« Trahison de l'Ouest » : différence entre les versions

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[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-R69173, Münchener Abkommen, Staatschefs.jpg|thumb|{{date|29|septembre|1938}} : [[Neville Chamberlain]], [[Édouard Daladier]], [[Adolf Hitler]] et [[Benito Mussolini]] à [[Accords de Munich|Munich]]]]
[[Fichier:Bundesarchiv Bild 183-R69173, Münchener Abkommen, Staatschefs.jpg|thumb|{{date|29|septembre|1938}} : [[Neville Chamberlain]], [[Édouard Daladier]], [[Adolf Hitler]] et [[Benito Mussolini]] lors des [[Accords de Munich]].]]
[[Fichier:Churchill Stalin percentage agreement 1944.jpg|thumb|right|Conservé à la Bildarchiv der Österreichischen Nationalbibliothek de [[Vienne (Autriche)|Vienne]], le fameux accord des « zones d'influence » contresigné par Churchill et Staline à la [[Conférence de Moscou (1944)|Conférence de Moscou]] le {{Date|9|octobre|1944}}.]]
[[Fichier:Yalta summit 1945 with Churchill, Roosevelt, Stalin.jpg|thumb|La [[conférence de Yalta]]. Les trois hommes assis sont [[Winston Churchill]], [[Franklin Delano Roosevelt]] et [[Joseph Staline]].]]


La notion de '''trahison de l'Ouest''' se définit, dans une partie de l’[[historiographie]] des pays d'[[Europe centrale et orientale]], de la [[Grèce]], de [[Chypre (pays)|Chypre]] et des [[géopolitique en mer Méditerranée orientale|pays de la Méditerranée orientale]], en réaction à l’évolution de la [[politique étrangère]] de l'[[Occident]].
[[Fichier:Churchill si crucificarea Romaniei.jpg|thumb|right|Conservé à la Bildarchiv der Österreichischen Nationalbibliothek de [[Vienne (Autriche)|Vienne]], le fameux accord des « zones d'influence » contresigné par Churchill et Staline à Moscou le {{Date|9|octobre|1944}}.]]
[[Fichier:Yalta summit 1945 with Churchill, Roosevelt, Stalin.jpg|thumb|La [[conférence de Yalta]]. Les trois hommes assis : [[Winston Churchill]], [[Franklin Delano Roosevelt]] et [[Joseph Staline]].]]

La notion de '''trahison de l'Ouest''' se définit, dans une partie de l’[[historiographie]] des [[Europe centrale et orientale|pays d’Europe centrale et orientale (PECO)]], de la [[Grèce]], de [[Chypre (pays)|Chypre]] et des [[Géopolitique en mer Méditerranée orientale|pays de la Méditerranée orientale]], en référence à l’évolution de la [[politique étrangère]] des [[Europe de l'Ouest|puissances occidentales]].


== Substrat historique et étapes ==
== Substrat historique et étapes ==
Cette perception d’une « trahison » dont les pays d’[[Europe centrale et orientale]] et de [[Géopolitique en mer Méditerranée orientale|Méditerranée orientale]] se ressentent comme « victimes », puise à plusieurs sources :
Cette perception d’une « trahison », dont les pays d’[[Europe centrale et orientale]] et de [[géopolitique en mer Méditerranée orientale|Méditerranée orientale]] se ressentent comme « victimes », puise à plusieurs sources :


* dans les pays de tradition [[Église orthodoxe|orthodoxe]], cette perception remonte à la [[quatrième croisade]], qui a gravement isolé et affaibli l’[[Empire byzantin]] face aux [[Ottomans|Turcs]] et que les lettrés [[Occident chrétien|occidentaux]] ont par la suite tenté de justifier par la [[séparation des Églises d'Orient et d'Occident]] en rejetant la responsabilité de cette rupture sur les seuls [[Christianisme oriental|orientaux]] ;
* Dans les pays de tradition [[Église orthodoxe|orthodoxe]], cette perception remonte à la [[Quatrième croisade]], qui isola et affaiblit gravement l’[[Empire byzantin]] face aux [[Ottomans]], que les lettrés de l'[[Occident chrétien]] utiliseront pour tenter de justifier par la [[séparation des Églises d'Orient et d'Occident]] en mettant la responsabilité de cette rupture uniquement sur le [[christianisme oriental]].


* chez les peuples d’Europe centrale et orientale et de [[Géopolitique en mer Méditerranée orientale|Méditerranée orientale]], la perception d’une « trahison » provient du désengagement par étapes des [[Europe de l'Ouest|puissances occidentales]], qui avaient aux {{s2|XVIII|e|XIX}}, en lien avec le mouvement des « [[Lumières (philosophie)|Lumières]] », soutenu les mouvements d’émancipation de ces populations selon le « [[droit des peuples à disposer d'eux-mêmes]] » exprimé par les [[Quatorze points de Wilson|14 points]] du président américain [[Woodrow Wilson]] pendant la [[Première Guerre mondiale]]<ref>M. Chaulanges, J.M. D'Hoop, ''Histoire contemporaine, 1789-1848'', Delagrave, Paris, 1960, p. 267-283 et L. Genet, ''L'époque contemporaine, 1848-1914'', Hatier, Paris, 1961, p. 12-24, 56-62, 85, 295-338, 478-503.</ref> ; une première manifestation d’envergure de ce désengagement fut le [[Congrès de Berlin]] de [[1878]], ces mêmes puissances ont empêché les états des [[Balkans]] de réaliser leurs aspirations ; une deuxième est le reniement en [[1918]] au [[proche-Orient]], des promesses (d’ailleurs contradictoires) faites [[République démocratique d'Arménie|aux Arméniens]], [[Traité de Sèvres|aux Kurdes]], [[Royaume arabe de Syrie|aux Arabes]] et [[Histoire du peuple juif|aux Juifs]] ([[déclaration Balfour]]) ;
* Chez les peuples d’Europe centrale et orientale et de Méditerranée orientale, la perception d’une « trahison » provient du revirement de l'[[Europe de l'Ouest]], qui, aux {{s2|XVIII|e|XIX}}, en lien avec le mouvement des « [[Lumières (philosophie)|Lumières]] », soutint d’abord leurs mouvements d’émancipation et promu le « [[droit des peuples à disposer d'eux-mêmes]] »<ref>Le « [[droit des peuples à disposer d'eux-mêmes]] » motivait explicitement les [[Quatorze points de Wilson|Quatorrze points]] du président américain [[Woodrow Wilson]] pendant la [[Première Guerre mondiale]] : M. Chaulanges, J.M. D'Hoop, ''Histoire contemporaine, 1789-1848'', Delagrave, Paris, 1960, p. 267-283 et L. Genet, ''L'époque contemporaine, 1848-1914'', Hatier, Paris, 1961, p. 12-24, 56-62, 85, 295-338, 478-503.</ref> mais s’en désengagea ensuite par étapes, comme lors du [[Congrès de Berlin]] de 1878, quand ces mêmes puissances empêchèrent les états des [[Balkans]] de réaliser leurs aspirations. De plus, l'Occident renia en 1918 au [[Proche-Orient]], des promesses (d’ailleurs contradictoires) faites [[République démocratique d'Arménie|aux Arméniens]], [[Traité de Sèvres|aux Kurdes]], [[Royaume arabe de Syrie|aux Arabes]] et [[histoire du peuple juif|aux Juifs]] ([[Déclaration Balfour de 1917|déclaration Balfour]]). Finalement, il y eut l’inaction occidentale face à la persécution et l’extermination des chrétiens d’[[Anatolie]] ([[génocides]] [[Génocide arménien|arménien]], [[Génocide grec pontique|grec pontique]], [[Génocide assyrien|assyrien]] et autres) qui conclut en 1923 par le [[traité de Lausanne (1923)|traité de Lausanne]].


* dans la période [[1936]]-[[1939]], les Alliés de l’Ouest qui avaient jusqu’alors promu la [[démocratie]] et l’[[auto-détermination]] pour les peuples d’Europe centrale et orientale, ont renié leurs engagements en laissant [[Adolf Hitler|Hitler]] remilitariser la [[Rhénanie]], [[Anschluss|annexer l’Autriche]] et [[accords de Munich|démembrer la Tchécoslovaquie]] ;
* Entre 1936 et 1939, les Alliés de l’Ouest, qui avaient jusqu’alors promu la [[démocratie]] et l’[[auto-détermination]] pour les peuples d’Europe centrale et orientale, renièrent leurs engagements en laissant [[Adolf Hitler]] remilitariser la [[Rhénanie]], [[Anschluss|annexer l’Autriche]] et [[accords de Munich|démembrer la Tchécoslovaquie]].


* au début de la [[Seconde Guerre mondiale]], dans la période [[1939]]-[[1940]], ils sont restés militairement passifs à l’Ouest, se contentant d’[[Offensive de la Sarre|occuper temporairement la Sarre]] pendant qu’[[Pacte germano-soviétique|Hitler et Staline anéantissaient la Pologne]] à l’Est ([[Campagne de Pologne (1939)|invasion allemande de la Pologne]] et [[invasion soviétique de la Pologne]]) ;
* Au début de la [[Seconde Guerre mondiale]], entre 1939 1940, l'Occident resta militairement passif à l’ouest et se contenta d’[[offensive de la Sarre|occuper temporairement la Sarre]] pendant que[[Pacte germano-soviétique|l'Allemagne et l'URSS anéantissaient la Pologne]] à l’est ([[Campagne de Pologne (1939)|invasion allemande de la Pologne]] et [[invasion soviétique de la Pologne]]).


* au cours de la [[Seconde Guerre mondiale]], dans la période [[1943]]-[[1945]], les Alliés, malgré les révélations d’agents comme [[Jan Karski]] ou [[Erwin Respondek]], ne font rien pour arrêter la [[Shoah|machine d’extermination nazie]] (voies ferrées desservant les [[Camps d'extermination nazis|camps de la mort]]) ni pour secourir la [[Armia Krajowa|résistance polonaise]] durant l’[[insurrection de Varsovie]]<ref>[[Jan Karski]], ''Mon témoignage devant le monde : histoire d'un état clandestin'' Robert Laffont, 2010</ref> et abandonnent la [[Armée yougoslave de la patrie|résistance loyaliste yougoslave]] au profit de la [[Armée populaire de libération et détachements de Partisans de Yougoslavie|résistance communiste]], ainsi que le [[gouvernement polonais en exil]] tenu à l’écart des tractations avec les Soviétiques concernant le sort des frontières de la Pologne, trahissant ainsi l’[[Armée polonaise de l'ouest]]<ref>Le 25 juillet 1945, le Président américain et le Premier ministre britannique déclarèrent qu’ils ne toléreraient pas de zone d'occupation polonaise en [[occupation de l'Allemagne après la Seconde Guerre mondiale|Allemagne proprement-dite]], car cela aurait implicitement reconnu à la Pologne son statut de quatrième puissance Alliée, statut désormais attribué la [[Gouvernement provisoire de la République française|France libre]] : US Dept of State, ''Foreign Relations of the US, The Conference of Berlin (Potsdam) 1945'', vol. II, p. 381 et [[Wladyslaw Anders]], ''Mémoires 1939-1945'', La Jeune Parque, Paris 1948</ref>, sans compter leur refus d’accueillir ou de laisser débarquer des [[réfugié]]s [[Tragédie du Struma|fuyant la Shoah]] ou le [[Goulag]]<ref>Georges Coudry, ''Les Camps soviétiques en France : les Russes livrés à Staline en 1945'', Albin Michel, {{ISBN|2-226-08936-5}}</ref> ;
* Toujours lors de la Seconde Guerre mondiale, entre 1943 et 1945, les Alliés, malgré les révélations d’agents comme [[Jan Karski]] et [[Erwin Respondek]], ne tentèrent pas d’arrêter la [[Shoah|machine d’extermination nazie]] (voies ferrées desservant les [[camps d'extermination nazis|camps de la mort]]) ou de secourir la [[Armia Krajowa|résistance polonaise]] durant l’[[insurrection de Varsovie]]<ref>[[Jan Karski]], ''Mon témoignage devant le monde : histoire d'un état clandestin'' Robert Laffont, 2010</ref>. De plus, l'Occident abandonna la [[Armée yougoslave de la patrie|résistance loyaliste yougoslave]] au profit des [[Armée populaire de libération et détachements de Partisans de Yougoslavie|partisans communistes]]<ref>En fait, [[Winston Churchill]] fit ce choix parce qu'il a été manipulé par les « [[Cinq de Cambridge]] », agents soviétiques qui dirigeaient les services de renseignement britanniques et le convainquirent qu'en Yougoslavie, seuls les partisans étaient une force antinazie fiable : Gianni Ferraro, ''Enciclopedia dello spionaggio nella Seconda Guerra Mondiale'', éd. Sandro Teti, {{ISBN|978-88-88249-27-8}} et point de vue exprimé dans le film de [[Guy Hamilton]], ''[[L'ouragan vient de Navarone]]''.</ref> et tint à l'écart le [[gouvernement polonais en exil]] des [[discussions des Alliés sur la question polonaise]] en trahissant ainsi l’[[Armée polonaise de l'ouest]]<ref>Le 25 juillet 1945, le président américain et le premier ministre britannique déclarèrent qu’ils ne toléreraient pas une zone polonaise d'[[occupation de l'Allemagne après la Seconde Guerre mondiale|occupation en l'Allemagne]] puisque cela aurait implicitement reconnu à la Pologne son statut de quatrième puissance Alliée, désormais attribué à la [[Gouvernement provisoire de la République française|France libre]] : US Department of State, ''Foreign Relations of the US, The Conference of Berlin (Potsdam) 1945'', vol. II, p. 381 et [[Wladyslaw Anders]], ''Mémoires 1939-1945'', La Jeune Parque, Paris 1948</ref>. De plus, l'Occident refusa d’accueillir ou de laisser débarquer des [[réfugiés]] [[Tragédie du Struma|fuyant la Shoah]] ou le [[goulag]]<ref>Georges Coudry, ''Les Camps soviétiques en France : les Russes livrés à Staline en 1945'', Albin Michel, {{ISBN|2-226-08936-5}}</ref>.


* après la guerre, dans la période [[1945]]-[[1949]], malgré leur supériorité militaire ([[bombe atomique]]) les Alliés occidentaux n’ont pas exigé de [[Staline]] la [[démocratie]] et l’[[auto-détermination]] des peuples, mais, s’en tenant au [[Conférence de Moscou (1944)|fameux accord]] des « [[Zone d'influence|zones d’influence]] », du [[9 octobre]] [[1944]] à [[Moscou]] (entériné par la [[conférence de Yalta]]) ont laissé [[Joseph Staline]] imposer des [[dictature]]s d’[[État communiste|obédience soviétique]] qui dureront autour de 45 ans dans les pays de l’Est ; les Grecs, pour leur part, estiment que cette « trahison de l’Occident » les a au contraire empêchés de construire le régime socialiste qu’une [[ELAS|majorité d’entre eux souhaitait]], provoqué [[Guerre civile grecque|une guerre civile]] et abouti ultérieurement à la [[dictature des colonels]] et à la partition de [[Chypre (île)|Chypre]] ;
* Après la guerre, entre 1945 et 1949, malgré leur supériorité militaire ([[bombe atomique]]) les Alliés occidentaux n’exigèrent pas des Soviétiques la [[démocratie]] et l’[[auto-détermination]] mais, en souscrivant au [[Conférence de Moscou (1944)|fameux accord]] des « [[Zone d'influence|zones d’influence]] », du {{date|9 octobre 1944}} à [[Moscou]] (entériné par la [[conférence de Yalta]]) laissèrent [[Joseph Staline]] imposer des [[dictatures]] d’[[État communiste|obédience soviétique]], qui dureront autour de 45 ans dans les [[Bloc de l'Est|pays de l’Est]]. Les Grecs, pour leur part, estiment que cette « trahison de l’Occident » les empêcha au contraire de construire le régime socialiste, souhaité par [[ELAS|une majorité selon eux]], provoqua la [[Guerre civile grecque]] et aboutit ultérieurement à la [[dictature des colonels]] et à la partition de [[Chypre (île)|Chypre]] ;


* la « [[realpolitik]] » et la « [[Détente (guerre froide)|détente]] » avec les [[État communiste|gouvernements dictatoriaux]] issus de la domination [[stalinien]]ne ont aussi été perçus par les populations concernées comme une « trahison », notamment en [[1968]] lors de l’écrasement du [[Printemps de Prague]] et l’étouffement du [[socialisme à visage humain]] (« [[Normalisation en Tchécoslovaquie|normalisation]] ») ;
* La « [[Realpolitik]] » et la « [[détente (guerre froide)|détente]] » avec les [[État communiste|dictateurs communistes]] issus de la domination stalinienne sont aussi perçues par les populations concernées comme une « trahison », notamment en 1968 lors de l’écrasement du [[Printemps de Prague]] et l’étouffement du [[socialisme à visage humain]] (« [[normalisation en Tchécoslovaquie|normalisation]] »).


* après la [[Chute des régimes communistes en Europe|chute]] du [[Mur de Berlin]] et du [[Rideau de fer]], dans la période [[1991]]-[[2007]], les pays de l’Ouest ont en théorie promu la démocratie, la liberté, la paix, la solidarité internationale et l’[[état de droit]], mais en pratique ne firent pas pression sur les [[Post-communisme|gouvernants ex-communistes pour aller dans ce sens]], ne soutinrent pas les [[Dissidence|dissidents démocrates]] et ne proposèrent pas de nouveau [[plan Marshall]] aux pays livrés à la dictature durant près d’un demi-siècle, mais négocièrent avec les dirigeants post-communistes issus de la [[nomenklatura]], en posant des conditions sévères à l’intégration de ces pays dans l’[[Union européenne]]<ref>[[Simone Veil]], travaux de la commission internationale pour les Balkans et du groupe de travail sur la libre circulation des personnes sur [http://www.fenetreeurope.com/php/page.php?section=actu&id=22007]</ref>, en limitant le droit des personnes à circuler, en prenant parti pour les mouvements centrifuges dans le conflit yougoslave et en procédant à des expulsions de ressortissants des « [[Europe centrale et orientale|PECO]] ».
* Après la [[chute des régimes communistes en Europe|chute]] du [[Rideau de fer]] et du [[Mur de Berlin]], dans la période [[1991]]-[[2007]], l'Occident promut en théorie la démocratie, la liberté, la paix, la solidarité internationale et l’[[état de droit]] mais en pratique ne fit pas pression sur les [[post-communisme|gouvernants ex-communistes pour aller dans ce sens]], ne soutint pas les [[dissidence|dissidents]] démocrates et ne proposa pas de nouveau [[plan Marshall]] aux pays livrés à la dictature durant près d’un demi-siècle, mais il négocia avec les dirigeants post-communistes issus de la [[nomenklatura]] en posant des conditions économiques sévères à l’intégration de ces pays dans l’[[Union européenne]]<ref name="ref_auto_1">[[Simone Veil]], travaux de la commission internationale pour les Balkans et du groupe de travail sur la libre circulation des personnes sur [http://www.fenetreeurope.com/php/page.php?section=actu&id=22007]</ref>, en limitant le droit des personnes à circuler, en prenant parti pour les mouvements centrifuges dans le [[Guerres de Yougoslavie|conflit yougoslave]] et en procédant à des expulsions de ressortissants de l'Europe centrale et orientale<ref name="ref_auto_1" />.


Cette notion de « trahison de l’Ouest » pourrait se définir par la formule « quand ils n’ont plus eu besoin de nous, ils nous ont abandonnés à la tyrannie »<ref>Oskar Krejčí : ''Geopolitics of the Central European Region. The view from Prague and Bratislava'', éd. Veda, Bratislava 2005, 494 p., sur [http://book.publica.cz/ "Geopolitics of the Central European Region. The view from Prague and Bratislava"].</ref>. Il n’en demeure pas moins que cette « trahison » est moins l’effet d’une politique planifiée des Occidentaux que d’une perception ''a posteriori'' de décisions souvent prises dans l’improvisation, ayant conduit à l’abandon des pays amis d’Europe centrale et orientale considérés comme quantité négligeable<ref>Par exemple, le fameux accord des « zones d’influence » avait été esquissé mais non précisé au printemps 1943 lorsque [[Winston Churchill]] et [[Anthony Eden]] s’étaient rendus à Moscou pour conférer avec [[Joseph Staline]] et [[Viatcheslav Molotov]] : selon Diane S. Clemens, "Yalta Conference" World Book. 2006 ed. vol. 21. 2006, {{p.|549}} et “Yalta Conference” Funk & Wagnells New Encyclopedia, World Almanach Education Group, 2003, Philadelphie, États-Unis; Mot-clef: Yalta Conference et Pierre de Senarclens, ''Yalta'', que sais-je ?, PUF, 1990, {{p.|50-52}}, Churchill aurait dit à Staline le {{Date|9|octobre|1944}} à Moscou {{citation|Ne nous disputons pas pour des choses qui n'en valent pas la peine}} puis prit une demi-feuille de papier, griffonna ses propositions et tendit le papier à Staline, qui sortit de sa vareuse un crayon bleu de charpentier et traça un "V" pour marquer son approbation.</ref>.
Cette notion de « trahison de l’Ouest » pourrait se définir par la formule « ''quand ils n’ont plus eu besoin de nous, ils nous ont abandonnés à la tyrannie'' »<ref>Oskar Krejčí : ''Geopolitics of the Central European Region. The view from Prague and Bratislava'', éd. Veda, Bratislava 2005, 494 p., sur [http://book.publica.cz/ "Geopolitics of the Central European Region. The view from Prague and Bratislava"].</ref>. Il n’en demeure pas moins que cette « trahison » est moins l’effet d’une politique planifiée des Occidentaux que d’une perception ''a posteriori'' de décisions souvent prises dans l’improvisation qui conduisirent à l’abandon des pays amis d’Europe centrale et orientale, considérés comme quantité négligeable<ref>Par exemple, le fameux accord des « zones d’influence » avait été esquissé mais non précisé à la [[conférence de Téhéran]] lorsque [[Winston Churchill]], en position de faiblesse face à l'émissaire américain, [[Harry Hopkins]], et à [[Joseph Staline]] à la suite de sa [[campagne du Dodécanèse|défaite en mer Égée]], renonça à toute prétention sur l'[[Europe de l'Est]] en échange de la garantie de conserver la Grèce dans la [[zone d'influence]] britannique : Pascal Boniface, ''Le grand livre de la géopolitique : les relations internationales depuis 1945 - Défis, conflits, tendances, problématiques'', ed. Eyrolles 2014 ; Diane S. Clemens, "Yalta Conference" World Book. 2006 ed. vol. 21. 2006, {{p.|549}} et “Yalta Conference” Funk & Wagnells New Encyclopedia, World Almanach Education Group, 2003, Philadelphie, États-Unis; Mot-clef: Yalta Conference et Pierre de Senarclens, ''Yalta'', que sais-je ?, PUF, 1990, {{p.|50-52}}.</ref>.


== Exemples polonais et yougoslave ==
== Exemples polonais et yougoslave ==
Lors des [[conférences interalliées]] [[Conférence de Téhéran|de Téhéran]] (28 novembre-9 octobre 1944), de Moscou (le {{date|9|octobre|1944}}), [[conférence de Malte|de Malte]] (du 30 janvier au 2 février 1945) et [[Conférence de Yalta|de Yalta]] (du 4 au 11 février 1945), fut décidé le déplacement vers l’ouest des frontières de la [[Pologne]] afin que l’URSS puisse garder les territoires polonais obtenus par le [[pacte germano-soviétique]]. Le [[Gouvernement polonais en exil|gouvernement polonais en exil à Londres]] n’en fut ni informé ni consulté. On ne précisa pas les nouvelles frontières de la Pologne, les Britanniques pour éviter les protestations du gouvernement polonais et Roosevelt pour ne pas choquer les Américains d’origine polonaise. Après la conférence, des fuites révélèrent que Britanniques et Américains avaient consenti à valider les frontières obtenues par Staline au pacte germano-soviétique. [[Anthony Eden]] (devant la [[Chambre des communes du Royaume-Uni|Chambre des Communes]] le 15 décembre 1943) et Roosevelt (devant le [[Congrès des États-Unis|Congrès]] le 11 janvier 1944) se livrèrent à des dénégations mensongères<ref>Céline Gervais-Francelle, ''Introduction'' à l'édition française 2011 de Jan Karski, ''Mon témoignage devant le monde'', format de poche, p. 18.</ref>. De plus, la frontière orientale de la Pologne fut, comme annoncé, calée non sur la véritable [[ligne Curzon]] de 1919, qui laissait [[Lviv|Lwow]] à la Pologne (ligne surnommée par les Soviétiques « ligne Curzon B ») mais sur un tracé nommé « ligne Curzon A » proche du [[Pacte germano-soviétique|tracé germano-soviétique de 1939]] et donnant [[Lviv|Lwow]] à l’URSS. Plus symboliquement mais non moins douloureusement pour les Polonais, les membres de l’[[Armée polonaise de l'ouest]] ne furent pas invités à participer au défilé de la Victoire à Londres le 8 juin 1946. Du point de vue polonais, la Pologne a été traitée comme si elle avait été un ennemi des [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|Alliés]]<ref>Tadeusz Piotrowski, ''Poland's Holocaust: Ethnic Strife, Collaboration with Occupying Forces and Genocide in the Second Republic, 1918-1947'', McFarland & Company, 1997.</ref> et cela influence sur l’évolution ultérieure du pays, d’autant que durant la [[République populaire de Pologne|dictature communiste]] et notamment pendant le long combat du syndicat ''[[Solidarność]]'' contre cette dictature, le seul soutien extérieur clairement affirmé est venu de la [[papauté]] alors assumée par un Polonais, [[Karol Wojtyla]].
Lors des [[conférences interalliées]] [[Conférence de Téhéran|de Téhéran]] ({{date-|28 novembre}}-{{date-|9 octobre 1944}}), de Moscou (le {{date|9|octobre|1944}}), [[conférence de Malte|de Malte]] (du {{date-|30 janvier}} au {{date-|2 février 1945}}) et [[Conférence de Yalta|de Yalta]] (du 4 au {{date-|11 février 1945}}), fut [[Discussions des Alliés sur la question polonaise|décidé le déplacement vers l’ouest]] des [[frontières de la Pologne]] afin que l’URSS puisse garder les territoires polonais obtenus par le [[pacte germano-soviétique]]. Le [[Gouvernement polonais en exil|gouvernement polonais en exil à Londres]] n’en fut ni informé ni consulté. On ne précisa pas les nouvelles frontières de la Pologne, les Britanniques pour éviter les protestations du gouvernement polonais et les Américains pour ne pas choquer les Américains d’origine polonaise. Après la conférence, des fuites révélèrent que Britanniques et Américains avaient consenti à valider les frontières obtenues par Staline au pacte germano-soviétique. [[Anthony Eden]] (devant la [[Chambre des communes du Royaume-Uni|Chambre des Communes]] le {{date-|15 décembre 1943}}) et Roosevelt (devant le [[Congrès des États-Unis|Congrès]] le {{date-|11 janvier 1944}}) se livrèrent à des dénégations mensongères<ref>Céline Gervais-Francelle, ''Introduction'' à l'édition française 2011 de Jan Karski, ''Mon témoignage devant le monde'', format de poche, p. 18.</ref>. De plus, la frontière orientale de la Pologne fut, comme annoncé, calée non sur la véritable [[ligne Curzon]] de 1919, qui laissait [[Lviv|Lwow]] à la Pologne (ligne surnommée par les Soviétiques « ligne Curzon B »), mais sur un tracé nommé « ligne Curzon A » proche du [[Pacte germano-soviétique|tracé germano-soviétique de 1939]] et donnant [[Lviv|Lwow]] à l’URSS.
Plus symboliquement mais non moins douloureusement pour les Polonais, les membres de l’[[Armée polonaise de l'ouest]] ne furent pas invités à participer au défilé de la Victoire à Londres le {{date-|8 juin 1946}}. Du point de vue polonais, la Pologne a été traitée comme si elle avait été un ennemi des [[Alliés de la Seconde Guerre mondiale|Alliés]]<ref>Tadeusz Piotrowski, ''Poland's Holocaust: Ethnic Strife, Collaboration with Occupying Forces and Genocide in the Second Republic, 1918-1947'', McFarland & Company, 1997.</ref>, ce qui pèsera sur l’évolution ultérieure du pays, d’autant que durant la [[République populaire de Pologne|dictature communiste]] et notamment pendant le long combat du syndicat ''[[Solidarność]]'' contre cette dictature, le seul soutien extérieur clairement affirmé est venu de la [[papauté]], alors assumée par un Polonais, [[Karol Wojtyla]].

En [[Yougoslavie]], concernant les opérations dans les [[Balkans]] occupés, [[Winston Churchill]] annonça à Staline son intention de soutenir les [[Armée populaire de libération et détachements de Partisans de Yougoslavie|partisans]] [[Ligue des communistes de Yougoslavie|communistes]], dirigés par [[Tito]], plutôt que le groupe légitimiste des [[Tchetniks]], dirigés par [[Draža Mihailović]] et obéissant au [[Gouvernement yougoslave en exil]] à Londres. Churchill avait pris cette décision sur la base de rapports qui concluaient que les partisans infligeraient aux Allemands bien plus de dommages que les Tchetniks<ref>{{Ouvrage|auteur1=Branko Miljuš|titre=La révolution yougoslave|éditeur=L'Âge d'homme|année=1982|pages totales=247|passage=119-133|isbn=|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=OSZjgQ55smgC&printsec=frontcover|titre chapitre=La collaboration avec l'ennemi}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur1=Dusan-T Batakovic|titre=Histoire du peuple serbe|éditeur=L'Âge d'homme|année=2005|pages totales=386|passage=337|isbn=|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=a0jA_LdH6nsC&printsec=frontcover}}.</ref> (dont des groupes dissidents, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en Dalmatie, distincts de ceux de Mihailović, collaboraient parfois avec les occupants pour combattre les communistes) et sans se douter que ces rapports exagéraient largement le nombre des groupes dissidents et minimisaient les forces de Mihailović.

En effet, ces rapports étaient falsifiés par les « [[Cinq de Cambridge]] » (un groupe d’agents de renseignement britanniques du [[Secret Intelligence Service|SIS]] travaillant en fait pour le [[NKVD]] stalinien)<ref>Christopher Andrew et Oleg Gordievsky, {{en}} ''Le KGB dans le monde, 1917-1990'', Fayard 1990, {{ISBN|2213026009}} et Christopher Andrew, {{en}} ''Le KGB contre l'Ouest (1917-1991) : les archives Mitrokhine'', Fayard, 2000, 982 p.</ref>. Mihailović et ses hommes, qui avaient déjà payé un lourd tribut à la répression allemande, furent tués ou mis au [[travaux forcés|travail forcé]] dans les camps du [[République fédérative socialiste de Yougoslavie|régime yougoslave titiste]]. Le gouvernement légitime, réfugié à Londres, se trouva abandonné et de nombreux membres n’eurent plus qu’à demander l’asile politique, qui ne leur fut accordé qu’à la condition de leur silence<ref>Jean-Christophe Buisson, ''Le général Mihajlovic (1893-1946), héros trahi par les Alliés'', Perrin 1999, {{ISBN|2-262-01393-4}}.</ref>.


Enfin, les [[Église orthodoxe serbe|orthodoxes ex-yougoslaves]] eurent le sentiment qu’après 1991, au lieu d'exiger une transition démocratique pacifique, l'Occident encouragea, sous peine de sanctions économiques, la [[Guerres de Yougoslavie|dislocation violente de la Yougoslavie]], déclara les [[Serbes]] « seuls agresseurs » et livra des armes aux indépendantistes [[Église catholique romaine|catholiques]] (en [[Slovénie]], [[Croatie]] et [[Bosnie-Herzégovine]]) et [[musulmans]] (en [[Bosnie-Herzégovine]] et au [[Kosovo]])<ref>[[Michel Collon]], ''Poker menteur : les grandes puissances, la Yougoslavie et les prochaines guerres'', éd. EPO, Bruxelles 1998, {{ISBN|2872621148}}.</ref>.
En [[Yougoslavie]], concernant les opérations dans les [[Balkans]] occupés, Churchill annonça à Staline son intention de soutenir les [[Armée populaire de libération et détachements de Partisans de Yougoslavie|partisans]] [[Parti communiste de Yougoslavie|communistes]] dirigés par [[Josip Broz Tito|Tito]] plutôt que le groupe légitimiste des [[Tchetniks]] dirigés par [[Draža Mihailović]] et obéissant au [[Gouvernement yougoslave en exil|gouvernement yougoslave en exil à Londres]]. Churchill avait pris cette décision sur la base de rapports qui concluaient que les Partisans infligeraient aux Allemands bien plus de dommages que les Tchetniks<ref>{{Ouvrage|auteur=Branko Miljuš|titre=La révolution yougoslave|éditeur=L'Âge d'homme|année=1982|pages totales=247|passage=119-133|titre chapitre=La collaboration avec l'ennemi|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=OSZjgQ55smgC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false}}</ref>{{,}}<ref>{{Ouvrage|auteur=Dusan-T Batakovic|titre=Histoire du peuple serbe|éditeur=L'Âge d'homme|année=2005|pages totales=386|passage=337|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=a0jA_LdH6nsC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false}}.</ref> (dont des groupes dissidents, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en Dalmatie, distincts de ceux de Mihailović, collaboraient parfois avec les occupants pour combattre les communistes) et sans se douter que ces rapports exagéraient largement le nombre des groupes dissidents et minimisaient les forces de Mihailović. En effet, ces rapports étaient falsifiés par les « [[Cinq de Cambridge]] » (un groupe d’agents de renseignement britanniques du [[Secret Intelligence Service|SIS]] travaillant en fait pour le [[NKVD]] stalinien)<ref>Christopher Andrew et Oleg Gordievsky, {{en}} ''Le KGB dans le monde, 1917-1990'', Fayard 1990, {{ISBN|2213026009}} et Christopher Andrew, {{en}} ''Le KGB contre l'Ouest (1917-1991) : les archives Mitrokhine'', Fayard, 2000, 982 p.</ref>. [[Draža Mihailović]] et ses hommes, qui avaient déjà payé un lourd tribut à la répression nazie, furent tués ou mis au [[travail forcé]] dans les camps du [[République fédérative socialiste de Yougoslavie|régime titiste]]. Le gouvernement légitime réfugié à Londres se trouva abandonné et beaucoup de ses membres n’eurent plus qu’à demander l’asile politique<ref>Jean-Christophe Buisson, ''Le général Mihajlovic (1893-1946), héros trahi par les Alliés'', Perrin 1999, {{ISBN|2-262-01393-4}}.</ref>. Enfin, à cela s’ajoute, chez les [[Serbes]], le fait qu’après [[1991]], les occidentaux ne firent rien pour décourager la dislocation de la [[Yougoslavie]], les déclarèrent « seuls agresseurs » durant les [[guerres de Yougoslavie|guerres qui s’ensuivirent]] et soutinrent leurs adversaires indépendantistes [[Église catholique romaine|catholiques]] (en [[Slovénie]], [[Croatie]] et [[Bosnie-Herzégovine]]) et [[musulman]]s (en [[Bosnie-Herzégovine]] et au [[Kosovo]])<ref>[[Michel Collon]], ''Poker menteur : les grandes puissances, la Yougoslavie et les prochaines guerres'', éd. EPO, Bruxelles 1998, ISBN 2872621148.</ref>.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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* [[Conférence de Yalta]]
* [[Conférence de Yalta]]
* [[Discussions des Alliés sur la question polonaise]]
* [[Discussions des Alliés sur la question polonaise]]
* [[Opération Unthinkable]]
* [[Opération Unthinkable]], projet britannique d'éradication du [[stalinisme]]
* [[Plan Totality]], projet américain d'éradication du stalinisme


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 : Neville Chamberlain, Édouard Daladier, Adolf Hitler et Benito Mussolini lors des Accords de Munich.
Conservé à la Bildarchiv der Österreichischen Nationalbibliothek de Vienne, le fameux accord des « zones d'influence » contresigné par Churchill et Staline à la Conférence de Moscou le .
La conférence de Yalta. Les trois hommes assis sont Winston Churchill, Franklin Delano Roosevelt et Joseph Staline.

La notion de trahison de l'Ouest se définit, dans une partie de l’historiographie des pays d'Europe centrale et orientale, de la Grèce, de Chypre et des pays de la Méditerranée orientale, en réaction à l’évolution de la politique étrangère de l'Occident.

Substrat historique et étapes[modifier | modifier le code]

Cette perception d’une « trahison », dont les pays d’Europe centrale et orientale et de Méditerranée orientale se ressentent comme « victimes », puise à plusieurs sources :

Cette notion de « trahison de l’Ouest » pourrait se définir par la formule « quand ils n’ont plus eu besoin de nous, ils nous ont abandonnés à la tyrannie »[7]. Il n’en demeure pas moins que cette « trahison » est moins l’effet d’une politique planifiée des Occidentaux que d’une perception a posteriori de décisions souvent prises dans l’improvisation qui conduisirent à l’abandon des pays amis d’Europe centrale et orientale, considérés comme quantité négligeable[8].

Exemples polonais et yougoslave[modifier | modifier le code]

Lors des conférences interalliées de Téhéran (-), de Moscou (le ), de Malte (du au ) et de Yalta (du 4 au ), fut décidé le déplacement vers l’ouest des frontières de la Pologne afin que l’URSS puisse garder les territoires polonais obtenus par le pacte germano-soviétique. Le gouvernement polonais en exil à Londres n’en fut ni informé ni consulté. On ne précisa pas les nouvelles frontières de la Pologne, les Britanniques pour éviter les protestations du gouvernement polonais et les Américains pour ne pas choquer les Américains d’origine polonaise. Après la conférence, des fuites révélèrent que Britanniques et Américains avaient consenti à valider les frontières obtenues par Staline au pacte germano-soviétique. Anthony Eden (devant la Chambre des Communes le ) et Roosevelt (devant le Congrès le ) se livrèrent à des dénégations mensongères[9]. De plus, la frontière orientale de la Pologne fut, comme annoncé, calée non sur la véritable ligne Curzon de 1919, qui laissait Lwow à la Pologne (ligne surnommée par les Soviétiques « ligne Curzon B »), mais sur un tracé nommé « ligne Curzon A » proche du tracé germano-soviétique de 1939 et donnant Lwow à l’URSS.

Plus symboliquement mais non moins douloureusement pour les Polonais, les membres de l’Armée polonaise de l'ouest ne furent pas invités à participer au défilé de la Victoire à Londres le . Du point de vue polonais, la Pologne a été traitée comme si elle avait été un ennemi des Alliés[10], ce qui pèsera sur l’évolution ultérieure du pays, d’autant que durant la dictature communiste et notamment pendant le long combat du syndicat Solidarność contre cette dictature, le seul soutien extérieur clairement affirmé est venu de la papauté, alors assumée par un Polonais, Karol Wojtyla.

En Yougoslavie, concernant les opérations dans les Balkans occupés, Winston Churchill annonça à Staline son intention de soutenir les partisans communistes, dirigés par Tito, plutôt que le groupe légitimiste des Tchetniks, dirigés par Draža Mihailović et obéissant au Gouvernement yougoslave en exil à Londres. Churchill avait pris cette décision sur la base de rapports qui concluaient que les partisans infligeraient aux Allemands bien plus de dommages que les Tchetniks[11],[12] (dont des groupes dissidents, en Bosnie-Herzégovine, en Croatie et en Dalmatie, distincts de ceux de Mihailović, collaboraient parfois avec les occupants pour combattre les communistes) et sans se douter que ces rapports exagéraient largement le nombre des groupes dissidents et minimisaient les forces de Mihailović.

En effet, ces rapports étaient falsifiés par les « Cinq de Cambridge » (un groupe d’agents de renseignement britanniques du SIS travaillant en fait pour le NKVD stalinien)[13]. Mihailović et ses hommes, qui avaient déjà payé un lourd tribut à la répression allemande, furent tués ou mis au travail forcé dans les camps du régime yougoslave titiste. Le gouvernement légitime, réfugié à Londres, se trouva abandonné et de nombreux membres n’eurent plus qu’à demander l’asile politique, qui ne leur fut accordé qu’à la condition de leur silence[14].

Enfin, les orthodoxes ex-yougoslaves eurent le sentiment qu’après 1991, au lieu d'exiger une transition démocratique pacifique, l'Occident encouragea, sous peine de sanctions économiques, la dislocation violente de la Yougoslavie, déclara les Serbes « seuls agresseurs » et livra des armes aux indépendantistes catholiques (en Slovénie, Croatie et Bosnie-Herzégovine) et musulmans (en Bosnie-Herzégovine et au Kosovo)[15].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Le « droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » motivait explicitement les Quatorrze points du président américain Woodrow Wilson pendant la Première Guerre mondiale : M. Chaulanges, J.M. D'Hoop, Histoire contemporaine, 1789-1848, Delagrave, Paris, 1960, p. 267-283 et L. Genet, L'époque contemporaine, 1848-1914, Hatier, Paris, 1961, p. 12-24, 56-62, 85, 295-338, 478-503.
  2. Jan Karski, Mon témoignage devant le monde : histoire d'un état clandestin Robert Laffont, 2010
  3. En fait, Winston Churchill fit ce choix parce qu'il a été manipulé par les « Cinq de Cambridge », agents soviétiques qui dirigeaient les services de renseignement britanniques et le convainquirent qu'en Yougoslavie, seuls les partisans étaient une force antinazie fiable : Gianni Ferraro, Enciclopedia dello spionaggio nella Seconda Guerra Mondiale, éd. Sandro Teti, (ISBN 978-88-88249-27-8) et point de vue exprimé dans le film de Guy Hamilton, L'ouragan vient de Navarone.
  4. Le 25 juillet 1945, le président américain et le premier ministre britannique déclarèrent qu’ils ne toléreraient pas une zone polonaise d'occupation en l'Allemagne puisque cela aurait implicitement reconnu à la Pologne son statut de quatrième puissance Alliée, désormais attribué à la France libre : US Department of State, Foreign Relations of the US, The Conference of Berlin (Potsdam) 1945, vol. II, p. 381 et Wladyslaw Anders, Mémoires 1939-1945, La Jeune Parque, Paris 1948
  5. Georges Coudry, Les Camps soviétiques en France : les Russes livrés à Staline en 1945, Albin Michel, (ISBN 2-226-08936-5)
  6. a et b Simone Veil, travaux de la commission internationale pour les Balkans et du groupe de travail sur la libre circulation des personnes sur [1]
  7. Oskar Krejčí : Geopolitics of the Central European Region. The view from Prague and Bratislava, éd. Veda, Bratislava 2005, 494 p., sur "Geopolitics of the Central European Region. The view from Prague and Bratislava".
  8. Par exemple, le fameux accord des « zones d’influence » avait été esquissé mais non précisé à la conférence de Téhéran lorsque Winston Churchill, en position de faiblesse face à l'émissaire américain, Harry Hopkins, et à Joseph Staline à la suite de sa défaite en mer Égée, renonça à toute prétention sur l'Europe de l'Est en échange de la garantie de conserver la Grèce dans la zone d'influence britannique : Pascal Boniface, Le grand livre de la géopolitique : les relations internationales depuis 1945 - Défis, conflits, tendances, problématiques, ed. Eyrolles 2014 ; Diane S. Clemens, "Yalta Conference" World Book. 2006 ed. vol. 21. 2006, p. 549 et “Yalta Conference” Funk & Wagnells New Encyclopedia, World Almanach Education Group, 2003, Philadelphie, États-Unis; Mot-clef: Yalta Conference et Pierre de Senarclens, Yalta, que sais-je ?, PUF, 1990, p. 50-52.
  9. Céline Gervais-Francelle, Introduction à l'édition française 2011 de Jan Karski, Mon témoignage devant le monde, format de poche, p. 18.
  10. Tadeusz Piotrowski, Poland's Holocaust: Ethnic Strife, Collaboration with Occupying Forces and Genocide in the Second Republic, 1918-1947, McFarland & Company, 1997.
  11. Branko Miljuš, La révolution yougoslave, L'Âge d'homme, , 247 p. (lire en ligne), « La collaboration avec l'ennemi », p. 119-133
  12. Dusan-T Batakovic, Histoire du peuple serbe, L'Âge d'homme, , 386 p. (lire en ligne), p. 337.
  13. Christopher Andrew et Oleg Gordievsky, (en) Le KGB dans le monde, 1917-1990, Fayard 1990, (ISBN 2213026009) et Christopher Andrew, (en) Le KGB contre l'Ouest (1917-1991) : les archives Mitrokhine, Fayard, 2000, 982 p.
  14. Jean-Christophe Buisson, Le général Mihajlovic (1893-1946), héros trahi par les Alliés, Perrin 1999, (ISBN 2-262-01393-4).
  15. Michel Collon, Poker menteur : les grandes puissances, la Yougoslavie et les prochaines guerres, éd. EPO, Bruxelles 1998, (ISBN 2872621148).

Articles connexes[modifier | modifier le code]