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{{Voir homonymes|Noblesse (homonymie)}}
{{Voir homonymes|Noblesse (homonymie)}}
Le terme '''noblesse''' peut désigner une qualité qui peut être [[morale]] ou [[Institution sociale|institution]]nelle, et qui, dans le second cas, peut être détenue à titre personnel ou bien [[dynastie|dynastique]], révocable ou [[Hérédité|héréditaire]]. {{lien|Johannes Limnäus|lang=de}} distingue dès le {{s-|XVII}} la noblesse morale de la noblesse [[politique]].
Le terme '''noblesse''' peut désigner une qualité qui peut être [[morale]] ou [[Institution sociale|institution]]nelle, et qui, dans le second cas, peut être détenue à titre personnel ou bien [[dynastie|dynastique]], révocable ou [[Hérédité|héréditaire]]. {{lien|fr=Johann Wirn|lang=de|trad=Johannes Limnäus}} distingue dès le {{s-|XVII}} la noblesse morale de la noblesse [[politique]].


== Noblesse morale ==
== Noblesse morale ==
{{Article détaillé|Morale|Responsabilité morale|Vertu|}}

La [[Responsabilité morale|noblesse morale]] n'est ni un ordre social, ni une caste, ni un [[apanage]] mais une responsabilité et une [[vertu]] accessible, par l'éducation, à tout homme de toute condition : [[Grégoire de Nazianze]] la divise en trois genres. Le premier consiste à s'efforcer d'être et d'agir comme Dieu est censé l'attendre de nous, le deuxième à se purifier en résistant à la corruption de notre nature humaine, le troisième à cultiver et partager les dons que nous possédons. [[Gilles-André de La Rocque]] écrit dans son ''Traité de la noblesse''<ref>{{Lire en ligne|url=https://books.google.be/books?id=tS0VAAAAQAAJ}}.</ref> que celle-ci ne donne point de droits mais bien des devoirs, dont un comportement désintéressé dans les activités humaines ou sociales, sans rechercher ni [[profit]] [[individualisme|individuel]], ni [[:wikt:lucre|lucre]], ni [[Usure (finance)|usure]], ni [[prostitution]], que ce soit dans la fonction publique, la [[justice]], les forces armées, l'[[Administration publique|administration]], les [[arts libéraux]]… Quant à la dignité, l'[[honneur]], il provient surtout de la défense d'un honneur collectif, et non de la dépense ou du défi, et il est antinomique d'une attitude [[utilitarisme|utilitaire]] ou [[Vénalité des offices|vénale]]<ref>[[Honoré de Balzac]], ''[[La Comédie humaine]]''.</ref>.
La « noblesse morale » n'est ni un ordre social, ni une caste, ni un [[apanage]], mais une forme de [[responsabilité]] [[philanthropie|philanthropique]], un [[Altruisme|comportement vertueux]] et [[Service du prochain|généreux]], que tout homme de toute condition peut adopter selon sa [[vocation]] et son [[éducation]] : [[Grégoire de Nazianze]] la divise en « trois genres ». Le ''premier'' consiste à s'efforcer d'être et d'agir comme [[Dieu]] est censé l'attendre de nous, le ''deuxième'' à se purifier en résistant à la possible corruption de notre nature humaine, le ''troisième'' à cultiver et partager les dons et les savoirs que nous possédons. [[Gilles-André de La Rocque]] écrit dans son ''Traité de la noblesse''<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Gilles-André de La Roque (Sieur de la|nom1=Lontière.)|titre=Traité de la noblesse ...|date=1678|lire en ligne=https://books.google.be/books?id=tS0VAAAAQAAJ|consulté le=2023-06-08}}</ref> que celle-ci ne donne point de droits mais bien des devoirs, dont un comportement désintéressé dans les activités humaines ou sociales, sans rechercher ni [[profit]] [[individualisme|individuel]], ni [[:wikt:lucre|lucre]], ni [[Usure (finance)|usure]], ni [[prostitution]], que ce soit dans la fonction publique, la [[justice]], les forces armées, l'[[Administration publique|administration]], les [[arts libéraux]]… Quant à la [[dignité]], l'« [[honneur]] », il provient surtout de la défense des valeurs collectives, et non de l'intérêt, de la dépense ou du défi, et il est antinomique d'une attitude [[utilitarisme|utilitaire]] ou [[Vénalité des offices|vénale]]<ref>[[Honoré de Balzac]], ''[[La Comédie humaine]]''.</ref>.


== Noblesse politique ==
== Noblesse politique ==
{{Article détaillé|Stratification sociale|Société d'ordres}}

[[Image:Organisation féodale.svg|vignette|Les trois [[Société d'ordres|ordres]] de la [[société féodale]] : ''laboratores'' (travailleurs), ''oratores'' (prieurs) et ''bellatores'' (combattants).]]
Du point de vue des [[sciences sociales]], [[Histoire|historiques]] et [[politique]]s, la [[notion]] de noblesse renvoie généralement à un [[Société d'ordres|ordre social]] ou une [[caste]] généralement [[Endogamie|endogame]], et désigne alors la [[Sciences sociales|condition]] d'un [[Classe sociale|groupe social]] distinct et [[Hiérarchie|hiérarchisé]] jouissant de [[Privilège (droit médiéval)|privilèges spécifiques]]. Dans la plupart des cultures, la noblesse remonte, non comme lignées, mais comme [[classe sociale]], aux guerriers de la « [[Fonctions tripartites indo-européennes|trilogie]] » (le guerrier, le religieux et le producteur) décrite par [[Georges Dumézil]] à propos des [[Indo-Européens|sociétés indo-européennes]] (mais qui existait aussi ailleurs)<ref>[[Georges Dumézil]], ''Jupiter Mars Quirinius'', Gallimard, Paris 1941</ref>{{,}}<ref>Georges Dumézil, ''Mythe et Épopée I. et II., Gallimard, Paris 1995, {{ISBN|978-2-07-073656-0}} : ''L'Idéologie des trois fonctions dans les épopées des peuples indo-européens'' et ''Types épiques indo-européens : un héros, un sorcier, un roi''.''</ref>.
[[Image:Cleric-Knight-Workman.jpg|vignette|[[Enluminure]] [[société médiévale|médiévale]] (''British Library'') : le clerc, le guerrier et le producteur.]]
Du point de vue des [[sciences sociales]], [[Histoire|historiques]] et [[politique]]s, la [[notion]] de « noblesse » renvoie généralement à une [[caste]] [[aristocratie|aristocratique]] souvent [[Endogamie|endogame]], et désigne alors la [[Société d'ordres|condition]] d'un [[Classe sociale|groupe social]] distinct et [[Hiérarchie|hiérarchisé]] jouissant de [[Privilège (droit médiéval)|privilèges spécifiques]]. Dans la plupart des cultures, la noblesse remonte, non comme lignées, mais comme caste de [[guerrier|combattants]], aux « [[fonctions tripartites indo-européennes]] » (guerrière, [[prêtre|religieuse]] et économique) décrites par [[Georges Dumézil]] à propos des [[Indo-Européens|sociétés indo-européennes]] (mais qui existaient aussi ailleurs)<ref>[[Georges Dumézil]], ''Jupiter Mars Quirinius'', Gallimard, Paris 1941</ref>{{,}}<ref>Georges Dumézil, ''Mythe et Épopée I. et II., Gallimard, Paris 1995, {{ISBN|978-2-07-073656-0}} : ''L'Idéologie des trois fonctions dans les épopées des peuples indo-européens'' et ''Types épiques indo-européens : un héros, un sorcier, un roi''.''</ref>.


== Histoire de la noblesse politique ==
== Histoire de la noblesse politique ==
{{Article détaillé|Société romaine|Nobilitas}}
{{Article détaillé|Société romaine|Cingulum|Nobilitas|Patriciat|Potestas|Noblesse franque|Liste de titres byzantins}}


L'[[anoblissement]] est apparu avec l'émergence de sociétés [[sédentaire]]s et organisées d'[[Agriculture|agriculteurs]] et d'[[Élevage|éleveurs]], ayant besoin de combattants professionnels pour se défendre, avec les moyens de s'armer eux-mêmes et d'armer d'autres [[guerrier]]s<ref name=ferreol>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=Gilles Ferréol|directeur1=oui |titre= Dictionnaire de sociologie|sous-titre= |éditeur=Armand Colin |collection= |lieu= Paris|année=2010 |volume= |tome= |pages totales= |passage= |isbn= 9782200244293|lire en ligne= }}.</ref>. Il consiste à coopter une personne au [[Pairie|rang des nobles]] en raison de ses capacités à en commander d'autres, des mérites acquis ou de sa fortune<ref>[[Gilles-André de La Rocque]], ''Traité de la noblesse''.</ref>. Dans cette noblesse politique, l'ancienneté (les « quartiers de noblesse ») apparaîtra à [[Sébastien Le Prestre de Vauban]] comme « le premier critère de dignité »<ref name="Vauban">[[Sébastien Le Prestre de Vauban]], ''Les oisivetés de Monsieur de Vauban, ou Ramas de plusieurs mémoires de sa façon sur différents sujets'', éd. Champ Vallon, 2007 {{Lire en ligne|url=https://books.google.be/books?id=0y_zQWVCWqsC}}.</ref>.
L'[[anoblissement]] est apparu avec l'émergence des sociétés [[sédentaire]]s et organisées d'[[Agriculture|agriculteurs]], d'[[Élevage|éleveurs]], de [[Marchand (commerce)|marchand]]s et d'[[artisan]]s ayant besoin de défenseurs professionnels ayant les moyens de s'armer eux-mêmes et leurs compagnons<ref name=ferreol>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Gilles Ferréol|directeur1=oui|titre= Dictionnaire de sociologie|sous-titre=|éditeur=Armand Colin|collection=|lieu=Paris|année=2010|volume=|tome=|pages totales=|passage=|isbn=9782200244293|lire en ligne=}}.</ref>. Il consiste à coopter une personne au [[Pairie|rang des nobles]] en raison de ses capacités à combattre et commander d'autres combattants, des mérites ainsi acquis ou de sa fortune<ref>[[Gilles-André de La Rocque]], ''Traité de la noblesse''.</ref>. Dans cette noblesse politique, l'ancienneté (les « quartiers de noblesse ») apparaîtra à [[Sébastien Le Prestre de Vauban]] comme « le premier critère de dignité »<ref name="Vauban">[[Sébastien Le Prestre de Vauban]], ''Les oisivetés de Monsieur de Vauban, ou Ramas de plusieurs mémoires de sa façon sur différents sujets'', éd. Champ Vallon, 2007 {{Lire en ligne|url=https://books.google.be/books?id=0y_zQWVCWqsC}}.</ref>.


La « noblesse » institutionnelle d'un État (en général une [[monarchie]], mais aussi des [[république]]s comme [[Rome antique|Rome]] ou [[République de Venise|Venise]]), ou d'une [[province]] de ce pays, regroupe la [[minorité dominante]] d'un ensemble de [[Famille (biologie)|familles]] détenant, le plus souvent [[Parenté|héréditairement]], des fonctions d'[[autorité]] [[militaire]], [[politique]], [[civil]]e ou [[Religion|religieuse]] plus ou moins étendues, dans le cadre d'un [[Charte de franchises|statut privilégié]] comprenant des exemptions (le plus souvent de [[taxe]]s et d'[[impôt]]s) et des charges et [[Fonction publique|emplois publics]] rémunérés (collecte des taxes et impôts, administration des provinces, levée des armées, conduite des guerres…) dits alors ''emplois nobles'', ainsi que de [[sacerdoce]]s réservés (lorsque ces fonctions sont religieuses, comme chez les [[Tribu de Lévi|lévites]] ou les [[brahmane]]s, on ne parle pas de noblesse, mais de [[caste]] sacerdotale).
La « noblesse » institutionnelle d'un État (en général une [[monarchie]], mais aussi des [[république]]s comme [[Rome antique|Rome]] ou [[République de Venise|Venise]]), ou d'une [[province]] de ce pays, regroupe la [[minorité dominante]] d'un ensemble de [[Famille (biologie)|familles]] détenant, le plus souvent [[Parenté|héréditairement]], des fonctions d'[[autorité]] [[militaire]], [[politique]], [[civil]]e ou [[Religion|religieuse]] plus ou moins étendues, dans le cadre d'un [[Charte de franchises|statut privilégié]] comprenant des exemptions (le plus souvent de [[taxe]]s et d'[[impôt]]s) et des charges et [[Fonction publique|emplois publics]] rémunérés (collecte des taxes et impôts, administration des provinces, levée des armées, conduite des guerres…) dits alors ''emplois nobles'', ainsi que de [[sacerdoce]]s réservés (lorsque ces fonctions sont religieuses, comme chez les [[Tribu de Lévi|lévites]] ou les [[brahmane]]s, on ne parle pas de noblesse, mais de [[caste]] sacerdotale).
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[[Charles Fourier]] en 1822 représente seize [[caste]]s et sous-castes sociales dont il analyse le « courant ascendant » de sentiments d'envie et de haine, et le « courant descendant » de sentiments de morgue et de mépris : {{citation|La noblesse de cour méprise la non-présentée ; la noblesse d'épée méprise celle de robe : les seigneurs à clocher méprisent les gentillâtres, tous les parvenus anoblis qui ne sont que de {{1er}} degré et qui dédaignent les castes bourgeoises. Dans la bourgeoisie nous trouverions en {{1re}} sous-caste la haute banque et la haute finance ({{n°|5}}), méprisées des nobles mais s'en consolant avec leurs coffre-forts, méprisant le gros marchand et le bon propriétaire ({{n°|6}}). Ceux-ci tout fiers de leur rang d'éligibles méprisent la sous-caste qui n'a que rang d'électeur ({{n°|7}}) qui elle, s'en dédommage en méprisant la sous-caste des savants, les gens de loi et autres vivant de traitements ou casuels ou petits domaines qui ne leur donnent pas l'entrée au corps électoral ({{n°|8}}) ; enfin la basse bourgeoisie ({{n°|9}}), le petit marchand ({{n°|10}}), le petit campagnard ({{n°|11}}) seraient bien offensées si on les comprenait dans le peuple dont elle méprise les trois sous-castes ({{numéros|12, 13, 14}}) et dont elle se pique d'éviter les manières, sans même compter la pègre et les vagabonds ({{numéros|15 et 16}}). Il règne entre toutes ces castes des haines régulières c'est-à-dire que la {{n°|9}} hait la {{n°|8}} autant que celle-ci hait la {{n°|7}}, quoique chacune recherche la fréquentation du degré supérieur par ambition et non par amitié}}<ref>[[Charles Fourier]], ''Traité de l'association domestique agricole'', Boussange, 1822 {{Lire en ligne|url=https://books.google.be/books?id=Nni4JrkcVeoC}}.</ref>.
[[Charles Fourier]] en 1822 représente seize [[caste]]s et sous-castes sociales dont il analyse le « courant ascendant » de sentiments d'envie et de haine, et le « courant descendant » de sentiments de morgue et de mépris : {{citation|La noblesse de cour méprise la non-présentée ; la noblesse d'épée méprise celle de robe : les seigneurs à clocher méprisent les gentillâtres, tous les parvenus anoblis qui ne sont que de {{1er}} degré et qui dédaignent les castes bourgeoises. Dans la bourgeoisie nous trouverions en {{1re}} sous-caste la haute banque et la haute finance ({{n°|5}}), méprisées des nobles mais s'en consolant avec leurs coffre-forts, méprisant le gros marchand et le bon propriétaire ({{n°|6}}). Ceux-ci tout fiers de leur rang d'éligibles méprisent la sous-caste qui n'a que rang d'électeur ({{n°|7}}) qui elle, s'en dédommage en méprisant la sous-caste des savants, les gens de loi et autres vivant de traitements ou casuels ou petits domaines qui ne leur donnent pas l'entrée au corps électoral ({{n°|8}}) ; enfin la basse bourgeoisie ({{n°|9}}), le petit marchand ({{n°|10}}), le petit campagnard ({{n°|11}}) seraient bien offensées si on les comprenait dans le peuple dont elle méprise les trois sous-castes ({{numéros|12, 13, 14}}) et dont elle se pique d'éviter les manières, sans même compter la pègre et les vagabonds ({{numéros|15 et 16}}). Il règne entre toutes ces castes des haines régulières c'est-à-dire que la {{n°|9}} hait la {{n°|8}} autant que celle-ci hait la {{n°|7}}, quoique chacune recherche la fréquentation du degré supérieur par ambition et non par amitié}}<ref>[[Charles Fourier]], ''Traité de l'association domestique agricole'', Boussange, 1822 {{Lire en ligne|url=https://books.google.be/books?id=Nni4JrkcVeoC}}.</ref>.


La noblesse est donc une [[Stratification sociale|classe sociale]] que l'on rencontre dans la plupart des sociétés sédentaires traditionnelles, dès lors que la fonction guerrière est distinguée par les pouvoirs économiques et religieux ([[fonctions tripartites indo-européennes|tripartition]]), comme chez les [[Rome antique|Romains]] ou les [[Celtes]] avec la classe des [[Chevalier (chevalerie)|chevalier]]s<ref>[[Jules César]], [http://www.forumromanum.org/literature/caesar/gallic_f6.html « {{nobr romains|Livre VI}} », sur forumromanum.org], ''[[Commentaires sur la Guerre des Gaules|Guerre des Gaules]]'', [[Les Belles Lettres]], 1926, {{nobr romains|livre VI}}, 15.</ref>. Les modalités d'entrée et de maintien dans cette classe ont varié selon les époques et les pays, mêlant initiation, capacités et hérédité. Elle se trouve à toutes les époques et dans de nombreux types de sociétés, aussi bien antiques, comme en [[Grèce antique|Grèce]], que chez les [[Peuple autochtone|peuples premiers]], et jusqu'aux [[État-nation|États-nations]] [[Modernité|modernes]].
La noblesse est donc une [[classe sociale]] que l'on rencontre dans la plupart des sociétés sédentaires traditionnelles, dès lors que la fonction guerrière est distinguée par les pouvoirs économiques et religieux ([[fonctions tripartites indo-européennes|tripartition]]), comme chez les [[Rome antique|Romains]] ou les [[Celtes]] avec la classe des [[Chevalier (chevalerie)|chevalier]]s<ref>[[Jules César]], [http://www.forumromanum.org/literature/caesar/gallic_f6.html « {{nobr romains|Livre VI}} », sur forumromanum.org], ''[[Commentaires sur la Guerre des Gaules|Guerre des Gaules]]'', [[Les Belles Lettres]], 1926, {{nobr romains|livre VI}}, 15.</ref>. Les modalités d'entrée et de maintien dans cette classe ont varié selon les époques et les pays, mêlant initiation, capacités et hérédité. Elle se trouve à toutes les époques et dans de nombreux types de sociétés, aussi bien antiques, comme en [[Grèce antique|Grèce]], que chez les [[Peuple autochtone|peuples premiers]], et jusqu'aux [[État-nation|États-nations]] [[Modernité|modernes]].


Dans la [[Grèce antique]], il existait quatre termes qui, en [[grec ancien]], servaient à désigner les groupes humains : {{grec ancien|γένος}} / {{Langue|grc-Latn|''génos''}} signifiant « noble lignée » ; {{grec ancien|λάος}} / {{Langue|grc-Latn|''láos''}} signifiant « peuple assemblé » ; {{grec ancien|δῆμος}} / {{Langue|grc-Latn|''dêmos''}} signifiant « [[citoyen]] d’une [[Polis|cité]] » et {{grec ancien|''ἔθνος''}} / {{Langue|grc-Latn|''éthnos''}} signifiant « origine commune ». Le pouvoir politique, le droit de propriété et les privilèges ont progressivement diffusé, dans l'[[Athènes antique]], de la première à la deuxième et troisième catégories, tandis que les [[métèque]]s relevaient de la quatrième<ref name=ferreol/> et les [[Esclavage dans l'Antiquité|esclaves]] d'aucune, leur statut étant proche de celui du [[bétail]]<ref>Youval Rotman, ''Les Esclaves et l'esclavage de la Méditerranée antique à la Méditerranée médiévale, 6e-11e siècles'', Les Belles Lettres, Paris 2004, 403 pp., {{ISBN|9782251380698}}</ref>. L'exemple le plus connu de noblesse [[Grèce antique|grecque antique]] est celui des [[Eupatrides]]<ref>Carl Roebuck, « Three classes (?) in early Attica », in : ''Hesperia'', vol. 43-4, {{p.|487}} {{ISSN|0018-098X}}, 1974.</ref>.
Dans la [[Grèce antique]], il existait quatre termes qui, en [[grec ancien]], servaient à désigner les groupes humains : {{grec ancien|γένος|génos}}, « noble lignée » ; {{grec ancien|λάος|láos}}, « peuple assemblé » ; {{grec ancien|δῆμος|dêmos}}, « ensemble des citoyens libres<ref>{{lien web |auteur=Anatole Bailly ; 2020 : Hugo Chávez, Gérard Gréco, André Charbonnet, Mark De Wilde, Bernard Maréchal & contributeurs|titre=Le Bailly |date=2020 |url=https://bailly.app/d%C3%AAmos_(2) |site=bailly.app |consulté le=6 octobre 2023}}.</ref> » et {{grec ancien|ἔθνος|éthnos}}, « classe d'êtres d'origine commune ». Le pouvoir politique, le droit de propriété et les privilèges ont progressivement diffusé, dans l'[[Athènes antique]], de la première à la deuxième et troisième catégories, tandis que les [[métèque]]s relevaient de la quatrième<ref name=ferreol/> et les [[Esclavage dans l'Antiquité|esclaves]] d'aucune, leur statut étant proche de celui du [[bétail]]<ref>Youval Rotman, ''Les Esclaves et l'esclavage de la Méditerranée antique à la Méditerranée médiévale, 6e-11e siècles'', Les Belles Lettres, Paris 2004, 403 pp., {{ISBN|9782251380698}}</ref>. L'exemple le plus connu de noblesse [[Grèce antique|grecque antique]] est celui des [[Eupatrides]]<ref>Carl Roebuck, « Three classes (?) in early Attica », in : ''Hesperia'', vol. 43-4, {{p.|487}} {{ISSN|0018-098X}}, 1974.</ref>.


Dans la [[Rome antique]], les [[Gens (Rome antique)|''gens'']] (familles au sens élargi) s'enorgueillissaient de l'ancienneté de leurs lignées, qui n'était pas forcément biologique ([[génétique]]) en raison de la pratique fréquente des [[adoption]]s, et qui ne connaissaient pas la transmission héréditaire du pouvoir public. Il s'agissait surtout de la transmission d'un ''[[nomen]]'' et d'un patrimoine. L'acquisition des pouvoirs publics était individuelle, au fil du ''[[cursus honorum]]'' au service de la ''res publica'' (l'intérêt public) ou du ''princeps''. On obtenait un ''honor'' ou charge publique, soit par élection républicaine, soit par nomination sénatoriale ou impériale<ref name=Werner>{{Harvsp|Werner|2012|p=685 et suiv.|id=}}.</ref>. Des ''homines novi'', sans être « bien » nés, pouvaient aussi être élus ou nommés à un ''honor'' élevé et ainsi devenir chef et souche d'une nouvelle famille noble<ref name="Werner, p. 696">{{Harvsp|Werner|2012|p=696|id=}}.</ref>.
Dans la [[Rome antique]], les [[Gens (Rome antique)|''gens'']] (familles au sens élargi) s'enorgueillissaient de l'ancienneté de leurs lignées, qui n'était pas forcément biologique ([[génétique]]) en raison de la pratique fréquente des [[adoption]]s, et qui ne connaissaient pas la transmission héréditaire du pouvoir public. Il s'agissait surtout de la transmission d'un ''[[nomen]]'' et d'un patrimoine. L'acquisition des pouvoirs publics était individuelle, au fil du ''[[cursus honorum]]'' au service de la ''res publica'' (l'intérêt public) ou du ''princeps''. On obtenait un ''honor'' ou charge publique, soit par élection républicaine, soit par nomination sénatoriale ou impériale<ref name=Werner>{{Harvsp|Werner|2012|p=685 et suiv.|id=}}.</ref>. Des ''homines novi'', sans être « bien » nés, pouvaient aussi être élus ou nommés à un ''honor'' élevé et ainsi devenir chef et souche d'une nouvelle famille noble<ref name="Werner, p. 696">{{Harvsp|Werner|2012|p=696|id=}}.</ref>.
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Dans l'[[antiquité tardive]], en [[Histoire de l'Europe|Europe]], la ''[[nobilitas]]'' de l'[[Empire romain]] est régie par les codes de [[Théodose II|Théodose]]<ref>[[Code théodosien]], VIII, 4, 28.</ref> et de [[Justinien]]<ref>[[Code de Justinien|Code justinien]], {{III}}, 25, 1 ; {{X}}, 69, 1 et {{XII}}, 19, 2.</ref>. Après les [[Invasions barbares|grandes invasions]], au [[haut Moyen Âge]], la ''nobilitas'' resta en vigueur dans l'[[Empire romain d'Orient]] (''[[Megas archon|mégarchontes]]'') et fut en partie adoptée, mais aussi transformée, par les [[royaumes germaniques]] en [[Occident]]<ref name="Werner, p. 264, 313, 324, 698">{{Harvsp|Werner|2012|p=p. 264, 313, 324, 698|id=}}.</ref>, par les [[slaves occidentaux]] et les [[Magyars|hongrois]] en [[Europe centrale]], et par les [[États grecs|États orthodoxes (grecs]], [[Sklavinies|slaves]] ou [[Valachie|valaques]]) en [[Europe du Sud-Est]]. L'éducation classique des jeunes nobles à la [[Cour (palais)|cour]] des rois comportait une formation à la fois physique et intellectuelle leur permettant de faire carrière dans la hiérarchie civile, militaire ou religieuse de leur royaume<ref name="Werner, p. 395">{{Harvsp|Werner|2012|p=395|id=}}.</ref>.
Dans l'[[antiquité tardive]], en [[Histoire de l'Europe|Europe]], la ''[[nobilitas]]'' de l'[[Empire romain]] est régie par les codes de [[Théodose II|Théodose]]<ref>[[Code théodosien]], VIII, 4, 28.</ref> et de [[Justinien]]<ref>[[Code de Justinien|Code justinien]], {{III}}, 25, 1 ; {{X}}, 69, 1 et {{XII}}, 19, 2.</ref>. Après les [[Invasions barbares|grandes invasions]], au [[haut Moyen Âge]], la ''nobilitas'' resta en vigueur dans l'[[Empire romain d'Orient]] (''[[Megas archon|mégarchontes]]'') et fut en partie adoptée, mais aussi transformée, par les [[royaumes germaniques]] en [[Occident]]<ref name="Werner, p. 264, 313, 324, 698">{{Harvsp|Werner|2012|p=p. 264, 313, 324, 698|id=}}.</ref>, par les [[slaves occidentaux]] et les [[Magyars|hongrois]] en [[Europe centrale]], et par les [[États grecs|États orthodoxes (grecs]], [[Sklavinies|slaves]] ou [[Valachie|valaques]]) en [[Europe du Sud-Est]]. L'éducation classique des jeunes nobles à la [[Cour (palais)|cour]] des rois comportait une formation à la fois physique et intellectuelle leur permettant de faire carrière dans la hiérarchie civile, militaire ou religieuse de leur royaume<ref name="Werner, p. 395">{{Harvsp|Werner|2012|p=395|id=}}.</ref>.


Dans de nombreux pays, la noblesse a été abolie comme [[Institution sociale|institution]]. En [[Histoire de France|France]], elle a été supprimée sous la [[Révolution française]] en 1789, rétablie sous le [[Premier Empire]] en 1802, et à nouveau supprimée sous la [[Troisième République (France)|Troisième République]] en 1870 ; les titres de noblesse, qui sont considérés comme un accessoire du nom, peuvent toujours être officiellement enregistrés auprès du [[Ministère de la Justice (France)|ministère de la Justice]] (afin d'être transcrits à l'[[Histoire de l'état civil en France|État civil]]). Dans les pays [[État communiste|ayant été gouvernés]] par un [[parti unique]] se réclamant du [[communisme]], non seulement les titres et indicateurs de noblesse furent abolis et les biens matériels [[Nationalisation|nationalisés]], mais les anciens nobles, considérés comme {{Citation|des exploiteurs, des parasites, des ennemis du peuple}} finirent pour beaucoup leurs existences dans les camps de [[travaux forcés]] comme ceux du [[Goulag]] ou du [[Laogai]], à moins qu'ils aient réussi à s'échapper et à s'exiler à temps (cas de nombreux [[Noblesse russe|nobles russes]] à [[Diaspora russe|Paris, Londres et Berlin]] dans les années 1920). [[Bloc de l'Est|Dans leurs pays d'origine]], les survivants ont perdu leur statut social et une grande partie de leur mémoire familiale, car durant les longues années de [[dictature]] (en moyenne un demi-siècle), faire valoir ce qui y était considéré comme un « passé dont il faut faire table rase » (selon un couplet de ''[[l'Internationale]]'') pouvait entraîner des persécutions et conduire en [[Travaux forcés|camp de travail]] « rééducatif »<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Alexandre Zinoviev]]|titre=[[Le Communisme comme réalité]]|éditeur=[[Éditions Julliard|Julliard]]|année=1981|passage=58|isbn=}}.</ref>.
Dans de nombreux pays, la noblesse a été abolie comme [[Institution sociale|institution]]. En [[Histoire de France|France]], elle a été supprimée sous la [[Révolution française]] en 1789, rétablie sous le [[Premier Empire]] en 1802, et à nouveau supprimée sous la [[Troisième République (France)|Troisième République]] en 1870 ; les titres de noblesse, qui sont considérés comme un accessoire du nom, peuvent toujours être officiellement enregistrés auprès du [[Ministère de la Justice (France)|ministère de la Justice]] (afin d'être transcrits à l'[[Histoire de l'état civil en France|État civil]]). Dans les pays [[État communiste|ayant été gouvernés]] par un [[parti unique]] se réclamant du [[communisme]], non seulement les titres et indicateurs de noblesse furent abolis et les biens matériels [[Nationalisation|nationalisés]], mais les anciens nobles, considérés comme {{Citation|des exploiteurs, des parasites, des [[Ennemi de classe|ennemis du peuple]]}} finirent pour beaucoup leurs existences dans les camps de [[travaux forcés]] comme ceux du [[Goulag]] ou du [[Laogai]], à moins qu'ils aient réussi à s'échapper et à s'exiler à temps (cas de nombreux [[Noblesse russe|nobles russes]] à [[Diaspora russe|Paris, Londres et Berlin]] dans les années 1920). [[Bloc de l'Est|Dans leurs pays d'origine]], les survivants ont perdu leur statut social et une grande partie de leur mémoire familiale, car durant les longues années de [[dictature]] (en moyenne un demi-siècle), faire valoir ce qui y était considéré comme un « passé dont il faut faire table rase » (selon un couplet de ''[[l'Internationale]]'') pouvait entraîner des persécutions et conduire en [[Travaux forcés|camp de travail]] « rééducatif »<ref>{{Ouvrage|auteur1=[[Alexandre Zinoviev]]|titre=[[Le Communisme comme réalité]]|éditeur=[[Éditions Julliard|Julliard]]|année=1981|passage=58|isbn=}}.</ref>.


Après l'ouverture du [[rideau de fer]] et la [[chute des régimes communistes en Europe]], les descendants de ces survivants qui ont revendiqué la restitution de leurs biens familiaux nationalisés ont, pour la plupart, échoué en raison de la complexité des procédures, des preuves exigées et du coût des démarches judiciaires. Seules les familles nobles les plus puissantes financièrement ont obtenu la restitution d'une partie de leurs anciennes propriétés dans les pays, comme la République tchèque ou la Roumanie, où la législation le permet : c'est le cas des héritiers de la [[Maison de Schwarzenberg|famille autrichienne Schwarzenberg]] qui a obtenu la restitution du [[château d'Orlík]] au sud de [[Prague]], et, en [[Transylvanie (région)|Transylvanie]], des héritiers du [[Noblesse hongroise|comte hongrois]] [[Famille Bánffy|Daniel Bánffy]]<ref>Rétrocession foncière à la famille Bánffy le 5 juillet 2018 sur [https://www.hotnews.ro/stiri-esential-22549490-peste-9-300-dure-fuseser-retrocedate-tenitorilor-grofului-banffy-revenit-proprietatea-statului-baza-unui-document-cnsas.htm].</ref>, des [[Maison de Habsbourg|Habsbourg d'Autriche]]<ref>Le [[château de Bran]] a été restitué le 26 mai 2006 à Dominic von Habsburg, architecte vivant aux États-Unis : George Avanu, {{ro}} {{en}} ''Bran Unique Places of Romania'', 2-nd ed., {{ISBN|973-7995-89-9}}</ref> ou des [[Maison de Hohenzollern-Sigmaringen|Hohenzollern de Roumanie]]<ref>Le [[Château de Peleș|palais de Sinaia]] a été restitué à l'ex-[[Michel Ier (roi de Roumanie)|roi Michel de Roumanie]] le 16 juin 2008 : ''[http://balkans.courriers.info/ Le courrier des Balkans]''</ref>{{,}}<ref>''[http://balkans.courriers.info/article10864.html Restitution des biens en Roumanie : le roi Michel de retour en son domaine de Peles]''.</ref>.
Après l'ouverture du [[rideau de fer]] et la [[chute des régimes communistes en Europe]], les descendants de ces survivants qui ont revendiqué la restitution de leurs biens familiaux nationalisés ont, pour la plupart, échoué en raison de la complexité des procédures, des preuves exigées et du coût des démarches judiciaires. Seules les familles nobles les plus puissantes financièrement ont obtenu la restitution d'une partie de leurs anciennes propriétés dans les pays, comme la République tchèque ou la Roumanie, où la législation le permet : c'est le cas des héritiers de la [[Maison de Schwarzenberg|famille autrichienne Schwarzenberg]] qui a obtenu la restitution du [[château d'Orlík]] au sud de [[Prague]], et, en [[Transylvanie (région)|Transylvanie]], des héritiers du [[Noblesse hongroise|comte hongrois]] [[Famille Bánffy|Daniel Bánffy]]<ref>Rétrocession foncière à la famille Bánffy le 5 juillet 2018 sur [https://www.hotnews.ro/stiri-esential-22549490-peste-9-300-dure-fuseser-retrocedate-tenitorilor-grofului-banffy-revenit-proprietatea-statului-baza-unui-document-cnsas.htm].</ref>, des [[Maison de Habsbourg|Habsbourg d'Autriche]]<ref>Le [[château de Bran]] a été restitué le 26 mai 2006 à Dominic von Habsburg, architecte vivant aux États-Unis : George Avanu, {{mul|ro|en}} ''Bran Unique Places of Romania'', 2-nd ed., {{ISBN|973-7995-89-9}}</ref> ou des [[Maison de Hohenzollern-Sigmaringen|Hohenzollern de Roumanie]]<ref>Le [[Château de Peleș|palais de Sinaia]] a été restitué à l'ex-[[Michel Ier (roi de Roumanie)|roi Michel de Roumanie]] le 16 juin 2008 : ''[http://balkans.courriers.info/ Le courrier des Balkans]''</ref>{{,}}<ref>''[http://balkans.courriers.info/article10864.html Restitution des biens en Roumanie : le roi Michel de retour en son domaine de Peles]''.</ref>.
Dans la mesure où les privilèges, titres et indicateurs ont été abolis, l'existence d'une noblesse est compatible avec l'exercice de la [[démocratie]], par exemple au [[Royaume-Uni]] où elle a été conservée après la [[Glorieuse Révolution]] et ailleurs en Europe où elle a perduré après les [[Printemps des peuples|révolutions de 1848]]. Une [[pairie]] et des [[Titre de noblesse|titres de noblesse]] existent toujours [[Constitution|légalement]] au {{s-|XXI}} dans plusieurs [[pays]] [[Europe|européens]], comme la [[Belgique]], les [[Pays-Bas]], le [[Royaume-Uni]], la [[Suède]], l'[[Espagne]], [[Saint-Marin]], le [[Luxembourg]]. Le [[pouvoir législatif]] est exercé en partie par des [[Chambre des lords#Pairs à vie|représentants de la noblesse]], comme c'était le cas au [[Royaume-Uni]] avec la [[Chambre des lords]] jusqu'à la fin du {{s-|XX}}. Ce fut le cas aussi en [[France]] au {{s-|XIX}} avec l'ancienne [[Chambre des pairs]].
Dans la mesure où les privilèges, titres et indicateurs ont été abolis, l'existence d'une noblesse est compatible avec l'exercice de la [[démocratie]], par exemple au [[Royaume-Uni]] où elle a été conservée après la [[Glorieuse Révolution]] et ailleurs en Europe où elle a perduré après les [[Printemps des peuples|révolutions de 1848]]. Une [[pairie]] et des [[Titre de noblesse|titres de noblesse]] existent toujours [[Constitution|légalement]] au {{s-|XXI}} dans plusieurs [[pays]] [[Europe|européens]], comme la [[Belgique]], les [[Pays-Bas]], le [[Royaume-Uni]], la [[Suède]], l'[[Espagne]], [[Saint-Marin]], le [[Luxembourg]]. Le [[pouvoir législatif]] est exercé en partie par des [[Chambre des lords#Pairs à vie|représentants de la noblesse]], comme c'était le cas au [[Royaume-Uni]] avec la [[Chambre des lords]] jusqu'à la fin du {{s-|XX}}. Ce fut le cas aussi en [[France]] au {{s-|XIX}} avec l'ancienne [[Chambre des pairs]].


En [[droit international]] il n'y a pas de noblesse et il n'existe pas d'ordre de noblesse international : la noblesse de chaque pays lui est donc spécifique, même si certains types de noblesse peuvent être communs à plusieurs pays (à titre d'exemple les [[Baron (noblesse)|baron]]s, [[comte]]s, [[marquis]], [[duc]]s, [[archiduc]]s, [[Prince (dignité)|prince]]s sont globalement similaires en [[Europe de l'Ouest|Europe occidentale]] et [[Europe centrale|centrale]] tandis que les [[joupan]]s, [[boyards]], [[hospodar]]s et [[voïvode]]s sont communs aux pays d'[[Europe orientale]]). Il existe en revanche des [[Liste d'ordres civils et militaires|ordres internationaux]] comme ceux [[Alliance des ordres de Saint-Jean|de Saint-Jean]]<ref>[http://www.allianceofstjohn.org/]</ref> ou [[Ordre souverain militaire hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte|de Malte]]<ref>[https://www.ordredemaltefrance.org/]</ref>, dont certains sont initiatiques et qui, bien qu'usant de grades, de titres et de symboles, ne sont pas des ordres [[Ordre de chevalerie|de chevalerie]] ou de noblesse, car ils sont ouverts à tous par [[cooptation]] (même si réunir tous les critères est ardu) et n'ont aucun caractère héréditaire ou transmissible<ref>Alain Demurger, ''Chevaliers et chevalerie expliqués à mes petits-fils'', Seuil, 2009</ref>{{,}}<ref>Monique et Jean-Marc Carat, Marc De Jode, ''Dictionnaire universel de la franc-maçonnerie'', Larousse 2011, {{ISBN|978-2-03-584840-6}}</ref>.
En [[droit international]] il n'y a pas de noblesse et il n'existe pas d'ordre de noblesse international : la noblesse de chaque pays lui est donc spécifique, même si certains types de noblesse peuvent être communs à plusieurs pays (à titre d'exemple les [[Baron (noblesse)|baron]]s, [[comte]]s, [[marquis]], [[duc]]s, [[archiduc]]s, [[Prince (dignité)|prince]]s sont globalement similaires en [[Europe de l'Ouest|Europe occidentale]] et [[Europe centrale|centrale]] tandis que les [[joupan]]s, [[boyards]], [[hospodar]]s et [[voïvode]]s sont communs aux pays d'[[Europe orientale]]). Il existe en revanche des [[Liste d'ordres civils et militaires|ordres internationaux]] dont certains sont initiatiques et qui, bien qu'usant de grades, de titres et de symboles, ne sont pas des ordres [[Ordre de chevalerie|de chevalerie]] ou de noblesse, car ils sont ouverts à tous par [[cooptation]] (même si réunir tous les critères est ardu) et n'ont aucun caractère héréditaire ou transmissible<ref>Alain Demurger, ''Chevaliers et chevalerie expliqués à mes petits-fils'', Seuil, 2009</ref>{{,}}<ref>Monique et Jean-Marc Carat, Marc De Jode, ''Dictionnaire universel de la franc-maçonnerie'', Larousse 2011, {{ISBN|978-2-03-584840-6}}</ref>.


Au {{s-|XXI}}, des [[Titre de noblesse|titres de noblesse]] existent encore officiellement et continuent à être décernés par les souverains des [[Liste des monarchies dans le monde|monarchies actuelles]]<ref group="Note">En 2020 il existe dans le monde [[Liste des monarchies dans le monde|28 monarchies]] (sur [[Liste des États membres de l'Organisation des Nations unies|193 États reconnus par l'ONU]]) en comptant pour une celles du [[Commonwealth]] et en ne comptant que les monarchies souveraines, pas les [[royauté]]s coutumières beaucoup plus nombreuses.</ref>, au nombre de trois en [[Afrique]]<ref group="Note">Monarchies souveraines africaines : [[Eswatini]], [[Lesotho]] et [[Maroc]] ; l'Afrique compte aussi 34 royautés coutumières n'ayant pas le statut d'État souverain.</ref>, treize en [[Asie]]<ref group="Note">Monarchies souveraines asiatiques : [[Arabie saoudite]], [[Bahreïn]], [[Bhoutan]], [[Brunei]], [[Cambodge]], [[Émirats arabes unis|Émirats]], [[Japon]], [[Jordanie]], [[Koweit]], [[Malaisie]], [[Oman]], [[Qatar]] et [[Thaïlande]].</ref>, dix en [[Europe]] (en ne comptant que les maisons royales héréditaires)<ref group="Note">Monarchies souveraines européennes : [[Norvège]], [[Suède]], [[Danemark]], [[Pays-Bas]], [[Belgique]], [[Luxembourg]], [[Royaume-Uni]], [[Espagne]], [[Monaco]] et [[Liechtenstein]] ; l'[[Andorre]] et le [[Vatican]] sont des états à constitution monarchique, mais sans maison royale.</ref> et deux en [[Océanie]]<ref group="Note">Monarchies souveraines océaniennes : [[Samoa]] et [[Tonga]] ; à [[Wallis-et-Futuna]] il existe aussi trois royautés coutumières, mais sous [[Collectivité d'outre-mer|protectorat français]].</ref>. On peut être noble par l'[[hérédité]] ([[Armand De Ceuninck|baron de Ceuninck]], [[Bernard Montgomery|vicomte Montgomery]]), par la [[Finance|haute finance]] ([[Louis François Joseph Empain|baron Empain]] ; [[Montagu Norman|baron Norman]]), par la [[politique]] ([[Margaret Thatcher|baronne Thatcher]] ; [[Adolfo Suárez|duc de Suárez]]), par les [[art]]s ([[Antoine-Jean Gros|baron Gros]] ; [[Salvador Dalí|marquis de Dali]]), par les [[science]]s ([[Robert Winston (baron Winston)|baron Winston]] ; [[Dirk Frimout|vicomte Frimout]]) ou par les [[sport]]s ([[Sebastian Coe|baron Coe]] ; [[Jacques Rogge|comte Rogge]])<ref>[http://www.european-noble.eu/Statuts.htm www.european-noble.eu].</ref>.
Au {{s-|XXI}}, des [[Titre de noblesse|titres de noblesse]] existent encore officiellement et continuent à être décernés par les souverains des [[Liste des monarchies dans le monde|monarchies actuelles]]<ref group="Note">En 2020 il existe dans le monde [[Liste des monarchies dans le monde|28 monarchies]] (sur [[Liste des États membres de l'Organisation des Nations unies|193 États reconnus par l'ONU]]) en comptant pour une celles du [[Commonwealth]] et en ne comptant que les monarchies souveraines, pas les [[royauté]]s coutumières beaucoup plus nombreuses.</ref>, au nombre de trois en [[Afrique]]<ref group="Note">Monarchies souveraines africaines : [[Eswatini]], [[Lesotho]] et [[Maroc]] ; l'Afrique compte aussi 34 royautés coutumières n'ayant pas le statut d'État souverain.</ref>, treize en [[Asie]]<ref group="Note">Monarchies souveraines asiatiques : [[Arabie saoudite]], [[Bahreïn]], [[Bhoutan]], [[Brunei]], [[Cambodge]], [[Émirats arabes unis|Émirats]], [[Japon]], [[Jordanie]], [[Koweit]], [[Malaisie]], [[Oman]], [[Qatar]] et [[Thaïlande]].</ref>, dix en [[Europe]] (en ne comptant que les maisons royales héréditaires)<ref group="Note">Monarchies souveraines européennes : [[Norvège]], [[Suède]], [[Danemark]], [[Pays-Bas]], [[Belgique]], [[Luxembourg]], [[Royaume-Uni]], [[Espagne]], [[Monaco]] et [[Liechtenstein]] ; l'[[Andorre]] et le [[Vatican]] sont des états à constitution monarchique, mais sans maison royale.</ref> et deux en [[Océanie]]<ref group="Note">Monarchies souveraines océaniennes : [[Samoa]] et [[Tonga]] ; à [[Wallis-et-Futuna]] il existe aussi trois royautés coutumières, mais sous [[Collectivité d'outre-mer|protectorat français]].</ref>. On peut être noble par l'[[hérédité]] ([[Armand De Ceuninck|baron de Ceuninck]], [[Bernard Montgomery|vicomte Montgomery]]), par la [[Finance|haute finance]] ([[Louis François Joseph Empain|baron Empain]] ; [[Montagu Norman|baron Norman]]), par la [[politique]] ([[Margaret Thatcher|baronne Thatcher]] ; [[Adolfo Suárez|duc de Suárez]]), par les [[art]]s ([[Antoine-Jean Gros|baron Gros]] ; [[Salvador Dalí|marquis de Dali]]), par les [[science]]s ([[Robert Winston (baron Winston)|baron Winston]] ; [[Dirk Frimout|vicomte Frimout]]) ou par les [[sport]]s ([[Sebastian Coe|baron Coe]] ; [[Jacques Rogge|comte Rogge]])<ref>[http://www.european-noble.eu/Statuts.htm www.european-noble.eu].</ref>.
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=== Afrique précoloniale ===
=== Afrique précoloniale ===
{{Article détaillé|Castes en Afrique|Castes au Mali|Titres de noblesse éthiopiens}}
{{Article détaillé|Castes en Afrique|Castes au Mali|Titres de noblesse éthiopiens}}
[[Fichier:Selassie.jpg|thumb|redresse|Le ''Ras'' Tafari Makonnen d'[[Éthiopie]] en 1923, futur [[Haïlé Sélassié Ier|empereur Hailé Sélassié]].]]
Les noblesses africaines les plus anciennement attestées, celles de l'[[Égypte antique]] et de la [[Maurétanie]], se sont progressivement fondues dans les [[Empire romain|élites romaines]] avant d'être absorbées par l'[[islamisation]] de l'[[Afrique du Nord]] ; pour leur part, les noblesses [[nubie]]nne, [[makurie]]nne, [[Nobatie|nobadienne]], [[Royaume d'Alodie|alodienne]], [[Royaume d'Axoum|axoumite]], [[Zagwés|zagouée]] et [[Abyssinie|abyssine]] ont fini par former la [[Titres de noblesse éthiopiens|noblesse éthiopienne]] (''[[négus]]'', ''[[Ras (titre)|ras]]'', ''mesafint'', ''mekwanent'' et autres ''warashehs'' en [[amharique]]) elle-même dispersée ou massacrée par la [[révolution éthiopienne]] ; enfin au [[Empire du Ghana|Ghana]] et dans les autres [[monarchie]]s sub-sahariennes, les ''horons'' (mot [[Langues mandingues|mandé]]) ou ''touboungs'' (mot [[Royaume Lunda|lounda]]) étaient hiérarchisés en trois groupes principaux<ref>Anne Stamm, ''Histoire de l'Afrique précoloniale'', PUF, coll. « Que sais-je ? » (no 241), 2015 (réimpr. FeniXX) ({{1re}} éd.1997), {{ISBN|978-2-13-047875-1}}, {{p.|62}}</ref>{{,}}<ref>{{article |langue=fr |titre=Tal Tamari, Les castes de l'Afrique occidentale. Artisans et musiciens endogames |nature article=compte rendu |auteur1=Gilles Holder |périodique=L'Homme |année=1999 |volume= 39 |numéro=152 |passage=234-237 |url=http://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1999_num_39_152_453696}}.</ref>{{,}}<ref>[[Catherine Coquery-Vidrovitch]], ''Petite histoire de l'Afrique : l'Afrique au sud du Sahara de la préhistoire à nos jours'', [[La Découverte]], {{coll.}} « Cahiers libres », 2011, epub {{ISBN|9782707167255}}, chap. 4, p. 13/27</ref> :
Les noblesses africaines les plus anciennement attestées, celles de l'[[Égypte antique]] et de la [[Maurétanie]], se sont progressivement fondues dans les [[Empire romain|élites romaines]] avant d'être absorbées par l'[[islamisation]] de l'[[Afrique du Nord]] ; pour leur part, les noblesses [[nubie]]nne, [[makurie]]nne, [[Nobatie|nobadienne]], [[Royaume d'Alodie|alodienne]], [[Royaume d'Axoum|axoumite]], [[Zagwés|zagouée]] et [[Abyssinie|abyssine]] ont fini par former la [[Titres de noblesse éthiopiens|noblesse éthiopienne]] (''[[négus]]'', ''[[Ras (titre)|ras]]'', ''mesafint'', ''mekwanent'' et autres ''warashehs'' en [[amharique]]) elle-même dispersée ou massacrée par la [[révolution éthiopienne]] ; enfin au [[Empire du Ghana|Ghana]] et dans les autres [[monarchie]]s sub-sahariennes, les ''horons'' (mot [[Langues mandingues|mandé]]) ou ''touboungs'' (mot [[Royaume Lunda|lounda]]) étaient hiérarchisés en trois groupes principaux<ref>Anne Stamm, ''Histoire de l'Afrique précoloniale'', PUF, coll. « Que sais-je ? » (no 241), 2015 (réimpr. FeniXX) ({{1re}} éd.1997), {{ISBN|978-2-13-047875-1}}, {{p.|62}}</ref>{{,}}<ref>{{article |langue=fr |titre=Tal Tamari, Les castes de l'Afrique occidentale. Artisans et musiciens endogames |nature article=compte rendu |auteur1=Gilles Holder |périodique=L'Homme |année=1999 |volume= 39 |numéro=152 |passage=234-237 |url=http://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1999_num_39_152_453696}}.</ref>{{,}}<ref>[[Catherine Coquery-Vidrovitch]], ''Petite histoire de l'Afrique : l'Afrique au sud du Sahara de la préhistoire à nos jours'', [[La Découverte]], {{coll.}} « Cahiers libres », 2011, epub {{ISBN|9782707167255}}, chap. 4, p. 13/27</ref> :
* les ''massalen'' (haute noblesse) étaient au sommet de la hiérarchie, assurant la royauté et le pouvoir territorial dans les provinces : c'étaient les [[duc]]s et [[comte]]s, grands propriétaires terriens et de bétail, détenteurs des droits de chasse et pêche qu'ils [[Affermage|affermaient]], qui avaient sous leurs ordres les chefs des différents villages de leur province ;
* les ''massalen'' (haute noblesse) étaient au sommet de la hiérarchie, assurant la royauté et le pouvoir territorial dans les provinces : c'étaient les [[duc]]s et [[comte]]s, grands propriétaires terriens et de bétail, détenteurs des droits de chasse et pêche qu'ils [[Affermage|affermaient]], qui avaient sous leurs ordres les chefs des différents villages de leur province ;
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=== Amérique précolombienne ===
=== Amérique précolombienne ===
[[Fichier:TupacamaruI.JPG|left|thumb|redresse|Le ''[[Sapa Inca]]'' [[Túpac Amaru]] (1545-1572), dernier souverain de [[Vilcabamba (Pérou)]].]]
Les [[conquistador]]s espagnols dénommèrent indifféremment « [[cacique (chef)|caciques]] » les aristocrates des empires [[amérindiens]] (maya, aztèque, inca…) dont la hiérarchie était aussi complexe qu'en Europe, mais moins cloisonnée et pas systématiquement héréditaire. Le mot ''cacique'' désigne un noble en [[Taïno (langue)|taïno]], langue indigène d'[[Hispaniola]]<ref>{{harv|Soustelle|2002|p=66}}.</ref>: il est généralement traduit par « dignitaire » ou « seigneur » et chez les [[Aztèques]] par exemple, les descendants des [[Tecuhtli|nobles]], désignés comme ''tecuhtli'' en [[nahuatl]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=James Lockhart|titre=Nahuatl as written|éditeur=[[Stanford University Press]]|année=2002|pages totales=251|isbn=0-8047-4282-0}}, pages [https://books.google.com/books?id=jbMp1DxWvPcC&pg=PA52&dq=teuctli+plural&ei=OqYjSuvXBoTyzQTtt6SQCA&hl=fr#PPA106,M1 106] et [https://books.google.com/books?id=jbMp1DxWvPcC&pg=PA52&dq=teuctli&ei=OqYjSuvXBoTyzQTtt6SQCA 52]</ref> étaient nommés {{Citation étrangère|lang=nah|[[pilli]]}}<ref>{{harvsp|Rounds|1977|p=358}}, note 2 : {{Citation étrangère|lang=en|A ''pilli'' was the son of a ''tecuhtli'' or of another ''pilli''}}.</ref>, terme équivalent à l'espagnol {{Citation étrangère|lang=es|[[hidalgo (noblesse)|hidalgo]]}} ({{Citation|fils de quelqu'un}})<ref>{{Citation|Un fils de ''tecuhtli'' ne retombait plus au rang de ''maceualli'' : « plébéien » ; il portait, du seul droit de sa naissance, le titre de ''pilli'', qui avait pris le sens de « fils de noble » comme le mot espagnol ''hidalgo'' : "fils de quelqu'un"}} : {{harv|Soustelle|2002|p=74}}</ref>.
Les [[conquistador]]s espagnols dénommèrent indifféremment « [[cacique (chef)|caciques]] » les aristocrates des empires [[amérindiens]] (maya, aztèque, inca…) dont la hiérarchie était aussi complexe qu'en Europe, mais moins cloisonnée et pas systématiquement héréditaire. Le mot ''cacique'' désigne un noble en [[Taïno (langue)|taïno]], langue indigène d'[[Hispaniola]]<ref>{{harv|Soustelle|2002|p=66}}.</ref>: il est généralement traduit par « dignitaire » ou « seigneur » et chez les [[Aztèques]] par exemple, les descendants des [[Tecuhtli|nobles]], désignés comme ''tecuhtli'' en [[nahuatl]]<ref>{{Ouvrage|auteur1=James Lockhart|titre=Nahuatl as written|éditeur=[[Stanford University Press]]|année=2002|pages totales=251|isbn=0-8047-4282-0}}, pages [https://books.google.com/books?id=jbMp1DxWvPcC&pg=PA52&dq=teuctli+plural&ei=OqYjSuvXBoTyzQTtt6SQCA&hl=fr#PPA106,M1 106] et [https://books.google.com/books?id=jbMp1DxWvPcC&pg=PA52&dq=teuctli&ei=OqYjSuvXBoTyzQTtt6SQCA 52]</ref> étaient nommés {{Citation étrangère|lang=nah|[[pilli]]}}<ref>{{harvsp|Rounds|1977|p=358}}, note 2 : {{Citation étrangère|lang=en|A ''pilli'' was the son of a ''tecuhtli'' or of another ''pilli''}}.</ref>, terme équivalent à l'espagnol {{Citation étrangère|lang=es|[[hidalgo (noblesse)|hidalgo]]}} ({{Citation|fils de quelqu'un}})<ref>{{Citation|Un fils de ''tecuhtli'' ne retombait plus au rang de ''maceualli'' : « plébéien » ; il portait, du seul droit de sa naissance, le titre de ''pilli'', qui avait pris le sens de « fils de noble » comme le mot espagnol ''hidalgo'' : « fils de quelqu'un de connu »}} : {{harv|Soustelle|2002|p=74}}</ref>.


Ces nobles amérindiens pouvaient aussi bien être d'extraction relativement modeste (par exemple, chez les [[Aztèques]], les [[Calpulli|''calpullec'']], des villages ou des quartiers de la capitale), que des [[Tecuhtli|seigneurs de rang élevé]] (empereurs, rois des monarchies subordonnées, gouverneurs des provinces, conseillers des monarques, juges importants ou grands chefs militaires, par exemple les ''apu'', ''[[kuraka]]'', ''qhapaq'', ''tuqriquq'' et ''varayoks'' des [[Civilisation inca|Incas]]). Les nobles amérindiens qui se sont opposés aux [[conquistador]]s ont disparu, mais ceux qui se sont ralliés à eux et se sont convertis au [[catholicisme]] ont parfois pu s'intégrer à la petite noblesse créole locale comme ''[[Vicomte|vizcondes]]'' ou ''[[Chevalerie|caballeros]]''<ref>Thomas Calvo, ''L'Amérique ibérique de 1570 à 1910'', Nathan, Paris 1994</ref>.
Ces nobles amérindiens pouvaient aussi bien être d'extraction relativement modeste (par exemple, chez les [[Aztèques]], les [[Calpulli|''calpullec'']], des villages ou des quartiers de la capitale), que des [[Tecuhtli|seigneurs de rang élevé]] (empereurs, rois des monarchies subordonnées, gouverneurs des provinces, conseillers des monarques, juges importants ou grands chefs militaires, par exemple les ''apu'', ''[[kuraka]]'', ''qhapaq'', ''tuqriquq'' et ''varayoks'' des [[Civilisation inca|Incas]]). Les nobles amérindiens qui se sont opposés aux [[conquistador]]s ont disparu, mais ceux qui se sont ralliés à eux et se sont convertis au [[catholicisme]] ont parfois pu s'intégrer à la petite noblesse créole locale comme ''[[Vicomte|vizcondes]]'' ou ''[[Chevalerie|caballeros]]''<ref>Thomas Calvo, ''L'Amérique ibérique de 1570 à 1910'', Nathan, Paris 1994</ref>.


=== Brésil ===
=== Brésil ===
Au [[Brésil]], c'est la [[maison d'Orléans-Bragance]] qui, durant son règne sur l'[[Empire du Brésil|Empire brésilien]], décerna quelques titres de noblesse, non-reconnus en Europe<ref>{{Ouvrage |langue=pt |prénom1=Lídia |nom1=Besouchet |titre=José Maria Paranhos : Visconde do Rio Branco : ensaio histórico-biográfico |lieu=Rio de Janeiro |éditeur=Nova Fronteira |année=1985 |année première édition=1945 |isbn= |oclc=14271198}}</ref> où les récipiendaires, de riches planteurs et éleveurs de bétail [[Esclavage au Brésil|esclavagistes]], furent qualifiés de « [[rastaquouère]]s »<ref>Douglas Cole, Libby Furtado et Júnia Ferreira, {{pt}} ''Trabalho livre, trabalho escravo: Brasil e Europa, séculos XVIII e XIX'', ed. Annablume 2006, pp. 321-322, {{ISBN|978-85-7419-627-5}}, 9788574196275.</ref>{{,}}<ref>[[Gabriel Astruc]], ''Les Morales du Rastaquouère'', ed. Ollendorff, Paris 1886.</ref>.
Au [[Brésil]], c'est la [[maison d'Orléans-Bragance]] qui, durant son règne sur l'[[Empire du Brésil|Empire brésilien]], décerna quelques titres de noblesse, non-reconnus en Europe<ref>{{Ouvrage |langue=pt |prénom1=Lídia |nom1=Besouchet |titre=José Maria Paranhos : Visconde do Rio Branco : ensaio histórico-biográfico |lieu=Rio de Janeiro |éditeur=Nova Fronteira |année=1985 |année première édition=1945|isbn=|oclc=14271198}}</ref> où les récipiendaires, de riches planteurs et éleveurs de bétail [[Esclavage au Brésil|esclavagistes]], furent qualifiés de « [[rastaquouère]]s »<ref>Douglas Cole, Libby Furtado et Júnia Ferreira, {{pt}} ''Trabalho livre, trabalho escravo: Brasil e Europa, séculos XVIII e XIX'', ed. Annablume 2006, pp. 321-322, {{ISBN|978-85-7419-627-5}}, 9788574196275.</ref>{{,}}<ref>[[Gabriel Astruc]], ''Les Morales du Rastaquouère'', ed. Ollendorff, Paris 1886.</ref>.
[[Image:The Ci-Xi Imperial Dowager Empress (9.2).PNG|left|thumb|redresse|L'impératrice douairière de Chine [[Cixi]] (Ts'eu-Hi) en 1902.]]


=== Chine ===
=== Chine ===
{{article détaillé|Noblesse chinoise}}
{{Article détaillé|Noblesse chinoise}}
Incluant les [[Souveraineté|souverains]] et les nobles proprement dits<ref>Ji Ming feng jue biao (Mao Naiyong zhu)", Wen cui ge, by genealogist Naiyong Mao, on Chinese peerage, 1970, Taipei</ref>, la noblesse chinoise a été un élément important de l’organisation sociale et politique traditionnelle de la [[Chine impériale]]. Les concepts de souverains héréditaires, de titres de noblesse et de familles nobles apparaissent dès les [[Histoire de la Chine#Les premières dynasties|débuts semi-mythiques]] de l'[[histoire de la Chine]] puis, sous la [[dynastie Zhou]] un système structuré définissant la noblesse et les nobles se met en place et perdure durant plus de deux millénaires suivants, avec quelques modifications et ajouts dont le plus récent date de la [[dynastie Qing]].
Incluant les [[Souveraineté|souverains]] et les nobles proprement dits<ref>Ji Ming feng jue biao (Mao Naiyong zhu)", Wen cui ge, by genealogist Naiyong Mao, on Chinese peerage, 1970, Taipei</ref>, la noblesse chinoise a été un élément important de l’organisation sociale et politique traditionnelle de la [[Chine impériale]]. Les concepts de souverains héréditaires, de titres de noblesse et de familles nobles apparaissent dès les [[Histoire de la Chine#Les premières dynasties|débuts semi-mythiques]] de l'[[histoire de la Chine]] puis, sous la [[dynastie Zhou]] un système structuré définissant la noblesse et les nobles se met en place et perdure durant plus de deux millénaires suivants, avec quelques modifications et ajouts dont le plus récent date de la [[dynastie Qing]].


Un titre de noblesse peut être gagné ou perdu à titre posthume, l'élévation posthume étant souvent utilisée comme un moyen d'exprimer sa considération envers le défunt. Ainsi [[Guan Yu]], qui vécut à la [[fin de la dynastie Han]], portait de son vivant le titre de [[marquis]] de Han Zhou (漢壽亭侯) et reçut à titre posthume le titre de [[duc]] de Zhonghui (忠惠公). Sous la [[dynastie Yuan]], Yiyong Wu'an Yingji portait le titre de [[Prince (dignité)|prince]] de Xianling (顯靈義勇武安英濟王), avant d'être littéralement « [[béatifié]] » et élevé au rang d'empereur sous la [[dynastie Ming]], où il devient le Saint empereur Guan, le ''Grand dieu qui subjugue les démons des trois mondes et dont la grâce se propage loin et se déplace dans le ciel'' (三界伏魔大神威遠震天尊關聖帝君). Dans la culture populaire, il est révéré comme étant un Dieu de la prospérité, du commerce, de la guerre et de la police<ref>{{lien web|langue=en|url=http://history.cultural-china.com/en/47History172.html |titre=Guan Yu - The Saint of Force |série=China culture |consulté le=20 juin 2016}}</ref>.
Un titre de noblesse peut être gagné ou perdu à titre posthume, l'élévation posthume étant souvent utilisée comme un moyen d'exprimer sa considération envers le défunt. Ainsi [[Guan Yu]], qui vécut à la [[fin de la dynastie Han]], portait de son vivant le titre de [[marquis]] de Han Zhou (漢壽亭侯) et reçut à titre posthume le titre de [[duc]] de Zhonghui (忠惠公). Sous la [[dynastie Yuan]], Yiyong Wu'an Yingji portait le titre de [[Prince (dignité)|prince]] de Xianling (顯靈義勇武安英濟王), avant d'être littéralement « [[béatifié]] » et élevé au rang d'empereur sous la [[dynastie Ming]], où il devient le « saint empereur Guan », le ''Grand dieu qui subjugue les démons des trois mondes et dont la grâce se propage loin et se déplace dans le ciel'' (三界伏魔大神威遠震天尊關聖帝君). Dans la culture populaire, il est révéré comme étant un Dieu de la prospérité, du commerce, de la guerre et de la police<ref>{{lien web|langue=en|url=http://history.cultural-china.com/en/47History172.html |titre=Guan Yu - The Saint of Force |série=China culture |consulté le=20 juin 2016}}</ref>.


Ce système perdure jusqu'à la [[Révolution chinoise de 1911]] qui met fin à l'[[empire chinois]]. Toutefois la [[République de Chine (1912-1949)|République de Chine]] permet à quelques familles nobles, ayant soutenu le nouveau régime, de garder leurs titres et leurs dignités, mais tous perdent leurs domaines et cela précipite leur déclin économique. Quant à la [[République populaire de Chine]] mise en place en [[1949]], elle ne se contente pas d'abolir tous les titres, prédicats et indicateurs de noblesse, mais cible l'aristocratie physiquement dans le cadre de la [[lutte des classes]], de sorte que tous ceux qui n'ont pas réussi à fuir le pays sont, au mieux, détenus aux [[travaux forcés]] du [[Laogai]] et au pire massacrés sur place, notamment pendant la [[révolution culturelle]]. De nos jours, seule une poignée de personnes de la [[diaspora chinoise]] continue à revendiquer tel ou tel titre de noblesse dans l'indifférence générale<ref>{{Lien web |langue=en |format=pdf |titre=Mao, The Unknown Story; by Jung Chang and Jon Halliday |url=https://www.cis.org.au/app/uploads/2015/04/images/stories/policy-magazine/2006-autumn/2006-22-1-wolfgang-kasper.pdf}}.</ref>.
Ce système perdure jusqu'à la [[Révolution chinoise de 1911]] qui met fin à l'[[empire chinois]]. Toutefois la [[République de Chine (1912-1949)|république de Chine]] permet à quelques familles nobles, ayant soutenu le nouveau régime, de garder leurs titres et leurs dignités, mais tous perdent leurs domaines et cela précipite leur déclin économique. Quant à la [[république populaire de Chine]] mise en place en [[1949]], elle ne se contente pas d'abolir tous les titres, prédicats et indicateurs de noblesse, mais cible l'aristocratie physiquement dans le cadre de la [[lutte des classes]], de sorte que tous ceux qui n'ont pas réussi à fuir le pays sont, au mieux, détenus aux [[travaux forcés]] du [[Laogai]] et au pire massacrés sur place, notamment pendant la [[révolution culturelle]]. De nos jours, seule une poignée de personnes de la [[diaspora chinoise]] continue à revendiquer tel ou tel titre de noblesse dans l'indifférence générale<ref>{{Lien web |langue=en |format=pdf |titre=Mao, The Unknown Story; by Jung Chang and Jon Halliday |url=https://www.cis.org.au/app/uploads/2015/04/images/stories/policy-magazine/2006-autumn/2006-22-1-wolfgang-kasper.pdf}}.</ref>.


{{clr}}
=== Europe ===
=== Europe ===
[[Fichier:Tomb of Philippe Pot, Right Side - Louvre, Room 10.jpg|thumb|La noblesse européenne et la tradition de l'[[héraldique]], comme ici chez les [[pleurant]]s, Louvre.]]
[[Fichier:Tomb of Philippe Pot, Right Side - Louvre, Room 10.jpg|thumb|La noblesse européenne et la tradition de l'[[héraldique]], comme ici chez les [[pleurant]]s, Louvre.]]
En Europe, chaque pays a ses propres [[tradition]]s nobiliaires.
En Europe, chaque pays a ses propres [[tradition]]s nobiliaires<ref group="Note">Voir la {{Catégorie|Noblesse européenne}} et ci-dessous les articles connexes.</ref>.
[[Fichier:Musee-de-lArmee-IMG 1076.jpg|vignette|redresse|« [[Statue équestre]] » d'un [[Chevalerie|chevalier]] en [[Armure (équipement)|armure]], sa monture cabrée (ce qui suppose un [[cheval]] beaucoup plus musclé que les [[Liste de races chevalines|races actuelles]]).]]
{{Article détaillé|Noblesse autrichienne|Noblesse belge|Noblesse britannique|Noblesse danoise|Noblesse espagnole|Noblesse française|Noblesse d'Empire|Liste des familles subsistantes de la noblesse française|Noblesse hongroise|Noblesse italienne|Noblesse des Pays-Bas|Noblesse danoise ancienne|Noblesse polonaise|Armorial de la noblesse portugaise|Noblesse roumaine|Noblesse russe|Noblesse suédoise}}
[[Fichier:Cardin le Bret with his father.jpg|vignette|gauche|redresse|Portrait de Pierre-Cardin Le Bret seigneur de Flacourt (1639-1710) et de son fils Cardin Le Bret comte de Selles (1675-1734) : l'achat au roi de France d'une fonction de justice ([[office]]) [[Anoblissement|anoblit]]. Les [[Famille Le Bret|Le Bret]], [[Parlement d'Aix|parlementaires d'Aix-en-Provence]] à la fin du {{s-|XVII}}.]]
[[Fichier:1776 QUARTIERS GENEALOGIQUES TITLE.jpg|vignette|gauche|La noblesse et son histoire est étudiée dans des armoriaux, comme ici des Pays-Bas, contenant mariages avec quartiers du {{s-|XVIII}}.]]
[[Fichier:1776 QUARTIERS GENEALOGIQUES TITLE.jpg|vignette|gauche|redresse|La noblesse et son histoire est étudiée dans des armoriaux, comme ici des [[Pays-Bas]], contenant mariages avec quartiers du {{s-|XVIII}}.]]
[[Fichier:Musee-de-lArmee-IMG 1076.jpg|vignette| « [[Statue équestre]] » d'un [[Chevalerie|chevalier]] en [[Armure (équipement)|armure]], sa monture cabrée (ce qui suppose un [[cheval]] beaucoup plus musclé que les [[Liste de races chevalines|races actuelles]]).]]


==== L'héritage romain ====
En [[Europe de l'Ouest|Europe occidentale]], les [[royaumes germaniques]] copièrent le système romain de délégation de la ''[[potestas]]''<ref name="Werner, p. 688-689">{{Harvsp|Werner|2012|p=688-689|id=}}.</ref>. Ainsi, des nobles germaniques purent se voir confier, par les ''maiores natu'' ou « grands des peuples barbares », des fonctions publiques ou ''honores'', non héréditaires, comme dans la ''nobilitas'' romaine, et ainsi entrer dans la ''militia principis'' en jurant obéissance « à la romaine » (''obsequium'') au nouveau roi germanique. Par exemple, pour être mieux accepté et obéi par ses sujets [[gallo-romains]], largement majoritaires dans [[Royaume franc|son royaume]], le souverain [[Francs|franc]] [[Clovis Ier|Chlodwig (Clovis)]] conserva le droit romain pour les Romains et pour les [[Christianisme nicéen|chrétiens]]<ref name="Werner, p. 685">{{Harvsp|Werner|2012|p=685|id=}}.</ref>, incita ses « grands » à entrer dans ce système et finit par renoncer à sa [[Mythologie germanique|religion germanique]] pour adopter lui-même le [[christianisme]]<ref>Christian Delabos, « Le baptême de Clovis », in : ''Histoire Antique et Médiévale'' n° 63, Septembre 2012, pp. 20-27 - [https://www.academia.edu/4899875/Le_bapt%C3%AAme_de_Clovis].</ref>.
En [[Europe de l'Ouest|Europe occidentale]], les [[royaumes germaniques]] copièrent plus ou moins le système romain de délégation de la ''[[potestas]]''<ref name="Werner, p. 688-689">{{Harvsp|Werner|2012|p=688-689|id=}}.</ref>. Ainsi, des nobles germaniques purent se voir confier, par les ''maiores natu'' ou « grands des peuples barbares », des fonctions publiques ou ''honores'', non héréditaires, comme dans la ''nobilitas'' romaine, et ainsi entrer dans la ''militia principis'' en jurant obéissance « à la romaine » (''obsequium'') au nouveau roi germanique. Par exemple, pour être mieux accepté et obéi par ses sujets [[gallo-romains]], largement majoritaires dans [[Royaume franc|son royaume]], le souverain [[Francs|franc]] [[Clovis Ier|Chlodwig (Clovis)]] conserva le droit romain pour les Romains et pour les [[Christianisme nicéen|chrétiens]]<ref name="Werner, p. 685">{{Harvsp|Werner|2012|p=685|id=}}.</ref>, incita ses « grands » à entrer dans ce système et finit par renoncer à sa [[Mythologie germanique|religion germanique]] pour adopter lui-même le [[christianisme]]<ref>Christian Delabos, « Le baptême de Clovis », in : ''Histoire Antique et Médiévale'' n° 63, Septembre 2012, pp. 20-27 - [https://www.academia.edu/4899875/Le_bapt%C3%AAme_de_Clovis].</ref>.


Cette osmose germano-romaine en Occident est freinée par la division du [[christianisme]] entre [[Arianisme|ariens]] (variante initialement adoptée par une grande part de la noblesse germanique) et [[Christianisme nicéen|nicéens]] (variante adoptée par les autochtones romains<ref group="Note">De nombreuses sources occidentales comme [[Charles George Herbermann]] dans l’''Encyclopédie catholique'' ou [[Michel Le Quien]] dans ''Oriens Christianus'', désignent le [[christianisme nicéen]] des Romains sous le vocable « [[Église catholique]] », par [[anachronisme]] puisque cela se passe avant la [[séparation des Églises d'Orient et d'Occident]] et avant les 14 conciles postérieurs à celle-ci, qui définissent l'[[Église catholique romaine]] actuelle.</ref>{{,}}<ref name="Werner, p. 582">{{Harvsp|Werner|2012|p=582|id=}}.</ref>) mais facilitée par certaines similarités entre noblesses romaines et [[Royaumes germaniques|germaniques]]<ref>Dans la hiérarchie administrative et militaire romaine, les fonctions de [[duc]] et de [[comte]] existaient déjà ({{Harvsp|Werner|2012|p=428|id=}}), comme en atteste un texte du futur saint Wandrille qui, après sa période aulique, fut nommé ''exactor rei publicæ gentis Francorum'', l’''exactura'' étant un terme romain pour l'administration fiscale, qui n'a jamais cessé d'être utilisé et l'était encore sous le roi Pépin ({{Harvsp|Werner|2012|p=396|id=}}). Le [[royaume franc]] emploie les termes de ''nobiles viri'' ou ''illustres viri'' (« hommes illustres »), qui prouvent que l'héritage romain a été intégré, mais aussi des termes tels que ''proceres'' pour « les grands ».<br>La pratique du serment par la noblesse romaine transfère le serment de fidélité des nobles au roi germanique devenu ''princeps'' dans son royaume : ainsi, au {{s-|VI}}, le roi exigea ce serment « à la romaine » de tous ses sujets libres et [[Charlemagne]] se fit jurer fidélité deux fois, « à la romaine » et « à la germanique », et « devant Dieu » ; sous les Mérovingiens ce serment de fidélité liant les grands au roi est parfaitement attesté ({{Harvsp|Werner|2012|p=265-266|id=}}).<br>Quelques centres de commandement romains sont maintenus par les rois germaniques : le comte germain peut résider dans l'ancien prétoire romain, contrairement à l'image des « cours barbares » comme autant de « villages de tentes » ou de « grandes fermes en bois » ({{Harvsp|Werner|2012|p=393|id=}} et Carl-Richard Brühl, ''Palatium et Civitas'', 1975). Au début, les tribunaux romains conservèrent leur qualité de lieux publics sous l'autorité des grands germaniques ({{Harvsp|Werner|2012|p=650|id=}}). Des nobles romains se sont parfois maintenus par alliance avec les grands de l'aristocratie [[Goths|gothique]], [[Vandales|vandale]], [[Francs|franque]], [[Burgondes|burgonde]] ou [[Lombards|lombarde]] qui adoptèrent eux aussi le ''cingulum'' ({{Harvsp|Werner|2012|p=581|id=}}).<br>Aux {{s mini-|V}}, {{s2-|VI|VII|}}, le haut clergé [[Christianisme nicéen|nicéen]] des royaumes germaniques, même [[Arianisme|ariens]], pouvait être d'origine romaine sénatoriale, et l'enseignement des élites permettait de conserver une partie des savoirs de l'antiquité ({{Harvsp|Werner|2012|p=394|id=}}). Par exemple, à la cour d'[[Austrasie]] à [[Metz]], dès le {{s-|VI}} dont Werner cite l'exemple, les écrits que Venance Fortunat a adressé aux grands révèlent leurs accès aux sources antiques. [[Arnoul de Metz]] fut présenté à la cour par un noble de sa famille, de rang sénatorial : Gundulf. Formé à la cour, il finit par administrer de larges parties de l'[[Austrasie]] et devenir un des hommes les plus puissants du royaume. Il y a d'autres exemples de formations auliques comme celui des parents du futur saint [[Ermeland]] ({{s-|VII}}).</ref>.
L'osmose germano-romaine en Occident a été freinée par la division du [[christianisme]] entre [[Arianisme|ariens]] (variante initialement adoptée par une grande part de la noblesse germanique) et [[Christianisme nicéen|nicéens]] (variante adoptée par les autochtones romains<ref group="Note">De nombreuses sources occidentales comme [[Charles George Herbermann]] dans l’''Encyclopédie catholique'' ou [[Michel Le Quien]] dans ''Oriens Christianus'', désignent le [[christianisme nicéen]] des Romains sous le vocable « [[Église catholique]] », par [[anachronisme]] puisque cela se passe avant la [[séparation des Églises d'Orient et d'Occident]] et avant les 14 conciles postérieurs à celle-ci, qui définissent l'[[Église catholique romaine]] actuelle.</ref>{{,}}<ref name="Werner, p. 582">{{Harvsp|Werner|2012|p=582|id=}}.</ref>) mais facilitée par certaines similarités entre noblesses romaines et [[Royaumes germaniques|germaniques]]<ref group="Note">Dans la hiérarchie administrative et militaire romaine, les fonctions de [[duc]] et de [[comte]] existaient déjà ({{Harvsp|Werner|2012|p=428|id=}}), comme l'atteste un texte de Wandrille qui, après sa période aulique, fut nommé ''exactor rei publicæ gentis Francorum'', l’''exactura'' étant un terme romain pour l'administration fiscale, qui n'a jamais cessé d'être utilisé et l'était encore sous le roi Pépin ({{Harvsp|Werner|2012|p=396|id=}}). Le [[royaume franc]] emploie les termes de ''nobiles viri'' ou ''illustres viri'' (« hommes illustres »), qui prouvent que l'héritage romain a été intégré, mais aussi des termes tels que ''proceres'' pour « les grands ».<br>La pratique du serment par la noblesse romaine transfère le serment de fidélité des nobles au roi germanique devenu ''princeps'' dans son royaume : ainsi, au {{s-|VI}}, le roi exigea ce serment « à la romaine » de tous ses sujets libres et [[Charlemagne]] se fit jurer fidélité deux fois, « à la romaine » et « à la germanique », et « devant Dieu » ; sous les Mérovingiens ce serment de fidélité liant les grands au roi est parfaitement attesté ({{Harvsp|Werner|2012|p=265-266|id=}}).<br>Quelques centres de commandement romains sont maintenus par les rois germaniques : le comte germain peut résider dans l'ancien prétoire romain, contrairement à l'image des « cours barbares » comme autant de « villages de tentes » ou de « grandes fermes en bois » ({{Harvsp|Werner|2012|p=393|id=}} et Carl-Richard Brühl, ''Palatium et Civitas'', 1975). Au début, les tribunaux romains conservèrent leur qualité de lieux publics sous l'autorité des grands germaniques ({{Harvsp|Werner|2012|p=650|id=}}). Des nobles romains se sont parfois maintenus par alliance avec les grands de l'aristocratie [[Goths|gothique]], [[Vandales|vandale]], [[Francs|franque]], [[Burgondes|burgonde]] ou [[Lombards|lombarde]] qui adoptèrent eux aussi le ''cingulum'' ({{Harvsp|Werner|2012|p=581|id=}}).<br>Aux {{s mini-|V}}, {{s2-|VI|VII|}}, le haut clergé [[Christianisme nicéen|nicéen]] des royaumes germaniques, même [[Arianisme|ariens]], pouvait être d'origine romaine sénatoriale, et l'enseignement des élites permettait de conserver une partie des savoirs de l'antiquité ({{Harvsp|Werner|2012|p=394|id=}}). Par exemple, à la cour d'[[Austrasie]] à [[Metz]], dès le {{s-|VI}} dont Werner cite l'exemple, les écrits que Venance Fortunat a adressé aux grands révèlent leurs accès aux sources antiques. [[Arnoul de Metz]] fut présenté à la cour par un noble de sa famille, de rang sénatorial : Gundulf. Formé à la cour, il finit par administrer de larges parties de l'[[Austrasie]] et devenir un des hommes les plus puissants du royaume. Il y a d'autres exemples de formations auliques comme celui des parents du futur saint [[Ermeland]] ({{s-|VII}}).</ref>.


Dans la [[féodalité]] européenne, le noble, [[Vassalité|vassal]] de son [[Suzeraineté|suzerain]] et qui a les ressources économiques pour disposer de montures, d'[[armement médiéval|armes]] [[Arme d'hast|d'hast]], [[Estoc et taille|d'estoc et de taille]], d'[[Armure (équipement)|armures]], d'[[Écu (bouclier)|écus]], de [[tente]]s, d'[[Écuyer (gentilhomme)|écuyers]] et de goujats (responsables des bagages), se bat à cheval et est astreint à des règles de combat spécifiques. L'homme du peuple, moins bien armé et cuirassé, se bat à pied dans l'[[infanterie]], en [[fantassin]], en [[Arc (arme)|archer]] ou en [[Fronde (arme)|frondeur]], appelé « piéton ». À la fin du [[Moyen Âge]], les innovations technologiques et notamment les [[armes à feu]] rendent obsolète le combat à cheval en armure lourde, tandis que le besoin de [[Ouvrier agricole|main-d'œuvre agricole]] et la professionnalisation des métiers d'armes favorise l'usage des [[mercenaire]]s dans l'infanterie. Cela n'empêchera pas la [[mythologie]] associée à la [[chevalerie]] de persister jusqu'à la période [[Romantisme|romantique]], au {{XIXe siècle}}<ref>[[Georges Duby]], ''Féodalité'', Gallimard, {{coll.|[[Quarto (collection)|Quarto]]}}, Paris 1996 {{ISBN|2-07-073758-6}}</ref>.
Toutefois, faire de la noblesse occidentale un prolongement direct de la noblesse romaine, constitue une [[Mythe|mythification]] du récit car à partir du {{s-|IX}} la tradition [[Germaniques|germanique]] de la transmission héréditaire des titres et des [[office]]s de la ''potestas publica'' se généralise<ref name="Werner, p. 324, 426, 601, 685-687">{{Harvsp|Werner|2012|p=324, 426, 601,-685-687|id=}}.</ref> : les lignées des « grands » germaniques se sont substituées à la noblesse de souche locale romaine, formant une « [[noblesse d'épée]] » assimilée à la « [[noblesse d'extraction]] » (sans trace écrite d'anoblissement) puis une « [[noblesse de robe]] » créée au début du {{s-|XVII}}.


==== La noblesse occidentale dans la culture ====
Dans la [[féodalité]] européenne, le noble, [[vassalité|vassal]] de son [[Suzeraineté|suzerain]] et qui a les ressources économiques pour disposer de montures, d'[[armement médiéval|armes]] [[Arme d'hast|d'hast]], [[Estoc et taille|d'estoc et de taille]], d'[[Armure (équipement)|armures]], d'[[Écu (bouclier)|écus]], de [[tente]]s, d'[[Écuyer (gentilhomme)|écuyers]] et de goujats (responsables des bagages), se bat à cheval, astreint à des règles de combat spécifiques : il est bien différent de l'homme du peuple, moins bien armé et cuirassé, qui se bat à pied dans l'[[infanterie]], en [[fantassin]], en [[Arc (arme)|archer]] ou en [[Fronde (arme)|frondeur]], appelé « piéton ». À la fin du [[Moyen Âge]], les innovations technologiques et notamment les [[armes à feu]] rendent obsolète le combat à cheval en armure lourde, tandis que le besoin de [[Ouvrier agricole|main d'oeuvre agricole]] et la professionnalisation des métiers d'armes favorise l'usage des [[mercenaire]]s dans l'infanterie, mais la [[mythologie]] associée à la [[chevalerie]] persistera jusqu'à la période [[Romantisme|romantique]], au {{XIXe siècle}}<ref>[[Georges Duby]], ''Féodalité'', Gallimard, {{coll.|[[Quarto (collection)|Quarto]]}}, Paris 1996 {{ISBN|2-07-073758-6}}</ref>.
Dans la culture occidentale, l'expression métaphorique de « [[wikt:sang bleu|sang bleu]] » pour les nobles n'apparaît qu'au {{s-|XIX}} : du {{sp-|XVI|au|XVIII}}, l'expression en France est celle de « sang clair », « sang pur » ou « sang épuré », mythe racial qui s'épanouit à la fin du règne de [[Louis XV]], correspondant à une réaction nobiliaire face à l'affaiblissement du pouvoir politique de la [[noblesse d'extraction]] face à la [[Bourgeoisie de robe|bourgeoisie]] et à la [[noblesse de robe]] et à une réception de l'œuvre de [[Henri de Boulainvilliers|Boulainvilliers qui reprend la théorie germaniste]] des « deux races » (la race supérieure, franque ou germanique, en lutte contre la race inférieure des Gaulois ou Gallo-Romains)<ref>{{ouvrage|auteur=André Devyver|titre=Le sang épuré, les préjugés de race chez les français de l'Ancien Régime (1560-1720)|éditeur=U.L.B.|date=1973|passage=45}}.</ref>. L'expression française provient de l'[[espagnol]] « sangre azul » désignant la noblesse chrétienne actrice de la ''[[reconquista]]'', peut-être en référence à l'archétype du [[héros]] princier moralement noble, à l'âme pure comme le ciel bleu sans nuages, appelé en [[Culture de l'Espagne|Espagne]] ''[[Prince charmant|Principe azul]]''<ref>[[Anne Pouget-Tolu]], ''Le Pourquoi des choses'', Volume 4, Cherche Midi, 2011, {{p.|80}}. {{ISBN|2749120551}}</ref>. D'autres hypothèses sont proposées pour expliquer cette référence à la couleur bleue : pâleur de la peau des nobles restant à l'abri du soleil et qui les différencie du peuple laborieux des villes et des campagnes à la peau burinée par le soleil et le grand air (les [[Vaisseau sanguin|vaisseaux sanguins]] des aristocrates transparaissant dans une teinte bleuâtre à travers le filtre de la peau) ; association au statut de la [[Vierge Marie]], [[Saint patron|patronne principale]] de la France, et dont le bleu est la couleur exclusive et « noble » pour peindre le manteau sur ses [[Vierge Marie dans l'art|représentations artistiques]] (« noble » dans le sens où l'utilisation de pigments bleus pour honorer la Vierge fait appel à un ingrédient extrêmement cher, le [[lapis-lazuli]])<ref>« Avoir du sang bleu », in {{ouvrage|auteur=André Texier|titre=Qu'est-ce que la noblesse ? - Histoire et droit|éditeur=Taillandier|date=1988|passage=209-210}}.</ref>…


[[Image:Duerer - Ritter, Tod und Teufel (Der Reuther).jpg|thumb|redresse|[[Albrecht Dürer]], ''[[Le Chevalier, la Mort et le Diable]]'', 1513. Cette gravure a donné lieu à de multiples interprétations au cours des siècles.]]
Dans la culture occidentale, la notion de « [[wikt:avoir le sang bleu|sang bleu]] » pour les nobles provient de l'[[espagnol]] « sangre azul » désignant la noblesse chrétienne actrice de la ''[[reconquista]]'' en référence à l'archétype du [[héros]] princier moralement noble, à l'âme pure comme le ciel bleu sans nuages, appelé en [[Culture de l'Espagne|Espagne]] ''[[Prince charmant|Principe azul]]''<ref>[[Anne Pouget-Tolu]], ''Le Pourquoi des choses'', Volume 4, Cherche Midi, 2011, {{p.|80}}. {{ISBN|2749120551}}</ref>.
[[Image:Sleepingbeautycastle50.jpg|thumb|Au {{s-|XX}}, une noblesse fictive est mise en scène à travers les œuvres de [[J. R. R. Tolkien]] ou de [[Walt Disney]] (ici le [[Château de la Belle au bois dormant]] à [[Disneyland]], [[Anaheim]], [[Californie]]).]]
[[Image:Duerer - Ritter, Tod und Teufel (Der Reuther).jpg|thumb|[[Albrecht Dürer]]. ''[[Le Chevalier, la Mort et le Diable]]'', 1513. Cette gravure a donné lieu à de multiples interprétations au cours des siècles.]]
[[Image:Sleepingbeautycastle50.jpg|thumb|Au {{s-|XX}}, une noblesse fictive est mise en scène à travers les œuvres de [[J. R. R. Tolkien]] ou de [[Walt Disney]] (ici le [[Château de la Belle au bois dormant]], [[Disneyland]], [[Anaheim]], [[Californie]]).]]
{{Article détaillé|Occident chrétien|chanson de geste|Légende arthurienne|roman de chevalerie|romantisme}}
{{Article détaillé|Occident chrétien|chanson de geste|Légende arthurienne|roman de chevalerie|romantisme}}
[[Karl Ferdinand Werner]] décrit quatre [[mythe]]s concernant la noblesse, forgés et enrichis au fil des siècles par la [[Gouvernement de l'Église catholique|papauté]], soucieuse de s'assurer leur protection, leurs services et leur fidélité :
[[Karl Ferdinand Werner]] décrit plusieurs [[mythe]]s concernant la noblesse et le Moyen Age en général :
* la noblesse de l'« [[occident chrétien]] » prolongerait directement la noblesse et la ''militia principis'' romaines<ref name="Werner, p. 188 et 700">{{Harvsp|Werner|2012|p=188 et 700|id=}}</ref> enrichies de quelques [[Royaumes barbares|guerriers germains]] assimilés : ce mythe vise à étayer les revendications de ces derniers, soutenus par l'[[Diocèse de Rome|Église de Rome]], comme héritiers de l'[[Empire romain d'Occident]]<ref name="Werner, p. 699">{{Harvsp|Werner|2012|p=699|id=}}.</ref> ;
* la noblesse occidentale descendrait essentiellement de la noblesse germanique tandis que la militas romaine aurait disparu au Haut Moyen Age : Werner soutient au contraire que la chevalerie européenne est l'héritière de la militas romaine. Il n'y a pas eut de remplacement des élites romaines par les élites germaniques mais une fusion des deux, tandis que les élites germaniques adoptaient les formes et les institutions romaines<ref name="Werner, p. 188 et 700">{{Harvsp|Werner|2012|p=41-46|id=}}</ref>
* la noblesse aurait eu un caractère public puisqu'elle dirigeait l'État<ref name="Werner, p. 174">{{Harvsp|Werner|2012|p=174|id=}}.</ref> et représentait la puissance publique<ref name="Werner, p. 122">{{Harvsp|Werner|2012|p=122|id=}}.</ref>. Dans cette optique, l'idée que les droits de la noblesse relèvent du droit privé, issue de la logique des [[État de droit|États de droit]] modernes qui proscrivent la personnalisation de l'espace public, serait anachronique<ref name="Werner, p. 18">{{Harvsp|Werner|2012|p=18|id=}}.</ref>, mais de cette idée découle le revers de ce mythe, selon lequel il n'y aurait plus eu d'administration civile et laïque efficace à l'époque féodale<ref name="Werner, p. 649">{{Harvsp|Werner|2012|p=649|id=}}.</ref>, l'[[Église (organisation)|Église]] seule remplissant ce rôle. En fait beaucoup de nobles surveillaient de près et administraient soigneusement, directement ou par [[régisseur]]s ou [[Affermage|fermiers]] interposés, les populations qui assuraient leur prospérité, non par [[philanthropie]] (quoi qu'il y eut des nobles philanthropes) mais par intérêt politique et économique bien compris<ref name="Werner, p. 639">{{Harvsp|Werner|2012|p=639|id=}}.</ref>. Pour autant, l'émergence d'une classe de « propriétaires [[laïc]]s », qui, « en commun avec leurs tenants auraient pris des initiatives et se seraient auto-organisés » reste un phénomène marginal : ce fut par exemple le cas dans les [[Histoire de la Suisse|cantons suisses]] ou en [[Histoire de la Russie|Russie médiévale]] avec le [[Mir (communauté)|système du ''mir'']] et les ''[[pogost]]s'', mais cela reste exceptionnel dans l'histoire médiévale<ref name="Werner, p. 630">{{Harvsp|Werner|2012|p=630|id=}}.</ref> ;
* La noblesse aurait usurpé et privatisé les droits de la puissance publique, conduisant à "l'anarchie féodale". Werner affirme au contraire que l'idée que les droits de la noblesse relèvent du droit privé, issue de la logique des [[État de droit|États de droit]] modernes qui proscrivent la personnalisation de l'espace public, serait anachronique<ref name="Werner, p. 18">{{Harvsp|Werner|2012|p=18|id=}}.</ref>. De même Werner récuse l'idée qu’il n'y aurait plus eu d'administration civile et laïque efficace à l'époque féodale<ref name="Werner, p. 649">{{Harvsp|Werner|2012|p=649|id=}}.</ref>. En fait, beaucoup de nobles surveillaient de près et administraient soigneusement, directement ou par [[régisseur]]s ou [[Affermage|fermiers]] interposés, les populations qui assuraient leur prospérité<ref name="Werner, p. 639">{{Harvsp|Werner|2012|p=631|id=}}</ref>.
Werner cite également plusieurs avantages et apports positifs de la noblesse à la civilisation européenne :
* la noblesse aurait été caractérisée par le devoir et le service du plus grand nombre, comme si la noblesse sociale rendait obligatoirement moralement noble, comme si la ''superbia'' ([[orgueil]]) et l’''avaritia'' (avarice), [[Péché mortel|péchés mortels]] aux yeux de l'[[Église (organisation)|Église]], se seraient évaporés avec l'[[anoblissement]] au bénéfice du sens de l'intérêt collectif et du sacrifice de soi<ref name="Werner, p. 708">{{Harvsp|Werner|2012|p=708|id=}}.</ref>. Selon ce [[mythe]], les jeunes nobles auraient tous été systématiquement élevés dans l'idée qu'ils étaient nés pour servir leur [[suzerain]], mais aussi le [[peuple]], la [[justice]], le [[pays]] et [[Dieu]], afin de gouverner les hommes avec [[droiture]], [[tempérance]] et [[courage]], les protéger et les aider (particulièrement les faibles et les pauvres, les veuves, les orphelins, le [[clergé]], les [[moine]]s) conformément aux [[vertus cardinales]] de l'idéal chrétien<ref name="Werner, p. 706">{{Harvsp|Werner|2012|p=706|id=}}.</ref>. Dans la pratique, ces obligations furent souvent transgressées, quitte à faire ensuite amende honorable ou pénitence afin de réparer ses torts, par exemple au moyen de donations prises dans le [[butin (glossaire militaire)|butin]] amassé : l'[[honneur]] d'un noble fut souvent proportionnel à sa fortune (des armes et matérielle) plutôt qu'à l'accomplissement de ses devoirs<ref>Florent Renaudin, ''L'homme d'armes au Moyen Âge'', éd. Errance, collection « Histoire vivante », 2006.</ref>. Autour de l'[[an mille]], dans l'entourage d’{{souverain2|Otton III (empereur du Saint-Empire)|Otton III}} ou {{souverain2|Robert II le Pieux}} il était de règle, après moult batailles accompagnées des violences habituelles, que les nobles soient [[absolution (christianisme)|absous]] par des dons parfois fastueux aux églises et abbayes : l'[[Église (organisation)|Église]] ainsi enrichie de terres, moulins, gués, ponts, [[Charte de franchises|franchises]] et chefs-d'œuvre de l’art, leur en savait gré<ref name="K. F. Werner 2012, p. 681">K. F. Werner 2012, p. 681</ref> et savait se montrer [[Indulgence (catholicisme)|indulgente]]<ref>Charles Journet, « La théologie des indulgences », ''Documentation catholique'' n° 63, col. 1885-1886, 1966</ref>, allant jusqu’à en [[Commerce des indulgences|faire commerce]]<ref>[https://books.google.fr/books?id=b6ujqR43m58C&pg=PA145&lpg=PA145&dq=%22antipape+Jean+XXIII%22+Hus+%22commerce+des+indulgences%22&source=bl&ots=qGwD1FAOXM&sig=JY0all6EGba0q1QboSQdQxKceEw&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi1oJ3B2u3WAhXlIcAKHSMvDLYQ6AEIJjAA#v=onepage&q=%22antipape%20Jean%20XXIII%22%20Hus%20%22commerce%20des%20indulgences%22&f=false ''Les traducteurs dans l'histoire'' par Jean Delisle, Judith Woodsworth, International Federation of Translators] sur Googlebooks.</ref>, ce qui fut l'une des causes de la [[Réforme protestante]], à laquelle une partie de la noblesse européenne, notamment [[Europe du Nord|nordique]], adhéra<ref>Annick Sibué, ''Luther et la réforme protestante'' Eyrolles 2011, {{ISBN|978-2212548594}}</ref> ;

* un dernier mythe superlatif concerne la « culture courtoise » bénéficiant à la [[femme]] en lien avec le culte de la [[Marie (mère de Jésus)|Vierge Marie]] qui en faisait un être devenant respectable dans l'« alternative [[virginité]]/[[Parentalité|maternité]] »<ref name="Werner, p. 706-707">{{Harvsp|Werner|2012|p=706-707|id=}}.</ref>. Il s'agissait des nobles dames, car le sort des roturières était de subir [[corvée]]s, [[Droit de cuissage|viols]], [[violence]]s et [[servitude]]s<ref>Christian-Georges Schwentzel, ''Op. cit.''</ref> ; quant aux dames nobles, souvent mariées encore enfants, sans que jamais leur avis ou consentement ne fusse requis, la [[poésie]] des [[troubadour]]s et les tournois des chevaliers, plus ritualisés et moins violents que les batailles, offraient quelque consolation<ref>Carla Casagrande, Carla, article « La femme gardée », dans [[Georges Duby]] et Michèle Perrot, ''Histoire des femmes en Occident : le Moyen âge'', tome 2, Plon 1991</ref>. La « [[galanterie]] chevaleresque » issue de ces traditions ne saurait occulter le fait que les femmes, à l'exception de quelques souveraines très énergiques, étaient juridiquement mineures et n'existaient que comme filles, épouses ou sœurs des hommes de leur famille<ref>{{article|auteur=Christian-Georges Schwentzel |titre=Aux origines de la phallocratie |périodique=[[The Conversation (média)|The Conversation]]|date=22 novembre 2017|url=https://theconversation.com/aux-origines-de-la-phallocratie-87826}}.</ref>.
* Selon cet auteur, les nobles étaient élevés avec l’idée qu’ils étaient nés pour servir le prince, mais aussi son seigneur, [[Dieu]] de qui vient toute autorité et tout idéal de justice. Dans l’idéal, c’était gouverner les hommes, les protéger, les juger, les aider, plus particulièrement les faibles et les pauvres, les veuves et les orphelins, protéger le [[clergé]], les moines, conformément à l'idéal chrétien. De nombreuses fois, les nobles ignorèrent leurs obligations, mais, bien souvent, il les respectèrent ou firent amende honorable, voire pénitence et cherchèrent à réparer leurs torts<ref name="Werner, p. 708">{{Harvsp|Werner|2012|p=708|id=}}.</ref>.
* la noblesse a développé en son sein la culture courtoise bénéficiant à la [[femme]] ; "avec le culte de la [[Marie (mère de Jésus)|Vierge Marie]]", affirme Werner, "le ''miles'' a découvert la dignité de la femme, représentée dans ce monde par l’épouse du seigneur, la dame, à laquelle il pouvait avoir le privilège de vouer son service. S'est ainsi développée la civilisation courtoise, avec la [[poésie]] des cours princières et des tournois dont les dames étaient les vrais juges. Toute une culture du respect de la femme et de la [[galanterie]] en est issue ; la femme, qu’elle soit noble ou bourgeoise, devait avoir pas sur les hommes, le plus grand respect étant acquis aux dames âgées et cultivées. Cette culture présupposait des hommes éduqués dans les normes « chevaleresques », celles du "cavalier" à la Cour"<ref name="Werner, p. 706-707">{{Harvsp|Werner|2012|p=706-707|id=}}.</ref>.

[[Image:Raja Ravi Varma, Maharaja Sayaji Rao.jpg|left|thumb|redresse|Sayajirao Gaekwad III, ''maha[[raja]]'' de l'[[État de Baroda|État indien du Baroda]].]]


=== Inde ===
=== Inde ===
Parmi les [[Castes en Inde|''varṇas'' (castes) de l’Inde]], aujourd’hui sans existence légale<ref>[[Claude Meillassoux]], « Y a-t-il des castes aux Indes ? », ''Cahiers internationaux de sociologie'', n° 54, 1973, {{p.|5-29}} (repris dans ''Terrains et théories'', Paris, Anthropos, 1977, {{p.|277-311}}).</ref> mais toujours très présentes dans la structure sociale<ref>{{Article|langue=en|prénom1=J.|nom1=Alam|titre=Democracy in India and the quest for equality|périodique=Community Development Journal|volume=44|numéro=3|jour=|mois=|année=2009|pages=|issn=|lire en ligne=http://cdj.oxfordjournals.org/content/44/3/291.abstract|id=}}, {{p.|301}}.</ref>, ce sont les plus minoritaires : les [[brahmane]]s ou prêtres et, parmi les ''[[kshatriya]]s'' ou guerriers, les [[Jati|lignées]] de [[Raja|''rājans'' ou ''rājahs'']] (ou seigneurs, particulièrement les ''maharājahs'' ou souverains), qui constituaient la noblesse<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Louis|nom1=Dumont|lien auteur1=Louis Dumont|titre=Homo hierarchicus : le système des castes et ses implications|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1966|passage=93}}.</ref>. Ce sysème a diffusé, en même temps que l’[[hindouisme]], en [[Indochine]], [[Malaisie]] et [[Hindouisme en Indonésie|Indonésie]]<ref>Louis Finot, « Les origines de la colonisation indienne en Indochine » in : ''Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient'', 1912, n° 12 pp. 1-4 - [https://www.persee.fr/doc/befeo_0336-1519_1912_num_12_1_2720]</ref>. Lorsque l’hindouisme a été supplanté par le [[bouddhisme]] ou l’[[islam]], les ''rājahs'' ont perduré comme maîtres de la terre, et les ''maharājahs'' comme rois bouddhistes ou [[Sultan (titre)|sultans]] [[Malais (peuple)|malais]].
Parmi les [[Castes en Inde|''varṇas'' (castes) de l'Inde]], aujourd'hui sans existence légale<ref>[[Claude Meillassoux]], « Y a-t-il des castes aux Indes ? », ''Cahiers internationaux de sociologie'', n° 54, 1973, {{p.|5-29}} (repris dans ''Terrains et théories'', Paris, Anthropos, 1977, {{p.|277-311}}).</ref> mais toujours très présentes dans la structure sociale<ref>{{Article|langue=en|prénom1=J.|nom1=Alam|titre=Democracy in India and the quest for equality|périodique=Community Development Journal|volume=44|numéro=3|jour=|mois=|année=2009|pages=|issn=|lire en ligne=http://cdj.oxfordjournals.org/content/44/3/291.abstract|id=}}, {{p.|301}}.</ref>, ce sont les plus minoritaires : les [[brahmane]]s ou prêtres et, parmi les ''[[kshatriya]]s'' ou guerriers, les [[Jati|lignées]] de [[Raja|''rājans'' ou ''rājahs'']] (ou seigneurs, particulièrement les ''maharājahs'' ou souverains), qui constituaient la noblesse<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Louis|nom1=Dumont|lien auteur1=Louis Dumont|titre=Homo hierarchicus : le système des castes et ses implications|lieu=Paris|éditeur=[[Éditions Gallimard|Gallimard]]|année=1966|passage=93}}.</ref>. Ce sysème a diffusé, en même temps que l’[[hindouisme]], en [[Indochine]], [[Malaisie]] et [[Hindouisme en Indonésie|Indonésie]]<ref>Louis Finot, « Les origines de la colonisation indienne en Indochine » in : ''Bulletin de l'École française d'Extrême-Orient'', 1912, n° 12 pp. 1-4 - [https://www.persee.fr/doc/befeo_0336-1519_1912_num_12_1_2720]</ref>. Lorsque l’hindouisme a été supplanté par le [[bouddhisme]] ou l’[[islam]], les ''rājahs'' ont perduré comme maîtres de la terre, et les ''maharājahs'' comme rois bouddhistes ou [[Sultan (titre)|sultans]] [[Malais (peuple)|malais]].


=== Indonésie ===
=== Indonésie ===
{{article détaillé|Noblesse indonésienne|Titres de noblesse indonésiens}}
{{Article détaillé|Noblesse indonésienne|Titres de noblesse indonésiens}}
[[Fichier:COLLECTIE TROPENMUSEUM Portret van een regent in de residentie Bantam met familie TMnr 60025948.jpg|thumb|Un ''[[régent (Indes néerlandaises)|regent]]'' javanais et sa famille (1888).]]
[[Fichier:COLLECTIE TROPENMUSEUM Portret van een regent in de residentie Bantam met familie TMnr 60025948.jpg|left|thumb|Un ''[[régent (Indes néerlandaises)|regent]]'' javanais et sa famille (1888).]]
Bien que l'[[Indonésie]] soit aujourd'hui une république, on y trouve encore de nombreuses cours royales et princières dont les membres forment une noblesse de sang qui n'a plus de privilèges mais conserve ses titres. Les chefs de ces [[Maison (généalogie)|maisons]] ont encore un rôle symbolique et rituel. Il existe en outre des rites par lesquels on accorde une distinction nobiliaire à des personnes. Enfin, à [[Java (île)|Java]], les descendants d'une [[noblesse de robe]] créée au {{s-|XVII}} par le [[Sultan Agung]] du [[Ancien royaume de Mataram|royaume de Mataram]], les ''[[priyayi]]'', sont souvent reconnaissables à leur [[nom de famille]], alors que ce dernier n'est pas encore une institution répandue pour la grande majorité des [[Indonésiens]]<ref>Clifford Geertz, ''Negara : the Theatre State in Nineteenth-century'' Bali 1980.</ref>.
Bien que l'[[Indonésie]] soit aujourd'hui une république, on y trouve encore de nombreuses cours royales et princières dont les membres forment une noblesse de sang qui n'a plus de privilèges mais conserve ses titres. Les chefs de ces [[Maison (généalogie)|maisons]] ont encore un rôle symbolique et rituel. Il existe en outre des rites par lesquels on accorde une distinction nobiliaire à des personnes. Enfin, à [[Java (île)|Java]], les descendants d'une [[noblesse de robe]] créée au {{s-|XVII}} par le [[Sultan Agung]] du [[Ancien royaume de Mataram|royaume de Mataram]], les ''[[priyayi]]'', sont souvent reconnaissables à leur [[nom de famille]], alors que ce dernier n'est pas encore une institution répandue pour la grande majorité des [[Indonésiens]]<ref>Clifford Geertz, ''Negara : the Theatre State in Nineteenth-century'' Bali 1980.</ref>.


=== Japon ===
=== Japon ===
[[Fichier:A Daimio paying a state visit-J. M. W. Silver.jpg|thumb|left|Un [[daimyo]] en visite d'État.]]
[[Fichier:A Daimio paying a state visit-J. M. W. Silver.jpg|thumb|Un [[daimyo]] japonais en visite d'État.]]
[[Fichier:Yukichi Fukuzawa Berlin2.jpg|thumb|upright|[[Fukuzawa Yukichi]], samouraï de rang médiocre et grand intellectuel japonais, photographié en Allemagne ; les armoiries de son clan figurent sur son habit.]]
[[Fichier:Yukichi Fukuzawa Berlin2.jpg|thumb|redresse|[[Fukuzawa Yukichi]], samouraï de rang médiocre et grand intellectuel japonais, photographié en Allemagne ; les armoiries de son clan figurent sur son habit.]]
Source de ce sous-chapitre<ref>{{article | auteur = Bob Tadashi Wakabayashi | titre = Imperial Sovereignty in Early Modern Japan | périodique = [[Journal of Japanese Studies]] | volume = 17 | numéro = 1 | date = hiver 1991 | page = 25-57}}</ref>.
Source de ce sous-chapitre<ref>{{article | auteur = Bob Tadashi Wakabayashi | titre = Imperial Sovereignty in Early Modern Japan | périodique = [[Journal of Japanese Studies]] | volume = 17 | numéro = 1 | date = hiver 1991 | page = 25-57}}</ref>.
Jusqu'en 1869, la noblesse japonaise (''[[kuge]]'') était structurée sur le modèle chinois, et basée sur la possession de grands domaines dont les habitants étaient des [[Servage|serfs]] (auxquels pouvaient s'ajouter les [[Esclavage|esclaves]] des grands propriétaires ''[[daimyo]]'' : on pouvait devenir esclave pour dettes, comme punition à la suite d'un jugement, ou comme prisonnier de guerre si on n'était pas mort les armes à la main car dans les trois cas on était déshonoré et on cessait d'être une personne pour devenir une « chose » (''hinin'' 非人).
Jusqu'en 1869, la noblesse japonaise (''[[kuge]]'') était structurée sur le modèle chinois, et basée sur la possession de grands domaines dont les habitants étaient des [[Servage|serfs]] (auxquels pouvaient s'ajouter les [[Esclavage|esclaves]] des grands propriétaires ''[[daimyo]]'' : on pouvait devenir esclave pour dettes, comme punition à la suite d'un jugement, ou comme prisonnier de guerre si on n'était pas mort les armes à la main car dans les trois cas on était déshonoré et on cessait d'être une personne pour devenir une « chose » (''hinin'' 非人).
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Initialement, ce qu'on appelle, ''stricto sensu'', noblesse japonaise (''[[kuge]]'') s'est articulée autour du souverain impérial, d'où procédaient tous les honneurs, apanages et charges décernés aux clans de courtisans (''[[uji]]'') comme les [[Clan Fujiwara|Fujiwara]] ou [[Clan Mononobe|Mononobe]]), dont nombre d'origine coréenne ([[Clan Soga|Soga]]). Les chefs de ces clans portaient des titres hiérarchisés ou ''[[kabane]]''. Parallèlement, dès le {{s-|VII}}, s'est constituée une noblesse de service qui a peu à peu accaparé la réalité du pouvoir, sans jamais éliminer les ''kuge'', les [[samouraï]]<ref group="Note">Terme vieilli (de nos jours, on dit plutôt ''[[buke]]'') ; ''samurai'' provient du verbe ''saburau'', signifiant « garder », « servir ».</ref>. Cette classe, sans équivalent en Europe<ref group=Note>Par extension, on pourrait vaguement l'apparenter à la [[Hidalgo (noblesse)|hidalguia]] espagnole ou à la [[gentry]] anglaise, etc.</ref>, s'est rapidement fédérée autour de descendants de princes impériaux (les [[Clan Taira|Heike]] et les [[Ère Genji|Genji]]), puis des [[shogun]]s. Ses principaux chefs, politiques et gouverneurs régionaux (les [[daimyo]]<ref group=Note>Grands seigneurs apanagés.</ref> et les ''shomyo''<ref group=Note>Petits seigneurs apanagés.</ref>) ont été graduellement admis au sein des ''kuge'' (d'autant plus qu'ils en procédaient le plus souvent)<ref group=Note>L'importance des daimyos et des ''shomyo'' dans la hiérarchie nobiliaire (voir la [[liste des clans japonais]]) était proportionnelle aux revenus officiels (calculés en ''koku'' de riz) qu'ils tiraient de leurs apanages, ainsi qu'à leur situation géographique; néanmoins, ces revenus étant calculés par le pouvoir shogounal lors de la prise de fonction du chef de famille, ils correspondaient généralement assez peu à la réalité des richesses de la région concernée. Au {{s-|XVII}}, un ''koku'' équivalait - officiellement - à quelque {{unité|180|litres}} de riz, soit la quantité nécessaire pour nourrir un adulte pendant une année.</ref>. Dans l'ensemble, les samouraï ont fourni au Japon shogounal la plupart de ses cadres, de ses militaires et de ses fonctionnaires, surtout provinciaux. Les chefs héréditaires de sectes ou de temples étaient généralement d'origine samouraï et classés comme tels.
Initialement, ce qu'on appelle, ''stricto sensu'', noblesse japonaise (''[[kuge]]'') s'est articulée autour du souverain impérial, d'où procédaient tous les honneurs, apanages et charges décernés aux clans de courtisans (''[[uji]]'') comme les [[Clan Fujiwara|Fujiwara]] ou [[Clan Mononobe|Mononobe]]), dont nombre d'origine coréenne ([[Clan Soga|Soga]]). Les chefs de ces clans portaient des titres hiérarchisés ou ''[[kabane]]''. Parallèlement, dès le {{s-|VII}}, s'est constituée une noblesse de service qui a peu à peu accaparé la réalité du pouvoir, sans jamais éliminer les ''kuge'', les [[samouraï]]<ref group="Note">Terme vieilli (de nos jours, on dit plutôt ''[[buke]]'') ; ''samurai'' provient du verbe ''saburau'', signifiant « garder », « servir ».</ref>. Cette classe, sans équivalent en Europe<ref group=Note>Par extension, on pourrait vaguement l'apparenter à la [[Hidalgo (noblesse)|hidalguia]] espagnole ou à la [[gentry]] anglaise, etc.</ref>, s'est rapidement fédérée autour de descendants de princes impériaux (les [[Clan Taira|Heike]] et les [[Ère Genji|Genji]]), puis des [[shogun]]s. Ses principaux chefs, politiques et gouverneurs régionaux (les [[daimyo]]<ref group=Note>Grands seigneurs apanagés.</ref> et les ''shomyo''<ref group=Note>Petits seigneurs apanagés.</ref>) ont été graduellement admis au sein des ''kuge'' (d'autant plus qu'ils en procédaient le plus souvent)<ref group=Note>L'importance des daimyos et des ''shomyo'' dans la hiérarchie nobiliaire (voir la [[liste des clans japonais]]) était proportionnelle aux revenus officiels (calculés en ''koku'' de riz) qu'ils tiraient de leurs apanages, ainsi qu'à leur situation géographique; néanmoins, ces revenus étant calculés par le pouvoir shogounal lors de la prise de fonction du chef de famille, ils correspondaient généralement assez peu à la réalité des richesses de la région concernée. Au {{s-|XVII}}, un ''koku'' équivalait - officiellement - à quelque {{unité|180|litres}} de riz, soit la quantité nécessaire pour nourrir un adulte pendant une année.</ref>. Dans l'ensemble, les samouraï ont fourni au Japon shogounal la plupart de ses cadres, de ses militaires et de ses fonctionnaires, surtout provinciaux. Les chefs héréditaires de sectes ou de temples étaient généralement d'origine samouraï et classés comme tels.


Lors de la [[Ère Meiji|période Meiji]] (1868), le nouveau gouvernement institua une nouvelle noblesse, ou {{japonais|''kazoku''|華族||littéralement « ascendance fleurie »}}, inspirée du système français (napoléonien) et anglais. Elle fut abolie à la fin de la [[Seconde Guerre mondiale]]. Les bénéficiaires furent surtout des politiques (''prince'' [[Itō Hirobumi]], artisan de la colonisation japonaise de la Corée), des hauts fonctionnaires et des hommes d'affaires (''baron'' Iwasaki Yatarô, fondateur du groupe [[Mitsubishi]]). Hormis les [[Tokugawa]], la distribution des titres de ''kazoku'' pour les anciens [[daimyo]]s dépendait du revenu en riz de ces [[féodalité|seigneurs féodaux]] : ceux qui percevaient plus de {{unité|150000|''[[koku]]''}} devinrent marquis, ceux qui percevaient plus de {{unité|50000|''koku''}} devinrent comtes, etc. L'ancien [[shogun]], [[Tokugawa Yoshinobu]], devint prince, les chefs des branches primaires de la famille [[Tokugawa]] (''shimpan daimyō'') devinrent marquis et les chefs des branches secondaires devinrent comtes. Ainsi, la ''[[kuge]]'' (la noblesse de la cour impériale de [[Kyoto]]) et les ''[[daimyo]]'' (les [[féodalité|seigneurs féodaux]]) fusionnèrent en une seule [[aristocratie|classe aristocratique]]. [[Itō Hirobumi]], un des acteurs de la [[restauration de Meiji]] et plus tard l'un des auteurs de la [[Constitution de l'Empire du Japon|Constitution de 1889]], destinait le ''kazoku'' à servir de rempart pour l'[[Empereur du Japon|empereur]] et l'institution impériale rénovée, qui élargit le statut de ''kazoku'' aux personnes ayant brillamment servi la couronne.
Lors de la [[Ère Meiji|période Meiji]] (1868), le nouveau gouvernement institua une nouvelle noblesse, ou {{japonais|''kazoku''|華族||littéralement « ascendance fleurie »}}, inspirée du système français (napoléonien) et anglais. Elle fut abolie à la fin de la [[Seconde Guerre mondiale]]. Les bénéficiaires furent surtout des politiques (''prince'' [[Itō Hirobumi]], artisan de la colonisation japonaise de la Corée), des hauts fonctionnaires et des hommes d'affaires (''baron'' Iwasaki Yatarô, fondateur du groupe [[Mitsubishi]]). Hormis les [[Tokugawa]], la distribution des titres de ''kazoku'' pour les anciens [[daimyo]]s dépendait du revenu en riz de ces [[féodalité|seigneurs féodaux]] : ceux qui percevaient plus de {{unité|150000|''[[koku]]''}} devinrent marquis, ceux qui percevaient plus de {{unité|50000|''koku''}} devinrent comtes, etc. L'ancien [[shogun]], [[Tokugawa Yoshinobu]], devint prince, les chefs des branches primaires de la famille [[Tokugawa]] (''shimpan daimyō'') devinrent marquis et les chefs des branches secondaires devinrent comtes. Ainsi, la ''[[kuge]]'' (la noblesse de la cour impériale de [[Kyoto]]) et les ''[[daimyo]]'' (les [[féodalité|seigneurs féodaux]]) fusionnèrent en une seule classe aristocratique. [[Itō Hirobumi]], un des acteurs de la [[restauration de Meiji]] et plus tard l'un des auteurs de la [[Constitution de l'Empire du Japon|Constitution de 1889]], destinait le ''kazoku'' à servir de rempart pour l'[[Empereur du Japon|empereur]] et l'institution impériale rénovée, qui élargit le statut de ''kazoku'' aux personnes ayant brillamment servi la couronne.
{{article détaillé|Kazoku}}
{{Article détaillé|Kazoku}}
En 1884, le gouvernement divisa le ''kazoku'' en cinq rangs explicitement basés sur la [[pairie de Grande-Bretagne]]. Ce système utilise des titres dérivés des anciens titres de noblesse d'avant 1864 qui, eux aussi, sont au nombre de cinq :
En 1884, le gouvernement divisa le ''kazoku'' en cinq rangs explicitement basés sur la [[pairie de Grande-Bretagne]]. Ce système utilise des titres dérivés des anciens titres de noblesse d'avant 1864 qui, eux aussi, sont au nombre de cinq :
* {{japonais|[[Prince (titre)|prince]] ou [[duc]]|公爵|''kōshaku''}}
* {{japonais|[[Prince (titre)|prince]] ou [[duc]]|公爵|''kōshaku''}}
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=== Perse ===
=== Perse ===
En Perse impériale on différenciait deux catégories de nobles : ''ashrâfiyyat-e divâni'' et ''ashrâfiyyat-e lashgari'', qui correspondaient plus ou moins à la distinction entre la [[noblesse de robe]] et celle d'épée. Sous les [[Arsacides]], la noblesse du premier rang se définissait par la parenté (la [[filiation]] ou la [[germanité]]) avec la personne du [[Chah|Shah]]. Ainsi, les membres de Mehestan (nom hérité du Sénat iranien sous l'[[Empire parthe]]) étaient nommés parmi les princes de sang qui de ce fait appartenaient au plus haut rang de la noblesse. Avec l'avènement de la [[dynastie Pahlavi]] en [[1924]], [[Reza Chah|Reza Shah]] fit voter une série de lois portant l'abolition de tous les [[Privilège (droit)|privilège]]s de la noblesse. L'usage des titres de courtoisie a néanmoins perduré jusqu'à l'avènement de la révolution iranienne en 1979<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Iranian History at a Glance|éditeur=Alhoda UK|date=2005-01-01|pages totales=370|isbn=978-964-439-005-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=RhHENa0o6zMC&pg=PA80|consulté le=2017-01-10}}.</ref>.
En [[Empire perse|Perse impériale]] on différenciait deux catégories de nobles : ''ashrâfiyyat-e divâni'' et ''ashrâfiyyat-e lashgari'', qui correspondaient plus ou moins à la distinction entre la [[noblesse de robe]] et celle d'épée. Sous les [[Arsacides]], la noblesse du premier rang se définissait par la parenté (la [[filiation]] ou la [[germanité]]) avec la personne du [[Chah|Shah]]. Ainsi, les membres de Mehestan (nom hérité du Sénat iranien sous l'[[Empire parthe]]) étaient nommés parmi les princes de sang qui de ce fait appartenaient au plus haut rang de la noblesse. Avec l'avènement de la [[dynastie Pahlavi]] en [[1924]], [[Reza Chah|Reza Shah]] fit voter une série de lois portant l'abolition de tous les [[Privilège (droit)|privilège]]s et titres de la noblesse, comme ''{{page h'|Mirza}}'' (persan ميرزا, transcrit ''mourza'', ''murza'' ou ''morza'' et fréquemment pris pour un [[patronyme]] dans les sources secondaires)<ref>[http://www.spreadia.com/Morzalar/181777685/TripAtlas.com_-_About_Morza Morzalar, Spreadia.com].</ref>. L'usage de ''Mirza'' par [[courtoisie]] a néanmoins perduré jusqu'à la [[révolution iranienne]] en 1979 et existe encore dans la [[diaspora iranienne]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|titre=Iranian History at a Glance|éditeur=Alhoda UK|date=2005-01-01|pages totales=370|isbn=978-964-439-005-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=RhHENa0o6zMC&pg=PA80|consulté le=2017-01-10}}.</ref>.
[[Fichier:Murza.jpg|thumb|''Portrait d’un mourza'' par [[Vassili Sourikov]], 1873.]]


=== Peuples cavaliers des steppes ===
=== Peuples cavaliers des steppes ===
Initialement [[Chamanisme|chamaniste]] ou [[Tengrisme|tengriste]], la noblesse des [[Peuple cavalier|peuples cavaliers]] de la [[steppe eurasienne]] ([[Scythes]], [[Sarmates]], [[Huns]], [[Avars]], [[proto-Bulgares]], [[Alains]], [[Khazars]], [[Magyars]], [[Pétchénègues]], [[Coumans|Polovtses (Coumans)]], [[Invasion mongole de l'Europe|Mongols]], [[Tatars]]…)<ref>{{Ouvrage|langue=|auteur1=|nom1=Grousset, René, 1885-1952.|titre=L'empire des steppes : Attila, Gengis-Khan, Tamerlan|passage=273|lieu=|éditeur=Payot|date=1980|pages totales=|isbn=2-228-27251-5|isbn2=978-2-228-27251-3|oclc=11727606|lire en ligne=https://www.worldcat.org/oclc/11727606|consulté le=2020-07-09}}</ref> comprenait plusieurs rangs : à partir du {{VIIe siècle}} apparaissent les titres de ''[[khan]]'' (« souverain ») d'origine [[Peuples turcs|turco]]-[[Mongols|mongole]], de ''[[Boyard|boïla]]'' (бꙑлꙗ, « noble ») d'origine [[Proto-Bulgares|bulgare]]<ref>G. Moravcsik, ''Byzantinoturcica'' t. II, Brill, Leiden 1983, p. 133.</ref> et de ''{{page h'|Mirza|mirza}}'' (« prince », d'origine perse)<ref>« Definition of Mirza - Prince surname » in : ''Digg - Dictionary'' - [http://www.digg.com/news/lifestyle/dictionary_definition_of_mirza_prince_surname].</ref>.
Les nobles des [[Peuple cavalier|peuples cavaliers]] de la [[steppe eurasienne]] portaient le titre de ''mourza''', ''murza'' ou ''morza'' (pluriel : ''morzalar''), du persan ''{{page h'|Mirza|mirza}}'' (ميرزا), désignant les princes des [[khanat]]s [[Khanat de Kazan|de Qazan]], [[Khanat d'Astrakhan|d'Astrakhan]], [[Khanat de Khiva|de Khiva]] ou [[Khanat de Boukhara|de Boukhara]] ; par [[métonymie]] on dénomme également ainsi les princes [[khazars]], [[pétchénègues]], [[coumans]] ou [[circassiens]] absorbés par les [[Tatars]] et ainsi passés du [[tengrisme]] à l'[[islam]]<ref>[http://www.spreadia.com/Morzalar/181777685/TripAtlas.com_-_About_Morza Morzalar, Spreadia.com]</ref>.


Ces titres identifiaient les aristocrates des [[khanat]]s proto-bulgares de la [[Ancienne Grande Bulgarie|mer Noire]] ([[steppe pontique]]), de [[Khanat bulgare de la Volga|la Volga]] et [[Khanat bulgare du Danube|du Danube]], ainsi que ceux des khanats [[Peuples turcs|turcophones]] de [[Khanat de Kazan|Qazan]], d'[[Khanat d'Astrakhan|Astrakhan]], de [[Khanat de Kokand|Ferghana]], de [[Khanat de Khiva|Khiva]] ou de [[Khanat de Boukhara|Boukhara]], mais aussi les princes [[circassiens]] absorbés par les tatars, les nobles polovtses et tatars absorbés par les [[Liste des principautés slaves de l'Est|principautés russes]] ou [[Principautés danubiennes|roumaines]] ainsi que l'[[Histoire des Balkans|aristocratie des pays balkaniques]] d'avant la [[christianisation]] par l'[[Patriarcat œcuménique de Constantinople|église byzantine]] ou d'avant la [[Empire ottoman|conquête turque]] et l'[[islamisation]]<ref>John V.A. Fine Jr., {{en}} ''The Early Medieval Balkans'', Ann Arbor, 1983.</ref>.
Après la défaite du khanat de Kazan en [[1552]], plusieurs ''morzalar'' passent au christianisme et entrent au service de la [[Histoire de la Russie|Russie]] ; d'autres deviennent marchands. [[Catherine II de Russie|Catherine la Grande]] les intègre dans la [[noblesse russe]]. Beaucoup d'entre eux émigrent après la [[révolution d'Octobre]]<ref>« Definition of Mirza - Prince surname » in : ''Digg - Dictionary'' - [http://www.digg.com/news/lifestyle/dictionary_definition_of_mirza_prince_surname].</ref>.

Ce qui subsistait de cette « noblesse des steppes » au début du {{s-|XX}} disparaît ou émigre en Occident après la [[révolution d'Octobre]] de 1917 en Russie, après l'abolition de l'[[Empire ottoman]] remplacé par la [[république turque|république de Turquie]] en 1923 et après l'avènement des [[État communiste|gouvernements communistes]] en [[Europe centrale et orientale]] à partir de 1945<ref>Michel Sturdza, ''The Suicide of Europe'', Western Islands Publishers, 1968, Belmont, Massachusetts, U.S.A., Library of Congress Catalog Card Number 68-58284.</ref>.
[[Fichier:Makeapori.jpg|left|thumb|redresse|L’''Ariki nui'' [[Makea Pori|Pori Makea]], roi polynésien de [[Teauotonga]] à [[Rarotonga]] en 1833, portant son ''ta’iri'' (éventail équivalent d'un sceptre).]]


=== Polynésie ===
=== Polynésie ===
En [[Polynésie]], un ''[[ariki]]'' est un guerrier, et le chef des guerriers, l’''ariki nui'' (littéralement « grand guerrier ») est le chef tribal, souvent assimilé à un roi, au statut généralement semi-héréditaire. Aux [[Tonga]], des titres de noblesse furent conférés à des grands chefs traditionnels lors de la fondation du royaume des Tonga en tant qu'État d'inspiration occidentale, au dix-neuvième siècle. Ainsi furent posés les fondements de la [[noblesse tongienne]], qui dispose à ce jour d'un grand prestige, ainsi que de prérogatives politiques<ref>{{en}} {{lien brisé|url=https://www.pmo.gov.to/history-of-the-tongan-constitution.html |titre="The History of the Tongan Constitution" }}, [[Sione Latukefu]], gouvernement des Tonga, 14 juillet 2008.</ref>. Aux [[Îles Marquises|Marquises]], la société comprenait cinq classes : les familles nobles ''hakaiki'' parmi lesquelles chaque tribu avait sa lignée royale héréditaire (hérédité pas forcément patrilinéaire), les ''taua'' ou prêtres, les ''kaïoï '' ou clans libres ordinaires (chacun ayant ses propres [[Société initiatique|affiliations initiatiques]] [[Totémisme|totémiques]]), les ''tuhuna'' (artisans, artistes, conteurs) et les ''kikino'' (serfs et serviteurs, pouvant être des captifs de guerre ou des personnes punies pour avoir enfreint des [[tabou]]s ou pour dettes)<ref>Emmanuel et Aü Deschamps, ''L'archipel des Marquises'', éd. A. Barthélémy et Le Motu, Papeete 2002, pp. 17 à 19, {{ISBN|2-87923-174-4}}.</ref>. À [[Wallis-et-Futuna]], les ''lavelua'' (souverains) sont assistés de ''kivalu'' (ministres) et de ''faipule'' (gouverneurs)<ref>Françoise Douaire‑Marsaudon, « Droit coutumier et loi républicaine dans une collectivité d’outre‑mer française (Wallis‑et‑Futuna) » dans ''Ethnologie française'', vol. 169, 1, 2018 (ISSN 0046-2616 et 2101-0064, DOI 10.3917/ethn.181.0081).</ref>.
En [[Polynésie]], un ''[[ariki]]'' est un guerrier, et le chef des guerriers, l’''ariki nui'' (littéralement « grand guerrier ») est le chef tribal, souvent assimilé à un roi, au statut généralement semi-héréditaire. Aux [[îles Marquises]] par exemple, la société comprenait cinq classes : les familles nobles ''hakaiki'' parmi lesquelles chaque tribu avait sa lignée royale héréditaire (hérédité pas forcément patrilinéaire), les ''taua'' ou prêtres, les ''kaïoï '' ou clans libres ordinaires (chacun ayant ses propres [[Société initiatique|affiliations initiatiques]] [[Totémisme|totémiques]]), les ''tuhuna'' (artisans, artistes, conteurs) et les ''kikino'' (serfs et serviteurs, pouvant être des captifs de guerre ou des personnes punies pour avoir enfreint des [[tabou]]s ou pour dettes)<ref>Emmanuel et Aü Deschamps, ''L'archipel des Marquises'', éd. A. Barthélémy et Le Motu, Papeete 2002, pp. 17 à 19, {{ISBN|2-87923-174-4}}.</ref>. À partir du {{XVIIIe siècle}}, la christianisation et l'européanisation des institutions aboutit à la création des monarchies d'[[Royaume d'Hawaï|Hawaii]], de [[Royaume de Bora Bora|Bora Bora]], de [[Raiatea]] et de [[Royaume de Tahiti|Tahiti]], autour de dynasties comme celles de [[Maison de Kamehameha|Kame ha Meha]] à [[Hawaï|Hawaii]] ou de [[Famille Pomare|Pōmare]] à [[Tahiti]]<ref>{{Ouvrage|auteur1 = Takau Pōmare -Vedel|titre = Mémoires de la reine Marau Taaroa, dernière reine de Tahiti|lieu = Paris|éditeur = Société des océanistes|année = 1971|isbn = |lire en ligne = }}.</ref>.

Ces états ne résistèrent que quelques décennies aux [[protectorat]]s imposés par les [[Empire colonial|puisances coloniales]], mais aux [[Tonga]], des titres de noblesse furent conférés à des grands chefs traditionnels lors de la fondation du royaume des Tonga en tant qu'État d'inspiration occidentale, au {{XIXe siècle}}, posant ainsi les fondements d'une [[noblesse tongienne]] qui dispose jusqu'à ce jour d'un grand prestige, ainsi que de prérogatives politiques<ref>{{en}} {{lien brisé|url=https://www.pmo.gov.to/history-of-the-tongan-constitution.html |titre="The History of the Tongan Constitution"}}, [[Sione Latukefu]], gouvernement des Tonga, 14 juillet 2008.</ref>. À [[Wallis-et-Futuna]], le [[Protectorat de Wallis-et-Futuna|protectorat français]] ne destitua pas les ''lavelua'' (souverains), assistés de ''kivalu'' (ministres) et de ''faipule'' (gouverneurs), de sorte qu'aujourd'hui ce [[Collectivité d'outre-mer|territoire français d'outre mer]] n'est pas [[République française|républicain]] mais [[Statut de Wallis-et-Futuna de 1961|triplement monarchique]] avec les trois [[Rois coutumiers de Wallis-et-Futuna|royaumes coutumiers]] d'[[Alo]], [[Sigave]] et [[Uvea]], reconnus et représentés à l'[[Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna|assemblée territoriale]]<ref>Françoise Douaire‑Marsaudon, « Droit coutumier et loi républicaine dans une collectivité d’outre‑mer française (Wallis‑et‑Futuna) » dans ''Ethnologie française'', vol. 169, n° 1, 2018 (ISSN 0046-2616 et 2101-0064, DOI 10.3917/ethn.181.0081).</ref>.


== Notes et références ==
== Notes et références ==
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=== Références ===
=== Références ===
{{Références|colonnes = 2}}
{{Références nombreuses|taille=25}}


== Bibliographie ==
== Voir aussi ==
{{Autres projets|wiktionary = noblesse}}

=== Bibliographie ===
{{légende plume}}
* Nicolas Viton de Saint-Allais, ''Nobiliaire Universel De France Ou Recueil Général Des Généalogies Historiques Des Maisons Nobles De Ce Royaume'', (§Tomes 1 à 21), édité à Paris chez l'auteur 10 Rue de la Vrilliére à Paris, 1814 à 1819, archivé à la Library university of Wisconsign numérisé par [[Google Livres]].
* Nicolas Viton de Saint-Allais, ''Nobiliaire Universel De France Ou Recueil Général Des Généalogies Historiques Des Maisons Nobles De Ce Royaume'', (§Tomes 1 à 21), édité à Paris chez l'auteur 10 Rue de la Vrilliére à Paris, 1814 à 1819, archivé à la Library university of Wisconsign numérisé par [[Google Livres]].
* Martin Aurell, ''La noblesse au Moyen Âge'', Paris, Armand Colin, 1996.
* [[Martin Aurell]], ''La noblesse au Moyen Âge'', Paris, Armand Colin, 1996.
* Christophe Badel, ''La noblesse de l’Empire romain. Les masques et la vertu'', Seyssel, Champ Valon, coll. « Époques », 2005 {{ISBN|2-87673-415-X}}.
* Christophe Badel, ''La noblesse de l’Empire romain. Les masques et la vertu'', Seyssel, Champ Valon, coll. « Époques », 2005 {{ISBN|2-87673-415-X}}.
* Jean-Marie Constant, ''La noblesse française aux {{s2-|XVI|e|XVII}}'', Paris, Hachette, coll. « La vie quotidienne », 1994 {{ISBN|2-01-235139-5}}.
* Jean-Marie Constant, ''La noblesse française aux {{s2-|XVI|e|XVII}}'', Paris, Hachette, coll. « La vie quotidienne », 1994 {{ISBN|2-01-235139-5}}.
* [[Philippe Contamine]], ''La noblesse au royaume de France de Philippe le Bel à Louis XII'', Paris, <small>[[Presses universitaires de France|PUF]]</small>, coll. « Moyen Âge », 1997 {{ISBN|2-13-049688-1}}.
* [[Philippe Contamine]], ''La noblesse au royaume de France de Philippe le Bel à Louis XII'', Paris, <small>[[Presses universitaires de France|PUF]]</small>, coll. « Moyen Âge », 1997 {{ISBN|2-13-049688-1}}.
* Georges Duby, ''Les trois ordres ou l'imaginaire du féodalisme'', Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », 1978 {{ISBN|2-07-028604-5}}.
* [[Georges Duby]], ''Les trois ordres ou l'imaginaire du féodalisme'', Paris, Gallimard, coll. « [[Bibliothèque des histoires]] », 1978 {{ISBN|2-07-028604-5}}.
* Philippe Du Puy de Clinchamps, ''La noblesse'', {{5e}} éd., Paris, L'Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, 1996.
* Philippe Du Puy de Clinchamps, ''La noblesse'', {{5e}} éd., Paris, L'Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, 1996.
* Jacques Heers, ''Le Clan familial au Moyen Âge'', Paris, <small>PUF</small>, coll. « Quadrige », 1993 {{ISBN|2-13-044658-2}}.
* Jacques Heers, ''Le Clan familial au Moyen Âge'', Paris, <small>PUF</small>, coll. « Quadrige », 1993 {{ISBN|2-13-044658-2}}.
* Éric Mansion-Rigau, ''Enquête sur la noblesse. La permanence aristocratique'', Perrin, 2019, 294 p.
* [[Éric Mension-Rigau]], ''Enquête sur la noblesse. La permanence aristocratique'', Perrin, 2019, 294 p.
* [[François de Negroni]], "La France noble", Editions du Seuil, 1974.
* [[François de Negroni]], "La France noble", Editions du Seuil, 1974.
* [[Gérard de Sède]], ''Aujourd'hui, les nobles ...'', Alain Moreau éd., Paris 1975.
* [[Gérard de Sède]], ''Aujourd'hui, les nobles ...'', Alain Moreau éd., Paris 1975.
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* [[Paul de Pessemier 's Gravendries]], ''Noblesse en Flandre. Passé, présent et avenir'', Gent, Borgeroff en Lamberigts, 2010.
* [[Paul de Pessemier 's Gravendries]], ''Noblesse en Flandre. Passé, présent et avenir'', Gent, Borgeroff en Lamberigts, 2010.
* Lionel Girard, ''Essai sur le sens noble des termes'', École normale supérieure de Cachan, 1992.
* Lionel Girard, ''Essai sur le sens noble des termes'', École normale supérieure de Cachan, 1992.
* {{Ouvrage |langue= fr|prénom1=Karl Ferdinand |nom1=Werner |titre=Naissance de la noblesse |sous-titre= |éditeur= Pluriel |collection= |lieu= |année=2012 |volume= |tome= |pages totales= |passage= |isbn= |lire en ligne= }}.
* {{Ouvrage |langue= fr|prénom1=Karl Ferdinand |nom1=Werner |titre=Naissance de la noblesse |sous-titre= |éditeur= Pluriel |collection= |lieu= |année=2012 |volume= |tome= |pages totales= |passage= |isbn= |lire en ligne= |plume=oui }}


== Voir aussi ==
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=== Articles connexes ===
=== Articles connexes ===
{{Catégorie principale|Noblesse par pays}}
* Par pays
** [[Noblesse autrichienne]] : [[Ministérialité]], [[Junker]], [[Grave (titre)|Graf]], [[Chevalier (chevalerie)|Chevalier]]
** [[Noblesse belge]]
*** [[Association de la noblesse du royaume de Belgique]] ([[Association de la noblesse du royaume de Belgique|ANRB]])
*** [[État présent de la noblesse belge]]
*** [[Armorial de la noblesse belge]]
*** [[Liste des familles contemporaines de la noblesse belge]]
*** [[Liste de familles éteintes de la noblesse belge]]
** [[Armorial du Royaume-Uni et de ses dépendances]] : [[baronnage anglo-normand]], [[pairie du Royaume-Uni]]
** [[Noblesse espagnole]] : [[hidalgo (noblesse)|hidalgo]], [[Grandesse d'Espagne]]
** [[Noblesse française]]
*** [[Noblesse franque]]
*** [[Noblesse d'Empire]] (Premier Empire)
*** [[Liste des familles subsistantes de la noblesse française]]
*** [[Association d'entraide de la noblesse française]]
** [[Noblesse hongroise]]
** [[Noblesse des Pays-Bas]]
** [[Noblesse polonaise]]
** [[Noblesse roumaine]]
** [[Noblesse russe]]
** [[Liste des comtes et ducs d'Europe]]


==== Généralités ====
==== Généralités ====
{{colonnes|nombre=2|
{{colonnes|taille=25|
* [[Aristocratie]], [[caste]]
* [[Aristocratie]], [[caste]]
* [[Agrégation à la noblesse]]
* [[Agrégation à la noblesse]]
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* [[Distinction (honorifique)]], [[ordre honorifique]]
* [[Distinction (honorifique)]], [[ordre honorifique]]
* [[Féodalité]], [[chevalerie]]
* [[Féodalité]], [[chevalerie]]
* [[Femmes de la noblesse]]
* [[Gentilhomme]]
* [[Gentilhomme]]
* [[Liste des comtes et ducs d'Europe]]
* [[Noblesse d'extraction]]
* [[Noblesse d'extraction]]
* [[Quartiers de noblesse]]
* [[Quartiers de noblesse]]
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* [[Tiers état]]
* [[Tiers état]]
* [[Roturier]]
* [[Roturier]]
}}

==== En Europe par pays ====
{{Catégorie principale|Noblesse par pays}}
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* [[Liste des familles de la noblesse allemande|Noblesse allemande]] et [[Noblesse autrichienne|autrichienne]] :
** [[Titres de noblesse allemands]]
** [[Grave (titre)|Graf]]
** [[Margrave]]
** [[Junker]]
** [[Ministérialité]]
** [[Chevalier (chevalerie)|Ritter]]
* [[Noblesse belge]] :
** [[Armorial de la noblesse belge]]
** [[Association de la noblesse du royaume de Belgique]] ([[Association de la noblesse du royaume de Belgique|ANRB]])
** [[État présent de la noblesse belge]]
** [[Liste des familles contemporaines de la noblesse belge]]
** [[Liste de familles éteintes de la noblesse belge]]
* [[Liste de titres byzantins|Noblesse grecque]] :
** [[Archonte]]
** [[Catépan]]
** [[Comte de la Tente]]
** [[Duc|Doukas]]
** [[Drongaire]]
** [[Exarque]]
** [[Comte|Kritès]]
** [[Mérarque]]
** [[Stratège]]
** [[Topotērētē|Topotérète]]
** [[Turme|Tourmarque]]
** {{page h'|Taxiarque}}
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* [[Noblesse danoise]] :
** [[Noblesse danoise ancienne]]
* [[Noblesse espagnole]] :
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** [[Grandesse d'Espagne]]
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** [[Association d'entraide de la noblesse française]]
** [[Liste des familles subsistantes de la noblesse française]]
** [[Noblesse d'Empire]]
* [[Noblesse hongroise]]
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* {{Catégorie|Noblesse norvégienne}}
* [[Noblesse des Pays-Bas]]
* [[Noblesse polonaise]]
* [[Armorial de la noblesse portugaise|Noblesse portugaise]]
* [[Noblesse roumaine]]
* [[Noblesse russe]]
* {{Catégorie|Noblesse suédoise}}
}}
}}


==== Symboles et sciences attachées ====
==== Symboles et sciences attachées ====
{{colonnes|nombre=2|
{{colonnes|taille=25|
* [[Armorial]]
* [[Armorial]]
* [[Héraldique]]
* [[Héraldique]]
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==== Liens externes ====
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* {{Autorité}}
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* {{fr}} [http://www.blason-armoiries.org Glossaire illustré sur la noblesse, la féodalité, l'héraldique et l'Ancien Régime].
* [http://www.blason-armoiries.org Glossaire illustré sur la noblesse, la féodalité, l'héraldique et l'Ancien Régime].
* {{fr}} [http://www.grand-armorial.net Grand armorial].
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Dernière version du 15 février 2024 à 12:04

Le terme noblesse peut désigner une qualité qui peut être morale ou institutionnelle, et qui, dans le second cas, peut être détenue à titre personnel ou bien dynastique, révocable ou héréditaire. Johann Wirn (de) distingue dès le XVIIe siècle la noblesse morale de la noblesse politique.

Noblesse morale[modifier | modifier le code]

La « noblesse morale » n'est ni un ordre social, ni une caste, ni un apanage, mais une forme de responsabilité philanthropique, un comportement vertueux et généreux, que tout homme de toute condition peut adopter selon sa vocation et son éducation : Grégoire de Nazianze la divise en « trois genres ». Le premier consiste à s'efforcer d'être et d'agir comme Dieu est censé l'attendre de nous, le deuxième à se purifier en résistant à la possible corruption de notre nature humaine, le troisième à cultiver et partager les dons et les savoirs que nous possédons. Gilles-André de La Rocque écrit dans son Traité de la noblesse[1] que celle-ci ne donne point de droits mais bien des devoirs, dont un comportement désintéressé dans les activités humaines ou sociales, sans rechercher ni profit individuel, ni lucre, ni usure, ni prostitution, que ce soit dans la fonction publique, la justice, les forces armées, l'administration, les arts libéraux… Quant à la dignité, l'« honneur », il provient surtout de la défense des valeurs collectives, et non de l'intérêt, de la dépense ou du défi, et il est antinomique d'une attitude utilitaire ou vénale[2].

Noblesse politique[modifier | modifier le code]

Les trois ordres de la société féodale : laboratores (travailleurs), oratores (prieurs) et bellatores (combattants).
Enluminure médiévale (British Library) : le clerc, le guerrier et le producteur.

Du point de vue des sciences sociales, historiques et politiques, la notion de « noblesse » renvoie généralement à une caste aristocratique souvent endogame, et désigne alors la condition d'un groupe social distinct et hiérarchisé jouissant de privilèges spécifiques. Dans la plupart des cultures, la noblesse remonte, non comme lignées, mais comme caste de combattants, aux « fonctions tripartites indo-européennes » (guerrière, religieuse et économique) décrites par Georges Dumézil à propos des sociétés indo-européennes (mais qui existaient aussi ailleurs)[3],[4].

Histoire de la noblesse politique[modifier | modifier le code]

L'anoblissement est apparu avec l'émergence des sociétés sédentaires et organisées d'agriculteurs, d'éleveurs, de marchands et d'artisans ayant besoin de défenseurs professionnels ayant les moyens de s'armer eux-mêmes et leurs compagnons[5]. Il consiste à coopter une personne au rang des nobles en raison de ses capacités à combattre et commander d'autres combattants, des mérites ainsi acquis ou de sa fortune[6]. Dans cette noblesse politique, l'ancienneté (les « quartiers de noblesse ») apparaîtra à Sébastien Le Prestre de Vauban comme « le premier critère de dignité »[7].

La « noblesse » institutionnelle d'un État (en général une monarchie, mais aussi des républiques comme Rome ou Venise), ou d'une province de ce pays, regroupe la minorité dominante d'un ensemble de familles détenant, le plus souvent héréditairement, des fonctions d'autorité militaire, politique, civile ou religieuse plus ou moins étendues, dans le cadre d'un statut privilégié comprenant des exemptions (le plus souvent de taxes et d'impôts) et des charges et emplois publics rémunérés (collecte des taxes et impôts, administration des provinces, levée des armées, conduite des guerres…) dits alors emplois nobles, ainsi que de sacerdoces réservés (lorsque ces fonctions sont religieuses, comme chez les lévites ou les brahmanes, on ne parle pas de noblesse, mais de caste sacerdotale).

Charles Fourier en 1822 représente seize castes et sous-castes sociales dont il analyse le « courant ascendant » de sentiments d'envie et de haine, et le « courant descendant » de sentiments de morgue et de mépris : « La noblesse de cour méprise la non-présentée ; la noblesse d'épée méprise celle de robe : les seigneurs à clocher méprisent les gentillâtres, tous les parvenus anoblis qui ne sont que de 1er degré et qui dédaignent les castes bourgeoises. Dans la bourgeoisie nous trouverions en 1re sous-caste la haute banque et la haute finance (no 5), méprisées des nobles mais s'en consolant avec leurs coffre-forts, méprisant le gros marchand et le bon propriétaire (no 6). Ceux-ci tout fiers de leur rang d'éligibles méprisent la sous-caste qui n'a que rang d'électeur (no 7) qui elle, s'en dédommage en méprisant la sous-caste des savants, les gens de loi et autres vivant de traitements ou casuels ou petits domaines qui ne leur donnent pas l'entrée au corps électoral (no 8) ; enfin la basse bourgeoisie (no 9), le petit marchand (no 10), le petit campagnard (no 11) seraient bien offensées si on les comprenait dans le peuple dont elle méprise les trois sous-castes (nos 12, 13, 14) et dont elle se pique d'éviter les manières, sans même compter la pègre et les vagabonds (nos 15 et 16). Il règne entre toutes ces castes des haines régulières c'est-à-dire que la no 9 hait la no 8 autant que celle-ci hait la no 7, quoique chacune recherche la fréquentation du degré supérieur par ambition et non par amitié »[8].

La noblesse est donc une classe sociale que l'on rencontre dans la plupart des sociétés sédentaires traditionnelles, dès lors que la fonction guerrière est distinguée par les pouvoirs économiques et religieux (tripartition), comme chez les Romains ou les Celtes avec la classe des chevaliers[9]. Les modalités d'entrée et de maintien dans cette classe ont varié selon les époques et les pays, mêlant initiation, capacités et hérédité. Elle se trouve à toutes les époques et dans de nombreux types de sociétés, aussi bien antiques, comme en Grèce, que chez les peuples premiers, et jusqu'aux États-nations modernes.

Dans la Grèce antique, il existait quatre termes qui, en grec ancien, servaient à désigner les groupes humains : γένος / génos, « noble lignée » ; λάος / láos, « peuple assemblé » ; δῆμος / dêmos, « ensemble des citoyens libres[10] » et ἔθνος / éthnos, «  classe d'êtres d'origine commune ». Le pouvoir politique, le droit de propriété et les privilèges ont progressivement diffusé, dans l'Athènes antique, de la première à la deuxième et troisième catégories, tandis que les métèques relevaient de la quatrième[5] et les esclaves d'aucune, leur statut étant proche de celui du bétail[11]. L'exemple le plus connu de noblesse grecque antique est celui des Eupatrides[12].

Dans la Rome antique, les gens (familles au sens élargi) s'enorgueillissaient de l'ancienneté de leurs lignées, qui n'était pas forcément biologique (génétique) en raison de la pratique fréquente des adoptions, et qui ne connaissaient pas la transmission héréditaire du pouvoir public. Il s'agissait surtout de la transmission d'un nomen et d'un patrimoine. L'acquisition des pouvoirs publics était individuelle, au fil du cursus honorum au service de la res publica (l'intérêt public) ou du princeps. On obtenait un honor ou charge publique, soit par élection républicaine, soit par nomination sénatoriale ou impériale[13]. Des homines novi, sans être « bien » nés, pouvaient aussi être élus ou nommés à un honor élevé et ainsi devenir chef et souche d'une nouvelle famille noble[14].

Dans l'antiquité tardive, en Europe, la nobilitas de l'Empire romain est régie par les codes de Théodose[15] et de Justinien[16]. Après les grandes invasions, au haut Moyen Âge, la nobilitas resta en vigueur dans l'Empire romain d'Orient (mégarchontes) et fut en partie adoptée, mais aussi transformée, par les royaumes germaniques en Occident[17], par les slaves occidentaux et les hongrois en Europe centrale, et par les États orthodoxes (grecs, slaves ou valaques) en Europe du Sud-Est. L'éducation classique des jeunes nobles à la cour des rois comportait une formation à la fois physique et intellectuelle leur permettant de faire carrière dans la hiérarchie civile, militaire ou religieuse de leur royaume[18].

Dans de nombreux pays, la noblesse a été abolie comme institution. En France, elle a été supprimée sous la Révolution française en 1789, rétablie sous le Premier Empire en 1802, et à nouveau supprimée sous la Troisième République en 1870 ; les titres de noblesse, qui sont considérés comme un accessoire du nom, peuvent toujours être officiellement enregistrés auprès du ministère de la Justice (afin d'être transcrits à l'État civil). Dans les pays ayant été gouvernés par un parti unique se réclamant du communisme, non seulement les titres et indicateurs de noblesse furent abolis et les biens matériels nationalisés, mais les anciens nobles, considérés comme « des exploiteurs, des parasites, des ennemis du peuple » finirent pour beaucoup leurs existences dans les camps de travaux forcés comme ceux du Goulag ou du Laogai, à moins qu'ils aient réussi à s'échapper et à s'exiler à temps (cas de nombreux nobles russes à Paris, Londres et Berlin dans les années 1920). Dans leurs pays d'origine, les survivants ont perdu leur statut social et une grande partie de leur mémoire familiale, car durant les longues années de dictature (en moyenne un demi-siècle), faire valoir ce qui y était considéré comme un « passé dont il faut faire table rase » (selon un couplet de l'Internationale) pouvait entraîner des persécutions et conduire en camp de travail « rééducatif »[19].

Après l'ouverture du rideau de fer et la chute des régimes communistes en Europe, les descendants de ces survivants qui ont revendiqué la restitution de leurs biens familiaux nationalisés ont, pour la plupart, échoué en raison de la complexité des procédures, des preuves exigées et du coût des démarches judiciaires. Seules les familles nobles les plus puissantes financièrement ont obtenu la restitution d'une partie de leurs anciennes propriétés dans les pays, comme la République tchèque ou la Roumanie, où la législation le permet : c'est le cas des héritiers de la famille autrichienne Schwarzenberg qui a obtenu la restitution du château d'Orlík au sud de Prague, et, en Transylvanie, des héritiers du comte hongrois Daniel Bánffy[20], des Habsbourg d'Autriche[21] ou des Hohenzollern de Roumanie[22],[23].

Dans la mesure où les privilèges, titres et indicateurs ont été abolis, l'existence d'une noblesse est compatible avec l'exercice de la démocratie, par exemple au Royaume-Uni où elle a été conservée après la Glorieuse Révolution et ailleurs en Europe où elle a perduré après les révolutions de 1848. Une pairie et des titres de noblesse existent toujours légalement au XXIe siècle dans plusieurs pays européens, comme la Belgique, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, l'Espagne, Saint-Marin, le Luxembourg. Le pouvoir législatif est exercé en partie par des représentants de la noblesse, comme c'était le cas au Royaume-Uni avec la Chambre des lords jusqu'à la fin du XXe siècle. Ce fut le cas aussi en France au XIXe siècle avec l'ancienne Chambre des pairs.

En droit international il n'y a pas de noblesse et il n'existe pas d'ordre de noblesse international : la noblesse de chaque pays lui est donc spécifique, même si certains types de noblesse peuvent être communs à plusieurs pays (à titre d'exemple les barons, comtes, marquis, ducs, archiducs, princes sont globalement similaires en Europe occidentale et centrale tandis que les joupans, boyards, hospodars et voïvodes sont communs aux pays d'Europe orientale). Il existe en revanche des ordres internationaux dont certains sont initiatiques et qui, bien qu'usant de grades, de titres et de symboles, ne sont pas des ordres de chevalerie ou de noblesse, car ils sont ouverts à tous par cooptation (même si réunir tous les critères est ardu) et n'ont aucun caractère héréditaire ou transmissible[24],[25].

Au XXIe siècle, des titres de noblesse existent encore officiellement et continuent à être décernés par les souverains des monarchies actuelles[Note 1], au nombre de trois en Afrique[Note 2], treize en Asie[Note 3], dix en Europe (en ne comptant que les maisons royales héréditaires)[Note 4] et deux en Océanie[Note 5]. On peut être noble par l'hérédité (baron de Ceuninck, vicomte Montgomery), par la haute finance (baron Empain ; baron Norman), par la politique (baronne Thatcher ; duc de Suárez), par les arts (baron Gros ; marquis de Dali), par les sciences (baron Winston ; vicomte Frimout) ou par les sports (baron Coe ; comte Rogge)[26].

Noblesses par aires culturelles[modifier | modifier le code]

Afrique précoloniale[modifier | modifier le code]

Le Ras Tafari Makonnen d'Éthiopie en 1923, futur empereur Hailé Sélassié.

Les noblesses africaines les plus anciennement attestées, celles de l'Égypte antique et de la Maurétanie, se sont progressivement fondues dans les élites romaines avant d'être absorbées par l'islamisation de l'Afrique du Nord ; pour leur part, les noblesses nubienne, makurienne, nobadienne, alodienne, axoumite, zagouée et abyssine ont fini par former la noblesse éthiopienne (négus, ras, mesafint, mekwanent et autres warashehs en amharique) elle-même dispersée ou massacrée par la révolution éthiopienne ; enfin au Ghana et dans les autres monarchies sub-sahariennes, les horons (mot mandé) ou touboungs (mot lounda) étaient hiérarchisés en trois groupes principaux[27],[28],[29] :

  • les massalen (haute noblesse) étaient au sommet de la hiérarchie, assurant la royauté et le pouvoir territorial dans les provinces : c'étaient les ducs et comtes, grands propriétaires terriens et de bétail, détenteurs des droits de chasse et pêche qu'ils affermaient, qui avaient sous leurs ordres les chefs des différents villages de leur province ;
  • les dimo, geer, rimbe ou tondjon (moyenne noblesse, militaires et chasseurs, grands fermiers) ;
  • les mori (ou marabouts, à la fois sages, juges, prêtres, éducateurs, gardiens et transmetteurs des mythes, des traditions et des connaissances comme l'herboristerie et les pratiques thérapeutiques).

Avec l'islamisation et la colonisation ces noblesses ont perdu tout caractère officiel et le mot marabout a changé de sens pour désigner de nos jours deux choses différentes : soit, avec une connotation positive et flatteuse, un guide religieux musulman, soit, avec une connotation négative et péjorative, un sorcier ou un envoûteur auquel on prête des pouvoirs de voyance et de guérison ; parmi les marabouts, certains sont des manipulateurs psychiques qui prétendent pouvoir, moyennant finances, résoudre tout type de problème. Ces derniers, que les guides religieux considèrent comme des charlatans, mêlent en un syncrétisme religieux qui varie de l'un à l'autre, l'islam, l'animisme, le christianisme, le vaudou et diverses formes de magie.

Au Rwanda et au Burundi, ce ne sont ni la langue ni la religion qui séparent les tutsi des hutu, mais le statut : les premiers sont issus de la noblesse, les seconds du peuple agriculteur ou artisan[30].

Le prestige de la noblesse est encore très grand dans les sociétés africaines, et peut compter en politique : à titre d’exemple, Nelson Mandela n'était pas seulement un militant de l'ANC et un président de l'Afrique du Sud, mais aussi un prince Xhosa de lignée royale Thembu, de son nom royal Rolihlahla Madiba[31],[32].

Amérique précolombienne[modifier | modifier le code]

Le Sapa Inca Túpac Amaru (1545-1572), dernier souverain de Vilcabamba (Pérou).

Les conquistadors espagnols dénommèrent indifféremment « caciques » les aristocrates des empires amérindiens (maya, aztèque, inca…) dont la hiérarchie était aussi complexe qu'en Europe, mais moins cloisonnée et pas systématiquement héréditaire. Le mot cacique désigne un noble en taïno, langue indigène d'Hispaniola[33]: il est généralement traduit par « dignitaire » ou « seigneur » et chez les Aztèques par exemple, les descendants des nobles, désignés comme tecuhtli en nahuatl[34] étaient nommés « pilli »[35], terme équivalent à l'espagnol « hidalgo » (« fils de quelqu'un »)[36].

Ces nobles amérindiens pouvaient aussi bien être d'extraction relativement modeste (par exemple, chez les Aztèques, les calpullec, des villages ou des quartiers de la capitale), que des seigneurs de rang élevé (empereurs, rois des monarchies subordonnées, gouverneurs des provinces, conseillers des monarques, juges importants ou grands chefs militaires, par exemple les apu, kuraka, qhapaq, tuqriquq et varayoks des Incas). Les nobles amérindiens qui se sont opposés aux conquistadors ont disparu, mais ceux qui se sont ralliés à eux et se sont convertis au catholicisme ont parfois pu s'intégrer à la petite noblesse créole locale comme vizcondes ou caballeros[37].

Brésil[modifier | modifier le code]

Au Brésil, c'est la maison d'Orléans-Bragance qui, durant son règne sur l'Empire brésilien, décerna quelques titres de noblesse, non-reconnus en Europe[38] où les récipiendaires, de riches planteurs et éleveurs de bétail esclavagistes, furent qualifiés de « rastaquouères »[39],[40].

L'impératrice douairière de Chine Cixi (Ts'eu-Hi) en 1902.

Chine[modifier | modifier le code]

Incluant les souverains et les nobles proprement dits[41], la noblesse chinoise a été un élément important de l’organisation sociale et politique traditionnelle de la Chine impériale. Les concepts de souverains héréditaires, de titres de noblesse et de familles nobles apparaissent dès les débuts semi-mythiques de l'histoire de la Chine puis, sous la dynastie Zhou un système structuré définissant la noblesse et les nobles se met en place et perdure durant plus de deux millénaires suivants, avec quelques modifications et ajouts dont le plus récent date de la dynastie Qing.

Un titre de noblesse peut être gagné ou perdu à titre posthume, l'élévation posthume étant souvent utilisée comme un moyen d'exprimer sa considération envers le défunt. Ainsi Guan Yu, qui vécut à la fin de la dynastie Han, portait de son vivant le titre de marquis de Han Zhou (漢壽亭侯) et reçut à titre posthume le titre de duc de Zhonghui (忠惠公). Sous la dynastie Yuan, Yiyong Wu'an Yingji portait le titre de prince de Xianling (顯靈義勇武安英濟王), avant d'être littéralement « béatifié » et élevé au rang d'empereur sous la dynastie Ming, où il devient le « saint empereur Guan », le Grand dieu qui subjugue les démons des trois mondes et dont la grâce se propage loin et se déplace dans le ciel (三界伏魔大神威遠震天尊關聖帝君). Dans la culture populaire, il est révéré comme étant un Dieu de la prospérité, du commerce, de la guerre et de la police[42].

Ce système perdure jusqu'à la Révolution chinoise de 1911 qui met fin à l'empire chinois. Toutefois la république de Chine permet à quelques familles nobles, ayant soutenu le nouveau régime, de garder leurs titres et leurs dignités, mais tous perdent leurs domaines et cela précipite leur déclin économique. Quant à la république populaire de Chine mise en place en 1949, elle ne se contente pas d'abolir tous les titres, prédicats et indicateurs de noblesse, mais cible l'aristocratie physiquement dans le cadre de la lutte des classes, de sorte que tous ceux qui n'ont pas réussi à fuir le pays sont, au mieux, détenus aux travaux forcés du Laogai et au pire massacrés sur place, notamment pendant la révolution culturelle. De nos jours, seule une poignée de personnes de la diaspora chinoise continue à revendiquer tel ou tel titre de noblesse dans l'indifférence générale[43].

Europe[modifier | modifier le code]

La noblesse européenne et la tradition de l'héraldique, comme ici chez les pleurants, Louvre.

En Europe, chaque pays a ses propres traditions nobiliaires[Note 6].

« Statue équestre » d'un chevalier en armure, sa monture cabrée (ce qui suppose un cheval beaucoup plus musclé que les races actuelles).
Portrait de Pierre-Cardin Le Bret seigneur de Flacourt (1639-1710) et de son fils Cardin Le Bret comte de Selles (1675-1734) : l'achat au roi de France d'une fonction de justice (office) anoblit. Les Le Bret, parlementaires d'Aix-en-Provence à la fin du XVIIe siècle.
La noblesse et son histoire est étudiée dans des armoriaux, comme ici des Pays-Bas, contenant mariages avec quartiers du XVIIIe siècle.

L'héritage romain[modifier | modifier le code]

En Europe occidentale, les royaumes germaniques copièrent plus ou moins le système romain de délégation de la potestas[44]. Ainsi, des nobles germaniques purent se voir confier, par les maiores natu ou « grands des peuples barbares », des fonctions publiques ou honores, non héréditaires, comme dans la nobilitas romaine, et ainsi entrer dans la militia principis en jurant obéissance « à la romaine » (obsequium) au nouveau roi germanique. Par exemple, pour être mieux accepté et obéi par ses sujets gallo-romains, largement majoritaires dans son royaume, le souverain franc Chlodwig (Clovis) conserva le droit romain pour les Romains et pour les chrétiens[45], incita ses « grands » à entrer dans ce système et finit par renoncer à sa religion germanique pour adopter lui-même le christianisme[46].

L'osmose germano-romaine en Occident a été freinée par la division du christianisme entre ariens (variante initialement adoptée par une grande part de la noblesse germanique) et nicéens (variante adoptée par les autochtones romains[Note 7],[47]) mais facilitée par certaines similarités entre noblesses romaines et germaniques[Note 8].

Dans la féodalité européenne, le noble, vassal de son suzerain et qui a les ressources économiques pour disposer de montures, d'armes d'hast, d'estoc et de taille, d'armures, d'écus, de tentes, d'écuyers et de goujats (responsables des bagages), se bat à cheval et est astreint à des règles de combat spécifiques. L'homme du peuple, moins bien armé et cuirassé, se bat à pied dans l'infanterie, en fantassin, en archer ou en frondeur, appelé « piéton ». À la fin du Moyen Âge, les innovations technologiques et notamment les armes à feu rendent obsolète le combat à cheval en armure lourde, tandis que le besoin de main-d'œuvre agricole et la professionnalisation des métiers d'armes favorise l'usage des mercenaires dans l'infanterie. Cela n'empêchera pas la mythologie associée à la chevalerie de persister jusqu'à la période romantique, au XIXe siècle[48].

La noblesse occidentale dans la culture[modifier | modifier le code]

Dans la culture occidentale, l'expression métaphorique de « sang bleu » pour les nobles n'apparaît qu'au XIXe siècle : du XVIe au XVIIIe siècle, l'expression en France est celle de « sang clair », « sang pur » ou « sang épuré », mythe racial qui s'épanouit à la fin du règne de Louis XV, correspondant à une réaction nobiliaire face à l'affaiblissement du pouvoir politique de la noblesse d'extraction face à la bourgeoisie et à la noblesse de robe et à une réception de l'œuvre de Boulainvilliers qui reprend la théorie germaniste des « deux races » (la race supérieure, franque ou germanique, en lutte contre la race inférieure des Gaulois ou Gallo-Romains)[49]. L'expression française provient de l'espagnol « sangre azul » désignant la noblesse chrétienne actrice de la reconquista, peut-être en référence à l'archétype du héros princier moralement noble, à l'âme pure comme le ciel bleu sans nuages, appelé en Espagne Principe azul[50]. D'autres hypothèses sont proposées pour expliquer cette référence à la couleur bleue : pâleur de la peau des nobles restant à l'abri du soleil et qui les différencie du peuple laborieux des villes et des campagnes à la peau burinée par le soleil et le grand air (les vaisseaux sanguins des aristocrates transparaissant dans une teinte bleuâtre à travers le filtre de la peau) ; association au statut de la Vierge Marie, patronne principale de la France, et dont le bleu est la couleur exclusive et « noble » pour peindre le manteau sur ses représentations artistiques (« noble » dans le sens où l'utilisation de pigments bleus pour honorer la Vierge fait appel à un ingrédient extrêmement cher, le lapis-lazuli)[51]

Albrecht Dürer, Le Chevalier, la Mort et le Diable, 1513. Cette gravure a donné lieu à de multiples interprétations au cours des siècles.
Au XXe siècle, une noblesse fictive est mise en scène à travers les œuvres de J. R. R. Tolkien ou de Walt Disney (ici le Château de la Belle au bois dormant à Disneyland, Anaheim, Californie).

Karl Ferdinand Werner décrit plusieurs mythes concernant la noblesse et le Moyen Age en général :

  • la noblesse occidentale descendrait essentiellement de la noblesse germanique tandis que la militas romaine aurait disparu au Haut Moyen Age : Werner soutient au contraire que la chevalerie européenne est l'héritière de la militas romaine. Il n'y a pas eut de remplacement des élites romaines par les élites germaniques mais une fusion des deux, tandis que les élites germaniques adoptaient les formes et les institutions romaines[52]
  • La noblesse aurait usurpé et privatisé les droits de la puissance publique, conduisant à "l'anarchie féodale". Werner affirme au contraire que l'idée que les droits de la noblesse relèvent du droit privé, issue de la logique des États de droit modernes qui proscrivent la personnalisation de l'espace public, serait anachronique[53]. De même Werner récuse l'idée qu’il n'y aurait plus eu d'administration civile et laïque efficace à l'époque féodale[54]. En fait, beaucoup de nobles surveillaient de près et administraient soigneusement, directement ou par régisseurs ou fermiers interposés, les populations qui assuraient leur prospérité[55].

Werner cite également plusieurs avantages et apports positifs de la noblesse à la civilisation européenne :

  • Selon cet auteur, les nobles étaient élevés avec l’idée qu’ils étaient nés pour servir le prince, mais aussi son seigneur, Dieu de qui vient toute autorité et tout idéal de justice. Dans l’idéal, c’était gouverner les hommes, les protéger, les juger, les aider, plus particulièrement les faibles et les pauvres, les veuves et les orphelins, protéger le clergé, les moines, conformément à l'idéal chrétien. De nombreuses fois, les nobles ignorèrent leurs obligations, mais, bien souvent, il les respectèrent ou firent amende honorable, voire pénitence et cherchèrent à réparer leurs torts[56].
  • la noblesse a développé en son sein la culture courtoise bénéficiant à la femme ; "avec le culte de la Vierge Marie", affirme Werner, "le miles a découvert la dignité de la femme, représentée dans ce monde par l’épouse du seigneur, la dame, à laquelle il pouvait avoir le privilège de vouer son service. S'est ainsi développée la civilisation courtoise, avec la poésie des cours princières et des tournois dont les dames étaient les vrais juges. Toute une culture du respect de la femme et de la galanterie en est issue ; la femme, qu’elle soit noble ou bourgeoise, devait avoir pas sur les hommes, le plus grand respect étant acquis aux dames âgées et cultivées. Cette culture présupposait des hommes éduqués dans les normes « chevaleresques », celles du "cavalier" à la Cour"[57].
Sayajirao Gaekwad III, maharaja de l'État indien du Baroda.

Inde[modifier | modifier le code]

Parmi les varṇas (castes) de l'Inde, aujourd'hui sans existence légale[58] mais toujours très présentes dans la structure sociale[59], ce sont les plus minoritaires : les brahmanes ou prêtres et, parmi les kshatriyas ou guerriers, les lignées de rājans ou rājahs (ou seigneurs, particulièrement les maharājahs ou souverains), qui constituaient la noblesse[60]. Ce sysème a diffusé, en même temps que l’hindouisme, en Indochine, Malaisie et Indonésie[61]. Lorsque l’hindouisme a été supplanté par le bouddhisme ou l’islam, les rājahs ont perduré comme maîtres de la terre, et les maharājahs comme rois bouddhistes ou sultans malais.

Indonésie[modifier | modifier le code]

Un regent javanais et sa famille (1888).

Bien que l'Indonésie soit aujourd'hui une république, on y trouve encore de nombreuses cours royales et princières dont les membres forment une noblesse de sang qui n'a plus de privilèges mais conserve ses titres. Les chefs de ces maisons ont encore un rôle symbolique et rituel. Il existe en outre des rites par lesquels on accorde une distinction nobiliaire à des personnes. Enfin, à Java, les descendants d'une noblesse de robe créée au XVIIe siècle par le Sultan Agung du royaume de Mataram, les priyayi, sont souvent reconnaissables à leur nom de famille, alors que ce dernier n'est pas encore une institution répandue pour la grande majorité des Indonésiens[62].

Japon[modifier | modifier le code]

Un daimyo japonais en visite d'État.
Fukuzawa Yukichi, samouraï de rang médiocre et grand intellectuel japonais, photographié en Allemagne ; les armoiries de son clan figurent sur son habit.

Source de ce sous-chapitre[63]. Jusqu'en 1869, la noblesse japonaise (kuge) était structurée sur le modèle chinois, et basée sur la possession de grands domaines dont les habitants étaient des serfs (auxquels pouvaient s'ajouter les esclaves des grands propriétaires daimyo : on pouvait devenir esclave pour dettes, comme punition à la suite d'un jugement, ou comme prisonnier de guerre si on n'était pas mort les armes à la main car dans les trois cas on était déshonoré et on cessait d'être une personne pour devenir une « chose » (hinin 非人).

Initialement, ce qu'on appelle, stricto sensu, noblesse japonaise (kuge) s'est articulée autour du souverain impérial, d'où procédaient tous les honneurs, apanages et charges décernés aux clans de courtisans (uji) comme les Fujiwara ou Mononobe), dont nombre d'origine coréenne (Soga). Les chefs de ces clans portaient des titres hiérarchisés ou kabane. Parallèlement, dès le VIIe siècle, s'est constituée une noblesse de service qui a peu à peu accaparé la réalité du pouvoir, sans jamais éliminer les kuge, les samouraï[Note 9]. Cette classe, sans équivalent en Europe[Note 10], s'est rapidement fédérée autour de descendants de princes impériaux (les Heike et les Genji), puis des shoguns. Ses principaux chefs, politiques et gouverneurs régionaux (les daimyo[Note 11] et les shomyo[Note 12]) ont été graduellement admis au sein des kuge (d'autant plus qu'ils en procédaient le plus souvent)[Note 13]. Dans l'ensemble, les samouraï ont fourni au Japon shogounal la plupart de ses cadres, de ses militaires et de ses fonctionnaires, surtout provinciaux. Les chefs héréditaires de sectes ou de temples étaient généralement d'origine samouraï et classés comme tels.

Lors de la période Meiji (1868), le nouveau gouvernement institua une nouvelle noblesse, ou kazoku (華族?, littéralement « ascendance fleurie »), inspirée du système français (napoléonien) et anglais. Elle fut abolie à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les bénéficiaires furent surtout des politiques (prince Itō Hirobumi, artisan de la colonisation japonaise de la Corée), des hauts fonctionnaires et des hommes d'affaires (baron Iwasaki Yatarô, fondateur du groupe Mitsubishi). Hormis les Tokugawa, la distribution des titres de kazoku pour les anciens daimyos dépendait du revenu en riz de ces seigneurs féodaux : ceux qui percevaient plus de 150 000 koku devinrent marquis, ceux qui percevaient plus de 50 000 koku devinrent comtes, etc. L'ancien shogun, Tokugawa Yoshinobu, devint prince, les chefs des branches primaires de la famille Tokugawa (shimpan daimyō) devinrent marquis et les chefs des branches secondaires devinrent comtes. Ainsi, la kuge (la noblesse de la cour impériale de Kyoto) et les daimyo (les seigneurs féodaux) fusionnèrent en une seule classe aristocratique. Itō Hirobumi, un des acteurs de la restauration de Meiji et plus tard l'un des auteurs de la Constitution de 1889, destinait le kazoku à servir de rempart pour l'empereur et l'institution impériale rénovée, qui élargit le statut de kazoku aux personnes ayant brillamment servi la couronne.

En 1884, le gouvernement divisa le kazoku en cinq rangs explicitement basés sur la pairie de Grande-Bretagne. Ce système utilise des titres dérivés des anciens titres de noblesse d'avant 1864 qui, eux aussi, sont au nombre de cinq :

La Constitution actuelle du Japon, datant de 1947, abolit la kazoku et les titres, prédicats et indicateurs de noblesse en dehors de la famille impériale. En revanche, elle ne priva pas la kazoku de ses biens, de sorte que ses membres conservèrent leur assise économique et qu'au XXIe siècle encore, les descendants des anciennes familles nobles continuent à occuper des postes de première importance dans la société et l'industrie[65].

L'empire du Japon actuel[Note 14], État démocratique, ne reconnaît de noblesse que pour le seul noyau de la famille impériale, c'est-à-dire le tennō, ses oncles et tantes par les hommes, ses frères et sœurs, leurs enfants et les siens.

Au XXIe siècle, 4 710 blasons (mons, originaux et variantes incluses) existent au Japon[66].

Perse[modifier | modifier le code]

En Perse impériale on différenciait deux catégories de nobles : ashrâfiyyat-e divâni et ashrâfiyyat-e lashgari, qui correspondaient plus ou moins à la distinction entre la noblesse de robe et celle d'épée. Sous les Arsacides, la noblesse du premier rang se définissait par la parenté (la filiation ou la germanité) avec la personne du Shah. Ainsi, les membres de Mehestan (nom hérité du Sénat iranien sous l'Empire parthe) étaient nommés parmi les princes de sang qui de ce fait appartenaient au plus haut rang de la noblesse. Avec l'avènement de la dynastie Pahlavi en 1924, Reza Shah fit voter une série de lois portant l'abolition de tous les privilèges et titres de la noblesse, comme Mirza (persan ميرزا, transcrit mourza, murza ou morza et fréquemment pris pour un patronyme dans les sources secondaires)[67]. L'usage de Mirza par courtoisie a néanmoins perduré jusqu'à la révolution iranienne en 1979 et existe encore dans la diaspora iranienne[68].

Portrait d’un mourza par Vassili Sourikov, 1873.

Peuples cavaliers des steppes[modifier | modifier le code]

Initialement chamaniste ou tengriste, la noblesse des peuples cavaliers de la steppe eurasienne (Scythes, Sarmates, Huns, Avars, proto-Bulgares, Alains, Khazars, Magyars, Pétchénègues, Polovtses (Coumans), Mongols, Tatars…)[69] comprenait plusieurs rangs : à partir du VIIe siècle apparaissent les titres de khan (« souverain ») d'origine turco-mongole, de boïla (бꙑлꙗ, « noble ») d'origine bulgare[70] et de mirza (« prince », d'origine perse)[71].

Ces titres identifiaient les aristocrates des khanats proto-bulgares de la mer Noire (steppe pontique), de la Volga et du Danube, ainsi que ceux des khanats turcophones de Qazan, d'Astrakhan, de Ferghana, de Khiva ou de Boukhara, mais aussi les princes circassiens absorbés par les tatars, les nobles polovtses et tatars absorbés par les principautés russes ou roumaines ainsi que l'aristocratie des pays balkaniques d'avant la christianisation par l'église byzantine ou d'avant la conquête turque et l'islamisation[72].

Ce qui subsistait de cette « noblesse des steppes » au début du XXe siècle disparaît ou émigre en Occident après la révolution d'Octobre de 1917 en Russie, après l'abolition de l'Empire ottoman remplacé par la république de Turquie en 1923 et après l'avènement des gouvernements communistes en Europe centrale et orientale à partir de 1945[73].

L’Ariki nui Pori Makea, roi polynésien de Teauotonga à Rarotonga en 1833, portant son ta’iri (éventail équivalent d'un sceptre).

Polynésie[modifier | modifier le code]

En Polynésie, un ariki est un guerrier, et le chef des guerriers, l’ariki nui (littéralement « grand guerrier ») est le chef tribal, souvent assimilé à un roi, au statut généralement semi-héréditaire. Aux îles Marquises par exemple, la société comprenait cinq classes : les familles nobles hakaiki parmi lesquelles chaque tribu avait sa lignée royale héréditaire (hérédité pas forcément patrilinéaire), les taua ou prêtres, les kaïoï ou clans libres ordinaires (chacun ayant ses propres affiliations initiatiques totémiques), les tuhuna (artisans, artistes, conteurs) et les kikino (serfs et serviteurs, pouvant être des captifs de guerre ou des personnes punies pour avoir enfreint des tabous ou pour dettes)[74]. À partir du XVIIIe siècle, la christianisation et l'européanisation des institutions aboutit à la création des monarchies d'Hawaii, de Bora Bora, de Raiatea et de Tahiti, autour de dynasties comme celles de Kame ha Meha à Hawaii ou de Pōmare à Tahiti[75].

Ces états ne résistèrent que quelques décennies aux protectorats imposés par les puisances coloniales, mais aux Tonga, des titres de noblesse furent conférés à des grands chefs traditionnels lors de la fondation du royaume des Tonga en tant qu'État d'inspiration occidentale, au XIXe siècle, posant ainsi les fondements d'une noblesse tongienne qui dispose jusqu'à ce jour d'un grand prestige, ainsi que de prérogatives politiques[76]. À Wallis-et-Futuna, le protectorat français ne destitua pas les lavelua (souverains), assistés de kivalu (ministres) et de faipule (gouverneurs), de sorte qu'aujourd'hui ce territoire français d'outre mer n'est pas républicain mais triplement monarchique avec les trois royaumes coutumiers d'Alo, Sigave et Uvea, reconnus et représentés à l'assemblée territoriale[77].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. En 2020 il existe dans le monde 28 monarchies (sur 193 États reconnus par l'ONU) en comptant pour une celles du Commonwealth et en ne comptant que les monarchies souveraines, pas les royautés coutumières beaucoup plus nombreuses.
  2. Monarchies souveraines africaines : Eswatini, Lesotho et Maroc ; l'Afrique compte aussi 34 royautés coutumières n'ayant pas le statut d'État souverain.
  3. Monarchies souveraines asiatiques : Arabie saoudite, Bahreïn, Bhoutan, Brunei, Cambodge, Émirats, Japon, Jordanie, Koweit, Malaisie, Oman, Qatar et Thaïlande.
  4. Monarchies souveraines européennes : Norvège, Suède, Danemark, Pays-Bas, Belgique, Luxembourg, Royaume-Uni, Espagne, Monaco et Liechtenstein ; l'Andorre et le Vatican sont des états à constitution monarchique, mais sans maison royale.
  5. Monarchies souveraines océaniennes : Samoa et Tonga ; à Wallis-et-Futuna il existe aussi trois royautés coutumières, mais sous protectorat français.
  6. Voir la catégorie « Noblesse européenne » et ci-dessous les articles connexes.
  7. De nombreuses sources occidentales comme Charles George Herbermann dans l’Encyclopédie catholique ou Michel Le Quien dans Oriens Christianus, désignent le christianisme nicéen des Romains sous le vocable « Église catholique », par anachronisme puisque cela se passe avant la séparation des Églises d'Orient et d'Occident et avant les 14 conciles postérieurs à celle-ci, qui définissent l'Église catholique romaine actuelle.
  8. Dans la hiérarchie administrative et militaire romaine, les fonctions de duc et de comte existaient déjà (Werner 2012, p. 428), comme l'atteste un texte de Wandrille qui, après sa période aulique, fut nommé exactor rei publicæ gentis Francorum, l’exactura étant un terme romain pour l'administration fiscale, qui n'a jamais cessé d'être utilisé et l'était encore sous le roi Pépin (Werner 2012, p. 396). Le royaume franc emploie les termes de nobiles viri ou illustres viri (« hommes illustres »), qui prouvent que l'héritage romain a été intégré, mais aussi des termes tels que proceres pour « les grands ».
    La pratique du serment par la noblesse romaine transfère le serment de fidélité des nobles au roi germanique devenu princeps dans son royaume : ainsi, au VIe siècle, le roi exigea ce serment « à la romaine » de tous ses sujets libres et Charlemagne se fit jurer fidélité deux fois, « à la romaine » et « à la germanique », et « devant Dieu » ; sous les Mérovingiens ce serment de fidélité liant les grands au roi est parfaitement attesté (Werner 2012, p. 265-266).
    Quelques centres de commandement romains sont maintenus par les rois germaniques : le comte germain peut résider dans l'ancien prétoire romain, contrairement à l'image des « cours barbares » comme autant de « villages de tentes » ou de « grandes fermes en bois » (Werner 2012, p. 393 et Carl-Richard Brühl, Palatium et Civitas, 1975). Au début, les tribunaux romains conservèrent leur qualité de lieux publics sous l'autorité des grands germaniques (Werner 2012, p. 650). Des nobles romains se sont parfois maintenus par alliance avec les grands de l'aristocratie gothique, vandale, franque, burgonde ou lombarde qui adoptèrent eux aussi le cingulum (Werner 2012, p. 581).
    Aux Ve, VIe et VIIe siècles, le haut clergé nicéen des royaumes germaniques, même ariens, pouvait être d'origine romaine sénatoriale, et l'enseignement des élites permettait de conserver une partie des savoirs de l'antiquité (Werner 2012, p. 394). Par exemple, à la cour d'Austrasie à Metz, dès le VIe siècle dont Werner cite l'exemple, les écrits que Venance Fortunat a adressé aux grands révèlent leurs accès aux sources antiques. Arnoul de Metz fut présenté à la cour par un noble de sa famille, de rang sénatorial : Gundulf. Formé à la cour, il finit par administrer de larges parties de l'Austrasie et devenir un des hommes les plus puissants du royaume. Il y a d'autres exemples de formations auliques comme celui des parents du futur saint Ermeland (VIIe siècle).
  9. Terme vieilli (de nos jours, on dit plutôt buke) ; samurai provient du verbe saburau, signifiant « garder », « servir ».
  10. Par extension, on pourrait vaguement l'apparenter à la hidalguia espagnole ou à la gentry anglaise, etc.
  11. Grands seigneurs apanagés.
  12. Petits seigneurs apanagés.
  13. L'importance des daimyos et des shomyo dans la hiérarchie nobiliaire (voir la liste des clans japonais) était proportionnelle aux revenus officiels (calculés en koku de riz) qu'ils tiraient de leurs apanages, ainsi qu'à leur situation géographique; néanmoins, ces revenus étant calculés par le pouvoir shogounal lors de la prise de fonction du chef de famille, ils correspondaient généralement assez peu à la réalité des richesses de la région concernée. Au XVIIe siècle, un koku équivalait - officiellement - à quelque 180 litres de riz, soit la quantité nécessaire pour nourrir un adulte pendant une année.
  14. Le nom officiel du Japon est nihonkoku (日本国?), c'est-à-dire le pays à/de l'origine du jour/soleil.

Références[modifier | modifier le code]

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  14. Werner 2012, p. 696.
  15. Code théodosien, VIII, 4, 28.
  16. Code justinien, III, 25, 1 ; X, 69, 1 et XII, 19, 2.
  17. Werner 2012, p. p. 264, 313, 324, 698.
  18. Werner 2012, p. 395.
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  21. Le château de Bran a été restitué le 26 mai 2006 à Dominic von Habsburg, architecte vivant aux États-Unis : George Avanu, (ro + en) Bran Unique Places of Romania, 2-nd ed., (ISBN 973-7995-89-9)
  22. Le palais de Sinaia a été restitué à l'ex-roi Michel de Roumanie le 16 juin 2008 : Le courrier des Balkans
  23. Restitution des biens en Roumanie : le roi Michel de retour en son domaine de Peles.
  24. Alain Demurger, Chevaliers et chevalerie expliqués à mes petits-fils, Seuil, 2009
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  36. « Un fils de tecuhtli ne retombait plus au rang de maceualli : « plébéien » ; il portait, du seul droit de sa naissance, le titre de pilli, qui avait pris le sens de « fils de noble » comme le mot espagnol hidalgo : « fils de quelqu'un de connu » » : (Soustelle 2002, p. 74)
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Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Bibliographie[modifier | modifier le code]

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • Nicolas Viton de Saint-Allais, Nobiliaire Universel De France Ou Recueil Général Des Généalogies Historiques Des Maisons Nobles De Ce Royaume, (§Tomes 1 à 21), édité à Paris chez l'auteur 10 Rue de la Vrilliére à Paris, 1814 à 1819, archivé à la Library university of Wisconsign numérisé par Google Livres.
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  • François Bluche et Jean-François Solnon, La véritable hiérarchie sociale de l'ancienne France. Le tarif de la première capitation (1695), Droz, 1983.
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  • Karl Ferdinand Werner, Naissance de la noblesse, Pluriel, . Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Généralités[modifier | modifier le code]

En Europe par pays[modifier | modifier le code]

Il existe une catégorie consacrée à ce sujet : Noblesse par pays.

Symboles et sciences attachées[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]