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[[File:Liezen Erzsébet szentté avatása.jpg|320px|vignette|Canonisation de sainte [[Élisabeth de Hongrie]] en [[1235]], [[Sándor Liezen-Mayer]], (1863).]]
La '''canonisation''' est une déclaration officielle et définitive de la part de l'[[Église catholique]] et des [[Églises orthodoxes]], reconnaissant une personne défunte comme [[Saint|sainte]]. L'Eglise affirme avec certitude que la personne est au [[Paradis]], intercédant auprès de [[Dieu]] pour les hommes, du fait de la reconnaissance de miracles. D'autre part, par cet acte, le [[saint]] est proposé comme modèle de vie chrétienne aux fidèles.


Dans l'[[Église catholique]], la canonisation conduit le culte du [[saint]] à l'échelle universelle, contrairement au [[bienheureux]], pour lequel le culte est propre au diocèse dans lequel il a vécu. Le [[saint]] reçoit une place dans le [[calendrier liturgique]] de l'Église, date à laquelle il est commémoré et invoqué [[Liturgie catholique|liturgiquement]].La '''canonisation''' est une déclaration officielle et définitive de la part de l'[[Église catholique]] et des [[Églises orthodoxes]], reconnaissant une personne défunte comme [[Saint|sainte]]. L'Eglise affirme avec certitude que la personne est au [[Paradis]], intercédant auprès de [[Dieu]] pour les hommes, du fait de la reconnaissance de miracles. D'autre part, par cet acte, le [[saint]] est proposé comme modèle de vie chrétienne aux fidèles.
La '''canonisation''' est une déclaration officielle et définitive de la part de l'[[Église catholique]] ou des [[Églises orthodoxes]], reconnaissant une personne défunte comme [[Saint|sainte]]. L’Église affirme avec certitude que la personne est au [[Paradis#Selon le catholicisme|Paradis]], intercédant auprès de [[Dieu]] pour les hommes, du fait de la reconnaissance de miracles. D'autre part, par cet acte, le [[saint]] est proposé comme modèle de vie chrétienne aux fidèles.

Dans l'[[Église catholique]], la canonisation conduit le culte du [[saint]] à l'échelle universelle, tandis que pour les [[bienheureux]], le culte peut être limité au [[diocèse]] ou à l'[[ordre religieux]] dans lequel il a vécu. Le [[saint]] reçoit une place dans le [[calendrier liturgique]] de l'Église, date à laquelle il est commémoré et invoqué [[Liturgie catholique|liturgiquement]].


== Histoire ==
== Histoire ==
Aux [[Christianisme primitif|premiers temps de l'Église]], tous les fidèles sont appelés à la sainteté et peuvent être dignes de vénération posthume, tels les [[martyr]]s dès le {{s-|III|e}} puis les [[Confesseur de la foi|confesseurs de la foi]].
Tous les fidèles, étant appelés à la sainteté par leur baptême, peuvent être dignes de vénération posthume aux [[Christianisme primitif|premiers temps de l'Église]], tels les [[martyr]]s dès le {{s-|III|e}} puis les [[Confesseur de la foi|confesseurs de la foi]].


Jusqu’au {{Xe siècle}}, il n’existe pas dans l’[[Église catholique romaine]] de procédure centralisée pour déclarer une personne [[saint]]e. Le plus souvent, c’est la ''[[vox populi]]'' qui déclare la sainteté<ref name="Delooz">{{Article|auteur= Pierre Delooz|titre=Pour une étude sociologique de la sainteté canonisée dans l'Église catholique|périodique=Archives des sciences sociales des religions|date=1962|volume=13|numéro=13|pages=19|url texte=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/assr_0003-9659_1962_num_13_1_2737}}</ref> ; l’évêque du lieu la confirme par des cérémonies solennelles : ''élévation'' de la personne considérée comme sainte (du latin ''{{Lang|la|texte=elevatio}}'', il s'agit de l'exposition de son corps dans un [[sarcophage]], une [[châsse]] ou de ses reliques {{Incise|son corps, des parties de son corps ou des objets en lien avec lui}} dans un [[reliquaire]], étape souvent précédée de l'[[Invention de reliques|invention des reliques]]), éventuellement [[Translation (reliques)|translation de ses reliques]], enfin ''déposition'' en faisant inhumer ses restes sous un [[Autel (religion)|autel]], dans un tombeau dans une [[crypte]] ou à partir du {{s-|XI|e}}, dans une châsse ou un reliquaire<ref>Le plus souvent englobés dans l'autel du chœur ou exposés dessus, ils peuvent être aussi placés dans une chapelle.</ref> élevés dans le [[Chœur (architecture)|chœur de l'église]]<ref>{{ouvrage|auteur=Edina Bozóky|titre=La politique des reliques de Constantin à Saint Louis : protection collective et légitimation du pouvoir|éditeur=Editions Beauchesne|date=2007|passage=233|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.
Jusqu'au {{Xe siècle}}, il n’existe pas dans l'[[Église catholique romaine|Église]] de procédure centralisée pour déclarer une personne [[saint]]e. Le plus souvent, c’est la ''[[vox populi]]'' qui déclare la sainteté<ref name="Delooz">{{Article|auteur=Pierre Delooz|titre=Pour une étude sociologique de la sainteté canonisée dans l'Église catholique|périodique=Archives des sciences sociales des religions|date=1962|volume=13|numéro=13|pages=19|url texte=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/assr_0003-9659_1962_num_13_1_2737}}</ref> ; l’évêque du lieu la confirme par des cérémonies solennelles : ''élévation'' de la personne considérée comme sainte (du latin ''{{Lang|la|texte=elevatio}}'', il s'agit de l'exposition de son corps dans un [[sarcophage]], une [[châsse]] ou de ses reliques {{Incise|son corps, des parties de son corps ou des objets en lien avec lui}} dans un [[reliquaire]], étape souvent précédée de l'[[Invention de reliques|invention des reliques]]), éventuellement [[Translation (reliques)|translation de ses reliques]], enfin ''déposition'' en faisant inhumer ses restes sous un [[Autel (religion)|autel]], dans un tombeau dans une [[crypte]] ou à partir du {{s-|XI|e}}, dans une châsse ou un reliquaire<ref>Le plus souvent englobés dans l'autel du chœur ou exposés dessus, ils peuvent être aussi placés dans une chapelle.</ref> élevés dans le [[Chœur (architecture)|chœur de l'église]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=Edina Bozóky|titre=La politique des reliques de Constantin à Saint Louis : protection collective et légitimation du pouvoir|éditeur=Editions Beauchesne|année=2007|passage=233|isbn=}}</ref>.


En [[798]], le moine anglais [[Alcuin]] écrit à l’empereur [[Charlemagne]] qu’il faut se méfier de la [[vox populi]] lors de l'élection des princes pour éviter l’influence d’une émotion populaire éphémère ou la fabrique anarchique de saints, motif de supercheries<ref>{{ouvrage|auteur=Michel Poizat|titre=Vox populi, vox Dei. Voix et pouvoir|éditeur=Éditions Métailié|date=2001|passage=238|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. C'est dans cet esprit que le [[Saint-Siège]] s'efforce de supprimer la canonisation par acclamation et de réglementer la procédure pour ne pas confondre « réputation de sainteté » et enthousiasme populaire passager, permettant ainsi les conditions d’un jugement historique dépassionné. La première déclaration officielle de la part de l’Église de la sainteté d’une personne est la [[bulle pontificale]] envoyée par [[Jean XV]] en [[993]] aux évêques de France et de Germanie, pour leur signaler que [[Ulrich d'Augsbourg|Ulrich]], [[liste des évêques d'Augsbourg|évêque d’Augsbourg]] devait être considéré comme saint. Le terme même de canonisation apparaît sous la plume du pape [[Benoît VIII]] à propos de saint [[Siméon de Padolirone]]. Au cours du {{XIIe siècle}}, l’examen des cas de canonisation par la papauté se développe : sous [[Alexandre III (pape)|Alexandre III]] (pape de [[1159]] à [[1181]]), douze causes sont examinées, sept sont rejetées, et cinq fois la vénération d'un saint est autorisée. Alexandre III tente en vain de se réserver ces autorisations par la [[décrétale]] du {{date|6|juillet|1170}} (en lien possible avec la mort du roi de Suède [[Éric IX de Suède|Éric IX]] dont le culte populaire en aurait fait un saint mort en ébriété au cours d'une rixe, ce que désapprouvait le pape<ref>A. Jönsson, ''St. Eric of Sweden - the Drunken Saint ?'', ''Analecta Bollandiana'', vol. 109, {{nos|3-4}}, p. 331-346 {{ISSN|0003-2468}}</ref>), mais cette ordonnance ne se fait pas sans résistance et quelques [[Translation (reliques)|translations]] de corps saints par les évêques ont encore lieu. Si la première canonisation par le pape date de [[993]], la procédure épiscopale ou la vox populi perdurent jusqu'au {{s-|XII|e}}<ref>{{ouvrage|auteur=Giorgio Bouchard|titre=Christianisme|éditeur=Liana Levi|date=2001|passage=129|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. En [[1215]], le [[IVe concile du Latran|IV{{e}} concile du Latran]] interdit la vénération des [[reliques]] (y compris anciennes) sans l’accord du pape<ref>Canon 64</ref>. La procédure est mise en place au {{XIIIe siècle}}. En 1234, l'introduction du [[Bref apostolique|bref]] ''Audivimus'' du pape Alexandre III dans les [[Décrétales de Grégoire IX]], consacre la « réserve pontificale » en matière de canonisation. Si [[Grégoire IX]] se réserve le droit exclusif de procéder aux canonisations et formalise le ''procès en canonisation'', l'application systématique de cette réserve ne s'effectue que progressivement<ref name="Delooz"/>. Ainsi, jusqu’au {{XVIe siècle}}, l’approbation épiscopale suffit encore à établir le culte local d’un saint<ref>{{ouvrage|auteur=[[André Vauchez (historien)|André Vauchez]]|titre=La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Age|éditeur=École française de Rome|date=1988|passage=29|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.
En [[798]], le moine anglais [[Alcuin]] écrit à l’empereur [[Charlemagne]] qu’il faut se méfier de la [[vox populi]] lors de l'élection des princes pour éviter l’influence d’une émotion populaire éphémère ou la fabrique anarchique de saints, motif de supercheries<ref>{{Ouvrage|auteur1=Michel Poizat|titre=Vox populi, vox Dei. Voix et pouvoir|éditeur=Éditions Métailié|année=2001|passage=238|isbn=}}</ref>. C'est dans cet esprit que le [[Saint-Siège]] s'efforce de supprimer la canonisation par acclamation et de réglementer la procédure pour ne pas confondre « réputation de sainteté » et enthousiasme populaire passager, permettant ainsi les conditions d’un jugement historique dépassionné. La première déclaration officielle de la part de l’Église de la sainteté d’une personne est la [[bulle pontificale]] envoyée par [[Jean XV]] en [[993]] aux évêques de France et de Germanie, pour leur signaler que [[Ulrich d'Augsbourg|Ulrich]], [[liste des évêques d'Augsbourg|évêque d’Augsbourg]] devait être considéré comme saint. Le terme même de canonisation apparaît sous la plume du pape [[Benoît VIII]] à propos de saint [[Siméon de Padolirone]]. Au cours du {{XIIe siècle}}, l’examen des cas de canonisation par la papauté se développe : sous [[Alexandre III (pape)|Alexandre III]] (pape de [[1159]] à [[1181]]), douze causes sont examinées, sept sont rejetées, et cinq fois la vénération d'un saint est autorisée. Alexandre III tente en vain de se réserver ces autorisations par la [[décrétale]] du {{date|6|juillet|1170}} (en lien possible avec la mort du roi de Suède [[Éric IX de Suède|Éric IX]] dont le culte populaire en aurait fait un saint mort en ébriété au cours d'une rixe, ce que désapprouvait le pape<ref>A. Jönsson, ''St. Eric of Sweden - the Drunken Saint ?'', ''Analecta Bollandiana'', vol. 109, {{nos|3-4}}, p. 331-346 {{ISSN|0003-2468}}</ref>), mais cette ordonnance ne se fait pas sans résistance et quelques [[Translation (reliques)|translations]] de corps saints par les évêques ont encore lieu. Si la première canonisation par le pape date de [[993]], la procédure épiscopale ou la vox populi perdurent jusqu'au {{s-|XII|e}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Giorgio Bouchard|titre=Christianisme|éditeur=Liana Levi|année=2001|passage=129|isbn=}}</ref>. En [[1215]], le [[IVe concile du Latran]] interdit la vénération des [[reliques]] (y compris anciennes) sans l’accord du pape<ref>Canon 64</ref>. La procédure est mise en place au {{XIIIe siècle}}. En 1234, l'introduction du [[Bref apostolique|bref]] ''Audivimus'' du pape Alexandre III dans les [[Décrétales de Grégoire IX]], consacre la « réserve pontificale » en matière de canonisation. Si [[Grégoire IX]] se réserve le droit exclusif de procéder aux canonisations et formalise le ''procès en canonisation'', l'application systématique de cette réserve ne s'effectue que progressivement<ref name="Delooz"/>. Ainsi, jusqu’au {{XVIe siècle}}, l’approbation épiscopale suffit encore à établir le culte local d’un saint<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[André Vauchez (historien)|André Vauchez]]|titre=La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Age|éditeur=École française de Rome|année=1988|passage=29|isbn=}}</ref>.
[[File:Louis9 Canonization.jpg|vignette|260px|Canonisation de [[Saint Louis]] par le pape [[Boniface VIII]], [[enluminure]] du {{s|XIV}}, [[BnF]].]]


Le plus ancien procès en canonisation dont on possède les pièces est celui de [[Galgano Guidotti]] (saint Galgano), ermite mort en [[1181]] et sur lequel on enquête quatre ans après sa mort. La foi et les bonnes œuvres de son vivant, et les miracles, avant ou après sa mort, sont nécessaires pour déclarer la sainteté d’une personne. S’ajoute dans les requis la ''réputation de sainteté'' (qui rejoint la ''vox populi'').
Le plus ancien procès en canonisation dont on possède les pièces est celui de [[Galgano Guidotti]] (saint Galgano), ermite mort en [[1181]] et sur lequel on enquête quatre ans après sa mort. La foi et les bonnes œuvres de son vivant, ainsi que les miracles, avant ou après sa mort, sont nécessaires pour déclarer la sainteté d’une personne. S’ajoute dans les requis la ''réputation de sainteté'' (qui rejoint la ''vox populi'').


Le [[11 février]] [[1588]], par la [[constitution apostolique]] ''[[Immensa aeterni Dei]]'', le pape [[Sixte V|Sixte-Quint]] institue la [[Sacrée congrégation des rites]] chargée d'instruire la cause des saints. [[Urbain VIII]], par deux décrets de 1625, précisés le [[5 juillet]] [[1634]] dans sa constitution ''Cælestis Jerusalem'', fixe de façon claire et détaillée les critères et la procédure de béatification et de canonisation : après enquête du tribunal diocésain, la Sacrée Congrégation des Rites examine les écrits, paroles et actes du postulant, s’informe de sa réputation de sainteté, de ses vertus, de ses miracles. Si ce premier procès, dit ''procès apostolique'' est favorable, la Congrégation propose l’introduction de la cause au pape, qui l’accepte en signant un « [[Bref apostolique|bref]] ». Un procès de non-culte est ensuite ouvert, puis il est suivi d’un procès sur l’héroïcité des vertus du postulant, qui est réexaminé par la Sacrée Congrégation. Enfin, l’examen des miracles (au moins deux) permet l’ouverture du réel procès en canonisation.
Le 11 février [[1588]], par la [[constitution apostolique]] ''[[Immensa aeterni Dei]]'', le pape [[Sixte V|Sixte-Quint]] institue la [[Sacrée congrégation des rites]] chargée d'instruire la cause des saints. [[Urbain VIII]], par deux décrets de 1625, précisés le 5 juillet [[1634]] dans sa constitution ''Cælestis Jerusalem'', fixe de façon claire et détaillée les critères et la procédure de béatification et de canonisation : après enquête du tribunal diocésain, la Sacrée Congrégation des Rites examine les écrits, paroles et actes du postulant, s’informe de sa réputation de sainteté, de ses vertus, de ses miracles. Si ce premier procès, dit ''procès apostolique'' est favorable, la Congrégation propose l’introduction de la cause au pape, qui l’accepte en signant un « [[Bref apostolique|bref]] ». Un procès de non-culte est ensuite ouvert, puis il est suivi d’un procès sur l’héroïcité des vertus du postulant, qui est réexaminé par la Sacrée Congrégation. Enfin, l’examen des miracles (au moins deux) permet l’ouverture du réel procès en canonisation.


Au {{s-|XVII|e}}, la [[Société des bollandistes]] se livre à des contre-enquêtes sur la vie des saints pour dénicher les faux saints construits par idéologie, aboutissant à des procès de « décanonisation »<ref>{{ouvrage|auteur=Jean Baptiste Carnandet, Justin Louis Pierre Fèvre|titre=Les Bollandistes et l'hagiographie ancienne et moderne. Études sur la collection des Actes des saints, précédées de considérations générales sur la vie des saints et d'un traité sur la canonisation|éditeur=L. Gauthier|date=1866|pages totales=570|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.
Au {{s-|XVII|e}}, la [[Société des Bollandistes]] se livre à des contre-enquêtes sur la vie des saints pour dénicher les faux saints construits par idéologie, aboutissant à des procès de « décanonisation »<ref>{{Ouvrage|auteur1=Jean Baptiste Carnandet, Justin Louis Pierre Fèvre|titre=Les Bollandistes et l'hagiographie ancienne et moderne. Études sur la collection des Actes des saints, précédées de considérations générales sur la vie des saints et d'un traité sur la canonisation|éditeur=L. Gauthier|année=1866|pages totales=570}}</ref>.


La procédure est lourde : la [[Curie romaine]] s’adjoint en 1930 une section historique, afin de tirer parti des progrès de cette science. En 1939, le procès apostolique est supprimé pour les causes historiques (concernant des personnes mortes depuis très longtemps), simplification étendue en 1969 aux causes récentes. La même année, la Sacrée Congrégation des Rites est dissoute, et la Sacrée [[Congrégation pour les causes des saints]] est créée pour les procès en canonisation. La procédure a encore été modifiée et simplifiée par [[Jean-Paul II]] (constitution ''Divinus perfectionnis magister'' en 1983), en diminuant l’importance des miracles et en accroissant l’attention portée à la sainteté de la vie menée, et en laissant la décision finale au pape.
La procédure est lourde : la [[Curie romaine]] s’adjoint en 1930 une section historique, afin de tirer parti des progrès de cette science. En 1939, le procès apostolique est supprimé pour les causes historiques (concernant des personnes mortes depuis très longtemps), simplification étendue en 1969 aux causes récentes. La même année, la [[Sacrée Congrégation des rites]] est dissoute, et la Sacrée [[Congrégation pour les causes des saints]] est créée pour les procès en canonisation. La procédure a encore été modifiée et simplifiée par [[Jean-Paul II]] (constitution ''Divinus perfectionnis magister'' en 1983), en réduisant le nombre des miracles requis et en accroissant l’attention portée à la sainteté de la vie menée, en laissant la décision finale au pape.


Parmi les [[Liste de saints catholiques|dix mille saints]] dans la liste officielle de l'Église catholique (mais personne n'en connaît le nombre exact), près de 300 ont été canonisés selon cette procédure au début du {{s-|XXI|e}}, la majorité ayant été proclamés saints par acclamation populaire<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Rosemary Guiley|titre=The Encyclopedia of Saints|éditeur=Infobase Publishing|date=2001|passage=10|isbn=|lire en ligne=}}</ref>. Sur les 83 papes déclarés saints en {{CURRENTWEEK.YEAR}}, presque tous les souverains pontifes ont été canonisés sur le premier millénaire du christianisme, le premier à ne pas avoir été fait saint étant [[Libère]] au {{s-|IV|e}}, les derniers canonisés étant [[Célestin V]], [[Pie V]], [[Pie X]], [[Jean XXIII]] et [[Jean-Paul II]] en [[2014]]<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Christopher M. Bellitto|titre=101 Questions & Answers on Popes and the Papacy|éditeur=Paulist Press|date=2008|passage=149 et 173|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.
Parmi les [[Liste de saints catholiques|dix mille saints]] dans la liste officielle de l'Église catholique (mais personne n'en connaît le nombre exact), près de 300 ont été canonisés selon cette procédure, la majorité ayant été proclamés saints par acclamation populaire<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Rosemary Guiley|titre=The Encyclopedia of Saints|éditeur=Infobase Publishing|année=2001|passage=10|isbn=}}</ref>. Sur les 83 papes canonisés, presque tous l'ont été durant le premier millénaire du christianisme. Les derniers canonisés étant [[Célestin V]], [[Pie V]], [[Pie X]], [[Jean XXIII]] et [[Jean-Paul II]] en [[2014]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Christopher M. Bellitto|titre=101 Questions & Answers on Popes and the Papacy|éditeur=Paulist Press|année=2008|passage=149 et 173|isbn=}}</ref> et [[Paul VI]] en 2018.


== Procédure de l'Église catholique ==
== Procédure de l'Église catholique ==
On parle de ''procès'' en canonisation. Ce procès est instruit par la [[Congrégation pour les causes des saints]], l'une des [[dicastère|congrégations romaines]] du [[Saint-Siège]], sise place Pie XII à [[Rome]]. La procédure est actuellement (2010) régie par la [[constitution apostolique]] ''Divinus perfectionis Magister'' du {{Date|25|janvier|1983}}<ref>[http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/apost_constitutions/index_fr.htm Jean-paul II Constitutions Apostoliques], , [http://www.causesanti.va/content/causadeisanti/it/documenti/divinus-perfectionis-magister_fr.html ''Divinus perfectionis Magister'' en français]</ref>, complétée par les ''Normae servandae in inquisitionibus ab episcopis faciendis in causis sanctorum'' du 7 février 1983 publiées par cette Congrégation<ref>{{la}} [http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/csaints/documents/rc_con_csaints_doc_07021983_norme_lt.html Normes disponibles sur le site la Congrégation en latin, anglais, italien, portugais], et [http://www.causesanti.va/content/causadeisanti/it/documenti/normae-servandae_fr.html en français]</ref>.


Aujourd'hui, pour être reconnue comme sainte une personne doit remplir plusieurs conditions. La procédure commune repose sur trois critères : le candidat, [[serviteur de Dieu]] laïc ou religieux, doit être mort en [[odeur de sainteté]] ; il doit avoir un rayonnement spirituel après sa mort (notion de réputation de sainteté, la ''{{Lang|la|texte=fama sanctitatis}}'' qui doit être spontanée, durable, croissant continuellement et généralisée) avec des témoignages humains qui attestent son martyre ou ses [[Serviteur de Dieu|vertus héroïques]] (pratique héroïque des trois [[vertus théologales]] et quatre [[vertus cardinales]]) ; il doit avoir accompli au moins deux [[miracle]]s<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Kenneth L. Woodward|titre=Making Saints|éditeur=Simon and Schuster|année=1996|passage=223-227|isbn=}}</ref>.
Ce rituel suit des règles et des cérémonies définies par l'[[église catholique romaine|Église catholique]]. On parle de ''procès'' en canonisation. Ce procès est instruit par la [[Congrégation pour les causes des saints]], l'une des [[dicastère|congrégations romaines]] du [[Vatican]], sise place Pie XII à [[Rome]]. La procédure est actuellement (2010) régie par la [[constitution apostolique]] ''Divinus perfectionis Magister'' du {{Date|25|janvier|1983}}<ref>[http://www.vatican.va/holy_father/john_paul_ii/apost_constitutions/index_fr.htm Jean-paul II Constitutions Apostoliques], , [http://www.causesanti.va/content/causadeisanti/it/documenti/divinus-perfectionis-magister_fr.html ''Divinus perfectionis Magister'' en français]</ref>, complétée par les ''Normae servandae in inquisitionibus ab episcopis faciendis in causis sanctorum'' du 7 février 1983 publiées par cette Congrégation<ref>{{la}} [http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/csaints/documents/rc_con_csaints_doc_07021983_norme_lt.html Normes disponibles sur le site la Congrégation en latin, anglais, italien, portugais], et [http://www.causesanti.va/content/causadeisanti/it/documenti/normae-servandae_fr.html en français]</ref>.


Outre cette canonisation formelle, la canonisation équipollente (appelée aussi canonisation équivalente) permet au pape d'étendre à l’Église universelle le culte d'un bienheureux et de l'inscrire au calendrier des saints en l'absence d'un procès en canonisation dans des conditions précises<ref>{{Ouvrage|langue=en|auteur1=Lancelot Capel Sheppard|titre=The Saints who never were|éditeur=Pflaum Press|année=1969|passage=10}}</ref>.
Aujourd'hui, pour être reconnue comme sainte une personne doit remplir plusieurs conditions. La procédure commune repose sur trois critères : le candidat, [[Serviteur de Dieu]] laïc ou religieux, doit être mort en [[odeur de sainteté]] ; il doit avoir un rayonnement spirituel après sa mort (notion de réputation de sainteté, la ''{{Lang|la|texte=fama sanctitatis}}'' qui doit être spontanée, durable, croissant continuellement et généralisée) avec des témoignages humains qui attestent son martyre ou sa {{Lien|langue=en|trad=Heroic virtue|fr=vertu héroïque}} ([[vertus théologales]] et [[vertus cardinales]] ou vertus religieuses) ; il doit avoir accompli au moins deux [[miracle]]s<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Kenneth L. Woodward|titre=Making Saints|éditeur=Simon and Schuster|date=1996|passage=223-227|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.

Outre cette canonisation formelle, la canonisation équipollente (appelée aussi canonisation équivalente) permet au pape d'étendre à l’Église universelle le culte d'un bienheureux et de l'inscrire au calendrier des saints en l'absence d'un procès en canonisation dans des conditions précises<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Lancelot Capel Sheppard|titre=The Saints who never were|éditeur=Pflaum Press|date=1969|passage=10|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.


=== Introduction de la cause ===
=== Introduction de la cause ===
Le procès en canonisation commence par la déclaration reconnaissant « [[vénérable (catholicisme)|vénérable]] » la personne défunte. Celle-ci est alors reconnue digne de recevoir une vénération locale. Elle peut ensuite être béatifiée à la suite d'une [[béatification]]. Elle atteint alors le rang des « [[bienheureux]] » et peut faire l'objet d'un culte plus généralisé. Enfin, le « [[saint]] » fait, lui, l'objet d'un culte universel.

Le procès en canonisation commence par la déclaration reconnaissant « [[vénérable (catholicisme)|vénérable]] » la personne défunte. Celle-ci est alors reconnue digne de recevoir une vénération locale. Elle peut ensuite être béatifiée à la suite d'une [[béatification]]. Elle atteint alors le rang des « [[bienheureux]] » et peut faire l'objet d'un culte plus généralisé. Enfin, le « [[saint]] » fait, lui, l'objet d'un culte universel.


Tout baptisé ou groupe de baptisés peut demander l'ouverture d'un procès en canonisation. Pour cela, un ''[[postulateur]] de la cause'' doit être choisi. Il s'agit d'une personne ([[Prêtre catholique|prêtre]] ou religieux ou laïc ou laïque) chargée premièrement d'assurer l'instruction préalable du dossier, et deuxièmement de porter la cause à [[Vatican|Rome]]. À la suite de l'instruction préalable, le [[postulateur]] doit adresser une requête écrite à l'[[évêque]] du [[diocèse]] où est mort le candidat à la sainteté. Cette requête doit comprendre une biographie du candidat, une copie de l'ensemble de son œuvre le cas échéant et une liste de témoins pour les causes dites récentes (c'est-à-dire pour lesquelles des témoins directs sont encore en vie).
Tout baptisé ou groupe de baptisés peut demander l'ouverture d'un procès en canonisation. Pour cela, un ''[[postulateur]] de la cause'' doit être choisi. Il s'agit d'une personne ([[Prêtre catholique|prêtre]] ou religieux ou laïc ou laïque) chargée premièrement d'assurer l'instruction préalable du dossier, et deuxièmement de porter la cause à [[Vatican|Rome]]. À la suite de l'instruction préalable, le [[postulateur]] doit adresser une requête écrite à l'[[évêque]] du [[diocèse]] où est mort le candidat à la sainteté. Cette requête doit comprendre une biographie du candidat, une copie de l'ensemble de son œuvre le cas échéant et une liste de témoins pour les causes dites récentes (c'est-à-dire pour lesquelles des témoins directs sont encore en vie).


Si la requête est acceptée, c'est ensuite l'évêque, ou un délégué, qui est chargé d'instruire le dossier. Les règles de cette enquête diocésaine ont été redéfinies en 2007<ref>[http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/csaints/documents/rc_con_csaints_doc_20070517_sanctorum-mater_fr.pdf Congregatio de causis sanctorum]</ref>. Au terme de cette seconde enquête diocésaine (après celle de la béatification), si l'évêque le juge pertinent, il transmet la cause à la Congrégation pour les causes des saints, qui mène l'instruction finale. Si la Congrégation accepte le dossier, elle nomme un rapporteur (ou relateur) chargé de faire une synthèse (appelée la « [[Positio]] ») de toute la documentation (biographie, vertus, les deux miracles)<ref>{{ouvrage|auteur=Michel Dubost, Stanislas Lalanne|titre=Théo. Les saints |éditeur=Fleurus|date=2011|passage=10-15|isbn=|lire en ligne=}}</ref>.
Si la requête est acceptée, c'est ensuite l'évêque, ou un délégué, qui est chargé d'instruire le dossier. Les règles de cette enquête diocésaine ont été redéfinies en 2007<ref>[http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/csaints/documents/rc_con_csaints_doc_20070517_sanctorum-mater_fr.pdf Congregatio de causis sanctorum]</ref>. Au terme de cette seconde enquête diocésaine (après celle de la béatification), si l'évêque le juge pertinent, il transmet la cause à la Congrégation pour les causes des saints, qui mène l'instruction finale. Si la Congrégation accepte le dossier, elle nomme un rapporteur (ou relateur) chargé de faire une synthèse (appelée la « [[Positio]] ») de toute la documentation (biographie, vertus, les deux miracles)<ref>{{Ouvrage|auteur1=Michel Dubost|auteur2=Stanislas Lalanne|titre=Théo. Les saints|éditeur=Fleurus|année=2011|passage=10-15|isbn=}}</ref>.


=== Déroulement du procès ===
=== Déroulement du procès ===
[[File:St Therese saint day 17 may 1925.jpg|175px|vignette|Canonisation de sainte [[Thérèse de Lisieux|Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face]] en [[1925]] à la [[Basilique (christianisme)|basilique]] [[Saint-Pierre de Rome|Saint-Pierre]] au [[Vatican]].]]
Lors du procès romain, un collège de cardinaux et d'évêques étudie alors la ''{{Lang|la|texte=positio}}''. De la même façon que dans un procès criminel, l'accusation et la défense s'affrontent, dans un procès en canonisation, le postulateur de la cause tente de montrer que le bienheureux est digne d'être canonisé, tandis que le ''promoteur de justice'' (anciennement surnommé « [[Avocat du diable]] ») tente de prouver le contraire. De plus, un comité scientifique est chargé d'examiner le second miracle. Au terme de ce procès, les cardinaux et les évêques constituant la Congrégation rendent leur verdict à la suite d'un vote.
Lors du procès romain, un collège de cardinaux et d'évêques étudie alors la ''{{Lang|la|texte=positio}}''. De la même façon que dans un procès criminel, l'accusation et la défense s'affrontent, dans un procès en canonisation, le postulateur de la cause tente de montrer que le bienheureux est digne d'être canonisé, tandis que le ''promoteur de justice'' (anciennement surnommé « [[Avocat du diable]] ») tente de prouver le contraire. De plus, un comité scientifique est chargé d'examiner le second miracle. Au terme de ce procès, les cardinaux et les évêques constituant la Congrégation rendent leur verdict à la suite d'un vote.


La relation des travaux de la congrégation ainsi que le verdict sont ensuite remis au [[pape]], qui décrète ou non la canonisation lors d'un [[consistoire (catholicisme)|consistoire]]. Elle peut ensuite être proclamée au peuple catholique.
La relation des travaux de la congrégation ainsi que le verdict sont ensuite remis au [[pape]], qui décrète ou non la canonisation lors d'un [[consistoire (catholicisme)|consistoire]]. Elle peut ensuite être proclamée au peuple catholique.


Au total, la procédure est longue. Elle peut prendre plusieurs dizaines d'années. Par ailleurs, certains saints bien connus ont attendu parfois plusieurs siècles leur consécration. C'est le cas de [[Jeanne d'Arc]], morte en [[1431]] et canonisée en [[1920]]. La longueur de chaque procès est toujours l'objet de commentaires. On a pu dire de [[Jean-Paul II]], dont le règne a vu un grand nombre de canonisations, qu'il canonisait beaucoup plus rapidement que ses prédécesseurs. Néanmoins, au [[Moyen Âge]], l'[[Église catholique romaine]] a également connu des canonisations très rapides. Parmi les records figurent [[Thomas Becket]], canonisé en trois ans, [[François d'Assise]] en deux ans, [[Pierre de Vérone]] et [[Antoine de Padoue]] canonisés en un an.
Au total, la procédure est longue. Elle peut prendre plusieurs dizaines d'années. Par ailleurs, certains saints bien connus ont attendu parfois plusieurs siècles leur consécration. C'est le cas de [[Jeanne d'Arc]], morte en [[1431]] et canonisée en [[1920]]. La longueur de chaque procès est toujours l'objet de commentaires. On a pu dire de [[Jean-Paul II]], dont le règne a vu un grand nombre de canonisations, qu'il canonisait beaucoup plus rapidement que ses prédécesseurs. Néanmoins, au [[Moyen Âge]], l'[[Église catholique romaine]] a également connu des canonisations très rapides. Parmi les records figurent [[Thomas Becket]], canonisé en trois ans, [[François d'Assise]] en deux ans, [[Pierre de Vérone]] et [[Antoine de Padoue]] canonisés en un an. Dans la période contemporaine, la canonisation la plus rapide fut [[Canonisations des papes Jean XXIII et Jean-Paul II|celle de Jean-Paul II]] survenue 9 ans après sa mort, le 27 avril 2014. Parmi les autres canonisations rapides figurent [[Mère Teresa]] (19 ans), [[Josemaria Escriva de Balaguer]] (27 ans), [[Thérèse de Lisieux]] (27 ans) et [[Padre Pio]] (33 ans).
Dans les derniers siècles, la canonisation la plus rapide fut celle de [[Mère Teresa]] (sainte Teresa de Calcutta) en 19 ans le 4 septembre 2016. Il y a ensuite [[Josemaria Escriva de Balaguer]] (27 ans), juste avant celle de [[Thérèse de Lisieux]] (28 ans).


Le coût de la procédure, financée par les fonds diocésains et les dons de la communauté, est estimé entre {{formatnum:15000}} et 3 millions euros<ref>{{Lien web|url=http://www.levif.be/info/actualite/international/jean-paul-ii-et-jean-xxiii-bientot-canonises/article-4000604979723.htm|titre=Jean-Paul II et Jean XXIII bientôt canonisés|auteur=Thierry Fiorilli|date=26 avril 2014|site=[[Le Vif/L'Express]]}}</ref>. En 2014, le [[François (pape)|pape François]] annonce l’instauration d’une grille tarifaire pour limiter le montant allouable aux procédures de béatification et de canonisation et diminuer les inégalités entre les {{formatnum:5000}} diocèses catholiques. Depuis 2003, sur 66 canonisations prononcées, 54 concernaient des Européens, dont une grande part d'Italiens alors que l'Occident ne pèse plus que pour un quart des fidèles. Cette nouvelle grille doit permettre ainsi à des diocèses de pays pauvres de proposer, eux aussi, des candidats<ref>{{Lien web|url=http://www.lefigaro.fr/international/2014/01/15/01003-20140115ARTFIG00662-le-pape-instaure-la-saintete-low-cost.php|titre=Le pape instaure la sainteté low-cost|auteur=|date=16 janvier 2014|site=Le Figaro}}</ref>.
Le coût de la procédure, financée par les fonds diocésains et les dons de la communauté, est estimé entre {{formatnum:15000}} et 3 millions euros<ref>{{Lien web|url=http://www.levif.be/info/actualite/international/jean-paul-ii-et-jean-xxiii-bientot-canonises/article-4000604979723.htm|titre=Jean-Paul II et Jean XXIII bientôt canonisés|auteur=Thierry Fiorilli|date=26 avril 2014|site=[[Le Vif/L'Express]]}}</ref>. En 2014, le [[François (pape)|pape François]] annonce l’instauration d’une grille tarifaire pour limiter le montant allouable aux procédures de béatification et de canonisation et diminuer les inégalités entre les {{formatnum:5000}} diocèses catholiques. Depuis 2003, sur 66 canonisations prononcées, 54 concernaient des Européens, dont une grande part d'Italiens alors que l'Occident ne pèse plus que pour un quart des fidèles. Cette nouvelle grille doit permettre ainsi à des diocèses de pays pauvres de proposer, eux aussi, des candidats<ref>{{Lien web|url=http://www.lefigaro.fr/international/2014/01/15/01003-20140115ARTFIG00662-le-pape-instaure-la-saintete-low-cost.php|titre=Le pape instaure la sainteté low-cost|auteur=Thomas Féat|date=16 janvier 2014|site=Le Figaro}}</ref>.


=== Rite de canonisation ===
=== Rite de canonisation ===
Le rite de canonisation a lieu au tout début de la cérémonie solennelle de la canonisation. Le préfet de la [[Congrégation pour les causes des saints]] accompagné du postulateur de la cause de canonisation du bienheureux, s'avance et demande par trois fois en latin<ref>Contre une fois lors du rituel de béatification, pour marquer la solennité de la démarche.</ref> au pape de procéder à la canonisation.
Le rite de canonisation a lieu au tout début de la cérémonie solennelle de la canonisation. Le préfet de la [[Congrégation pour les causes des saints]] accompagné du postulateur de la cause de canonisation du bienheureux, s'avance et demande par trois fois en latin<ref>Contre une fois lors du rituel de béatification, pour marquer la solennité de la démarche.</ref> au pape de procéder à la canonisation, à la suite desquelles le souverain pontife conclut par une formule déclarant saint la personne canonisée<ref>{{Lien web|langue=it|url=http://www.cattoliciromani.com/10-dizionario-liturgico/20509-canonizzazione|titre=Il rito della Canonizzazione|date=avril 2006|site=cattoliciromani.com}}</ref>. Après ce rite, la messe ordinaire du [[calendrier liturgique romain]] débute.

À la première demande (en latin ''{{Lang|la|texte=petitio}}'') ''Beatissime Pater, instanter postulat Sancta Mater Ecclesia per Sanctitatem Vestram Catalogo Sanctorum adscribi, et tamquam Sanctos ab omnibus Christi fidelibus pronunciari Beatos'' (« Très Saint-Père, la sainte Église notre Mère vous demande instamment d’inscrire le bienheureux au catalogue des saints et ce faisant, qu’ils soient invoqués par tous les chrétiens »), le pape répond par une invitation collective à la prière ''Fratres carissimi, Deo Patri omnipotenti preces nostras per Iesum Christum levemus, ut, Beatae Mariae Virginis et omnium Sanctorum suorum intercessione, sua gratia sustineat id quod solemniter acturi sumus'' (« Chers frères, élevons nos prières vers Dieu le Père tout-puissant par Jésus Christ, afin que, par l’intercession de la bienheureuse Vierge Marie et de tous les saints, il soutienne de sa grâce ce que nous allons maintenant accomplir ») ; à la deuxième demande ''Unanima precatione roborata, Beatissime Pater, Sancta Ecclesia instantius flagitat ut Sanctitas Vestra filios hos ipsius electos in Sanctorum Catalogo annumeret'' (« Très Saint-Père, forts de cette prière unanime, la sainte Église vous demande instamment de nouveau de bien vouloir inscrire ce fils qui a été élu au catalogue des saints »), le pape répond par ''Spiritum vivificantem, igitur, invocemus, ut mentem nostram illuminet atque Christus Dominus ne permittat errare Ecclesiam suam in tanto negotio'' (« Invoquons l’Esprit qui vivifie pour qu’il illumine notre esprit et que le Christ notre Seigneur ne permette pas que son Église se trompe pour un événement d’une si grande importance ») ; à la troisième demande ''Beatissime Pater, Sancta Ecclesia, Domini promisso nixa Spiritum Veritatis in se mittendi, qui omni tempore supremum Magisterium erroris expertem reddit, instantissime supplicat Sanctitatem Vestram ut hos ipsius electos in Sanctorum Catalogum referat'' (« Très Saint-Père, la sainte Église, confiante en la promesse que lui a faite le Seigneur de lui envoyer l’Esprit de vérité et qui à chaque époque garde le Magistère suprême exempt de toute erreur, vous supplie instamment de bien vouloir inscrire ce fils qui a été élu au catalogue des saints »), le souverain pontife conclut par la formule ''Ad honorem Sanctæ et Individuæ Trinitatis, ad exaltationem fidei catholicæ et vitæ christianæ incrementum, auctoritate Domini nostri Iesu Christi, beatorum Apostolorum Petri et Pauli ac Nostra, matura deliberatione præhabita et divina ope sæpius implorata, ac de plurimorum Fratrum Nostrorum consilio, Beatos. Sanctos esse decernimus et definimus, ac Sanctorum Catalogo adscribimus, statuentes eos in universa Ecclesia inter Sanctos pia devotione recoli debere.In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti'' (« En l'honneur de la Très [[Sainte Trinité]], pour l'exaltation de la foi catholique et pour l’accroissement de la vie chrétienne, avec l'autorité de Notre Seigneur Jésus-Christ, des Saints Apôtres Pierre et Paul, et la Nôtre, après avoir longuement réfléchi et invoqué à plusieurs reprises l'aide divine et écouté l'avis de beaucoup de Nos Frères dans l'Épiscopat, nous déclarons et nous définissons Saint, le Bienheureux. Et nous l'inscrivons dans le Livre des Saints et nous décrétons qu'il doit être vénéré avec dévotion dans toute l'Église. Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit »)<ref>{{Lien web|langue=it|url=http://www.cattoliciromani.com/10-dizionario-liturgico/20509-canonizzazione|titre=Il rito della
Canonizzazione|auteur=|date=avril 2006|site=cattoliciromani.com}}</ref>.

Après ce rite, la messe ordinaire du [[calendrier liturgique romain]] débute.


=== Canonisation équipollente ===
=== Canonisation équipollente ===
Une ''canonisation équipollente'' est une canonisation décidée par un simple décret du pape sans que la reconnaissance d'un miracle ne soit nécessaire. Cette forme de canonisation, codifiée par [[Benoît XIV]] au {{s|XVIII}}, nécessite trois éléments : la possession ancienne d’un culte lié à la personne à canoniser, l’attestation constante et répandue de ses vertus ou de son martyre par des historiens dignes de foi et la réputation ininterrompue d’accomplissement de prodiges<ref>[http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350746?fr=y Journal du Vatican / En quelques mois six nouveaux saints canonisés en dehors des règles], [[Sandro Magister]], 19 mars 2014</ref>. Lorsque ces conditions sont remplies, le pape peut, de sa propre autorité, sans procès ni cérémonie de canonisation, procéder à une ''canonisation équipollente'', c’est-à-dire étendre à l’Église universelle le culte liturgique en l'honneur du bienheureux.
Une ''canonisation équipollente'' est une canonisation décidée par un simple décret du pape sans que la reconnaissance d'un miracle ne soit nécessaire. Cette forme de canonisation, codifiée par [[Benoît XIV]] au {{s|XVIII}}, nécessite trois éléments : la possession ancienne d’un culte lié à la personne à canoniser, l’attestation constante et répandue de ses vertus ou de son martyre par des historiens dignes de foi et la réputation ininterrompue d’accomplissement de prodiges<ref>[http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1350746?fr=y Journal du Vatican / En quelques mois six nouveaux saints canonisés en dehors des règles], [[Sandro Magister]], 19 mars 2014</ref>. Lorsque ces conditions sont remplies, le pape peut, de sa propre autorité, par un décret public, sans procès ni cérémonie de canonisation, procéder à une ''canonisation équipollente'', c’est-à-dire étendre à l’Église universelle le culte liturgique en l'honneur du bienheureux.


==== Utilisations de la canonisation équipollente ====
==== Utilisations de la canonisation équipollente ====
Codifiée par {{nobr|[[Benoît XIV]]}}, la canonisation équipollente existait de fait avant son pontificat. Le pape dresse lui-même dans son ouvrage ''De servorum Dei beatificatione et beatorum canonizatione'' une liste de {{nobr|12 saints}} proclamés avant son pontificat, sur de tels critères. Il s'agit de [[Romuald de Ravenne]] canonisé en 1595, [[Norbert de Xanten]] en 1582, [[Bruno le Chartreux]] en 1623, [[Pierre Nolasque]] en 1655, [[Raymond Nonnat]] en 1681, [[Étienne Ier de Hongrie|Étienne de Hongrie]] en 1686, [[Marguerite d'Écosse (sainte)|Marguerite d’Écosse]] en 1691, [[Jean de Matha]] et [[Félix de Valois]] en 1694, {{nobr|[[Grégoire VII]]}} en 1728, [[Venceslas Ier de Bohême (duc)|Wenceslas de Bohême]] en 1729 et [[Gertrude de Helfta]] en 1738.
Codifiée par {{nobr|[[Benoît XIV]]}}, la canonisation équipollente existait de fait avant son pontificat. Le pape dresse lui-même dans son ouvrage ''De servorum Dei beatificatione et beatorum canonizatione'' une liste de {{nobr|12 saints}} proclamés avant son pontificat, sur de tels critères. Il s'agit des saints : [[Romuald de Ravenne]] canonisé en 1595, [[Norbert de Xanten]] en 1582, [[Bruno le Chartreux]] en 1623, [[Pierre Nolasque]] en 1655, [[Raymond Nonnat]] en 1681, [[Étienne Ier de Hongrie|Étienne de Hongrie]] en 1686, [[Marguerite d'Écosse (sainte)|Marguerite d’Écosse]] en 1691, [[Jean de Matha]] et [[Félix de Valois]] en 1694, {{nobr|[[Grégoire VII]]}} en 1728, [[Venceslas Ier de Bohême (duc)|Wenceslas de Bohême]] en 1729 et [[Gertrude de Helfta]] en 1738.


Depuis {{nobr|Benoît XIV}}, cette règle a été utilisée à quelques reprises : pour la canonisation de [[Pierre Damien]] et [[Boniface de Mayence|Boniface]] en 1828 ; [[Cyrille et Méthode]] en 1880 ; [[Cyrille d'Alexandrie]], [[Cyrille de Jérusalem]], [[Justin de Naplouse]] et [[Augustin de Cantorbéry]] en 1882, [[Jean Damascène]] et [[Sylvestre Guzzolini]] en 1890 ; [[Bède le vénérable]] en 1899 ; [[Éphrem le Syrien]] en 1920 ; [[Albert le Grand]] en 1931 ; [[Marguerite de Hongrie]] en 1943 ; [[Grégoire Barbarigo]] 1960 ; [[Jean d'Avila]] ainsi que [[Nicolas Tavelic]] et ses trois compagnons martyrs en 1970. [[Jean-Paul II|Jean-{{nobr|Paul II}}]] y a eu recours une fois, en 1995, pour la canonisation d'[[Étienne Pongrácz]] et de ses compagnons [[Marc de Križevci]] et [[Melchior Grodziecki]]. {{nobr|[[Benoît XVI]]}} l'a également utilisée une fois en 2012 pour [[Hildegarde de Bingen]], proclamée sainte le 10 mai 2012.
Depuis {{nobr|Benoît XIV}}, cette règle a été utilisée à quelques reprises, pour la canonisation de saints : [[Pierre Damien]], [[Boniface de Mayence|Boniface]] en 1828, [[Cyrille et Méthode]] en 1880, [[Cyrille d'Alexandrie]], [[Cyrille de Jérusalem]], [[Justin de Naplouse]], [[Augustin de Cantorbéry]] en 1882, [[Jean Damascène]], [[Sylvestre Guzzolini]] en 1890, [[Bède le vénérable]] en 1899, [[Éphrem le Syrien]] en 1920, [[Albert le Grand]] en 1931, [[Marguerite de Hongrie (sainte)]] en 1943, [[Grégoire Barbarigo]] 1960, et [[Jean d'Avila]] ainsi que [[Nicolas Tavelic]] et ses trois compagnons martyrs en 1970. [[Jean-Paul II|Jean-{{nobr|Paul II}}]] y a eu recours une seule fois, en 1995, pour la canonisation de saint [[Étienne Pongrácz]] et de ses compagnons [[Marc de Križevci]] et [[Melchior Grodziecki]]. {{nobr|[[Benoît XVI]]}} l'a également utilisée une fois en 2012, pour [[Hildegarde de Bingen]], proclamée sainte le 10 mai 2012.


Le [[François (pape)|pape François]] l'a utilisée assez souvent : pour [[Angèle de Foligno]] le 9 octobre 2013, pour le jésuite [[Pierre Favre (jésuite)|Pierre Favre]] le 17 décembre suivant puis pour [[José de Anchieta]], sœur [[Marie Guyart]], {{Mgr|[[François de Montmorency-Laval]]}} le 2 avril 2014, et pour {{Mgr|Bartolomeu Fernandes}}.
Le [[François (pape)|pape François]] l'a utilisée assez souvent, pour les saints : [[Angèle de Foligno]] le 9 octobre 2013, [[Pierre Favre (jésuite)|Pierre Favre]] le 17 décembre suivant, [[José de Anchieta]], sœur [[Marie Guyart]], {{Mgr|[[François de Montmorency-Laval]]}} le 2 avril 2014, et [[Barthélemy des Martyrs|{{Mgr|Bartolomeu Fernandes}}.]]


== Procédure de l'Église orthodoxe ==
== Procédure de l'Église orthodoxe ==
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== Notes et références ==
== Notes et références ==
* {{Pernoud-Saints}}, pp.&nbsp;266–279.
* {{Pernoud-Saints}}, pp.&nbsp;266–279.
{{Références}}

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== Voir aussi ==
== Voir aussi ==
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=== Bibliographie ===
=== Bibliographie ===
* {{Ouvrage|auteur=Vincenzo Lelièvre|titre=Les jeunes peuvent-ils être canonisés ?|préface={{Mgr}} E. Gagnon|éditeur=Téqui|année=1984|pages totales=529|présentation en ligne=https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1988_num_19_3_2323_t1_0393_0000_1}}
* Philippe Jansen, {{DicPap}}.
* [[Philippe Jansen]], {{DicPap}}.
* [[André Vauchez (historien)|André Vauchez]], ''La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge (1198-1431)'', Rome, 1981 (''BEFAR'', 241).
* [[André Vauchez (historien)|André Vauchez]], ''La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge (1198-1431)'', Rome, 1981 (''BEFAR'', 241).
* Gábor Klaniczay (dir.), ''Procès de canonisation au Moyen Âge : aspects juridiques et religieux'', Collection de l'École française de Rome, {{numéro}}340, Rome, 2004 {{ISBN|2-7283-0723-7}}.
* [[Gábor Klaniczay]] (dir.), ''Procès de canonisation au Moyen Âge : aspects juridiques et religieux'', Collection de l'École française de Rome, {{numéro}}340, Rome, 2004 {{ISBN|2-7283-0723-7}}.
* [[Patrick Sbalchiero]], ''L'Église face aux miracles. de l'Évangile à nos jours'', Paris, Fayard, 2007.
* [[Patrick Sbalchiero]], ''L'Église face aux miracles. de l'Évangile à nos jours'', Paris, Fayard, 2007.
* Jérôme Anciberro, ''Presque saints ! Canonisations ratées et autres causes délicates'', Tallandier, 2020.


=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
* [[Liste de canonisations]]
* [[Liste de canonisations]]
* [[Béatification]]
* [[Béatification]]
* [[Dulie]] (nature du culte rendu aux saints)

=== Liens externes ===
* {{Autorité}}
* {{Dictionnaires}}
* {{Bases}}


{{Palette|Canonisation}}
{{Palette|Canonisation}}

Dernière version du 21 avril 2023 à 20:39

Canonisation de sainte Élisabeth de Hongrie en 1235, Sándor Liezen-Mayer, (1863).

La canonisation est une déclaration officielle et définitive de la part de l'Église catholique ou des Églises orthodoxes, reconnaissant une personne défunte comme sainte. L’Église affirme avec certitude que la personne est au Paradis, intercédant auprès de Dieu pour les hommes, du fait de la reconnaissance de miracles. D'autre part, par cet acte, le saint est proposé comme modèle de vie chrétienne aux fidèles.

Dans l'Église catholique, la canonisation conduit le culte du saint à l'échelle universelle, tandis que pour les bienheureux, le culte peut être limité au diocèse ou à l'ordre religieux dans lequel il a vécu. Le saint reçoit une place dans le calendrier liturgique de l'Église, date à laquelle il est commémoré et invoqué liturgiquement.

Histoire[modifier | modifier le code]

Tous les fidèles, étant appelés à la sainteté par leur baptême, peuvent être dignes de vénération posthume aux premiers temps de l'Église, tels les martyrs dès le IIIe siècle puis les confesseurs de la foi.

Jusqu'au Xe siècle, il n’existe pas dans l'Église de procédure centralisée pour déclarer une personne sainte. Le plus souvent, c’est la vox populi qui déclare la sainteté[1] ; l’évêque du lieu la confirme par des cérémonies solennelles : élévation de la personne considérée comme sainte (du latin elevatio, il s'agit de l'exposition de son corps dans un sarcophage, une châsse ou de ses reliques — son corps, des parties de son corps ou des objets en lien avec lui — dans un reliquaire, étape souvent précédée de l'invention des reliques), éventuellement translation de ses reliques, enfin déposition en faisant inhumer ses restes sous un autel, dans un tombeau dans une crypte ou à partir du XIe siècle, dans une châsse ou un reliquaire[2] élevés dans le chœur de l'église[3].

En 798, le moine anglais Alcuin écrit à l’empereur Charlemagne qu’il faut se méfier de la vox populi lors de l'élection des princes pour éviter l’influence d’une émotion populaire éphémère ou la fabrique anarchique de saints, motif de supercheries[4]. C'est dans cet esprit que le Saint-Siège s'efforce de supprimer la canonisation par acclamation et de réglementer la procédure pour ne pas confondre « réputation de sainteté » et enthousiasme populaire passager, permettant ainsi les conditions d’un jugement historique dépassionné. La première déclaration officielle de la part de l’Église de la sainteté d’une personne est la bulle pontificale envoyée par Jean XV en 993 aux évêques de France et de Germanie, pour leur signaler que Ulrich, évêque d’Augsbourg devait être considéré comme saint. Le terme même de canonisation apparaît sous la plume du pape Benoît VIII à propos de saint Siméon de Padolirone. Au cours du XIIe siècle, l’examen des cas de canonisation par la papauté se développe : sous Alexandre III (pape de 1159 à 1181), douze causes sont examinées, sept sont rejetées, et cinq fois la vénération d'un saint est autorisée. Alexandre III tente en vain de se réserver ces autorisations par la décrétale du (en lien possible avec la mort du roi de Suède Éric IX dont le culte populaire en aurait fait un saint mort en ébriété au cours d'une rixe, ce que désapprouvait le pape[5]), mais cette ordonnance ne se fait pas sans résistance et quelques translations de corps saints par les évêques ont encore lieu. Si la première canonisation par le pape date de 993, la procédure épiscopale ou la vox populi perdurent jusqu'au XIIe siècle[6]. En 1215, le IVe concile du Latran interdit la vénération des reliques (y compris anciennes) sans l’accord du pape[7]. La procédure est mise en place au XIIIe siècle. En 1234, l'introduction du bref Audivimus du pape Alexandre III dans les Décrétales de Grégoire IX, consacre la « réserve pontificale » en matière de canonisation. Si Grégoire IX se réserve le droit exclusif de procéder aux canonisations et formalise le procès en canonisation, l'application systématique de cette réserve ne s'effectue que progressivement[1]. Ainsi, jusqu’au XVIe siècle, l’approbation épiscopale suffit encore à établir le culte local d’un saint[8].

Canonisation de Saint Louis par le pape Boniface VIII, enluminure du XIVe siècle, BnF.

Le plus ancien procès en canonisation dont on possède les pièces est celui de Galgano Guidotti (saint Galgano), ermite mort en 1181 et sur lequel on enquête quatre ans après sa mort. La foi et les bonnes œuvres de son vivant, ainsi que les miracles, avant ou après sa mort, sont nécessaires pour déclarer la sainteté d’une personne. S’ajoute dans les requis la réputation de sainteté (qui rejoint la vox populi).

Le 11 février 1588, par la constitution apostolique Immensa aeterni Dei, le pape Sixte-Quint institue la Sacrée congrégation des rites chargée d'instruire la cause des saints. Urbain VIII, par deux décrets de 1625, précisés le 5 juillet 1634 dans sa constitution Cælestis Jerusalem, fixe de façon claire et détaillée les critères et la procédure de béatification et de canonisation : après enquête du tribunal diocésain, la Sacrée Congrégation des Rites examine les écrits, paroles et actes du postulant, s’informe de sa réputation de sainteté, de ses vertus, de ses miracles. Si ce premier procès, dit procès apostolique est favorable, la Congrégation propose l’introduction de la cause au pape, qui l’accepte en signant un « bref ». Un procès de non-culte est ensuite ouvert, puis il est suivi d’un procès sur l’héroïcité des vertus du postulant, qui est réexaminé par la Sacrée Congrégation. Enfin, l’examen des miracles (au moins deux) permet l’ouverture du réel procès en canonisation.

Au XVIIe siècle, la Société des Bollandistes se livre à des contre-enquêtes sur la vie des saints pour dénicher les faux saints construits par idéologie, aboutissant à des procès de « décanonisation »[9].

La procédure est lourde : la Curie romaine s’adjoint en 1930 une section historique, afin de tirer parti des progrès de cette science. En 1939, le procès apostolique est supprimé pour les causes historiques (concernant des personnes mortes depuis très longtemps), simplification étendue en 1969 aux causes récentes. La même année, la Sacrée Congrégation des rites est dissoute, et la Sacrée Congrégation pour les causes des saints est créée pour les procès en canonisation. La procédure a encore été modifiée et simplifiée par Jean-Paul II (constitution Divinus perfectionnis magister en 1983), en réduisant le nombre des miracles requis et en accroissant l’attention portée à la sainteté de la vie menée, en laissant la décision finale au pape.

Parmi les dix mille saints dans la liste officielle de l'Église catholique (mais personne n'en connaît le nombre exact), près de 300 ont été canonisés selon cette procédure, la majorité ayant été proclamés saints par acclamation populaire[10]. Sur les 83 papes canonisés, presque tous l'ont été durant le premier millénaire du christianisme. Les derniers canonisés étant Célestin V, Pie V, Pie X, Jean XXIII et Jean-Paul II en 2014[11] et Paul VI en 2018.

Procédure de l'Église catholique[modifier | modifier le code]

On parle de procès en canonisation. Ce procès est instruit par la Congrégation pour les causes des saints, l'une des congrégations romaines du Saint-Siège, sise place Pie XII à Rome. La procédure est actuellement (2010) régie par la constitution apostolique Divinus perfectionis Magister du [12], complétée par les Normae servandae in inquisitionibus ab episcopis faciendis in causis sanctorum du 7 février 1983 publiées par cette Congrégation[13].

Aujourd'hui, pour être reconnue comme sainte une personne doit remplir plusieurs conditions. La procédure commune repose sur trois critères : le candidat, serviteur de Dieu laïc ou religieux, doit être mort en odeur de sainteté ; il doit avoir un rayonnement spirituel après sa mort (notion de réputation de sainteté, la fama sanctitatis qui doit être spontanée, durable, croissant continuellement et généralisée) avec des témoignages humains qui attestent son martyre ou ses vertus héroïques (pratique héroïque des trois vertus théologales et quatre vertus cardinales) ; il doit avoir accompli au moins deux miracles[14].

Outre cette canonisation formelle, la canonisation équipollente (appelée aussi canonisation équivalente) permet au pape d'étendre à l’Église universelle le culte d'un bienheureux et de l'inscrire au calendrier des saints en l'absence d'un procès en canonisation dans des conditions précises[15].

Introduction de la cause[modifier | modifier le code]

Le procès en canonisation commence par la déclaration reconnaissant « vénérable » la personne défunte. Celle-ci est alors reconnue digne de recevoir une vénération locale. Elle peut ensuite être béatifiée à la suite d'une béatification. Elle atteint alors le rang des « bienheureux » et peut faire l'objet d'un culte plus généralisé. Enfin, le « saint » fait, lui, l'objet d'un culte universel.

Tout baptisé ou groupe de baptisés peut demander l'ouverture d'un procès en canonisation. Pour cela, un postulateur de la cause doit être choisi. Il s'agit d'une personne (prêtre ou religieux ou laïc ou laïque) chargée premièrement d'assurer l'instruction préalable du dossier, et deuxièmement de porter la cause à Rome. À la suite de l'instruction préalable, le postulateur doit adresser une requête écrite à l'évêque du diocèse où est mort le candidat à la sainteté. Cette requête doit comprendre une biographie du candidat, une copie de l'ensemble de son œuvre le cas échéant et une liste de témoins pour les causes dites récentes (c'est-à-dire pour lesquelles des témoins directs sont encore en vie).

Si la requête est acceptée, c'est ensuite l'évêque, ou un délégué, qui est chargé d'instruire le dossier. Les règles de cette enquête diocésaine ont été redéfinies en 2007[16]. Au terme de cette seconde enquête diocésaine (après celle de la béatification), si l'évêque le juge pertinent, il transmet la cause à la Congrégation pour les causes des saints, qui mène l'instruction finale. Si la Congrégation accepte le dossier, elle nomme un rapporteur (ou relateur) chargé de faire une synthèse (appelée la « Positio ») de toute la documentation (biographie, vertus, les deux miracles)[17].

Déroulement du procès[modifier | modifier le code]

Canonisation de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face en 1925 à la basilique Saint-Pierre au Vatican.

Lors du procès romain, un collège de cardinaux et d'évêques étudie alors la positio. De la même façon que dans un procès criminel, l'accusation et la défense s'affrontent, dans un procès en canonisation, le postulateur de la cause tente de montrer que le bienheureux est digne d'être canonisé, tandis que le promoteur de justice (anciennement surnommé « Avocat du diable ») tente de prouver le contraire. De plus, un comité scientifique est chargé d'examiner le second miracle. Au terme de ce procès, les cardinaux et les évêques constituant la Congrégation rendent leur verdict à la suite d'un vote.

La relation des travaux de la congrégation ainsi que le verdict sont ensuite remis au pape, qui décrète ou non la canonisation lors d'un consistoire. Elle peut ensuite être proclamée au peuple catholique.

Au total, la procédure est longue. Elle peut prendre plusieurs dizaines d'années. Par ailleurs, certains saints bien connus ont attendu parfois plusieurs siècles leur consécration. C'est le cas de Jeanne d'Arc, morte en 1431 et canonisée en 1920. La longueur de chaque procès est toujours l'objet de commentaires. On a pu dire de Jean-Paul II, dont le règne a vu un grand nombre de canonisations, qu'il canonisait beaucoup plus rapidement que ses prédécesseurs. Néanmoins, au Moyen Âge, l'Église catholique romaine a également connu des canonisations très rapides. Parmi les records figurent Thomas Becket, canonisé en trois ans, François d'Assise en deux ans, Pierre de Vérone et Antoine de Padoue canonisés en un an. Dans la période contemporaine, la canonisation la plus rapide fut celle de Jean-Paul II survenue 9 ans après sa mort, le 27 avril 2014. Parmi les autres canonisations rapides figurent Mère Teresa (19 ans), Josemaria Escriva de Balaguer (27 ans), Thérèse de Lisieux (27 ans) et Padre Pio (33 ans).

Le coût de la procédure, financée par les fonds diocésains et les dons de la communauté, est estimé entre 15 000 et 3 millions euros[18]. En 2014, le pape François annonce l’instauration d’une grille tarifaire pour limiter le montant allouable aux procédures de béatification et de canonisation et diminuer les inégalités entre les 5 000 diocèses catholiques. Depuis 2003, sur 66 canonisations prononcées, 54 concernaient des Européens, dont une grande part d'Italiens alors que l'Occident ne pèse plus que pour un quart des fidèles. Cette nouvelle grille doit permettre ainsi à des diocèses de pays pauvres de proposer, eux aussi, des candidats[19].

Rite de canonisation[modifier | modifier le code]

Le rite de canonisation a lieu au tout début de la cérémonie solennelle de la canonisation. Le préfet de la Congrégation pour les causes des saints accompagné du postulateur de la cause de canonisation du bienheureux, s'avance et demande par trois fois en latin[20] au pape de procéder à la canonisation, à la suite desquelles le souverain pontife conclut par une formule déclarant saint la personne canonisée[21]. Après ce rite, la messe ordinaire du calendrier liturgique romain débute.

Canonisation équipollente[modifier | modifier le code]

Une canonisation équipollente est une canonisation décidée par un simple décret du pape sans que la reconnaissance d'un miracle ne soit nécessaire. Cette forme de canonisation, codifiée par Benoît XIV au XVIIIe siècle, nécessite trois éléments : la possession ancienne d’un culte lié à la personne à canoniser, l’attestation constante et répandue de ses vertus ou de son martyre par des historiens dignes de foi et la réputation ininterrompue d’accomplissement de prodiges[22]. Lorsque ces conditions sont remplies, le pape peut, de sa propre autorité, par un décret public, sans procès ni cérémonie de canonisation, procéder à une canonisation équipollente, c’est-à-dire étendre à l’Église universelle le culte liturgique en l'honneur du bienheureux.

Utilisations de la canonisation équipollente[modifier | modifier le code]

Codifiée par Benoît XIV, la canonisation équipollente existait de fait avant son pontificat. Le pape dresse lui-même dans son ouvrage De servorum Dei beatificatione et beatorum canonizatione une liste de 12 saints proclamés avant son pontificat, sur de tels critères. Il s'agit des saints : Romuald de Ravenne canonisé en 1595, Norbert de Xanten en 1582, Bruno le Chartreux en 1623, Pierre Nolasque en 1655, Raymond Nonnat en 1681, Étienne de Hongrie en 1686, Marguerite d’Écosse en 1691, Jean de Matha et Félix de Valois en 1694, Grégoire VII en 1728, Wenceslas de Bohême en 1729 et Gertrude de Helfta en 1738.

Depuis Benoît XIV, cette règle a été utilisée à quelques reprises, pour la canonisation de saints : Pierre Damien, Boniface en 1828, Cyrille et Méthode en 1880, Cyrille d'Alexandrie, Cyrille de Jérusalem, Justin de Naplouse, Augustin de Cantorbéry en 1882, Jean Damascène, Sylvestre Guzzolini en 1890, Bède le vénérable en 1899, Éphrem le Syrien en 1920, Albert le Grand en 1931, Marguerite de Hongrie (sainte) en 1943, Grégoire Barbarigo 1960, et Jean d'Avila ainsi que Nicolas Tavelic et ses trois compagnons martyrs en 1970. Jean-Paul II y a eu recours une seule fois, en 1995, pour la canonisation de saint Étienne Pongrácz et de ses compagnons Marc de Križevci et Melchior Grodziecki. Benoît XVI l'a également utilisée une fois en 2012, pour Hildegarde de Bingen, proclamée sainte le 10 mai 2012.

Le pape François l'a utilisée assez souvent, pour les saints : Angèle de Foligno le 9 octobre 2013, Pierre Favre le 17 décembre suivant, José de Anchieta, sœur Marie Guyart, Mgr François de Montmorency-Laval le 2 avril 2014, et Mgr Bartolomeu Fernandes.

Procédure de l'Église orthodoxe[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  • Régine Pernoud, Les Saints au Moyen Âge - La sainteté d’hier est-elle pour aujourd’hui ?, Paris, Plon, , 367 p. (ISBN 2-259-01186-1), pp. 266–279.
  1. a et b Pierre Delooz, « Pour une étude sociologique de la sainteté canonisée dans l'Église catholique », Archives des sciences sociales des religions, vol. 13, no 13,‎ , p. 19 (lire en ligne)
  2. Le plus souvent englobés dans l'autel du chœur ou exposés dessus, ils peuvent être aussi placés dans une chapelle.
  3. Edina Bozóky, La politique des reliques de Constantin à Saint Louis : protection collective et légitimation du pouvoir, Editions Beauchesne, , p. 233
  4. Michel Poizat, Vox populi, vox Dei. Voix et pouvoir, Éditions Métailié, , p. 238
  5. A. Jönsson, St. Eric of Sweden - the Drunken Saint ?, Analecta Bollandiana, vol. 109, nos 3-4, p. 331-346 (ISSN 0003-2468)
  6. Giorgio Bouchard, Christianisme, Liana Levi, , p. 129
  7. Canon 64
  8. André Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Age, École française de Rome, , p. 29
  9. Jean Baptiste Carnandet, Justin Louis Pierre Fèvre, Les Bollandistes et l'hagiographie ancienne et moderne. Études sur la collection des Actes des saints, précédées de considérations générales sur la vie des saints et d'un traité sur la canonisation, L. Gauthier, , 570 p.
  10. (en) Rosemary Guiley, The Encyclopedia of Saints, Infobase Publishing, , p. 10
  11. (en) Christopher M. Bellitto, 101 Questions & Answers on Popes and the Papacy, Paulist Press, , p. 149 et 173
  12. Jean-paul II Constitutions Apostoliques, , Divinus perfectionis Magister en français
  13. (la) Normes disponibles sur le site la Congrégation en latin, anglais, italien, portugais, et en français
  14. (en) Kenneth L. Woodward, Making Saints, Simon and Schuster, , p. 223-227
  15. (en) Lancelot Capel Sheppard, The Saints who never were, Pflaum Press, , p. 10
  16. Congregatio de causis sanctorum
  17. Michel Dubost et Stanislas Lalanne, Théo. Les saints, Fleurus, , p. 10-15
  18. Thierry Fiorilli, « Jean-Paul II et Jean XXIII bientôt canonisés », sur Le Vif/L'Express,
  19. Thomas Féat, « Le pape instaure la sainteté low-cost », sur Le Figaro,
  20. Contre une fois lors du rituel de béatification, pour marquer la solennité de la démarche.
  21. (it) « Il rito della Canonizzazione », sur cattoliciromani.com,
  22. Journal du Vatican / En quelques mois six nouveaux saints canonisés en dehors des règles, Sandro Magister, 19 mars 2014

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Sur les autres projets Wikimedia :

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Vincenzo Lelièvre (préf. Mgr E. Gagnon), Les jeunes peuvent-ils être canonisés ?, Téqui, , 529 p. (présentation en ligne)
  • Philippe Jansen, Philippe Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, Paris, Fayard, (ISBN 2-213-618577).
  • André Vauchez, La sainteté en Occident aux derniers siècles du Moyen Âge (1198-1431), Rome, 1981 (BEFAR, 241).
  • Gábor Klaniczay (dir.), Procès de canonisation au Moyen Âge : aspects juridiques et religieux, Collection de l'École française de Rome, no 340, Rome, 2004 (ISBN 2-7283-0723-7).
  • Patrick Sbalchiero, L'Église face aux miracles. de l'Évangile à nos jours, Paris, Fayard, 2007.
  • Jérôme Anciberro, Presque saints ! Canonisations ratées et autres causes délicates, Tallandier, 2020.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]