|Ian Kershaw|1998|p=527|id=kershaw1998}}.</ref>.

=== Destruction de la démocratie (1933-1934) ===
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-H28422, Reichskabinett Adolf Hitler.jpg|vignette|alt=Photographie noir et blanc de Göring, Hitler, Franz von Papen, Franz Seldte, Günther Gereke, Lutz Schwerin von Krosigk, Wilhelm Frick, Werner von Blomberg Alfred Hugenberg en 1933.|Le [[cabinet Hitler]] en {{date-|janvier 1933}}.]]

Contrairement à une idée reçue fréquente, Hitler n'a jamais été {{citation|élu}} [[chancelier]] par les Allemands, du moins pas directement. Il a néanmoins été nommé chancelier par le président conformément à la [[constitution de Weimar]], et choisi en qualité de chef du parti remportant les [[Élections législatives allemandes de novembre 1932|élections législatives de novembre 1932]], même si [[Ian Kershaw]] rappelle que {{citation|la nomination de Hitler à la chancellerie aurait sans doute pu être évitée}}{{sfn|Kershaw|1999|id=kershaw1999|p=605}}{{,}}{{note|groupe=n|{{citation|L'accession de Hitler au pouvoir n'était aucunement inéluctable. Hindenburg eût-il concédé à Schleicher la dissolution qu'il avait si volontiers accordée à Papen et décidé d'une prorogation au-delà des soixante jours prévus par la constitution, la nomination de Hitler à la chancellerie aurait sans doute pu être évitée. [...] En vérité, les erreurs de calculs politiques des habitués des allées du pouvoir contribuèrent beaucoup plus que [les] propres actions [de Hitler] à le hisser sur le siège de chancelier{{sfn|Kershaw|1999|id=kershaw1999|p=605}}.}}}} et ce jusqu'au dernier moment{{note|groupe=n|{{citation|Le {{date-|30 janvier}}, à 11 heures, alors que les membres du cabinet faisaient attendre le président en discutant à la porte de son bureau, la nomination de Hitler pouvait encore tourner court{{sfn|Kershaw|1999|id=kershaw1999|p=605}}.}}}}. Les tractations avec le président qui se sont en fait révélées indispensables à sa nomination amènent certains à considérer qu'il a été {{citation|hissé au pouvoir}} par une poignée d'industriels et d'hommes de droite<ref name="YR27EB"/>{{,}}<ref>De même [[Alan Bullock]] conclut que Hitler est arrivé au pouvoir par une {{citation|conspiration d'escalier de service}} {{incise|{{Ouvrage|langue=en|titre=Hitler|sous-titre=A Study in Tyranny|auteur1=[[Alan Bullock]]|lieu=Londres|année=1952|éditeur=Odhams Press|passage=203|pages totales=776|isbn=978-0-14-013564-0}}|stop}}.</ref>. Et en dépit de son énorme poids électoral, jamais une majorité absolue des électeurs ne s'est portée sur lui, puisque même en {{date-|mars 1933}}, après deux mois de terreur et de propagande, son parti n'obtiendra que 43,9 % des suffrages. Toutefois, il a atteint son objectif poursuivi depuis fin 1923 : arriver au pouvoir légalement. Et il est hors de doute que le ralliement de la masse des Allemands au nouveau chancelier s'est fait très vite, et moins par la force que par adhésion à sa personne<ref>{{Harvsp|Laurence Rees|2013|p=emplacements 1352 et suiv. sur 8147|id=rees2013}}.</ref>.

Lors de la formation du premier gouvernement de Hitler, le DNVP d'[[Alfred Hugenberg]] espère être, avec le [[Zentrum]] de von Papen, en mesure de contrôler le nouveau chancelier {{incise|bien que le DNVP ne représente que 8 % des voix alors que les nazis en ont 33,1 %|stop}}. De fait, le premier gouvernement de Hitler ne compte, outre le chancelier lui-même, que deux nazis : [[Hermann Göring|Göring]], responsable en particulier de la Prusse, et [[Wilhelm Frick]], au ministère de l’Intérieur.

Mais Hitler déborde rapidement ses partenaires et met immédiatement en route la ''[[Gleichschaltung|mise au pas]]'' de l’[[Allemagne]]. Dès le {{Date-|1er février 1933}}, il obtient de Hindenburg la dissolution du Reichstag. Le {{date-|3 février 1933-}}, il s’assure le soutien de l’armée. Pendant la campagne électorale, Von Papen, Thyssen et [[Hjalmar Schacht|Schacht]] obtiennent des milieux industriels et financiers, jusque-là plutôt réservés envers Hitler, qu’ils renflouent les caisses du NSDAP et financent sa campagne<ref>{{Harvsp||texte=Henry Rousso {{et al.}} 1991|loc={{citation|Le grand capital a-t-il soutenu Hitler ?}}|id=collectif1991_1}}.</ref>. La SA et la SS, milices du parti nazi, se voient conférer des pouvoirs d’auxiliaires de police. De nombreux morts marquent les rencontres des partis d’opposition, notamment du [[Parti social-démocrate d'Allemagne|Parti social-démocrate]] (SPD) et du [[Parti communiste d'Allemagne|parti communiste]] (KPD). Des opposants sont déjà brutalisés, arrêtés, torturés, voire assassinés.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1977-148-19A, Berlin, Reichstagsbrand.jpg|vignette|gauche|[[Incendie du Reichstag|Incendie du palais du Reichstag]] le {{date-|28|février|1933}}.|alt=Photo noir et blanc sur laquelle le Reichstag, partiellement caché par une rangée d'arbres, est visible en arrière-plan, le 28 février 1933, lendemain de son incendie. Quelques badauds, en habits sombres, se tiennent debout au premier plan.]]
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-S38324, Tag von Potsdam, Adolf Hitler, Paul v. Hindenburg.jpg|vignette|Pour la [[journée de Potsdam]], le {{Date-|21 mars 1933}}, inauguration de la session du nouveau Parlement au Reichstag, Adolf Hitler s'incline devant le président du Reich [[Paul von Hindenburg|Hindenburg]] qui l'a nommé quelques semaines plus tôt au poste de chancelier ; deux jours plus tard, le {{Date-|23 mars 1933-}}, est votée la [[Loi allemande des pleins pouvoirs de 1933|loi des pleins pouvoirs]], deuxième étape de l'instauration de la [[Gleichschaltung|dictature]], après le [[Reichstagsbrandverordnung|décret sur l'incendie du Reichstag]].|alt=Photo noir et blanc sur laquelle le chancelier Hitler en civil s'incline devant le président Paul von Hindenburg, en uniforme de maréchal, pour la journée de Potsdam, le début de la session parlementaire au Reichstag nouvellement élu.]]
L’énigmatique [[incendie du Reichstag]], le {{Date-|27 février 1933-}}, sert de prétexte à Hitler pour suspendre toutes les [[Droit civil|libertés civiles]] garanties par la [[Constitution de Weimar]] et radicaliser l’élimination de ses opposants politiques, notamment des députés communistes du KPD, illégalement arrêtés.
Le NSDAP remporte les [[Élections législatives allemandes de mars 1933|élections du {{date-|5 mars 1933}}]] avec {{Nobr|17 millions}} de voix, soit 43,9 % des suffrages. Dans les jours qui suivent, dans tous les Länder d’Allemagne, les nazis s’emparent par la force des leviers locaux du pouvoir. Le {{date-|20 mars 1933-}}, au cours d’une grandiose cérémonie de propagande sur le tombeau de [[Frédéric II (roi de Prusse)|{{Souverain-|Frédéric II}} de Prusse]] à [[Potsdam]], où il s’affiche en grand costume aux côtés de Hindenburg, Hitler proclame l’avènement du [[Troisième Reich]], auquel il promettra ultérieurement une durée de {{citation|mille ans}}. Le {{date-|23 mars 1933-}}, grâce aux voix du Zentrum, auquel le chancelier a promis en échange la signature d'un concordat avec le [[Vatican]], et malgré l'opposition du seul [[Parti social-démocrate d'Allemagne|SPD]] (les députés du KPD étant arrêtés), le [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]] vote la [[Loi allemande des pleins pouvoirs de 1933|loi des pleins pouvoirs]] qui accorde à Hitler les pouvoirs spéciaux pour quatre ans. Il peut désormais rédiger seul les lois, et celles-ci peuvent s'écarter de la [[Constitution de Weimar]] que Hitler ne se donna même pas la peine d'abolir formellement.

C’est une étape décisive du durcissement du régime. Sans même attendre le vote de la loi, les nazis ont ouvert le premier [[camp de concentration]] permanent le {{date-|20 mars 1933-}} à [[Dachau]], sous la houlette de [[Heinrich Himmler|Himmler]]. Ce dernier jette en Allemagne du Sud, tout comme [[Hermann Göring|Göring]] en [[Prusse]], les bases de la redoutable police politique nazie, la [[Gestapo]]. Le {{date-|2 mai 1933-}}, vingt-quatre heures après avoir accepté de défiler devant le chancelier, les [[Syndicat professionnel|syndicats]] sont dissous et leurs biens saisis. Le {{date-|10 mai 1933-}}, le ministre de la Propagande [[Joseph Goebbels]] préside à Berlin une nuit d’[[autodafé]] où des étudiants nazis brûlent pêle-mêle en public des milliers de {{citation|[[Liste des auteurs interdits pendant la période du national-socialisme|mauvais livres]]}} d’auteurs [[judaïsme|juifs]], [[pacifisme|pacifistes]], [[marxisme|marxistes]] ou [[psychanalyse|psychanalystes]] comme [[Karl Marx|Marx]], [[Sigmund Freud|Freud]] ou [[Emmanuel Kant|Kant]]. Des milliers d’opposants, de savants et d’intellectuels fuient l’Allemagne comme [[Albert Einstein]]. Le {{date-|14 juillet 1933-}}, le NSDAP devient le [[parti unique]]. Hitler met fin aussi rapidement aux libertés locales. L’autonomie des [[Land (Allemagne)|Länder]] est définitivement supprimée le {{date-|30|janvier|1934}} : un an après son accession à la chancellerie, Hitler devient le chef du premier [[État unitaire|État centralisé]] qu’ait connu l’Allemagne.

En tout, entre 1933 et 1939, de {{formatnum:150000}} à {{unité|200000 personnes}} sont internées, et entre {{formatnum:7000}} et {{unité|9000 sont}} tuées par la violence d’État. Des centaines de milliers d’autres doivent fuir l’Allemagne<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jean-Marie Argelès|auteur2=Stéphane Courtois|directeur2=oui|titre=Une si longue nuit|sous-titre=L'apogée des régimes totalitaires en Europe, 1935-1953|titre chapitre=La terreur en Allemagne avant 1939|lieu=Monaco|date=novembre 2003|pages totales=532|éditeur=Éditions du Rocher|nature ouvrage=Actes d'un colloque international tenu à Paris du 10 au 12 octobre 2001|collection=Démocratie ou totalitarisme|isbn=226804582X}}.</ref>.
[[Fichier:1933-may-10-berlin-book-burning.JPG|vignette|gauche|En {{date-|mai 1933}}, des membres de la [[Sturmabteilung]] (la SA) [[autodafé|brûlent les livres proscrits]] en public.|alt=Photo noir et blanc prise de nuit, le 10 mai 1933, d'un autodafé public. Au centre et au premier plan, un homme en uniforme, de dos, lance des livres dans un feu, à sa gauche. À droite, en arrière-plan, un autre milicen surveille quelques badauds.]]
Les nazis condamnent l’{{citation|[[art dégénéré]]}} et les {{citation|sciences juives}}, et détruisent ou dispersent de nombreuses œuvres des [[avant-garde (art)|avant-gardes]] artistiques. Le programme pour {{citation|purifier}} la [[Politiques racistes du Troisième Reich|race allemande]] est également très tôt mis en œuvre. Une loi du {{date-|7 avril 1933}} permet à Hitler de destituer aussitôt des centaines de fonctionnaires et d'universitaires juifs, tandis que les [[Sturmabteilung|SA]] déclenchent au même moment une campagne brutale de [[boycott]] des magasins juifs. Hitler impose aussi personnellement à l'été 1933 une loi prévoyant la [[stérilisation (acte chirurgical)|stérilisation]] forcée des malades et des handicapés : elle est appliquée à plus de {{unité|350000 personnes}}<ref>{{Harvsp||texte=Jean-Pierre Azéma {{et al.}} 1991|loc={{citation|Les victimes du nazisme}}|p=312|id=collectif1991_1}}.</ref>. Détestant particulièrement le mélange des populations (qualifié de {{citation|honte raciale}}), le chef allemand ordonne de [[stérilisation (acte chirurgical)|stériliser]] en particulier, en 1937, les {{nobr|400 enfants}} nés dans les [[années 1920]] d’Allemandes et de soldats noirs des troupes françaises d’occupation. Les persécutions envers les [[homosexualité|homosexuels]] commencent aussi, les bars et les lieux de rassemblement des homosexuels sont fermés. Les homosexuels subissent brutalités et tortures, et certains sont envoyés à [[Dachau]]. Certains se voient proposer l'{{citation|émasculation volontaire}}<ref>{{Ouvrage|auteur=Régis Schlagdenhauffen |titre=Triangle rose: La persécution nazie des homosexuels et sa mémoire|éditeur=Autrement|année=2011|pages totales=314|isbn=9782746714854}} {{epub}} {{ISBN|9782746720459}} emplacements 395 sur 6260, ainsi que Dominique Vidal, ''Les Historiens allemands relisent la Shoah'', Complexe, 2002, 287 p. {{ISBN|978-2-87027-909-0}} {{p.|125-126}}.</ref>.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-K0930-502, Wahlplakat der NSDAP zur Reichstagswahl.jpg|vignette|Le [[plébiscite]] de {{date-|novembre 1933}} entérine la fin de la démocratie en Allemagne.|alt=Photo noir et blanc, prise à Berlin en novembre 1933, d'une affiche électorale du NSDAP déployée sur les trois premiers étages de la façade d'un bâtiment de cinq étages (bureau du parti nazi). On peut lire, en grosses lettres, le slogan en allemand : « Ein Volk, ein Führer, ein Ja ».]]

En {{date-|novembre 1933}}, le nouveau dictateur fait [[plébiscite]]r sa politique quand 95 % des votants approuvent le retrait de la [[Société des Nations]] et que la [[Parti unique|liste unique]] du NSDAP au Reichstag fait 92 % des voix.

Les [[Sturmabteilung|SA]] de [[Ernst Röhm|Röhm]] exigent que la {{citation|[[révolution]]}} nationale-socialiste prenne un tour plus [[anticapitalisme|anticapitaliste]], et rêvent notamment de prendre le contrôle de l’armée, ce qui compromettrait dangereusement l’alliance nouée entre le chancelier et les élites conservatrices traditionnelles (présidence, militaires, milieux d'affaires). Des faux documents forgés par [[Reinhard Heydrich|Heydrich]] achèvent aussi de persuader Hitler que Röhm complote contre lui. Le soir du {{date-|29|juin|1934}} et les trois jours qui suivent, durant la [[nuit des Longs Couteaux]], fort du soutien bienveillant de l’armée et du président Hindenburg, Hitler fait assassiner environ deux cents de ses partisans et de ses anciens ennemis politiques. Parmi eux, [[Gregor Strasser]] et [[Ernst Röhm]], chef de la SA, mais aussi le docteur [[Erich Klausener]], chef de l’[[Action catholique]], ou encore son prédécesseur à la chancellerie, [[Kurt von Schleicher|Schleicher]], ainsi que [[Gustav von Kahr|Kahr]], qui lui avait barré la route lors du [[putsch de la Brasserie|putsch de 1923]]. Ne pouvant croire à son élimination par Hitler, Röhm refuse de se suicider et crie ''Heil Hitler !'' avant d'être abattu dans sa cellule par [[Theodor Eicke]] et [[Michel Lippert]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Heinz Höhne|titre=L'ordre noir|sous-titre=Histoire de la SS|titre original=Der Orden unter dem Totenkopf, die Geschichte der SS|langue originale=de|lieu=Tournai|traducteur=Bernard Kreiss|année=1972|pages totales=288|passage=84|éditeur=Casterman|oclc=407694772}}.</ref>.

Le {{date-|2 juillet}}, le vieil [[Nuit des Longs Couteaux#Réactions|Hindenburg félicite Hitler]], qu'il apprécie de plus en plus, pour sa fermeté en cette affaire. Sa mort le {{date-|2 août}} tranche le dernier lien vivant avec la [[république de Weimar]]. En vertu de la [[Constitution de Weimar]], le chancelier exerce temporairement les pouvoirs du président défunt. Le même jour, le [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]] vote une loi de fusion des deux fonctions en une seule : Hitler devient « Führer und Reichskanzler ». [[Plébiscite du 19 août 1934|Le plébiscite du {{date-|19 août 1934-}}]] (89,93 % de oui) achève de donner au Führer le pouvoir absolu.

=== Absence de concurrence ===
Après la reprise en main du mouvement, et jusqu'aux derniers jours du conflit, Hitler, appuyé sur ses proches, a joui, tout d'abord au sein du parti, puis rapidement au sein de l’État, d'un monopole de fait du pouvoir politique.

Tout d'abord, aucun des responsables nationaux-socialistes, à l'exception de [[Ernst Röhm|Röhm]], rapidement éliminé, n'a mené de politique de prise du pouvoir et ce n'est que dans la dernière semaine de la [[bataille de Berlin]] que les appétits de ces derniers se sont aiguisés, lorsqu'il a été clair pour ses successeurs potentiels que Hitler se suiciderait dans son bunker<ref>{{Harvsp|Hans Mommsen|1997|p=70|id=mommsen1997}}.</ref>.
Appuyé sur le ''[[Führerprinzip]]'' au sein du parti, et sur la concentration des pouvoirs au sein de l’État, Hitler et ses proches vident progressivement les instances collégiales de décision de leur capacité à exercer une quelconque autorité sur le fonctionnement politique du parti et de l'État : ainsi, lorsque sont proposées, la première fois en 1927 par [[Artur Dinter|Arthur Dinter]], la mise en place d'une instance collégiale {{incise|le sénat du parti}} puis une seconde fois après 1933 {{incise|la création d'une instance collégiale élue}} Hitler et ses proches s'empressent de repousser à plus tard le projet<ref>{{Harvsp|Hans Mommsen|1997|p=68|id=mommsen1997}}.</ref>.

=== Culte du Führer ===
[[Fichier:Ein Volk, ein Reich, ein Führer.jpg|vignette|gauche|''{{langue|de|Ein Volk, ein Reich, ein Führer !}}'' ({{citation|Un peuple, un empire, un chef}}).<br> Affiche de [[propagande nazie]] peinte par [[Heinrich Knirr]].]]
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 102-10460, Adolf Hitler, Rednerposen.jpg|vignette|alt=Assemblage de quatre photos noir et blanc de 1930, montrant des poses, de face et de profil, d'Adolf Hitler, typiques de sa gestuelle d'orateur survolté.|Quelques poses d'Adolf Hitler en train de discourir, photos de [[Heinrich Hoffmann (photographe)|Heinrich Hoffmann]], en 1930.]]
Entouré d’un [[culte de la personnalité]] intense, qui le célèbre comme le sauveur [[messie|messianique]] de l’Allemagne, Hitler exige un [[serment]] de fidélité à sa propre personne. Celui-ci est prêté notamment par les militaires, ce qui rendra très difficiles les futures conspirations au sein de l’armée, beaucoup d’officiers rechignant profondément, en conscience, à violer leur serment.

Ce culte se met en place progressivement dès avant le [[putsch de la Brasserie]]<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=75|id=kershaw2001_1}}.</ref>, lorsque Hitler, à la fois orateur et théoricien du national-socialisme, par opposition avec le cercle des premiers nazis, composé de reîtres ([[Ernst Röhm|Röhm]]), de théoriciens ([[Alfred Rosenberg|Rosenberg]]), d'organisateurs ([[Gregor Strasser|Strasser]]) et de démagogues ([[Julius Streicher|Streicher]])<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=71-72|id=kershaw2001_1}}.</ref>, commence à disposer d'auditoires de plus en plus importants : son sens des formules, sa mémoire des détails impressionnent tant ses proches, que ses auditoires. Ainsi se met en place ce que Kershaw appelle une communauté charismatique centrée sur un homme, Hitler, dont la présence neutralise les rivalités entre disciples<ref name="NFAUR0">{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=73|id=kershaw2001_1}}.</ref>. Ses fidèles se disputent la place d'intime auprès du grand homme : [[Hermann Göring|Göring]], {{citation|paladin du Führer}} ; Frank, {{citation|littéralement fasciné}} ; Goebbels le voit comme {{citation|un génie}} ; [[Baldur von Schirach|Schirach]] est {{Citation|enchanté par ses premiers contacts}}<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=73,74|id=kershaw2001_1}}.</ref>…

L’ambition totalitaire du régime et la primauté du [[Führer]] sont symbolisées par la nouvelle devise du régime : {{Citation étrangère|langue=de|Ein Volk, ein Reich, ein Führer}} ({{citation|Un peuple, un empire, un chef}}), dans laquelle le titre de Hitler prend de façon idolâtre la place de Dieu dans l’ancienne devise du [[Empire allemand|Deuxième Reich]] : {{Citation étrangère|langue=de|Ein Volk, ein Reich, ein Gott}} ({{citation|Un peuple, un empire, un dieu}}).

Le ''{{langue|de|[[Führerprinzip]]}}'' devient le nouveau principe de l’autorité non seulement au sommet de l’État, mais aussi, par délégation, à chaque échelon. La loi proclame par exemple officiellement le patron comme ''{{langue|de|Führer}}'' de son entreprise, comme le mari est ''{{langue|de|Führer}}'' de sa famille, ou le [[gauleiter]] ''{{langue|de|Führer}}'' du parti dans sa région.

[[Fichier:Reichsparteitag 1935 Großer Appell 28-1121M original.jpg|vignette|alt=Photo noir et blanc montrant des milliers de paramilitaires allemands, en uniforme et casqués, en train d’assister à un congrès du parti nazi, le 11 septembre 1935 à Nuremberg.|Le {{date-|11 septembre 1935}} à Nuremberg : grand rassemblement (« grand appel ») de troupes paramilitaires allemandes faisant partie de la [[Sturmabteilung|SA]], de la [[Schutzstaffel|SS]] ou de la [[Nationalsozialistisches Kraftfahrkorps|NSKK]].]]

Hitler entretient son propre culte par ses interventions à la radio : à chaque fois, le pays tout entier doit suspendre son activité et les habitants écouter religieusement dans les rues ou au travail son discours retransmis par les ondes et par les haut-parleurs. À chaque congrès tenu à [[Nuremberg]] lors des {{citation|grand’messes}} du [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]], il bénéficie d’une savante mise en scène orchestrée par son confident, l’architecte et technocrate [[Albert Speer]] : son talent oratoire électrise l’assistance, avant que les masses rassemblées n’éclatent en applaudissements et en cris frénétiques pour acclamer le génie de leur chef.

Inversement, la moindre critique, la moindre réserve sur le Führer mettent leur auteur en péril. Lors de la traversée du désert, les années 1924-1930, les frères Strasser sont marginalisés puis éliminés en raison de leur insensibilité à la personne de Hitler<ref name="NFAUR0"/>. Sur les milliers de [[peine de mort|condamnations à mort]] prononcées par le [[Volksgerichtshof|Tribunal du peuple]] du juge [[Roland Freisler]], un bon nombre des personnes envoyées à la [[guillotine]] après des parodies de justice l’ont été pour des paroles méprisantes ou sceptiques à l’égard du dictateur.

Le [[Salut fasciste|salut nazi]] devient obligatoire pour tous les Allemands. Quiconque essaie, par résistance passive, de ne pas faire le ''{{langue|de|Heil Hitler !}}'' de rigueur est immédiatement singularisé et repéré.

Au printemps 1938, le Führer accentue encore sa prédominance et celle de ses proches dans le régime. Il élimine les [[Affaire Blomberg-Fritsch|généraux Von Fritsch et Von Blomberg]], et soumet la [[Wehrmacht]] en plaçant à sa tête les serviles [[Alfred Jodl]] et [[Wilhelm Keitel]], connus pour lui être aveuglément dévoués. Aux Affaires étrangères, il remplace le conservateur [[Konstantin von Neurath]] par le nazi [[Joachim von Ribbentrop]], tandis que [[Hermann Göring|Göring]], qui s’affirme plus que jamais comme le {{numéro|2}} officieux du régime, prend en charge l’économie [[autarcie|autarcique]] en évinçant le {{Dr|[[Hjalmar Schacht]]}}.

La population allemande est encadrée de la naissance à la mort, soumise à l’intense [[propagande]] orchestrée par son fidèle [[Joseph Goebbels]], pour lequel il crée le premier [[Ministère de l'Éducation du peuple et de la Propagande du Reich|ministère de la Propagande]] de l'histoire. Les [[loisir]]s des travailleurs sont organisés {{incise|et surveillés}} par la [[Kraft durch Freude]] du {{Dr}} [[Robert Ley]], également chef du syndicat unique, le [[Deutsche Arbeitsfront|DAF]]. La jeunesse subit obligatoirement un endoctrinement intense au sein de la [[Jeunesses hitlériennes|Hitlerjugend]] qui porte le nom du Führer, et qui devient le {{date-|1er décembre 1936}} la seule [[Mouvement de jeunesse|organisation de jeunesse]] autorisée.

=== Système nazi : interprétations et débats ===
{{section à sourcer|date= août 2020}}
L’école historique allemande dite des {{citation|intentionnalistes}} insiste sur la primauté de Hitler dans le fonctionnement du régime. La forme extrême de pouvoir personnel et de [[culte de la personnalité]] autour du [[Führer]] ne serait pas compréhensible sans son {{Citation|pouvoir [[charisme|charismatique]]}}. Cette notion importante est empruntée au sociologue [[Max Weber]] : Hitler se considère depuis 1920 comme investi d’une mission providentielle, et surtout, il est considéré sincèrement comme l’homme providentiel par ses partisans, puis par la masse des Allemands sous le Troisième Reich.

Alors que le culte de [[Joseph Staline|Staline]] a été imposé tardivement et artificiellement au [[Bolcheviks|parti bolchevik]] par un [[apparatchik]] victorieux, mais dépourvu de talent de tribun comme de rôle de premier plan dans la [[révolution d'Octobre]], le culte de Hitler a existé dès les origines du nazisme, et y a une importance primordiale. L’appartenance au [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|parti nazi]] signifie avant tout une allégeance absolue à son Führer, et nul n’occupe de place dans le Parti et l’État que dans la mesure où il est plus proche de la personne même de Hitler. Hitler veille d’ailleurs personnellement à renforcer son image de chef inaccessible, solitaire et supérieur, en s’abstenant de toute amitié personnelle, et en interdisant à quiconque de le tutoyer ou de l’appeler par son prénom {{incise|même sa maîtresse [[Eva Braun]] doit s’adresser à lui en lui disant ''Mein Führer''|stop}}.

D’autre part, pour les intentionnalistes, sans le caractère redoutablement cohérent de l’idéologie (la ''[[Weltanschauung]]'') qui anime Hitler, le régime nazi ne se serait pas engagé dans la voie de la guerre et des exterminations de masse, ni dans le reniement de toutes les règles juridiques et administratives élémentaires qui régissent les États modernes et civilisés.

Par exemple, sans son pouvoir charismatique d’un genre inédit, Hitler n’aurait pas pu autoriser l’[[euthanasie]] massive de plus de {{unité|150000|handicapés}} mentaux allemands par quelques simples mots griffonnés sur papier à en-tête de la chancellerie ([[Aktion T4|opération ''T4'']], {{date-|3 septembre 1939}}). De même, Hitler n'aurait pu déclencher la {{citation|[[Shoah|Solution finale]]}} sans jamais laisser un seul ordre écrit. Aucun exécutant du génocide des Juifs ne demanda jamais, justement, à voir un ordre écrit : un simple [[ordre du Führer]] (''{{langue|de|Führerbefehl}}'') était suffisant pour faire taire toute question et entraînait l’obéissance quasi religieuse et aveugle des bourreaux.

L’école rivale des {{Citation|fonctionnalistes}}, conduite par l'historien allemand [[Martin Broszat]] (1926-1989), a cependant nuancé l’idée de la toute-puissance du Führer. Comme elle l’a démontré, le Troisième Reich n’a jamais tranché entre le primat du [[parti unique]] et celui de l’[[État]], d’où des rivalités de pouvoir et de compétence interminables entre les hiérarchies doubles du [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]] et du gouvernement du Reich. Surtout, l’État nazi apparaît comme un singulier enchevêtrement de pouvoirs concurrents aux légitimités comparables. C’est le principe de la {{citation|[[polycratie]]}}.

Or, entre ces groupes rivaux, Hitler tranche rarement, et décide peu. Fort peu bureaucratique, ayant hérité de sa jeunesse bohème à Vienne un manque total de goût pour le labeur suivi, travaillant de façon très irrégulière (sauf dans la conduite des opérations militaires), le Führer apparaît comme un {{Citation|dictateur faible}} ou encore un {{Citation|dictateur paresseux}} selon Martin Broszat. Il laisse en fait chacun des rivaux libre de se réclamer de lui, et il attend seulement que tous marchent dans le sens de sa volonté.

Dès lors, a démontré le biographe britannique [[Ian Kershaw]], dont les travaux font la synthèse des acquis des écoles intentionnalistes et fonctionnalistes, chaque individu, chaque clan, chaque bureaucratie, chaque groupe fait de la surenchère, et essaye d’être le premier à réaliser les projets fixés dans leurs grandes lignes par Adolf Hitler. C’est ainsi que la persécution antisémite va s’emballer et passer graduellement de la simple persécution au massacre puis au génocide industriel. Le Troisième Reich obéit structurellement à la loi de la {{citation|radicalisation cumulative}}, et le système hitlérien ne peut ainsi en aucun cas se stabiliser.

Ce {{citation|pouvoir charismatique}} de Hitler explique aussi que beaucoup d’Allemands soient spontanément allés au-devant du Führer. Ainsi, en 1933, les organisations d’étudiants procèdent d’elles-mêmes aux [[autodafé]]s, tandis que des partis et des syndicats se rallient au chancelier et se sabordent d’eux-mêmes après avoir exclu les Juifs et les opposants au nazisme. L’Allemagne se donne largement au Führer dans lequel elle reconnaît ses rêves et ses ambitions, plus que ce dernier ne s’empare d’elle.

Selon Kershaw, le Führer est donc l’homme qui rend possibles les plans caressés de longue date à la {{citation|base}} : sans qu’il ait nul besoin de donner d’ordres précis, sa simple présence au pouvoir autorise par exemple les nombreux antisémites d’Allemagne à déclencher boycotts et [[pogrom]]s, ou les médecins nazis, tel [[Josef Mengele]], à pratiquer les atroces expériences pseudo-médicales et les opérations d’euthanasie massives dont l’idée préexistait avant 1933.

Ce qui explique aussi, toujours selon [[Ian Kershaw]] et la plupart des fonctionnalistes, la tendance du régime hitlérien à l’{{Citation|autodestruction}}. Le Troisième Reich, retour à l’{{Citation|anarchie [[féodalité|féodale]]}}, se décompose en effet en une multitude chaotique de fiefs rivaux. Hitler ne peut ni ne veut y mettre aucun ordre, car stabiliser le régime selon des règles formelles et fixes rendrait la référence perpétuelle au Führer moins importante. C’est ainsi qu’en 1943, alors que l’existence du Reich est en danger après la [[bataille de Stalingrad]], tous les appareils dirigeants du Troisième Reich se disputent pendant des mois pour savoir s’il faut interdire les courses de chevaux {{incise|sans trancher|stop}}.

Le régime substitue donc aux institutions rationnelles modernes le lien [[féodalité|féodal]] d’allégeance personnelle, d’homme à homme, avec le Führer. Or, aucun dirigeant nazi ne dispose du charisme de Hitler. Le culte de ce dernier existe dès les origines du nazisme et est consubstantiel au mouvement puis au régime. Chacun ne tire sa légitimité que de son degré de proximité avec le Führer. De ce fait, en l’absence de tout successeur ({{citation|En toute modestie, je suis irremplaçable}}, propos de Hitler à ses généraux rapporté par [[Hannah Arendt]]), la dictature de Hitler n’a aucun avenir et ne peut lui survivre (selon Kershaw). La fin du Troisième Reich et celle de son dictateur se sont d’ailleurs pratiquement confondues.

=== Opinion publique allemande ===
L’adhésion des Allemands à sa politique (et plus encore à sa personne) fut importante, surtout au début.

L'{{citation|autre Allemagne}}, {{citation|une Allemagne contre Hitler}}<ref>{{Ouvrage|langue originale=de|titre=Une Allemagne contre Hitler |auteur1 = [[Günther Weisenborn]] |traducteur= Raymond Prunier|préface=Alfred Grosser|titre original=Der Lautlose Aufstand|lieu=Paris|année=2000|pages totales=392|éditeur=Éditions du Félin |isbn=2866453840}}.</ref>, a certes existé, mais ces expressions mêmes soulignent après coup son caractère désespérément minoritaire et isolé. Toute opposition a été vite réduite par l'exil, la prison ou l'internement en camp. Démocrates, socialistes et communistes ont payé par milliers le plus lourd tribut, ainsi que tous ceux qui refusaient la guerre, le salut nazi ou tout signe d'allégeance à l'idolâtrie entourant le Führer. La [[délation]] de masse a sévi et plongé le pays dans une atmosphère de crainte, où nul ne peut plus s'ouvrir sans risques à son voisin, des enfants endoctrinés allant jusqu'à dénoncer leurs parents.

Rares sont ceux qui au nom de leurs principes humanistes, marxistes, syndicalistes, libéraux, chrétiens ou patriotiques, ou tout simplement par humanité et au nom de leur [[conscience]], oseront douter du Führer, le braver en s'abstenant du [[salut fasciste|salut nazi]], en transgressant les multiples interdits de la société nazie, ou en venant en aide à des persécutés {{incise|''a fortiori'' en entrant en résistance active|stop}}. Par mépris, le très nationaliste écrivain [[Ernst Jünger]] appelait Hitler ''Kniebolo'' dans son journal de guerre. Le communiste [[Bertolt Brecht]] le mettra en scène sous les traits du [[gangster]] [[La Résistible Ascension d'Arturo Ui|Arturo Ui]]. Le démocrate [[Thomas Mann]] le dénoncera à la radio américaine, tout en reconnaissant que {{citation|cet homme est une calamité, d'accord, mais ce n'est pas une raison pour ne pas trouver son cas intéressant}}. Pour les étudiants chrétiens de [[la Rose blanche]], revenus de leurs illusions initiales, il représentait l'[[Antéchrist]]<ref>{{Ouvrage |langue originale=de|titre=La Rose blanche|sous-titre=Six Allemands contre le nazisme|auteur1=Inge Scholl|traducteur=Jacques Delpeyrou|titre original=Die Weiße Rose |lieu=Paris|année=2008|pages totales=155|éditeur=Éditions de Minuit|isbn=270732051X}}.</ref>. [[Bernhard Lichtenberg|{{Mgr|Lichtenberg}}]], mort déporté pour avoir prié à Berlin pour les Juifs, dira à la [[Gestapo]] : {{citation|Je n'ai qu'un seul Führer : [[Jésus-Christ]]}}.

Malgré son interdiction et la violente répression qui s'abat sur ses membres, le [[Parti communiste d'Allemagne|KPD]] parvient à conserver une organisation clandestine structurée autour de l'{{citation|[[Orchestre rouge]]}}, qui diffuse tracts et brochures et infiltre les sommets de l'appareil d'État allemand<ref>{{Ouvrage|titre=L’Orchestre rouge|auteur1=[[Gilles Perrault]]|lieu=Paris|année=1989|mois=octobre|pages totales=556|éditeur=Fayard|isbn=2213023883}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|titre=Le Grand Jeu|sous-titre=Mémoires du chef de l’Orchestre rouge|auteur1= [[Leopold Trepper]]|auteur2=Patrick Rotman| éditeur=Albin Michel|lieu=Paris|année=1975|mois=avril|pages totales=417|isbn=222600176X}}.</ref>. Les autres courants marxistes sont également actifs dans la résistance anti-nazie clandestine (c'est le cas du futur chancelier [[Willy Brandt]]), en lien avec leurs directions en exil pour les partis les plus importants (SPD, [[Parti socialiste ouvrier d'Allemagne|SAP]], [[Parti communiste d'Allemagne - opposition|KPD-O]]).

La terreur et la répression menées par la Gestapo limitèrent l'impact de la [[résistance intérieure au nazisme|résistance allemande au nazisme]]. L’antisémitisme et le racisme du nazisme faisaient écho à des préjugés très répandus, mais sauf pour une faible minorité, ils ne furent pas l’unique motivation du vote en faveur de Hitler ni du soutien à sa dictature {{incise|ils n’eurent guère non plus d’effet dissuasif|stop}}<ref>{{Ouvrage|langue originale=en|titre=[[Les Bourreaux volontaires de Hitler]]|sous-titre=Les Allemands ordinaires et l’holocauste|titre original=Hitler's Willing Executioners: Ordinary Germans and the Holocaust|auteur1=[[Daniel Goldhagen]]|traducteur=Pierre Martin|lieu=Paris|année=1997|mois=octobre|pages totales=579|éditeur=Seuil|isbn=2213023883}}.</ref>. La large popularité du [[Führer]] avant-guerre provient surtout du rétablissement brutal de l'[[ordre public]], de son [[anticommunisme]], de son opposition au [[Traité de Versailles|{{citation|Diktat}} de Versailles]], des succès diplomatiques et économiques obtenus (notamment l'importante réduction du chômage) et de sa [[Réarmement de l'Allemagne sous le Troisième Reich|politique de réarmement]].

Ces succès ne doivent cependant masquer ni les conditions sociales et politiques dans lesquelles les améliorations économiques ont été obtenues, ni les pénibles situations de pénurie alimentaire, l'imposition d'[[ersatz]] de pauvre qualité en remplacement des importations condamnées par l'[[autarcie]], et le manque de devises dès 1935. En particulier, le [[Pouvoir d'achat|pouvoir d’achat]] des ouvriers a baissé entre 1933 et 1939. Les femmes ont été renvoyées de force au foyer<ref>Dès 1932, Hitler annonce sa volonté de libérer, pour des hommes au chômage, {{unité|800000 emplois}} détenus par des femmes {{incise|{{ouvrage|auteur1=Martyn Whittock|année=2011|mois=juin|langue=en|titre=A Brief History of The Third Reich|sous-titre=The Rise and Fall of the Nazis|titre chapitre=The impact of the Third Reich on the lives of German women|éditeur=Running Press Book Publishers|lieu=Philadelphie|pages totales=356|isbn=0762441216}}|stop}}.</ref>. L’[[exode rural]] s’est accéléré. Les lois nazies encourageant la concentration des entreprises et du commerce ont conduit à {{unité|400000 fermetures}} de petites entreprises dès avant-guerre<ref>{{Ouvrage|langue originale=en|titre=Atlas historique du {{IIIe}} Reich|sous-titre=1933-1945 : la société allemande et l’Europe face au système nazi|titre original=The Penguin historical atlas of the Third Reich|auteur1=[[Daniel Goldhagen]]|traducteur=Anne Kerlan-Stephens|lieu=Paris|année=1999|mois=mars|pages totales=144|éditeur=Autrement|collection=Atlas/Mémoires|isbn=2862607630}}.</ref>. Les catégories sociales qui avaient mis leurs espoirs en Hitler sont donc loin d’avoir toujours été satisfaites.

[[Fichier:Reichsparteitagnov1935 crop.jpg|vignette|redresse=1.3|Hitler en parade à Nuremberg, {{date-|septembre 1935}}. Aux congrès annuels du Parti, culmine autour de lui la ferveur populaire à la fois obligatoire et authentique.|alt=Photo noir et blanc prise en {{date-|septembre 1935}}. Dans une rue de Nuremberg, Adolf Hitler, debout à l’arrière d’une voiture au premier plan, salue des troupes de miliciens de la SA défilant sur sa gauche. On distingue aussi, à l’arrière de la voiture, juste derrière Hitler, le drapeau à croix gammée de cérémonie, [[Blutfahne]], et, en uniforme SS, debout à droite, devant la portière de la voiture, [[Jakob Grimminger]], porteur officiel du Blutfahne.]]

Par ailleurs, beaucoup d’Allemands reprennent au profit de Hitler la distinction ancestrale entre le bon monarque et ses mauvais serviteurs. Alors que les {{citation|bonzes}}, les privilégiés du Parti-État, sont généralement méprisés et haïs pour leurs abus et leur corruption fréquente, on considère spontanément Hitler comme exempt de ces tares et comme un recours contre eux. Beaucoup d’Allemands croient spontanément que le Führer est laissé dans l’ignorance des {{citation|excès}} de ses hommes ou de son régime<ref name="ReferenceA">{{Harvsp|Ian Kershaw|2000|id=kershaw2000}}, passim.</ref>. En quelques années, Hitler s'est de fait identifié à la [[nation]], canalisant au profit de sa personne le sentiment [[patriotisme|patriotique]] même de citoyens réservés envers le nazisme. L'aspect de {{citation|[[religion]] civile}} revêtu par le nazisme a séduit aussi nombre d'Allemands, et le culte messianique organisé autour de Hitler a soudé la population autour de lui. Bien des esprits se sont laissés fasciner aussi par l'[[Rationalité|irrationalisme]] nazi, avec son culte néo-[[romantisme|romantique]] de la nuit, du sang, de la nature, son goût des [[uniforme]]s et des [[défilé]]s, ses rituels et ses cérémonies spectaculaires ressuscitant un univers médiéval ou païen, et par l'appel efficace aux héros mythiques du passé national ([[Arminius]], [[Frédéric Barberousse|Barberousse]], [[Frédéric II (empereur du Saint-Empire)|Frédéric II du Saint-Empire]], [[Frédéric II (roi de Prusse)|Frédéric II de Prusse]], [[Andreas Hofer]], [[Otto von Bismarck]]…), mobilisés rétrospectivement comme précurseurs du Führer providentiel<ref>{{Ouvrage |langue originale=de |titre=La Fascination du nazisme |titre original=Der schöne Schein des Dritten Reiches |auteur1=Peter Reichel |traducteur=Olivier Mannoni |lieu=Paris|année=1997|mois=janvier|pages totales=458|éditeur=Éditions Odile Jacob|collection=Opus|isbn=2738104460}}.</ref>.

Pourtant victimes de maintes tracasseries, les Églises en tant qu'institutions ont peu cherché à s'opposer à Hitler. Celui-ci s'est toujours bien gardé de mettre en application les projets d'éradication du christianisme nourris par son bras droit [[Martin Bormann]] ou l'idéologue du parti [[Alfred Rosenberg]]. Il a joué sur l'[[anticommunisme]], l'[[antiféminisme]] et les aspects réactionnaires de son programme pour séduire les électorats religieux. La signature du [[concordat]] avec le [[Vatican]], en {{date-|juin 1933}}, a été un triomphe personnel, qui a lié les mains à l'épiscopat et renforcé sa stature internationale. Se défendant de {{citation|faire de la politique}}, évêques, curés et pasteurs ne s'opposaient que sur des points matériels ou confessionnels et terminaient leurs sermons en priant {{citation|pour la patrie et pour le Führer}}. L'encyclique du pape {{souverain2|Pie XI}}, ''[[Mit brennender Sorge]]'' (1937), distribuée dans le plus grand secret aux paroisses catholiques allemandes pour y être lue le {{date-|21 mars 1937}}, proteste contre les manquements de l'État allemand au [[concordat]] de 1933, et dénonce avec une rare virulence les excès idéologiques du régime nazi comme la divinisation de la race et le culte de la personnalité du chef de l'État. Elle exhorte les prêtres et les laïcs à résister à la dissolution des structures catholiques et à la mainmise de l'éducation officielle sur la morale des enfants, sans toutefois condamner le régime politique en place. En somme, l'église catholique, minoritaire parmi les églises chrétiennes allemandes, choisit une attitude de composition avec le régime nazi. Un petit nombre de catholiques choisissent cependant de [[Résistance intérieure au nazisme|résister au régime]], par exemple en sauvant des Juifs même non mariés à des catholiques.

Contrairement à une légende, Hitler n'était avant 1933 ni le candidat ni l'instrument des ''milieux d'affaires''. Mais le grand patronat s'est vite rallié à lui, et a amplement bénéficié de la restauration de l'économie puis du pillage de l'Europe, allant souvent jusqu'à se compromettre dans l'exploitation de la main-d'œuvre concentrationnaire ([[IG Farben]] à [[Auschwitz]], [[Siemens]] à [[Ravensbrück]])<ref>{{Harvsp||texte=Henry Rousso {{et al.}} 1991|loc={{citation|Le grand capital a-t-il soutenu Hitler ?}}|p=149-167|id=collectif1991_1}}.</ref>. Alors que tous les éléments conservateurs (militaires, aristocrates, hommes d'Église) ont fourni leur tribut à la (faible) [[Résistance intérieure au nazisme|résistance allemande]], le patronat y est resté remarquablement peu présent. Une des rares exceptions est paradoxalement celle de son très ancien partisan [[Fritz Thyssen]], qui rompt avec Hitler et fuit le Reich en 1939, avant de lui être livré l'an suivant par l'[[Régime de Vichy|État français]] et interné.

L'historien [[Götz Aly]] insiste quant à lui sur le fait que les bénéfices matériels de l'[[aryanisation]] et du pillage de l'Europe, plus que l'idéologie, ont rendu maints Allemands redevables et complices de leur Führer. Les centaines de trains de biens volés aux Juifs assassinés n'ont pas été perdus pour tout le monde, ni les milliers de logements vacants qu'ils étaient contraints d'abandonner<ref>{{Harvsp|Götz Aly|2005|id=aly2005}}.</ref>.

=== Politique économique et sociale ===
{{Article détaillé|Réarmement de l'Allemagne sous le Troisième Reich|Complexe militaro-industriel allemand}}
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1992-019-20A, Reichsautobahn, Hitler beim 1. Spatenstich.jpg|vignette|[[Photomontage]] de [[propagande nazie]] : Hitler participant au lancement de la construction de l'autoroute de [[Francfort-sur-le-Main]], {{date-|septembre 1933}}.]]
Hitler rejette dans un même mépris [[capitalisme]] et [[marxisme]]. Son [[nationalisme]] raciste est l'élément essentiel. Il est fortement marqué à droite, y compris dans les alliances nouées. Un objectif fondamental pour lui est la reconstitution d’une {{Citation|communauté nationale}} (''Volksgemeinschaft''), unie par une [[race]] et une [[culture]] communes, débarrassée des divisions démocratiques et de la [[lutte des classes]], tout comme des Juifs et des éléments racialement impurs, et où l'[[individu]] enfin n'a aucune valeur et n'existe qu'en fonction de son appartenance à la communauté. Après les divisions civiles des [[années 1920]], certains Allemands ne demandent qu'à partager cette vision.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-R98364, Hjalmar Schacht, Adolf Hitler.jpg|gauche|vignette|[[Hjalmar Schacht]] (au centre), [[Ministère de l'Économie du Reich|ministre de l'Économie du Reich]], en présence d'Adolf Hitler, 1936.]]
Ayant déjà pris ses distances avec la partie socialisante du programme nazi à la fin des années 1920, Hitler achève de refuser l'idée d'une révolution sociale après la purge de [[Ernst Röhm|Röhm]] et la [[Nuit des Longs Couteaux|liquidation des SA]]. Peu doué lui-même en économie, le Führer fait très vite contre la crise le choix d'un [[pragmatisme]] brutal, écartant du gouvernement le vieux théoricien économique nazi [[Gottfried Feder]] au profit du sympathisant et brillant spécialiste plus classique [[Hjalmar Schacht]], ancien directeur de la [[Reichsbank]]. En quelques années, l’économie est remise sur pied entre autres grâce à des emplois publics créés par l’État ([[autoroute]]s déjà planifiées sous la république de Weimar, [[ligne Siegfried]], grands travaux spectaculaires de l'ingénieur nazi [[Fritz Todt]], logements également dans la continuité de l'œuvre de Weimar, etc.). Le [[réarmement de l'Allemagne sous le Troisième Reich|réarmement]] n’intervient que plus tard (accéléré par le [[Vierjahresplan|Plan de quatre ans]] à partir de 1936), après relance de l’économie, aidée par une conjoncture de reprise mondiale.

Dès {{date-|mai 1933}}, les [[syndicat]]s dissous laissent la place au [[Deutsche Arbeitsfront|Front allemand du travail]] (DAF), organisation [[corporatisme|corporatiste]] nazie, dirigée par [[Robert Ley]]. Le DAF interdit la grève et permet aux patrons d’exiger davantage des salariés, tout en garantissant à ceux-ci une sécurité de l’emploi et la [[sécurité sociale]]. Officiellement volontaire, l’adhésion au DAF est de fait obligatoire pour tout Allemand désirant travailler dans l’[[industrie]] et le [[commerce]]. Plusieurs sous-organisations dépendaient du DAF, dont la {{langue|de|[[Kraft durch Freude]]}} chargée d'encadrer les loisirs des travailleurs ou d'embellir leurs cantines et leurs lieux de travail.

Entre 1934 et 1937, Schacht a pour mission de soutenir l’intense effort de [[réarmement de l'Allemagne sous le Troisième Reich|réarmement]]. Pour atteindre cet objectif, il met en place des montages financiers tantôt ingénieux (comme les [[bon MEFO|bons MEFO]]), tantôt hasardeux, creusant le [[déficit budgétaire et déficit public|déficit]] de l’[[État]]. Par ailleurs, la politique de grands travaux développe une politique [[keynésianisme|keynésienne]] d’[[investissement]]s publics. D’après [[William L. Shirer]], Hitler diminue également tous les [[salaire]]s de 5 %, ce qui permet de dégager des ressources pour relancer l’[[Croissance économique|économie]], ce qui semble confirmer selon lui la nature interventionniste de ses directives.

Le [[chômage]] baisse nettement, passant de six millions de chômeurs en 1932 à {{formatnum:200000}} en 1938. En 1939, la production industrielle dépasse de peu son niveau de 1929. Cependant, Schacht considère que les [[investissement]]s dans l’industrie militaire menacent à terme l’économie allemande et souhaite infléchir cette politique. Devant le refus de Hitler, qui considère le réarmement comme une priorité absolue, Schacht quitte son poste début 1939 au profit de [[Hermann Göring|Göring]]. Seuls la fuite en avant dans l'expansion, la guerre et le pillage ont sans doute permis à Hitler d'éviter une grave crise financière et économique finale<ref>Pour les rapports du nazisme à l'économie, voir {{Ouvrage|langue originale=en|titre=Qu'est-ce que le nazisme ?|sous-titre=problèmes et perspectives d'interprétation|titre original=The nazi dictatorship problems and perspectives of interpretation|auteur1=[[Ian Kershaw]]|traducteur=Jacqueline Carnaud|lieu=Paris|année=1997|mois=janvier|pages totales=534|éditeur=Gallimard|collection=Folio Histoire|isbn=2-07-040351-3}}.</ref>.

== Diplomatie hitlérienne ==
La diplomatie du [[Troisième Reich]] est essentiellement conçue et dirigée par Hitler en personne. [[Ministère des Affaires étrangères du Reich|Ses ministres des Affaires étrangères]] successifs, [[Konstantin von Neurath]] puis [[Joachim von Ribbentrop]], relayent ses directives sans faire preuve d’initiatives personnelles. La diplomatie hitlérienne, par son jeu d’alliances, d’audaces, de menaces et de duperies, est un rouage essentiel des buts stratégiques que poursuit le Führer. Ses discours tonitruants au Reichstag ou aux congrès nazis de Nuremberg scandent les crises diplomatiques qu’il provoque successivement ; ils alternent avec ses entretiens hypocritement rassurants accordés aux journaux ou aux représentants étrangers.

Assimilant complètement son destin personnel à celui de l’Allemagne, et identifiant le cours biologique de sa vie avec la destinée du Reich, Hitler est obsédé par la possibilité de son vieillissement prématuré, et il veut donc pouvoir déclencher sa guerre avant de fêter ses 50 ans. Le regard porté par le dictateur sur lui-même a donc un rôle direct dans l’accélération des événements par lesquels il conduit l’Europe à la [[Seconde Guerre mondiale]].

=== Opposition au traité de Versailles ===
[[Fichier:Adolf Hitler Berghof-1936.jpg|vignette|redresse=0.8|Adolf Hitler en 1936 au ''{{langue|de|[[Berghof]]}}'', sa résidence des [[Alpes bavaroises]] à [[Obersalzberg]] (quartier de [[Berchtesgaden]]).|alt=Photo portrait noir et blanc d'Adolf Hitler en costume deux pièces clair, assis de face, les bras croisés sur son ventre.]]
Le {{date-|14|octobre|1933}}, Hitler retire l’Allemagne de la [[Société des Nations]] et de la [[Conférence mondiale pour le désarmement|conférence de Genève]] sur le [[Maîtrise des armements|désarmement]], tout en prononçant des discours pacifistes. Le {{date-|13|janvier|1935}}, la [[Territoire du bassin de la Sarre|Sarre]] plébiscite massivement (90,8 % de « Oui ») son rattachement à l’Allemagne.

Le {{date-|16|mars|1935}}, Hitler annonce le rétablissement du [[Conscription|service militaire obligatoire]] et décide de porter les effectifs de la [[Wehrmacht]] (le nouveau nom des forces armées allemandes) de {{unité|100000|à=500000|hommes}}, par la création de {{nobr|36 divisions}} supplémentaires. Il s’agit de la première violation flagrante du [[traité de Versailles]]. En juin de la même année, Londres et Berlin signent un accord naval, qui autorise le Reich à devenir une puissance maritime. Hitler lance alors un programme de réarmement massif, recréant notamment des forces navales ({{langue|de|[[Kriegsmarine]]}}) et aériennes ({{langue|de|[[Luftwaffe]]}}).

Les [[Jeux olympiques d'hiver de 1936]] à [[Garmisch-Partenkirchen]] ont constitué une formidable vitrine pour la propagande, surtout pour faire oublier sa politique du fait accompli et mettre au pied du mur le [[Royaume-Uni]] et la France dans ce que Hitler projette de faire. En {{date-|janvier 1936}}, [[Bertrand de Jouvenel]], jeune journaliste se trouvant aux Jeux d’hiver, prend l’initiative de contacter [[Otto Abetz]], représentant itinérant du Reich, pour lui demander une interview de Hitler. Abetz y voit une bonne occasion de communication pour contrecarrer la ratification du [[Traité franco-soviétique d'assistance mutuelle|Pacte franco-soviétique]] par un vote de la [[Assemblée nationale (France)|Chambre des députés]] devant avoir lieu le {{date-|27 février}}. La veille de la publication, le propriétaire de ''[[Paris-Soir]]'', [[Jean Prouvost]], interdit la diffusion de l’article, qui est demandée par le président du conseil [[Albert Sarraut]]. Finalement, l’article est publié, le lendemain du vote dans le journal ''[[Paris-Midi]]'' du {{date-|28 février}}<ref>{{Ouvrage|titre=Otto Abetz et les Français|sous-titre=Ou l'envers de la Collaboration|préface=Jean-Pierre Azéma|auteur1=Barbara Lambauer|lieu=Paris|année=2001|mois=octobre|pages totales=895|passage=96|éditeur=Fayard|collection=Folio Histoire|isbn=2213610231}}.</ref>.

Le but des Allemands était de faire retarder la publication pour ensuite pouvoir dire que les bonnes intentions de Hitler avaient été cachées aux Français et ainsi adopter des contre-mesures.

Ce que dit Hitler dans son interview dans ''Paris-Midi'' est calibré pour le public français et représentatif de ses talents de [[manipulation mentale|manipulateur]]. Il dit ainsi sa {{citation|sympathie}} pour la France et expose ses volontés pacifiques : {{citation|La chance vous est donnée à vous. Si vous ne la saisissez point, songez à votre responsabilité vis-à-vis de vos enfants ! Vous avez devant vous une Allemagne dont les neuf dixièmes font pleine confiance à leur chef, et ce chef vous dit : « Soyons amis{{note|groupe=n|Extrait plus large de l'interview : {{citation|…Vous vous dites : {{citation|Hitler nous fait des déclarations pacifiques, mais est-il de bonne foi ? Est-il sincère ?}} N’est-ce pas un point de vue puéril que le vôtre ? Est-ce qu’au lieu de vous livrer à des devinettes psychologiques, vous ne feriez pas mieux de raisonner en usant de cette fameuse logique à laquelle les Français se déclarent si attachés ? N’est-il pas évidemment à l’avantage de nos deux pays d’entretenir de bons rapports ? Ne serait-il pas ruineux pour eux de s’entre-choquer sur de nouveaux champs de bataille ? N’est-il pas logique que je veuille ce qui est le plus avantageux à mon pays, et, ce qui est le plus avantageux, n’est-ce pas évidemment la paix ?<br>… C’est bien étrange que vous jugiez encore possible une agression allemande ! Est-ce que vous ne lisez pas notre presse ? Est-ce que vous ne voyez pas qu’elle s’abstient systématiquement de toute attaque contre la France, qu’elle ne parle de la France qu’avec sympathie ?<br>… Jamais un dirigeant allemand ne vous a fait de telles ouvertures si répétées. Et ces offres émanent de qui donc ? D’un charlatan pacifiste qui s’est fait une spécialité des relations internationales ? Non pas, mais du plus grand nationaliste que l’Allemagne ait jamais eu à sa tête ! Moi, je vous apporte ce que nul autre n’aurait jamais pu vous apporter : une entente qui sera approuvée par 90 % de la nation allemande, les 90 % qui me suivent ! Je vous prie de prendre garde à ceci :<br>Il y a dans la vie des peuples des occasions décisives. Aujourd’hui la France peut, si elle le veut, mettre fin à tout jamais à ce {{citation|péril allemand}} que vos enfants de génération en génération, apprennent à redouter. Vous pouvez lever l’hypothèque redoutable qui pèse sur l’histoire de France. La chance vous est donnée à vous. Si vous ne la saisissez point, songez à votre responsabilité vis-à-vis de vos enfants ! Vous avez devant vous une Allemagne dont les neuf dixièmes font pleine confiance à leur chef, et ce chef vous dit : {{citation|Soyons amis<ref>Extrait de l’interview de [[Bertrand de Jouvenel]] paru dans le journal ''Paris-Midi'' du {{date-|28|février|1936}}, {{p.|1 et 3}}/ Ref. BNF MICR D-uc80.</ref> !}}}}}} !}}

Les réactions à cette interview sont toutes convergentes à travers l’Europe, de Londres à Rome en passant par Berlin. Tous les commentateurs saluent les paroles de paix de Hitler et chacun y voit le début d’un rapprochement à quatre{{note|groupe=n|[[Bertrand de Jouvenel]], journal ''Paris-Midi'' du {{date-|29|février|1936}}, {{p.|3}}/ Ref. BNF MICR D-uc80.<br> Toutefois, du fait que cette interview intervienne après la ratification du pacte franco-soviétique, certains commentateurs allemands auront des paroles dures à l’égard d’[[Édouard Herriot]], d’[[Albert Sarraut]] et de [[Pierre-Étienne Flandin|Flandin]] leur reprochant d’avoir signé avec les Soviétiques.}}.

Dès le {{date-|7|mars|1936}}, Hitler revient sur ses paroles de paix en [[réarmement de l'Allemagne sous le Troisième Reich|remilitarisant la Rhénanie]], violant une nouvelle fois le [[traité de Versailles]] ainsi que les [[accords de Locarno]]. C’est un coup de [[bluff]] typique de sa méthode personnelle. Hitler a donné comme consigne à ses troupes de se retirer en cas de riposte de l’armée française. Cependant, bien que l’armée allemande, à ce moment-là soit bien plus faible que ses adversaires, ni les Français, ni les Britanniques ne jugent utile de s’opposer à la remilitarisation. Le succès est éclatant pour Hitler.

=== Complaisances à l’étranger ===
La fascination exercée par Hitler dépasse largement à l’époque les frontières de l’Allemagne. Pour de nombreux sympathisants du [[fascisme]], il incarne l’{{citation|ordre nouveau}} qui remplacera les sociétés bourgeoises et démocratiques {{citation|décadentes}}. Certains intellectuels font ainsi le pèlerinage du congrès de Nuremberg, comme le futur [[Collaboration en France|collaborationniste]] [[Robert Brasillach]]. Le journaliste [[Fernand de Brinon]], premier Français à interviewer le nouveau chancelier en 1933, sera un militant proche du nazisme, et le représentant du [[régime de Vichy]] en zone nord dans Paris occupé. Le {{date-|13 juin 1933}}, le premier ministre fascisant de [[Hongrie]], [[Gyula Gömbös]], est le premier chef de gouvernement étranger à rendre une visite officielle au nouveau chancelier allemand.

Chez les conservateurs de toute l’Europe, beaucoup s’obstinent pendant des années à ne voir en Hitler que le rempart contre le [[bolcheviks|bolchevisme]] ou le restaurateur de l’ordre et de l’économie en Allemagne. La spécificité et la nouveauté radicales de sa pensée et de son régime ne sont pas perçues ; on ne voit en lui qu’un nationaliste allemand classique, guère plus qu’un nouveau [[Otto von Bismarck|Bismarck]]. On veut souvent croire aussi que l’auteur de ''{{langue|de|Mein Kampf}}'' s’est assagi avec l’exercice des responsabilités. Au printemps 1936, Hitler reçoit spectaculairement à sa résidence secondaire de [[Berchtesgaden]] le vieil homme d’État britannique [[David Lloyd George]], un des vainqueurs de 1918, qui ne tarit pas d’éloges sur le Führer et les succès de son régime. En 1937, il reçoit de même la visite du duc de Windsor (l’ex-roi d’Angleterre {{souverain2|Édouard VIII}}).

À l’été 1936, Hitler inaugure les [[Jeux olympiques d'été de 1936|Jeux olympiques de Berlin]]. C’est l’occasion d’un étalage à peine voilé de propagande nazie, ainsi que de réceptions grandioses destinées à séduire les représentants des ''establishments'' étrangers présents sur place, notamment les Britanniques. Le Grec [[Spyrídon Loúis]], vainqueur du marathon aux premiers Jeux de 1896, lui remet un rameau d’olivier venu du bois d’[[Olympie]]. La France a renoncé à boycotter les Jeux et sa délégation olympique défile devant Hitler le bras tendu (le salut olympique ressemblant au salut nazi). En revanche, la délégation américaine s’est refusée à tout geste ambigu lors de son passage devant le dictateur. Plus tard, pendant les épreuves, Hitler quitte la tribune officielle, mais ce geste n'aurait pas eu pour but, contrairement à une idée répandue, d'éviter d’avoir à serrer la main du champion noir américain [[Jesse Owens]]<ref>Les Olympiades : Les Hommes les plus rapides du monde, Greenspan Bub, Cic Vidéo 1987, d'après les archives des JO.</ref>{{,}}<ref>{{en}} [http://german.about.com/library/blgermyth10.htm ''The 1936 Berlin Olympics: Hitler and Jesse Owens''], ''About.com'', {{consulté le|23/02/2015}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} [http://hnn.us/articles/571.html ''Adolf Hitler, Jesse Owens and the Olympics Myth of 1936''], ''History News Network'', {{consulté le|23/02/2015}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} [https://web.archive.org/web/20090814165735/http://www.telegraph.co.uk/sport/othersports/olympics/6008196/Adolf-Hitler-did-shake-hands-with-Jesse-Owens.html ''Adolf Hitler did shake hands with Jesse Owens''], ''Daily Telegraph'', {{consulté le|23/02/2015}}.</ref>, mais d'éviter de devoir féliciter tous les vainqueurs, décision qui englobe Owens sans le viser spécifiquement.

Le {{date-|2|janvier|1939}}, Hitler est élu « [[Personnalité de l'année selon Time Magazine|Homme de l’année]] 1938 » par ''[[Time (magazine)|Time Magazine]]''.

=== Alliances ===
[[Fichier:Benito Mussolini and Adolf Hitler.jpg|vignette|200px|Adolf Hitler et [[Benito Mussolini]] assistant à un défilé lors de la visite officielle de Mussolini à Munich en 1937.|alt=Photo noir et blanc montrant Benito Mussolini et Adolf Hitler, côte à côte, debout en uniforme, le regard fixé vers la gauche.]]

En {{date-|juillet 1936}}, Hitler apporte son soutien aux insurgés nationalistes du [[Francisco Franco|général Franco]] lors de la [[guerre d'Espagne]]. Il fait parvenir des avions de transport pour permettre aux troupes coloniales du [[Protectorat espagnol au Maroc|Maroc espagnol]] de franchir le [[détroit de Gibraltar]] lors des premiers jours cruciaux de l’insurrection. Tout comme Mussolini, il envoie ensuite du matériel militaire ainsi qu’un corps expéditionnaire, la [[Légion Condor]], qui permettra de tester les nouvelles techniques guerrières, notamment les bombardements aériens sur les populations civiles, lors de la destruction de [[Guernica]] en 1937.

L’Allemagne nazie et l’[[Italie]] [[fascisme|fasciste]], qui ont combattu dans deux camps différents lors de la [[Première Guerre mondiale|Grande Guerre]], étaient initialement hostiles à la suite de leur désaccord sur l’[[Anschluss]]. En juin 1934 à Venise, lors de leur première rencontre, [[Benito Mussolini|Mussolini]] a toisé de haut Hitler, vêtu en civil et mal à l'aise face à celui qui lui a longtemps servi d'inspirateur. Le dictateur italien empêche en juillet l'annexion de l'Autriche en envoyant des troupes au [[col du Brenner]] après l'assassinat du chancelier autoritaire [[Engelbert Dollfuss]] par les nazis autrichiens. Mais après le départ de l’Italie de la [[Société des Nations]], à la suite de son [[Seconde guerre italo-éthiopienne|agression contre l’Éthiopie]], et avec leur intervention commune en Espagne, les deux dictateurs se rapprochent et concluent une alliance, une relation décrite par [[Benito Mussolini]] comme l’[[Axe Rome-Berlin-Tokyo|Axe Rome-Berlin]], fondé en {{date-|octobre 1936}}.

En {{date-||novembre|1936}}, l’Allemagne et le [[Japon]] signent le [[pacte anti-Komintern]], traité d’assistance mutuelle contre l’URSS, auquel se joint l’Italie en 1937. Cette même année Hitler rencontre à [[Nuremberg]] le prince [[Yasuhito Chichibu]], frère cadet de l’empereur [[Hirohito]], afin de raffermir les liens entre les deux États. En {{date-|septembre 1940}}, la signature du [[Axe Rome-Berlin-Tokyo|Pacte tripartite]] entre le Troisième Reich, l’Italie et l’empire du Japon, formalise la coopération entre les puissances de l’Axe pour établir un {{citation|nouvel ordre}}. Après l’[[attaque de Pearl Harbor]], le {{date-|7|décembre|1941}}, Hitler<!--

Le pacte n'était-il pas seulement défensif (à la demande du Japon notamment, qui ne souhaitait pas être impliqué en Europe) ?
Le Japon étant l'agresseur, l'Allemagne était-elle vraiment tenue de suivre son allié asiatique ?

--> déclare la guerre aux États-Unis, sans bénéfice aucun pour l’Allemagne, puisque sous-estimant un pays qu’il ne connaît pas, il fait entrer en lice contre le Reich l’immense potentiel économique de l’Amérique, hors d’atteinte.

En {{date-||mai|1939}}, l’Allemagne et l’Italie signent un traité d’alliance militaire inconditionnel, le [[Pacte d'acier]] : l’Italie s’engage à aider l’Allemagne même si celle-ci n’est pas l’agressée.

=== Anschluss ===
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-1987-0922-500, Wien, Heldenplatz, Rede Adolf Hitler.jpg|vignette|gauche|alt=Photographie en noir et blanc d'Adolf Hitler, vu de dos, s'adressant à la foule rassemblée sur la [[Heldenplatz]] à Vienne le {{date-|14 mars 1938}}|Hitler, vu de dos, s'adressant à la foule rassemblée sur la [[Heldenplatz]] à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] le {{date-|14 mars 1938}}.]]
Afin de réaliser l’[[Anschluss]], rattachement (en traduction littérale) de l’[[Autriche]] au Troisième Reich, interdit par le traité de Versailles, Hitler s’appuie sur l’organisation nazie locale. Celle-ci tente de déstabiliser le pouvoir autrichien, notamment par des actes terroristes. Un coup d’État échoue en {{date-|juin 1934}}, malgré l’assassinat du chancelier [[Engelbert Dollfuss]]. L’Italie a avancé ses troupes dans les Alpes pour contrer les velléités expansionnistes allemandes, et les nazis autrichiens sont sévèrement réprimés par un régime autrichien de type fasciste. Début 1938, l’Allemagne est davantage en position de force et s'est alliée avec l’Italie. Hitler exerce alors des pressions sur le chancelier autrichien [[Kurt Schuschnigg|Kurt von Schuschnigg]], le sommant, lors d’une entrevue à [[Berchtesgaden]] en février, de faire entrer des nazis dans son gouvernement, dont [[Arthur Seyss-Inquart]] au ministère de l’Intérieur. Devant la menace croissante des nazis, Schuschnigg annonce en mars l’organisation d’un référendum pour confirmer l’indépendance de l’Autriche.

Hitler lance alors un ultimatum exigeant la remise complète du pouvoir aux nazis autrichiens. Le {{date-|12|mars|1938}}, Seyss-Inquart est nommé chancelier, et la [[Wehrmacht]] entre en Autriche. Hitler pénètre lui-même dans le pays en passant par la ville-frontière de [[Braunau am Inn]], qui est aussi sa ville natale, puis arrive à [[Vienne (Autriche)|Vienne]] où il est triomphalement acclamé par une foule en délire. Le lendemain, il proclame le rattachement officiel de l’Autriche au Reich, ce qui est approuvé par référendum (99 % de oui) le mois suivant. La [[Troisième Reich|Grande Allemagne]] (en allemand : « Grossdeutschland ») est ainsi constituée, avec la réunion des deux États à population germanophone. Rares sont alors les [[Autrichiens]] à s’opposer à la fin de l’indépendance, à l’image de l’archiduc [[Otto de Habsbourg-Lorraine|Otto de Habsbourg]], exilé.

En Autriche annexée, la terreur s’abat aussitôt sur les Juifs et sur les ennemis du régime. Un camp de concentration est ouvert à [[Camp de concentration de Mauthausen|Mauthausen]] près de [[Linz]], qui acquiert vite la réputation méritée d’être l’un des plus terribles du système nazi. Le pays natal de Hitler, qui se targua après la guerre d’avoir été la {{citation|première victime du nazisme}} et refusa longtemps toute indemnisation des victimes du régime, s’est en fait surtout distingué par sa forte contribution aux crimes du Troisième Reich. L’historien britannique [[Paul Johnson (historien)|Paul Johnson]]<ref>{{Ouvrage|titre=Une histoire des Juifs|auteur1=[[Paul Johnson (historien)|Paul Johnson]]|traducteur=Jean-Pierre Quijano|langue originale=en|titre original=A history of the Jews|lieu=Paris|éditeur=JC Lattès|pages totales=681|année=1987|mois=février|jour=1|isbn=2709607506}}.</ref> souligne que les Autrichiens sont surreprésentés dans les instances supérieures du régime (outre Hitler lui-même, on peut citer [[Adolf Eichmann]], [[Ernst Kaltenbrunner]], [[Arthur Seyss-Inquart]]) et qu’ils ont en proportion beaucoup plus participé à la [[Shoah]] que les Allemands. Un tiers des tueurs des [[Einsatzgruppen]] étaient ainsi autrichiens, tout comme quatre des six commandants des principaux [[centres d'extermination nazis]] et près de 40 % des gardes des camps. Sur {{unité|5090|criminels}} de guerre recensés par la Yougoslavie en 1945, on compte {{unité|2499|Autrichiens}}.

=== Crise des Sudètes et accords de Munich ===
{{Article détaillé|Crise des Sudètes}}
Poursuivant ses objectifs [[pangermanisme|pangermanistes]], Hitler menace ensuite la [[Tchécoslovaquie]]. Les régions de la [[Bohême]] et de la [[Moravie]] situées le long des frontières du Grossdeutschland, appelé [[Région des Sudètes|Sudètes]], sont majoritairement peuplées par la minorité allemande. Comme pour l’Autriche, Hitler affirme ses revendications en s’appuyant sur les agitations de l’organisation nazie locale, menée par [[Konrad Henlein]]. Le Führer évoque le {{citation|droit des peuples}} pour exiger de Prague l’annexion au Reich des Sudètes.

Bien qu’alliée à la France (et à l’[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]]), la Tchécoslovaquie ne peut compter sur son soutien. Paris veut absolument éviter le conflit militaire, incitée en cela par le refus britannique de participer à une éventuelle intervention. Le souvenir de la [[Première Guerre mondiale|Grande Guerre]] influence également cette attitude : si les Allemands ont développé le désir de revanche, les Français entretiennent quant à eux une ambiance générale résolument pacifiste.
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-R69173, Münchener Abkommen, Staatschefs.jpg|vignette|[[Neville Chamberlain|Chamberlain]], [[Édouard Daladier|Daladier]], Hitler, [[Benito Mussolini|Mussolini]] et [[Galeazzo Ciano|Ciano]] à [[Accords de Munich|Munich]], le {{date-|29|septembre|1938}}.]]
Le {{date-|29|septembre|1938}}, conformément à une proposition de Mussolini faite la veille, Adolf Hitler, le président du Conseil français [[Édouard Daladier]], le Premier ministre britannique [[Neville Chamberlain]] et le Duce italien [[Benito Mussolini]], réunis dans la capitale bavaroise, signent les [[accords de Munich]]. La France et le Royaume-Uni acceptent que l’Allemagne annexe les [[Région des Sudètes|Sudètes]], pour éviter la guerre. En échange, Hitler, manipulateur, assure que les revendications territoriales du Troisième Reich s'arrêteront là. Le lendemain, la [[Tchécoslovaquie]], qui avait commencé à mobiliser, est obligée de s’incliner. Parallèlement, le Troisième Reich autorise la [[Pologne]] et la [[Hongrie]] à s’emparer respectivement de la ville de [[Český Těšín|Teschen]] et du sud de la [[Slovaquie|Tchécoslovaquie]].

Maître-d’œuvre de la politique d’{{citation|apaisement}} avec le Reich, le Premier ministre britannique [[Neville Chamberlain]] a alors ce mot fameux : {{citation|Hitler est un gentleman}}. Mais alors que les opinions publiques française et britannique sont enthousiastes, [[Winston Churchill]] commente : {{citation|Entre le déshonneur et la guerre, vous avez choisi le déshonneur. Et vous allez avoir la guerre}}. De fait, Hitler rompt sa promesse à peine quelques mois plus tard.

En mars 1939, la [[République slovaque (1939-1945)|République slovaque]], encouragée par Berlin, proclame son indépendance ; son chef, [[Jozef Tiso]] place son pays sous l’orbite allemande. Hitler, lors d’une entrevue dramatique à Berlin avec le président tchécoslovaque [[Emil Hácha]] (remplaçant le président démissionnaire [[Edvard Beneš]]), menace de bombarder [[Prague]] si la [[Bohême]] et la [[Moravie]] ne sont pas incorporées au Reich. Le {{date-|15 mars}}, Hácha cède et l’armée allemande entre à Prague sans combat le lendemain. La [[Bohême]] et la [[Moravie]] deviennent le [[protectorat de Bohême-Moravie]], dirigé par [[Konstantin von Neurath]] à partir de {{date-|novembre 1939}}, puis de 1941 à son exécution par la résistance tchèque en {{date-|mai 1942}}, par le haut chef [[Schutzstaffel|SS]] [[Reinhard Heydrich]], surnommé {{citation|le boucher de Prague}}.

En mettant la main sur la [[Protectorat de Bohême-Moravie|Bohême-Moravie]], le Reich s’empare par la même occasion d’une importante industrie sidérurgique et notamment des usines [[Škoda Auto|Škoda]], qui permettent de construire des chars d’assaut. En annexant des populations slaves et non plus allemandes, Hitler a jeté le masque : ce qu'il poursuit n'est plus le pangermanisme classique mais, ainsi qu'il l'avoue sans fard à ses généraux le {{date-|23|mai|1939}}, la conquête d'un ''[[Lebensraum|espace vital]]'' illimité.

=== Pacte germano-soviétique et agression de la Pologne ===
[[Fichier:Battle of Poland.png|vignette|[[Campagne de Pologne (1939)|Invasion de la Pologne en 1939]].]]
Après l’[[Autriche]] et la [[Tchécoslovaquie]], vient le tour de la [[Pologne]]. Coincée entre deux nations hostiles, la Pologne de [[Józef Piłsudski]] a signé avec le Reich un traité de non-agression en janvier 1934, pensant ainsi se prémunir contre l’[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]]. L’influence de la France, alliée traditionnelle de la Pologne, en Europe centrale a ainsi considérablement diminué, tendance qui s’est confirmée ensuite avec le démembrement de la [[Tchécoslovaquie]] et la désagrégation de la [[Petite Entente]] (Prague, [[Roumanie|Bucarest]], [[Yougoslavie|Belgrade]]), alliance placée sous le patronage de Paris.

Au printemps 1939, Hitler revendique l’annexion de la [[Ville libre de Dantzig]].

En mars, l’Allemagne a déjà annexé la ville de [[Klaipėda|Memel]], possession de la [[Lituanie]]. Ensuite, Hitler revendique directement le [[corridor de Dantzig]], territoire polonais perdu par l’Allemagne avec le [[traité de Versailles]] en 1919. Cette région donne à la [[Pologne]] un accès à la [[mer Baltique]] et sépare la [[Province de Prusse-Orientale|Prusse-Orientale]] du reste du Reich.

Le {{date-|23|août|1939}}, le lendemain du [[discours d'Hitler à Obersalzberg]], [[Joachim von Ribbentrop|Ribbentrop]] et [[Viatcheslav Molotov]], ministres des Affaires étrangères de l’Allemagne et de l’[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]] signent un [[Pacte germano-soviétique|pacte de non-agression]]. Ce pacte est un nouveau revers pour la [[Politique étrangère de la France|diplomatie française]]. En mai 1935, le gouvernement de [[Pierre Laval]] avait signé avec l’URSS un [[traité franco-soviétique d'assistance mutuelle|traité d’assistance mutuelle]], ce qui eut pour conséquence de refroidir les relations de la France avec la Pologne, mais aussi avec les [[Parti conservateur (Royaume-Uni)|Tories]] au pouvoir à Londres. Avec le pacte de non-agression germano-soviétique, la France ne peut plus compter sur l’URSS pour menacer une Allemagne expansionniste. En outre, la Pologne est prise en tenaille. L’Allemagne et l’URSS sont convenus d’un partage des pays situés entre elles : Pologne occidentale pour la première, Pologne orientale ([[Polésie]], [[Volhynie]], [[Galicie]] orientale) et [[Pays baltes]] pour la seconde.

Le {{date-|30|août|1939}}, Hitler lance un ultimatum pour la restitution du [[corridor de Dantzig]]. La Pologne refuse. Cette fois-ci, la France et le Royaume-Uni sont décidés à soutenir le pays agressé. C’est le début de la [[Seconde Guerre mondiale]].

=== Durant la guerre ===
[[Fichier:Hitler Mannerheim 2.jpg|vignette|180px|Adolf Hitler et le maréchal finlandais [[Carl Gustaf Emil Mannerheim|Mannerheim]] le {{date-|4 juin 1942}}.|alt=Photo noir et blanc prise le 4 juin 1942. Au premier plan, debout dans l'herbe, Adolf Hitler en uniforme (à gauche) et le maréchal finlandais, Carl Gustaf Emil Mannerheim (à droite), discutent. Au centre, au second plan, un officier allemand, entouré de quelques autres militaires, les suit. Le ciel, en arrière-plan, est clair.]]

Une fois la France vaincue en 1940, Hitler satellise les pays d’Europe centrale : [[Slovaquie]], [[Hongrie]], [[Roumanie]], [[Bulgarie]]. Hitler obtient l’adhésion de la Hongrie et de la Bulgarie, anciens vaincus de la [[Première Guerre mondiale]], en leur offrant respectivement la moitié de la [[Transylvanie (région)|Transylvanie]] et la [[Dobroudja]], cédées par la Roumanie, où le général pro-hitlérien [[Ion Antonescu]] prend le pouvoir en {{date-|septembre 1940}}. À partir de {{date-|juin 1941}}, Hitler entraîne la Slovaquie, la Hongrie, et la Roumanie dans la guerre contre l’URSS, ainsi que la [[Finlande]], qui y voit une occasion de réparer les torts de la [[guerre d'Hiver|guerre russo-finlandaise]].

Cependant, Hitler échoue à faire entrer en guerre l’[[Espagne franquiste]]. Comptant sur la reconnaissance du [[Francisco Franco|Caudillo]] qui a gagné la [[guerre d'Espagne|guerre civile espagnole]], il le rencontre à [[Hendaye]] le {{date-|23 octobre 1940}}. Hitler espère l’autorisation de [[Francisco Franco|Franco]] pour conquérir [[Gibraltar]] et couper les voies de communications anglaises en Méditerranée. Prudent, le dictateur espagnol sait que l'Angleterre ne peut plus déjà être envahie ni vaincue avant 1941, et que le jeu reste ouvert. Les contreparties exigées par Franco (notamment des compensations territoriales en [[Protectorat français au Maroc|Afrique du Nord française]]), dont le pays est par ailleurs ruiné et dépendant des livraisons américaines, sont irréalisables pour Hitler, qui souhaite ménager quelque peu le [[régime de Vichy]] pour l’amener sur la voie de la [[Collaboration en France|collaboration]]. Sorti furieux de l'entrevue au point de qualifier Franco de {{citation|porc jésuite}}<ref name="YR27EB"/>, Hitler a cependant bénéficié plus tard de l'envoi en URSS des {{citation|volontaires}} espagnols de la [[Division Bleue (Seconde Guerre mondiale)|division Azul]], qui participe jusqu'en 1943 à tous les combats (et à toutes les exactions) de la Wehrmacht, et le Caudillo l'a toujours ravitaillé en minerais stratégiques de première importance.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-H25217, Henry Philippe Petain und Adolf Hitler.jpg|gauche|vignette|alt=Photo noir et blanc prise le 24 octobre 1940. Au premier plan, Philippe Pétain, chef de l’État français, et Adolf Hitler (tous les deux debout et de profil) échangent une poignée de main. Entre les deux hommes, au second plan, se tient l’interprète officiel de Hitler : Paul-Otto Schmidt. On distingue aussi, au second plan, à droite, le ministre allemand des Affaires étrangères : Joachim von Ribbentrop.|[[Philippe Pétain]] et Adolf Hitler le {{date-|24 octobre 1940}}, [[Entrevue de Montoire|Montoire-sur-le-Loir]].]]

Au lendemain de l'entrevue de Hendaye, le {{date-|24 octobre}}, Hitler s'arrête à [[Entrevue de Montoire|Montoire]] où la [[Collaboration en France|collaboration d'État française]] est officialisée au cours d'une entrevue avec [[Philippe Pétain|Pétain]]. La poignée de main symbolique entre le vieux maréchal et le chancelier du Reich frappe de stupeur l'opinion française.

En {{date-|novembre 1941}}, le [[Grand mufti de Jérusalem]], [[Mohammed Amin al-Husseini|Amin al-Husseini]], rencontre Adolf Hitler et [[Heinrich Himmler]], souhaitant les amener à soutenir la cause nationaliste arabe. Il obtient de Hitler la promesse {{citation|qu’une fois que la guerre contre la Russie et l’Angleterre sera gagnée, l’Allemagne pourra se concentrer sur l’objectif de détruire l’élément juif demeurant dans la sphère arabe sous la protection britannique<ref>Cité par K. Timmerman {{incise|{{Ouvrage|langue=en|titre=Preachers of Hate|sous-titre=Islam and the War on America|auteur1=Kenneth R. Timmerman|éditeur=Doubleday Religious Publishing Group|année=2004|mois=novemvre|jour=23|passage=109|pages totales=391|isbn=9781400053735}}|stop}}.</ref>}}. Amin al-Husseini relaie la propagande nazie en [[Palestine mandataire|Palestine]] et dans le [[monde arabe]] et participe au recrutement de combattants musulmans, concrétisé par la création des divisions de [[Waffen-SS]] [[13e division SS Handschar|Handschar]], [[23e division SS Kama|Kama]] et [[21e division SS Skanderbeg|Skanderberg]], majoritairement formées de musulmans des Balkans.

Ce soutien des nazis au Grand mufti de Jérusalem est contradictoire avec la politique antisémite dans les années 1930, qui a pour conséquence l’émigration d’une grande partie des Juifs allemands vers la [[Palestine mandataire|Palestine]]. Quant au Grand Mufti, sa stratégie est guidée par le principe selon lequel l’ennemi de ses ennemis (en l’occurrence les Anglais et les Juifs) doit être son allié<ref>Compte rendu de l’entretien entre le Führer et le grand Mufti de Jérusalem le 30 novembre 1941, ''Documents on German Foreign Policy'', 1918-1945, cité par [[Walter Laqueur]] {{incise|''{{langue|en|The Israel-Arab Reader}}'', Penguin Books, 1970, {{p.|106-107}}|stop}}.</ref>. Du point de vue hitlérien, il s’agit essentiellement d’ébranler les positions de l’Empire britannique au Moyen-Orient devant l’avancée de l’[[Deutsches Afrikakorps|Afrikakorps]] et de permettre le recrutement d’auxiliaires, notamment pour lutter contre les partisans, alors que l’hémorragie de l’armée allemande devient problématique.

{{ancre|Visite Paris}}

=== Visite à Paris ===
Selon une légende entretenue par les carnets du préfet de police de Paris, [[Roger Langeron]]{{Note|id=RL1940|texte=Roger Langeron, ''Paris, Juin 1940'',Flammarion}}, le {{date-|18|juin|1940}}, Hitler [[Paris sous l'occupation allemande|visite Paris]] pour la première fois. Il passe en revue les troupes des détachements de la [[Wehrmacht]] qui défilent devant les généraux [[Walther von Brauchitsch|Brauchitsch]] et [[Fedor von Bock|Bock]]. Le soir, il rentre à [[Munich]] pour rencontrer Benito Mussolini et examiner la demande de cessation d’hostilités adressée par [[Philippe Pétain]]. Cette visite n'existe que dans les carnets publiés par Langeron, et n'est pas reprise par les historiens. Maurice Schumann la qualifie de légende{{Note|id=MS1989|texte=Maurice Schumann, ''Un certain 18 juin'', 1989|détails={{p.|245}}, {{chap.|9}}, {{citation|Le {{date-|18 juin 1940}}, c'est aussi le jour où Hitler ne vint pas à Paris, contrairement à une légende qui eut la vie dure.}} |url=https://www.cairn.info/un-certain-dix-huit-juin--9782259022033-page-243.htm?contenu=resume}}.

[[Fichier:Hitler, Speer y Breker en París, 23 de junio de 1940.jpg|vignette|Adolf Hitler au Trocadéro le {{date-|23 juin 1940}}, tournant le dos à la [[tour Eiffel]]. Il est accompagné d'[[Albert Speer]] (''à gauche'') et d'[[Arno Breker]] (''à droite'').]]

Le {{date-|23 juin 1940-}}, il visite la capitale française (une deuxième fois selon le préfet Langeron, une première sinon), toujours de façon brève et discrète (trois véhicules) en compagnie d’[[Arno Breker]] et [[Albert Speer]], essentiellement pour s’inspirer de son urbanisme (il avait donné l’ordre d’épargner la ville lors des opérations militaires). Dès six heures du matin, en provenance de l’[[aéroport de Paris-Le Bourget|aérodrome du Bourget]], il descend la [[rue La Fayette (Paris)|rue La Fayette]], entre à l’[[opéra Garnier]], qu’il visite minutieusement. Il prend le [[boulevard de la Madeleine]] et la [[Rue Royale (Paris)|rue Royale]], arrive à la [[place de la Concorde|Concorde]], puis à l’[[Arc de triomphe de l'Étoile|Arc de Triomphe]]. Le cortège descend l’[[Avenue Foch (Paris)|avenue Foch]], puis rejoint le [[palais de Chaillot]]. Hitler pose pour les photographes sur l’[[Parvis des droits de l'homme|esplanade du Trocadéro]], dos tourné à la [[tour Eiffel]]. Ils se dirigent ensuite vers l’[[École militaire (France)|École militaire]], puis vers les [[Hôtel des Invalides|Invalides]] et il médite longuement devant le tombeau de {{Napoléon Ier}} (c'est également aux Invalides qu'il fera transférer les cendres du fils de {{souverain-|Napoléon Ier}}, l’[[Napoléon II|Aiglon]]). Ensuite, il remonte vers le [[jardin du Luxembourg]] qu’il visite, mais ne souhaite pas visiter le Panthéon<ref>[[Ian Kershaw]] écrit : {{citation|Hitler admira les dimensions du Panthéon, mais en trouva l'intérieur (rappela-t-il plus tard) "terriblement décevant".}} {{incise|Hitler, édition française, 2008, Flammarion, {{p.|664}}|stop}}.</ref>. Pour finir, il descend le [[Boulevard Saint-Michel (Paris)|boulevard Saint-Michel]] à pied, ses deux gardes du corps à distance. [[Place Saint-Michel (Paris)|Place Saint-Michel]], il remonte en voiture. Ils arrivent alors sur l’[[île de la Cité]], où il admire la Sainte-Chapelle et Notre-Dame, puis la rive droite (le [[Grand Châtelet|Châtelet]], l’[[Hôtel de ville de Paris|hôtel de ville]], la [[place des Vosges]], les [[Halles de Paris|Halles]], le [[Musée du Louvre|Louvre]], la [[place Vendôme]]). Ils remontent ensuite vers l’Opéra, [[Pigalle (quartier parisien)|Pigalle]], le [[Basilique du Sacré-Cœur de Montmartre|Sacré-Cœur]], avant de repartir à {{heure|8|15}}. Un survol de la ville complète sa visite. Il ne reviendra plus jamais à Paris<ref>Pierre Bourget et Charles Lacretelle, ''Paris ville ouverte'', ''Historia'' hors série {{numéro|13}}, juin 1969.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |titre=Le Choc de 1940 |auteur1=[[Jean Cau]] |auteur2=Roger Thérond |directeur2=oui |lieu=Paris |éditeur=Paris Match, Fixot |date=janvier 1990 |pages totales=219 |isbn=2876450925}}.</ref>.

=== Triomphe à Berlin ===
Le {{date-|6|juillet|1940}}, Hitler revient à Berlin pour célébrer la victoire écrasante de l'Allemagne sur la France : il est reçu en triomphe entre la gare centrale et la chancellerie où il passe en revue quelques divisions revenues du front. C'est son dernier défilé militaire et la dernière fois qu'il est ovationné<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur=Dietmar Arnold|titre=Neue Reichskanzlei und {{citation|Führerbunker}}|sous-titre=Legenden und Wirklichkeit|éditeur=[[Christoph Links]] |lieu=Berlin|année=2005|pages totales=190|passage=115|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=RT9hi5_fjLAC&lpg=PA115&ots=2f5DHv4WmH&dq=%226.%20juli%201940%22%20%22berlin%22&pg=PA115#v=onepage&q&f=false|consulté le=21 juillet 2010}}.</ref>.

== Seconde Guerre mondiale ==
{{Article détaillé|Seconde Guerre mondiale}}
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1974-132-33A, Warschau, Parade vor Adolf Hitler.jpg|vignette|redresse=1.2|Parade triomphale devant Adolf Hitler, à Varsovie, le {{date-|5 octobre 1939}}.|alt=Photo noir et blanc prise le 5 octobre 1939, à Varsovie, en Pologne. Elle montre un défilé militaire de troupes de l’Armée allemande (à gauche) devant Adolf Hitler, debout et bras droit tendu devant lui, avec, dans son dos, une rangée d’officiers (à droite). Des arbres et un ciel clair forment l’arrière-plan de la photo.]]

Hitler a eu de {{citation|brillantes}} intuitions, lors de la première phase de la Seconde Guerre mondiale. {{Pas clair|La [[Wehrmacht]] dira plus tard avoir appliqué le ''[[Blitzkrieg]]'' (guerre éclair, impliquant un emploi massif et concentré des bombardiers et des blindés), qui lui permet d’occuper successivement la [[Pologne]] ([[Septembre 1939 (guerre mondiale)|{{date-|septembre 1939}}]]), le [[Danemark]] ([[Avril 1940 (guerre mondiale)|{{date-|avril 1940}}]]), la [[Norvège]] (avril-[[Mai 1940 (guerre mondiale)|{{date-|mai 1940}}]]), les [[Pays-Bas]], le [[Luxembourg]] et la [[Belgique]] ({{date-|mai 1940}}), la [[France]] (mai-[[juin 1940 (guerre mondiale)|{{date-|juin 1940}}]]), la [[Yougoslavie]] ([[Avril 1941 (guerre mondiale)|{{date-|avril 1941}}]]) et la [[Grèce]] (avril-[[Mai 1941 (guerre mondiale)|{{date-|mai 1941}}]]). Dans le cas de la France, la désobéissance des généraux allemands est la première cause de la victoire-éclair qui fait plus ou moins l'objet d'une reconstruction ''a posteriori'' après-guerre et amène la consécration de la notion de guerre-éclair, pas aussi précisément envisagée en 1940.|le blitzkrieg est il une intuition de hitler ? qu'est-ce que c'est que cette histoire de reconstruction a posteriori de désobéissance des généraux allemands pour la france, et en quoi cela correspond à une intuition d'hitler ?}}

La [[bataille de France|défaite rapide de la France]], en {{date-|juin 1940}}, est un véritable triomphe pour Hitler, qui est acclamé par une foule massive à son retour à Berlin en juillet. Cependant, cet éternel joueur de dés remet tout en jeu en agressant l'URSS le {{date-|22|juin|1941}}, décision à terme fatale.

La guerre radicalise son régime et lui fait prendre ses traits les plus meurtriers. De même que l'attaque de la Pologne donne le signal du [[Aktion T4|massacre des handicapés mentaux]] ou de la répression de masse contre les peuples slaves, c'est dans la [[Crimes de guerre nazis en Union soviétique|guerre d'extermination]] (''{{langue|de|Vernichtungskrieg}}'') planifiée contre les populations soviétiques que s'élabore notamment la {{citation|[[Shoah|Solution finale]]}}. Toute l'Europe occupée est livrée à la terreur et au pillage, à des degrés divers selon le sort que Hitler réserve à chaque {{citation|race}} et à chaque pays.

=== Succès et conquête d’une grande partie de l’Europe (1939-1940) ===
Son mépris total du [[droit international public|droit international]] a facilité la tâche à Hitler, tout comme son absence complète de scrupules et la passivité frileuse ou la naïveté de nombre de ses victimes. Ainsi, six de ces pays (Danemark, Norvège, Pays-Bas, Luxembourg, Belgique, Yougoslavie) sont des États [[neutres]], attaqués par surprise, sans même la formalité d’une déclaration de guerre. Hitler a souvent exprimé à ses proches son sentiment selon lequel les traités diplomatiques ou de non-agression qu’il signait au nom de l’Allemagne n’étaient, pour lui, que des papiers sans réelle valeur, uniquement destinés à endormir la méfiance adverse. Au [[procès de Nuremberg]], le Troisième Reich se verra reprocher la violation de {{nobr|34 traités}} internationaux.

De même, Hitler n’hésite pas à recourir à des méthodes de terreur pour faire plier l’ennemi. Il ordonne ainsi la destruction par les airs du centre de [[Rotterdam]] le {{date-|14|mai|1940}}, ou le bombardement de [[Belgrade]] (6-{{date-|9 avril 1941}}), en représailles à un putsch antihitlérien d’officiers serbes hostiles à l’adhésion à l’Axe. La [[Wehrmacht]] s’illustre aussi lors de sa progression par un certain nombre de [[crime de guerre|crimes de guerre]], ainsi le massacre de 1500 à {{nombre|3000|soldats}} noirs des troupes coloniales en France<ref>Raffael Scheck, [https://web.archive.org/web/20071012133701/http://www.histoforum.org/histobiblio/article.php3?id_article=473 ''Une saison noire. Le massacre des tirailleurs sénégalais mai-juin 1940''], {{lien brisé|consulté le=2017-08-05|url=http://www.histoforum.org}}</ref>, premières victimes dans ce pays du racisme hitlérien.

[[Autoformation|Autodidacte]] en matière militaire, Hitler juge que les généraux de la vieille école dominant la [[Wehrmacht]], souvent issus de l’aristocratie prussienne (généralement méprisée par les nazis qui se considèrent révolutionnaires), sont trop prudents et dépassés par les conceptions de la guerre moderne (le ''Blitzkrieg'' et la [[guerre psychologique]]). Les succès sont avant tous ceux de jeunes généraux talentueux tels [[Heinz Guderian]] ou [[Erwin Rommel]], qui savent faire preuve d’audace, d’initiative, et ont une conception de la guerre plus novatrice que leurs adversaires.

[[Fichier:Hitler and german-nazi officers staring at french marechal foch statue 21 June 1940.png|gauche|vignette|redresse=1.2|alt=Photo noir et blanc qui est, en fait, une capture d’écran du film de propagande de l’armée américaine de 1943, Divide and Conquer (Why We Fight #3), réalisé par Frank Capra et basé en partie sur des archives des actualités de l’époque. L’image est divisée en deux. L’arrière-plan, sombre, est une lisière de forêt devant laquelle, à peu près au centre, on distingue une statue du maréchal Foch debout en uniforme sur un haut piédestal. Le reste de la photo est une étendue claire de gravier. On y distingue, au centre, de dos, Adolf Hitler entouré de quelques hauts dignitaires nazis ; tous ont le regard fixé sur la statue du maréchal Foch.|Le {{date-|21 juin 1940}} à [[clairière de l'Armistice|Rethondes]], juste avant le début des négociations de l'armistice avec la France, Adolf Hitler (''de dos, main sur la hanche''), accompagné de ses principaux généraux et de hauts dignitaires nazis, contemple la statue du [[Ferdinand Foch|maréchal Foch]]. L’armistice est signé le lendemain en l’absence de Hitler.]]

Toutefois, Hitler fait preuve d'une certaine habileté et d'une audace stratégique. Il est ainsi persuadé que ni la France ni la Grande-Bretagne n'interviendront pendant que la Pologne sera envahie, évitant à l’Allemagne de combattre sur deux fronts, ce qui est effectivement le scénario de la [[drôle de guerre]]. Il est également en grande partie à l’origine du plan dit {{citation|[[Erich von Manstein|von Manstein]]}}, qui permet, en envahissant la Belgique et les Pays-Bas, de piéger les forces franco-britanniques projetées trop en avant et de les prendre à revers par [[Bataille des Ardennes|une percée dans les Ardennes]] dégarnies, pour isoler le meilleur des troupes adverses [[Bataille de Dunkerque|acculées à Dunkerque]] en [[mai 1940 (guerre mondiale)|mai]]-[[juin 1940 (guerre mondiale)|juin 1940]]. Cependant, le {{date-|24 mai}}, Hitler, redoutant qu'une avance trop rapide ne fournisse à l'ennemi l'occasion d'une improbable deuxième [[Bataille de la Marne (1914)|victoire de la Marne]], commet l'erreur d'ordonner à ses troupes de marquer un arrêt devant le port, d’où rembarquent alors {{unité|300000|soldats}} britanniques, ordre qualifié plus tard de {{citation|[[Bataille de Dunkerque|miracle de Dunkerque]]}}. Le {{date-|17|juin|1940}}, après la demande de l'armistice [[Wilhelm Keitel]] appelle Hitler {{citation|le plus grand général de tous les temps}} (''Größter Feldherr aller Zeiten''). Plus tard, à l'issue de la [[bataille de Stalingrad]], ses collègues utilisent l'acronyme ''Gröfaz'' en tournant Hitler en ridicule<ref>Cf. {{Ouvrage|langue=en|auteur1=Gordon A. Craig|titre=Germany|sous-titre=1866-1945|éditeur=Oxford University Press|collection=Oxford paperbacks|année=1981|pages totales=825|isbn=0192851012}}.<br>Édition allemande : {{Ouvrage|langue=de|auteur1=Gordon A. Craig|titre=Deutsche Geschichte|sous-titre=1866-1945 : vom Norddeutschen Bund bis zum Ende des Dritten Reiches|passage=628|lieu=München|éditeur=Verlag C. H. Beck|année=1981|pages totales=806|isbn=340607815X}}.<br>{{Ouvrage|langue=de|auteur1=Guido Knopp|auteur2=Mario Sporn|auteur3=Alexander Berkel|et al.=oui|titre=Die Wehrmacht|sous-titre=Eine Bilanz|passage=76|lieu=München|éditeur=C. Bertelsmann|année=2007|pages totales=351|isbn=3570009750}}.</ref>. Le {{date-|22 juin}}, dans la [[clairière de l'Armistice|clairière de Rethondes]], lors de l'[[armistice du 22 juin 1940|Armistice franco-allemand]] dont il a symboliquement exigé la signature dans la même clairière et le [[wagon de l'Armistice|même wagon]] qu'en 1918, Hitler exulte devant les caméras des actualités allemandes.

Avant l’invasion de la Russie un an plus tard, l’Allemagne hitlérienne domine donc l’Europe, ajoutant au printemps 1941 la [[Yougoslavie]] et la [[Grèce]] à son empire, envahies pour venir en aide à [[Benito Mussolini|Mussolini]], jaloux des succès de Hitler mais lui-même vite empêtré dans les Balkans. Avec ses succès militaires et la disparition de l’influence française en Europe centrale, la [[Slovaquie]], la [[Hongrie]], la [[Roumanie]] (dont les champs de pétrole sont une obsession continuelle pour Hitler durant la guerre) et la [[Bulgarie]], en adhérant au [[Axe Rome-Berlin-Tokyo|Pacte tripartite]], tombent dans l’orbite de l’Allemagne, mettant à sa disposition des bases pour de futures actions.

Entre {{date-|juin 1940}} et {{date-|juin 1941}}, le seul adversaire de l’Allemagne nazie reste le [[Royaume-Uni]], appuyé par le [[Commonwealth]]. Hitler est plutôt enclin à des relations cordiales avec les Britanniques, considérés comme racialement proches des Allemands. Il espère que le gouvernement britannique finira par négocier la paix et qu’il acceptera de se contenter de son empire colonial et maritime sans plus intervenir en Europe. Hitler compte sur l’action de la [[Luftwaffe]], puis les attaques des sous-marins contre les convois de marchandises ([[bataille de l'Atlantique (1939-1945)|bataille de l’Atlantique]]), pour faire plier le Royaume-Uni.

[[Fichier:Kriegsplakate 2 db.jpg|vignette|redresse=1.0|{{citation|Hitler ne préviendra pas : aie toujours ton [[masque à gaz]]}}. Affiche britannique pendant le ''Blitz''.|alt=Photo en couleurs d’une affiche publiée par le ministère de la Sécurité civile anglais pendant la Seconde Guerre mondiale. Sur un fond vert foncé, un rectangle de couleur blanc cassé et aux bords dentelés comme un timbre, présente, en son centre, en gros caractères rouges le message : « Hitler will send no warning ». Le message est suivi par la phrase en caractères noires : « so always carry your mask ». L’avertissement est illustré, en haut de l’affiche, par le dessin d'un masque à gaz tenu par deux mains.]]

Mais sur ce point, la détermination de [[Winston Churchill]], arrivé au pouvoir le {{date-|10 mai 1940}}, contraste avec les atermoiements de ses prédécesseurs. Refusant toute paix de compromis, galvanisant la population britannique, il contrarie les plans du Führer. Dès le {{date-|15 septembre 1940}}, la [[bataille d'Angleterre]] ({{date-|10 juillet}} au {{date-|31 octobre 1940}}) est virtuellement perdue pour l'Allemagne, l’héroïsme des pilotes de la {{langue|en|[[Royal Air Force]]}} ayant fait échec aux rodomontades de [[Hermann Göring|Göring]], maître de la [[Luftwaffe]], dont la semi-disgrâce auprès du Führer commence. La bataille aérienne a pris fin comme un [[Pat (échecs)|''pat'']] militaire, mais elle est une défaite politique et stratégique pour Hitler, qui n'a pas réussi, pour la première fois, à imposer sa volonté à un pays<ref>{{Ouvrage|langue=de|titre=Zweite Weltkrieg|sous-titre=Ursachen, Ausbruch, Verlauf, Folgen|auteur1=Alexander Lüdeke|lieu=Berlin|année=2007|mois=mars|passage=69|pages totales=320|éditeur=Parragon |isbn=140548585X}}.</ref>.

Furieux, Hitler ajourne dès le {{date-|12 septembre}} l’[[opération Seelöwe|opération ''{{langue|en|Seelöwe}}'']] {{incise|son plan de débarquement en Angleterre, au demeurant improvisé trop tardivement à l’été 1940, et irréalisable tant que le Royaume-Uni a encore sa flotte navale et aérienne|stop}}. Il déchaîne alors les bombardements destinés à terroriser les populations civiles britanniques : le ''Blitz'' s’abat chaque jour outre-Manche, en particulier sur [[Coventry]], rasée par l’aviation allemande le {{date-|26|novembre|1940}}, ou sur la vieille [[Cité de Londres|City de Londres]], incendiée notamment dans les nuits de {{date-|décembre 1940}} et celle du 10 au {{date-|11 mai 1941}}. Mais la détermination populaire britannique reste intacte.

En 1942, en représailles aux premiers grands raids britanniques sur les cités allemandes, Hitler ordonne encore de détruire une à une les villes d’art britanniques par les airs (les {{Citation|raids Baedeker}}, du nom d’un guide touristique célèbre), de même qu’il déchaînera en 1944 les missiles [[V1 (missile)|V1]] et [[V2 (missile)|V2]] sur l’Angleterre, sans plus de succès.

Par ailleurs, la [[guerre sous-marine à outrance]] rapproche le Royaume-Uni des États-Unis, soucieux de la liberté de commerce et de navigation. Hitler commence à considérer que la guerre avec l’Amérique, {{citation|foyer du capitalisme juif}} à ses yeux, devient inéluctable. Au printemps 1940, l'Allemagne se trouve dans une situation de guerre critique et a un choix à faire : attaquer la Grande-Bretagne ou trouver un accord avec celle-ci. Cependant, Halifax ne semble pas prêt à négocier et l'annonce publiquement dans un discours radiodiffusé. À la suite de la décision de l'Angleterre de continuer la guerre, Hitler se retrouve face à deux possibilités : {{citation|infliger une défaite militaire à la Grande Bretagne ou la forcer à reconnaître la suprématie allemande sur le continent en écrasant l'Union soviétique dans une défaite rapide.}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Ian Kershaw|titre=Choix fatidiques|passage=94|éditeur=Edition du Seuil|année=2012}}.</ref> Hitler envisage alors d'attaquer l'Union soviétique afin de garder sa position de force en éliminant le principal grand allié possible de la Grande-Bretagne. De plus, la destruction de la Russie permettrait à l'Allemagne d'étendre son territoire et ainsi de renforcer sa puissance{{sfn|Kershaw|2012|p=98}}. La volonté de Hitler n'est pas uniquement territoriale, mais également idéologique, la Russie étant signe de la domination juive. {{citation|Autrement dit, l'espace vital en Russie serait synonyme de destruction de la puissance juive{{sfn|Kershaw|2012|p=99}}.}} Cependant, la décision d'attaquer l'Union soviétique au printemps suivant n'est pas aussi évidente que prévu en raison des désaccords au sein de la direction des forces armées. Effectivement, les avis divergent, le commandant en chef de l'Armée de terre, le feld-maréchal Werner Brauchitsch et le chef de l'état-major général de l'Armée de terre, le colonel-général Halder, déclarent qu'il est préférable d'entretenir de bonnes relations avec la Russie. Ils focalisent ainsi leurs efforts militaires sur la possibilité d'attaquer les positions britanniques en Méditerranée. En réaction, [[Erich Raeder|Raeder]], commandant en chef de la Marine allemande, décide de mettre en place une stratégie méditerranéenne dans le but d'y remplacer la puissance britannique. {{pas clair|Cette stratégie échoue principalement à cause de la taille trop restreinte de la flotte allemande, en particulier si la guerre devenait mondiale avec l'entrée en guerre des États-Unis}}. Malgré le manque de soutien, Hitler reste sur sa position d'attaquer l'Union soviétique mais décide avant cela de mettre en place {{citation|la stratégie périphérique}}{{sfn|Kershaw|2012|p=123}} qui consiste à cibler les possessions britanniques à Gibraltar et au Moyen-Orient, notamment par crainte de l'entrée en guerre de l'Amérique aux côtés de l'Angleterre. Cette stratégie vise {{pas clair|à faire sortir la Grande-Bretagne de la guerre}} afin de pouvoir se concentrer, par la suite, uniquement sur l'Union soviétique. La prise de Gibraltar est également sérieusement envisagée par Hitler, celle-ci lui permettant d'obliger la Grande-Bretagne à quitter la Méditerranée afin que l'Axe soit entièrement en sa possession. La domination de la Méditerranée était effectivement d'une grande importance dans la continuation de la guerre mais cette stratégie ne marchera pas, en partie en raison du refus de l'Espagne d'entrer en guerre. La prise de Gibraltar reste malgré tout réalisable mais engendrerait un coût militaire et politique trop élevé. En {{date-|janvier 1941}}, Hitler se heurte à des conditions politiques défavorables{{sfn|Kershaw|2012|p=137}}. Effectivement, ne pouvant satisfaire à la fois l'Espagne, la France et l'Italie, il se retrouve sans alliés et décide de ne plus s'en prendre frontalement à la Grande-Bretagne. Aucun des plans présentés à la fin de l'été et à l'automne ne sera mis en œuvre, étant considérés comme trop risqués au vu de la situation de l'Allemagne. Hitler prend donc la décision de renoncer à cette attaque pour se tourner vers l'assaut contre l'URSS, dont il pense sortir victorieux.

Le déclenchement du second conflit mondial inaugure un processus de décapitalisation de Berlin, la capitale du Reich : la volonté de Hitler d'être au plus près des opérations militaires, accompagné de son état-major, en est la cause. Mais cet état de fait est nuancé par le décret du {{date-|30 août 1939}}, qui met en place un conseil ministériel de défense du Reich, organisé autour de [[Hermann Göring|Göring]] et conçu comme un organe de décision collégiale, ce qui n'a pas été le cas par la suite, laissant dans les faits l'autorité de décision aux responsables administratifs du Reich<ref name="O1310X">{{Harvsp|Martin Broszat|1985|p=447|id=broszat1985}}.</ref>. Après la disparition de [[Rudolf Hess]], la place qu'il occupait est progressivement occupée par Martin Bormann, qui s'appuie sur une hypothétique volonté du Führer<ref name="5IMICT">{{Harvsp|Martin Broszat|1985|p=449|id=broszat1985}}.</ref>. Au cours du conflit, il est de plus en plus difficile pour les ministres d'avoir accès direct au chancelier<ref name="5IMICT"/>. En effet, au fil du conflit, avec un Führer de plus en plus éloigné de la gestion quotidienne de l’État, se raréfient les canaux d'accès au chancelier : les nombreuses chancelleries créées en temps de paix en 1933-1934 doivent compter avec l'équipe des aides de camp du Führer, qui contrôle l'emploi du temps de Hitler<ref>{{Harvsp|Martin Broszat|1985|p=457|id=broszat1985}}.</ref>. ''In fine'', ces chancelleries, par ailleurs en lutte féroce les unes contre les autres, forment un écran efficace entre le chancelier du Reich et certains de ses ministres, écran dont Bormann fait un instrument de pouvoir personnel très efficace<ref>{{Harvsp|Martin Broszat|1985|p=459-461|id=broszat1985}}.</ref>.

Surpris à la fois par la déclaration de guerre de la Grande-Bretagne et de la France, ainsi que par la rapidité de la défaite polonaise<ref name="TD9MKW">{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=61|id=masson2005}}.</ref>, Hitler défend cependant l'idée, contre son état-major, qu'il n'y aura pas d'offensive alliée majeure sur le front de l'Ouest<ref name="TD9MKW" /> ; les faits lui ayant donné raison, il propose un rapide transfert des unités engagées contre la Pologne vers l'ouest en vue d'une offensive rapide, à la fois contre la France, mais aussi contre les Pays-Bas et la Belgique, pour s'emparer des ports belges et hollandais, malgré les réserves de ses officiers, réserves réactivant les réseaux conservateurs acteurs de la conjuration de 1938<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=62|id=masson2005}}.</ref>. De plus, rendu furieux par les événements de l'automne et de l'hiver (explosion d'une bombe lors d'une apparition publique de Hitler le {{date-|8 novembre 1939}}, capture par les Alliés d'officiers ayant sur eux les plans de l'offensive prévue, report en raison de conditions météorologiques peu propices<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=65-66|id=masson2005}}.</ref>), Hitler prête l'oreille, sur les conseils d'un de ses aides de camp et malgré les réserves de [[Franz Halder]] et de son état-major, au plan élaboré en commun par [[Erich von Manstein]] et [[Heinz Guderian]], car il rencontre chez ces officiers la traduction opérationnelle de son idée de franchissement de la Meuse par surprise<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=68-71|id=masson2005}}.</ref>. De même, il se montre sensible, après avoir reçu des renseignements d'un ancien ministre norvégien, chef d'un parti nationaliste alors de médiocre importance, [[Vidkun Quisling|Quisling]], aux conceptions développées par le Grand Amiral [[Erich Raeder|Raeder]], qui préconise, inspiré par un ''[[kriegsspiel]]'' joué dans les années 1920, l'invasion de la [[Scandinavie]]<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=77|id=masson2005}}.</ref> ; celle-ci, menée partiellement (la Suède n'est pas attaquée, contrairement au Danemark et à la Norvège) et à l'encontre des principes de la guerre navale, ce qui plait à Hitler, se révèle un franc succès, malgré des pertes navales importantes<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=79|id=masson2005}}.</ref>.

Non content de participer à l'élaboration des plans de l'offensive prévue au printemps 1940, Hitler s'implique également dans la guerre psychologique menée contre les Alliés : il coordonne les actions de harcèlement des postes défensifs français, il élabore, avec les services du ministère de la propagande, les tracts largués sur les positions alliées et ordonne la diffusion régulière d'émissions, préparées par la radio allemande, à destination des positions françaises : Hitler est ainsi à l'origine de l'idée, diffusée auprès des soldats français, {{pas clair|que l'attaque allemande n'a pas lieu uniquement dans le but de chercher une solution politique au conflit}}, ce qui participe au fléchissement du moral des troupes françaises et renforce les rancœurs de ces dernières à l'égard du corps expéditionnaire britannique<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=74-76|id=masson2005}}.</ref>.

=== Erreurs et premiers échecs (1941) ===
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 101I-808-1238-05, Berlin, Reichstagssitzung, Rede Adolf Hitler.jpg|gauche|vignette|Discours d'Adolf Hitler au [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]], en {{date-|avril 1941}}.|alt=Photo noir et blanc prise le 4 mai 1941, à l’intérieur du Reichstag. Au centre de la photo, Adolf Hitler, debout, mains appuyées de part et d’autre d’un pupitre noir supportant 4 micros, prononce un discours. Il porte une cravate noire, une chemise blanche et une veste croisée sombre. Deux officiers sont assis à ses côtés. L’arrière-plan est constitué de trois panneaux de couleur claire.]]
Hitler s’avère aussi et surtout être un commandant en chef brouillon et imprévisible, dédaigneux de l’opinion de son état-major. Il peut compter sur la très grande servilité de celui-ci, et en premier lieu du chef de l’''[[Oberkommando der Wehrmacht]]'' (OKW, haut commandement des forces armées), [[Wilhelm Keitel]]. Chez Hitler, un manque fréquent de réalisme se double souvent d’impairs stratégiques. En outre, le Führer est inconscient de bien des problèmes du front. Comme Adolf Hitler accueille très mal les mauvaises nouvelles et tout ce qui ne correspond pas à ses plans, ses subordonnés hésitent à lui transmettre certaines informations.

Dès les premiers mois de l'offensive à l'Est, passé l'euphorie des premiers succès, Hitler se montre réservé, en privé, sur les chances de succès rapide dans la guerre contre l'Union soviétique : ainsi, en {{date-|août 1941}}, devant Guderian et d'autres généraux, il évoque l'échec de la première phase de la campagne, puis, lors d'une visite de Mussolini à [[Kętrzyn|Rastenburg]], à la fin du mois, il assume la responsabilité de la situation<ref name="XY836C">{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=150-151|id=masson2005}}.</ref>. Au cours des conférences qui suivent, il se montre partisan de la conquête de l'Ukraine et de ses ressources<ref name="XY836C" />contre l'avis de Guderian, Halder et Brauchitsch, qui mettent aussi en avant le caractère stratégique que constituerait la prise de [[Moscou]], un nœud ferroviaire entre les deux parties du front. Si la conquête de l'Ukraine constitue un grand succès militaire, ce n'en reste pas moins une défaite contre le temps, qui est appelé à faire défaut lorsque la prise de Moscou devient la priorité<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=153|id=masson2005}}.</ref>.

Sa première grave erreur a été d’ouvrir un deuxième front, en envahissant l’immense [[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]] sans avoir terminé la guerre contre le [[Royaume-Uni]]. Toujours persuadé d’avoir une tâche monumentale qu’il aura du mal à réaliser en une seule vie, il souhaite attaquer l’URSS, principal réservoir d'{{citation|[[espace vital]]}} et ennemi principal doctrinal, dans des délais rapides. À partir de {{date-|décembre 1940}}, il planifie une [[Crimes de guerre nazis en Union soviétique|guerre d'extermination terroriste à l'Est]] : il ne s'agit pas seulement de détruire le bolchevisme, mais au-delà, comme déjà en Pologne asservie, de détruire l'État, de réduire les populations civiles à l'état d'esclaves et de sous-hommes, de vider par les massacres et les déportations les territoires conquis de leurs Juifs et de leurs Tsiganes, afin de laisser la place à des colons allemands. Selon Peter Padfield, le {{date-|10 mai 1941}}, Hitler a envoyé [[Rudolf Hess]], le « successeur désigné » du Führer, en Grande-Bretagne avec un traité de paix détaillé, en vertu duquel les Allemands se retireraient de l'Europe de l'Ouest, en échange de la neutralité britannique sur l'attaque imminente sur l'URSS<ref>{{en}} [https://www.telegraph.co.uk/history/10336126/Nazis-offered-to-leave-western-Europe-in-exchange-for-free-hand-to-attack-USSR.html ''Nazis offered to leave western Europe in exchange for free hand to attack USSR''], ''The Telegraph'', le {{date-|26|septembre|2013}}, {{consulté le|24/02/2015}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} [https://www.telegraph.co.uk/culture/books/historybookreviews/10353975/Hess-Hitler-and-Churchill-by-Peter-Padfield-review.html ''Hess, Hitler & Churchill by Peter Padfield, review''], ''The Telegraph'', {{date-|4|octobre|2013}}, {{consulté le|24/02/2015}}.</ref>.

Au lancement de l’[[opération Barbarossa]] contre l’[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]] en {{date-|juin 1941}}, Hitler, considérant que l’[[Armée rouge]] s’écroulera rapidement, envisage d’atteindre avant la fin de l’année une ligne [[Arkhangelsk]]-[[Astrakhan]]. Il interdit à ses troupes d'emporter du matériel d'hiver.

Il divise son armée en trois groupes : le [[groupe d'armées Nord]] (GAN) ayant pour objectif [[Saint-Pétersbourg|Leningrad]], le [[Groupe d'armées Centre|groupe d’armées Centre]] (GAC) ayant pour objectif [[Moscou]], et le [[Groupe d'armées Sud]] (GAS) ayant pour objectif l’[[Ukraine]]. À ce dispositif s’ajoutent les alliés finlandais au Nord, hongrois, roumains et italiens au Sud, ces derniers étant considérés comme peu fiables par Hitler et son état-major.
En {{date-|août 1941}}, Hitler donne la priorité à la conquête de l’Ukraine, objectif économique primordial avec ses terres céréalières et ses mines, par le GAS, mais aussi objectif stratégique, car une très grosse part de l'Armée rouge est concentrée autour de Kiev : marcher directement sur Moscou avant d'avoir détruit ces réserves, comme le voudraient de nombreux généraux allemands, exposerait dangereusement le flanc de la Wehrmacht aux yeux de Hitler. Ce faisant, le Führer oblige le GAC à stopper, alors qu’il était parvenu à {{unité|300|kilomètres}} de Moscou. L’offensive sur ce secteur reprend en octobre, mais ce contretemps fait intervenir un adversaire redoutable : l’hiver russe.

[[Fichier:Soviet soldiers mass grave, German war prisoners concentration camp in Deblin, German-occupied Poland.jpg|vignette|[[Fosse commune]] de quelques-uns des {{unité|3,5|millions}} de prisonniers de guerre soviétiques exterminés par les nazis.|alt=Photo noir et blanc prise à Deblin (Pologne), dans un camp allemand de prisonniers soviétiques. Le long du mur du camp, s’étendant de gauche à droite en haut de la photo, une tranchée expose des ossements humains.]]

Hitler a négligé ce facteur autant qu’il a sous-estimé, par haine des Slaves et du communisme, la qualité et la combativité des {{citation|sous-hommes}} soviétiques. Son racisme lui fait aussi interdire formellement à l'armée d'invasion de se chercher des alliés parmi les nationalistes locaux et les ennemis du régime stalinien.

Au contraire, les déchaînements de cruautés contre les civils et la mise en œuvre des crimes de masse prémédités aliènent très vite à Hitler les populations soviétiques, rejetées dans les bras d'un [[Joseph Staline|Staline]] qui sait proclamer l'union sacrée. L’arrivée de troupes fraîches de Sibérie permet de dégager Moscou et de faire reculer des Allemands mal préparés aux dures conditions climatiques. La [[Wehrmacht]] a alors perdu {{unité|700000|hommes}} (tués, blessés, prisonniers), soit un quart de son effectif sur ce front.

Le {{date-|19 décembre 1941}}, alors que la retraite menace de se transformer en débâcle incontrôlable comme celle qui avait fait disparaître la [[Grande Armée]] napoléonienne en [[1812]], Hitler prend directement le commandement de la [[Wehrmacht]] sur le front russe, évinçant le général [[Walther von Brauchitsch|von Brauchitsch]] ainsi que [[Heinz Guderian|Guderian]], [[Fedor von Bock|von Bock]] et [[Gerd von Rundstedt|von Rundstedt]]. Il interdit catégoriquement toute retraite, tout repli même stratégique, allant jusqu'à faire condamner à mort des officiers et des généraux qui en effectuent en lui désobéissant. Les ordres draconiens du Führer parviennent de fait à stabiliser le front à quelque {{unité|150|km}} de Moscou, au prix de terribles souffrances des soldats.

Désormais, la [[Blitzkrieg|guerre-éclair]] a fait son temps et Hitler a perdu tout espoir d'une guerre courte. De surcroît, c'est au même moment qu'il déclare la guerre aux [[États-Unis]], le {{date-|11|décembre|1941}}, peu après l'attaque de [[Pearl Harbor]] le 7, dont ses alliés japonais ne l'avaient même pas prévenu, et sans bénéfice aucun pour le Reich, puisque l'empire du Japon ne déclare nullement la guerre à l'URSS. Le Führer a fait donc inconsidérément entrer en lice le plus grand potentiel économique du monde, hors d'atteinte de ses Panzer et de ses bombardiers.

Hitler est désormais le maître absolu de l'armée et des opérations (même [[Joseph Staline|Staline]] laisse après 1942 la bride sur le cou à ses généraux, tandis que [[Winston Churchill|Churchill]], [[Franklin Delano Roosevelt|Roosevelt]] et [[Charles de Gaulle|de Gaulle]] ne prennent guère que des décisions politiques). Si l'échec frustrant devant Moscou radicalise encore ses projets meurtriers (sa décision d'[[Shoah|exterminer tous les Juifs d'Europe]] est prise au moment du ralentissement de l'avancée en Russie<ref>En septembre 1941, Heydrich confirme lors d'un entretien avec Eichmann que {{Citation|le Führer a ordonné l'extermination physique des Juifs}} {{incise|{{Ouvrage|titre=La Destruction des Juifs d'Europe|auteur1=Raul Hilberg|traducteur=Marie-France de Paloméra, André Charpentier et Pierre-Emmanuel Dauzat|langue originale=en|titre original=The destruction of the European jews|lieu=Paris|tome=2|éditeur=Gallimard|année=2006|passage=726|pages totales=1593|collection=L'Air du temps|isbn=2070309843}}|stop}}.</ref>), Hitler dispose encore de forces armées redoutables et reste pour l'heure le maître tout-puissant de l'Europe conquise, des portes de Moscou à l'Atlantique.

=== Exploitation et terreur sur l'Europe ===
{{Article détaillé|Europe sous domination nazie}}

[[Fichier:Ordre d'Adolf Hitler de piller les archives et les bibliothèques des juifs-F-17-17977-Archives-nationales-France.jpg|vignette|Ordre d'Adolf Hitler de piller les archives et les bibliothèques des Juifs (traduction française conservée aux [[Archives nationales (France)|Archives nationales françaises]]).]]

L'{{citation|Ordre Nouveau}} promis par la propagande nazie n'a jamais signifié pour Hitler que la domination absolue et l'exploitation systématique de son {{citation|[[espace vital]]}} par la {{citation|race des Seigneurs}}.

Partout les économies locales sont donc placées sous tutelle, au profit exclusif du Troisième Reich et de son effort de guerre. Des tributs financiers exorbitants sont exigés des vaincus, les matières premières drainées en Allemagne ainsi que les produits agricoles et industriels (sans oublier les œuvres d'art, dont des trains entiers sont raflées par [[Hermann Göring|Göring]] et [[Alfred Rosenberg|Rosenberg]]). Le pillage de l'[[Europe sous domination nazie|Europe occupée]] est d'autant plus radical que Hitler tient absolument à maintenir un haut niveau de vie à la population allemande même en pleine guerre, pour éviter que ne se reproduise la révolte de novembre 1918.

Le {{date-|21|mars|1942}}, pour pallier la pénurie de main-d'œuvre causée par la mobilisation massive des Allemands sur le front de l'Est, Hitler nomme le gauleiter [[Fritz Sauckel]] plénipotentiaire au recrutement des travailleurs. Placé sous l'autorité directe du seul Führer, Sauckel parvient, à force de chasses à l'homme et de rafles massives à l'Est, et en usant à l'Ouest davantage d'intimidations et de mesures coercitives (conscription du travail et [[Service du travail obligatoire (France)|STO]]), à amener en deux ans plus de 8 millions de travailleurs forcés sur le territoire du Grand Reich. Parmi eux, les travailleurs polonais et soviétiques (''Ostarbeiter'') ont été soumis à un traitement brutal et extrêmement discriminatoire, leur laissant à peine le minimum vital pour subsister<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Hitler's Foreign Workers|sous-titre=Enforced Foreign Labor in Germany under the Third Reich |auteur1 = [[Ulrich Herbert]] |année=1997|mois=mars|éditeur=Cambridge University Press|lieu=New York|pages totales=529|isbn=0521470005}}.</ref>.

Parallèlement, le {{date-|8|février|1942}}, Hitler a chargé son confident et architecte préféré, le jeune technocrate [[Albert Speer]], de réorganiser l'économie de guerre du Reich. En ce début d'année 1942, l'économie allemande n'est pas entièrement consacrée à la production de guerre. En centralisant la gestion de la production de guerre dans son ministère, le tout nouveau ministre de l'armement obtient rapidement des résultats{{note|groupe=n|Speer était tellement efficace au poste de ministre de l'Armement qu’à la fin de l'année 1943, il était largement considéré dans l'élite nazie comme un possible successeur à Hitler<ref>{{ouvrage|auteur1=Gitta Sereny|année=1995|mois=septembre|jour=19|langue=en|lieu=New York|titre=Albert Speer: His Battle With Truth|pages totales=757|éditeur=Alfred A. Knopf|isbn2=0394529154|isbn=9780394529158}}.</ref>.}} permettant à l'économie allemande de soutenir l'effort de guerre. Mais il met longtemps à vaincre les réticences de Hitler à proclamer la [[guerre totale]] voulue par [[Joseph Goebbels|Goebbels]], le Führer ne voulant pas imposer aux Allemands des sacrifices susceptibles de nuire à son image et de les pousser à la révolte.

[[Heinrich Himmler |Himmler]] de son côté exploite jusqu'à la mort la main-d'œuvre forcée des [[Camps de concentration nazis|camps de concentration]], dont le taux de mortalité explose à partir de début 1942. Le {{date-|9 décembre 1941}}, Hitler a pris personnellement le décret ''[[Nuit et brouillard|Nacht und Nebel]]'', cosigné par [[Wilhelm Keitel|Keitel]], qui prévoit de faire littéralement disparaître les résistants déportés {{citation|dans la nuit et le brouillard}} (expression empruntée par le Führer à un opéra de Wagner). Au sein du système concentrationnaire nazi, ce sont donc les détenus de toute l'Europe classés {{citation|NN}} qui connaîtront les pires traitements et le taux de mortalité le plus important<ref>[http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/en/nn-deportees-sentenced-vanish ''{{Langue|en|NN – Deportees sentenced to vanish}}''], {{lien brisé|consulté le=2017-08-05|url=http://www.cheminsdememoire.gouv.fr}}  {{consulté le|04/03/2015}}.</ref>.

La domination nazie réintroduit largement en Europe des pratiques disparues depuis le {{s-|XVIII}} : [[torture]], prise d'otages, réduction des populations en esclavage, destruction de villages entiers deviennent des pratiques banales qui signent la brève hégémonie de Hitler.

On peut y ajouter l'enrôlement forcé dans les troupes allemandes des [[Malgré-nous|Malgré-Nous]] alsacien-mosellans ou polonais, dont les territoires annexés sont soumis à une intense [[germanisation]] forcée, ou l'enlèvement aux mêmes fins de germanisation de centaines de milliers d'enfants européens aux traits {{citation|aryens}}, confiés aux [[Lebensborn]] que supervise [[Martin Bormann]], secrétaire du Führer.
Hitler a ainsi personnellement fixé le taux de {{unité|100|[[otage]]s}} à fusiller par soldat allemand tué<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur1=[[Eberhard Jäckel]]|titre=Frankreich in Hitlers Europa|sous-titre=Die deutsche Frankreichpolitik im Zweiten Weltkrieg|lieu=München|éditeur=Deutsche Verlags-Anstalt (DVA)|année=1966|pages totales=396|oclc=489900707}}.<br>Version en français : {{Ouvrage|auteur1=[[Eberhard Jäckel]]|traducteur=Denise Meunier|langue originale=de|préface=[[Alfred Grosser]]|titre=La France dans l'Europe de Hitler|titre original=Frankreich in Hitlers Europa|passage=273|lieu=Paris|éditeur=Éditions Fayard|collection=Les grandes études contemporaines|année=1968|pages totales=554|oclc=301471908}}.</ref>. Strictement appliquées à l'Est, faisant des victimes par dizaines de milliers, ces représailles massives sur les civils sont plus modérées à l'Ouest, où le racisme hitlérien ne méprise pas autant les populations, et où il faut tenir compte du plus haut niveau de développement et d'organisation des sociétés. Elles n'en sont pas moins appliquées.

Aussi, après une série d'attentats inaugurée par le coup de feu du [[Pierre Georges|colonel Fabien]] contre un officier allemand en plein Paris, Hitler ordonne personnellement l'exécution d'un certain nombre d'otages, qui seront fusillés notamment au [[camp de Choisel|camp de Châteaubriant]]. En {{date-|mars 1944}}, lorsque la Résistance italienne tue 35 soldats allemands dans Rome occupée, Hitler exige que cent otages soient fusillés pour chaque tué : le maréchal [[Albert Kesselring|Kesselring]] réduit le taux au demeurant irréaliste à dix pour un, et ce sont tout de même 355 Italiens qui périssent aux [[Massacre des Fosses ardéatines|Fosses Ardéatines]].
Le {{date-|10 juin 1942}}, à la suite de l'exécution de son fidèle [[Reinhard Heydrich|Heydrich]] par la résistance tchèque, Hitler ordonne la [[Massacre de Lidice|destruction totale du village de Lidice]].

=== Des revers à la débâcle (1942-1944) ===
Au fil de l'évolution du conflit, la place grandissante dans la gestion au quotidien de la guerre affecte Hitler de diverses manières, physiquement et psychologiquement. De plus, il intervient aussi bien dans le domaine militaire que technique et industriel, marquant de sa patte des choix dont certains se révèlent désastreux. Dans le même temps, le processus de décapitalisation de Berlin, initié dès le déclenchement du conflit, s'accentue au fil des déménagements des [[Quartier général du Führer|QG de campagne du Führer et chancelier]]<ref name="O1310X"/>.

Ainsi, l'état physique du commandant en chef, atteint d'une maladie mal diagnostiquée, décline rapidement. [[Heinz Guderian|Guderian]], en {{date-||février|1943}}<ref name="BL95NS">{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=200-201|id=masson2005}}.</ref>, et [[Friedrich Hossbach|Hossbach]], convoqué le {{date-|19 juillet 1944}} à [[Kętrzyn|Rastenburg]] pour se voir confier le commandement de la [[4e armée (Allemagne)|{{4e}} armée]]<ref name="B79UN8">{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=53|id=kershaw2012_1}}.</ref>, découvrent un homme prématurément vieilli, fatigué par ses insomnies à répétition, atteint d'un tremblement au bras gauche, au teint blême et au regard vague. Outre son état de fatigue générale, il est mal soigné par son médecin, le {{Dr}} [[Theodor Morell]]<ref name="BL95NS"/>. Du fait de ses insomnies, il adopte au fil du conflit un rythme de vie totalement décalé : le petit déjeuner est pris en fin de matinée, et le déjeuner en début de soirée, et le thé est servi à ses invités et à ses proches collaborateurs tard dans la soirée<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=202|id=masson2005}}.</ref>.

La résistance soviétique transformant le conflit en guerre d'usure, Hitler assigne désormais à chacune des opérations sur le front de l'Est une dimension stratégique de conquête de lieux de production stratégiques : le bassin industriel du Donetz, les pétroles du Caucase<ref name="1W6LHN">{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=272|id=baechler2012}}.</ref>.

À partir du lancement de l'[[opération Fall Blau]], Hitler se querelle sans cesse avec son chef d'état-major, [[Franz Halder|Halder]], soutenu par [[Alfred Jodl]]. À la base de ces querelles, Halder et Hitler ont deux approches de la campagne de 1942 : Halder, en militaire, développe une approche qui trahit la préférence obsessionnelle des officiers allemands pour les questions tactiques<ref>{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=271-272|id=baechler2012}}.</ref> ; Hitler se place dans un projet stratégique général : il souhaite donner au Reich les moyens d'une guerre longue face aux Anglo-Saxons<ref>{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=224-225 et 271-272|id=baechler2012}}.</ref>. Cependant, Hitler, obnubilé par la conquête de l'[[Lebensraum|espace vital]], ne tire pas forcément de ses conceptions stratégiques les conclusions qui découlent de ses analyses stratégiques<ref name="1W6LHN"/>.

Rapidement, il prend conscience de l'impasse militaire générée par ses choix et commence à se désintéresser de la situation militaire sur le terrain. Hitler devient ainsi de plus en plus méfiant à l'égard de ses généraux, limoge [[Wilhelm List (officier allemand)|List]] et Halder durant le mois de [[Septembre 1942 (guerre mondiale)|septembre]], remplace Halder par Zeitzler, peu expérimenté<ref name="L3ZRXT">{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=226|id=baechler2012}}.</ref>, tout en donnant dans les directives édictées, non seulement des consignes impossibles à tenir, mais aussi un luxe de détails<ref name="L3ZRXT"/>. Il balaie ainsi les objections de [[Kurt Zeitzler|Zeitzler]] sur les difficultés d'approvisionnement d'armées engagées à plus de {{unité|2000|km}} de leurs bases<ref name="B716RP">{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=227|id=baechler2012}}.</ref>, insiste sur le caractère symbolique de la prise de [[Volgograd|Stalingrad]] qu'il conçoit comme la base de départ de l'offensive de l'été suivant<ref name="B716RP"/> (il ne peut alors y renoncer, sous peine de perdre son prestige et d'écorcher durablement le mythe d'invincibilité du Führer<ref name="B716RP"/>).

Mais la défaite l'oblige à mettre en place une stratégie défensive, fortement inspirée de son expérience du front durant la Grande Guerre, causant des pertes probablement supérieures à ce qu'elles auraient dû être si un autre système de défense avait été adopté<ref name="1W6LHN"/>.

De plus, Hitler perd fréquemment le contrôle de ses nerfs en présence de ses principaux officiers, même s'il ne s'est jamais roulé par terre, comme l'affirme la légende<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=226|id=masson2005}}.</ref> : [[Franz Halder|Halder]], Zeitzler, [[Heinz Guderian|Guderian]], par exemple : ce dernier, après son retour en grâce, s'oppose régulièrement à Hitler lors de scènes très violentes<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=274|id=masson2005}}.</ref> ; de plus, il s'isole au sein même des équipes qui l'entourent à l'état-major, ne prend plus ses repas avec ses principaux collaborateurs et n'assiste plus régulièrement aux briefings<ref name="WB6FOE">{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=199|id=masson2005}}.</ref>.

Malgré ses déconvenues, Hitler continue d'exercer une forte influence sur ses généraux, entre autres par sa capacité à analyser en termes politiques un certain nombre d’événements ayant des implications militaires, analyses que les militaires ne sont pas en mesure de formuler. C'est cette analyse politique qui constitue le socle de l'admiration de nombreux militaires, même dans les moments les plus critiques<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=226-228|id=masson2005}}.</ref>, et malgré le fait, que, jusqu’à une date avancée d'[[Avril 1945 (guerre mondiale)|avril 1945]], Hitler continue d'ordonner perpétuellement à ses troupes, sur quelque front que ce soit, de ne pas reculer, en dépit des rapports de force largement en faveur de ses adversaires, ou des conditions de combat sur le terrain<ref name="BIC4G4">{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=281|id=masson2005}}.</ref>. En 1944, il est devenu impossible aux officiers allemands de remettre en cause les analyses de Hitler, y compris en avançant des arguments raisonnés<ref name="B79UN8"/>; cette impossibilité crée les conditions d'un divorce entre Hitler, arcbouté sur ses ordres de ne pas céder un pouce de terrain, et les états-majors, dont les recommandations sont en général ignorées par ce dernier<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=55|id=kershaw2012_1}}.</ref> : se développe ainsi dans les organes de commandement militaire du Reich le sentiment de l'incapacité de Hitler non seulement à mener le Reich, sinon vers la victoire, du moins vers la sortie du conflit<ref name="4NIDKF">{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=56|id=kershaw2012_1}}.</ref>, mais aussi à définir des objectifs stratégiques dans la conduite de la guerre<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=54|id=kershaw2012_1}}.</ref>. Cette défiance d'une partie du commandement à l'égard de Hitler, secret de polichinelle selon un conjuré du complot du {{date-|20 juillet 1944}}, [[Günther Smend]], lors de ses aveux, crée les conditions de la préparation et de l'exécution d'un putsch militaire contre Hitler et la direction nazie<ref name="4NIDKF"/>.

En outre, plus le conflit avance vers sa fin, plus les ordres donnés sont irréalisables sur le terrain, ce qu’il ne constate jamais sur place : les dernières consignes militaires de dégagement de Berlin par quatre armées squelettiques ou dotées de moyens sans commune mesure avec l'objectif affiché constituent le dernier exemple chronologique de cette tendance<ref name="BIC4G4"/>.

Les premières défaites l'obsèdent, Stalingrad en premier<ref name="WB6FOE"/>. Dans [[Bataille de Stalingrad|Stalingrad]] investie par les troupes de l'[[Axe Rome-Berlin-Tokyo|Axe]], les opérations deviennent pendant des mois un enjeu symbolique, théâtre d'un duel direct entre lui et [[Joseph Staline]]. Depuis [[Vinnytsia]], d'où il supervise personnellement les opérations<ref name="TOJTOX">{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=225|id=baechler2012}}.</ref>, il s'oppose durant tout l'automne à tout retrait de la ville, déjà partiellement investie, contre l'avis de ses généraux<ref name="TOJTOX"/>. Il interdit formellement de faire autre chose que de résister sur place. Après une bataille urbaine acharnée, la [[7e armée (Allemagne)|{{VIe}} Armée]], encerclée dans la ville, se rend. La veille, [[Friedrich Paulus]], son général, était élevé au grade ultime de ''[[Generalfeldmarschall]]'' : aucun maréchal allemand n'ayant jamais capitulé, cette promotion est en réalité une invitation à un suicide héroïque pour servir la propagande. L'échec de Stalingrad, au-delà des erreurs tactiques et stratégiques est une conséquence de la centralisation des pouvoirs militaires, autour de Halder d'abord, autour de Hitler ensuite, Hitler que ses généraux ne contredisent plus, malgré ses mauvaises estimations des rapports de force, ses ordres inadaptés et son désarroi face à une situation qui lui échappe de plus en plus<ref>{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=228-229|id=baechler2012}}.</ref>. De même, le refus obstiné d'[[Campagne de Tunisie|évacuer la Tunisie]] entraîne la captivité de {{unité|250000 soldats}} de l'Axe en [[Mai 1943 (guerre mondiale)|mai 1943]].

Très réservé sur l'[[Bataille de Koursk|offensive de Koursk]] {{incise|sa dernière sur le front de l'Est, et la plus grande bataille de blindés de l'Histoire}} Hitler ne fait aucune difficulté pour l'arrêter, le {{date-|13|juillet|1943}}, quand, à son échec flagrant, vient s'ajouter le [[Campagne d'Italie (Seconde Guerre mondiale)|débarquement allié en Italie]] : il se voit contraint de retirer du front de l'Est des unités envoyées aussitôt sur d'autres théâtres d'opérations européens<ref>{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=230|id=baechler2012}}.</ref> ; ainsi, le [[Opération Husky|débarquement de Sicile]] l'oblige à dégarnir le front russe et précipite le [[Benito Mussolini#Arrestation et début de la guerre civile|renversement de Benito Mussolini]]. L’Italie est à partir de cette période, le parent pauvre des fronts européens, sur la foi d'une analyse de la guerre en termes de capital-espace<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=231|id=masson2005}}.</ref> ; dans cette perspective, la fin de l'année 1943 voit un renforcement de l'Europe occidentale, au détriment du front de l'Est<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=231-232|id=masson2005}}.</ref>, ce qui entraîne des tensions avec les généraux commandant sur ce théâtre d'opérations : il décide de la stratégie et se préoccupe de la moindre des répercussions tactiques de ces décisions sur le terrain, malgré les demandes de Kluge et Manstein<ref>{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=230-231|id=baechler2012}}.</ref>. Il passe ainsi la majeure partie du deuxième semestre 1943 à [[Kętrzyn|Rastenburg]], de plus en plus isolé<ref>{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=231|id=baechler2012}}.</ref>.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-B24543, Hauptquartier Heeresgruppe Süd, Lagebesprechung.jpg|gauche|vignette|redresse=1.1|Analyse de la situation au quartier général du [[Groupe d'armées Sud#Herresgruppe Süd (1941-1942)|groupe d'armées Sud]], [[Poltava|Pottava]], {{date-|1er juin 1942}}.|alt=Photo noir et blanc. Dans une pièce aux murs clairs, sept officiers généraux en uniforme suivent les indications données par Adolf Hitler pointant de sa main droite un lieu sur une carte étalée devant eux sur une table. Les huit hommes sont debout autour de la table ; Adolf Hitler et le général Friedrich Paulus sont au centre de la photo.]]Pendant l’offensive d’été en Russie du Sud en 1942, Hitler répète l’erreur de l’année précédente en divisant un groupe d’armée en deux, le rendant ainsi plus vulnérable. Le [[Groupe d'armées A|groupe A]] se dirige vers le [[Caucase]] et ses champs de pétrole, le [[Groupe d'armées B|groupe B]] se dirige vers [[Volgograd|Stalingrad]].

Sceptique sur les échanges alliés décryptés par les services allemands<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=236|id=masson2005}}.</ref> ([[opération Fortitude]]) dans la période précédant le débarquement de Normandie, Hitler retarde cependant l’envoi de ''[[Panzerdivision]]en'' pour rejeter les forces débarquées, pensant que l’[[Bataille de Normandie|opération Overlord]] est une diversion et que le vrai débarquement doit avoir lieu au Nord de la Seine<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=237|id=masson2005}}.</ref> (la rumeur qui attribue la perte de la bataille au refus de Jodl de réveiller Hitler doit être considérée comme une légende). Il ne change pas d'avis avant la fin de la [[bataille de Normandie]]. En [[Août 1944 (guerre mondiale)|août 1944]], il ordonne au maréchal [[Günther von Kluge|von Kluge]] d’effectuer une [[Contre-attaque de Mortain|contre-attaque à Mortain]] pour sectionner la [[Opération Cobra|percée des troupes américaines à Avranches]], dans des conditions telles que l'offensive est vouée à l'échec dès sa préparation. De plus, le lancement de l'[[Opération Bagration|offensive soviétique]], le {{date-|22 juin 1944}}, provoque une nouvelle crise entre Hitler et ses généraux : en effet, partisan de la défense statique, il ordonne la création de 29 places fortes et la création d'un pôle de résistance en [[Courlande]], points d'appui pour la reconquête<ref name="3MUAJ7">{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=234|id=baechler2012}}.</ref> ; dans ce contexte, il procède à de nombreux changements au sein des états-majors, changements démultipliés par la répression de l'[[Complot du 20 juillet 1944|attentat du 20 juillet]]<ref name="3MUAJ7"/>.

De même, dans le domaine industriel, si Hitler assiste à de nombreuses présentations de matériel militaire<ref>{{Harvsp|Fabrice d'Almeida|2008|p=102, 105 et 106|id=almeida2008_2}}.</ref>, il n'en est pas moins responsable de choix désastreux pour la conduite de la guerre. S'il donne carte blanche (ou presque) à [[Albert Speer]]<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=276|id=kershaw2001_1}}.</ref>, celui-ci doit compter avec [[Fritz Sauckel|Sauckel]], compétent pour tout ce qui touche à la main-d’œuvre, et avec l'administration dont il a la responsabilité, mais qui est dirigée au quotidien par [[Groupe Saur|Karl Otto Saur]]<ref name="SQI760">{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=227|id=kershaw2001_1}}.</ref>. En outre, la compétence certaine de Hitler en matière d'armements est limitée par son manque de vision d'ensemble<ref name="SQI760"/>. Ainsi, il multiplie les erreurs de choix, par exemple en privilégiant les chars lourds peu maniables, comme le [[Panzerkampfwagen VI Tiger|Tigre]], à la différence des Soviétiques qui font le choix du [[T-34]], plus maniable ; de même, ses hésitations sur la production d'avions à réaction se révèlent dommageables : le [[Messerschmitt Me 262|Me 262]], d'abord armé comme avion de chasse, est équipé pour le bombardement à l'été 1944, à la demande de Hitler, puis, toujours à sa demande, est transformé en avion de chasse en [[Mars 1945 (guerre mondiale)|{{date-|mars 1945}}]]<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=279-281|id=kershaw2001_1}}.</ref>.

S'il est devenu évident pour tous, jusqu'au sein même de ses serviteurs, que la défaite est inéluctable et que Hitler mène l'Allemagne à la catastrophe, aucune cessation des combats n'est possible tant qu'il reste en vie. Or, en Allemagne même, Hitler exerce une lourde répression après avoir survécu à l'attentat du {{date-|20|juillet|1944}}.

=== Complots du 20 juillet 1944 ===
{{Article détaillé|Attentats contre Adolf Hitler|Complot du 20 juillet 1944}}
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1972-025-10, Hitler-Attentat, 20. Juli 1944.jpg|vignette|redresse=1.1|[[Hermann Göring|Göring]] (en uniforme clair) et [[Martin Bormann|Bormann]] (à gauche, de profil en manteau de cuir) visitent la salle de conférence de la ''[[Wolfsschanze]]'' après l'[[Complot du 20 juillet 1944|attentat du {{date-|20 juillet 1944}}]].]]

Le pouvoir absolu de Hitler ne cesse de se renforcer au cours de la guerre. Ainsi en {{date-|avril 1942}}, lors d’une cérémonie au [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]], il se fait donner officiellement droit de vie et de mort sur chaque citoyen allemand. Tandis que l'étoile de [[Hermann Göring|Göring]] pâlit et que son successeur désigné, [[Rudolf Hess]], s'est mystérieusement enfui en Écosse en {{date-|mai 1941}}, son secrétaire particulier [[Martin Bormann]] s'affirme de plus en plus comme une [[éminence grise]], filtrant les accès à Hitler, gérant ses biens et jouant un rôle actif dans la mise en œuvre des projets nazis en Europe.

Ses victoires de 1939-1941 ont renforcé la croyance de la population dans son infaillibilité, et rendu impossible la tâche de ceux qui auraient voulu le renverser. Même certains futurs résistants comme le pasteur [[Martin Niemöller]], les étudiants martyrs de [[la Rose blanche]] à Munich ou le [[Claus von Stauffenberg|comte de Stauffenberg]], héros de l’attentat du {{date-|20 juillet 1944}}, ont été initialement séduits par la personne charismatique du Führer et par ses succès<ref>{{citation|Est-ce un hasard si plusieurs de ceux qui allaient en devenir les plus farouches adversaires, un Niemöller, un Stauffenberg, un [[Hans Scholl]], ont commencé par éprouver pour lui de l'attirance avant de s'en détourner avec horreur ?}} {{incise|{{Harvsp||texte=François Bédarida {{et al.}} 1991|loc={{citation|introduction}}|p=15|id=collectif1991_1}}|stop}}.</ref>.

Cependant, si le soutien au moins passif des masses reste pratiquement acquis jusqu’à la fin, depuis la [[Allemands des Sudètes|crise des Sudètes]] en 1938, des individus ou des groupes isolés ont compris que seule la mort de Hitler peut encore permettre d’éviter un désastre total à l’Allemagne.

La {{citation|chance du diable{{note|groupe=n|Expression de l'historien [[Ian Kershaw]].}}}} assez peu ordinaire dont bénéficie Adolf Hitler lui a permis d'échapper de peu à [[Attentats contre Adolf Hitler|plusieurs tentatives d’assassinat]]. Mais il faut aussi compter avec la difficulté d'accéder jusqu'à lui, puisqu'il se terre dans son QG prussien après 1941, son incapacité à se tenir à des horaires réguliers et prévisibles, la foule ou la garde SS qui l'entourent, et ses précautions prises {{incise|ses déplacements de guerre sont secrets, le fond de sa casquette est blindé, il porte un gilet pare-balles et ses aliments sont goûtés préalablement par son médecin}}<ref>{{Ouvrage|titre=La Seconde Guerre mondiale|sous-titre=1942-1945|auteur1=[[Raymond Cartier]]|auteur2=Pierre Dufourcq|et al.=oui|lieu=Paris|éditeur=Larousse|année=1964|tome=2|pages totales=391|passage=67|oclc=490266508}}.</ref>. En {{date-|novembre 1938}} à Munich, le catholique suisse [[Maurice Bavaud]] a tenté de tirer sur lui, il sera guillotiné. Le {{date-|8|novembre|1939}}, lors de la commémoration annuelle de son [[putsch de la Brasserie|putsch manqué à la brasserie Bürgerbräukeller]], Hitler échappe à un attentat orchestré par [[Georg Elser|Johann Georg Elser]]. La bombe explose vingt minutes après le départ de Hitler qui avait dû écourter son discours à cause des mauvaises conditions climatiques l’obligeant à prendre le train plutôt que l’avion.

Au fur et à mesure que l’issue de la guerre se précisait dans le sens d’une défaite, plusieurs gradés ont comploté avec des civils pour éliminer Hitler. Bien que les Alliés aient exprimé le choix d’une reddition sans conditions lors de la [[conférence de Casablanca|conférence d'Anfa]], en [[Janvier 1943 (guerre mondiale)|janvier 1943]], les conjurés espèrent renverser le régime afin de négocier un règlement politique du conflit. Parmi eux, l’amiral [[Wilhelm Canaris]], chef de l’[[Abwehr]] (services secrets), [[Carl Friedrich Goerdeler]], l’ancien maire de [[Leipzig]], ou encore le général [[Ludwig Beck]]. Ce dernier, après la [[Bataille de Stalingrad|défaite de Stalingrad]], met en marche le complot sous le nom d’[[opération Flash]], mais la bombe placée le 13 [[Mars 1943 (guerre mondiale)|mars 1943]] dans l’avion de Hitler, de retour d'une visite sur le [[front de l'Est (Seconde Guerre mondiale)|front de l’Est]], n’explose pas. Une autre tentative quelques jours plus tard, le {{date-|21 mars}}, où le colonel [[Rudolf-Christoph von Gersdorff|von Gersdorff]] doit se faire sauter en présence de Hitler lors d'une visite d'une exposition au [[Arsenal de Berlin|Zeughaus]] à Berlin échoue aussi.

Le {{date-|20|juillet|1944}} à {{heure|12|42}}, à la ''{{langue|en|[[Wolfsschanze]]}}'', son quartier général en Prusse-Orientale, Hitler est blessé dans [[Complot du 20 juillet 1944|un attentat exécuté par le colonel von Stauffenberg]] lors d’une tentative de [[coup d'État]] d’officiers, anciens officiers et civils résistants, qui est durement réprimée. Compromis, les maréchaux [[Günther von Kluge|von Kluge]] et [[Erwin Rommel|Rommel]], et d’autres officiers généraux, sont conduits au [[suicide]], tandis que l’amiral [[Wilhelm Canaris|Canaris]] est envoyé dans un [[camp de concentration]] où il est pendu, aux côtés du pasteur [[Dietrich Bonhoeffer]], en {{date-|avril 1945}}, lorsque les Alliés s'approchent de leur lieu de détention.

En tout, plus de {{unité|5000 personnes}} sont arrêtées et assassinées dans la répression qui suit. En vertu d'une conception totalitaire de la [[responsabilité collective]], et se référant aux antiques coutumes de vengeance des peuplades germaniques (''[[Sippenhaft]]''), Hitler [[Châtiment collectif|fait envoyer les familles des conjurés]] dans des camps de concentration. Les conjurés, maltraités et ridiculisés, sont traînés devant le {{langue|de|[[Volksgerichtshof]]}} (Tribunal du peuple) de [[Roland Freisler]], qui les abreuve d’injures et d’humiliations au cours de parodies de justice ne sauvant même pas les apparences élémentaires du droit, avant de les envoyer à la mort. Beaucoup périssent pendus à des crocs de boucher, le jour même de leur condamnation, à la prison berlinoise de [[Prison de Plötzensee|Plotzensee]]. Hitler fait filmer les exécutions pour pouvoir les visionner dans sa salle privée, bien qu’il semble que les films n'aient finalement jamais été projetés.

Le jour même de l'attentat, Hitler reçoit Mussolini en accomplissant tous les devoirs imposés par le protocole et dans un calme olympien, assurant lui-même le service du thé et lui servant de guide pour la visite des lieux de l'explosion<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=247|id=masson2005}}.</ref>. La réaction de la population à l'annonce de l'attentat est protéiforme : le parti organise des meetings de soutien, dont le succès est inégal à travers l'Allemagne<ref>{{Harvsp|Pierre Ayçoberry|1998|p=378|id=ayçoberry1998}}.</ref>, mais la population, globalement prudente, attend la suite des évènements<ref>{{Harvsp|Pierre Ayçoberry|1998|p=378-379|id=ayçoberry1998}}.</ref>.

=== Défaite finale et mort ===
==== Aux abois ====
Les ordres de Hitler à ses troupes deviennent de moins en moins possibles à exécuter, compte tenu de l’écrasante supériorité de l’[[Armée rouge]] et des [[Alliés]]. Les réunions entre Hitler et son chef d’état-major [[Heinz Guderian]], nommé en [[Juillet 1944 (guerre mondiale)|{{date-|juillet 1944}}]], sont de plus en plus houleuses et celui-ci finit par être renvoyé le {{nobr|28 [[Mars 1945 (guerre mondiale)|mars 1945]]}}.

[[Fichier:Buchenwald Hitler Effigy 74975.jpg|vignette|redresse=1.1|{{citation|Hitler doit mourir pour que l'Allemagne vive}} : graffiti sur une baraque du camp de [[Buchenwald]], libéré par l'armée américaine, avec Hitler pendu en effigie ({{date-|avril 1945}}).|alt=Photo noir et blanc de l’entrée d’une baraque en bois dans le camp de concentration de Buchenwald. Au centre de la photo, près du mur de la baraque, se dresse une potence à laquelle pend un pantin à l’effigie d’Adolf Hitler. Sur le mur de la baraque est peinte l’inscription en allemand : « Hitler muss sterben damit Deutschland lebt ». À droite, un homme, en tenue sombre, se tient debout dans l’encadrement de la porte, au sommet de l’escalier en bois qui mène à l’entrée. Un soldat américain pose debout à côté de l’escalier.]]

Hitler motive ses proches en invoquant les {{citation|armes miracles}}, comme les [[V1 (missile)|V1]] et [[V2 (missile)|V2]], les premiers missiles ou les premiers chasseurs à réaction [[Messerschmitt Me 262]], censées renverser la situation, ou encore un retournement d’alliance ''in extremis''.

En fait, depuis la [[conférence de Casablanca]] en {{date-|janvier 1943}}, les Alliés exigent sans ambiguïté une capitulation sans condition, la [[dénazification]] de l’Allemagne et le châtiment des criminels de guerre. Quant aux {{citation|armes nouvelles}}, elles auraient été tout à fait insuffisantes, et Hitler a lui-même gâché ses dernières chances en affichant longtemps son mépris pour les « sciences juives » dont la [[physique nucléaire]] (une des causes du retard pris par les recherches sur la [[Bombe A|bombe atomique]]), ou encore en exigeant, contre l’avis de tous les experts, de construire les [[avion à réaction|avions à réaction]] comme [[Bombardier (avion)|bombardiers]] {{incise|pour pouvoir reprendre la destruction des villes anglaises}} et non pas comme [[avion de chasse|chasseurs]], ce qui aurait pu faire basculer la guerre aérienne.

Dans les derniers mois du conflit, Hitler, dont la santé décline rapidement (en raison de la [[maladie de Parkinson]]), n’apparaît plus en public, ne parle plus guère à la radio, et reste la plupart du temps à Berlin. Même les ''[[Gauleiter]]'', pour la plupart membres du parti depuis les années 1920, sont frappés par la décrépitude physique de Hitler : le {{nobr|[[24 février|24]] [[Février 1945 (guerre mondiale)|février 1945]]}}, Hitler s'adresse à eux pour la dernière fois, à l'occasion du {{25e}} anniversaire de la publication du [[Programme en 25 points|programme du parti]], et [[Karl Wahl]], [[gauleiter]] de Souabe, est marqué par la déchéance de Hitler ; après un discours jugé décevant par les participants à cette rencontre, Hitler se lance dans un monologue qui lui fait reprendre sa verve et son entrain<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=321|id=kershaw2012_1}}.</ref>. C’est [[Joseph Goebbels]], le chef de la [[propagande]], par ailleurs commissaire à la défense de [[Berlin]] et responsable de la [[Volkssturm]], qui pallie cette lacune et se charge d’exhorter les troupes et les foules. Le lien entre les Allemands et le Führer se distend. Hitler n’a jamais visité une ville bombardée ni un hôpital civil, il n’a jamais vu aucun des réfugiés qui fuient l’avancée de l’Armée rouge par millions à partir de [[Janvier 1945 (guerre mondiale)|{{date-|janvier 1945}}]], il ne se rend plus de longue date au chevet de soldats blessés, et a cessé depuis fin 1941 de prendre ses repas avec ses officiers ou ses soldats. Sa glissade hors du réel s’accentue.

[[Fichier:Volkssturm.jpg|vignette|redresse=1.1|Officier nazi du [[Volkssturm]], suicidé auprès d'un portrait lacéré du Führer, {{nobr|printemps 1945}}.|alt=Photo noir et blanc prise le 19 avril 1945, à l’intérieur d’un bureau de l’hôtel de ville de Leipzig. Sur le sol, un homme mort, en uniforme, est allongé de tout son long, sa tête vers la droite au premier plan. Un mur blanc forme l’arrière-plan de la photo. Au second plan, entre une chaise renversée le long du mur et le flanc droit du cadavre, tient en équilibre un portrait d’Adolf Hitler dont le visage a été lacéré.]]

À la suite de l'[[Offensive Vistule-Oder|offensive d'hiver soviétique]], en {{date-|janvier 1945}}, Hitler se désintéresse du sort des Allemands habitant dans les régions menacées par la poussée soviétique et ordonne à la fois l'évacuation de la population civile, de tout ce qui peut être évacué, ainsi que la destruction systématique de ce qui ne peut être envoyé vers l'ouest<ref>{{Harvsp|Daniel Blatman|2009|p=88-89|id=blatman2009}}.</ref>. Il connaît des crises de fureur à chaque annonce d'effondrement des lignes de défense à l'Est : ainsi, l'abandon de Varsovie par Harpe, malgré des ordres stricts, entraîne son remplacement par [[Ferdinand Schörner]] dans un accès de fureur, à l'image du remplacement de Rheinardt par [[Lothar Rendulic|Rendulic]], compétent, mais impuissant face aux moyens déployés par les Soviétiques. D'autres généraux, comme [[Friedrich Hossbach]], sont simplement limogés pour n'avoir pas été en mesure de parvenir aux objectifs qui leur avaient été assignés (dans son cas, la reconquête de Varsovie)<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=268-269|id=kershaw2012_1}}.</ref>. Avec [[Joseph Goebbels]], il présente à travers la presse l'affrontement comme une version moderne des guerres puniques, une guerre de la civilisation européenne contre une invasion barbare, qui sera gagnée grâce à un effort suprême par la nation et ses chefs. Dans la même ligne, le ''[[Völkischer Beobachter]]'' explique à ses lecteurs la nature du conflit en cours en insistant sur le poids des unités [[Mongols|mongoles]] au sein de l'[[Armée rouge]]<ref>{{Harvsp|Daniel Blatman|2009|p=88|id=blatman2009}}.</ref>.

De plus, devant le refus systématique essuyé à chaque demande de retraite de leurs unités, des officiers de plus en plus nombreux dissimulent certains mouvements de troupes à Hitler : ainsi, le {{date-|17 janvier 1945}}, dans le contexte dramatique de l'[[Offensive Vistule-Oder|offensive d'hiver soviétique]], le [[Wilhelm Burgdorf|général Burgdorf]], aide de camp de Hitler pour la Wehrmacht, est soupçonné par certains généraux commandant sur le Front de l'Est, de cacher à Hitler la gravité de la situation militaire allemande en Pologne<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=263|id=kershaw2012_1}}.</ref>. De même, à partir du {{date-|20 janvier}}, l'ordre de retraite ayant enfin été donné, le général Rheinhardt chargé de la défense de la Prusse Orientale, n'informe pas [[Erich Koch|Koch]], Gauleiter de Prusse Orientale, de la retraite allemande et de l'abandon de positions directement menacées par l'Armée rouge dans la région de [[Giżycko|Lötzen]], malgré les ordres stricts de Hitler et de son état-major le plus proche<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=265-267|id=kershaw2012_1}}.</ref>. Ces autorisations de retraite trop tardives contribuent à amplifier le désastre en cours et rendent chaque repli plus problématique encore<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=265|id=kershaw2012_1}}.</ref>. De même, [[Wilhelm Keitel|Keitel]] et [[Alfred Jodl|Jodl]] n'informent Hitler ni de la vanité des efforts destinés à constituer la [[12e armée (Allemagne)|{{12e|armée}}]], ni de l'ensemble des manœuvres ordonnées aux unités qui composent cette armée en vue de dégager la ville de Berlin, ni de l'échec de la tentative de [[Felix Steiner]] de dégager Berlin par le nord<ref name="T4UL7L">{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=434|id=kershaw2012_1}}.</ref>.

Au début du mois d'[[Avril 1945 (guerre mondiale)|{{date-|avril 1945}}]], il continue de s'opposer, entouré de ses proches conseillers, à toute manœuvre de raccourcissement du front de l'Oder, et balaie toutes les objections que lui présente [[Gotthard Heinrici]], commandant de l'armée chargée de défendre Berlin, en insistant sur le rôle que doit jouer le commandant : insuffler foi et confiance aux unités placées sous ses ordres, tout en lui constituant des réserves de soldats inexpérimentés, puisés dans la [[Schutzstaffel|SS]], la [[Luftwaffe]] et la marine<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=396|id=kershaw2012_1}}.</ref>.

De plus, convaincu que le peuple allemand ne mérite pas de lui survivre puisqu’il ne s’est pas montré le plus fort, Hitler ordonne le {{date-|19 mars 1945|guerre mondiale}} une politique de [[Politique de la terre brûlée|terre brûlée]] d’une ampleur inégalée, incluant la destruction des industries, des installations militaires, des magasins et des moyens de transport et de communication, mais aussi des stations thermiques et électriques, des stations d’épuration, et de tout ce qui est indispensable à la survie élémentaire de ses concitoyens. Cet ordre ne sera pas respecté. [[Albert Speer]], ministre de l’armement et architecte du Reich, a prétendu devant le [[procès de Nuremberg|tribunal de Nuremberg]] qu’il avait pris les mesures nécessaires pour que les directives de Hitler ne soient pas accomplies par les [[gauleiter]]s. Cet ordre est en réalité l'aboutissement de consignes données depuis 1943 : dès le {{date-|14 février 1943}}, il ordonne la destruction de tout ce qui peut être utile à l'ennemi, ainsi que l'évacuation forcée de la population, dans les territoires abandonnés par les troupes allemandes en repli, ordre repris en {{date-|octobre 1943}} lors de l'évacuation de la [[tête de pont du Kouban]]. Le {{date-|16 octobre 1944}}, alors que le territoire du Reich est directement menacé, Hitler ordonne de transformer chaque maison de chaque village en forteresse, destinée à être défendue jusqu'à son effondrement<ref>{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=235|id=baechler2012}}.</ref>.

Au mois de mars, rendu furieux par l'échec de l'[[Opération Frühlingserwachen|offensive en Hongrie]], il ordonne à la [[1re division SS Leibstandarte SS Adolf Hitler|Leibstandarte]] de retirer le brassard à son nom, que portent les hommes de cette division<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=329|id=kershaw2012_1}}.</ref>.

En {{date-|avril 1945}}, le Reich est aux abois : le [[Rhin]] a été franchi par les Occidentaux le {{date-|23 mars 1945-}}, les villes sont écrasées par des bombardements quotidiens, les réfugiés fuient en masse de l’Est, les Soviétiques s'approchent de Vienne et de Berlin. Dans les rues des villes, les SS pendent encore en public ceux qui parlent de cesser un combat sans espoir. Sur des cadavres de civils pendus à des lampadaires, des pancartes précisent par exemple : {{citation|Je pends ici parce que j’ai douté de mon Führer}}, ou {{citation|Je pends ici parce que je suis un traître}}. Les dernières images de Hitler filmées, en pleine [[bataille de Berlin]], le montrent décorant ses derniers défenseurs : des enfants et des préadolescents.

==== Dix derniers jours ====
{{Article détaillé|Derniers jours d'Adolf Hitler}}
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-V00538-3, Karl Dönitz, Adolf Hitler.jpg|vignette|redresse|Alors que le Reich s'effondre, Adolf Hitler reçoit le [[Karl Dönitz|grand-amiral Dönitz]] au ''[[Führerbunker]]''.]]

Le {{date-|20 avril}}, les hauts dirigeants nazis viennent une dernière fois saluer hâtivement leur maître pour son anniversaire, avant de tous s'enfuir précipitamment loin de Berlin, attaquée par l'Armée rouge. Le même jour, Hitler visite l'exposition présentant les derniers modèles d'armes, organisée dans la cour de la chancellerie du Reich<ref name="MIJI6H">{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=400|id=kershaw2012_1}}.</ref> et ordonne que du matériel, stocké dans des wagons de chemins de fer, soit déchargé et donné aux unités combattantes<ref name="MIJI6H"/>.

Terré au fond de son ''[[Führerbunker]]'', Hitler refuse de partir pour la Bavière et choisit de rester à Berlin pour mieux mettre en scène sa mort. Au cours de séances quotidiennes de plus en plus orageuses, tandis qu'au-dehors [[bataille de Berlin|la plus grande bataille]] de la guerre fait rage, il continue à ordonner d'impossibles manœuvres pour délivrer la capitale vite encerclée, notamment à Felix Steiner, commandant d'un corps de Panzer et à Walther Wenck, commandant de la {{12e}} armée<ref name="T4UL7L"/>. Le {{date-|22 avril}}, comprenant la vanité de ces tentatives, il entre dans l'une de ses plus terribles colères, avant de s'effondrer en reconnaissant enfin pour la première fois que {{citation|la guerre est perdue}} (''{{langue|de|Der Krieg ist verloren}}''). La décision de rester définitivement à Berlin et de se suicider est prise dans les jours suivants<ref>{{Harvsp|Philippe Masson|2005|p=280|id=masson2005}}.</ref>.

Le 23, [[Albert Speer]] revient en avion dans Berlin assaillie pour refaire ses adieux à Hitler. Il lui avoue avoir saboté la politique de la terre brûlée, sans que le dictateur réagisse, et s’en va en n’ayant obtenu qu'une molle poignée de main de son idole.

Les dernières crises internes du régime ont lieu quand au soir du 25, [[Hermann Göring]], toujours nominalement héritier de Hitler, lui envoie, sur la foi de ce qui lui avait été rapporté de la crise de désespoir du {{date-|22 avril}}<ref name="V45FB9">{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=435|id=kershaw2012_1}}.</ref>, un télégramme de Bavière (où il se trouve) lui demandant s'il peut prendre la direction du Reich conformément aux dispositions de 1941. Persuadé par [[Martin Bormann|Bormann]] d'y voir à tort un ultimatum et un coup de force du ''{{langue|de|[[Reichsmarschall]]}}'', Hitler, furieux, destitue Göring et le fait placer sous la surveillance des SS au ''Berghof''<ref name="V45FB9" />.

Sa fureur redouble le 27 quand la radio alliée lui apprend que son fidèle [[Heinrich Himmler|Himmler]] a tenté à son insu de négocier avec les Occidentaux. Cependant, certaines recherches récentes émettent l’hypothèse que Himmler aurait négocié avec les Alliés sur ordre de Hitler lui-même<ref>{{Ouvrage |titre=Mémoires de guerre |sous-titre=Le salut |auteur=[[Charles de Gaulle]] |lieu=Paris |année=1959 |tome={{III}} |page=205 |pages=653 |éditeur=Plon |collection=Documents |oclc=489658344}}, et les travaux de [[François Delpla]].</ref>. Il fait fusiller dans les jardins de la chancellerie le beau-frère d’[[Eva Braun]], le général SS [[Hermann Fegelein]], agent de liaison de Himmler. Selon Kershaw, la mort de Fegelein serait en réalité un substitut au sort destiné à [[Heinrich Himmler|Himmler]] si ce dernier était tombé en son pouvoir<ref name="EVNLU5">{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=442|id=kershaw2012_1}}.</ref>. En réalité, comme Göring, Himmler a été informé de l'accès de désespoir du {{date-|22 avril 1945-}}, et comme ce dernier, il en a déduit qu'il disposait des mains libres pour ses négociations avec les alliés occidentaux<ref name="EVNLU5"/>. Ce calcul entraîne son exclusion immédiate du NSDAP et son arrestation, son rapatriement à Berlin, prélude à sa condamnation à mort<ref name="EVNLU5"/>.

Le {{date-|28 avril 1945-}}, dans un accès de rage, il limoge le [[Gotthard Heinrici|général Heinrici]], qui venait de refuser d'exécuter une consigne impossible à accomplir, donnée par Keitel et Jodl<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=432|id=kershaw2012_1}}.</ref>.

Dans la nuit du {{date-|29 avril 1945-}}, après avoir été marié à Eva Braun par [[Walter Wagner]], Hitler dicte à sa secrétaire [[Traudl Junge]] un [[Testament (droit)|testament]] privé puis un testament politique, exercice d'autojustification où il nie sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre. Curieusement, le texte ne dit mot du bolchévisme, au moment même où les Soviétiques s'emparent de Berlin. En revanche, l'obsession antisémite de Hitler y apparaît toujours intacte. Il rappelle l'exclusion de Himmler et de Göring du [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]], écarte Speer, [[Joachim von Ribbentrop|Ribbentrop]] et [[Wilhelm Keitel|Keitel]], récompense les partisans de la lutte acharnée que sont [[Joseph Goebbels|Goebbels]], [[Martin Bormann|Bormann]], [[Hermann Giesler|Giesler]], [[Karl Hanke|Hanke]], [[Karl Saur|Saur]] et [[Ferdinand Schörner|Schörner]], nommant le premier à la Chancellerie, les autres à des postes ministériels et Schörner commandant en chef de la Wehrmacht, puis confie la présidence du Reich au [[Großadmiral|grand-amiral]] [[Karl Dönitz]]<ref name="EVNLU5"/>.

[[Fichier:Stars & Stripes & Hitler Dead2.jpg|vignette|gauche|Le [[Stars and Stripes (journal)|''Stars and Stripes'']], journal de l'armée américaine, annonçant la mort de Hitler.|alt=Photo noir et blanc de la une du journal de l’armée américaine : ''Stars and Stripes''. Le gros titre de une annonce la mort d'Adolf Hitler : « Hitler Dead ».]]
Le {{date-|30 avril 1945-}}, vers {{heure|14|30}}, alors que l’[[Armée rouge]] est à moins de 300 mètres du bunker et s'apprête à investir le Reichstag, Adolf Hitler se [[suicide]] en compagnie d’[[Eva Braun]] au sein du [[Führerbunker]] : il se donne la mort par une balle. Les cadavres sont retrouvés vers {{heure|15|15}}<ref>{{Ouvrage|prénom1=Antony|nom1=Beevor|prénom2=Jean|nom2=Bourdier|titre=La chute de Berlin|passage=496|éditeur=Librairie générale française|collection=Le livre de poche|date=2004|pages totales=633|isbn=978-2-253-10964-8|consulté le=2023-08-09}}</ref>.

Une affirmation fréquente précise qu’il aurait mordu une [[Intoxication au cyanure|capsule de cyanure]] juste avant ou presque en même temps qu’il se serait tiré une balle dans la tempe<ref>{{lien web |langue=fr |auteur=Édouard Husson |titre=Les derniers jours de Hitler |lire en ligne=https://www.lhistoire.fr/les-derniers-jours-de-hitler |consulté le=2021-11-11}}.</ref> : [[Ian Kershaw]] affirme qu’il est impossible de tirer juste après avoir mordu un tel poison et que le corps de Hitler n’a pas dégagé l’odeur d’amande amère caractéristique de l’acide prussique et constatée sur celui d’Eva Braun. Néanmoins, des dépôts bleuâtres présents sur la prothèse dentaire de Hitler, vraisemblablement liés à une réaction chimique entre le cyanure et prothèse, peuvent faire penser que le dictateur a effectivement mordu dans une capsule<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Adolf Hitler s'est probablement suicidé avec du cyanure et une balle dans la tête |url=https://www.francetvinfo.fr/culture/patrimoine/histoire/adolf-hitler-s-est-probablement-suicide-avec-du-cyanure-et-une-balle-de-la-tete_2760023.html |site=Franceinfo |date=2018-05-19 |consulté le=2021-11-08}}.</ref>. De nombreuses [[Derniers jours d'Adolf Hitler#Suicide|autres thèses]] circulent, impliquant parfois un tiers qui aurait tiré la balle, mais elles sont considérées comme fantaisistes.

Pour ne pas voir son cadavre emporté en trophée par l’ennemi ([[Benito Mussolini|Mussolini]] a été fusillé le {{date-|28 avril 1945}} par les partisans italiens et son corps pendu par les pieds devant la foule à Milan), Hitler a donné l’ordre de l’incinérer. L'incinération est effectuée par son chauffeur [[Erich Kempka]] et son aide de camp [[Otto Günsche]], qui brûlent le corps de Hitler et celui d'Eva Braun dans un cratère de bombe près du bunker. La pluie d’obus soviétiques labourant Berlin a presque certainement détruit l’essentiel des deux corps.

[[Fichier:Starved bodies of prisoners who were transported to Dachau from another concentration camp, lie grotesquely as they died enroute.jpg|vignette|Découverte du camp de [[Dachau]], {{date-|29 avril 1945}}.|alt=Photo noir et blanc prise dans le camp de Dachau, le 30 avril 1945. D’un fatras de couvertures de différentes nuances de gris, émergent, au centre de la photo, quatre corps décharnés de prisonniers morts de faim. Trois des têtes visibles se rejoignent au centre de la photo.]]

Refusant de survivre à son maître malgré ses ordres et considérant qu’il n’y a plus de vie imaginable dans un monde sans national-socialisme, [[Joseph Goebbels|Goebbels]] se suicide le lendemain avec sa femme [[Magda Goebbels|Magda]], après que cette dernière a empoisonné leurs [[enfants Goebbels|six enfants]].

Ce même {{1er mai}} à {{Heure|22|26}}, la radio, sur ordre de [[Karl Dönitz]], diffuse le communiqué suivant : {{citation|Le QG du Führer annonce que cet après-midi, notre Führer Adolf Hitler est tombé à son poste de commandement dans la chancellerie du Reich en combattant jusqu'à son dernier souffle contre le bolchevisme}}<ref>{{Ouvrage |titre=Les Années d'extermination 1939-1945 |auteur=Saul Friedländer |lieu=Paris |éditeur=Seuil |collection=Points/Histoire |année=2012 |page=808 |isbn=978-2-7578-2630-0}}.</ref>. Le {{date-|2 mai 1945-}}, après avoir signé la capitulation de Berlin, le général [[Helmuth Weidling|Weidling]] rétablit la vérité au micro et accuse Adolf Hitler d’avoir abandonné {{citation|en plan}} (''{{langue|de|im Stich}}'') soldats et civils. Dans les villes ruinées ou sur les routes, la masse des Allemands d’abord soucieuse de survie restera plutôt indifférente à la fin de Hitler<ref>{{Ouvrage |titre=La Seconde Guerre mondiale |sous-titre=1942-1945 |auteur1=[[Raymond Cartier]] |auteur2=Pierre Dufourcq |et al.=oui |lieu=Paris |éditeur=Larousse |année=1964 |tome={{II}} |pages=391 |page=346 |oclc=490266508}}.</ref>.

Le {{date-|4 mai}}, la [[2e division blindée (France)|{{2e|DB}}]] du [[Philippe Leclerc de Hauteclocque|général Leclerc]] s’empare symboliquement du ''[[Berghof]]'', la résidence du Führer à [[Berchtesgaden]]. Le {{nobr|[[8 mai 1945]]}}, le Troisième Reich capitule sans condition. Au même moment, l’ouverture des [[camps de concentration nazis|camps de concentration]] révèle définitivement l’ampleur de l’œuvre de mort hitlérienne. {{citation|La guerre de Hitler était finie. Le traumatisme moral, qui était l’œuvre de Hitler, ne faisait que commencer}} {{incise|Ian Kershaw|stop}}.

==== Découverte du corps et rumeurs de fuite ====
Nombre de rumeurs ont circulé sur la possibilité que [[Derniers jours d'Adolf Hitler#Rumeurs sur la fuite d'Hitler|Hitler ait survécu]] à la fin de la guerre. Le [[Federal Bureau of Investigation|FBI]] a mené des enquêtes en ce sens jusqu’en 1956 sur des pistes plus ou moins sérieuses. Mais dès la chute de Berlin, l’unité des services secrets soviétiques chargée de trouver Hitler, le [[SMERSH]], estimait avoir récupéré une grande partie du corps.

Le {{date-|2|mai|1945}}, averti du suicide de Hitler, le SMERSH boucle le jardin de la chancellerie et le ''[[Führerbunker]]''. Le personnel encore présent est arrêté puis interrogé, [[Joseph Staline|Staline]] étant tenu au courant par un général du [[NKVD]] au moyen d’une ligne codée directe<ref name="beevor2009">{{en}} [[Antony Beevor]], [https://www.nytimes.com/2009/10/11/opinion/11beevor.html?_r=0 ''Hitler’s jaws of death''], ''The New York Times'', {{date-|10|octobre|2009}}, {{consulté le|17/02/2015}}.</ref>.

Le 5 mai, Ivan Churakov, du {{79e|corps}} d’infanterie, auquel le SMERSH est rattaché, découvre le corps de Hitler près de celui d’[[Eva Braun]], dans un cratère d’obus situé dans le jardin de la [[Chancellerie du Reich|chancellerie]]. Conformément aux volontés du [[Führer]], leurs dépouilles ont été brûlées et sont méconnaissables<ref name="beevor2009"/>. Le {{date-|11 mai}}, les témoignages concordants de l’assistante du dentiste de Hitler, [[Hugo Blaschke]], et de son technicien, confirment l’identité du corps. La dentition supérieure de Hitler comporte un [[Bridge (chirurgie dentaire)|bridge]] récent. Dans un premier temps, Staline impose le silence sur la découverte, allant même jusqu’à réprimander [[Gueorgui Joukov|Joukov]] pour avoir échoué à retrouver Hitler, tandis que la ''[[Pravda]]'' qualifie les rumeurs de découverte de {{citation|provocation fasciste}}. Les [[Soviétiques]] lancent d’autres rumeurs, affirmant notamment que Hitler se cacherait en [[Bavière]], zone sous contrôle de l’armée américaine, accusant implicitement cette dernière de complicité avec les [[Nazisme|nazis]]<ref name="beevor2009"/>. En {{date-|juin 1946}}, les derniers témoins du ''{{langue|de|[[Führerbunker]]}}'', détenus par le NKVD, sont amenés sur les lieux du suicide. Dans le jardin de la [[Chancellerie du Reich|chancellerie]], ils indiquent l’endroit où ils ont brûlé puis enterré les corps des époux Hitler. L’emplacement correspond à l’exhumation réalisée par le SMERSH un an plus tôt. De nouvelles fouilles sont entreprises et quatre fragments de crâne sont mis au jour. Le plus grand est transpercé d’une balle. L’[[autopsie]] réalisée fin 1945 sur le corps masculin découvert au même endroit se trouve en partie confirmée : les médecins y notent l’absence d’une pièce du crâne, celle qui devait permettre de conclure que Hitler s’est suicidé par arme à feu.

Les restes d’Adolf Hitler sont alors enterrés dans le plus grand secret, avec ceux d’Eva Braun, de [[Joseph Goebbels|Joseph]] et [[Magda Goebbels]] et de leurs six enfants, du général [[Hans Krebs]] et des deux chiens de Hitler, dans une tombe près de [[Rathenow]] à [[Brandebourg|Brandenburg]]<ref>Ces travaux s’appuient sur une carte soviétique, indiquant que les corps se trouvaient dans un champ près du village de Neu Friedrichsdorf, à environ un kilomètre à l'est de Rathenow {{incise|{{Ouvrage|langue=en|titre=Hitler's Death|sous-titre=Russia's Last Great Secret from the Files of the KGB|auteur1=V.K. Vinogradov|préface=Andrew Roberts|et al.=oui|éditeur=Chaucer Press|année=2005|mois=septembre|pages totales=400|passage=111|isbn=1904449131}}|stop}}.</ref>.

En 1970, le KGB doit restituer au gouvernement d’[[République démocratique allemande|Allemagne de l’Est]] les lieux qu’il occupe à Brandenburg. Craignant que l’existence de la tombe de Hitler ne soit révélée et que le site ne devienne alors un lieu de pèlerinage néo-nazi, [[Iouri Andropov|Youri Andropov]], chef du [[KGB]], donne son autorisation pour que soient détruits les restes du dictateur et les neuf autres dépouilles<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=The Death of Hitler|sous-titre=The Full Story With New Evidence from Secret Russian Archives|auteur1=Ada Petrova|auteur2=Peter Watson|lieu=New York|année=1995|mois=mai|éditeur=Norton & Co Inc|collection=The Mazal Holocaust|pages totales=180|isbn=0393039145}}.</ref>{{,}}<ref>{{en}} {{lien brisé|consulté le=2017-08-05|url=http://www.spiritus-temporis.com/hitler-s-death/later-russian-disclosures.html|titre=''Later Russian disclosures''}}, {{date-|23|novembre|2008}}, {{consulté le|17/02/2015}}.</ref>. Le {{date-|4|avril|1970}}, une équipe du KGB se charge de la crémation des dix corps et disperse secrètement les cendres dans l’[[Elbe (fleuve)|Elbe]], à proximité immédiate de [[Rathenow]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|langue originale=de|titre=Magda Goebbels|sous-titre=The First Lady of the Third Reich|auteur1=Hans Otto Meissner|traducteur=Gwendolen Mary Keeble|lieu=New York|année=1981|éditeur=Dial Press|passage=260-267|pages totales=288|isbn=0803762127}}.</ref>. Mais le crâne et les dents de Hitler, conservés dans les archives moscovites, échappent à la crémation. On n’en apprend l’existence qu’après la dissolution de l’URSS (1991). Le {{date-|26|avril|2000}}, la partie supérieure du crâne attribué au dictateur devient l’une des curiosités de l’exposition organisée par le Service fédéral des archives russes, marquant le cinquante-cinquième anniversaire de la fin de la guerre.

En 2009, à la demande de la chaîne de télévision [[History (chaîne de télévision américaine)|{{langue|en|History}}]] qui réalise un documentaire intitulé ''{{langue|en|Hitler’s Escape}}'' traitant de l’hypothèse de la fuite du dictateur, l’américain Nick Bellantoni découvre que le crâne que l’on attribuait à Hitler est en réalité celui d’une jeune femme. Des tests [[acide désoxyribonucléique|ADN]] réalisés aux États-Unis sur les échantillons ramenés par l’archéologue confirment ses dires<ref>{{en}} [http://www.guardian.co.uk/world/2009/sep/27/adolf-hitler-suicide-skull-fragment ''Tests on skull fragment cast doubt on Adolf Hitler suicide story''], ''The Guardian'', {{date-|27|septembre|2009}}, {{consulté le|17/02/2015}}.</ref>. Selon Nick Bellantoni, le crâne ne serait pas non plus celui d’[[Eva Braun]]. Les témoignages affirment qu’elle se serait suicidée au cyanure et non par arme à feu. Ce coup de théâtre relance les théories affirmant que Hitler a pu survivre à la chute du [[Reich allemand|Reich]]. L’historien [[Antony Beevor]] regrette ces polémiques, qu’il juge sensationnalistes, rappelant que la dentition, avec son bridge caractéristique, a été formellement reconnue en {{date-|mai 1945}} par Käthe Heusermann, assistante du dentiste de Hitler<ref name="beevor2009"/>, et son technicien Fritz Echtmann, arrêtés par les Russes. Mais les archives dentaires de Hitler ayant été détruites sur ordre de [[Martin Bormann]] en 1944, donc antérieurement aux investigations russes, le témoignage de Heusermann ne repose que sur sa mémoire, comme le souligne le journaliste britannique Gerrard Williams, qui rappelle qu’il n’existe alors aucune expertise médico-légale attestant qu’il s’agisse bien des dents de Hitler<ref>{{en}} [http://news.sky.com/story/727244/hitlers-skull-is-a-womans-say-dna-tests {{Citation étrangère|langue=en|'Hitler’s Skull' Is A Woman’s, Say DNA Tests}}], ''Sky News'', {{date-|28|septembre|2009}}, {{consulté le|17/02/2015}}.</ref>. Ces thèses de la fuite du Führer restent peu crédibles, se heurtant aux témoignages (parfois contradictoires) des dernières heures, qui concluent à la mort du dictateur nazi. En 2009, [[Rochus Misch]], ancien garde du corps de Hitler, qui était avec [[Günther Schwägermann]], l'un des deux derniers survivants du bunker, réaffirme avoir vu les corps sans vie de Hitler et d’Eva Braun<ref>{{en}} [http://news.bbc.co.uk/2/hi/europe/8234018.stm ''I was in Hitler’s suicide bunker''], ''BBC'', {{date-|3|septembre|2009}}, {{consulté le|17/02/2015}}.</ref>.

En 2018, une étude réalisée par des chercheurs français (dont [[Philippe Charlier]]) sur un des fragments du crâne détenu à Moscou confirme, elle, que ces fragments appartiennent bien à Hitler, et qu'il est donc bien mort en 1945<ref>{{article|périodique=AFP|lire en ligne=https://www.afp.com/en/news/2265/hitler-definitely-died-1945-according-new-study-his-teeth-doc-1554991|langue=en|titre=Hitler definitely died in 1945 according to new study of his teeth|jour=19|mois=mai|année=2018}}</ref>.

==== Réactions des Allemands à l'annonce de son suicide ====

Dès l'automne 1944, Hitler avait perdu la confiance d'une majorité des Allemands. Les proclamations de fidélité à sa personne rencontrent peu d'échos ou sont vivement critiquées, comme l'attestent les réactions de la population de [[Stuttgart]], rapportées par le [[Sicherheitsdienst|SD]], à un article de [[Joseph Goebbels|Goebbels]] publié dans le journal ''[[Das Reich (journal)|Das Reich]]'' fin [[Décembre 1944 (guerre mondiale)|{{date-|décembre 1944}}]] : le génie de Hitler est alors remis en cause par la population et il est jugé responsable du conflit<ref name="CUKEUA"/>. Cependant, le discrédit qui entoure Hitler n'est pas unanime : les réfugiés, nombreux en Allemagne et à Berlin, affirment que Hitler souhaite ardemment les ramener chez eux, et les jeunes plaignent sincèrement Hitler, perçu comme ayant souhaité le meilleur pour le Reich<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=256|id=kershaw2012_1}}.</ref>. Mais même dans le district de [[Berchtesgaden]], à proximité du [[Berghof]], Hitler est considéré comme un malheur pour le Reich à partir du mois de [[Février 1945 (guerre mondiale)|{{date-|février 1945}}]]<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=283|id=kershaw2012_1}}.</ref>.

Dans ce contexte, l'annonce du suicide du Führer, le {{date-|1 mai 1945}}, ne cause pas de grandes réactions dans le Reich, dont les villes sont rasées par les bombardements, et qui est en proie à des combats meurtriers qui ne ralentissent pas les envahisseurs<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=445|id=kershaw2012_1}}.</ref>. Pour la majorité de la population, occupée à tenter de survivre, comme pour les soldats engagés dans un ultime combat qu'ils savent perdu d'avance, le suicide de Hitler n'entraîne qu'indifférence et apathie<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=446-447|id=kershaw2012_1}}.</ref> ; néanmoins, le sort des Allemands au mois de {{date-|mai 1945}} pousse certains à exprimer leur rejet du personnage<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=447|id=kershaw2012_1}}.</ref>. Parmi les soldats, certains, minoritaires, lui rendent un hommage rapide, tandis que les autres restent indifférents à la nouvelle<ref name="YILJC3">{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=446|id=kershaw2012_1}}.</ref>.

Parmi les responsables du Reich, civils ou militaires, les sentiments sont partagés : dans son ordre du jour du {{date-|3 mai}}, [[Ferdinand Schörner|Schörner]], commandant du [[groupe d'armées Centre]], déployé en Bohême et nazi fanatique, décrit Hitler comme un martyr du combat contre le bolchevisme, tandis que [[Georg-Hans Reinhardt]], ancien commandant de ce même groupe d'armées, semblait s'attendre à ce dénouement depuis quelques semaines<ref name="YILJC3"/>. Son successeur à la présidence, [[Karl Dönitz]], attend soigneusement d'obtenir confirmation de la mort du dictateur pour amorcer les négociations de reddition<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=448|id=kershaw2012_1}}.</ref>. Mais [[Karl Dönitz|Dönitz]] n'est pas le seul responsable nazi auquel la mort de Hitler ouvre des perspectives : [[Heinrich Himmler|Himmler]], dépouillé de ses pouvoirs par Hitler dans une crise de rage à la fin du mois d'avril, s'imagine rentré en grâce du nouveau pouvoir, mais est rapidement éconduit par [[Karl Dönitz|Dönitz]]<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=450|id=kershaw2012_1}}.</ref>.

Le suicide de Hitler, présenté à la population comme une fin héroïque, préférable à une reddition<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=453|id=kershaw2012_1}}.</ref>, entraîne dans le Reich une vague de suicides aussi bien parmi les dirigeants du régime que parmi les citoyens ordinaires : en particulier, huit gauleiters, sept chefs suprêmes de la police et des SS, soixante-dix-huit généraux et amiraux se suicident au début du mois de mai<ref name="NE92G1">{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=454|id=kershaw2012_1}}.</ref>. Le suicide le plus spectaculaire est celui de [[Magda Goebbels|Magda]] et [[Joseph Goebbels]], pour qui la vie n'a désormais plus aucun sens, et qui n'hésitent pas à entraîner leurs [[Enfants Goebbels|six enfants dans la mort]]<ref name="NE92G1"/>.

== Culte de la personnalité ==
=== Une mise en scène savamment organisée ===
Dès 1921, la mise en scène du NSDAP laisse une place certaine au Führer, guide du parti et du peuple. Organisé autour de l'idée que le Führer est le grand dirigeant appelé à mener à bien la réalisation du destin allemand, le NSDAP devient rapidement le parti de Hitler. En effet, lors des meetings, tout tourne autour de Hitler, que l'on attend, puis qui suscite non seulement l'enthousiasme, mais aussi l'hystérie des foules chauffées à blanc par de longues attentes du sauveur<ref>{{Harvsp|Pierre Ayçoberry|1998|p=80-81|id=ayçoberry1998}}.</ref>. Aussitôt clos le scrutin du {{date-|5 mars 1933}}, le ministère de la propagande est confié à [[Joseph Goebbels]], chargé de la propagande au sein du [[parti national-socialiste des travailleurs allemands|parti nazi]] depuis 1929<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=166|id=kershaw2001_1}}.</ref>.

Dès les premiers jours, le ministère de la propagande structure son action autour de la construction du mythe du Führer, faisant de Hitler l'homme fort devant relever l'Allemagne<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=169|id=kershaw2001_1}}.</ref>. Ainsi, laissant accroire que toutes les actions de Hitler étaient guidées par la volonté de faire tout ce qui était bon pour son peuple, Goebbels développe l'idée que la contrepartie de cette action est l'obéissance absolue au Führer et à ses mandataires<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=170|id=kershaw2001_1}}.</ref>. Dès {{date-|juillet 1933}}, la personne du Führer devient omniprésente dans l'appareil d'État, dans les écoles, dans la vie quotidienne : obligatoire dans le parti depuis 1926, le salut hitlérien est imposé aux fonctionnaires et aux enseignants en {{date-|juillet 1933}}<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=171|id=kershaw2001_1}}.</ref>.

À partir de 1933, cependant, la tâche des organisations se réclamant de Hitler devient moins évidente : au départ organisé dans une perspective de conquête du pouvoir, le parti doit désormais {{Citation|servir le Führer}} et lui être totalement soumis<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=173|id=kershaw2001_1}}.</ref>.

L'une des préoccupations de Hitler, arrivé à la chancellerie à la tête d'un [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|mouvement politique se réclamant d'une forme de socialisme]]{{sfn|Schoenbaum|2000|p=87}}, est de se présenter, et de se faire représenter comme issu de la classe des travailleurs : comme il le martèle lui-même en 1933 lors d'un discours à l'usine Siemens, comme le rappelle un opuscule de propagande publié en 1935{{sfn|Schoenbaum|2000|p=100}}, Hitler, le chancelier du peuple, l'ouvrier au service du Reich{{sfn|Schoenbaum|2000|p=88}} a été {{citation|ouvrier du bâtiment, artiste et étudiant}}{{sfn|Schoenbaum|2000|p=88}}. Formellement, il se rapproche du peuple allemand : il s'adresse à une foule venue l'écouter en employant la forme familière plurielle du ''Ihr'', il affecte la pauvreté personnelle et la modestie : il ne dispose ni de compte bancaire, ni d'actions, il s'assoit à la droite de son chauffeur, ses fonctions de chancelier l'obligent à évoluer dans des cadres grandioses, comme la nouvelle chancellerie du Reich, s'excuse-t-il en recevant les ouvriers des équipes de construction du bâtiment, tout en précisant qu'il vit modestement en privé{{sfn|Schoenbaum|2000|p=88}}.

=== Propagande de guerre ===
Dès le déclenchement du conflit mondial en 1939, Hitler constitue un sujet de choix pour la propagande. Présenté comme le conquérant successeur de [[Otto von Bismarck|Bismarck]] ou des [[Ordre Teutonique|chevaliers teutoniques]] par la propagande de [[Joseph Goebbels|Goebbels]], il fait l'objet de multiples attaques de la propagande alliée, dès la [[Drôle de guerre]] de la part des Français et des Britanniques, puis de l'ensemble de ses adversaires pendant toute la durée du conflit.

==== Propagande allemande ====
{{Article détaillé|Propagande nazie}}
La propagande, animée par [[Joseph Goebbels|Goebbels]], doit tenir compte de la volonté de rareté des apparitions de Hitler au fil du conflit. En effet, si l'[[Anschluss]], les Sudètes ont été l'occasion d'apparitions de Hitler en Allemagne, cette propagande doit, à partir de 1941, composer avec la répugnance de Hitler à se montrer en public et son retranchement au sein de son état-major et de son cercle d'intimes.
Le dictateur utilise divers vecteurs pour s'exprimer à destination de tout ou partie de la population : journaux, proclamations, ordres du jour, radio. Au cours du conflit, il écrit peu dans la presse, plutôt utilisée par Goebbels, s'adresse aux Allemands par le biais de la radio et à ses soldats par le biais des ordres du jour.

Durant tout le conflit, cependant, Hitler continue de s'adresser à la population allemande à l'occasion des dates anniversaires marquantes du national-socialisme : le {{date-|30 janvier}}, date anniversaire de sa nomination au poste de chancelier, le {{date-|9 novembre}}, anniversaire du [[putsch de la Brasserie|putsch de 1923]], et à certaines occasions, soit habituelles, comme le {{date-|31 décembre}}, ou à l'occasion d’événements importants, comme après le débarquement allié près de Naples le {{date-|9 septembre 1943}}<ref>{{Ouvrage|titre=Images d'une certaine France : affiches 1939-1945|auteur=Stéphane Marchetti |lieu=Lausanne |éditeur=Edita |année=1982 |isbn=2-880-01149-3|passage=109}}.</ref>, ou le {{date-|20 juillet 1944}}<ref>{{Ouvrage|titre=Images d'une certaine France : affiches 1939-1945|auteur=Stéphane Marchetti |lieu=Lausanne |éditeur=Edita |année=1982 |isbn=2-880-01149-3|passage=116}}.</ref>.

Cependant, la propagande exploite progressivement la figure du Führer hors d'Allemagne. Ainsi, en France, la première mention du nom de Hitler date de 1941<ref>{{Ouvrage|titre=Sur les murs de Paris, 1940-1944|auteur1=Charles Lacretelle|auteur2=Pierre André Bourget|lieu=Paris|éditeur=Hachette|année=1959|pages totales=205|passage=63|oclc=7889388}}.</ref>.

De plus, à partir de 1942, période des premières difficultés de recrutement au sein de la Wehrmacht, la figure de Hitler, défenseur de l'Europe menacée par les [[Judéo-bolchevisme|Bolcheviks et les Juifs]], commence à être mise en avant.

À partir de 1944, la propagande de [[Joseph Goebbels|Goebbels]] doit affronter la défiance de la population allemande à l'égard de Hitler. En effet, les éditoriaux du ministre de la Propagande dans le journal ''[[Das Reich (journal)|Das Reich]]'', ainsi que le discours du nouvel an du Führer soulèvent de plus en plus de scepticisme au sein de la population : les réactions de la population de Stuttgart à l'article de Goebbels du [[31 décembre|31]] [[Décembre 1944 (guerre mondiale)|décembre 1944]], connues par un rapport du [[Sicherheitsdienst|service de renseignements de la SS]] sont plus que mauvaises, le rapport mettant en avant le sentiment que Hitler est, aux yeux de la population, l'un des principaux responsables du conflit<ref name="CUKEUA">{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=255|id=kershaw2012_1}}.</ref>.

==== Propagande alliée ====
[[Fichier:Ww2 poster oct0404.jpg|vignette|redresse|alt=Un dessin datant de la Seconde Guerre mondiale. Sur fond jaune, une caricature d’Adolf Hitler se tient debout, de dos, tête de profil, regard tourné vers la droite et l’air ahuri. L’homme porte un uniforme nazi vert sans pantalon ; on voit son caleçon blanc parsemé de croix gammées rouges. À ses pieds, s’étale sur toute la largeur du dessin un tas de chars en mauvais état. À sa droite, sur le fond jaune, est inscrit en rouge : « Let’s catch him with his "Panzers" down! ». Au bas de l’affiche, sur une bande bleu foncé (sous les pieds de Hitler), on peut lire l’inscription en caractères blancs : « we will – if we keep’em firing! ».|Affiche américaine ridiculisant Hitler ; la phrase ''Let’s catch him with his "Panzers" down !'' est un [[jeu de mots]] entre "[[Panzer]]s" et "Pants" (pantalon) et signifie : "Coinçons-le culotte baissée !" mais aussi : "Coinçons-le avec ses chars détruits !" ; la phrase du bandeau inférieur, "we will – if we keep’em firing !", signifie : "nous y arriverons - si nous continuons à leur tirer dessus".]]
[[Fichier:Hitler pincushion IMG 1332b.jpg|vignette|gauche|redresse|Pelote à épingles représentant Adolf Hitler, États-Unis, vers 1941.|alt=Une photo en couleurs (fond brun clair) d’une statuette en plâtre d’Adolf Hitler, posée sur un support beige. L’homme, de profil, tête nue, porte un uniforme marron clair et des bottes noires. Il est penché vers l’avant (de droite à gauche), les deux mains réunies entre ses genoux. Son derrière est recouvert d’une capote en laine orange dans laquelle sont plantées quatre épingles.]]
À partir de la déclaration de guerre, les Alliés développent contre le Führer, principal dirigeant du {{IIIe}} Reich, différentes approches en matière de propagande. La propagande alliée a beaucoup tourné Hitler en ridicule, caricaturant ses poses habituelles, le présentant comme un personnage manipulateur. À partir de 1944, il est également présenté comme un monstre.

Ainsi [[Pierre Dac]] ridiculise abondamment Hitler, dans un premier temps dans l{{'}}''[[L'Os à moelle (journal)|Os à Moelle]]'', brocardant notamment les célébrations de l'anniversaire du Führer dans un échange de télégrammes avec [[Benito Mussolini|Mussolini]]<ref>{{Harvsp|Pierre Dac|2007|p=1133|id=dac2007}}.</ref>, puis à Londres à partir d'{{date-|octobre 1943}}, pour la [[France libre]], en mettant par exemple en avant les choix militaires désastreux de Hitler dans une ''petite recette culinaire pratique'', ''Le Soufflé Intuitif, à la Manière du Père Adolf'', extraite du ''Manuel de Cuisine Stratégique de [[Berchtesgaden]]''<ref>{{Harvsp|Pierre Dac|2008|p=82|id=dac2008}}.</ref>, dans des chansons reprenant des ritournelles très connues en France avant la guerre<ref>{{Harvsp|Pierre Dac|2008|p=135|id=dac2008}}, par exemple.</ref>. Les volte-face de la [[Royaume de Hongrie (1920-1946)|Hongrie]] et l'[[Complot du 20 juillet 1944|attentat de Rastenburg]] fournissent aussi au chansonnier l'occasion de ridiculiser les soutiens de Hitler : des dirigeants d'États satellites de plus en plus dubitatifs, tancés par Hitler qui croit toujours en la victoire finale<ref>{{Harvsp|Pierre Dac|2008|p=95|id=dac2008}}.</ref>.

Après la fin de la guerre (après le suicide de Hitler), lorsque, reporter de guerre, Pierre Dac se rend en mai et {{date-|juillet 1945}} en Allemagne et en Autriche occupée par les Alliés, il ridiculise la propension de certains Allemands, des membres de la famille d'[[Eva Braun]] par exemple, à ne pas s'étendre sur les liens qu'ils ont entretenus avec Hitler<ref>{{Harvsp|Pierre Dac|2008|p=157|id=dac2008}}.</ref>.

== Conceptions historiques et artistiques ==
Hitler se montre intéressé par les civilisations antiques qui ont laissé des ruines en abondance : à ses yeux les formes d'art monumental antique garantissent à leurs concepteurs une sorte d'éternité{{sfn|Chapoutot|2012|p=550}}. Ainsi, l’[[architecture]] était probablement la plus grande passion de Hitler. S’il se voulait un artiste, il n'avait pas de sensibilité aux courants artistiques qui lui étaient contemporains. À Vienne comme à Munich, foyers actifs de l’art moderne, il ne s'intéressait pas aux [[Avant-garde (art)|avant-gardes]], réservant son admiration aux monuments néo-classiques du {{s-|XIX}}.

=== Des rapports complexes avec l'Histoire ===
Hitler s'est rapidement intéressé à l'Histoire. Ayant fréquenté l'école dans les années 1890-1900, il en a retiré une vision héroïque, inspirée de l'apprentissage de la vie et de la geste des « grands hommes » et un fort intérêt pour l'[[Antiquité]]{{sfn|Chapoutot|2012|p=399}}. Durant ses années viennoises, aux dires de ceux qui l'ont côtoyé, il se passionne pour l'Antiquité, lisant des livres par dizaines sur le sujet, ainsi que des traductions des auteurs grecs et romains{{sfn|Chapoutot|2012|p=399}}. Chancelier, il définit le {{date-|23 mars 1933}} dans un discours au Reichstag (qui ne fait que développer des conceptions exposées dans ''{{langue|de|[[Mein Kampf]]}}'') les grandes orientations de ce que doivent être les programmes d'histoire dans les écoles du Reich, rapidement traduites par [[Wilhelm Frick|Frick]] en circulaires d'application : l'Histoire doit proposer aux élèves un [[Panthéon]] des Grands hommes et de leurs actions{{sfn|Chapoutot|2012|p=396}}.

==== Conception de l'Histoire ====
Aux yeux de Hitler, l'histoire de l'Humanité, par-delà les évènements, est avant tout l'histoire de la lutte des races{{sfn|Chapoutot|2012|p=427}}. Plusieurs présupposés président au raisonnement qui aboutit à cette conclusion : tout d'abord, il existe des races humaines, croyance largement admise au début du {{s-|XX}}, ensuite ces races ont sans cesse combattu pour le contrôle d'un territoire et pour leur survie, enfin, dans cette lutte, l'arme la plus sournoise que peut employer une race contre une autre est le mélange des sangs{{sfn|Chapoutot|2012|p=428-429}}. Ainsi, la pureté raciale constitue aux yeux de Hitler le meilleur rempart contre l'influence de l'Asie, c'est-à-dire des peuples asiatiques, influence qu'il juge néfaste, et dont le [[Judéo-bolchevisme]] constitue le dernier avatar et, à ses yeux le plus dangereux{{sfn|Chapoutot|2012|p=434}}.

Pour Hitler, une gigantomachie oppose la race aryenne indo-germanique au Juif, au Méditerranéen en général, à l'Est éternel{{sfn|Chapoutot|2012|p=553}}.

==== L'Histoire universelle selon Hitler ====
Selon Hitler, toute civilisation vient du Nord, berceau d'origine des [[Aryens]]{{sfn|Chapoutot|2012|p=41}}. Ainsi, à de nombreuses reprises, il développe l'idée que les [[Grèce antique|Grecs]] et les [[Égypte antique|Égyptiens]] sont issus du Nord : en effet, il conteste la thèse de l'arriération des Germains et justifie leur retard de développement, par rapport à Athènes et Rome, par la dureté du climat nordique{{sfn|Chapoutot|2012|p=93}} ; il situe ainsi le [[Lebensraum]] des Germains des [[Invasions barbares|Grandes Invasions]], non vers l'est, mais vers le sud{{sfn|Chapoutot|2012|p=94}}. Appuyé sur Tacite, il décrit en termes péjoratifs la Germanie des origines{{sfn|Chapoutot|2012|p=95}}.

Ainsi, Hitler a tendance à trouver ridicule la germanomanie de Himmler et de la SS et ne se prive pas de le faire savoir à ses convives{{sfn|Chapoutot|2012|p=98}} : il reprend ainsi les préjugés les plus humiliants contre les Germains, magnifiés par Himmler{{sfn|Chapoutot|2012|p=102}}. En effet, Hitler apprécie plus que tout l'Antiquité grecque et romaine : à ses yeux, ce sont les Romains qui ont fait de la Germanie ce qu'elle est devenue : [[Arminius]] est certes célébré, mais Hitler rappelle son passage dans les légions romaines, qui fait de lui un intermédiaire culturel entre Rome et la Germanie{{sfn|Chapoutot|2012|p=101}}. Cette fascination pour l'Empire romain est autant fascination pour la puissance que fascination pour les signes matériels de cette puissance{{sfn|Chapoutot|2012|p=340}} : Rome a ainsi non seulement conquis un empire, mais aussi laissé de nombreux indices et traces de son rayonnement impérial, traces permises avant tout par le développement de l'État, autorisé seulement par la présence d'Aryens au sein de ceux qui mettent en place et organisent cet État{{sfn|Chapoutot|2012|p=342}}. Mais Rome a aussi fourni un modèle à Hitler, celui de l'expansion militaire, tout d'abord par l'organisation d'une intendance, comme il le rappelle le 25 [[Avril 1942 (guerre mondiale)|avril 1942]] devant ses invités{{sfn|Chapoutot|2012|p=344}}, ensuite par le souci constant des généraux romains aussi bien du choix des armements que de connaître l'état d'esprit de leurs troupes, pour être à même, comme César, de l'utiliser au profit de leurs entreprises ; de l'histoire militaire romaine, Hitler a surtout retenu une philosophie de l'usage de la force : lorsque celle-ci s'avère nécessaire, son usage doit être total, pour frapper de manière la plus efficace possible les capacités de résistance de l'adversaire{{sfn|Chapoutot|2012|p=347}}.

Non content d'y trouver un modèle{{sfn|Chapoutot|2012|p=370}} dans l'expansion militaire, Hitler y voit aussi un modèle de gestion des territoires conquis par une élite combattante germanique : à ses yeux, c'est parce que le noyau racial romain était homogène que les Romains ont pu conquérir, d'abord le Latium, puis, alliés, dans le cadre d'une union maintenue par la force, avec des peuples racialement voisins, l'Italie, et enfin, le pourtour méditerranéen{{sfn|Chapoutot|2012|p=349}}. Hitler lie aussi la pérennité de l'Empire romain, et de sa culture, à ses routes, le premier construisant les secondes, les secondes structurant le premier{{sfn|Chapoutot|2012|p=350}}. Dès les années 1930, une analogie est faite par les constructeurs des autoroutes nazies entre les voies romaines et les autoroutes du Reich{{sfn|Chapoutot|2012|p=351}}, prélude à l'essor territorial du Reich millénaire{{sfn|Chapoutot|2012|p=354}}. Hitler définit le rôle de ces routes, dans le cadre de la conquête et de la préservation du Reich, dans le cadre de leur utilisation militaire{{sfn|Chapoutot|2012|p=354}}. Mais Rome est aussi modèle car l'Empire romain disposait selon lui d'une vocation universelle, irréalisable, que n'avait pas, même au pic de puissance le plus haut, atteint le {{IIIe}} Reich : modèle, l'Empire romain, à vocation unificatrice doit avoir son pendant, le Reich conquérant, unifié racialement{{sfn|Chapoutot|2012|p=371}}. Ce projet impérial romain, défini comme impossible à réaliser, constitue aux yeux de Hitler une manière d'ancrer dans la réalité son propre projet, lui donne de la crédibilité{{sfn|Chapoutot|2012|p=371}}.

Mais l'attraction romaine opère aussi dans les rapports entretenus par Hitler avec l'Italie contemporaine, fasciste. Ainsi, par rapport à [[Benito Mussolini|Mussolini]], qui professe au début du {{IIIe}} Reich un souverain mépris pour le racisme hitlérien{{sfn|Chapoutot|2012|p=106}}, Hitler développe un complexe d'infériorité, lorsqu'il compare le passé de l'Italie romaine et celui de la Germanie antique : il tente donc de favoriser l'annexion des Romains et des Grecs à sa conception de la race indo-germanique, pour glorifier une supposée parenté commune entre Rome et la Germanie{{sfn|Chapoutot|2012|p=107}}.

=== L'art selon Hitler ===

De ces conceptions historiques découlent des considérations artistiques très précisément définies.

==== Des goûts très marqués ====

Dès son arrivée au pouvoir, il disperse les avant-gardes artistiques et culturelles, fait brûler de nombreuses œuvres des avant-gardes et contraint des milliers d’artistes à s'exiler. Ceux qui demeurent se voient souvent interdire de peindre ou d’écrire, et sont placés sous surveillance policière. En 1937, Hitler fait circuler à travers toute l’Allemagne une exposition d’{{citation|[[art dégénéré]]}} visant à tourner en dérision ce qu’il qualifie de {{citation|gribouillages juifs et cosmopolites}}. Il encourage un {{citation|art nazi}} conforme aux canons esthétiques et idéologiques du pouvoir au travers des œuvres de son sculpteur préféré [[Arno Breker]], de [[Leni Riefenstahl]] au cinéma, ou de [[Albert Speer]], son seul confident personnel, en architecture. Relevant souvent de la propagande monumentale, comme le [[Stade olympique de Berlin|stade]] destiné aux [[Jeux olympiques d'été de 1936|Jeux olympiques de Berlin]] (1936), ces œuvres au style très néo-classique développent aussi souvent l’exaltation de corps {{citation|sains}}, virils et {{citation|aryens}}.

==== Rêves d’architecte ====
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-2004-0312-500, Obersalzberg, Albert Speer, Adolf Hitler.jpg|vignette|gauche|alt=Photo noir et blanc. Adolf Hitler (à droite) et Albert Speer (à gauche), tous deux de profil, en costume sombre, discutent, la tête penchée au-dessus d’une carte étalée sur une plan. En arrière-plan, on voit, à travers une baie vitrée, un paysage de montagne.|[[Albert Speer]] et Adolf Hitler au ''[[Berghof]]'' en 1938.]]

[[Fichier:Arno Breker Adolf Hitler(1938).jpg|vignette|alt=Photo en couleurs (fond gris clair) d’une tête en bronze d’Adolf Hitler, réalisée par le sculpteur Arno Beker, en 1398.|Buste d'Adolf Hitler réalisé par [[Arno Breker]] en 1938.]]

L’une des obsessions de Hitler était la transformation complète de Berlin. Dès son accession au pouvoir, il travaille sur des plans d’urbanisme avec son architecte Albert Speer. Il était ainsi prévu une série de grands travaux monumentaux à l’ambition démesurée, d’inspiration [[néo-classicisme|néo-classique]], en vue de réaliser le {{citation|nouveau Berlin}} ou [[Welthauptstadt Germania]]. La guerre contrariera ces projets, et seule la [[Neue Reichskanzlei|nouvelle chancellerie]], inaugurée en 1939, fut achevée. La coupole du nouveau [[Palais du Reichstag]] aurait été 13 fois plus grande que celle de la [[basilique Saint-Pierre]] de [[Rome]], l’avenue triomphale deux fois plus large que les [[Avenue des Champs-Élysées|Champs-Élysées]] et l’arche triomphale aurait pu contenir dans son ouverture l’[[Arc de triomphe de l'Étoile|arc de triomphe]] [[paris]]ien ({{unité|40|m}} de haut). Le biographe de Speer, [[Joachim Fest]], discerne à travers ces projets mégalomanes une {{Citation|architecture de mort<ref>{{Ouvrage|langue=de|titre=Speer|sous-titre=Eine Biographie|auteur1=[[Joachim Fest]]|lieu=Frankfurt am Main|année=2001|mois=juin|pages totales=538|éditeur=Fischer-Taschenbuch-Verlag (FTV)|isbn=3596150930}}.</ref>}}.

Hitler exige, pour les constructions dont il ordonne la réalisation, l'utilisation des matériaux les plus nobles, suggérant à ses architectes de passer outre aux réserves du ministre des finances, [[Lutz Schwerin von Krosigk]]{{sfn|Chapoutot|2012|p=544}}. Voulant léguer des constructions (et leurs ruines, sur le modèle des ruines romaines) plus que les penser pour un usage contemporain, Hitler, malgré les réserves de son entourage{{sfn|Chapoutot|2012|p=549}}, est enthousiasmé par la théorie de [[Albert Speer|Speer]] sur la valeur des ruines, théorie inspirée par la vue des ruines d'un dépôt de tramways dynamité pour réaliser le Zeppelinfeld de [[Nuremberg]]{{sfn|Chapoutot|2012|p=548}}. Cette théorie est reprise à de nombreuses occasions par Hitler dans ses discours lors de sessions du congrès du parti, ou dans les consignes architecturales qu'il donne pour la conception des plans des édifices dont il commandite la réalisation{{sfn|Chapoutot|2012|p=549}} : ainsi, dès 1924, dans ''[[Mein Kampf]]'', sans pour autant que la conception architecturale de Speer soit précisément théorisée, il évoque avec aigreur les ruines possibles du Berlin des années 1920{{sfn|Chapoutot|2012|p=550}}. L'architecture promue par Hitler est conçue, non en fonction de son usage quotidien, mais de sa destruction{{sfn|Chapoutot|2012|p=550}}, comme il le dit lui-même lors de la pose de la première pierre de la ''Krongresshalle'' de [[Nuremberg]]{{sfn|Chapoutot|2012|p=547}} :

{{Citation|Si jamais notre mouvement venait à devoir se taire, alors ce témoignage parlerait encore après des millénaires. Au milieu d'un bois sacré de chênes antiques, les hommes admireront avec une terreur sacrée ce premier géant des édifices du {{IIIe}} Reich{{sfn|Chapoutot|2012|p=547}}}}.

Ainsi, sur le modèle des ruines de Rome, il souhaite que le Reich qu'il édifie laisse derrière lui des indices matériels de sa grandeur passée{{sfn|Chapoutot|2012|p=551}}.

En pleine guerre, Hitler se réjouit que les ravages des bombardements alliés facilitent pour l’après-guerre ses projets grandioses de reconstruction radicale de [[Berlin]], [[Hambourg]], [[Munich]] ou [[Linz]]<ref name="DKLF9L">{{Harvsp|Fabrice d'Almeida|2008|p=86-87|id=almeida2008_2}}.</ref>.

Dans son bunker, il se fait livrer le {{date-|9 février 1945}} par l'architecte [[Hermann Giesler]] une maquette de Linz, montrant les projets de reconstruction de la ville. Cette maquette fait alors l'objet d'un passage obligé de tous les visiteurs du Bunker, jusqu'à sa destruction, en avril<ref name="DKLF9L"/>.

==== Hitler et la musique ====

Arrivé au pouvoir, il fait surtout valoriser dans les cérémonies nazies les musiques de [[Richard Wagner]] et d'[[Anton Bruckner]], ses favorites. En 1943, en visite à [[Linz]], il se plaît à évoquer devant ses interlocuteurs, des gauleiters et certains ministres, dont Speer, ses souvenirs lors de sa découverte des œuvres de Wagner à l'opéra de la ville{{sfn|Chapoutot|2012|p=544}}.

== Legs historique ==
[[Fichier:Arthur Szyk (1894-1951). Anti-Christ (1942), New York.jpg|vignette|''Anti-Christ'', caricature d'Adolf Hitler par [[Arthur Szyk]], New York, 1942.]]
Personnage impitoyable et déshumanisé, dictateur totalitaire, raciste et eugéniste, Adolf Hitler a été surtout le principal responsable [[Seconde Guerre mondiale|du conflit de loin le plus vaste]], le plus destructeur et le plus traumatisant que l'humanité ait jamais connu, à l'origine de près de quarante millions de morts en Europe, dont vingt-six millions de Soviétiques. Environ onze millions de personnes ont directement été assassinées sur ses ordres, en raison des pratiques criminelles systématiques de son régime et de ses forces armées, ou en application de ses projets exterminateurs prémédités. Parmi elles figurent les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée. {{citation|Jamais dans l'[[Histoire]], pareille ruine matérielle et morale n'avait été associée au nom d'un seul homme}}, observe l'historien [[Ian Kershaw]]<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2000|id=kershaw2000}}, conclusion finale.</ref>.

L'image de Hitler a été définitivement associée à ces crimes, en particulier, lors de la découverte des [[camps de concentration nazis|camps de la mort]] en avril-{{date-|mai 1945}}, avec leurs monceaux de cadavres décharnés, leurs survivants squelettiques et hagards, leurs expériences pseudo-médicales et leurs [[chambre à gaz|chambres à gaz]] doublées des tristement célèbres fours crématoires. Cette révélation macabre a achevé de trancher les débats antérieurs entre adversaires et partisans du personnage et de son régime<ref>{{Ouvrage|titre=Le Passé d'une illusion|sous-titre=Essai sur l'idée communiste au {{s-|XX}}|auteur1=[[François Furet]]|lieu=Paris|éditeur=Librairie générale française|collection=Le livre de poche|pages totales=824|année=1995|isbn=225314018X}}.</ref>. La redécouverte de la [[Shoah]], depuis les années 1970, a recentré l'attention sur la spécificité du judéocide qu'il a inspiré, tout en confirmant la nature intrinsèquement criminelle de son action et de son système.
{{clr|left}}

=== Bilan ===
[[Fichier:Polish kid in the ruins of Warsaw September 1939.jpg|vignette|gauche|Enfant dans les ruines de Varsovie ({{date-|septembre 1939}}).|alt=Photo noir et blanc prise en septembre 1939, à Varsovie. Au centre de la photo, un enfant se tient accroupi dans les gravats d’un bâtiment en ruine.]]

Le bilan humain est sans précédent. En trois années d'occupation, la terreur nazie a fait périr près du quart des habitants de la [[Biélorussie]]. La [[Pologne]] sous Hitler a perdu près de 20 % de sa population totale (dont 97 % de sa communauté juive, jusqu'alors la première du monde). L'URSS, la [[Grèce]] et la [[Yougoslavie]] ont perdu entre 10 et 15 % de leurs citoyens<ref>{{Harvsp|Tony Judt|2007|id=judt2007}}, chapitre premier {{citation|L'héritage de la guerre}}.</ref>. À l'Ouest, la terreur et l'exploitation hitlériennes ont été moindres mais éprouvantes. Entre 1940 et 1944, la [[France]] gouvernée par le [[Régime de Vichy]] a été le pays proportionnellement le plus pillé d'Europe, {{unité|30000 habitants}} ont été fusillés sur place, des dizaines de milliers déportés en camps de concentration, un quart de la population juive exterminée, sans oublier les {{unité|400000 soldats}} tombés au combat, ni les deux millions de soldats maintenus indéfiniment en captivité dans le Reich ou plus de {{unité|600000 Français}} du [[Service du travail obligatoire (France)|STO]] contraints d'aller travailler dans les usines allemandes.

[[Fichier:DeadGermanOrtona.jpg|vignette|Soldat allemand tué en Italie, {{nobr|fin 1943}}.|alt=Photo noir et blanc prise le 23 décembre 1943 à [[Ortona]], en Italie. Dans la partie gauche de la photo, le cadavre d’un soldat allemand gît (tête vers le bas de la photo) sur un sol de terre pierreuse. Trois photos de soldats sont visibles près de son épaule droite.]]

Les [[Allemands]] ne sont pas les derniers à avoir payé chèrement les ambitions démesurées de leur Führer, auquel ils ont toutefois globalement continué d'obéir jusqu'à la fin. [[Pertes humaines pendant la Seconde Guerre mondiale|Plus de quatre millions de soldats]] sont morts au front, laissant encore davantage de veuves et d'orphelins, et condamnant une génération à subir le déséquilibre durable du ''[[sex-ratio]]'' et de la vie de familles monoparentales. Ainsi, deux tiers des mâles allemands nés en 1918 n'ont-ils pas vu l'issue de la guerre<ref>{{Harvsp|Tony Judt|2007|p=34|id=judt2007}}.</ref>. Toutes les grandes et moyennes villes allemandes ou presque sont en ruines, et {{unité|500000 civils}} ont été tués par les bombes. Des centaines de milliers de femmes allemandes de tous âges ont été exposées aux viols de l'Armée rouge en 1945.

L'[[Allemagne]] même, dont Hitler avait prétendu faire la raison de son combat politique et de son existence, disparaît en tant qu'État au terme de l'aventure nazie. Elle ne retrouve son indépendance qu'en 1949 (sans la pleine souveraineté au début) et son unité qu'en 1990. [[Berlin]], l'une des villes qui avait le moins voté pour Hitler et que le Führer n'avait jamais aimée, n'en subira pas moins une division de 40 ans, matérialisée après 1961 par le célèbre [[mur de Berlin]]. En représailles aux exactions massives du Troisième Reich, plus de 8 millions d'Allemands présents depuis des siècles ont été chassés en 1945 des Sudètes, des Balkans et de toute l'Europe centrale et orientale. Sans oublier la déportation en Sibérie, en 1941, des [[Allemands de la Volga]] vus par Staline comme une cinquième colonne potentielle de Hitler. Le territoire actuel de l'[[Allemagne]] est inférieur d'un quart à celui du Reich de 1914.

Le traumatisme hitlérien a aussi valu à l'Allemagne son élimination définitive comme puissance militaire, ses effectifs armés restant strictement limités, et interdits d'opérations hors de ses frontières au moins jusque dans les années 1990. Sur le plan diplomatique, la division d'après-guerre a fermé jusqu'en 1973 les portes de l'[[Organisation des Nations unies|ONU]] à la [[République démocratique allemande|RDA]] et à la [[Allemagne de l'Ouest|RFA]] ({{citation|géant économique et nain politique}}). En revanche, sur le plan économique, son fidèle [[Albert Speer]] a su renouveler les machines et enterrer les usines : le potentiel industriel de l'Allemagne est largement intact après-guerre, ce qui a permis de se demander si Hitler n'était pas le père inavouable du [[Wirtschaftswunder|miracle économique allemand]] d'après-guerre<ref>{{Harvsp|Tony Judt|2007|p=425|id=judt2007}}.</ref>.

[[Fichier:Graffiti inside the ruins of the German Reichstag building.jpg|vignette|gauche|Le {{date-|3 juillet 1945}}, deux mois après la mort d'Adolf Hitler, un soldat britannique regarde les graffiti laissés par l'[[Armée rouge]] dans le [[Palais du Reichstag|Reichstag]] en ruines.|alt=Photo noir et blanc, prise le 3 juillet 1945 à Berlin, montrant l’intérieur d’un hall du Reichstag en ruines. Au premier plan, un soldat, debout et de dos, regarde les innombrables graffitis écrits sur les colonnes de couleur claire du lieu.]]

Les pillages, les bombardements, les représailles et la terre brûlée ordonnés par Hitler ont dans l'immédiat largement aggravé le bilan matériel inégalé de la guerre. Des milliers de villes, de bourgs et de villages ont été détruits par la [[Wehrmacht]] et les [[Waffen-SS]] dans toute l'Europe. [[Minsk]] a été ainsi détruite par Hitler à 80 %, [[Varsovie]] à 90 %. L'URSS compte au moins 25 millions de sans-abris et l'Allemagne 20 millions<ref>{{Harvsp|Tony Judt|2007|p=30|id=judt2007}}.</ref>. 30 millions de réfugiés et {{citation|personnes déplacées}} errent sur les routes d'Europe en {{date-|mai 1945}}, en majorité en Allemagne.

Le combat contre le {{citation|[[bolcheviks|bolchevisme]]}}, dont Hitler avait fait un fondement de sa mission et un de ses thèmes de propagande les plus porteurs, s'achève sur un fiasco total. C'est en repoussant l'agression hitlérienne que l'Armée rouge pousse jusqu'à Berlin et que l'URSS peut imposer sa domination à la moitié de l'Europe pour plus de 40 ans. Devenu le principal vainqueur de son ancien allié Hitler, [[Joseph Staline|Staline]] retire aussi de sa victoire sur ce dernier un immense prestige dans sa population et dans le monde entier.

[[Fichier:138 Ante Pavelic.jpg|vignette|Adolf Hitler reçoit [[Ante Pavelić]], dirigeant de l'[[État indépendant de Croatie]], {{date-|juin 1941}}.|alt=Photo noir et blanc, prise le 9 juin 1941 à Berchtesgaden, en Allemagne. Au centre de la photo, Adolf Hitler, portant un long manteau noir et une casquette militaire, serre la main d’Ante Pavelić (à droite), dirigeant de l’État indépendant de Croatie. Les deux hommes sont de profil, debout, sur les marches de l’escalier menant à l’entrée de la résidence secondaire de Hitler. Un soldat en arme se tient debout, en haut de l’escalier (en haut à gauche de la photo). Au second plan, deux officiers allemands (en bas à droite de la photo) assistent à la scène. L’arrière-plan de la photo est constitué d’un mur blanc percé d’une fenêtre grillagée (au-dessus de la tête du dirigeant croate).]]

Dans les pays occupés, en engageant la [[collaboration dans l'Europe occupée par les nazis|collaboration avec Hitler]], généralement sans obtenir aucune contrepartie du Führer{{note|groupe=n|La France du [[Philippe Pétain|maréchal Pétain]], ainsi, a nourri l'illusion coûteuse que le Führer était prêt à faire de la France un pays partenaire dans sa {{citation|nouvelle Europe}}, d'où une collaboration à sens unique qui a permis à Hitler d'atteindre à moindres frais ses objectifs de pillage, répression ou déportation<ref>{{Ouvrage|titre=La France de Vichy|sous-titre=1940-1944|auteur1=[[Robert Paxton]]|préface=Stanley Hoffmann|traducteur=Claude Bertrand|langue originale=en|titre original=Vichy France : old guard and new order, 1940-1944|collection=Points Histoire|lieu=Paris |éditeur=Seuil |pages totales=375|année=1973|isbn=2020006618}}.</ref>.}}, bien des responsables européens ont causé à leur pays de graves divisions civiles et des compromissions qui reviendront hanter durablement les mémoires nationales. De durs combats traumatisants ont opposé ennemis et alliés de Hitler en [[Occupation de la France par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale|France occupée]], dans l'[[Campagne d'Italie (Seconde Guerre mondiale)|Italie en guerre]] ou, à une échelle bien pire, dans l'[[État indépendant de Croatie]], dirigé par les [[Oustachis]]. En Pologne, en Grèce et [[Front yougoslave de la Seconde Guerre mondiale|en Yougoslavie]], les résistants au maître du Troisième Reich n'ont même pas pu s'entendre entre eux et se sont violemment combattus : la [[guerre civile grecque]] de 1946-1949, par exemple, est aussi un héritage de Hitler.

Spoliés et exterminés, les [[Juifs]] d'Europe ont vu disparaître à jamais les foyers les plus brillants et prospères de leur culture, avec l'éradication sans retour des fortes communautés de Berlin, Vienne, Amsterdam, Vilnius ou Varsovie. Les trois quarts des locuteurs du [[yiddish]] ont péri. En Europe de l’Est, les rares survivants des camps sont souvent insultés voire assassinés à leur retour, en particulier par ceux qui ont pris leurs biens en leur absence. Il n'est pas rare alors d'entendre des Polonais ou des Tchécoslovaques se plaindre à haute voix que {{citation|Hitler n'a[it] pas fini le travail}}<ref>Cf. par exemple la fin de ''[[Maus]]'', d'[[Art Spiegelman]].</ref>.

=== Mémoire et traumatisme moral ===
[[Fichier:Defendants in the dock at the Nuremberg Trials.jpg|vignette|gauche|Procès des principaux responsables politiques et militaires du Reich à [[Procès de Nuremberg|Nuremberg]], 1946. ''Au premier rang, de gauche à droite'' : [[Hermann Göring|Göring]], [[Rudolf Hess|Hess]], [[Joachim von Ribbentrop|Ribbentrop]], le [[Wilhelm Keitel|maréchal Keitel]] ; ''au second rang'' : les deux amiraux [[Karl Dönitz|Dönitz]] et [[Erich Raeder|Raeder]], [[Baldur von Schirach|Schirach]], [[Fritz Sauckel|Sauckel]].<br> [[Procès de Nuremberg#Procès-liés|D’autres procès ont suivi]].|alt=Photo noir et blanc prise en 1946, au procès de Nuremberg. Dans le box des accusés sont assis huit hommes, sur deux rangées de quatre. Au premier rang (de haut en bas) : Hermann Göring, Rudolf Heß, Joachim von Ribbentrop et Wilhelm Keitel en uniforme. Au deuxième rang (de haut en bas) : Karl Dönitz, Erich Raeder, Baldur von Schirach et Fritz Sauckel. Derrière eux (en haut, à droite), se tiennent quatre membres de la police militaire, debout, les mains derrière leur dos.]]

Principal absent du [[procès de Nuremberg]], et malgré le mot d'ordre de [[Hermann Göring|Göring]] {{citation|Pas un mot contre Hitler}}, le Führer a vu la plupart de ses subordonnés rejeter sur lui, à titre posthume, la responsabilité de leurs actes criminels. La plupart prétendirent n'avoir fait qu'obéir à ses ordres, et avoir ignoré l'essentiel de la réalité de son régime de terreur et de génocides<ref>{{Ouvrage|titre=Chronique de la Seconde Guerre mondiale|auteur1=Jacques Legrand|directeur1=oui|pages totales=792|lieu=Paris|éditeur=Éditions Chronique|année=1987|isbn=2905969415}}.</ref>.

La [[dénazification]] d'après-guerre n'empêcha pas maints complices de Hitler de ne jamais être inquiétés, ou de faire des carrières politiques, économiques ou administratives prospères, en [[Allemagne de l'Ouest|RFA]] comme en [[République démocratique allemande|RDA]]. D'autres se sont réfugiés, via des filières d'[[Réseaux d'exfiltration nazis|exfiltration]], en Amérique latine ou dans le monde arabe, continuant d'y entretenir le culte nostalgique du Führer, et continuant souvent d'y diffuser l'antisémitisme et le négationnisme, tout en réutilisant les méthodes policières du Troisième Reich au profit de dictatures locales. D'autres furent employés par les services secrets américains, comme [[Klaus Barbie]]. Pratiquement aucun ancien responsable nazi n'a jamais fait acte de repentance, ni manifesté le moindre regret d'avoir suivi et servi Hitler.

La seule exception partielle notable est celle d'[[Albert Speer]], ancien confident et ministre du dictateur, mais son complexe de culpabilité, exposé dans ses mémoires sur le Troisième Reich, se mêle à une fascination persistante pour Hitler, qui témoigne que le charisme du personnage faisait encore effet bien au-delà de sa mort et de la découverte de ses forfaits<ref>{{Ouvrage|titre=[[Au cœur du Troisième Reich|Au cœur du {{IIIe}} Reich]]|sous-titre=Le confident de Hitler|auteur1=[[Albert Speer]]|traducteur=Michel Brottier|langue originale=de|titre original=Erinnerungen|collection=Les grandes études contemporaines|éditeur=Fayard|lieu=Paris|pages totales=816|année=1971|oclc=22349162}}.<br>{{Ouvrage|titre=Albert Speer|sous-titre=Le confident de Hitler|auteur1=[[Joachim Fest]]|traducteur=Frank Straschitz|langue originale=de|titre original=Speer : eine Biographie|collection=Tempus|éditeur=Perrin|lieu=Paris|pages totales=370|année=2001|isbn=2-262-01646-1}}.</ref>.

Hitler a brisé la continuité de l'[[Histoire de l'Allemagne|histoire allemande]]. Il a mis en question jusqu'à la permanence et le sens même de la [[civilisation]]. Un des peuples les plus cultivés et les plus développés du monde s'est révélé en effet capable d'engendrer un Hitler, et de le suivre jusqu'au bout sans grande résistance, y compris dans des entreprises d'une barbarie à cette heure unique dans l'Histoire{{note|groupe=n|L'ancien chef de la [[Jeunesses hitlériennes|Hitlerjugend]] et gauleiter de Vienne [[Baldur von Schirach]], condamné à vingt ans de prison à Nuremberg, écrit en 1967 : {{citation|La catastrophe allemande ne provient pas seulement de ce que Hitler a fait de nous, mais de ce que nous avons fait de Hitler. Hitler n'est pas venu de l'extérieur, il n'était pas, comme beaucoup l'imaginent, une bête démoniaque qui a saisi le pouvoir tout seul. C'était l'homme que le peuple allemand demandait et l'homme que nous avons rendu maître de notre destin en le glorifiant sans limites. Car un Hitler n'apparaît que dans un peuple qui a le désir et la volonté d'avoir un Hitler<ref>Cité par {{Harvsp||texte=François Bédarida 1991|loc={{citation|introduction}}|p=13|id=collectif1991_1}}.</ref>.}}}}. Dès lors, la conscience allemande et européenne n'a cessé d'interroger les responsabilités du passé allemand dans l'avènement de Hitler, celle de la culpabilité des Allemands ayant vécu sous le Führer (''Schuldfrage''), mais aussi la responsabilité morale qui échoit en héritage aux générations ne l'ayant pas connu. Selon le mot de [[Tony Judt]], {{citation|demander à chaque nouvelle génération d'Allemands de vivre à jamais dans l'ombre de Hitler, exiger qu'ils endossent la responsabilité de la mémoire de la culpabilité unique de l'Allemagne et en faire l'aune même de leur identité nationale était le moins qu'on pût exiger… mais c'était attendre beaucoup trop<ref>{{Harvsp|Tony Judt|2007|p=942|id=judt2007}}.</ref>}}.

[[Fichier:Buchenwald Samuelson 62779.jpg|vignette|alt=Un photomontage noir et blanc de l’armée américaine, publié, le 3 juin 1945, dans le journal américain « The Tacoma Sunday News Tribune ». Sur un fond blanc, au centre de la photo, cinq vignettes exposent des cadavres ; une sixième vignette montre un groupe de prisonniers, tête rasée et corps décharné, d’un camp de concentration. En haut de la photo, on peut lire l’inscription en gros caractères noirs : « Remember this ! », et, en bas, le message : « Don’t fraternize ! ».|{{citation|Souviens-toi de cela ! Ne fraternise pas !}} {{incise|affiche de l'armée américaine, {{date-|juin 1945}}|stop}}.]]

En 1952, 25 % des Allemands sondés avouaient avoir une bonne opinion de Hitler et 37 % trouvaient bon de n'avoir plus aucun Juif sur leur territoire. En 1955, 48 % considéraient encore que Hitler, sans la guerre, resterait l'un des plus grands hommes d'État que leur pays ait jamais connu. Ils étaient encore 32 % à soutenir cette opinion en 1967, surtout parmi les plus âgés<ref>{{Harvsp|Tony Judt|2007|p=80 et 940|id=judt2007}}.</ref>. Encore à partir des années 1980, la résurgence de phénomènes [[néonazisme|néonazis]] ultraminoritaires mais très violents a pu aussi inquiéter. Ces groupes sont reconnaissables entre autres à leur pratique du [[Salut fasciste|salut nazi]] ou lorsqu'ils célèbrent bruyamment l'anniversaire de la naissance et de la mort du Führer.

Le renouvellement des générations, l'affaiblissement à partir des années 1960 des tabous publics et privés empêchant de parler d'une ''Hitlerzeit'' (ou ''Hitlerdiktatur'') traumatisante et compromettante, la redécouverte de la singularité du génocide des Juifs à partir des années 1970, la lutte contre le [[négationnisme]], ont permis par la suite d'éradiquer en bonne partie les sympathies ou nostalgies latentes pour Hitler et son régime en Allemagne et en Autriche.
Hitler est aussi revenu hanter périodiquement les mémoires collectives des autres pays. Surtout à partir des années 1960-1970, on redécouvre un peu partout qu'un des plus grands criminels de l'histoire a bénéficié jusque chez soi de soutiens indispensables, de relais, de délateurs {{incise|ou tout simplement d'indifférences, de passivités et de complaisances plus ou moins lourdes de conséquences humaines et morales|stop}}. La [[France]] ne reconnaîtra qu'en 1995 la responsabilité de l'État pétainiste dans les déportations de Juifs. Même des États neutres tels que la [[Suisse]] ou le [[Pie XII|Vatican]] ont vu mettre âprement en question les ambiguïtés de leur attitude face à l'[[Troisième Reich|Allemagne nazie]].

Même à l'Ouest, la guerre contre Hitler n'avait jamais été conçue comme une guerre pour sauver les Juifs. La spécificité raciste et exterminatrice de son action avait rarement été perçue des contemporains. Les pouvoirs publics et l'opinion s'étaient plus attachés, dans l'après-guerre, à célébrer les résistants et les soldats qui avaient combattu le dictateur (perçu d'abord comme l'agresseur étranger et l'oppresseur de la nation) que ses victimes, souvent réduites au silence. Ce n'est qu'après le procès [[Adolf Eichmann|Eichmann]] en 1961 et avec la redécouverte de l'unicité de la [[Shoah]], dans les années 1970, que le monde occidental comprend le génocide des Juifs comme le principal crime du Führer<ref>{{Harvsp|Tony Judt|2007|id=judt2007}}, {{citation|Épilogue : de la maison des morts}}.</ref>.

Paradoxalement, l'auteur de ''{{langue|de|[[Mein Kampf]]}}'' a sans doute été le fossoyeur involontaire du vieil [[antisémitisme]] européen : largement répandu avant-guerre comme une opinion parmi d'autres, l'antisémitisme est, après lui, devenu définitivement un tabou dépourvu de tout droit de cité en Occident, ainsi qu'un délit passible des lois.

À travers tout l'Occident, un [[devoir de mémoire|vaste effort de pédagogie]] à travers l'école, les médias, les productions littéraires et culturelles, les témoignages de survivants, a permis de familiariser le grand public avec l'ampleur des méfaits du [[Troisième Reich]]. Aussi le nom de Hitler évoque-t-il spontanément et durablement, dans les masses, l'idée même du criminel absolu.
En 1989, pour marquer le centenaire de sa naissance, un [[Monument contre la guerre et le fascisme]] a été érigé devant sa maison natale.

== Antisémitisme ==
Selon Hitler, les Juifs sont une race de {{citation|parasites}} ou de {{citation|vermine}} dont il faut débarrasser l’Allemagne et le monde. Face à cet ennemi fantastique et protéiforme, l'{{Citation|empoisonneur universel de tous les peuples}}<ref>extrait du testament politique de Hitler, cité par Saul Friedländer {{incise|{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=807|id=friedländer2008_2}}|stop}}.</ref>, l'incarnation du mal absolu et menace mortelle pour le peuple allemand, Hitler, Führer à la volonté inébranlable, se voit, et est vu par ses compatriotes comme le plus efficace des remparts, pratiquement jusqu'à la fin de la guerre<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=803|id=friedländer2008_2}}.</ref>.

=== Fondements ===
Cette conviction se développe durant ses années de jeunesse, passées dans la Vienne très fortement antisémite de la première décennie du {{s-|XX}}, marquée par l'essor du mouvement chrétien social autour de [[Karl Lueger]] et du mouvement pangermaniste, groupé en [[Autriche-Hongrie|Autriche]] autour de [[Georg Ritter von Schönerer|Georg Schönerer]]<ref>{{Harvsp|William McCagg|1996|p=351|id=mccagg1996}}.</ref>. Il rend les Juifs responsables des évènements du {{date-|9|novembre|1918}}<ref name="Fleming1994_p14">Mémorandum de Walter Hevel, fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères du Reich, {{date-|21 janvier 1940}}, ''Akten zur deutschen auswärtigen Politik'', vol. 158, {{p.|170}} {{incise|cité par {{Ouvrage|langue=en|titre=Hitler and the Final Solution|auteur1= Gerald Fleming|préface=Saul Friedländer|éditeur=University of California Press|lieu=Los Angeles|année=1994|passage=14|pages totales=243|isbn=0520060229}}|stop}}.</ref> et donc de la défaite et de la [[révolution allemande de 1918-1919|révolution]] allemande, ainsi que de ce qu’il considère comme la décadence culturelle, physique et sociale de la prétendue civilisation aryenne.

Durant cette période, la multiplication des brochures et autres textes nationalistes fournit une caisse de résonance appréciable à l'idée que les Juifs sont responsables des évènements de 1917 en Russie et de 1918-1919 en Allemagne, dans un contexte de guerre civile et de troubles révolutionnaires réprimés brutalement par l'alliance de circonstance de certains sociaux-démocrates et de l'extrême-droite : l'ensemble de cette propagande insiste sur la forte présence de Juifs parmi les cadres révolutionnaires ; ces feuilles, insistant également sur la pratique systématique des exécutions, instillent l'idée que les Révolutionnaires sont soit manipulés par les Juifs, soit aspirent à assoir la domination juive, basée sur la terreur, en Europe<ref name="U7J8UU">{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=102-103|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Cette domination se matérialiserait par une exploitation sans limite de l'humanité au profit des Juifs, pour qui le travail serait un châtiment : incapable de travail, le Juif ne pourrait qu'exploiter le travail des autres<ref name="U7J8UU"/>.

À la base de l'antisémitisme se trouve l'idée que la race est tout, qu'il est inutile de vouloir lutter contre la nature profonde du peuple, de la race à laquelle on appartient : pour Hitler, les Juifs sont donc pris dans leur totalité, le sang définissant la race et l'ensemble des caractères qui en découlent<ref name="U7J8UU"/>.

=== Formation et évolution ===
Au cours de sa période autrichienne, Hitler développe, fortement influencé par les écrits publiés qu'il semble dévorer<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=53|id=kershaw2001_1}}.</ref>, plus particulièrement dans la capitale autrichienne, un antisémitisme virulent qui se renforce lors de l'annonce de la défaite de 1918<ref name="0NT1D6">{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=54|id=kershaw2001_1}}.</ref>. En effet, cette défaite renforce non seulement les tendances antisémites de l'extrême-droite allemande, mais aussi l'antisémitisme de Hitler, dans le contexte bavarois de la [[République des conseils de Bavière|république des conseils]] : une partie non négligeable des membres du Conseil central étant d'origine juive, cette expérience révolutionnaire confirme Hitler dans ses choix politiques et son antisémitisme virulent, à peine encouragé par la lecture fréquente des tracts d'extrême-droite qui circulent parmi les troupes encasernées à Munich<ref name="0NT1D6"/>.
[[Fichier:Protokolle der Weisen von Zion (German edition, 1920).jpg|vignette|Édition allemande des ''[[Les Protocoles des Sages de Sion|Protocoles des Sages de Sion]]'', 1920.]]
À l'automne 1919, encore membre de la section de propagande de l'armée, il adhère à un groupuscule, le [[Parti ouvrier allemand|DAP]], que rien ne distingue des autres partis politiques d'extrême-droite qui pullulent en Bavière : antisémite et pangermaniste, ce parti développe un programme axé sur l'annulation des clauses du [[traité de Versailles]]<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=56-57|id=kershaw2001_1}}.</ref> ; sous l'influence de [[Gottfried Feder]] qui l'initie à l'économie, son antisémitisme est alors très fortement teinté d'anticapitalisme<ref name="0NT1D6"/> ; mais la fréquentation d'Allemands de la Baltique, [[Alfred Rosenberg]] notamment et du Bavarois [[Dietrich Eckart]] oriente cet antisémitisme sur d'autres voies : des premiers, il garde l'idée du caractère juif du bolchevisme russe, de la conspiration juive internationale, et la croyance en l'authenticité des [[Les Protocoles des Sages de Sion|Protocoles des Sages de Sion]], du second, le concept du Juif sans âme, opposé à la réalisation du vrai socialisme en Allemagne, lequel serait rendu possible par une authentique révolution allemande, qui aboutirait au départ des Juifs d'Allemagne<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=56, 57 et 60|id=kershaw2001_1}}.</ref>.

Sous l'influence de Rosenberg, il accentue sa réflexion autour des ''[[Les Protocoles des Sages de Sion|Protocoles des Sages de Sion]]'' : pour Hitler, qui ne perçoit pas que le document n'est qu'une mystification, les Protocoles montrent que capitalisme et bolchevisme seraient les deux facettes de la volonté des Juifs d'imposer au monde une idéologie à laquelle seule l'Allemagne peut s'opposer en prenant la tête d'un combat racial sans pitié<ref name="XPM5D4">{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=61|id=kershaw2001_1}}.</ref>. Ce combat est en réalité, selon Hitler, le combat entre l'idéalisme, défendu par l'Allemagne, et le matérialisme, moyen qu'ont trouvé les Juifs pour imposer leur domination<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=63|id=kershaw2001_1}}.</ref>. Incarnée par la Russie bolchevique, cette conception matérialiste de l'existence, qui doit être combattue avec la plus grande fermeté, se trouve à la base de la réorientation des objectifs de la politique étrangère de l'Allemagne régénérée par le national-socialisme : jusqu'en 1922, les principales revendications visent à annuler l'intégralité des clauses du traité de Versailles ; à partir de 1922, Hitler, aiguillonné par son antisémitisme alors en pleine évolution, souhaite une réorientation de la politique étrangère allemande, dorénavant dirigée vers la constitution d'un empire continental constitué aux dépens de la Russie bolchevique. Ainsi, la conquête de vastes terres aux dépens des Slaves constitue le but issu de la synthèse entre l'antisémitisme et l'antimarxisme de Hitler<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=65|id=kershaw2001_1}}.</ref>. À la base de cette réorientation des objectifs expansionnistes se trouve une double influence : tout d'abord l'influence d'Allemands de la Baltique, autour de Rosenberg, qui commence à jouer un rôle non négligeable dans la formation du corpus idéologique du nazisme, et ensuite, une réflexion sur l'[[Empire colonial allemand]] et les conséquences de sa création sur les relations germano-britanniques<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw |2001|p=64|id=kershaw2001_1}}.</ref>. Cette réorientation entraîne à sa suite des reformulations de l'antisémitisme hitlérien : le Juif, archétype de la négation de la germanité, devient le [[Judéo-bolchevisme|Judéo-Bolchevik]], incarnation du Juif, archétype racial du parasite corrupteur et dissolvant des races pures, {{citation|vampire}} prospérant sur les décombres et la misère, comme dans la Russie bolchevique<ref name="1BNHFU">{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=66|id=kershaw2001_1}}.</ref>. Pour faire face à cette menace, une guerre des races sans merci doit être livrée au Juif (et à ses alliés) par les Allemands, préalablement renforcés et régénérés par une recherche systématique de la pureté de la race<ref name="1BNHFU"/>.

Dietrich Eckart, mort à Noël 1923 dans les [[Alpes bavaroises]], joue lui aussi un rôle essentiel dans le développement des idées antisémites de Hitler. Dans son ouvrage, ''Le Bolchevisme de Moïse à Lénine : dialogue entre Hitler et moi'' (en réalité, un texte écrit par Eckart seul, mais qui développe des idées proches de celles de Hitler à l'époque<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=106|id=friedländer2008_1}}.</ref>), il développe l'idée d'une association entre la [[Révolution russe|révolution en Russie]], d'une part, et un fantasmagorique projet juif de domination du monde qui plonge ses racines dans l'histoire la plus ancienne : le Juif est ainsi perçu comme une incarnation du [[Mal]], à la recherche d'une domination totale du monde, prélude à sa destruction. Face à ce projet mortifère, il convient non seulement d'en dévoiler les arcanes, mais aussi de s'y opposer avec la dernière énergie. La victoire totale pour le peuple allemand est alors la seule voie de rédemption pour les peuples qui désirent briser leurs chaînes, cette victoire totale supposant la disparition du Juif d'Europe<ref name="XYJRMT">{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=106-108|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Cette issue [[Eschatologie|eschatologique]] de la lutte suppose un adversaire hors du commun, une négation absolue de l'humanité, que la race aryenne se doit d'affronter non seulement pour la domination du monde, mais aussi pour la sauvegarde de la civilisation : sans quoi,
{{citation|il n'y aura plus d'hommes à la surface de la terre}}, écrit Eckart<ref name="XYJRMT"/>. La formulation de cet objectif est à mettre en parallèle avec les descriptions que Hitler fait des Juifs dans ''[[Mein Kampf]]'' : sous-humanité grouillante et menace, qui, tels des bacilles et des microbes, s'insinue partout, causant, chez les peuples qu'elle infecte, l'inconscience de sa présence, ce qui la rend davantage encore menaçante. Dans tous ces cas, Hitler développe de multiples adaptations, dans le contexte de l'essor de la recherche [[Micro-organisme|microbienne]], du [[Juif errant]], fantomatique, cadavérique, corrupteur et surtout éternel<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=108-109|id=friedländer2008_1}}.</ref>.

=== Manifestations ===
Tout au long de sa carrière politique, Hitler multiplie les prises de positions antisémites, que ce soit devant ses proches, dans ses discours publics, devant ses hôtes étrangers, ou devant des membres de l'appareil d’État allemand.

==== Tendances antisémites ====
[[Fichier:Stab-in-the-back postcard.jpg|vignette|gauche|Carte postale autrichienne antisémite illustrant la ''[[Dolchstoßlegende]]'', 1919.]]
La défaite de 1918 renforce les tendances antisémites de nombreux officiers de l'armée, et à leur suite, de nombreux sous-officiers et soldats. Officier chargé de la propagande, il est, à l'été 1919, chargé de la rééducation des prisonniers allemands rapatriés en Bavière. À cette occasion, il envoie à l'un de ses supérieurs hiérarchiques, à la demande de celui-ci, un courrier sur le {{citation|problème juif}} : dans cette réponse, le plus ancien témoignage de l'antisémitisme de Hitler, celui-ci assimile le Juif à une race, qu'il est nécessaire de combattre. Ce combat passe par le retrait des droits civiques et le bannissement du Reich. De plus, dans une rhétorique anticapitaliste, il rend les Juifs âpres au gain, attirés par l'{{Citation|Or qui brille}}<ref name="D8WISM">{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=59|id=kershaw2001_1}}.</ref>.

Ainsi, en 1919, pour Hitler, les Juifs sont responsables à la fois de la défaite (il développe d'ailleurs l'idée qu'il eut été nécessaire d'exterminer 15000 Juifs judicieusement choisis pour gagner la guerre<ref name="D8WISM"/>), de la révolution (même si ce rapport est étonnamment muet sur le « complot [[Judéo-bolchevisme|judéo-bolchevique]] » : c'est en effet à cette époque qu'il commence à rapprocher marxisme et projet juif de domination du monde<ref name="D8WISM"/>) et des conditions dans lesquelles le Reich a traversé le conflit (il requiert d'ailleurs la peine de mort par pendaison pour les profiteurs de guerre juifs<ref name="D8WISM"/>).

Peu de temps après, ces thèmes sont repris par Hitler, orateur principal du DAP, lors de réunions, tenues dans les brasseries de Munich, et dont la presse commence à rendre compte, au vu de l'hystérie qu'elles déchainent<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=104-105|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Durant cette période, sous l'influence de [[Gottfried Feder]] il développe aussi l'idée d'un socialisme spécifiquement allemand, dans lequel le Juif joue le rôle de repoussoir absolu : en effet, spéculateur par essence, le Juif se sert du capital financier pour accéder à la domination du monde, par opposition aux Allemands, qui s'appuient sur le capital industriel, créateur de richesses<ref name="XPM5D4"/>.

==== Antisémitisme et antimarxisme ====
[[Fichier:WhiteArmyPropagandaPosterOfTrotsky.jpg|vignette|redresse|Caricature de [[Léon Trotski]] portant une [[Étoile rouge (symbole)|étoile rouge]] similaire à l'[[étoile de David]].<br> Affiche de propagande des [[armées blanches]], 1919.]]
Si la pensée de Hitler est de longue date à la fois antimarxiste et antisémite {{incise|bien que ce dernier trait soit plus marqué que le premier}}, au début de l'année 1920 les deux courants de pensées vont progressivement se confondre chez lui sous l'influence de [[Max Erwin von Scheubner-Richter]] et d'[[Alfred Rosenberg]], {{Citation|dans l'image catalytique de la Russie Bolchevique}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=Hitler |sous-titre=profiles in power |auteur=Ian Kershaw |édition=Pearson Education Ltd |date=août 2000 |passage=23 |pages=240 |isbn=0582437563 }}.</ref>. À partir de la mi-1922, un antimarxisme plus radical apparaît dans ses discours, affirmant que le but de la NSDAP est l'{{citation|extirpation}} et l’{{citation|annihilation}} de la vision marxiste du monde, faisant même, dans ses prises de positions de 1923, du marxisme {{citation|l'unique et mortel ennemi}} du parti nazi. Il apparait que cet infléchissement est probablement opportuniste, l'antimarxisme étant plus porteur électoralement que l'antijudaïsme, notamment pour séduire la Bavière<ref name="Kershaw2001_2_p231">{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=231|id=kershaw2001_2}}.</ref>.

Ainsi, ''{{langue|de|Mein Kampf}}'' est, au-delà de son antisémitisme virulent, un ouvrage également antimarxiste<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=Adolf Hitler |sous-titre=a biographical companion |auteur=David Nicholls |édition=éd. ABC-CLIO |lieu=Santa Barbara |année=2000 |passage=305 |pages=357 |isbn=0874369657 }}.</ref> dans lequel Hitler qualifie le marxisme de {{citation|doctrine juive<ref>{{ouvrage |auteur=[[Pierre-André Taguieff]]|titre=La Judéophobie des Modernes |sous-titre=des Lumières au Jihad |année=2008 |éditeur=Odile Jacob |pages=686 |page=23 |isbn=978-2-73811-736-6 |présentation en ligne=https://www.lemonde.fr/livres/article/2008/08/28/la-judeophobie-des-modernes-metamorphoses-de-la-haine_1088763_3260.html }}.</ref>}} et de {{citation|fléau mondial}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=The Language of Violence |sous-titre=Adolf Hitler's Mein Kampf |auteur=Felicity J. Rash |édition=éd. Peter Lang |lieu=New York |année=2006 |passage=95 |pages=263 |isbn=0820488070 }}.</ref> à l’éradication de laquelle il appelle, malgré le fait que, comme Ian Kershaw le souligne, si Hitler affirme avoir lu Marx à Vienne en 1913<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=144|id=kershaw2001_2}}.</ref> et dans sa prison à Landsberg<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=354|id=kershaw2001_2}}.</ref>, {{citation|rien n'indique qu'il se soit jamais attaqué aux écrits théoriques du marxisme}} ; {{citation|sa lecture n'avait qu'une fin purement instrumentale [...] Il y trouvait ce qu'il cherchait}}. Néanmoins, quand des journalistes lui font remarquer l'infléchissement de son discours vers un anti-marxisme plus appuyé, Hitler explique qu'il avait été jusque-là trop clément à ce sujet. Mais il ajoute que la rédaction de ''{{langue|de|Mein Kampf}}'' lui a fait réaliser combien la {{citation|question juive}} était, au-delà du peuple allemand, un {{citation|fléau mondial}}<ref name="Kershaw2001_2_p231"/>.

==== Vie politique du Reich ====
À partir de son adhésion au DAP, Hitler formule les thèmes qu'il exploite jusqu'à la fin de sa vie. Ainsi, dans un discours prononcé en {{date-|août 1920}}, il reprend les thèmes chers à la biologie, pour développer une approche biologique de la résolution de la question juive : le Juif, microbe vecteur et responsable de tuberculose raciale, doit être combattu au sein du peuple ; l'immunisation contre ces germes se fera par l'exil ou la relégation de ces porteurs de germes dans des camps de concentration<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2001|p=60-61|id=kershaw2001_1}}.</ref>. Après sa libération, Hitler multiplie les attaques antisémites, malgré sa prudence qui caractérise dans cette période ses prises de position sur les thèmes ayant trait à la politique internationale<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=109|id=friedländer2008_1}}.</ref> ; en effet, durant la période 1925-1932, il désigne à la vindicte de son auditoire les Juifs comme les responsables de l'ensemble des maux qui frappent l'Allemagne, cette désignation se faisant toujours selon des procédés oratoires extrêmement travaillés, voire inédits<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=110|id=friedländer2008_1}}.</ref>.

Parallèlement à la mise en avant de cette obsession, Hitler sait cependant ne pas mettre ce sujet en avant en cas de nécessité : durant toute la période 1925-1933, il alterne calcul froid et fureur mal contenue, mâtinée de fanatisme idéologique dès qu'il est question d'antisémitisme<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=119|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Le {{date-|28 février 1926}}, devant les membres d'un cercle nationaliste et conservateur de [[Hambourg]], ou encore, lors de son discours de 1932 devant des industriels réunis à [[Düsseldorf]], la question juive est à peine évoquée, à de rares exceptions près, lors d'un discours du {{date-|25 juin 1931}}, notamment dans la période comprise entre les [[Élections législatives allemandes de 1930|élections de septembre 1930]] et le {{date-|30 janvier 1933}}, surtout en présence de représentants de la presse étrangère, qui le croit alors assagi<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=111-112|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Mais cette absence (ou quasi-absence) alterne avec des moments d'une rare violence : durant l'été 1932, par exemple, alors que les pourparlers en vue de la constitution d'un gouvernement [[Kurt von Schleicher|Schleicher]]-Hitler vont bon train, l'assassinat par des SA d'un militant communiste de Haute-Silésie remet non seulement en cause ces pourparlers, mais le verdict condamnant à mort les coupables déclenche chez Hitler une rage antisémite sans mesure, rapportée par ses proches<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=118|id=friedländer2008_1}}.</ref>.

==== Arrivée au pouvoir de Hitler ====
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-R99542, München, Judenverfolgung, Michael Siegel.jpg|vignette|gauche|Membres de la [[Sturmabteilung|SA]] forçant l'avocat juif [[Michael Siegel]] à marcher dans la rue en brandissant une pancarte qui proclame : {{citation|Je ne porterai plus jamais plainte auprès de la police}} ({{date-|mars 1933}}).]]
À partir de 1933, le NSDAP est en mesure d'appliquer, sur ce point du moins, une partie de son programme ; l'utopie<ref>{{Harvsp|Hans Mommsen|1997|p=178|id=mommsen1997}}.</ref> explicitée durant la période précédente peut alors être progressivement mise en place. Cependant, à toutes les phases de l'application de ce programme, entre 1933 et 1945, Hitler reste publiquement en retrait, n'intervient pratiquement pas lors de leur réalisation pratique, se contentant d'égrainer des menaces à des fins de propagande durant toute la période d'exercice du pouvoir<ref>{{Harvsp|Hans Mommsen|1997|p=188|id=mommsen1997}}.</ref>.

Lorsque, au pouvoir, il dispose des moyens de mener à bien les {{citation|prophéties}} qu'il a multipliées au fil des années 1920, Hitler se retrouve en quelque sorte l'otage de ces dernières, car le parti se trouve dans l'attente de la réalisation de celles-ci<ref name="2KLXRT">{{Harvsp|Hans Mommsen|1997|p=199|id=mommsen1997}}.</ref> ; certains thuriféraires, groupés notamment autour de Himmler, se proposent alors de réaliser l'utopie du vivant même de son prophète, alors que même ce dernier envisageait la réalisation de son projet sur plusieurs générations<ref name="2KLXRT"/>.

[[Fichier:Bundesarchiv Bild 102-14468, Berlin, NS-Boykott gegen jüdische Geschäfte.jpg|vignette|redresse=1.2|Membres de la [[Sturmabteilung|SA]] en {{date-|avril 1933}}, apposant sur la vitrine d'un commerce juif des pancartes qui proclament : <br>{{centrer|{{citation|[[Boycott antisémite de 1933 en Allemagne|Allemands !<br>Défendez-vous !<br>N'achetez pas chez les Juifs !]]}}}}]]
Cependant, dans la période 1933-1936, Hitler reste relativement mesuré sur la question juive<ref name="CMKMGU">{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=125|id=friedländer2008_1}}.</ref> : il est en effet sensible aux arguments développés par certains de ses ministres. [[Hjalmar Schacht|Schacht]], par exemple, dans un memorandum du {{date-|3 mai 1935}}, insiste sur les conséquences sur les exportations de la campagne antisémite de 1935, orchestrée par [[Julius Streicher|Streicher]] et [[Joseph Goebbels|Goebbels]]<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=147|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Mais cette mesure est compensée à la fois par sa tendance à ne pas remettre en cause certaines expressions publiques de l'antisémitisme et par l'emploi, par les cadres du parti, de la fameuse volonté du Führer ; dès {{date-|septembre 1935}}, le Reichstag promulgue, à la demande de Hitler, un nouveau cadre juridique pour les Juifs du Reich, les transformant en sujets du Reich, lois qu'il assume devant l'opinion internationale en invoquant le péril bolchevique<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=149-150|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Ainsi, ne souhaitant pas revenir sur l'antisémitisme d'État, Hitler, appuyé sur [[Rudolf Hess|Hess]], en atténue la portée, par la légalisation d'un statut des Juifs, limitant l'impact des déchaînements désordonnés des militants du NSDAP, par exemple, lors des nombreux échanges au sujet des placards antisémites dans les rues lors des [[Jeux olympiques d'été de 1936|Jeux olympiques de 1936]] : après de nombreux échanges, Hitler tranche en faveur d'une ligne modérée : la disparition des panneaux les plus extrémistes et leur remplacement par des formules du type : {{Citation|les Juifs sont indésirables ici<ref name="CMKMGU"/>}}. Mais ces mesures de modération sont contrebalancées par l'emploi, par un certain nombre de fonctionnaires nazis, de la fameuse volonté du Führer, qui s'appuie en réalité sur les grandes lignes politiques édictées par Hitler au cours d'entretiens plus ou moins formels avec ses proches et des membres du NSDAP : ceux-ci, dans le cadre de la polycratie national-socialiste sont en réalité en compétition constante et sont obligés, s'ils veulent conserver leur poste, d'anticiper constamment les souhaits de Hitler, d'où une constante surenchère, y compris dans les manifestations antisémites, que Hitler, sans les cautionner dans un premier temps, valide ''a posteriori'', par une loi ou un décret<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=123|id=friedländer2008_1}}.</ref>.

Conscient de la nécessité d'un accord avec les conservateurs avec lesquels les nazis partagent le pouvoir, Hitler est obligé de donner alternativement dans tous les domaines des gages aux conservateurs d'une part, aux membres du parti de l'autre. La [[Nuit des Longs Couteaux|décapitation de la SA]] ayant donné des gages à l'armée, les lois de 1935 sont en réalité aussi des gages donnés à la base du parti : promulguées par le Reichstag durant sa session de 1935 à Nuremberg (en même temps que le congrès du parti), ces lois fixent les rapports qui pourront dorénavant exister entre les Juifs du Reich, ravalés au rang de sujets, et les citoyens allemands<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=154-155|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Ainsi un cadre légal est défini pour les Juifs du Reich (ce qui a pour conséquence de diriger vers un objectif précis l'enthousiasme antisémite nazi), par le choix par Hitler de l'une des versions du projet de loi rédigées par des fonctionnaires nazis du ministère de l'intérieur, modifiant au crayon la qualité des personnes tombant sous le coup de cette loi : alors que les rédacteurs avaient laissé de côté les Juifs issus de couples mixtes, Hitler, alors que les extrémistes poussent à une extension de la loi, intègre les ''Mischlinge'', issus de mariage mixte, parmi ceux qui tombent sous le coup du dispositif ; par ce choix, il met tout le monde devant le fait accompli, coupant court à toute critique et objection technique de la part des rédacteurs du texte<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=155-156|id=friedländer2008_1}}.</ref>.

==== Durcissement de la politique antisémite ====

L'année 1936 marque un tournant dans l'évolution intérieure du régime nazi, avec la montée en puissance de Göring et Himmler à des postes clés de l'appareil d'État allemand. C'est également à partir de ce moment que la politique antisémite menée dans le Reich s'infléchit vers davantage de dureté et de violence. Hitler, à partir de 1936, radicalise ses positions publiques sur la question des Juifs.

Liés au Bolchevisme, les Juifs constituent la menace suprême qui guette le peuple allemand, comme Hitler le précise lors des congrès du parti en 1936 et en 1937 : le Juif est non seulement l'ennemi du peuple allemand mais aussi de l'humanité tout entière, qu'il est nécessaire d'anéantir sous peine d'être anéanti à sa place<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=185|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Reprenant les thèmes des débuts du nazisme, Hitler participe ainsi à la diffusion dans le Reich d'un nouveau climat antisémite, plus brutal que durant la période précédente. Malgré la trêve des Jeux Olympiques<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=186|id=friedländer2008_1}}.</ref>, Hitler, le {{date-|12 février 1936}}, lors des funérailles de [[Wilhelm Gustloff]], représentant du NSDAP en Suisse, assassiné par un étudiant juif, donne la tendance des attaques suivantes, appelant à supprimer totalement la {{citation|peste juive<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=187|id=friedländer2008_1}}.</ref>}}, puis, lors de la préparation du congrès de 1936, laisse la bride sur le coup à Goebbels et Rosenberg afin de leur permettre de multiplier les attaques antisémites dans le Reich<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=188|id=friedländer2008_1}}.</ref>.

Les interventions de Hitler en 1937, et pas seulement lors du congrès du parti, renforcent cette tendance. Lors du congrès du NSDAP, son discours reprend les thèmes du dialogue de 1923 avec Eckart : le Juif fauteur de révolution, doit être combattu dans le cadre d'un conflit pour la défense de la civilisation. Ainsi, il indique la vraie portée du combat qui se prépare, à savoir la défense de la civilisation, tout en rappelant que le parti bolchevique est composé à 80 % de Juifs, ce qui lui permet d'illustrer le thème du [[Judéo-bolchevisme]]<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=190|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Mais il doit également composer avec la base du parti, plus vindicative que lui, et poussant à des mesures extrémistes, notamment en ce qui concerne le marquage des magasins détenus par des Juifs : de crainte d'être débordé, non seulement il permet le marquage par les commerçants allemands de leurs magasins, mais aussi, il calme ses troupes en réaffirmant sa volonté d'anéantir les Juifs d'Europe<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=193|id=friedländer2008_1}}.</ref>.

Au printemps 1938, Hitler lui-même donne une impulsion supplémentaire à la législation antijuive en ordonnant à ses services de la chancellerie du Reich une enquête sur les couples mixtes et les ascendants des fonctionnaires de l'État, car la loi sur la fonction publique est durant cette période de plus en plus sévèrement appliquée<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=255|id=friedländer2008_1}}.</ref>.
[[Fichier:Synagogue Eisenach burning- Nov 1938.jpg|vignette|gauche|La [[Synagogue d'Eisenach (1885-1938)|synagogue d'Eisenach]] en flammes durant la [[nuit de Cristal]], {{date-|8 novembre 1938}}.]]
La [[nuit de Cristal]] ne fournit pas à Hitler l'occasion de revenir sur le sort des Juifs, ayant laissé l'initiative des opérations à [[Joseph Goebbels|Goebbels]], qui, pour la circonstance, a supplanté [[Heinrich Himmler|Himmler]] dans cette affaire, avec la bénédiction du Führer<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=272|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Hitler s'est contenté de diriger l'affaire dans la coulisse, sans l'évoquer à aucun moment, même devant des membres du parti dans lesquels il avait confiance<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=277|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Mais les critiques formulées par Himmler et Göring au sujet de l'organisation du pogrom par Goebbels poussent Hitler à avoir une approche plus rationnelle de la question juive dans le Reich<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=279 et 287|id=friedländer2008_1}}.</ref> : au bout de quelques mois de tergiversations, entre interdits, ghettos et insignes, Hitler finit par trancher en faveur d'interdits supplémentaires à l'été 1939, et sous l'influence de Göring, en faveur non seulement de la confiscation des biens, mais aussi de l'indemnisation des ''Mischlinge'', en raison de possibles réactions au sein de la population<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=280, 285 et 288|id=friedländer2008_1}}.</ref>.
[[Fichier:Bundesarchiv_Bild_183-86686-0008,_Baden-Baden,_Festnahme_von_Juden.jpg|vignette|alt=Photographie en noir et blanc dune colonne d'hommes juifs arrêtés à [[Baden-Baden]] à l'issue du pogrom|Arrestation de Juifs à [[Baden-Baden]] à l'issue du pogrom de la nuit de Cristal, 1938.]]
Après la nuit de Cristal, Hitler évoque à de nombreuses reprises devant des représentants étrangers, polonais, sud-africains, tchèques le sort qu'il souhaiterait voir réservé aux Juifs : l'exil dans une colonie extra-européenne ([[Plan Madagascar|Madagascar a été un temps envisagée]]<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=305|id=friedländer2008_1}}.</ref>) et l'élimination, qu'il évoque en termes ambigus<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=306|id=friedländer2008_1}}.</ref> ; mais Hitler, informé par un mémorandum du ministère de la guerre du {{date-|25 janvier 1939}}, appuyé sur la croyance que les États-Unis sont un État {{citation|manipulé par le judaïsme mondial}}, semble réorienter ses diatribes contre le capitalisme, autre vecteur de domination du monde<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=308|id=friedländer2008_1}}.</ref>. Cette réorientation est aussi sensible dans l'ensemble de la presse national-socialiste, comme le [[Das Schwarze Korps|Schwarze Korps]], le journal de la [[Schutzstaffel|SS]]<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=309-310|id=friedländer2008_1}}.</ref>.

Lors de son discours annuel au Reichstag, le {{date-|30|janvier|1939}}, Hitler expose aux députés sa vision des dangers qui pèsent sur le peuple allemand ; pour lui, l'{{citation|ennemi juif mondial}}, vaincu dans le [[Troisième Reich|Reich]], constituerait une menace depuis l'étranger : c'est en effet depuis les pays voisins du Reich que la {{citation|Juiverie Internationale}} préparait sa vengeance contre le peuple allemand, sous la forme d'une guerre d'extermination{{sfn|Herf|2011|p=56-57}}. Cette menace prendrait la forme d'un complot, le complot juif, que seuls le Reich et l'Italie fasciste auraient été en mesure de mettre à jour et de dénoncer{{sfn|Herf|2011|p=57}}.. Lors de ce discours, il insiste, {{citation|se faisant prophète}}, sur les mesures de rétorsion que le Reich serait amené à prendre contre la {{citation|Juiverie}} en cas de conflit, forcément suscité par la politique menée par les grandes puissances, qu’il considère comme laquais des Juifs lorsqu'elles s'opposent au Reich et à ses prétentions. À deux autres reprises, lors de deux discours lus le {{date-|15 février 1942}} et le {{date-|24 février 1943}} aux cadres du NSDAP, Hitler reprend les thèmes qu'il avait développés dans son discours du {{date-|30 janvier 1939}}{{sfn|Herf|2011|p=57}}..

Malgré certaines réserves, basées notamment sur l'idée que l'existence des Juifs constitue un problème d'ampleur mondiale, Hitler se montre intéressé par les projets d'émigration des Juifs hors d'Europe ; il s'informe donc régulièrement des tractations au sein de la commission d'Évian, réunie en vue de la préparation de cette émigration : seuls {{unité|200000 Juifs}}, les plus âgés, seraient autorisés à rester dans le Reich, tandis que le reste de la population juive du Reich serait réimplanté dans une colonie d'un État européen<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=311|id=friedländer2008_1}}.</ref>.

==== Antisémitisme durant le conflit ====
Durant le [[Seconde Guerre mondiale|conflit mondial]], Hitler confie sa haine des Juifs à l'ensemble de ses visiteurs, chefs d'État, premiers ministres ou ministres, plénipotentiaires, collaborateurs, militaires ou civils proches ou non, fonctionnaires de l’État ou du parti, étrangers comme allemands : toutes ces confidences ne traitent pas des Juifs, mais du Juif, ennemi tentaculaire et puissant, {{citation|corps étranger}} en Europe, contre lequel un {{citation|combat à mort}} est engagé<ref>cité par Saul Friedländer {{incise|{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=741|id=friedländer2008_2}}|stop}}.</ref>.

Durant toute la période de la [[drôle de guerre]], entre {{date-|septembre 1939}} et {{date-|mai 1940}}, et au-delà, jusqu'à la fin de l'année 1940, Hitler est peu disert en public sur son antisémitisme, espérant un arrangement avec les Alliés, même si les évènements de septembre 1939 fournissent à Hitler l'occasion de revenir sur la question des Juifs dans ses quatre proclamations du {{date-|3 septembre 1939}}, au peuple allemand, aux forces armées et au parti national-socialiste<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=51|id=friedländer2008_2}}.</ref>. L'invasion de la Pologne et la déclaration de guerre britannique en septembre 1939 fournissent à Hitler une occasion de dénoncer l'ennemi {{citation|judéo-démocratique}} qui a si bien manipulé les Anglais engagés ainsi dans une guerre conte-nature contre le Reich{{sfn|Herf|2011|p=61}}. Dans le même ordre d'idées, son discours de nouvel an à la nation, le {{date-|1|janvier|1940}}, rappelle sa vision du conflit qui vient de se déclencher : un lien existe entre le conflit et un plan juif pour exterminer les Allemands, ce qui explique, à ses yeux, le rejet systématique de la part des Alliés de ses offres de négociations{{sfn|Herf|2011|p=67}}.

La défaite de la France réactive chez Hitler, comme chez ses proches, l'hypothétique [[Plan Madagascar|évacuation des Juifs d'Europe vers Madagascar]], qu'il partage avec de nombreux dirigeants de pays alliés du Reich. Mais au cours de l'été 1940, devant la [[Bataille d'Angleterre|résistance britannique]], ce projet est abandonné<ref>cité par Saul Friedländer {{incise|{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=127-128|id=friedländer2008_2}}|stop}}.</ref>.

La préparation de la [[Front de l'Est (Seconde Guerre mondiale)|guerre à l'Est]] occupe à partir de l'automne 1940 les pensées de Hitler : il souhaite reprendre la lutte contre le judéo-bolchevisme, mise un temps de côté<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=181|id=friedländer2008_2}}.</ref>, lutte devant mettre un terme au {{citation|rôle de la juiverie en Europe}}<ref>rapporté par Saul Friedländer {{incise|{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=185|id=friedländer2008_2}}|stop}}.</ref>. À la suite du déclenchement de l'invasion, devant ses proches, officiers généraux, Hitler mentionne l'action de [[Robert Koch]], dans ses recherches contre la tuberculose, pour se comparer à lui : en effet, il déclare devant cet auditoire avoir découvert le bacille de la tuberculose raciale, puis, se mettant de côté, donne pour consigne à Goebbels, venu à Rastenburg le {{date-|8 juillet 1941}}, de mener une campagne exacerbée contre le judéo-bolchevisme, responsable du sort de la Russie, selon lui réduit à ses derniers retranchements (cette ligne idéologique ne variera plus jusqu'à la fin du conflit)<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=268-269|id=friedländer2008_2}}.</ref>.

À la suite de la défaite de [[Volgograd|Stalingrad]], Hitler donne pour consigne au ministère de la propagande de mettre plus que jamais en avant une propagande antisémite renforcée, appuyée sur un substrat très fortement présent, qu'il s'agit, selon [[Joseph Goebbels|Goebbels]], de chauffer à blanc dans l'ensemble de l'Europe occupée<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=588|id=friedländer2008_2}}.</ref>. Dans ses entretiens avec [[Joseph Goebbels|Goebbels]] du printemps 1943, il développe également l'idée que le peuple juif dispose, non d'un plan, mais d'un but, la domination du monde, qu'il se contente de réaliser d'instinct ; Hitler serait donc le fossoyeur de ce plan, et, d'après son auditeur, réaliserait donc, au profit du peuple germanique, l'objectif poursuivi par les Juifs<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=589-590|id=friedländer2008_2}}.</ref>.

À partir de 1944, jusqu'aux derniers bombardements de la guerre, les Juifs sont, aux yeux de Hitler, dans une confidence à [[Walther Hewel|Walter Hewel]] le {{date-|19 janvier 1944}}, les instigateurs des bombardements qui frappent l'Allemagne, ses alliés et les régions qu'elle occupe ; cette responsabilité des Juifs constitue dans la dernière année du conflit, un argument souvent utilisé devant ses visiteurs<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=740|id=friedländer2008_2}}.</ref>.

Lors de ses rares interventions publiques, en 1945, Hitler a fait preuve de constance, et tout en voyant les fronts et les alliances s'écrouler les uns après les autres, a continué à exposer dans une rhétorique agressive et menaçante un antisémitisme depuis longtemps libéré de toute contrainte : ainsi, l'allocution radiodiffusée du nouvel an, les discours du {{date-|30 janvier}} et du {{date-|24 février}}, commémorant respectivement la prise du pouvoir de 1933 et la proclamation du programme du parti fournissent l'occasion de traiter encore du rôle des Juifs dans le sort qui s'acharne sur le Reich<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=788-789|id=friedländer2008_2}}.</ref>. Réfugié au mois de février 1945 dans le [[Führerbunker|bunker souterrain]] de la [[Neue Reichskanzlei|chancellerie]] à Berlin, il continue à émettre des courriers et des avis sur la question juive : le {{date-|12 avril}}, alors qu'il apprend la mort de [[Franklin Delano Roosevelt|Roosevelt]], épouvantail des Juifs en Amérique, selon un mot de 1941<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=341|id=friedländer2008_2}}.</ref>, il voit cet évènement comme un tournant dans le conflit, analyse qu'il partage avec les soldats du front de l'Est, dans son ordre du jour (le dernier) du {{date-|16 avril 1945}}<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=801|id=friedländer2008_2}}.</ref>.

De même, le {{date-|21 avril 1945}}, dans un télégramme de remerciements aux vœux d'anniversaire que lui a fait parvenir [[Benito Mussolini|Mussolini]], il dénonce les Juifs comme le véritable cœur de la coalition qui est sur le point de l'emporter sur une [[Wehrmacht]] exsangue<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=805|id=friedländer2008_2}}.</ref>. Dans ses testaments (privé et politique) dictés à ses secrétaires le {{date-|29 avril 1945}}, la veille de sa mort, alors qu'il prend conscience que tout, alliances, armée, fidélités, s'écroule autour de lui<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=807|id=friedländer2008_2}}.</ref>, il continue à rendre les Juifs responsables de l'ensemble des malheurs qui ont frappé le peuple allemand depuis 1914 : la capitulation de 1918, la guerre et la débâcle, à laquelle il assiste dans son bunker, directement menacé par l'Armée rouge ; il y instille également l'idée qu'il aurait proposé en 1939 un accord avec les Alliés, refusé par les Juifs de l'entourage des responsables français et britanniques<ref>{{Harvsp|Saul Friedländer|2008|p=806|id=friedländer2008_2}}.</ref>.

== Doctrines raciales et crimes contre l’humanité ==
Parmi les auteurs qui ont le plus influencé Hitler en particulier et le régime nazi en général en matière de doctrines raciales, on trouve l'Américain [[Madison Grant]], dont les idées eurent une grande influence sur sa politique raciale, ensuite l'Allemand [[Hans Günther]]. Leurs ouvrages furent inclus par Hitler dans la liste des ouvrages recommandés aux nazis<ref>{{Ouvrage|titre=Dans la bibliothèque privée de Hitler|sous-titre=Les livres qui ont modelé sa vie|auteur1=Thimothy Ryback|traducteur=Gilles Morris-Dumoulin|langue originale=en|lieu=Paris|éditeur=[[Hachette Livre|LGF]]|collection=[[Le Livre de poche]]|année=2010|mois=mars|jour=31|passage=175|pages totales=448|isbn=2253133116}}.</ref>.

Hitler avait présenté ses thèses [[racisme|raciales]] et [[antisémitisme|antisémites]] dans son livre ''[[Mein Kampf]]'' (''Mon combat''), rédigé en 1924, lors de son incarcération dans la forteresse de [[Landsberg am Lech|Landsberg]], après son [[putsch de la Brasserie|putsch raté de Munich]]. Si son succès fut modeste dans un premier temps, il fut tiré à plus de dix millions d’exemplaires et traduit en seize langues jusqu’en 1945 ; il constitue la référence de l’orthodoxie nazie du [[Troisième Reich]].

Rien dans sa biographie connue ne permet d'affirmer qu'Adolf Hitler ait, personnellement, jamais tué ou torturé quelqu'un de ses mains. Il n'a jamais visité un seul de ses [[camp de concentration|camps de concentration]], ni assisté à aucun des bombardements ou des fusillades de masse dont lui ou ses subordonnés donnaient l'ordre. Mais chaque exécutant, au premier chef desquels son fidèle [[Heinrich Himmler|Himmler]], savait qu'en mettant en pratique les conséquences logiques de la doctrine nazie, il accomplissait loyalement les directives du Führer.

=== Théories racistes ===
[[Fichier:Jude und Arier 1920.jpg|vignette|alt=Affiche montrant en gris sur fond orange un fin profil de femme et un profil d'homme gras avec un gros nez et un sourire mielleux|Affiche antisémite allemande contre les [[Mariage interreligieux|mariages mixtes]], années 1920.]]
Dans ce livre, Hitler expose ses théories racistes, impliquant une inégalité et une hiérarchie des races<ref>{{Ouvrage|langue=de|titre= Mein Kampf|auteur1=Adolf Hitler|éditeur= Eher Verlag|lieu=München|passage=420|pages totales=781|année=1940}}.</ref>, et son aversion particulière pour les [[Slaves]], les [[Roms|Tsiganes]], et surtout les [[Juifs]]. Présentés comme de races inférieures, ils sont qualifiés d’''[[Untermensch]]en'' ({{citation|sous-hommes}}).

Selon Hitler, les Juifs sont une race de {{citation|parasites}} ou de {{citation|vermine}} dont il faut débarrasser l’Allemagne. Il les rend responsables des évènements du {{date-|9|novembre|1918}}<ref name="Fleming1994_p14"/> et donc de la défaite et de la [[révolution allemande de 1918-1919|révolution]] allemandes, ainsi que de ce qu’il considère comme la décadence culturelle, physique et sociale de la prétendue civilisation aryenne.
''[[Mein Kampf]]'' recycle la [[théorie du complot juif]] déjà développée dans ''[[Les Protocoles des Sages de Sion]]''. Hitler nourrit son [[antisémitisme]] et ses théories raciales en se référant à des [[idéologie]]s en vogue en son temps. À [[Vienne (Autriche)|Vienne]], durant sa jeunesse, les Juifs, bien intégrés dans l’élite, sont souvent accusés de la décomposition de l’empire d’[[Autriche-Hongrie]]. La haine des Juifs est exacerbée par la défaite de la [[Première Guerre mondiale]]. Quant à ses idées sur les races humaines, Hitler les tient essentiellement de ''Die Grundlagen des neunzehnten Jahrhunderts'' ({{citation|Genèse du {{s-|XIX}}}}, [[1899]]) du Britannique d’expression allemande [[Houston Stewart Chamberlain]], dont les thèses reprenaient elles-mêmes celles de l’''[[Essai sur l'inégalité des races humaines]]'' (1853) du [[racialisme|racialiste]] français [[Arthur de Gobineau|Gobineau]]. Hitler s’inspire également du [[darwinisme social]] de [[Herbert Spencer]] tel que le prônait la {{citation|{{Lien|langue=de|trad=Deutscher Monistenbund|fr=Ligue moniste allemande}}}} fondée par [[Ernst Haeckel]].

Hitler reprend aussi dans ''{{langue|de|Mein Kampf}}'' les vieilles doctrines [[pangermanisme|pangermanistes]] visant à regrouper dans un seul État les populations allemandes dispersées, mais il y ajoute, notamment sous l'influence du théoricien nazi [[Alfred Rosenberg]], la revendication d’un {{citation|espace vital}} (''[[Lebensraum]]'') en Europe de l’Est. Selon ces doctrines, les territoires allemands doivent être indéfiniment élargis, surtout en Europe centrale et en [[Ukraine]], territoires déjà convoités par les couches dirigeantes allemandes au temps du [[Empereur|Kaiser]] [[Guillaume II (empereur allemand)|Guillaume II]]. Les territoires allemands de l'époque sont, toujours selon cette doctrine jugés trop étroits au regard des besoins matériels de leurs populations et dans une position stratégique inconfortable entre des puissances hostiles à l’ouest et à l’est.
Hitler cible enfin deux adversaires fondamentaux : les [[Communisme|communistes]] et la France, considérée comme dégénérescente car dirigée par les Juifs et créant un empire colonial multiethnique, et contre qui l’Allemagne doit se venger de l’humiliant [[traité de Versailles]].

Adolf Hitler est obsédé par l’idée de pureté d’une prétendue race aryenne, la {{citation|race supérieure}} dont les Allemands sont censés être les dignes représentants, au même titre que les autres peuples nordiques (Norvégiens, Danois, Suédois). Dans le but d’asseoir scientifiquement cette notion de race aryenne, des recherches pseudo-anthropologiques sont entreprises et des cours d’université dispensés. [[Heinrich Himmler|Himmler]] crée à cette fin un institut scientifique, l’[[Ahnenerbe]]. En réalité, les [[Aryens]] formaient un groupe de peuplades nomades vivant en Asie centrale au {{-mi-|III|e}} et sans liens aucun avec les Allemands. Toujours est-il que la notion d’{{citation|aryen}} devient avec Hitler un ensemble de valeurs fantasmagoriques que les scientifiques nazis ont tenté de justifier par de prétendues données objectives.

La {{citation|race aryenne}} est assimilée aux canons esthétiques de l’homme germanique : grand, blond et athlétique, tel que le représente [[Arno Breker]], le sculpteur favori de Hitler.

=== Euthanasie ===
{{article détaillé|Euthanasie des enfants sous le Troisième Reich|Aktion T4}}
[[Fichier:Karl Brandt SS-Arzt.jpg|vignette|gauche|170px|Médecin de la mort : [[Karl Brandt (médecin)|Karl Brandt]], médecin SS d'Adolf Hitler et principal maître-d'œuvre de l{{'}}''{{lnobr|Aktion T4}}''.|alt=Photo noir et blanc (format photo d’identité, en buste, de face) de Karl Brandt, médecin SS de Hitler. L’homme porte une veste claire au col foncé fermé.]]

[[Fichier:Alkoven Schloss Hartheim 2005-08-18 3589.jpg|vignette|190px|Le [[Hartheim (AktionT4)|château de Hartheim]] en Bavière, où furent gazés {{unité|18269 malades}} incurables et {{unité|5000 détenus}} politiques.|alt=Photo en couleurs (18 août 2005) du château de Hartheim, en Bavière, centre d’euthanasie ouvert pendant la période nazie. La couleur beige très clair des deux façades visibles du château, à l’architecture de type Renaissance, contraste contre le ciel bleu, en arrière-plan, et la verdure au premier plan.]]

Les doctrines raciales nazies impliquaient également d’{{citation|améliorer le sang allemand}}. Des [[stérilisation (acte chirurgical)|stérilisations]] massives, appliquées avec le concours des médecins, furent ainsi entreprises dès 1934, portant sur près de {{unité|400000 {{citation|asociaux}}}} et malades héréditaires. Par ailleurs, {{unité|5000 enfants}} [[trisomie|trisomiques]], [[Hydrocéphalie|hydrocéphales]] ou [[Handicap#Catégories de handicap|handicapés moteurs]] disparaissent.

Avec la guerre, un vaste programme d’[[euthanasie]] des malades mentaux est lancé sous le nom de code {{citation|''[[Aktion T4]]''}}, sous la responsabilité directe de la chancellerie du Reich et de [[Karl Brandt (médecin)|Karl Brandt]], médecin personnel de Hitler. Par quelques lignes manuscrites, Hitler assure en {{date-|septembre 1939}} l’impunité totale aux médecins sélectionnant les personnes envoyées à la mort, libérant ainsi des places dans les hôpitaux pour les blessés de guerre. Comme pour les Juifs, les victimes sont gazées dans de fausses salles de douche. Malgré le secret entourant ces opérations, l’euthanasie est condamnée publiquement par l’évêque de [[Münster]] en {{date-|août 1941}}. Elle cesse officiellement, mais continue en fait dans les [[camp de concentration|camps de concentration]]. Environ {{unité|200000 [[schizophrénie|schizophrènes]]}}, [[épilepsie|épileptiques]], [[Démence|séniles]], [[paralysie|paralytiques]] ont ainsi été exécutés. Par ailleurs, les forces nazies ont systématiquement fusillé les handicapés mentaux trouvés dans les hôpitaux de Pologne et d'Union soviétique envahies.
De nombreux spécialistes de l’euthanasie sont ensuite réaffectés au gazage massif des Juifs : l’''Aktion T4'' aura donc à la fois préparé et précédé chronologiquement la [[Shoah|Solution finale]].

=== Persécution des Juifs ===
[[Fichier:Anti-Semitismus 1933.jpg|vignette|alt=Photographie en noir et blanc du {{1er}} avril 1993. Sur une vitrine, encastrée dans un mur et exposant des outils de bricolage, est accrochée une pancarte sur laquelle on peut lire, en noir sur fond blanc : « Deutsche! Whert euch! Kauft nich bei juden! » ({{citation|Allemands ! Défendez-vous ! N'achetez pas chez les Juifs !}}). Un milicien, en uniforme de la [[Sturmabteilung|SA]], se tient debout à côté de la vitrine (à droite sur la photo), mains dans son ceinturon et jambes écartées. Une étoile de David blanche est peinte au centre de la vitre de la vitrine.| Un [[Sturmabteilung|SA]] à côté d'une affiche proclamant : {{citation|Allemands ! Défendez-vous ! N'achetez pas chez les Juifs !}} ({{nobr|Berlin, 1933}}).]]

Dans l’Allemagne [[Nazisme|nazie]], les [[Juifs]] étaient exclus de la communauté du peuple allemand (''Volksgemeinschaft''). Le {{date-|1|avril|1933}}, les docteurs, avocats et commerçants juifs sont l’objet d’une vaste campagne de [[Boycott antisémite de 1933 en Allemagne|boycott]], mise en œuvre notamment par les [[Sturmabteilung|SA]]. Ces milices créées par Hitler avaient déjà perpétré, dès le début des années 1920, des actes de violences contre les Juifs. Le 7 avril, deux mois après l’arrivée de Hitler au pouvoir, la loi {{citation|pour le rétablissement d’une fonction publique professionnelle}} exclut les Juifs de tout emploi dans les gouvernements (sauf les anciens combattants et ceux qui étaient en service depuis plus de dix ans).

Le {{date-|15 septembre 1935}}, Hitler, officialisant et radicalisant l'[[antisémitisme]] d’État, proclame les [[lois de Nuremberg]], comprenant les lois {{citation|pour la protection du sang et de l’honneur allemand}} et {{citation|sur la citoyenneté du Reich}}. Celles-ci interdisent aux Juifs l’accès aux emplois de la fonction publique et aux postes dans les universités, l’enrôlement dans l’armée ou la pratique de professions libérales. Ils ne peuvent plus avoir de permis de conduire. Les Juifs sont déchus de leur nationalité allemande. Les mariages mixtes ou les relations sexuelles entre Juifs et Allemands sont également proscrits. L’objectif est la ségrégation complète entre le peuple allemand et les Juifs, ce qui est valable également pour les écoles, le logement ou les transports en commun. En 1937, une {{citation|loi d’aryanisation}} vise à déposséder les Juifs des entreprises qu’ils possèdent.

Lourdement frappés par ces mesures discriminatoires, les Juifs allemands émigrent massivement : environ {{unité|400000 départs}} en 1933-1939 en comptant les Autrichiens (sur environ {{formatnum:660000}}), vers les Amériques, la [[Palestine mandataire|Palestine]] ou l’Europe de l’Ouest. En général, ces émigrants sont mal accueillis, et parfois internés en tant que ressortissants d'un pays ennemi, ou refoulés par divers pays d'Europe et d'Amérique.

Dans la nuit du 9 au {{date-|10 novembre 1938}}, [[Joseph Goebbels]] organise avec l'approbation du chancelier un vaste [[pogrom]] : la [[nuit de Cristal]], prenant comme prétexte l’assassinat d’un diplomate du Reich à Paris par un Juif allemand. Goebbels semble utiliser cet évènement pour regagner la faveur d'Adolf Hitler, qu'il a partiellement perdue lorsque sa liaison avec une actrice a failli conduire son couple au divorce public. Au cours de cette nuit, des centaines de magasins juifs sont saccagés et la plupart des [[synagogue]]s d'Allemagne incendiées. Le bilan est de 91 morts et près de {{unité|30000 Juifs}} sont internés dans des [[camp de concentration|camps de concentration]] ([[Dachau]], [[Buchenwald]], [[Camp de concentration d'Oranienbourg-Sachsenhausen|Sachsenhausen]]). À la suite de ces évènements, la communauté juive, tenue pour responsable des violences, est sommée de payer une amende de un milliard de [[Deutsche Mark|marks]] : les biens des Juifs sont massivement spoliés.

La population allemande, embrigadée par la propagande de Hitler, [[Joseph Goebbels|Goebbels]] ou [[Julius Streicher|Streicher]], était convaincue de l’existence d’une {{citation|question juive}}. Ce conditionnement favorise la participation de nombre d’entre eux à l’extermination des Juifs.

=== Shoah ===
{{Article détaillé|Shoah}}
Le {{date-|2 avril 1945}}, dans son bunker, Hitler dicte dans son testament politique : {{citation|[...] on sera éternellement reconnaissant au national-socialisme de ce que j’ai éliminé les Juifs d’Allemagne et d’Europe centrale}}<ref>Cité par Christian Baechler {{incise|{{Harvsp|Christian Baechler|2012|p=intro.|id=baechler2012}}|stop}}.</ref>. L’allusion à l’extermination physique des Juifs dans ''[[Mein Kampf]]'' fait encore l’objet d’un débat d’historiens. Pour une partie d’entre eux, ce projet n’a pas été explicitement décrit dans ce livre, tandis que l’autre partie estime que l’antisémitisme qui s’y exprime est non seulement alarmant, mais s’appuie sur une terminologie ''{{Lien|langue=en|trad=Ausrottung|fr=Ausrottung}}'' significative. Le projet d’extermination totale des Juifs a pu germer dans l’esprit de Hitler et de ses séides assez tôt, mais il ne semble pas qu’il ait établi de plan précis ou de méthodologie pour passer à l’acte avant la guerre. Rien ne semble indiquer, qu’initialement, les dirigeants nazis aient prévu que les premières mesures antisémites devaient conduire à une conclusion homicide et ''a fortiori'' génocidaire.

Cependant, d’après les mots du procureur général américain [[Robert Jackson]] lors du [[procès de Nuremberg]], {{citation|la détermination à détruire les Juifs a été une force qui, à chaque moment, a cimenté les éléments de la conspiration (nazie)}}. De fait, les déclarations d’Adolf Hitler sur les Juifs montrent que, dès le début, il nourrissait le projet de destruction physique des Juifs et que la guerre fut pour lui l’occasion d’annoncer cette destruction, puis d’en commenter la mise en œuvre<ref>Voir la longue liste des propos de Hitler rapportés par l'association ''PHDN'' : [http://www.phdn.org/histgen/hitler/declarations.html {{citation|L’antisémitisme mortifère de Hitler. Paroles et documents}}], {{lien brisé|consulté le=2017-08-05|url=http://www.phdn.org}} {{consulté le|17/02/2015}}.</ref>.

Le {{date-|12 novembre 1938}}, après la nuit de Cristal, Göring convoqua une grande conférence au ministère de l’Air avec le but d’uniformiser les mesures antijuives. Un représentant du ministère des Affaires étrangères nota le résumé de Göring : {{citation|Si, dans un proche avenir, le Reich allemand se trouve engagé dans un conflit avec des puissances étrangères, il va sans dire que nous, en Allemagne, nous penserons en tout premier lieu à régler nos comptes avec les Juifs<ref>{{de}} [http://www.faz.net/aktuell/feuilleton/das-auswaertige-amt-und-das-dritte-reich/das-auswaertige-amt-und-der-holocaust-die-draengende-sorge-ueberfluessig-zu-werden-11054271.html ''Das Auswärtige Amt und der Holocaust. Die drängende Sorge, überflüssig zu werden.''], {{lien brisé|consulté le=2017-08-05|url=http://www.faz.net}} 30 octobre 2010, {{consulté le|17/02/2015}}.</ref>}}.

Hitler radicalisa pareillement sa rhétorique antisémite. Le {{date-|30|janvier|1939}}, dans un discours retentissant au [[Reichstag (république de Weimar)|Reichstag]], Hitler a {{citation|prophétisé}} qu’en cas de guerre, le résultat serait {{citation|l’anéantissement de la race juive en Europe}}. À cette {{citation|prophétie}} décisive, lui-même ou Goebbels feront de nombreuses allusions en privé au cours de la guerre : son accomplissement une fois la guerre commencée sera l’une des préoccupations prioritaires.

Hitler n’a toutefois nul besoin de s’investir personnellement beaucoup dans la destruction des Juifs, déléguée à [[Heinrich Himmler|Himmler]], qui se contente de lui faire des rapports réguliers. Si divers documents secrets nazis planifiant l’extermination font souvent allusion à {{citation|l’ordre du Führer}}, aucune note manuscrite de lui sur la {{citation|[[Shoah|Solution finale]]}} n’a jamais été retrouvée ni n’a sans doute jamais existé. C'est signe que son pouvoir absolu lui a permis de déclencher l’un des plus grands crimes de l’Histoire sans même besoin d’un ordre écrit.

Les dirigeants nazis ont longtemps envisagé, parmi d’autres {{citation|solutions}} comme la création de zones de relégation, d’expulser l’ensemble de la communauté juive allemande sans l’exterminer, mais aucune phase de réalisation concrète n’a été enclenchée. Des projets d’installation des Juifs en Afrique ([[Plan Madagascar]]) ont notamment été envisagés. Le déclenchement de la guerre radicalise les persécutions antisémites au sein du Troisième Reich. La prolongation de la guerre contre le [[Royaume-Uni]] ne permet plus d’envisager ces déportations, de même qu'est abandonnée l’idée d’un déplacement des Juifs d’Europe en [[Sibérie]] {{incise|qui aurait déjà suffi en lui-même à provoquer une hécatombe en leur sein|stop}}.

[[Fichier:Jew Killings in Ivangorod (1942).jpg|vignette|alt=Photo noir et blanc prise à Ivangorod, en Ukraine. Dans un champ herbeux, sous un ciel clair, un soldat allemand (à gauche, au second plan), de profil, jambes écartées, tient en joue une femme qui lui tourne le dos, un enfant dans les bras. Devant le soldat, on distingue un corps de femme étendu sur le sol. Sur le bord gauche de la photo, deux canons de fusils, l’un au-dessus de l’autre, sont aussi visibles. Et, sur la droite, quatre hommes semblent creuser un trou.|Une femme juive et son enfant fusillés par les [[Einsatzgruppen]] à [[Ivanhorod]], [[Ukraine]], 1942.]]

L’occupation de la [[Pologne]] en septembre 1939 a placé sous contrôle allemand plus de {{unité|3000000|de Juifs}}. Ceux-ci sont rapidement parqués dans des [[ghetto]]s, dans les principales villes polonaises, où ils sont spoliés et affamés, et réduits à une misère inimaginable. L’attaque contre l’[[Union des républiques socialistes soviétiques|Union soviétique]], à partir du {{date-|22 juin 1941}}, place sur un même plan la conquête du ''[[Lebensraum]]'' et l’éradication du {{citation|judéo-[[bolcheviks|bolchévisme]]}}. Des unités de la [[Schutzstaffel|SS]], les [[Einsatzgruppen]], souvent secondées par des unités de la [[Wehrmacht]] et de la police, aidées parfois d'habitants et de collaborateurs locaux, fusilleront sommairement de un et demi à près de deux millions de Juifs, femmes, bébés, enfants et vieillards compris, sur le [[Front de l'Est (Seconde Guerre mondiale)|front de l’Est]].

Le {{date-|18|septembre|1941}}, une circulaire secrète de Himmler annonce que le [[Führer]] a décidé de déporter tous les Juifs d'Europe occupée à l'Est, et que l'émigration forcée n'est plus à l'ordre du jour. C'est le premier pas vers un génocide à l'échelle cette fois du continent entier. Fin 1941, les premiers {{citation|camions à gaz}} sont utilisés à l'est, tandis que les [[centres d'extermination nazis|centres d'extermination]] de [[Centre d'extermination de Chełmno|Chelmno]] et de [[Centre d'extermination de Bełżec|Belzec]] sont déjà construits et commencent leur œuvre d'assassinat de masse.

La date exacte de la décision prise par Hitler n’a jamais été cernée de façon précise puisqu’il n’a jamais formellement écrit un ordre, mais il l'a élaborée au cours de l'automne 1941. En {{date-|septembre 1941}} des conversations personnelles cruciales se tenaient entre Hitler et Himmler, Himmler et Ribbentrop, Ribbentrop et Hitler. Ils discutaient de l'avenir des Juifs en Europe tout en considérant l'entrée en guerre des États-Unis<ref>''Spiegel-Gespräch mit Eckart Conze. Verbrecherische Organisation'' {{incise|''Der Spiegel'', {{numéro|43}} (2010), {{p.|45}}|stop}}.</ref>. La radicalisation immédiate et préméditée de la violence nazie avec l'invasion de l'Union soviétique, le ralentissement puis l'échec des opérations en URSS, la perspective bientôt concrétisée de l'entrée en guerre contre les États-Unis, ont sans doute précipité la décision de Hitler de réaliser sa {{citation|prophétie}} de 1939<ref>{{Harvsp||texte=Hélène Coulonjou {{et al.}} 1991|loc={{citation|Hitler et la {{citation|Solution finale}} : le jour et l'heure}}|p=269|id=collectif1991_1}}.</ref>.

Le {{date-|20|janvier|1942}}, lors de la [[conférence de Wannsee]], 15 responsables du Troisième Reich, sous la présidence du chef du [[Reichssicherheitshauptamt|RSHA]] [[Reinhard Heydrich]], entérinent la {{citation|[[solution finale|solution finale au problème juif]]}} (''Endlösung der Judenfrage''). L’extermination totale des Juifs en Europe va revêtir un caractère bureaucratique, industriel et systématique qui la rendra sans équivalent à cette heure dans l'histoire humaine. Hitler n'est pas là en personne, mais les mesures prises respectent ses objectifs généraux. En été 1942, Himmler a déclaré : {{citation|Les secteurs occupés deviennent ''{{langue|de|judenfrei}}''. Le chef a mis cet ordre très lourd sur mes épaules}}<ref>Himmler à Gottlob Berger, 28. 07. 1942 {{incise|{{Harvsp|Ian Kershaw|2008|p=586|id=kershaw2008_2}} : {{citation|Die besetzten Gebiete werden judenfrei. Die Durchführung dieses sehr schweren Befehls hat der Führer auf meine Schultern gelegt}}|stop}}.</ref>.

Au sommet de l'État, immédiatement après Hitler, ce sont [[Heinrich Himmler|Himmler]], [[Reinhard Heydrich|Heydrich]] et [[Hermann Göring|Göring]] qui ont pris la part la plus importante dans la mise en place administrative de la [[Shoah|Solution finale]]. Sur le terrain, l’extermination des Juifs a été souvent le fait d’initiatives locales, allant parfois au-devant des attentes et des décisions du Führer. Elles ont été notamment l'œuvre d’officiers de la [[Schutzstaffel|SS]] et de [[gauleiter]]s fanatiques pressés de plaire à tout prix au Führer en liquidant au plus tôt les éléments indésirables dans leurs fiefs. Les gauleiters [[Albert Forster]] à [[Gdańsk|Dantzig]], [[Arthur Greiser]] dans le [[Reichsgau Wartheland|Warthegau]] ou [[Erich Koch]] en [[Ukraine]] ont ainsi particulièrement rivalisé de cruauté et de brutalité, les deux premiers concourant entre eux pour être chacun le premier à tenir leur promesse verbale faite à Hitler de germaniser intégralement leur territoire sous dix ans<ref name="ReferenceA"/>. Deux proches collaborateurs de Hitler, [[Hans Frank]], gouverneur général de la [[Pologne]], et [[Alfred Rosenberg]], ministre des Territoires de l’Est, ont également pris une part active à la {{Citation|[[La Destruction des Juifs d'Europe|destruction des Juifs d'Europe]]}}.

Beaucoup d'{{citation|Allemands ordinaires}} ont été à peine moins compromis que les SS dans les massacres sur le front de l'Est. Plus d'un policier de réserve, plus d'un jeune soldat ou d'un officier avaient intégré le discours nazi, sans parler des généraux de Hitler. Des milliers donnèrent libre cours à leur [[violence]] et à leur [[sadisme]] dès qu'ils furent autorisés et encouragés à humilier et à tuer au nom du Führer<ref>{{Ouvrage|titre=L’Armée d’Hitler|sous-titre=La Wehrmacht, les nazis et la guerre|auteur1=Omer Bartov|traducteur=Jean-Pierre Ricard|préface=Philippe Burrin|langue originale=en|titre original=Hitler's army. Soldiers, nazis and war in the Third Reich|lieu=Paris|éditeur=Hachette Litteratures|collection=Pluriel|année=1999|mois=février|jour=24|pages totales=317|isbn=2-0123-5449-1}}</ref>. À travers toute l'Europe, d'innombrables {{citation|criminels de bureaux}}, à l'image du [[bureaucratie|bureaucrate]] [[Adolf Eichmann]], exécutèrent sans état d'âme particulier les desseins de leur Führer ou de gouvernements collaborateurs. Dans les [[centres d'extermination nazis|centres d'extermination]], ainsi que le rappellent les mémoires du commandant d'Auschwitz [[Rudolf Höss]], responsable de la mort de près d'un million de Juifs, il était impensable à quiconque, du simple garde SS au chef du camp, de désobéir à l'ordre du Führer (''{{langue|de|Führersbefehl}}''), ou de s'interroger un seul instant sur la justesse de ses ordres. ''A fortiori'', il était hors de question d'éprouver le moindre scrupule moral<ref>{{Ouvrage|titre=Le Commandant d'Auschwitz parle|auteur1=[[Rudolf Höss]]|préface=Geneviève Decrop|lieu=Paris|éditeur=La Découverte|collection=Poche|mois=janvier|année=2005|jour=1|pages totales=289|isbn=2-7071-4499-1}}.</ref>. Aucun des {{citation|[[Les Bourreaux volontaires de Hitler|bourreaux volontaires de Hitler]]}} (Daniel Goldhagen) n'a jamais été contraint de participer à la Solution Finale : un soldat ou un SS dont les nerfs craquaient se laissait persuader de continuer, ou il obtenait facilement sa mutation.

Personne au sein de son système ne découragea donc Adolf Hitler de procéder à la {{citation|Solution finale}}. En 1943, l'épouse de son ancien ministre [[Konstantin von Neurath]], choquée de ce qu'elle avait vu du camp juif de [[Westerbork (camp de regroupement et de transit)|Westerbork]] en Hollande occupée, osa exceptionnellement s'en ouvrir au Führer : ce dernier la rabroua que l'Allemagne avait assez perdu de soldats pour qu'il soit obligé de se soucier de la vie des Juifs, et la bannit à l'avenir du cercle de ses invités.

Dans l'ensemble, les chefs et opinions alliés, ou une partie de la Résistance européenne ne prirent pas conscience de la gravité spécifique du sort des Juifs, et gardèrent plutôt le silence sur leur sort, tout comme le pape [[Pie XII]], ce qui aida sans doute indirectement Hitler. De même que la non-résistance d'une partie importante des Juifs affamés, désorientés et ignorants du destin qu'il leur réservait, facilita la réalisation de son projet criminel. En avril-{{date-|mai 1943}}, en revanche, la [[Soulèvement du ghetto de Varsovie|révolte du ghetto de Varsovie]] plongea Hitler dans une colère prolongée, mais ses ordres furieux et répétés n'empêchèrent pas une poignée de combattants juifs de faire échec plusieurs semaines à la reconquête SS.

Après l’été 1941, Himmler retint le procédé d’exécution massive par les [[chambre à gaz|chambres à gaz]] testé à [[Auschwitz]]. Au total, près de {{unité|1700000 Juifs}}, surtout d’Europe centrale et orientale, ont été gazés à [[Centre d'extermination de Sobibór|Sobibór]], [[Centre d'extermination de Treblinka|Treblinka]], [[Centre d'extermination de Bełżec|Bełżec]], [[Centre d'extermination de Chełmno|Chełmno]] et [[Camp de Majdanek|Majdanek]]. Dans le seul [[camp de concentration]] et d’[[Centres d'extermination nazis|extermination]] d’[[Auschwitz|Auschwitz-Birkenau]], {{unité|1000000|de Juifs}} ont péri.

Les trois quarts des Juifs de l'Europe occupée {{incise|5 à 6 millions d'êtres humains dont 1,5 million d'enfants, tous n'ayant commis que le crime d'être né Juif et ne représentant aucune menace sinon imaginaire}} ont donc péri dans une entreprise de nature sans précédent. Sur les {{unité|189000 Juifs}} qui vivaient à Vienne avant Hitler, un millier survivent en 1945, tout comme seulement une poignée des Juifs restés en Allemagne en 1940. Les Pays-Bas ont perdu 80 % de leurs Juifs, la Pologne et les pays baltes plus de 95 %. En deux ou trois ans à peine, l'extermination a fait disparaître des familles entières. Dans une large part de l'Europe, c'est en fait toute une culture, tout un univers qu'Adolf Hitler a fait assassiner sans retour.

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Fichier:KZ Birkenau Hauptgebaude 320x240.jpg|Une des entrées du camp de concentration et d'extermination d'[[Auschwitz]].
Fichier:Auschwitz Resistance 280 cropped.jpg|Photographie clandestine montrant les membres d'un ''[[Sonderkommando (centres d'extermination)|Sonderkommando]]'' d'Auschwitz en train de brûler les corps de victimes dans des fossés à ciel ouvert.
Fichier:Buchenwald Victims 04508.jpg|Cadavres à [[Buchenwald]].
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=== Extermination des Tsiganes ===
{{Article détaillé|Porajmos}}

Hitler n'a pas dit un mot des [[Roms|Tsiganes]] dans ''[[Mein Kampf]]'' et en tout état de cause, il ne nourrit pas à leur égard l'obsession haineuse qu'il manifeste pour les Juifs<ref>Pour tout le passage {{citation|Les Tsiganes aussi…}}, voir {{Ouvrage|titre=Auschwitz|sous-titre=La mémoire d'un lieu|auteur1=[[Annette Wieviorka]]|lieu=Paris|éditeur=Hachette Litteratures|collection=Pluriel|année=2005|mois=février|jour=8|pages totales=286|isbn= 2-01-279302-9}}.</ref>. Néanmoins, son régime persécute et interne les {{unité|34000 Tsiganes}} du Reich dès les années 1930, et les prive de leur citoyenneté allemande, mais moins au nom de raisons raciales (les Tsiganes sont originaires des mêmes régions que le berceau supposé de la race {{citation|aryenne}}) qu'en tant qu'{{citation|asociaux}}. Ceci n'empêcha d'ailleurs pas les nazis de s'en prendre aussi à ceux qui étaient parfaitement intégrés à la société allemande, dans laquelle beaucoup étaient des travailleurs sédentaires, ou des anciens combattants de 14-18, titulaires de décorations. L’{{citation|Office central pour la lutte contre le péril tsigane}} fut l'instrument de cette répression. La tribu des [[Sinté|Sinti]], pourtant censée ne pas s'être {{citation|abâtardie}}, ne fut pourtant pas épargnée<ref name="RoseWeiss1991">{{Ouvrage|langue=de|titre=Sinti und Roma im Dritten Reich|sous-titre=Das Programm der Vernichtung durch Arbeit|auteur1=Romani Rose|auteur2=Walter Weiss|lieu=Göttingen|année=1991|pages totales=203|collection=Lamuv Taschenbuch|éditeur=Lamuv|isbn=388977248X}}.</ref>, tout comme les sang-mêlés en partie nés de non-Tsiganes {{citation|aryens}}.

L'extermination d'environ un tiers des [[Roms|Tsiganes]] européens, que ceux-ci appellent ''[[Porajmos]]'' a été moins systématique et générale que le génocide des Juifs. Elle a néanmoins provoqué la disparition presque complète de certaines communautés.

Aucun Tsigane n'a été déporté de France, où ils étaient pourtant des milliers disponibles dans les camps d'internement du [[régime de Vichy]]. En Belgique et aux Pays-Bas, les nazis attendirent 1944 pour déporter plusieurs centaines de Gitans à [[Auschwitz]] {{incise|ce qui fut suffisant toutefois pour décimer sans retour leur communauté|stop}}. La terreur et les déportations furent plus fortes à l'Est, où beaucoup furent fusillés sur place par les [[Einsatzgruppen]], la [[Wehrmacht]] ou par leurs collaborateurs locaux (les [[Oustachis]] croates se chargèrent de liquider 99 % des {{unité|28700 Tsiganes}} du pays<ref>{{Harvsp||texte=Jean-Pierre Azéma {{et al.}} 1991|loc={{citation|Les victimes du nazisme}}|p=321|id=collectif1991_1}}.</ref>). Mais s'il a donné le {{date-|16 décembre 1942}} l'ordre général de déportation des Tsiganes européens à Auschwitz, [[Heinrich Himmler|Himmler]] s'en est désintéressé presque aussitôt, et Hitler ne semble pas avoir accordé une attention particulière à la question.
Dans la section spéciale qui leur était réservée à [[Auschwitz|Auschwitz-Birkenau]], les familles tsiganes n'étaient pas séparées, ni exposées aux sélections régulières pour la chambre à gaz ni soumises au travail forcé, quelques-unes purent même être libérées en échange de leur [[stérilisation (acte chirurgical)|stérilisation]] forcée. Mais le médecin SS de leur camp, [[Josef Mengele]], surnommé l'{{citation|Ange de la Mort}}, pratiqua des expériences pseudo-médicales sur un certain nombre d'enfants tsiganes, notamment des jumeaux.

Après avoir longtemps hésité, puis fait mettre à part plusieurs milliers d'hommes valides pour le travail forcé concentrationnaire, Himmler donna finalement l'ordre au commandant du camp, [[Rudolf Höss]], d'exterminer ce qui restait du {{citation|camp des familles}}. Du {{1er}} au {{date-|3|août|1944}}, des milliers de Tsiganes, hommes, femmes, enfants et vieillards, furent ainsi conduits à la [[chambre à gaz]] dans des scènes dramatiques<ref>{{Ouvrage|titre=Hommes et femmes à Auschwitz|auteur1=Langbein, Hermann|traducteur=Denise Meunier|langue originale=de|lieu=Paris|éditeur=Fayard|année=1975|passage=27, 49|pages totales=527|isbn=2-213-00117-0}}.</ref>.

L'estimation du nombre de Tsiganes victimes des nazis reste l'objet de controverses. Pour les Tsiganes allemands et autrichiens, le chiffre des personnes envoyées dans les camps de concentration, déportées à l'Est et gazées, oscille entre {{formatnum:15000}} et {{formatnum:20000}} sur une population de {{unité|29000 Tsiganes}} en 1942 ; quant au nombre des Tsiganes européens assassinés par les nazis, il a été successivement estimé à {{unité|219000 victimes}} par rapport à une population totale de {{formatnum:1000000}}<ref>{{Ouvrage|titre=Destins gitans|auteur1=Donald Kenrick|auteur2=Grattan Puxon|langue originale=en|sous-titre=Des origines à la {{citation|solution finale}}|traducteur=Jean Sendy|titre original=The Destiny of Europe's gypsies|lieu=Paris|éditeur=Calmann-Lévy|collection=Archives des sciences sociales|année=1972|pages totales=293|oclc=26727104}}.</ref>, à {{unité|196000 morts}} sur {{unité|831000 personnes}}<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Gypsies under the Swastika|auteur1=Donald Kenrick|auteur2=Grattan Puxon|lieu=Hatfield|éditeur=University of Hertfordshire Press|année=2009|pages totales=168|oclc=9781902806808}}.</ref>, voire à un demi million de victimes<ref name="RoseWeiss1991" />, cette dernière estimation n'étant pas étayée par une source ou une ventilation par pays<ref>{{Ouvrage|titre=La persécution des tsiganes par les nazis|auteur1=Guenter Lewy|traducteur=Bernard Frumer|préface=Henriette Asséo|langue originale=en|lieu=Paris|éditeur=Les Belles Lettres |collection=Histoire|année=2003|mois=octobre|jour=1|passage=364-365|pages totales=474|isbn=2-251-38064-7}}.</ref>. La reconnaissance de leur tragédie fut tardive, et dans l'immédiat, elle ne modifia guère les préjugés et les pratiques publiques courantes à leur encontre.

=== {{citation|Sous-hommes}} slaves ===
L’extension du ''[[Lebensraum]]'' allemand devait fatalement se réaliser aux dépens des populations [[slaves]] repoussées vers l’Est. Pour Hitler, la [[Pologne]], les [[Pays baltes]], la [[Biélorussie]] et l’[[Ukraine]] devaient être traités comme des colonies. À ce sujet, Hitler aurait dit, selon [[Hermann Rauschning]], en 1934 : {{citation|ainsi s’impose à nous le devoir de dépeupler, comme nous avons celui de cultiver méthodiquement l’accroissement de la population allemande. Vous allez me demander ce que signifie {{citation|dépeuplement}}, et si j’ai l’intention de supprimer des nations entières ? Eh bien, oui, c’est à peu près cela. La nature est cruelle, nous avons donc le droit de l’être aussi}}.

Les populations non germaniques sont expulsées des territoires annexés par le {{IIIe}} Reich après 1939, et dirigées vers le [[Gouvernement général de Pologne]], entité totalement vassalisée et placée par Hitler sous le joug de [[Hans Frank]], le juriste du parti nazi. Dès {{date-|octobre 1939}}, le [[Reichssicherheitshauptamt|RSHA]] programme la {{citation|liquidation physique de tous les éléments polonais qui ont occupé une quelconque responsabilité en Pologne (ou) qui pourront prendre la tête d’une résistance polonaise}}. Sont visés les prêtres, les enseignants, les médecins, les officiers, les fonctionnaires et les commerçants importants, les grands propriétaires fonciers, les écrivains, les journalistes, et de manière générale, toute personne ayant effectué des études supérieures. Des commandos [[Schutzstaffel|SS]] sont chargés de cette besogne. Ce traitement extrêmement dur aura causé la mort de près de {{unité|2200000 Polonais}}, dont {{unité|50000 membres}} des élites. C'est ainsi que 30 % des professeurs de l'enseignement supérieur polonais ont péri, et des milliers d'hommes d'Église, d'aristocrates et d'officiers. En comptant les {{unité|3000000 de [[Juifs]]}} polonais, exterminés à plus de 90 %, c’est 15 à 20 % de la population civile polonaise qui a disparu.

Les nazis firent aussi fermer les théâtres, les journaux, les séminaires, l’enseignement secondaire, technique et supérieur. Du {{1er}} août au {{date-|2 octobre 1944}}, avec l’accord de Hitler, [[Heinrich Himmler|Himmler]] orchestra la répression de l’[[insurrection de Varsovie]], avec pour but la destruction totale de la capitale, foyer le plus actif de la résistance polonaise. Avec la complicité passive de l’Armée rouge qui, stoppée par les Allemands aux portes de la ville, ne parachuta aucune aide aux insurgés, les nazis détruisirent la ville à 90 %, et la vidèrent de ses derniers civils après avoir causé la mort d’environ {{unité|200000 personnes}}.

Avec l’agression de l’URSS, Hitler a prémédité une [[Crimes de guerre nazis en Union soviétique|guerre d’anéantissement contre les populations soviétiques]], des experts réunis par [[Hermann Göring|Göring]] ayant notamment prévu que {{citation|nos projets devraient entraîner la mort d’environ 10 millions de personnes}}. Le but est de piller toutes les ressources du pays, de démanteler toute l’économie, de raser les villes, et de réduire les populations à l’état d’esclavage et de famine (''[[Hungerplan]]''). La répression contre les Slaves prend donc une tournure encore plus massive, bien que certaines populations, notamment les nationalistes [[baltes]] et [[Ukraine|ukrainiens]] aient été initialement disposées à collaborer contre le régime [[stalinisme|stalinien]].

Le traitement des prisonniers soviétiques capturés par les Allemands a été particulièrement inhumain : {{unité|3700000 d’entre}} eux sur {{nb|5500000 meurent}} de faim, d’épuisement ou de maladie, parfois après avoir été torturés ou suppliciés ; des milliers d’autres sont conduits dans les [[camp de concentration|camps de concentration]] du Reich pour y être abattus au cours de fusillades massives. Les commissaires politiques sont systématiquement abattus au nom du « décret des commissaires » (''Kommissarbefehl'') signé par Keitel dès avant l’invasion. Des millions de femmes et d’hommes, parfois des enfants et des adolescents, sont raflés au cours de chasses à l’homme dramatiques pour être transférés dans le Reich comme main-d’œuvre servile.

Les actions des partisans sont l’occasion de représailles impitoyables sur les populations civiles, aussi bien en URSS qu’en Pologne, en Grèce et en Yougoslavie. Environ {{unité|11500000 civils}} soviétiques meurent ainsi pendant la [[Seconde Guerre mondiale]].

À l'automne 1944, après l'échec de la première offensive soviétique en Prusse Orientale, visionnant les images des petites villes prussiennes reprises aux soviétiques rapportées par des unités de la police militaire, il entre dans une fureur noire et assimile les soldats de l'[[Armée rouge]], les [[Slaves]] et les populations soviétiques, non à des hommes mais à des animaux, définissant ainsi la guerre comme un conflit pour la défense de l'humanité européenne, menacée par les steppes asiatiques ; dans cette perspective, il ordonne que ces images soient largement diffusées pour susciter la haine contre les Slaves<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|2002|p=165|id=kershaw2012_1}}.</ref>.

L’obsession personnelle de Hitler à réduire ces peuples à l’état de sous-hommes a privé la [[Wehrmacht]] de nombreuses aides potentielles parmi les populations soumises au joug soviétique. Elle a également eu un rôle mortifère direct, comme lorsque Hitler interdit de prendre d’assaut la ville de Leningrad, qu’il soumet délibérément à un blocus meurtrier responsable, en [[Siège de Léningrad|mille jours de siège]], de plus de {{unité|700000 morts}} de civils. À ses yeux, la ville qui avait vu naître la [[révolution russe|révolution de 1917]] devait être affamée puis rasée au sol. Mais il est difficile de supputer sur les conséquences d'une {{citation|attitude plus modérée, acceptable pour la majorité de la population, russe ou allogène. Le fait est qu'une telle politique était exclue car les nazis n'auraient plus été des nazis, et la Seconde Guerre mondiale n'aurait pas eu lieu}}<ref>{{Ouvrage|titre=L'utopie au pouvoir|sous-titre=Histoire de l'URSS de 1917 à nos jours|auteur1=[[Michel Heller]]|auteur2=Aleksandr Nekrich|traducteur=Wladimir Berelowitch|langue originale=ru|titre original=Utopiâ u vlasti : očerki sovetskoj istorii ot 1917 do naših dnej|lieu=Paris|éditeur=Calmann-Levy|passage=358|pages totales=658|année=1982|isbn=2702104320}}.</ref>. De même, Hitler a cautionné les expériences pseudo-médicales visant à mettre au point un programme de stérilisation massive des femmes slaves, perpétré sur des milliers de cobayes humains de [[Ravensbrück]] et d’[[Auschwitz]]. Et les premières victimes de gazages au [[Zyklon B]] à Auschwitz furent des prisonniers soviétiques<ref>Le 3 septembre 1941, d’après [[Rudolf Höss]], commandant du camp {{incise|Voir {{Ouvrage|titre=Les Assassins de la mémoire|sous-titre={{citation|Un Eichmann de papier}}, et autres essais sur le révisionnisme|auteur1=[[Pierre Vidal-Naquet]]|lieu=Paris|éditeur=La découverte|collection=Poche / Essais|année=2005|mois=avril|passage=143|pages totales=232|isbn=9782707145451}}|stop}}.</ref>.

=== Persécution des homosexuels ===
{{article connexe|Discrimination et déportation des homosexuels sous l'Allemagne nazie}}
[[Fichier:Amsterdam-Homomonument-05.jpg|vignette|redresse=1.0|Monument dédié aux victimes homosexuelles du nazisme, à Amsterdam.|alt=Photo en couleurs (teinte bleutée dominante), prise à Amsterdam en novembre 2003, et montrant le « Homomonument » : un monument dédié aux victimes homosexuelles du nazisme. La photo en montre seulement une partie : un assemblage de cinq dalles en granit rose qui forment un escalier triangulaire permettant d’accéder, du trottoir, au bord d’un canal (de gauche à droite sur la photo). La dernière marche, une plate-forme triangulaire, qui semble flotter sur l’eau du canal, est en partie recouverte de gerbes de fleurs. L’arrière-plan de la photo est constitué par l’étendue d’eau du canal.]]

Hitler semble avoir été essentiellement pragmatique dans ce domaine : il toléra un temps l'homosexualité au sein du parti nazi, mais sut user de l'homophobie populaire lorsqu'il pouvait en tirer profit, en particulier lors de la [[nuit des Longs Couteaux]] et de l'élimination d'[[Ernst Röhm]], ainsi que lors de l'[[affaire Blomberg-Fritsch]]. Il ne développa pas de doctrine spécifique à cet égard<ref name="Tamagne"/>{{,}}<ref>{{Harvsp|Laurence Rees|2013|p=42 et suivantes, 176-179 ; emplacements 2904-3012 et 2217-2236 sur 8147|id=rees2013}}.</ref>, au contraire de [[Heinrich Himmler|Himmler]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Heinrich Himmler|auteur1=[[Peter Longerich]]|traducteur=Jeremy Noakes et Lesley Sharpe|langue originale=de|sous-titre=A Life|titre chapitre=The fight against abortion and homosexuality|titre original=Heinrich Himmler : Biographie|lieu=New York|éditeur=Oxford University Press|année=2012|mois=décembre|passage=231-240|pages totales=1031|isbn=9780199592326}}.</ref>.

Entre {{formatnum:5000}} et {{unité|15000 homosexuels}} ont été déportés en camp de concentration entre 1933 et 1945, sur environ {{unité|50000 poursuivis}} au titre du [[paragraphe 175]] criminalisant les actes sexuels entre deux hommes (l'homosexualité féminine n'ayant pas été criminalisée)<ref name="Tamagne">{{Article|auteur=Florence Tamagne|titre=La déportation des homosexuels durant la Seconde Guerre mondiale|périodique=Revue d'éthique et de théologie morale |numéro=239 |date=février 2006|pages=77-104 |issn=1266-0078|lire en ligne=http://www.cairn.info/article.php?REVUE=d-ethique-et-de-theologie-morale&ANNEE=2006&NUMERO=2&PP=77|id=Tamagne2006a}}.</ref>. Représentant moins de 1 % des effectifs des camps, ils sont en revanche le plus souvent affectés aux commandos de travail les plus durs et, comparés à d'autres groupes, connaissent une mortalité particulièrement élevée<ref>{{Ouvrage|auteur=Régis Schlagdenhauffen|titre=Triangle rose : La persécution nazie des homosexuels et sa mémoire|éditeur=Autrement|année=2011|pages totales=314|isbn=9782746714854}} {{epub}} {{ISBN|9782746720459}} emplacements 896 et suiv. sur 6260.</ref>.

== Conceptions religieuses ==
[[Fichier:HIM byMaurizio Cattelan in Warsaw Ghetto 2013.JPG|vignette|redresse=1.0|alt=Photo en couleurs prise dans le hall d’un des bâtiments de l’ancien ghetto de Varsovie en 2013. Sous un porche de pierre peu éclairé, on distingue la silhouette d’un homme agenouillé, de dos, devant une large et haute porte grillagée donnant sur une ruelle au sol très clair. Il s’agit d’une statue en cire, de l’artiste italien Maurizio Cattelan, représentant Adolf Hitler en costume gris, priant agenouillé.|« HIM » : sculpture par [[Maurizio Cattelan]] présentant Adolf Hitler à genoux et priant, exposée dans le hall d'un des bâtiments de l'ancien [[ghetto de Varsovie]] en 2013.]]
{{Article détaillé|Croyances religieuses d'Adolf Hitler}}
Hitler a été élevé par une mère catholique très croyante et fut fasciné dans son enfance par les cérémonies religieuses et le faste de l'Église catholique<ref>{{Ouvrage|titre=Hitler|auteur1=Christopher Dobson|lieu=Paris|langue originale=en|éditeur=Éditions Chronique|collection=Histoire|année=2013|mois=avril|pages totales=158|passage=50|format=eBook|isbn=978-2-36602-004-5}}.</ref>. Bien que, enfant, il fut [[Baptême|baptisé]] puis confirmé à l'âge de quinze ans, il cessa d'aller à la messe après avoir définitivement quitté le foyer familial<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Adolf Hitler|sous-titre=His Family, Childhood and Youth|auteur1=Bradley Smith|lieu=Stanford|éditeur=Hoover Institution Press|collection=Hoover Institution publication|année=1967|passage=42|pages totales=180|oclc=1174225}}.</ref>.

En 1914, lors de son engagement dans un régiment bavarois il se déclara officiellement ''{{langue|de|[[Gottgläubig]]}}'', qui peut être traduit par « déiste sans affiliation à une église reconnue »<ref>{{Harvsp|William L. Shirer|2006|id=shirer2006}}.</ref>. Plus tard, développant sa propre vision du monde, il s'éloigne encore plus du christianisme et y devient très hostile, le tenant pour une religion hébraïque dont les préceptes de charité et d'amour du prochain lui semblaient contraires à la volonté de puissance et aux vertus guerrières qu'il souhaitait insuffler au peuple allemand<ref name="RFLKZU">{{Harvsp|Adolf Hitler|1952|p=7|id=hitler1952}}.</ref>. Hitler percevait le [[christianisme]] comme une religion antinaturelle et mortifère<ref name="ZJ5Q9S">{{Harvsp|Adolf Hitler|1952|p=51-60|id=hitler1952}}.</ref> : {{citation|Le christianisme est une rébellion contre la loi naturelle, une protestation contre la nature. Poussé à sa logique extrême, le christianisme signifierait la culture systématique de l’échec humain}}. Il détestait son origine juive<ref name="RFLKZU"/> : {{citation|Le coup le plus dur qui ait jamais frappé l'humanité fut l'avènement du [[christianisme]]. Le [[bolcheviks|bolchevisme]] est un enfant illégitime du christianisme. Tous deux sont des inventions du Juif. C'est par le christianisme que le mensonge délibéré en matière de religion a été introduit dans le monde. Le bolchevisme pratique un mensonge de même nature quand il prétend apporter la liberté aux hommes, alors qu'en réalité il ne veut faire d'eux que des esclaves. Dans le monde antique, les relations entre les hommes et les dieux étaient fondées sur un respect instinctif. C'était un monde éclairé par l'idée de tolérance}}.

Par ailleurs, Hitler ne partage pas les conceptions d'[[Heinrich Himmler|Himmler]] vis-à-vis du [[paganisme]]. Le chef de la [[Schutzstaffel|SS]] célèbre ainsi le culte des [[Germains]] et vilipende [[Charlemagne]] en raison des persécutions commises contre les [[Saxons]], peuple dont la christianisation représente un véritable {{citation|péché originel}} à ses yeux. À l'inverse, le ''Führer'' considère l'empereur carolingien comme {{citation|l'unificateur historique}} de l'[[Renovatio imperii|Empire romain d'Occident restauré]] et cimenté par le christianisme médiéval<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Peter Longerich]]|traducteur=Raymond Clarinard|langue originale=de|titre=Himmler|sous-titre=l'éclosion quotidienne d'un monstre ordinaire|titre original=Heinrich Himmler|lieu=Paris|éditeur=Éditions Héloïse d’Ormesson|année=2010|pages totales=917|isbn=978-2-35087-137-0|passage=264-267}}.</ref>. Loin d'être favorable à la recréation d'un culte wotanique, Hitler se félicite de vivre à une époque {{citation|libérée de toute mystique<ref>{{Ouvrage|titre=[[Au cœur du Troisième Reich|Au cœur du {{IIIe}} Reich]]|auteur1=[[Albert Speer]]|traducteur=Michel Brottier|préface=Benoît Lemay|langue originale=de|titre original=Erinnerungen|collection=Pluriel|éditeur=Fayard|lieu=Paris|pages totales=816|passage=136|année=2010|mois=novembre|isbn=2818500117}}.</ref>}}. Selon ses propres dires : {{Citation|Il me semble que rien ne serait plus insensé que de rétablir le culte de [[Odin|Wotan]]. Notre vieille mythologie avait cessé d'être viable lorsque le christianisme s'est implanté. Ne meurt que ce qui est prêt à mourir. À cette époque le monde antique était partagé entre les systèmes philosophiques et le culte des idoles. Or il n'est pas souhaitable que l'humanité entière s'abêtisse {{incise|et le seul moyen de se débarrasser du christianisme est de le laisser mourir petit à petit|stop}}}}. Toutefois, Hitler laisse Himmler et les SS remplacer les références chrétiennes de la société allemande par des références à un {{citation|monde teutonique}} pré-chrétien, soi-disant noyau exemplaire d'une mythique identité germanique raciale<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Peter Longerich]]|traducteur=Raymond Clarinard|langue originale=de|titre=Himmler|sous-titre=l'éclosion quotidienne d'un monstre ordinaire|titre original=Heinrich Himmler|lieu=Paris|éditeur=Éditions Héloïse d’Ormesson|année=2010|passage=284|pages totales=917|isbn=978-2-35087-137-0}}.</ref>.

Ses attaques contre le christianisme, notamment celles que rapporte [[Martin Bormann]] dans ses propos de table, étaient plus inspirées par un matérialisme à prétention scientifique que par des références à une mystique païenne<ref name="ZJ5Q9S"/>. Hitler affirma également dans les ''Propos de table'' : {{Citation|Mais il n'est pas question que le national-socialisme se mette un jour à singer la religion en établissant une forme de culte. Sa seule ambition doit être de construire scientifiquement une doctrine qui ne soit rien de plus qu'un hommage à la raison}}.

Hitler admirait l'[[islam]] et il regrettait que les [[Germains]] ne fussent pas devenus musulmans ; il percevait avec sympathie l'islam, religion qu'il percevait comme fanatique et guerrière<ref>{{Ouvrage|titre=[[Au cœur du Troisième Reich|Au cœur du {{IIIe}} Reich]]|auteur1=[[Albert Speer]]|traducteur=Michel Brottier|préface=Benoît Lemay|langue originale=de|titre original=Erinnerungen|collection=Pluriel|éditeur=Fayard|lieu=Paris|pages totales=816|passage=138|année=2010|mois=novembre|isbn=2818500117}}.</ref>. Hitler affirma<ref>{{Harvsp|Adolf Hitler|1954|p=297|id=hitler1954}}.</ref> : {{Citation|Si [[Bataille de Poitiers (732)|à Poitiers]], [[Charles Martel]] avait été battu, la face du monde eût changé. Puisque le monde était déjà voué à l’influence judaïque (et son produit, le christianisme, est une chose si fade !) il eût beaucoup mieux valu que le mahométisme triomphât. Cette religion récompense l’héroïsme, elle promet aux guerriers les joies du septième ciel… Animés par un tel esprit, les Germains eussent conquis le monde. C’est le [[christianisme]] qui les en a empêchés}}. Il affirma aussi<ref>{{Harvsp|Adolf Hitler|1952|p=141|id=hitler1952}}.</ref> : {{Citation|Je conçois que l'on puisse s'enthousiasmer pour le paradis de [[Mahomet]], mais le fade paradis des chrétiens !}}.

Hitler admirait également la [[Shintoïsme d'État|religion japonaise dévouée à l'État]]<ref>{{Ouvrage|titre=[[Au cœur du Troisième Reich|Au cœur du {{IIIe}} Reich]]|auteur1=[[Albert Speer]]|titre chapitre=Propos d'Adolf Hitler|traducteur=Michel Brottier|langue originale=de|titre original=Erinnerungen|éditeur=Fayard|lieu=Paris|pages totales=816|passage=138|année=1971|oclc=22349162}}.</ref> : {{Citation|Nous avons la malchance de ne pas posséder la bonne religion. Pourquoi n'avons-nous pas la religion des Japonais, pour qui se sacrifier à sa patrie est le bien suprême ? La religion musulmane aussi serait bien plus appropriée que ce christianisme, avec sa tolérance amollissante}}. Il voyait dans cette tradition spirituelle l'une des causes de la force du [[Japon]]<ref>{{Ouvrage|titre=Hitler cet inconnu|auteur1=Henry Picker|traducteur=René-Marie Jouan|langue originale=de|titre original=Hitlers Tischgespräche im Führerhauptguartier|éditeur=Presses de la cité|lieu=Paris|pages totales=569|passage=274|année=1969|oclc=460741389}}.</ref> : {{Citation|Cette philosophie [japonaise], qui est une des raisons principales de leur succès, n'a pu se maintenir comme principe d'existence du peuple que parce que celui-ci est resté protégé contre le poison du christianisme}}.

Cependant, pour ménager l'opinion allemande, il n'a jamais fait acte d'[[apostasie]] et continuait à payer [[Kirchensteuer|ses impôts d'Église]]<ref>{{Ouvrage |titre=Dix leçons sur le nazisme |sous-titre=Mit Brennender Sorge |auteur1=[[Jacques Nobécourt]] |directeur2=oui |auteur2=[[Alfred Grosser]] |auteur3=Henri Burgelin |et al.=oui |lieu=Bruxelles |éditeur=Complexe |collection=Historiques |date=10 mai 1990 |pages totales=260 |isbn=2870271212}}.</ref>, et il affirma vouloir attendre la fin de la guerre pour régler leur compte aux Églises chrétiennes<ref>{{Ouvrage|titre=[[Au cœur du Troisième Reich|Au cœur du {{IIIe}} Reich]]|auteur1=[[Albert Speer]]|traducteur=Michel Brottier|préface=Benoît Lemay|langue originale=de|titre original=Erinnerungen|collection=Pluriel|éditeur=Fayard|lieu=Paris|pages totales=816|passage=176|année=2010|mois=novembre|isbn=2818500117}}.</ref>, ce qui le conduisit à réfréner [[Heinrich Himmler#À la recherche d'un substitut au christianisme|certaines ardeurs antichrétiennes et mystiques]] du chef des [[Schutzstaffel|SS]]. Dans ses discours, Hitler se contentait de références vagues à un dieu abstrait sans attache avec le christianisme, prônant de fait une position [[déisme|déiste]].

Malgré des tracasseries et des surveillances, il a toujours eu l'habileté de ménager globalement les Églises allemandes, évitant un conflit ouvert dangereux pour l'adhésion des populations à sa personne. Ni lui ni ses partisans n'ont jamais été excommuniés, et l'encyclique antinazie du pape {{Souverain2|Pie XI}}, ''{{langue|de|[[Mit brennender Sorge]]}}'' (1937), évite prudemment de mentionner le nom de Hitler.

== Vie privée et personnalité ==
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 146-1973-034-42, Obersalzberg, Adolf Hitler im Haus Wachenfeld.jpg|vignette|redresse=1.2|Adolf Hitler au ''[[Berghof]]'', 1936.|alt=Photo noir et blanc montrant Adolf Hitler, assis à une table, dans une pièce de sa résidence secondaire du Berghof (à Berchstesgaden). L’homme, en costume clair, de face, est en train de lire des documents. L’arrière-plan est divisé par un rideau aux motifs fleuris : à droite, une fenêtre fermée au bord chargé de pots de plantes et, à gauche, un mur blanc supportant un tableau et un meuble en bois d’une couleur foncée sur lequel sont posées, sur la tranche, trois assiettes.]]

=== Mode de vie ===

Hitler vivait, surtout pendant la guerre, en reclus et en décalage temporel, menant dans ses [[Quartier général du Führer|divers QG]] une vie morne, monotone et essentiellement nocturne, dont il imposait l'ennui à tout son entourage.

Avant de se terrer après 1941, notamment au ''[[Wolfsschanze]]'' (à la {{citation|Tanière du Loup}}) à côté de [[Kętrzyn|Rastenburg]] en [[Province de Prusse-Orientale|Prusse-Orientale]] après le lancement de l'invasion de l'Union soviétique, il est toujours officiellement domicilié à [[Munich]] (il boudera [[Berlin]] toute sa vie) et plus encore, il aime à satisfaire son goût romantique pour les montagnes au ''[[Berghof]]'', sa résidence des Alpes bavaroises, à [[Obersalzberg]], un quartier de [[Berchtesgaden]] (résidence surplombée à quelques kilomètres par le ''[[Kehlsteinhaus|Nid d'Aigle]]'' où il se rend peu). Près du ''Berghof'', viennent aussi habiter quelques-uns de ses principaux courtisans et intimes.

Selon certaines sources, Hitler ne buvait ni ne fumait (le tabac était rigoureusement proscrit en sa présence), mangeait végétarien<ref>{{Lien web |titre=Une goûteuse de Hitler se confie à la presse britannique |éditeur=[[Le Monde]] |site=lemonde.fr |date=15 février 2013 |url=https://www.lemonde.fr/europe/article/2013/02/15/une-gouteuse-de-hitler-se-confie-a-la-presse-britannique_1833440_3214.html |consulté le=12 janvier 2018}}.</ref>{{,}}<ref>{{Article |langue=fr |auteur1=[[Johann Chapoutot]] |titre=Hitler était-il végétarien ? |périodique=[[L'Histoire]] |numéro=466 |mois=décembre |année=2019 |pages=53 |lire en ligne=https://www.lhistoire.fr/hitler-%C3%A9tait-il-v%C3%A9g%C3%A9tarien%C2%A0}}.</ref>{{,}}<ref>[[Le Figaro]], ''[https://www.lefigaro.fr/international/2014/09/24/01003-20140924ARTFIG00340-la-gouteuse-d-hitler-raconte-ses-annees-de-terreur.php La goûteuse d'Hitler raconte ses années de terreur]'', 24/09/2014</ref>, au moins depuis 1932<ref>{{Harvsp|Ian Kershaw|1999|p=497|id=kershaw1999}}.</ref> ou la fin des années 1930<ref>{{Harvsp|Joachim Fest|1973|p=193|id=fest1973_2}}.</ref>. Cependant, comme il était d'usage chez les soldats de la [[Wehrmacht]] pour augmenter leurs capacités combatives {{incise|notamment chez les pilotes}}, Hitler était probablement consommateur de [[méthamphétamine]] (commercialisée alors en Allemagne sous le nom de la marque ''Pervitin''). Le livre de l'écrivain allemand {{Lien|langue=de|trad=Norman Ohler|fr=Norman Ohler}} ''Der totale Rausch: Drogen im Dritten Reich'', paru en {{date-|septembre 2015}} et traitant de l'usage des « drogues dans le Troisième Reich »<ref>Norman Ohler, ''Der totale Rausch: Drogen im Dritten Reich'', Kiepenheuer & Witsch, Köln 2015, {{ISBN|978-3-462-04733-2}}. Sur le livre de Norman Ohler, voir l'article ''Wenn das der Führer wüsste...'' » d'Helena Barop dans ''Die Zeit'' Nr. 47/2015, 19. November 2015 [http://www.zeit.de/2015/47/der-totale-rausch-sachbuch-norman-ohler].</ref>, apporte ainsi des informations sur, entre autres, cette addiction de Hitler et ses répercussions sur son état de santé et sa [[psychopathologie]].

=== Sexualité ===
La vie sentimentale et surtout sexuelle de Hitler, bien que peu discernable et surtout sans portée connue sur son rôle historique{{note|groupe=n|Ian Kershaw, par exemple, s'interroge sur la portée des spéculations sur l'hypothétique homosexualité de Hitler : admettre cette hypothèse changerait-il quoi que ce soit à notre compréhension de l'histoire du nazisme et de Hitler lui-même<ref>[https://www.welt.de/print-welt/article481144/Der-uaminegerade-Weg.html ''Der ungerade Weg''], ''Die Welt'', {{date-|13|octobre|2001}}, {{consulté le|18/02/2015}}.</ref>?}}, a été l'objet de nombreuses spéculations de toutes sortes depuis au moins 1945, dans une littérature de qualité variable{{note|groupe=n|À la suite d'un constat sur l'{{citation|idée commune}} issue du [[Nazisploitation|''Nazi Porn'']] selon laquelle {{Citation|le nazisme serait un régime dans lequel les relations sexuelles étaient débridées, générales, obsessionnelles, avec une dimension sado-masochiste}}, [[Fabrice d'Almeida]] relève l'existence de nombreux {{Citation|essais de psychologie mal comprise}}, et d'{{Citation|enquêtes historiques de qualité variable [plaçant] la question sexuelle au cœur de leur réflexion dès l'immédiate après-guerre<ref>{{Harvsp|Fabrice d'Almeida|2008|p=275|id=almeida2008_1}}.</ref>.}} Pour un panorama de celles-ci, voir {{Harvsp|Rosenbaum|2011|p=135-153}}, chapitre « The Dark Matter: The Sexual Fantasy of the Hitler Explainers » ; Rosenbaum y distingue deux groupes principaux : celui des psycho-historiens des années 1960 et 1970, issus de la psychanalyse, et celui des ex-nazis, transfuges de l'entourage de Hitler, [[Otto Strasser]], [[Ernst Hanfstaengl]] et [[Hermann Rauschning]].}} aux sources pour le moins controversées. Ces spéculations revêtent des formes multiples et parfois contradictoires : une homosexualité hypothétique remontant aux années de jeunesse à Vienne ou à celles de la Première Guerre mondiale{{note|groupe=n|Cette thèse est illustrée en particulier par les ouvrages de Robert Waite et, surtout, de Lothar Machtan<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre={{Lien|lang=en|The Psychopathic God: Adolf Hitler}} |sous-titre=Adolph Hitler |auteur=Robert L. G. Waite |lieu=New York |année=1978 |mois=juin |éditeur=Signet Book |pages totales=512 |isbn=0451080785}}.</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre={{Lien|lang=en|The Hidden Hitler}} |auteur=Lothar Machtan |traducteur=John BrownJohn |langue originale=de |lieu=New York |année=2002 |mois=octobre |éditeur=Basic Books |pages totales=462 |isbn=978-0465043095}}.</ref>. <br>Ces spéculations s'appuient sur les {{citation|témoignages}} discrédités de [[Hans Mend]] et d'{{Lien|Eugen Dollmann}}. <br>[[Hans Mommsen]] y voit {{citation|beaucoup de bruit pour rien<ref>[http://www.zeit.de/2001/42/Viel_Laerm_um_nichts ''Viel Lärm um nichts''], ''{{langue|de|Die Zeit}}'', {{date-|11|octobre|2001}}, {{consulté le|18/02/2015}}.</ref>.}} <br>[[Ian Kershaw]] a détaillé les arguments montrant le peu de crédibilité de ces spéculations<ref>{{de}} [https://www.welt.de/print-welt/article481144/Der-ungerade-Weg.html ''Der ungerade Weg''], ''{{langue|de|Die Welt}}'', {{date-|13|octobre|2001}}, {{consulté le|18/02/2015}}.</ref>. <br>Pour [[Florence Tamagne]], historienne de l'homosexualité en Europe au {{s-|XX}}, {{citation|certains auteurs ont voulu voir en Hitler un homosexuel refoulé, mais cette hypothèse, construite essentiellement à partir d’interprétations psychanalytiques, peine à convaincre<ref>{{Ouvrage |auteur=[[Florence Tamagne]] |titre=Histoire de l'homosexualité en Europe |sous-titre=Berlin, Londres, Paris. 1919-1939 |éditeur=Seuil |année=2000 |pages totales=692 |isbn=2-02-034884-5}}.</ref>.}} <br>[[François Kersaudy]], auteur d'une publication très ouverte aux sujets scabreux sur le {{IIIe|Reich}}, juge que {{citation|quoi qu'aient pu écrire des générations de psychiatres amateurs, Hitler n'était pas homosexuel<ref>{{Harvsp|François Kersaudy|2013|id=kersaudy2013}}, note 9, emplacements 1991 sur 6948.</ref>.}}}}, un goût trouble et intéressé pour les riches femmes mûres dans les années 1920<ref>{{Harvsp|François Kersaudy|2013|id=kersaudy2013}}, note 2, emplacements 2103 et suiv. sur 6948.</ref>, des relations incestueuses avec sa jeune nièce [[Geli Raubal]]<ref>{{Harvsp|François Kersaudy|2013|id=kersaudy2013}}, note 2, emplacements 2167 et suiv. sur 6948.</ref>, d'éventuelles pratiques [[Ondinisme (sexualité)|ondinistes]]<ref>{{Ouvrage |titre=Adolf Hitler |sous-titre=l'archaïsme déchaîné |auteur=Bruno Gaudiot |préface=Thierry Féral |lieu=Paris |éditeur=L'Harmattan |collection=Allemagne d'hier et d'aujourd'hui |passage=173 |année=2001 |pages totales=187 |isbn=978-2-7475-0610-6}}.</ref>{{,}}{{note|groupe=n|Sur l'ondinisme supposé de Hitler, Paul Simelon parle d'une rumeur née après le suicide de [[Geli Raubal]], qui le lierait aux {{citation|extravagances sexuelles de Hitler}}, en l'occurrence {{citation|l'ondinisme}}, mais juge qu'elle manque de fondement<ref>{{Ouvrage |titre=Hitler |sous-titre=comprendre une exception historique |auteur=Paul Simelon |lieu=Paris |éditeur=L'Harmattan |collection=Questions contemporaines |année=2004 |pages totales=156 |isbn=978-2-747-56272-0 |passage=35-36}}.</ref>.}} ou [[Scatophilie|coprophiles]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=Explaining Hitler |sous-titre=The Search for the Origins of His Evil |auteur=Ron Rosenbaum |collection=Faber finds |éditeur=Faber & Faber |date=17 mars 2011 |passage=118 et suivantes |pages totales=490 |isbn=978-0571276868}}.</ref>, une supposée impuissance<ref>{{Harvsp|François Kersaudy|2013|id=kersaudy2013}}, emplacements 2047-2460 sur 6948.</ref>{{,}}{{note|groupe=n|Les affirmations sur l'impuissance de Hitler ont été démenties par Heinz Linge, valet de chambre de Hitler<ref>{{Ouvrage |titre=Le Disparu du 30 avril |auteur1=[[Michel Beauquey]] |auteur2=Victor Ziegelmeyer |lieu=Paris |éditeur=Productions de Paris |collection=Documents de notre époque |année=1964 |pages totales=294 |passage=131 |oclc=13798005}}.</ref>.}}, voire le nombre de ses [[testicule]]s{{note|groupe=n|{{Harvsp|Simelon|2004|p=35}}, qui s'appuie sur Norman Finkelstein. Le médecin de famille de Hitler, le docteur [[Eduard Bloch]], a affirmé sans équivoque qu'il avait examiné Hitler pendant son enfance et l'avait trouvé {{citation|génitalement normal<ref>{{Harvsp|François Kersaudy|2013|id=kersaudy2013}}, note 2, emplacements 2047-2382 sur 6948.</ref>.}} <br>Cette légende n'a aucun rapport avec la chanson anti-allemande et populaire pendant la guerre : ''Hitler has only got one ball'' ({{citation|Hitler n’a qu’une couille}}, sur l’air de la ''[[Colonel Bogey March|Marche du Colonel Bogey]]'')<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=Museums and popular culture |auteur=Kevin Moore |lieu=London Washington |éditeur=Cassell |année=1997 |pages totales=182 |isbn=978-0-718-50227-0 |passage=119}}.</ref>.}}. Le seul fait sûr est que, se présentant à son peuple comme mystiquement marié à l'Allemagne, pour justifier et instrumentaliser son célibat, Hitler a caché aux Allemands l'existence d'[[Eva Braun]] jusqu'à leur mort commune, la négligeant souvent et lui interdisant de paraître en public voire de venir à Berlin, et la confinant le plus possible en Bavière. Pour [[Ian Kershaw]], en choisissant des femmes nettement moins âgées que lui (vingt-trois ans de moins dans le cas d'Eva Braun) et en conservant la distance (sa future épouse d'un jour ne devait l'appeler que {{Citation étrangère|langue=de|mein Führer}}), Hitler s'assurait de pouvoir garder intacte sa domination narcissique et égoïste sur elles.

=== Un égoïste charismatique ===
Solitaire et sans amis, Hitler a été incapable dès sa jeunesse du moindre sentiment de compassion ou d'affection réelle pour quiconque, réservant ses quelques accès de tendresse à sa chienne [[Blondi]], un berger allemand. Son égoïsme sans complexe, sa conviction d'être infaillible et sa soif de domination se traduisaient au quotidien par le refus de toute critique et par ses interminables [[monologue]]s, ressassant éternellement les mêmes thèmes des heures durant, et épuisant son entourage jusque très tard dans la nuit{{Sfn|Delpla|1999|p=353|id=delpla1999}}.

Cela ne l'empêchait pas de régner sur son entourage et sur les masses par son [[charisme]] et son indéniable pouvoir de séduction, et d'inspirer des dévouements aveugles allant jusqu'au fanatisme. Les célèbres colères effroyables qu'il pouvait piquer, contre ses généraux notamment, n'étaient en réalité pas très fréquentes, et survenaient surtout quand la situation échappait à son contrôle<ref>{{Ouvrage |id=Larousse de la Seconde Guerre mondiale |titre=Larousse de la Seconde Guerre mondiale |sous-titre=Hitler au quotidien |auteur1=[[Claude Quétel]] |directeur1=oui |auteur2=Philippe Masson |auteur3=Christophe Prime |et al.=oui |lieu=Paris |éditeur=Larousse |collection=coédition avec le mémorial de Caen |date=13 mai 2004 |pages totales=528 |passage=194 |isbn=978-2-035-05394-7}}.</ref>.

Les images célèbres de l'[[orateur]] Hitler en train de vociférer avec force gestes frénétiques ne doivent pas non plus donner une idée réductrice de ses talents propagandistes. En réalité, avant d'en arriver à ces points d'orgue fameux qui électrisaient l'assistance, Hitler savait varier les tons, construire sa progression et doser son débit, lequel ne s'accélérait que graduellement.

=== Un {{citation|dictateur paresseux}} ===
Étant essentiellement [[Autoformation|autodidacte]], son instruction hâtive a toujours laissé à désirer. Ses bibliothèques à Munich, Berlin et Berchtesgaden contenaient plus de seize mille volumes, dont peu d'ouvrages authentiquement scientifiques ou philosophiques<ref>{{Ouvrage |titre=Les Fascismes |auteur1=[[Henri Michel (historien)|Henri Michel]] |lieu=Paris |éditeur=Presses universitaires de France |collection=Que sais-je ? |année=1979 |pages totales=125 |isbn=978-2-13-036166-4}}.</ref>. Il a persécuté [[Sigmund Freud|Freud]] (décimant aussi sa famille) et a déformé grossièrement la pensée de [[Friedrich Nietzsche]] afin de mieux faire cadrer ses lectures avec son idéologie personnelle. Il ne connaissait aucune langue étrangère, son interprète attitré [[Paul-Otto Schmidt]] se chargeant de lui traduire la presse extérieure ou l'accompagnant dans toutes les rencontres internationales.

Des employés devaient lui proposer des lunettes partout dans la chancellerie du Reich, afin que Hitler en ait rapidement une paire disponible<ref>{{Ouvrage|langue=de|auteur=[[Rochus Misch]]|préface=Ralph Giordano|titre=Der letzte Zeuge|sous-titre=Ich war Hitlers Telefonist, Kurier und Leibwächter|passage=91|lieu=Munich|éditeur=Pendo Verlag GmbH|année=2008|mois=juin|pages totales=280|isbn=978-3866121942}}. Édition française : ''[[J'étais garde du corps d'Hitler]]''.</ref>.

Prompt à exalter et à embrigader le [[sport]], il ne faisait jamais le moindre exercice de culture physique. Incapable de se contraindre à un travail régulier et suivi depuis sa jeunesse bohème de Vienne, le {{Citation|dictateur paresseux}} (selon Martin Broszat) n'avait pas d'horaires de travail fixes, négligeait souvent de réunir ou de présider le conseil des ministres, était parfois longuement introuvable même par ses secrétaires, et ne faisait le plus souvent que survoler les dossiers et les rapports. Au contraire du très bureaucratique Staline, Hitler détestait la paperasserie, et n'a de sa vie rédigé qu'un seul mémoire, celui sur le [[Vierjahresplan|Plan de Quatre Ans]] (1936), qu'il n'a d'ailleurs fait lire qu'à deux ou trois personnes dont [[Hermann Göring|Göring]] et le chef de l'armée, le maréchal [[Werner von Blomberg|von Blomberg]]. Ses directives étaient souvent purement verbales ou rédigées en des termes assez généraux pour laisser à ses subordonnés une assez grande marge de manœuvre<ref>{{Harvsp|Larousse de la Seconde Guerre mondiale}} et {{Harvsp|Ian Kershaw|2000|id=kershaw2000}}, passim.</ref>.

=== Santé ===
{{Article détaillé|Santé d'Adolf Hitler}}

Sa santé n'a cessé de se dégrader dans les dernières années de la guerre. Déprimé et insomniaque, vieillissant, voûté et tremblant (probablement atteint de la [[maladie de Parkinson]], dont les symptômes, les jambes et surtout le bras gauche agités de tremblements rapides, apparaissent en {{date-|août 1941}} selon le docteur {{Lien|langue=de|trad=Ellen Gibbels|fr=Ellen Gibbels}}<ref>{{Ouvrage |langue=de |auteur=Ellen Gibbels |titre=Hitlers Parkinson-Krankheit: Zur Frage eines hirnorganischen Psychosyndroms |éditeur=Springer-Verlag |date=2013 |passage=1}}.</ref>), bourré de médicaments par son médecin le {{Dr|[[Theodor Morell]]}}, Hitler était surtout absorbé par les opérations militaires et hanté en son sommeil, de son propre aveu, par la position de chacune des unités détruites sur le front de l'Est<ref>{{ouvrage |auteur=[[François Kersaudy]] |titre=Les Secrets du {{IIIe|Reich}} |éditeur=éditions France Loisirs |lieu=Paris |date=mai 2014 |pages totales=320 |passage=259-292 |isbn=978-2-298-08381-1 |consulté le=6 mai 2016 }}.</ref>. C'est bien avant de passer à l'acte qu'il évoquait devant ses proches le [[suicide]] comme la solution de facilité qui permettrait d'en finir en un instant avec ses ennuis. Il a déjà été prêt à passer à l'acte après deux échecs politiques en 1923 et 1932. Le {{date-|22 avril 1945}}, lorsque les Russes encerclent Berlin, il fait savoir à son entourage qu'il a décidé de se donner la mort<ref>{{Ouvrage |titre=Les Cent derniers Jours d'Hitler. Chronique de l'Apocalypse |auteur=[[Jean Lopez]] |éditeur=Perrin |année=2015 |passage=88}}.</ref>.

Selon plusieurs chercheurs, il souffrait de maladies diverses : du [[syndrome de l'intestin irritable]], de [[Lésions cutanées allergiques (maladie professionnelle)|lésions cutanées]], d'un [[trouble du rythme cardiaque]], de sclérose coronaire<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=The Third Reich At War |sous-titre=1939-1945 |auteur=[[Richard J. Evans]] |éditeur=Penguin Group |lieu=New York |collection=Au fil de l'histoire |passage=508 |année=2010 |pages totales=944 |isbn=978-0-14-311671-4}}.</ref>, de [[syphilis]], de la [[maladie de Parkinson]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=Hitler |sous-titre=A Study in Tyranny |auteur=[[Alan Bullock]] |lieu=Londres |année=1952 |éditeur=Odhams Press |passage=717 |pages totales=776 |isbn=978-0-14-013564-0}}.</ref> et d'[[acouphène]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=Hitler |sous-titre=Diagnosis of a Destructive Prophet |auteur=Fritz Redlich |lieu=New York |année=2000 |mois=septembre |éditeur=Oxford University Press |passage=129–190 |pages totales=448 |isbn=978-0-19-513631-9 |oclc=316683659}}.</ref>, entre autres. Dans un rapport établi en 1943 par [[Walter Charles Langer]] de l’[[université Harvard]] pour l'[[Office of Strategic Services]] (OSS), il est qualifié de [[Psychopathie|psychopathe]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=The Mind of Adolf Hitler |sous-titre=The Secret Wartime Report |auteur=[[Walter Charles Langer]] |lieu=New York |année=1972 |mois=novembre |éditeur=Basic Books |passage=126 |pages totales=224 |isbn=978-0-465-04620-1}}.</ref>. Dans son ouvrage sur Hitler, l'historien {{Lien|langue=en|fr=Robert G. L. Waite}} soutient qu'il souffrait d'un [[Trouble de la personnalité borderline|trouble de la personnalité limite]]<ref>{{Ouvrage |langue=en |titre=The Psychopathic God |sous-titre=Adolph Hitler |auteur=Robert L. G. Waite |année=1993 |mois=mars |éditeur=Da Capo Press |passage=356 |pages totales=512 |isbn=0306805146}}.</ref>.

=== Cinéphilie ===
Passionné de cinéma, il regardait régulièrement des films (parfois trois dans la même soirée), imposait à ses invités après un dîner officiel le visionnage d'un film et pouvait même annuler des réunions pour cela. Il a vu au moins une vingtaine de fois le ''[[Les Nibelungen (film, 1924)|Siegfried]]'' de [[Fritz Lang]], qu'il avait même envisagé de nommer à la direction de l'[[cinéma sous le Troisième Reich|industrie cinématographique allemande]], malgré ses origines juives. Alors que ces films étaient boycottés officiellement par l'Allemagne nazie à partir de 1935, il se plaisait à regarder des dessins animés américains comme ''[[Blanche-Neige et les Sept Nains]]'' ou des [[Mickey Mouse]]<ref>{{Lien web |auteur=Hugo-Pierre Gausserand |url=http://www.lefigaro.fr/cinema/2015/12/05/03002-20151205ARTFIG00027-un-historien-allemand-revele-que-hitler-etait-fou-de-cinema.php |titre=Un historien allemand révèle que Hitler était fou de cinéma |site=[[Le Figaro|lefigaro.fr]] |date=5 décembre 2015 |consulté le=19 février 2020 }}</ref>.

== Cultures et médias ==
=== Analyse psychologique ===
{{Article détaillé|Psychologie d'Adolf Hitler}}
Fondateur d’un État [[Totalitarisme|totalitaire]], doctrinaire raciste et antisémite, responsable de la partie européenne de la Seconde Guerre mondiale ayant fait entre quarante et soixante millions de morts<ref>{{Ouvrage|titre=Bilan de la Seconde Guerre mondiale|sous-titre=L'après-guerre 1945-1950|auteur1=[[Marc Nouschi]]|lieu=Paris|éditeur=Seuil|collection=Memo|volume=13|pages totales=63|année=1996|mois=janvier|jour=1|isbn=2-02-023194-8}}.</ref>, et inspirateur du génocide des Juifs et de crimes contre l’humanité sans précédent ni équivalent à ce jour dans l’histoire humaine, le personnage de Hitler a cristallisé une telle animosité qu’il est devenu aux yeux des Occidentaux la figure archétypale du criminel, sinon la figure même du {{citation|[[mal]] absolu}}. Aussi les interprétations de son comportement revêtent-elles nécessairement un enjeu considérable, et aussi est-il nécessaire de les considérer avec beaucoup de recul.

Le [[psychanalyste]] [[Walter Charles Langer]] a été nommé par l'[[Office of Strategic Services|OSS]] en 1943 pour analyser le cas Hitler, son rapport a donné lieu a une publication<ref>{{Ouvrage|titre=Psychanalyse de Adolf Hitler|auteur1=[[Walter Charles Langer]]|préface=Robert G. L. Waite|traducteur=Henri Drevet|langue originale=en|titre original=The Mind of Adolf Hitler|lieu=Paris|éditeur=Denoël|pages totales=289|année=1973|oclc=301546147}}.</ref>. Le psychiatre [[Douglas Kelley (psychiatre)|Douglas Kelley]] connu pour ses analyses des personnalités jugées au [[procès de Nuremberg]] a lui aussi étudié la personnalité de Hitler en mettant les troubles gastriques de ce dernier, probablement d'origine psychologique, comme une des clés d'explication de sa « névrose d'angoisse » et de son hypocondrie délirante (1943)<ref>Cité dans {{Ouvrage|titre=Le Nazi et le Psychiatre|auteur=Jack Hai |lieu=Paris |éditeur=Les Arènes|collection=Histoire|année=2013|isbn=2-352-04281-X|passage=253}}.</ref>. La psychologue [[Alice Miller]]<ref>{{Ouvrage|titre=C’est pour ton bien|sous-titre=Racines de la violence dans l’éducation de l’enfant|auteur1=[[Alice Miller]]|traducteur=Jeanne Étoré|langue originale=de|titre original=Am Anfang war Erziehung|éditeur=Aubier|lieu=Paris|pages totales=320|année=1984|isbn=2700703723}}.</ref> analyse les liens entre son éducation {{citation|répressive}} et la suite de sa biographie et avance l’explication que les comportements violents de Hitler trouveraient leur origine dans ses traumatismes infantiles. Sa mère avait épousé un homme plus âgé qu’elle de 23 ans, et qu’elle appelait {{citation|oncle Aloïs}} ; ses trois enfants moururent en quelques années autour de la naissance d’Adolf, amenant ce dernier à être surprotégé. Il aurait été régulièrement battu et ridiculisé par son père ; après une tentative de fugue, il aurait été presque battu à mort. Adolf haït [[Alois Hitler|son père]] durant toute sa vie et on a rapporté qu’il faisait des cauchemars à son sujet à la fin de son existence. Toutes ces explications sont controversées car elles ne parviennent pas plus que celles des philosophes ([[Hannah Arendt]] notamment) à rendre compte de ce qui a pu constituer une telle personnalité.

Lorsque l’[[Anschluss|Allemagne nazie annexa l’Autriche]], Hitler fit transformer le village paternel, [[Döllersheim]], et plusieurs villages alentour, en terrain d'entrainement pour la [[Wehrmacht]], entrainant l'évacuation de la population<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Hitler's Vienna: A Portrait of the Tyrant As a Young Man|auteur1=Brigitte Hamann|auteur2=Hans Mommsen|éditeur=Tauris Parke Paperbacks|année=2010|isbn=978-1-848-85277-8|lire en ligne=https://books.google.com/books?id=AUBhhKDkn1sC&pg=PA48|passage=48}}.</ref>. Dans le cadre des exercices de l'armée, les maisons du village seront plus tard détruites. Le village abritait la tombe de sa grand-mère paternelle. Les raisons ayant poussé Hitler à ce choix ne sont pas historiquement établies.

=== Au cinéma ===
{{Article détaillé|Adolf Hitler au cinéma et à la télévision}}
La figure d’Adolf Hitler a été portée à l'écran à la fois par lui-même dans des [[Liste des longs métrages allemands créés sous le nazisme|longs métrages allemands]] créés sous le nazisme, puis par de nombreux acteurs d’abord dans des films de [[propagande]] anti-nazi et ensuite après la guerre, dans des films historiques et mémoriels, voire des comédies ou des œuvres de [[science-fiction]].

=== Littérature ===
Deux romanciers en ont fait un personnage de fiction mais ce, dans le cadre supposé de sa survie en Amérique du Sud.

* [[Pierre Boulle]], "Son dernier combat", nouvelle insérée dans le recueil ''Quia Absurdum'' Paris, 1970

** Adolf Hitler vit au Pérou avec Eva Braun à la tête d'une hacienda. La chienne Blondi a également survécu. Ils reçoivent Martin Bormann.

* [[George Steiner]], ''[[ Le Transport de A. H.]]'', Paris, Julliard, 1981.

** En Amazonie des Israëliens chasseurs de nazis, découvrent par hasard un vieillard de 90 ans en qui ils reconnaissent Adolf Hitler (A.H.).

== Décorations ==
* [[Croix de fer]] ({{1re}} et {{2e|classe}})
* [[Insigne des blessés (Allemagne)]] (noir)
== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références nombreuses|groupe=n|taille=35}}

=== Références ===
{{Références nombreuses|taille=25}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets
| commons=Category:Adolf Hitler
| wikiquote=Adolf Hitler
| wikisource=Auteur:Adolf Hitler
}}

=== Bibliographie ===
{{Intérêt d'un article bibliographique spécifique|date=avril 2023}}
{{légende plume}}

==== Biographies générales ====
* [[Johann Chapoutot]] et [[Christian Ingrao]], ''Hitler'', [[Presses universitaires de France]], 2018 (978-2-13-080029-3)
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Hitler|auteur1=[[François Delpla]]|auteur2=Alexandre Adler|responsabilité2=avant-propos|lieu=Paris|éditeur=Grasset|année=1999|isbn=978-2-246-57041-7|oclc=938127556|id=delpla1999}}
* {{Ouvrage|titre=Hitler|auteur1=[[Joachim Fest]]|tome=1|titre tome=Jeunesse et conquête du pouvoir|lieu=Paris|traducteur=Guy Fritsch-Estrangin|langue originale=de|éditeur=Gallimard|collection=Hors série Connaissance|année=1973|mois=octobre|pages totales=526|isbn=2070288331|id=fest1973_1}}
* {{Ouvrage|titre=Hitler.|auteur1=[[Joachim Fest]]|tome=2|titre tome=Le Führer|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|collection=Hors série Connaissance|traducteur=Guy Fritsch-Estrangin|langue originale=de|mois=octobre|année=1973|pages totales=552|isbn=207028834X|id=fest1973_2}}
* {{Ouvrage|langue=de|titre=Hitler 1889-1936|auteur1=[[Ian Kershaw]]|traducteur=Jürgen Peter Krause et Jörg W. Rademacher|langue originale=en|titre original=Hitler: 1889-1936, hubris|lieu=Stuttgart|éditeur=Deutsche Verlags-Anstalt (DVA)|année=1998|mois=septembre|jour=1|pages totales=972|tome=1|isbn=978-3-421-05131-8|oclc=40789352|id=kershaw1998}}
* {{Ouvrage|titre=Hitler|sous-titre=1889-1936 : Hubris |auteur1=[[Ian Kershaw]]|traducteur=Pierre-Emmanuel Dauzat|lieu=Paris|éditeur=Flammarion|collection=Documents et Essais|tome=1|année=1999|mois=septembre|jour=28|pages totales=1160|isbn=978-2-082-12528-4|id=kershaw1999|présentation en ligne=http://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_2001_num_66_2_5085_t1_0478_0000_1}} {{plume}}
* {{Ouvrage|titre=Hitler|sous-titre=1936-1945 : Némésis|collection=Documents et Essais|auteur1=[[Ian Kershaw]]|traducteur=Pierre-Emmanuel Dauzat|lieu=Paris|éditeur=Flammarion|tome=2|année=2000|mois=octobre|jour=24|pages totales=1625|isbn=978-2-082-12529-1|id=kershaw2000 |présentation en ligne=https://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2003-2-page-181.htm#s2n15}} {{plume}}
* {{Ouvrage|titre=Hitler|auteur1=[[Ian Kershaw]]|traducteur=Pierre-Emmanuel Dauzat|langue originale=en|pages totales=1198|lieu=Paris|éditeur=Flammarion|collection=Grandes biographies|année=2008|isbn=978-2-0812-5042-0|id=kershaw2008_1|présentation en ligne=https://www.cairn.info/revue-etudes-2009-1-page-119.htm#s2n2}}.
* {{Ouvrage|titre=Hitler|collection=Tempus|auteur1=[[Peter Longerich]]|éditeur=Perrin|année=2019|pages totales=1440|isbn=978-2262076870}}
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Pourquoi Hitler|titre original=Explaining Hitler.|auteur1={{Lien|langue=en|fr=Ron Rosenbaum}}|traducteur=Philippe Bonnet.|lieu=Paris|éditeur=J.-C. Lattès|année=1998|pages totales=627|isbn=978-2-709-61913-4|oclc=715902726}}
* {{Ouvrage|titre=Hitler|collection=Tempus|auteur1=[[John Toland (historien)|John Toland]]|tome=1|titre tome=20 avril 1889 - octobre 1938|éditeur=Perrin|année=2012|pages totales=888|isbn=978-2262040772}}
* {{Ouvrage|titre=Hitler|collection=Tempus|auteur1=[[John Toland (historien)|John Toland]]|tome=2|titre tome=Novembre 1938 - 30 avril 1945|éditeur=Perrin|année=2012|pages totales=688|isbn=978-2262040772}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Volker Ullrich]]|traducteur=Olivier Mannoni|titre=Adolf Hitler|sous-titre=une biographie|tome=1|titre volume=L'ascension|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|année=2017}}

==== Aspects particuliers ====
* Ernst Hanfstaegel, ''Hitler, les années obscures'', éditions [[J'ai lu]] [[leur aventure]] n°A284
* [[Alice Miller]], « L'enfance d'Adolf Hitler. De l'horreur cachée à l'horreur manifeste » dans A. Miller, ''C'est pour ton bien. Racines de la violence dans l'éducation de l'enfant'' (''{{langue|de|Am Anfang war Erziehung}}'', « Au commencement était l'éducation », Frankfurt am Main, 1980) tr. de l'allemand par J. Étoré, Paris, Aubier, 1984, {{p.|169-228}}. {{ISBN|2700703723}}
* {{Article|auteur1=Marlis Steinert|titre=Enfances d'un dictateur|périodique=L'Histoire|numéro=230|titre numéro=Hitler, portrait historique d’un monstre|mois=mars|année=1999|pages=4|ean=3791842038005|id=steinert1999}}.
* {{Article|auteur1=Édouard Husson|titre=Hitler en douze questions|périodique=L'Histoire|numéro=230|titre numéro=Hitler, portrait historique d’un monstre|mois=mars|année=1999|pages=12|ean=3791842038005|id=husson1999}}.
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Comment Hitler a acheté les Allemands|titre original=Hitlers Volksstaat|auteur1=[[Götz Aly]]|traducteur=Marie Gravey|lieu=Paris|éditeur=Flammarion|année=2005|pages totales=373|isbn=978-2-082-10517-0|oclc=77051296|id=aly2005}} {{plume}}
* {{Ouvrage|titre=Guerre et extermination à l'Est|sous-titre=Hitler et la conquête de l'espace vital 1933-1945|auteur=[[Christian Baechler]]|lieu=Paris|éditeur=Tallandier|collection=Histoires d'aujourd'hui|date=19 avril 2012 |pages totales=524 |isbn=978-2-84734-906-1 |id=baechler2012}} {{plume}}
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Hitler et Staline|auteur1=[[Alan Bullock]]|traducteur=Serge Quadruppani|préface=Marc Ferro|éditeur=Albin Michel|année=1994|isbn=978-2-226-06491-2|isbn2=978-2-226-06492-9|oclc=77102756}}
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=À la droite d'Hitler, mémoires 1937-1945|auteur1=[[Nicolaus von Below]]|éditeur=Perrin|année=2019|isbn=978-2262071226}}
* {{Ouvrage|titre=La Fin de Hitler|auteur1=[[Gerhardt Boldt]]|éditeur=Corréa|année=1949}}
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Hitler et le Putsch de la brasserie: Munich, 8/9 novembre 1923|auteur1=Didier Chauvet|lieu=Paris|éditeur=L'Harmattan|collection=Allemagne d'hier et d'aujourd'hui|année=2012|pages totales=238|isbn=978-2-296-96100-5|oclc=798057704|url=https://books.google.fr/books?id=y7ci7jACmGwC&lpg=PA1&hl=fr&pg=PA1#v=onepage&q&f=false}}
* {{Ouvrage|titre=La vie mondaine sous le nazisme|auteur=Fabrice d'Almeida |lieu=Paris |éditeur=Perrin |année=2008 |isbn=978-2-262-02742-1 |id=almeida2008_1}} {{plume}}
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Le dossier Hitler|auteur1=Henrik Eberle|auteur2=Matthias Uhl|traducteur=Danièle Darneau|éditeur=Presses de la Cité|année=2006|pages totales=508|isbn=978-2-258-06934-3|oclc=646768084}}
* {{Ouvrage|titre=Dans le bunker de Hitler : 23 juillet 1944-29 avril 1945|auteur1=[[Bernd Freytag von Loringhoven]] |auteur2=François d'Alançon|éditeur=Perrin|année=2005|isbn=978-2-262-02478-9}}
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Les Derniers Jours de Hitler|auteur1=[[Joachim Fest]]|traducteur=Frank Straschitz|éditeur=Perrin|année=2005|pages totales=205|isbn=978-2-262-02329-4|oclc=937710382}}
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Le Dernier des Hitler|titre original=The last of the Hitlers|auteur1=David Garner|traducteur=François Delpla|lieu=Paris|éditeur=Patrick Robin Éditions|année=2006|pages totales=238|isbn=978-2-352-28004-0|oclc=319927826}}
* {{Ouvrage|auteur=[[Brigitte Hamann]] |traducteur=Jean-Marie Argelès|titre=La Vienne de Hitler|sous-titre=les années d'apprentissage d'un dictateur|titre original=Hitlers Wien : Lehrjahre eines Diktators|pages totales=511|lieu=Paris|éditeur=Édition des Syrtes|année=2014|année première édition=2001|isbn=978-2-940523-07-8|présentation en ligne=https://www.erudit.org/fr/revues/uhr/2001-v30-n1-uhr0603/1015951ar.pdf}}
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Hitler parle à ses généraux|auteur1=Adolf Hitler|auteur2=Helmut Heiber|traducteur=Raymond Henry|lieu=Paris|éditeur=Perrin|collection=Tempus|numéro dans collection=490|pages totales=504|isbn=978-2-262-04151-9|oclc=870141987|date=mars 2013}}
* {{Ouvrage|titre=Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann|auteur1=Adolf Hitler|tome=1|titre tome={{date-|5|juillet|1941}}-{{date-|12|mars|1942}}|lieu=Paris|langue originale=de|traducteur=François Genoud|éditeur=Flammarion|collection=Le temps présent|année=1952|mois=janvier|pages totales=370|oclc=480222013|id=hitler1952}}
* {{Ouvrage|titre=Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l’ordre de Martin Bormann|auteur1=Adolf Hitler|tome=2|titre tome={{date-|24|mars|1942}}-{{date-|30|novembre|1944}}|lieu=Paris|langue originale=de|traducteur=François Genoud|éditeur=Flammarion|collection=Le temps présent|année=1954|mois=janvier|pages totales=366|oclc=863826454|id=hitler1954}}
* {{Ouvrage|langue=fr|titre=Hitler et ses généraux : les secrets de la guerre.|auteur1=[[Raymond Cartier]]|prénom1=Raymond|nom1=Cartier|lieu=Paris|éditeur=Éditions [[j'ai lu]]|collection=[[leur aventure]]|numéro dans collection=207|pages totales=320|oclc=459673203|consulté le=2018-01-12|date=1969}}
* {{Ouvrage|titre=Hitler|sous-titre=Essai sur le charisme en politique|auteur1=[[Ian Kershaw]]|traducteur=Jacqueline Carnaud et Pierre-Emmanuel Dauzat|langue originale=en|éditeur=Folio Histoire|année=2001|pages totales=416|mois=octobre|jour=10|année première édition=1995|isbn=978-2-070-41908-1|id=kershaw2001_1}} {{plume}}
* {{Ouvrage|titre=La Fin, Allemagne, 1944-1945|auteur1=[[Ian Kershaw]]|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Seuil|année=2012|pages totales=665|isbn=978-2-020-80301-4|id=kershaw2012_1}} {{plume}}
* {{Ouvrage|langue=en|titre=Hitler Myth|sous-titre=Image and Reality in the Third Reich|auteur1=[[Ian Kershaw]]|auteur2=Gerhard Wilke|auteur3=Detlev Peukert|éditeur=Oxford University Press|année=2001|mois=décembre|jour=13|pages totales=312|isbn=0192802062|id=kershaw2001_2}}
* {{Ouvrage|titre=Le Mythe Hitler|auteur1=[[Ian Kershaw]]|lieu=Paris|éditeur=Flammarion|année=1987}}
* {{Ouvrage|langue=de|titre=Wendepunkte|auteur1=[[Ian Kershaw]]|traducteur=Klaus-Dieter Schmidt|sous-titre=Schlüsselentscheidungen im Zweiten Weltkrieg|lieu=München|éditeur=Deutsche Verlags-Anstalt (DVA)|année=2008|mois=octobre|pages totales=736|isbn=3421058067|id=kershaw2008_2}}
* {{Ouvrage|titre=Les Cent derniers Jours d'Hitler. Chronique de l'Apocalypse|auteur1=[[Jean Lopez]]|éditeur=Perrin|année=2015|isbn=978-2-262-05023-8}}
* {{Ouvrage|langue=en|titre=Les Juifs des Habsbourg 1670-1918|auteur=William O. McCagg Jr. |éditeur=PUF |année=1996 |isbn=2-130-46877-2 |id=mccagg1996}} {{plume}}
* [[Gert Buchheit]] : ''Hitler chef de guerre'' (1. « Les conquêtes 1939-1942 ») éditions [[j'ai lu]] [[leur aventure]] n°A156-157
* [[Gert Buchheit]] : ''Hitler chef de guerre'' (2. « Les désastres 1943-1945 ») éditions [[j'ai lu]] [[leur aventure]] n°A158-159
* {{Ouvrage|titre=Hitler chef de guerre|auteur=Philippe Masson|éditeur=Perrin|année=2005|isbn=978-2-262-01561-9|id=masson2005}} {{plume}}
* {{Ouvrage|titre=Adolf Hitler, la séduction du diable|auteur=Laurence Rees|éditeur=Albin Michel|année=2013|pages totales=280|isbn=978-2-226-24532-8|id=rees2013}} {{epub}} {{ISBN|9782226284488}} {{plume}}
* {{Ouvrage|titre=D’où vient Adolf Hitler ?|auteur1=[[Lionel Richard]]|éditeur=Autrement|collection=Série Mémoires|année=2000|pages totales=230|isbn=978-2-862-60999-7|id=richard2000}} {{plume}}
* Jean Stenger, {{Citation|Hitler et la pensée raciale}}, ''Revue belge de philologie et d'histoire'', tome 75, fasc. 2, 1997. ''Histoire médiévale, moderne et contemporaine - Middeleeuwse, moderne en hedendaagse geschiedenis''. {{p.|413-441}}.
* {{Ouvrage |titre=La Première Guerre d'Hitler |auteur=[[Thomas Weber (historien)|Thomas Weber]] |lieu=Paris |éditeur=Perrin |année=2012 |pages=518 |isbn=978-2-262-03589-1 }} {{epub}} {{ISBN|9782262040505}} {{plume}}
* [[Gerhardt Boldt]] : ''[[Derniers jours d'Adolf Hitler|La Fin de Hitler]]'' éditions [[j'ai lu]] [[leur aventure]] n°A26
* [[François Delpla]], ''Hitler, Propos intimes et politiques'', tomes 1 et 2, Paris, Nouveau Monde éditions, 2016, 704 et 768 p.
* Éric Branca, ''Les Entretiens oubliés d'Hitler'', Perrin, 2019.

==== Divers ====
* {{Ouvrage|titre=Après-guerre|sous-titre=Une histoire de l'Europe depuis 1945|auteur1=[[Tony Judt]]|traducteur=Pierre-Emmanuel Dauzat|langue originale=en|titre original=Postwar : A History of Europe since 1945|lieu=Paris|éditeur=Armand Colin|année=2007|mois=septembre|jour=26|pages totales=1018|isbn=978-2-200-34617-1|id=judt2007}}
* {{Ouvrage|titre=L'Os à Moelle|sous-titre=13 mai 1938-7 juin 1940|préface=Jacques Pessis|auteur1=[[Pierre Dac]]|lieu=Paris|éditeur=Omnibus|pages totales=1196|année=2007|mois=septembre|isbn=2-258-07475-4|id=dac2007}} {{plume}}
* {{Ouvrage|titre=Drôle de guerre|préface=Jacques Pessis|auteur1=[[Pierre Dac]]|lieu=Paris|éditeur=Omnibus|pages totales=1168|année=2008|mois=octobre|isbn=2-258-07828-8|id=dac2008}} {{plume}}
* ''Un Château en Forêt : Le Fantôme de Hitler'', [[Norman Mailer]], 2007.

==== Sur le {{IIIe}} Reich ====
* {{Ouvrage|titre=L'Allemagne de Hitler|sous-titre=1933-1945|auteur1=[[Pierre Milza]]|auteur2=[[Philippe Burrin]]|auteur3=[[Serge Berstein]]|auteur4=[[Jean-Pierre Azéma]]|et al.=oui|collection=Points Histoire|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Seuil|année=1991|pages totales=427|isbn=2020126478|id=collectif1991_1}}.
* {{Ouvrage|titre=La société allemande sous le {{IIIe}} Reich 1933-1945|auteur=Pierre Ayçoberry|lieu=Paris|éditeur=Éd. du Seuil|collection=L'Univers Historique|année=1998|isbn=978-2-020-33642-0|id=ayçoberry1998}}
* {{Ouvrage|titre=Les Marches de la mort|sous-titre=La dernière étape du génocide nazi, été 1944-printemps 1945|auteur1=[[Daniel Blatman]]|pages totales=589|traducteur=Nicolas Weill|langue originale=he|lieu=Paris|éditeur=Fayard|champ libre=publié avec le concours de la [[Fondation pour la mémoire de la Shoah]]|année=2009|mois=février|jour=4|bnf=41431181|isbn=978-2-213-63551-4|id=blatman2009}}.
* {{Ouvrage|titre=L'État hitlérien|sous-titre=l'origine et l'évolution des structures du {{IIIe}} Reich|auteur=Martin Broszat |lieu=Paris|éditeur=Fayard|collection=L'espace du politique|année=1985|isbn=2-213-01402-7|id=broszat1985}}.
* {{Ouvrage|titre=Le troisième Reich, volume 1|sous-titre=L'avènement|auteur1=[[Richard J. Evans]]|éditeur=Flammarion Lettres|collection=Au fil de l'histoire|année=2009|pages totales=800|isbn=978-2-082-10111-0|id=evans2009_1}}
* {{Ouvrage|titre=Le troisième Reich, volume 2|sous-titre=1933-1939|auteur1=[[Richard J. Evans]]|éditeur=Flammarion Lettres|collection=Au fil de l'histoire|année=2009|pages totales=1048|isbn=978-2-082-10112-7}}
* {{Ouvrage|titre=Le Troisième Reich, volume 3|sous-titre=1939-1945|auteur1=[[Richard J. Evans]]|lieu=Paris|éditeur=Flammarion|collection=Au fil de l'histoire|année=2009|pages totales=1102|isbn=978-2-081-20955-8}}
* {{de}} Richard Breitman, ''{{langue|de|Der Architekt der Endlösung}}'', Munich, 2000, trad. française ''Himmler et la solution finale, l'architecte du génocide'', Calmann-Levy, 2009, {{ISBN|978-2-7021-4020-8}}.
* {{Ouvrage|titre=Le nazisme et l'Antiquité|auteur1=[[Johann Chapoutot]]|lieu=Paris|éditeur=Presses universitaires de France|collection=Quadrige|année=2012|année première édition=2008|isbn=978-2-130-60899-8}}.
* {{Ouvrage|titre=L'Allemagne nazie et les Juifs, Volume 1|sous-titre=Les années de persécution : 1933-1939|auteur1=[[Saul Friedländer]]|pages totales=529|traducteur=Marie-France de Paloméra|langue originale=en|lieu=Paris|éditeur=Seuil|collection=L'Univers Historique|année=2008|mois=février|isbn=978-2-02-097028-0|id=friedländer2008_1}}.
* {{Ouvrage|titre=L'Allemagne nazie et les Juifs, Volume 2|sous-titre=Les années d'extermination : 1939-1945|auteur1=[[Saul Friedländer]]|pages totales=1028|traducteur=Pierre-Emmanuel Dauzat|langue originale=en|lieu=Paris|éditeur=Seuil|collection=L'Univers Historique|année=2008|mois=février|isbn=978-2-02-020282-4|id=friedländer2008_2}}.
* {{Ouvrage|titre=L'ennemi juif : la propagande nazie, 1939-1945|auteur=Jeffrey Herf|lieu=Paris|éditeur=Calmann-Lévy|année=2011|isbn=978-2-702-14220-2}}.
* {{Ouvrage|titre=Les Secrets du {{IIIe}} Reich|auteur=[[François Kersaudy]]|lieu=Paris|éditeur=Perrin|collection=Synthèses Historiques|passage=note 9, emplacements 1991 sur 6948 |date=21 mars 2013 |format=eBook|isbn=9782262041694|id=kersaudy2013}}
* {{Ouvrage|titre=La Fin, Allemagne, 1944-1945|auteur1=[[Ian Kershaw]]|lieu=Paris|éditeur=Éditions du Seuil|année=2012|pages totales=665|isbn=978-2-020-80301-4}} {{plume}}
* {{Ouvrage|auteur1=[[Hans Mommsen]]|titre=Le national-socialisme et la société allemande|sous-titre=Dix essais d'histoire sociale et politique|préface=Henry Rousso|lieu=Paris|traducteur=Françoise Laroche|langue originale=de|éditeur=Les Editions de la Maison des Sciences de l'Homme|collection=Hors série Connaissance|année=1997|pages totales=414|isbn=2-7351-0757-4|id=mommsen1997}}.
* {{Ouvrage|titre=Le {{IIIe}} Reich|auteur1=[[William L. Shirer]]|lieu=Paris|éditeur=Stock|année=2006|pages totales=1257|isbn=2-234-02298-3|id=shirer2006}}
* {{Ouvrage|titre=La révolution brune : la société allemande sous le {{IIIe}} Reich (1933-1939)|auteur1=[[David Schoenbaum]]|lieu=Paris|éditeur=Gallimard|année=2000|année première édition=1966|isbn=2-070-75918-0}}. {{plume}}
* {{Ouvrage|titre=Stalinisme et nazisme|sous-titre=Histoire et mémoire comparées|auteur1=[[Henry Rousso]]|directeur1=oui|auteur2=Nicolas Werth|auteur3=Philippe Burrin|et al.=oui|pages totales=387|lieu=Bruxelles|éditeur=Éditions Complexes|collection=Histoire du temps présent|année=1999|mois=novembre|jour=19|isbn=2870277520|id=rousso1999}}.

==== Recueil d'illustrations ====
* {{Ouvrage|titre=L’Œil du {{IIIe}} Reich|sous-titre=Walter Frentz, le Photographe de Hitler|auteur1=Hans Georg [[Hiller von Gaertringen]]|directeur1=oui|auteur2=Walter Frentz|auteur3=Bernd Boll|et al.=oui|préface=[[Fabrice d'Almeida]]|titre original={{langue|de|texte=Das Auge des Dritten Reiches : Hitlers Kameramann und Fotograf Walter Frentz}}|pages totales=256|traducteur=Qualis Artifex|langue originale=de|lieu=Paris|éditeur=Perrin|collection=Documents Historiques|année=2008|mois=septembre|jour=11|isbn=9782262027421|oclc=319952463|id=almeida2008_2}} {{plume}}.

=== Articles connexes ===
* [[Santé d'Adolf Hitler|Santé physique et mentale d'Adolf Hitler]] - [[Psychologie d'Adolf Hitler]]
* [[Vie sexuelle d'Adolf Hitler]]
* [[Croyances religieuses d'Adolf Hitler]]
* [[Carnets d'Adolf Hitler]]
* [[Conférence de Wannsee]]
* [[Crime contre l'humanité]] - [[Shoah]]
* [[Négationnisme]]
* ''{{langue|de|[[Mein Kampf]]}}''
* [[Résistance intérieure au nazisme]]
* [[Nuit de Cristal]] - [[Nuit des Longs Couteaux]]
* [[Parti national-socialiste des travailleurs allemands|NSDAP]]
* [[Jeunesses hitlériennes]]
* [[La Guerre d'Hitler]]
* [[Führerbunker]]
* [[Peintures d'Adolf Hitler]] - [[Adolf Hitler au cinéma et à la télévision]]
* ''{{langue|la|[[Reductio ad Hitlerum]]}}'' - [[Loi de Godwin]]
* [[Putler]]

=== Liens externes ===
* {{Lien web|langue=en|url=http://history1900s.about.com/library/holocaust/blhitler14.htm|titre=Hitler à Odeonsplatz Munich, août 1914.}}
* {{Lien web|url=http://www.ina.fr/video/AFE85000178/|titre=Archives de l’INA : Entrevue entre Hitler et Franco à Hendaye en octobre 1940.}}
* {{Lien web|url=http://vault.fbi.gov/adolf-hitler|titre=Article et dossier à télécharger sur les archives US concernant Hitler, les enquêtes du FBI et les données relatives à un complot américain destiné à le supprimer en 1933.}}
* [http://www.diploweb.com/p7dura2.htm « Le double langage dans l’hitlérisme »], par [[Guy Durandin]], professeur de psychologie sociale à l’[[université Paris-Descartes|université René-Descartes-Paris V]].

;Notices et ressources
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