Jacques Rivière

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Jacques Rivière
Jacques Rivière en 1914 au 220e régiment d'infanterie.
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Rédacteur en chef
La Nouvelle Revue française
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Jacques Rivière, né le à Bordeaux et mort le à Paris, est un homme de lettres français, directeur de La Nouvelle Revue française de 1919 jusqu'à sa mort, et ami d'Alain-Fournier, avec qui il échangea une abondante correspondance avant de devenir son beau-frère.

Biographie

Jacques Rivière est le fils d'un grand médecin bordelais, professeur d'obstétrique à la Faculté de médecine de Bordeaux. Il écrit dans une lettre, à propos de son enfance bordelaise : « La maison où je suis né et où j'ai habité jusqu'à 15 ans est dans le vieux quartier de Bordeaux, étroit, humide, avec la proximité, qu'on sent, de la rivière et des quais. Cette maison était grande : elle datait du XVIIème siècle[1]. » Jacques Rivière se lie d’amitié avec Alain-Fournier, le futur auteur du Grand Meaulnes, sur les bancs du lycée Lakanal, à Sceaux[2]. Il sont entrés tous les deux à Lakanal l'année de leurs dix-sept ans pour préparer le concours d’entrée à l’École normale supérieure. Étant donné leurs différences de caractère, ils ne se lient pas immédiatement, mais peu à peu leurs intelligences se rejoignent et ouvrent la voie à une longue et intense amitié. Beaucoup plus tard, Jacques Rivière écrira sur cette rencontre lycéenne, dans une préface à un texte de son ami écrivain : « Sous ses dehors indomptés, je le découvrais tendre, naïf, tout gorgé d'une douce sève rêveuse, infiniment plus mal armé encore que moi, ce qui n'était pas peu dire, devant la vie[3]. » Ils échouent l'un comme l'autre au concours d'entrée à l'École normale supérieure.

Revenu à Bordeaux en 1905, Rivière continue d'entretenir avec son ami une correspondance quasi quotidienne où l’on voit se dessiner le goût particulier de chacun pour la littérature. À cette même époque,il fréquente le cercle de Gabriel Frizeau, lequel est collectionneur d'œuvres d'art et amateur de littérature. A son domicile de la rue Régis, à Bordeaux, outre Jacques Rivière, Frizeau reçoit des artistes et écrivains tels que Saint-John Perse, André Lhote, André Gide et Paul Claudel.[4] De la sorte, le jeune Rivière satisfait sa vive curiosité intellectuelle.

Jacques Rivière obtient sa licence ès lettres à Bordeaux, fait son service militaire, puis revient en 1907 à Paris préparer l’agrégation de philosophie et une thèse en Sorbonne sur La Théodicée de Fénelon, tout en gagnant modestement sa vie comme enseignant au lycée Stanislas. La musique de Claude Debussy le requiert. Il subit tour à tour les influences de Maurice Barrès, André Gide, André Suarès et Paul Claudel, avec qui il entre en correspondance et qui cherche à le convertir au catholicisme (et Rivière se convertit de fait : à Noël 1913, dans la chapelle des Bénédictines de Paris, il communie. Témoin encore cette prière : "Vous m'avez précipité entre mes frères afin, peut-être, que dans mes efforts pour remonter vers Vous, je ne revienne pas seul, mais que je vous ramène tous ceux parmi lesquels j'étais pris".) Le , il épouse la jeune sœur d’Alain-Fournier, Isabelle (1889-1971), dont il aura deux enfants, Jacqueline (1911-1944), religieuse et Alain (1920-2010), devenu moine Bénédictin à En-Calcat de 1937 à 1967[5], et qui laisse deux filles, Blanche et Agathe Rivière-Corre (née en 1971), conférencière.

D’abord collaborateur à L’Occident, il devient secrétaire de rédaction de La Nouvelle Revue française (NRF) en 1911[6]. Il entreprend alors la rédaction de critiques littéraires, qu’il rassemble et publie sous le titre d’Études, où il révèle un excellent sens de la psychologie. À partir de 1912, il seconde Jacques Copeau à la direction de la revue.

Il est mobilisé en 1914 au 220e régiment d'infanterie et fait prisonnier de guerre le , dès les premières échauffourées. Incarcéré au camp de Königsbrück en Saxe, il tente de s’en évader, ce qui lui vaut d'être transféré au camp disciplinaire de Hülsberg en Hanovre ; il y consigne son journal de captivité, publiés en 1974 sous le titre Carnets. Gravement malade, il est transféré en Suisse en 1917 et interné jusqu’à la fin de la guerre[7]. À son retour en France, en 1918 il publie L'Allemand, souvenirs et réflexions d'un prisonnier de guerre qu'il rééditera en 1924.

Avant même la fin du conflit, il songe à relancer La NRF dont la parution avait été interrompue. Sous sa nouvelle direction, elle reparaît le . Rivière y déploie de remarquables qualités en publiant Marcel Proust, François Mauriac, Paul Valéry, Saint-John Perse, Jean Giraudoux et Jules Romains, mais aussi, plus audacieusement encore, Louis Aragon. En 1919, il reçoit le prix Blumenthal. On a souvent dit que Jacques Rivière avait négligé sa propre carrière d’écrivain, au bénéfice de l'œuvre de ses amis. De fait, il n'écrira qu’un court roman psychologique, Aimée, paru en 1922, inspiré de son amour pour Yvonne Gallimard, l'épouse de Gaston Gallimard, tandis qu'un second roman sur le même thème de l'amour à sens unique, l'inachevé Florence, sera publié à l'initiative de sa veuve dix ans après sa mort. Mais son œuvre critique reste un modèle de lucidité, d'analyse et de prose française.

Jacques Rivière a involontairement préparé sa propre succession en engageant dès 1919 Jean Paulhan comme secrétaire[8]. La correspondance avec Antonin Artaud, parce qu'elle pose crûment la question de la possibilité même de la littérature, sera sans doute sa contribution la plus significative au genre littéraire[9].

Il meurt le à Paris d’une fièvre typhoïde[10].

Son épouse Isabelle se consacre après sa mort au classement de ses manuscrits et à la publication de ses œuvres, en même temps que de celles de son frère Alain-Fournier. Mais ce travail, en particulier la publication partielle des carnets de captivité de son mari sous le titre À la trace de Dieu et de sa correspondance avec Claudel, rencontre de vives réactions de la part de plusieurs des amis et collaborateurs de Jacques Rivière à La NRF, suscitant de douloureuses polémiques sur la foi de l'écrivain et sur la mission, littéraire ou spirituelle, de La NRF.

Il est à préciser qu'Isabelle Rivière est intervenue dans plusieurs des manuscrits de son défunt époux, en complétant ses récits où, par exemple, il cherchait à mettre en avant sa détresse et sa souffrance de prisonnier de guerre, de textes relatifs au catholicisme, ce qui était hors contexte. De nombreux amis écrivains de Jacques Rivière, dont Paulhan, ou André Breton, pensaient que même inachevées, il fallait faire paraître ces œuvres littéraires telles quelles, ce qui les rendait plus fortes, et que les ajouts d'Isabelle Rivière relatifs au catholicisme, gâchaient les contenus de ses créations. Ils ne critiquaient pas le catholicisme, ou les croyances d'Isabelle Rivière, dont ils respectaient les deuils, mais défendaient le caractère singulier d'écrits dont des ajouts extérieurs changeaient fondamentalement la perception, ainsi que la puissance émotionnelle, et surtout, le sens.

Œuvres

Publications en revues

  • « Les ciels », Art & Décoration, vol.XXIX, janvier-juin 1911, p. 47-59 (consulter en ligne).
  • « René Bichet », La Nouvelle Revue française, no 50, , p. 312-316.
  • « Paul Claudel », La Revue rhénane, 1re année, no 5, , p. 235-242.
  • « Francis Jammes », La Revue rhénane, 1re année, no 7, , p. 390-392 [texte en allemand].
  • « Alain-Fournier», La Nouvelle Revue Française, numéros du , et , article repris en introduction à Miracles, Gallimard, 1924.

Publications en volumes

  • Études, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1912, 272 p.
  • L’Allemand : Souvenirs et réflexions d'un prisonnier de guerre, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1918, 256 p. (“Préface pour la réimpression”, 1924)
  • Aimée, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1922, 222 p.
  • À la trace de Dieu, avec une préface de Paul Claudel, Éditions de la Nouvelle Revue française, 1925, 347 p.
  • De la sincérité avec soi-même, Paris, Les Cahiers de Paris, 1925, 111 p..
  • Correspondance de Jacques Rivière et Alain-Fournier, 1904-1914 1926-1928, réédition en deux volumes 1991, Gallimard.
  • Correspondance avec Paul Claudel, 1926
  • Correspondance 1912-1924, Valery Larbaud & Jacques Rivière, édition établie, annotée et introduite par Françoise Lioure, Éditions Claire Paulhan, Paris, 2006 (ISBN 2-912222-23-0)
  • De la Foi précédé de De la sincérité avec soi-même, Paris, Éditions de la Chronique des Lettres françaises, 1927, 103 p.
  • Carnet de guerre - août-, aux Éditions de la Belle Page, 1929, 139 p.
  • « Pour et contre une Société des Nations », Cahiers de la Quinzaine, 1930, 63 p.
  • Rimbaud, Simon Kra, (1931), 235 p.
  • Moralisme et Littérature, dialogue avec Ramon Fernández, Corrêa, 1932, 205 p.
  • Florence, Corrêa, 1935 (roman inachevé)
  • « Deux prophéties », in Chroniques de Minuit, Minuit, 1945, p. 103-116
  • Nouvelles Études, Gallimard, 1947, 321 p.
  • Correspondance avec Marcel Proust / 1914-1922, Plon, 1956, 325 p.
  • Carnets 1914-1917, Fayard, 1977
  • La peinture, le Cœur et l'Esprit. Correspondance inédite (1907-1924). André Lhote, Alain-Fournier, Jacques Rivière, William Blake & Co, texte établi et présenté par Alain Rivière, Jean-Georges Morgenthaler et Françoise Garcia, 1986.
  • Correspondance avec Gaston Gallimard, Gallimard, 1994, 265 p.
  • Russie, préface de Raphaël Aubert, Éditions de l'Aire, 1995, 52 p.
  • Etudes (1909-1924), Gallimard, 1999, 633 p.
  • Le Roman d'aventure, Éditions des Syrtes, 2000, 128 p.
  • Correspondance 1912-1925 (avec Aline Mayrisch), édition établie et annotée par Pierre Masson et Cornel Meder, Centre d'Études gidiennes, 2007, 194 p.
  • De la sincérité d'être soi-même, Editions Le Festin, 2013, 128 p. (ce volume comprend aussi les textes : De la foi et Chasse à l'orgueil).

Bibliographie

  • Adrien Jans, La Pensée de Jacques Rivière, Coll. Essais et Portraits, Bruxelles, Éditions de la Cité Chrétienne, 1938.
  • Jean Lacouture, Une adolescence du siècle : Jacques Rivière et la NRF, Paris, Éditions du Seuil, 1994.
  • Élisabeth Dousset, « Le patrimoine Alain-Fournier/Jacques Rivière dans le département du Cher », Revue Jules Verne 12, 2011, p. 90-94.
  • Collectif : Jacques Rivière. Jean Prévost, Europe, no 1082-1083-1084, juin-juillet-, avec des textes de Jérôme Roger, Jean-Richard Bloch, Claude Lesbats, Michel Jarrety, Éric Benoit, Adrien Cavallaro, Philippe Sollers, Christophe Pradeau, Karen Haddad, Jean-Baptiste Para, Christiane Weissenbacher, Pauline Bruley, Françoise Garcia, Alix Tubman-Mary, François Trémolières, Bernard Baillaud, Agathe Rivière-Corre.
  • Les illustres de Bordeaux : catalogue, vol. 1, Bordeaux, Dossiers d'Aquitaine, , 80 p. (ISBN 978-2-84622-232-7, présentation en ligne)

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Notes et références

  1. Lettre à Alain-Fournier datée du 07 août 1906, Correspondance Alain-Fournier-Jacques Rivière, Gallimard, 1991.
  2. Alain-Fournier, Le Grand Meaulnes, Echo Library, 2008, p.5.
  3. Préface de Miracles, 1922, publiée dans : Jacques Rivière et Alain-Fournier, Une amitié d'autrefois, Gallimard, édition Folio, 2003, p. 22.
  4. André Gide, Visages d'un Nobel engagé, album d'exposition, Jean-Pierre Prévost, Archives Départementales de la Gironde, 2012, p. 82.
  5. Dont une fille, Agathe Rivière-Corre, secrétaire de l'association du Bulletin des amis de Jacques Rivière et d'Alain-Fournier.
  6. Michael Einfalt, « Quelques remarques sur la position de Jean Schlumberger au sein de la NRF », dans : Gilbert-Lucien Salmon/Pascal Mercier, Jean Schlumberger et la Nouvelle revue française: actes du colloque de Guebwiller et Mulhouse des 25 et 26 décembre 1999, Éditions L'Harmattan, 2004, p.178.
  7. (en) Martin Turnell, Jacques Riviere, READ BOOKS, 2007, p.10.
  8. Martyn Cornick, «La Nouvelle Revue Française de Jean Paulhan et le modernisme», dans : Jean Yves Guérin, La Nouvelle revue française de Jean Paulhan: (1925 - 1940 et 1953 - 1968) : actes du colloque de Marne-la-Vallée (16 - 17 octobre 2003), Éditions Le Manuscrit, 2006, p.32.
  9. Olivier Penot-Lacassagne, « «Antonin Artaud», variation sur un nom», dans : Valérie-Angélique Deshoulières, Poétiques de l'indéterminé: le caméléon au propre et au figuré, Presses Universitaires Blaise Pascal, 1998, p.288.
  10. Gerald Prince, Guide du roman de langue française : 1901-1950, Volume 1, University Press of America, 2002, p.113.