Chez nous, la Pie-grièche écorcheur atteint ses plus fortes densités dans les vallées intra-alpines au climat sec (Valais, Basse-Engadine GR, val Müstair GR) et le bassin versant du Rhin antérieur et postérieur, localement aussi au pied sud du Jura, dans le Klettgau SH et à Genève ; l’occupation du Plateau est clairsemée, notamment à l’est. Nonante pour cent des effectifs s’installent en dessous de 1400 m. Si des nidifications isolées peuvent survenir jusqu’à 2200 m, elles n’ont pas dépassé 1950 m à Zermatt VS en 2013-2016 (M. Rogg). L’Écorcheur habite les paysages semi-ouverts, à structure diversifiée par des haies et buissons isolés et à forte densité d’arthropodes; les massifs épineux encadrant des prairies maigres ou pâturages extensifs lui conviennent tout particulièrement, mais elle colonise aussi les chablis, vergers à litière, vignobles, lisières étagées et jachères embuissonnées. Si sa distribution n’a guère subi de modifications depuis 1993-1996, sa densité a sensiblement diminué en maints endroits, particulièrement là où l’on rencontre encore de bonnes populations (Valais et Domleschg GR), et plus encore entre 600 et 1100 m que dans les régions inférieures. Globalement, l’effectif suisse s’est réduit de moitié depuis 1993-1996, selon des évolutions régionales cependant très variables. Ces 20 dernières années, des déclins conséquents ont aussi été constatés en Allemagne, en Italie et en Autriche, alors que les effectifs français et européens sont jugés stables.

Les fortes fluctuations d’effectif ne sont pas rares chez la Pie-grièche écorcheur et découlent des conditions météorologiques en période de reproduction, de l’altération des habitats dans ses quartiers d’été et de la sécheresse dans les sites d’escale et d’hivernage. Le déclin plus modéré en dessous de 600 m relève probablement de l’augmentation des haies et des jachères florales sur le Plateau, contrairement à la moyenne montagne, où l’intensification agricole et l’embroussaillement font disparaître des sites. Certaines haies favorables mais abandonnées suggèrent cependant que d’autres facteurs, en plus de la qualité des habitats, influencent le recul noté depuis 1993-1996.