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« Exode rural » : différence entre les versions

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{{Voir homonymes|Exode}}
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[[Fichier:Uilenburgstraat Amsterdam 1925.jpg|thumb|Taudis à [[Amsterdam]], en 1925.]]
[[Fichier:Batavierstraat 1-19 Amsterdam 1925.jpg|thumb|Taudis à [[Amsterdam]], en 1925.]]
L’'''exode rural''', synonyme de déplacement des gros pauvres chez les riches des villes privilégiée par les historiens et les géographes)<ref>{{ouvrage|auteur=[[Éric Alary]]|titre=L'Histoire des paysans français|éditeur=Perrin|date=2016|passage=87}}.</ref>, désigne le déplacement durable de populations quittant les zones rurales pour aller s'implanter dans des zones urbaines.


L’'''exode rural''', appelé aussi '''migrations rurales''' (expression privilégiée par certains historiens et géographes)<ref>{{ouvrage|auteur=[[Éric Alary]]|titre=L'Histoire des paysans français|éditeur=Perrin|date=2016|passage=87}}.</ref>, désigne le [[transfert de population|déplacement durable de populations]] quittant les zones rurales pour aller s'implanter dans des zones urbaines, où se situent les nouveaux emplois tertiaires et industriels<ref>{{Ouvrage|auteur1=Emmanuel Melmoux, David Mitzinmacker|titre=Lexique d'histoire géographie|passage=118|lieu=Paris|éditeur=Nathan|date=Juillet 2008|pages totales=239|isbn=9-782091-845364|consulté le=9 juillet 2023}}</ref>.
Cette forme de [[migration humaine|migration]] (arabes) est observée tout au long de l'histoire humaine et se déroule aujourd'hui encore à l'échelle planétaire selon une intensité et des modalités diverses. Grosse kekette, Raph l'indécise lololol


Cette forme de [[migration humaine|migration]] est observée tout au long de l'histoire humaine et se déroule aujourd'hui encore à l'échelle planétaire selon une intensité et des modalités diverses.
En Europe, l'exode rural fait souvent référence aux déplacements de population qui se produisent à l’époque de la [[révolution industrielle]], soit dès le {{XVIIIe siècle}} en [[Grande-Bretagne]], et à partir du {{XIXe siècle}} dans de nombreux pays comme l’[[Allemagne]] puis la [[France]] ; mais de timides exodes ruraux eurent lieu dès le {{s-|XI|e}} et pendant la [[Renaissance du XIIe siècle|Renaissance du {{S-|XII}}]], en même temps que le développement de l'[[urbanisation]], l'apparition de la [[bourgeoisie]] et la fondation des premières [[université]]s.

En Europe, l'exode rural fait souvent référence aux déplacements de population qui se produisent à l’époque de la [[révolution industrielle]], soit dès le {{s-|XVIII}} en [[Grande-Bretagne]], et à partir du {{s-|XIX}} dans de nombreux pays comme l’[[Allemagne]] puis la [[France]] ; mais de timides exodes ruraux eurent lieu dès le {{s-|XI|e}} et pendant la [[Renaissance du XIIe siècle|Renaissance du {{S-|XII}}]], en même temps que le développement de l'[[urbanisation]], l'apparition de la [[bourgeoisie]] et la fondation des premières [[université]]s.


L'exode rural alimente de façon significative :
L'exode rural alimente de façon significative :
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Ces afflux de personnes seront plus ou moins bien intégrés dans les cadres sociaux existants. Sur le marché du travail, par exemple, c'est l'apparition du [[prolétariat]] urbain qui contribue à faire émerger la [[question sociale]].
Ces afflux de personnes seront plus ou moins bien intégrés dans les cadres sociaux existants. Sur le marché du travail, par exemple, c'est l'apparition du [[prolétariat]] urbain qui contribue à faire émerger la [[question sociale]].


Ultérieurement, dans la seconde moitié du {{XXe siècle}}, l’exode rural affecte les [[pays en développement]].
Ultérieurement, dans la seconde moitié du {{s-|XX}}, l’exode rural affecte les [[pays en développement]].


Dans certains pays, des tendances récentes se font jour qui montrent un tassement sinon une inversion du phénomène : ainsi en France où, entre 1999 et 2007, la population rurale a augmenté de 9 % quand celle des villes ne progressait de 4,6 %<ref>[[GEO (magazine)|''GEO'']] {{numéro}}396 de février 2012 p. 44 et 45.</ref>. En 2011, un citadin sur quatre, âgé de 25 à 49 ans, déclarait, dans un sondage [[Ipsos]], vouloir quitter sa ville pour un village. Un choix de vie aussi bien porté par l'envie de prendre un nouveau départ (pour 38 % des sondés) que par le souhait de retrouver ses racines (25 %) ou de vivre dans une région que l'on aime (24 %).
Dans certains pays, des tendances récentes se font jour qui montrent un tassement sinon une inversion du phénomène : ainsi en France où, entre 1999 et 2007, la population rurale a augmenté de 9 % quand celle des villes ne progressait de 4,6 %<ref>[[GEO (magazine)|''GEO'']] {{numéro}}396 de février 2012 p. 44-45.</ref>. En 2011, un citadin sur quatre, âgé de 25 à 49 ans, déclarait, dans un sondage [[Ipsos]], vouloir quitter sa ville pour un village. Un choix de vie aussi bien porté par l'envie de prendre un nouveau départ (pour 38 % des sondés) que par le souhait de retrouver ses racines (25 %) ou de vivre dans une région que l'on aime (24 %).


== Un phénomène ancien ==
== Un phénomène ancien ==
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* La pratique de l'[[affermage]] entraîne bien souvent des abus de la part des fermiers qui veulent récupérer au maximum leur investissement. Pression d'autant moins bien supportée qu'elle se double d'un problème d'identité opposant la minorité grecque dominante à la masse de la population autochtone.
* La pratique de l'[[affermage]] entraîne bien souvent des abus de la part des fermiers qui veulent récupérer au maximum leur investissement. Pression d'autant moins bien supportée qu'elle se double d'un problème d'identité opposant la minorité grecque dominante à la masse de la population autochtone.


Avec [[Ptolémée IV|Ptolémée {{IV}}]], la pression fiscale s'alourdit davantage, entraînant un véritable cercle vicieux : La paupérisation des campagnes crée de plus en plus de marginaux et renforce les motifs de désertion, non seulement de la part des [[Fellah|paysans]] mais aussi d'autres types de travailleurs<ref>La documentation fait ainsi état de carriers et même d'un policier chargé de garder les récoltes du village qui ont déserté leur poste.</ref>. L'exode provoque la paupérisation au niveau individuel, comme à l'échelle du pays. Chaque paysan en fuite est un manque à gagner pour l'État.
Avec [[Ptolémée IV|Ptolémée {{IV}}]], la pression fiscale s'alourdit davantage, entraînant un véritable cercle vicieux : la paupérisation des campagnes crée de plus en plus de marginaux et renforce les motifs de désertion, non seulement de la part des [[Fellah|paysans]] mais aussi d'autres types de travailleurs<ref group="alpha">La documentation fait ainsi état de carriers et même d'un policier chargé de garder les récoltes du village qui ont déserté leur poste.</ref>. L'exode provoque la paupérisation au niveau individuel, comme à l'échelle du pays. Chaque paysan en fuite est un manque à gagner pour l'État.


Les réactions du pouvoir ne sont guère efficaces. L'exode rural se poursuit. Les [[Lagides]] ne parviennent pas à se départir d'une logique de prélèvements excessifs doublés par des mesures autoritaires. La situation empire quand les villages sont tenus pour responsables vis-à-vis de l'État de la rentrée des fermages. En [[-107]], le ''[[Serment de Tebtynis]]'' est imposé aux paysans d'[[Égypte antique|Égypte]] pour les lier à la terre : {{Début citation}} ''Jusqu'à ce que je verse mon fermage, je reste en vue présent chaque jour et appliqué aux travaux agricoles, sans me réfugier sur l'autel sacré de quelque temple, sans faire appel à aucune protection, sans inventer aucun moyen de me dérober''.{{Fin citation}}
Les réactions du pouvoir ne sont guère efficaces. L'exode rural se poursuit. Les [[Lagides]] ne parviennent pas à se départir d'une logique de prélèvements excessifs doublés par des mesures autoritaires. La situation empire quand les villages sont tenus pour responsables vis-à-vis de l'État de la rentrée des fermages. En [[-107]], le ''[[Serment de Tebtynis]]'' est imposé aux paysans d'[[Égypte antique|Égypte]] pour les lier à la terre : {{Citation|Jusqu'à ce que je verse mon fermage, je reste en vue présent chaque jour et appliqué aux travaux agricoles, sans me réfugier sur l'autel sacré de quelque temple, sans faire appel à aucune protection, sans inventer aucun moyen de me dérober.}}


=== Grèce antique ===
=== Grèce antique ===
L'État athénien se forme par l'union de tribus et de clans vivant en [[Attique]]. L'État est organisé en trois classes : les Nobles (eupatrides), les agriculteurs (géomores) et les artisans (démiurges). Dans ce cadre, la propriété individuelle du sol, le commerce et l'usage de la monnaie se développent<ref>Henri Denis, ''Histoire de la pensée économique'', Thémis Paris 1966.</ref>.
L'État athénien se forme par l'union de tribus et de clans vivant en [[Attique]]. L'État est organisé en trois classes : les Nobles (eupatrides), les agriculteurs (géomores) et les artisans (démiurges). Dans ce cadre, la propriété individuelle du sol, le commerce et l'usage de la monnaie se développent<ref>Henri Denis, ''Histoire de la pensée économique'', Thémis Paris 1966.</ref>.


La plupart des citoyens sont de petits paysans pauvres et en situation précaire. Ils se révoltent à plusieurs reprises : à Mégare, à Samos, à Chio… Au {{-s|VI|e}} ils portent au pouvoir [[Solon]] qui établit une nouvelle constitution. Une coalition s'établit entre paysans, artisans et marchands pour briser le pouvoir des nobles ([[Réformes clisthéniennes]] en 508 av. J.-C.).
La plupart des citoyens sont de petits paysans pauvres et en situation précaire. Ils se révoltent à plusieurs reprises : à Mégare, à Samos, à Chio… Au {{-s-|VI}} ils portent au pouvoir [[Solon]] qui établit une nouvelle constitution. Une coalition s'établit entre paysans, artisans et marchands pour briser le pouvoir des nobles ([[Réformes clisthéniennes]] en {{date|-508}}). Mais les données économiques imposent des changements :
* les hommes en surnombre doivent s'exiler et fondent des colonies : le commerce extérieur progresse et pose la question des alliances militaires, notamment avec [[Sparte]] ([[guerre du Péloponnèse]] : 431-404) qui finit par l'emporter ;
Mais les données économiques imposent des changements :
* l'équilibre économique et social de la Cité est bousculé par l'émergence de « nouveaux riches » qui cumulent réussite commerciale et propriété foncière. Les paysans pauvres sont contraints de quitter la terre, mais ne trouvent pas de travail en ville car le labeur salarié est réservé aux esclaves : une plèbe de chômeurs se forme et la Cité entre dans une ère de décadence généralisée.
* Les hommes en surnombre doivent s'exiler et fondent des colonies : Le commerce extérieur progresse et pose la question des alliances militaires, notamment avec [[Sparte]] ([[guerre du Péloponnèse]] : 431-404) qui finit par l'emporter.
* L'équilibre économique et social de la Cité est bousculé par l'émergence de « nouveaux riches » qui cumulent réussite commerciale et propriété foncière. Les paysans pauvres sont contraints de quitter la terre mais ne trouvent pas de travail en ville car le labeur salarié est réservé aux esclaves : une plèbe de chômeurs se forme et la Cité entre dans une ère de décadence généralisée.


== Origines et causes ==
== Origines et causes ==
L'exode rural n'est pas un simple transfert d'une population rurale à un espace urbain avoisinant. Ses migrations revêtent différentes formes et concernent de très nombreuses destinations :
L'exode rural n'est pas un simple transfert d'une population rurale à un espace urbain avoisinant. Ses migrations revêtent différentes formes et concernent de très nombreuses destinations :
* Les migrations durables privilégient les plus grands centres urbains, créant une certaine [[métropolisation]].
* les migrations durables privilégient les plus grands centres urbains, créant une certaine [[métropolisation]] ;
* Les migrations saisonnières ou temporaires de salariés sont très courantes dans certaines professions, tel les maçons, charpentiers, [[ramoneur]]s. Une partie de cette population pouvant revenir sur son lieu d'origine, après avoir constitué un pécule. (voir à cet égard l'exemple significatif du département de la [[Creuse (département)|Creuse]]).
* les migrations saisonnières ou temporaires de salariés sont très courantes dans certaines professions, tels les maçons, charpentiers, [[ramoneur]]s. Une partie de cette population pouvant revenir sur son lieu d'origine, après avoir constitué un pécule. (voir à cet égard l'exemple significatif du département de la [[Creuse (département)|Creuse]]) ;
* L'émigration vers les [[Colonie de peuplement|colonies de peuplements]] ou les migrations intra-européennes atteignent leur apogée durant la période 1860-1930.
* l'émigration vers les [[Colonie de peuplement|colonies de peuplements]] ou les migrations intra-européennes atteignent leur apogée durant la période 1860-1930.


La population mondiale est, jusqu'au {{s-|XIX|e}}, majoritairement rurale. En Europe, le mouvement d'urbanisation se développe dès le [[Moyen Âge]].
La population mondiale est, jusqu'au {{s-|XIX}}, majoritairement rurale. En Europe, le mouvement d'urbanisation se développe dès le [[Moyen Âge]].


En France en 1700, 85 % de la population totale est rurale, 77 % correspond à des ménages agricoles.
En France en 1700, 85 % de la population totale est rurale, 77 % correspond à des ménages agricoles.
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L'exode rural résulte de la mise en place de facteurs de rejet et de facteurs d'attraction<ref>''Le Tiers Monde en fiches'', par Jean-Michel Henriet, 2{{è}} édition, 1999, [[Éditions Bréal|Bréal]].</ref>.
L'exode rural résulte de la mise en place de facteurs de rejet et de facteurs d'attraction<ref>''Le Tiers Monde en fiches'', par Jean-Michel Henriet, 2{{è}} édition, 1999, [[Éditions Bréal]].</ref>.


=== Facteurs de rejet hors des campagnes ===
=== Facteurs de rejet hors des campagnes ===
==== Pression démographique excessive ====
==== Pression démographique excessive ====
C'est l'une des causes déterminantes de l'exode rural, plus ou moins renforcée par les facteurs socio-économiques :
* faiblesse de la qualité des terres disponibles : par exemple en zone sub-désertique ;
* faiblesse de la disponibilité des terres : pour des motifs physiques, d'accessibilité ou d'enclavement géographique ou pour des motifs juridiques (regroupement ou accaparement des terres par les grands domaines ou propriétés intégrées à de grands groupes agro-alimentaires) ;
* attachement du groupe social à la terre : il retarde la désaffection des populations de travaux agricoles présentant une rentabilité faible.


==== Disparité entre campagne et ville ====
=== C'est l'une des causes jkjkj;njh de l'exode rural, plus ou moins renforcée par les facteurs socio-économiques : ===
* Faiblesse de la qualité des terres disponibles : par exemple en zone sub-désertique,
* Faiblesse de la disponibilité des terres : pour des motifs physiques, d'accessibilité ou d'enclavement géographique ou pour des motifs juridiques (regroupement ou accaparement des terres par les grands domaines ou propriétés intégrées à de grands groupes agro-alimentaires),
* Attachement du groupe social à la terre : Il retarde la désaffection des populations de travaux agricoles présentant une rentabilité faible.

==== Disparité Campagne-Ville ====
Le décalage entre les deux mondes lorsqu'il est très défavorable, constitue un paramètre de départ important :
Le décalage entre les deux mondes lorsqu'il est très défavorable, constitue un paramètre de départ important :
* Les conditions objectives mesurant le confort, l'équipement de base, la qualité de vie et le niveau de vie sont perçus comme des facteurs moteurs de rejet.
* Les conditions objectives mesurant le confort, l'équipement de base, la qualité de vie et le niveau de vie sont perçus comme des facteurs moteurs de rejet.
* Ces tendances sont cependant contrebalancées par d'autres facteurs qui réduisent l'écart (réel ou psychologique) Campagne-ville : Faible coût relatif des denrées de subsistance, de l'énergie, du minimum nécessaire à la survie.
* Ces tendances sont cependant contrebalancées par d'autres facteurs qui réduisent l'écart (réel ou psychologique) campagne-ville : faible coût relatif des denrées de subsistance, de l'énergie, du minimum nécessaire à la survie.


==== Sous-emploi rural chronique ====
==== Sous-emploi rural chronique ====
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=== Facteurs d'attraction vers les villes ===
=== Facteurs d'attraction vers les villes ===
Ils reposent souvent davantage sur des perceptions que sur des réalités. Mais leur effet ne s'en fait pas moins fortement ressentir :
Ils reposent souvent davantage sur des perceptions que sur des réalités. Mais leur effet ne s'en fait pas moins fortement ressentir :

==== La ville, promesse de prospérité ====
==== La ville, promesse de prospérité ====
* La ville offre de nombreux emplois rémunérés, et des salaires plus élevés. La [[révolution industrielle]] nécessite, pour se mettre en place, le regroupement en un seul lieu, l’usine, de la force de travail. Jusque-là l’industrie « rurale » est associée à la [[manufacture]], qui a volontiers recours au « travail à façon » dans le secteur textile ou horloger (l'[[établissage]], par exemple). L’industrialisation nécessite des capitaux et des infrastructures de plus en plus importants uniquement possibles au sein d'agglomérations, l’emploi industriel rural décline rapidement au {{XIXe siècle}}. Tendance qui se révèle être moins consistante depuis les années 1980 pour les emplois administratifs ou ouvriers, et affecte même le secteur du travail informel.
* La ville offre de nombreux emplois rémunérés et des salaires plus élevés. La [[révolution industrielle]] nécessite, pour se mettre en place, le regroupement en un seul lieu, l’usine, de la force de travail. Jusque-là, l’industrie « rurale » est associée à la [[manufacture]], qui a volontiers recours au « travail à façon » dans le secteur textile ou horloger (l'[[établissage]], par exemple). L’industrialisation nécessite des capitaux et des infrastructures de plus en plus importants uniquement possibles au sein d'agglomérations, l’emploi industriel rural décline rapidement au {{s-|XIX}}. Cette tendance se révèle être moins consistante depuis les années 1980 pour les emplois administratifs ou ouvriers et affecte même le secteur du travail informel.


* La ville répond mieux aux aspirations sociales et culturelles (notamment aux yeux des jeunes générations) : environnement social plus ouvert, plus libre, moins contraignant que dans le cadre rural traditionnel, accès plus facile à l'éducation et, partant, à l'« ascension sociale ».
* La ville répond mieux aux aspirations sociales et culturelles (notamment aux yeux des jeunes générations) : environnement social plus ouvert, plus libre, moins contraignant que dans le cadre rural traditionnel, accès plus facile à l'éducation et, partant, à l'« ascension sociale ».
Si une partie du clergé s’oppose à l’exode rural en considérant que le mode de vie chrétien est mieux préservé dans les régions agricoles traditionnelles, certains, comme {{Mgr}} [[Louis-Nazaire Bégin]] par exemple, fondent plusieurs journaux pour contrer cette tendance<!-- pertinence ?-->.
Si une partie du clergé s’oppose à l’exode rural en considérant que le mode de vie chrétien est mieux préservé dans les régions agricoles traditionnelles, certains, comme [[Louis-Nazaire Bégin]], fondent plusieurs journaux pour contrer cette tendance<!-- pertinence ?-->.


==== La ville accueil pour le refuge forcé ====
==== La ville accueil pour le refuge forcé ====
Les populations soumises à l'insécurité ou à la guérilla pensent trouver meilleur accueil dans les agglomérations où vivent déjà certaines de leurs connaissances. (regroupement familial ou constitution de quartiers communautaires)
Les populations soumises à l'insécurité ou à la guérilla pensent trouver meilleur accueil dans les agglomérations où vivent déjà certaines de leurs connaissances (regroupement familial ou constitution de quartiers communautaires).


== Conséquences de l'exode rural ==
== Conséquences de l'exode rural ==
#Sur les zones de départ, Le déficit de population n'est réduit, que pour partie seulement, par le mécanisme de [[compensation démographique]]. Le départ des jeunes dont les enfants des chefs d'[[exploitations agricoles]] vers les villes, a pour effet de diminuer la [[population active]] agricole, alors que le nombre de retraités agricoles reste relativement élevé. Il en résulte un déséquilibre démographique important entre [[Population active|actifs]] et retraités, et donc un déficit très important des régimes de [[protection sociale]] agricole, les [[cotisations sociales]] ne pouvant équilibrer les prestations sociales.
#Sur les zones de départ, Le déficit de population n'est réduit, que pour partie seulement, par le mécanisme de [[compensation démographique]]. Le départ des jeunes, dont les enfants des chefs d'[[exploitations agricoles]], vers les villes a pour effet de diminuer la [[population active]] agricole alors que le nombre de retraités agricoles reste relativement élevé. Il en résulte un déséquilibre démographique important entre [[Population active|actifs]] et retraités et donc un déficit très important des régimes de [[protection sociale]] agricole, les [[cotisations sociales]] ne pouvant équilibrer les prestations sociales.
#Sur les zones d'arrivée, les conséquences les plus marquées sont vivement et immédiatement ressenties :
#Sur les zones d'arrivée, les conséquences les plus marquées sont vivement et immédiatement ressenties :
::En ville, l'afflux de population alimente les [[crises du logement]], et l'instauration de [[faubourg]]s ou de bidonvilles. (Voir pour le cas de la France : [[bidonvilles en France]] dans les années 1960). Les nouveaux arrivants peuplent les périphéries des villes existantes ou donnent lieu à la création ou développement de villes comme [[Le Creusot]] ou de gigantesques conurbations comme le [[bassin minier du Nord-Pas-de-Calais]] ou de Lorraine.
::En ville, l'afflux de population alimente les [[crises du logement]], et l'instauration de [[faubourg]]s ou de bidonvilles. (Voir pour le cas de la France : [[bidonvilles en France]] dans les années 1960). Les nouveaux arrivants peuplent les périphéries des villes existantes ou donnent lieu à la création ou développement de villes comme [[Le Creusot]] ou de gigantesques conurbations comme le [[bassin minier du Nord-Pas-de-Calais]] ou de Lorraine.


::L'afflux de population plus ou moins bien intégrée dans les agglomérations alimente les préjugés et opinions de peur vis-à-vis :
::L'afflux de population plus ou moins bien intégrée dans les agglomérations alimente les préjugés et opinions de peur vis-à-vis :
::* d'ouvriers considérés comme concurrents : « Début avril 1848, on crie à Paris sur les boulevards : À bas les Savoyards, qui sont alors pour la plupart des sujets piémontais. À Lille et à Rouen, des fileuses irlandaises sont molestées. On note des manifestations hostiles aux Belges dans le Nord de la France ou de Piémontais à la Grand'Combe. La main-d'œuvre étrangère est dans de nombreux centres recherchée par les patrons pour son prix moins élevé. »<ref>Georges Lefranc, ''Histoire du Travail et des travailleurs'', Flammarion Paris, 1957.</ref>
::* d'ouvriers considérés comme concurrents : « Début avril 1848, on crie à Paris sur les boulevards : À bas les Savoyards, qui sont alors pour la plupart des sujets piémontais. À Lille et à Rouen, des fileuses irlandaises sont molestées. On note des manifestations hostiles aux Belges dans le Nord de la France ou de Piémontais à la Grand'Combe. La main-d'œuvre étrangère est dans de nombreux centres recherchée par les patrons pour son prix moins élevé »<ref>Georges Lefranc, ''Histoire du Travail et des travailleurs'', Flammarion Paris, 1957.</ref>.
::* de ceux qu'on désigne comme constituant des [[Question_sociale#La_peur_des_Classes_dangereuses|classes dangereuses]] à la fois du fait de leur origine différente et aussi assez rapidement du fait de leurs protestations contre les conditions matérielles qui leur sont faites (Niveau de salaire, durée du travail, travail des enfants, logement...). Les incompréhensions mutuelles -renforcées par les difficultés d'intégration résultant de l'afflux massif et désordonné de ces populations-, sont attisées par les crises conjoncturelles et contribuent à déséquilibrer les cadres de référence traditionnels et à poser à partir du {{s-|XIX|e}} ce que l'on a appelé la [[Question sociale]].
::* de ceux qu'on désigne comme constituant des [[Question_sociale#La_peur_des_Classes_dangereuses|classes dangereuses]] à la fois du fait de leur origine différente et aussi assez rapidement du fait de leurs protestations contre les conditions matérielles qui leur sont faites (Niveau de salaire, durée du travail, travail des enfants, logement…). Les incompréhensions mutuelles - renforcées par les difficultés d'intégration résultant de l'afflux massif et désordonné de ces populations -, sont attisées par les crises conjoncturelles et contribuent à déséquilibrer les cadres de référence traditionnels et à poser à partir du {{s-|XIX|e}} ce que l'on a appelé la [[Question sociale]].


::Autre conséquence non moins réelle, le statut des femmes et du travail des femmes est significativement modifié : « Ce serait une erreur de croire que c'est la révolution industrielle qui a donné naissance au travail des femmes, celui-ci a toujours existé dans la civilisation traditionnelle. (...) Au stade de l'économie naturelle la femme - fille ou épouse - travaille à la maison, dans le cadre de l'exploitation familiale, agricole, artisanale ou commerciale, ou bien contribue par un travail domestique de fileuse ou de tisseuse ». Par contre et consécutivement à l'exode rural « ''Avec le travail en usine, (ou en ville) la femme est contrainte de travailler '''hors foyer'''. C'est dans ce passage d'une activité intérieure à un cadre familial vers une '''activité extérieure que réside la nouveauté du {{s-|XIX|e}}''''' »<ref>''Histoire Générale du Travail'', sous la direction de Louis-Henri Parias, tome III, Nouvelle Librairie de France, Paris 1962.</ref>
::Autre conséquence non moins réelle, le statut des femmes et du travail des femmes est significativement modifié : « Ce serait une erreur de croire que c'est la révolution industrielle qui a donné naissance au travail des femmes, celui-ci a toujours existé dans la civilisation traditionnelle. () Au stade de l'économie naturelle, la femme - fille ou épouse - travaille à la maison, dans le cadre de l'exploitation familiale, agricole, artisanale ou commerciale, ou bien contribue par un travail domestique de fileuse ou de tisseuse ». Par contre et consécutivement à l'exode rural, « ''Avec le travail en usine, (ou en ville) la femme est contrainte de travailler '''hors foyer'''. C'est dans ce passage d'une activité intérieure à un cadre familial vers une '''activité extérieure que réside la nouveauté du {{s-|XIX|e}}''''' »<ref>''Histoire Générale du Travail'', sous la direction de Louis-Henri Parias, tome III, Nouvelle Librairie de France, Paris 1962.</ref>.


::D'une manière plus globale, le phénomène de l'[[immigration]] alimenté par un exode rural pour des raisons économiques de populations hors des campagnes étrangères ne doit pas être oublié tant il rejoint de nombreuses préoccupations chez nos contemporains.
::D'une manière plus globale, le phénomène de l'[[immigration]] alimenté par un exode rural pour des raisons économiques de populations hors des campagnes étrangères ne doit pas être oublié tant il rejoint de nombreuses préoccupations chez nos contemporains.
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== En France ==
== En France ==
{{article détaillé|Exode rural en France}}
{{article détaillé|Exode rural en France}}
Entre [[1850]] et [[1860]], la population rurale française atteint son maximum (en valeur absolue) avec 26,8 millions de ruraux<ref>{{Article|langue=Français|auteur1=|titre=L'évolution de la population agricole du {{S-|XVIII}} à nos jours|périodique=Economie et statistique|numéro=91|jour=|mois=|année=1977|issn=|lire en ligne=http://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_1977_num_91_1_3127|pages=79-84}}</ref>. À partir de cette date, les effectifs de la population rurale commencent à décroître en France. Toutefois, l'exode rural ne touche que tardivement la France par rapport aux autres pays d'[[Europe de l'Ouest|Europe occidentale]] et d'[[Amérique du Nord]]<ref name=AF>[[Armand Frémont]], « La terre », in ''Les Lieux de mémoire'', tome III (dir. [[Pierre Nora]]), Quarto Gallimard, 1997, p. 3047-3080 (en part. p.3050-3051).</ref>. Ainsi, la France compte 43,8 % de personnes vivant de la [[agriculture en France|terre]] au [[recensement de population en France|recensement de 1906]], et 31 % à celui de 1954<ref name=AF/>. La population urbaine a dépassé les 50 % en 1931<ref>{{Article|auteur=Jean Molinier|titre=L'évolution de la population agricole du XVIIIe siècle à nos jours|périodique=Economie et Statistique|date=1977|volume=91|pages=80}}.</ref>.
Entre [[1850]] et [[1860]], la population rurale française atteint son maximum (en valeur absolue) avec 26,8 millions de ruraux<ref>{{Article|langue=fr|auteur1=|titre=L'évolution de la population agricole du {{S-|XVIII}} à nos jours|périodique=Économie et statistique|numéro=91|année=1977|issn=|lire en ligne=http://www.persee.fr/doc/estat_0336-1454_1977_num_91_1_3127|pages=79-84}}</ref>. Les effectifs de la population rurale commencent alors à décroître. Toutefois, l'exode rural ne touche que tardivement la France par rapport aux autres pays d'[[Europe de l'Ouest]] et d'[[Amérique du Nord]]<ref name=AF>[[Armand Frémont]], « La terre », in ''Les Lieux de mémoire'', tome III (dir. [[Pierre Nora]]), Quarto Gallimard, 1997, p. 3047-3080 (en part. p.3050-3051).</ref>. Ainsi, la France compte 43,8 % de personnes vivant de la [[agriculture en France|terre]] au [[recensement de population en France|recensement de 1906]], et 31 % à celui de 1954<ref name=AF/>. La population urbaine a dépassé les 50 % en 1931<ref>{{Article|auteur=Jean Molinier|titre=L'évolution de la population agricole du {{s-|XVIII}} à nos jours|périodique=Économie et Statistique|date=1977|volume=91|pages=80}}.</ref>.


Le caractère réel, à l'échelle macrosociale, du dépeuplement des campagnes, qui conduit [[Henri Mendras]] à parler de « [[Condition paysanne en France depuis 1945|fin des paysans]] » en 1967, recouvre en fait des décalages importants entre les régions et encore plus entre communes rurales, suivant leur richesse et les rapports sociaux de production existants. C'est ainsi qu'au niveau microsocial, dans les [[Alpes du Sud (France)|Alpes du Sud]], la commune montagnarde d'[[Entraunes]] a atteint son maximum démographique dès 1776, les départs et les décès l'emportant alors définitivement sur les naissances et les arrivées{{refnec}}.
Le caractère réel, à l'échelle macrosociale, du dépeuplement des campagnes, qui conduit [[Henri Mendras]] à parler de « [[Condition paysanne en France depuis 1945|fin des paysans]] » en 1967, recouvre en fait des décalages importants entre les régions et encore plus entre communes rurales, suivant leur richesse et les rapports sociaux de production existants. C'est ainsi qu'au niveau microsocial, dans les [[Alpes du Sud (France)|Alpes du Sud]], la commune montagnarde d'[[Entraunes]] a atteint son maximum démographique dès 1776, les départs et les décès l'emportant alors définitivement sur les naissances et les arrivées{{refnec}}.


Jusqu'à la [[Seconde Guerre mondiale]], l'exode rural touche ainsi principalement les [[terroir]]s d'exploitation difficile, particulièrement dans le Sud de la France ou les régions montagneuses, menant à une [[déprise agricole]] (par exemple en [[Ardèche (département)|Ardèche]], ''[[#Exemples d’exode rural|cf. infra]]''). La baisse de population peut y entraîner la disparition progressive des [[secteur tertiaire en France|services]] et de l’[[artisanat]]. Baisse de population qui a pu aller jusqu'à son terme dans certaines [[communes en France|communes]] rurales qui ont disparu faute d'habitants.
Jusqu'à la [[Seconde Guerre mondiale]], l'exode rural touche ainsi principalement les [[terroir]]s d'exploitation difficile, particulièrement dans le Sud de la France ou les régions montagneuses, menant à une [[déprise agricole]] (par exemple, en [[Ardèche (département)|Ardèche]], ''[[#Exemples d’exode rural|cf. infra]]''). La baisse de population peut y entraîner la disparition progressive des [[secteur tertiaire en France|services]] et de l’[[artisanat]] et a pu aller jusqu'à la disparition de certaines [[communes en France|communes]] rurales, faute d'habitants.


Il y a donc exode rural lorsque le flux d'émigration augmente au point que, ajouté à celui des décès, il l'emporte sur le total des naissances et des arrivées. Aux jeunes garçons et filles obligés de partir, s'ajoutent alors de plus en plus d'actifs adultes : [[Ouvrier agricole|ouvriers agricoles]], [[journalier]]s et petits [[paysan]]s. Les artisans de village, très nombreux au {{XIXe siècle}}, disparaissent également, victimes de l’[[industrialisation]] et de la baisse de la clientèle. La diminution de la population rurale résulte donc, pour l'essentiel, des [[gains de productivité]] induisant la [[concentration des exploitations]] dont le nombre diminue en même temps que progresse leur superficie moyenne. Les investissements réalisés augmentent la [[productivité]] agricole et diminuent d’autant les besoins de main-d’œuvre.
Il y a donc exode rural lorsque le flux d'émigration augmente au point qu'ajouté à celui des décès, il l'emporte sur le total des naissances et des arrivées. Aux jeunes garçons et filles obligés de partir, s'ajoutent alors de plus en plus d'actifs adultes : [[Ouvrier agricole|ouvriers agricoles]], [[journalier]]s et petits [[paysan]]s. Les artisans de village, très nombreux au {{s-|XIX}}, disparaissent également, victimes de l’[[industrialisation]] et de la baisse de la clientèle. La diminution de la population rurale résulte donc, pour l'essentiel, des [[gains de productivité]] induisant la [[concentration des exploitations]] dont le nombre diminue en même temps que progresse leur superficie moyenne. Les investissements réalisés augmentent la [[productivité]] agricole et diminuent d’autant les besoins de main-d’œuvre.


La [[agriculture en France|crise agricole]] très grave (céréales, [[phylloxera]]) des années 1880 a accéléré le processus. La [[Grande Guerre]], qui fit entre 500 000 et 700 000 morts au sein de la population agricole française<ref>{{Lien web|langue=|auteur1=|titre=#11Novembre : les paysans au front et au ravitaillement|url=https://agriculture.gouv.fr/11novembre-les-paysans-au-front-et-au-ravitaillement|site=agriculture.gouv.fr|périodique=|date=8/11/2019|consulté le=30/01/2020}}</ref>, a également joué un rôle prépondérant dans l’exode rural en confrontant les jeunes ruraux à des citadins. Les [[droit du travail en France|droits]] progressivement obtenus par les [[ouvrier]]s (semaine de 40 heures, congés payés lors du [[Front populaire (France)|Front populaire]]) furent également vécus comme des injustices fortes par la population rurale{{refnec}}, qui en était exclue.
La [[agriculture en France|crise agricole]] très grave (céréales, [[phylloxera]]) des années 1880 a accéléré le processus. La [[Première Guerre mondiale]], qui a fait {{nombre|500000 à 700000 morts}} au sein de la population agricole française<ref>{{Lien web|langue=fr|auteur1=|titre=#11Novembre : les paysans au front et au ravitaillement|url=https://agriculture.gouv.fr/11novembre-les-paysans-au-front-et-au-ravitaillement|site=agriculture.gouv.fr|date=8/11/2019|consulté le=30/01/2020}}</ref>, a également joué un rôle prépondérant dans l’exode rural en confrontant les jeunes ruraux à des citadins. Les [[droit du travail en France|droits]] progressivement obtenus par les [[ouvrier]]s (semaine de 40 heures, congés payés lors du [[Front populaire (France)|Front populaire]]) ont également été vécus comme des injustices fortes par la population rurale{{refnec}}, qui en était exclue.


L’exode des jeunes et des femmes conduit également au [[vieillissement]] de la population et aux problèmes de [[célibat]], ce qui fait baisser le [[taux de natalité]].
L’exode des jeunes et des femmes conduit également au [[vieillissement]] de la population et aux problèmes de [[célibat]], ce qui fait baisser le [[taux de natalité]].


=== Exemples d’exode rural ===
=== Exemples d’exode rural ===
* Le cas du [[Massif central]] est assez éloquent, car la population décrût tôt et durablement. Le village de [[Saint-Germain-l'Herm]], vit sa population divisée par cinq entre 1850 et 1999, passant de {{formatnum:2447}} habitants en 1846 à 515 en 1999, soit une baisse quasiment continue depuis 150 ans.
Le cas du [[Massif central]] est assez éloquent, la population ayant décru tôt et durablement. Le village de [[Saint-Germain-l'Herm]] voit sa population divisée par cinq entre 1850 et 1999 en passant de {{formatnum:2447}} habitants en 1846 à 515 en 1999, soit une baisse quasiment continue depuis 150 ans.
* L'[[Ardèche (département)|Ardèche]] atteint un pic de population sous le [[Second Empire]], comptant {{formatnum:388500}} habitants selon le [[Recensement de population en France|recensement de 1861]]<ref name=AF/> ; {{citation|comme dans beaucoup d'autres [[Région française|régions]] où prévalait un système analogue, le déclin des [[industrie en France|industries]] en milieu rural entraîna celui de l'[[agriculture en France|agriculture]], et réciproquement. En un siècle, l'Ardèche perdit ainsi plus de cent quarante mille habitants, par émigration ou par [[dénatalité]], soit plus du tiers des Ardéchois du {{XIXe siècle}}, pour ne plus compter que {{formatnum:245600}} personnes au [[Recensement de population en France|recensement de 1962]]}} ([[Armand Frémont|A. Frémont]], 1997<ref name=AF/>).
* Le département de la [[Creuse (département)|Creuse]] : les recensements de population montrent que la plupart des communes creusoises (qui sont très majoritairement des petites communes rurales) ont connu un dépeuplement d'environ 80 % entre 1900 et 2000. Le département fut bien sûr victime, comme le reste de la France, de la [[Première Guerre mondiale]], mais c'est surtout le massif exode rural (avec un pic entre 1945 et 1975) qui l'a vidé de sa population, pour en faire aujourd'hui l'un des départements les moins peuplés de France.


L'[[Ardèche (département)|Ardèche]] atteint un pic de population sous le [[Second Empire]], comptant {{formatnum:388500}} habitants selon le [[Recensement de population en France|recensement de 1861]]<ref name=AF/> ; {{citation|comme dans beaucoup d'autres [[Région française|régions]] où prévalait un système analogue, le déclin des [[industrie en France|industries]] en milieu rural entraîna celui de l'[[agriculture en France|agriculture]], et réciproquement. En un siècle, l'Ardèche perdit ainsi plus de cent quarante mille habitants, par émigration ou par [[dénatalité]], soit plus du tiers des Ardéchois du {{s-|XIX}}, pour ne plus compter que {{formatnum:245600}} personnes au [[Recensement de population en France|recensement de 1962]]}} ([[Armand Frémont|A. Frémont]], 1997<ref name=AF/>).
=== Après 1945 ===


Les recensements de population montrent que la plupart des communes du département de la [[Creuse (département)|Creuse]], qui sont très majoritairement des petites communes rurales, ont connu un dépeuplement d'environ 80 % entre 1900 et 2000. Le département a été, comme le reste de la France, victime de la Première Guerre mondiale, mais c'est surtout le massif exode rural (avec un pic entre 1945 et 1975) qui l'a vidé de sa population, pour en faire aujourd'hui l'un des départements les moins peuplés de France.
En France, le dernier mouvement d’exode rural a commencé après [[1945]]. Ce dernier courant a contribué à l’exode rural des régions de l’Ouest ([[Vendée (département)|Vendée]], [[Anjou]], [[Bretagne]]), qui avaient réussi à garder plus longtemps leurs populations, par l’effet conjugué de structures familiales très encadrées par l’Église, et d’une agriculture vivrière très [[autarcie|autarcique]].

=== Après 1945 ===
En France, le dernier mouvement d’exode rural a commencé après 1945. Ce dernier courant a contribué à l’exode rural des régions de l’[[Grand Ouest français|Ouest]] ([[Vendée (département)|Vendée]], [[Anjou]] et [[Bretagne]]), qui avaient réussi à garder plus longtemps leurs populations, par l’effet conjugué de structures familiales très encadrées par l’Église et d’une agriculture vivrière très [[autarcie|autarcique]].


D’après l’[[Institut national de la statistique et des études économiques|Insee]], l’exode rural s’est ''grosso modo'' terminé en France en [[1975]] après le [[remembrement]] de 1965. Depuis cette date, le solde migratoire campagne/ville s’est stabilisé, voire depuis le début des [[années 1990]] inversé aux alentours des grandes régions urbanisées. On parle maintenant de [[rurbanisation]] : des citadins s’installent à la campagne, mais gardent un mode de vie urbain, un travail en ville. Ce phénomène produit un « mitage » du paysage par un bâti parsemé, ou au mieux réparti en [[lotissement]]s.
D’après l’[[Institut national de la statistique et des études économiques|Insee]], l’exode rural a grandement arrête en France en 1975 après le [[remembrement]] de 1965. Le [[solde migratoire]] entre campagne et ville s’est stabilisé, voire inversé aux alentours des grandes régions urbanisées depuis le début des années 1990 On parle maintenant de [[rurbanisation]] : des citadins s’installent à la campagne mais gardent un mode de vie urbain et un travail en ville. Ce phénomène produit un « mitage » du paysage par un bâti parsemé ou au mieux réparti en [[lotissement]]s.


== Dans le tiers monde ==
== Dans le tiers monde ==
{{...}}
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Après avoir concerné essentiellement les pays occidentaux, l’exode rural s’est étendu au {{s-|XX}} aux pays du [[tiers monde]].
Après avoir concerné essentiellement l'[[Occident]], l’exode rural s’est étendu au {{s-|XX}} aux pays du [[tiers monde]].


== Œuvres sur ce thème ==
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== Notes et références ==
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* [http://www.ina.fr/fresques/ouest-en-memoire/video/Region00255/les-jeunes-peuvent-ils-rester-a-la-terre? L'Ouest en mémoire (INA) - Les jeunes Bretons peuvent-ils rester à la terre ?]
* [http://www.ina.fr/fresques/ouest-en-memoire/video/Region00255/les-jeunes-peuvent-ils-rester-a-la-terre? L'Ouest en mémoire (INA) - Les jeunes Bretons peuvent-ils rester à la terre ?]
* [http://www.fao.org/newsroom/fr/news/2006/1000313/index.html Investir dans le secteur agricole pour endiguer l’exode rural - Étude fondamentale de la FAO sur les rôles de l’agriculture]
* [http://www.fao.org/newsroom/fr/news/2006/1000313/index.html Investir dans le secteur agricole pour endiguer l’exode rural - Étude fondamentale de la FAO sur les rôles de l’agriculture]

Version du 8 mai 2024 à 21:50

Taudis à Amsterdam, en 1925.

L’exode rural, appelé aussi migrations rurales (expression privilégiée par certains historiens et géographes)[1], désigne le déplacement durable de populations quittant les zones rurales pour aller s'implanter dans des zones urbaines, où se situent les nouveaux emplois tertiaires et industriels[2].

Cette forme de migration est observée tout au long de l'histoire humaine et se déroule aujourd'hui encore à l'échelle planétaire selon une intensité et des modalités diverses.

En Europe, l'exode rural fait souvent référence aux déplacements de population qui se produisent à l’époque de la révolution industrielle, soit dès le XVIIIe siècle en Grande-Bretagne, et à partir du XIXe siècle dans de nombreux pays comme l’Allemagne puis la France ; mais de timides exodes ruraux eurent lieu dès le XIe siècle et pendant la Renaissance du XIIe siècle, en même temps que le développement de l'urbanisation, l'apparition de la bourgeoisie et la fondation des premières universités.

L'exode rural alimente de façon significative :

  • une phase d’industrialisation avec la disponibilité d'une main-d'œuvre importante embauchée dans les ateliers et les usines ;
  • le mouvement d'urbanisation avec le développement des faubourgs des villes.

Ces afflux de personnes seront plus ou moins bien intégrés dans les cadres sociaux existants. Sur le marché du travail, par exemple, c'est l'apparition du prolétariat urbain qui contribue à faire émerger la question sociale.

Ultérieurement, dans la seconde moitié du XXe siècle, l’exode rural affecte les pays en développement.

Dans certains pays, des tendances récentes se font jour qui montrent un tassement sinon une inversion du phénomène : ainsi en France où, entre 1999 et 2007, la population rurale a augmenté de 9 % quand celle des villes ne progressait de 4,6 %[3]. En 2011, un citadin sur quatre, âgé de 25 à 49 ans, déclarait, dans un sondage Ipsos, vouloir quitter sa ville pour un village. Un choix de vie aussi bien porté par l'envie de prendre un nouveau départ (pour 38 % des sondés) que par le souhait de retrouver ses racines (25 %) ou de vivre dans une région que l'on aime (24 %).

Un phénomène ancien

Égypte antique

Au temps des pharaons, l'exode rural, ou anachorèse, affecte la population rurale égyptienne, prend des proportions alarmantes sous les Ptolémées. Parmi les motifs pointés :

  • La pression fiscale : L'arrivée au pouvoir des Lagides provoque une augmentation des impôts, tant en ce qui concerne les prélèvements réguliers que les contributions extraordinaires.
  • La pratique de l'affermage entraîne bien souvent des abus de la part des fermiers qui veulent récupérer au maximum leur investissement. Pression d'autant moins bien supportée qu'elle se double d'un problème d'identité opposant la minorité grecque dominante à la masse de la population autochtone.

Avec Ptolémée IV, la pression fiscale s'alourdit davantage, entraînant un véritable cercle vicieux : la paupérisation des campagnes crée de plus en plus de marginaux et renforce les motifs de désertion, non seulement de la part des paysans mais aussi d'autres types de travailleurs[a]. L'exode provoque la paupérisation au niveau individuel, comme à l'échelle du pays. Chaque paysan en fuite est un manque à gagner pour l'État.

Les réactions du pouvoir ne sont guère efficaces. L'exode rural se poursuit. Les Lagides ne parviennent pas à se départir d'une logique de prélèvements excessifs doublés par des mesures autoritaires. La situation empire quand les villages sont tenus pour responsables vis-à-vis de l'État de la rentrée des fermages. En -107, le Serment de Tebtynis est imposé aux paysans d'Égypte pour les lier à la terre : « Jusqu'à ce que je verse mon fermage, je reste en vue présent chaque jour et appliqué aux travaux agricoles, sans me réfugier sur l'autel sacré de quelque temple, sans faire appel à aucune protection, sans inventer aucun moyen de me dérober. »

Grèce antique

L'État athénien se forme par l'union de tribus et de clans vivant en Attique. L'État est organisé en trois classes : les Nobles (eupatrides), les agriculteurs (géomores) et les artisans (démiurges). Dans ce cadre, la propriété individuelle du sol, le commerce et l'usage de la monnaie se développent[4].

La plupart des citoyens sont de petits paysans pauvres et en situation précaire. Ils se révoltent à plusieurs reprises : à Mégare, à Samos, à Chio… Au VIe siècle av. J.-C. ils portent au pouvoir Solon qui établit une nouvelle constitution. Une coalition s'établit entre paysans, artisans et marchands pour briser le pouvoir des nobles (Réformes clisthéniennes en ). Mais les données économiques imposent des changements :

  • les hommes en surnombre doivent s'exiler et fondent des colonies : le commerce extérieur progresse et pose la question des alliances militaires, notamment avec Sparte (guerre du Péloponnèse : 431-404) qui finit par l'emporter ;
  • l'équilibre économique et social de la Cité est bousculé par l'émergence de « nouveaux riches » qui cumulent réussite commerciale et propriété foncière. Les paysans pauvres sont contraints de quitter la terre, mais ne trouvent pas de travail en ville car le labeur salarié est réservé aux esclaves : une plèbe de chômeurs se forme et la Cité entre dans une ère de décadence généralisée.

Origines et causes

L'exode rural n'est pas un simple transfert d'une population rurale à un espace urbain avoisinant. Ses migrations revêtent différentes formes et concernent de très nombreuses destinations :

  • les migrations durables privilégient les plus grands centres urbains, créant une certaine métropolisation ;
  • les migrations saisonnières ou temporaires de salariés sont très courantes dans certaines professions, tels les maçons, charpentiers, ramoneurs. Une partie de cette population pouvant revenir sur son lieu d'origine, après avoir constitué un pécule. (voir à cet égard l'exemple significatif du département de la Creuse) ;
  • l'émigration vers les colonies de peuplements ou les migrations intra-européennes atteignent leur apogée durant la période 1860-1930.

La population mondiale est, jusqu'au XIXe siècle, majoritairement rurale. En Europe, le mouvement d'urbanisation se développe dès le Moyen Âge.

En France en 1700, 85 % de la population totale est rurale, 77 % correspond à des ménages agricoles.

France : Évolution de la population totale et de la population rurale de 1700 à nos jours (en millions d'habitants)[5]

Année Population totale Population rurale Population des ménages agricoles
1700 19 16,1 14,6
1789 27 20,9 18,2
1801 29,3 28,2 18,2
1846 35,4 26,8 20,1
1861 37,4 26,6 19,9
1872 36,1 24,9 18,5
1911 39,6 22,1 13,8
1936 41,9 19,9 10,6
1946 40,5 19,0 10,2
1962 46,5 17,8 8,1
1968 49,8 17,2 7,3
1975 52,9 - 4,7

L'exode rural résulte de la mise en place de facteurs de rejet et de facteurs d'attraction[6].

Facteurs de rejet hors des campagnes

Pression démographique excessive

C'est l'une des causes déterminantes de l'exode rural, plus ou moins renforcée par les facteurs socio-économiques :

  • faiblesse de la qualité des terres disponibles : par exemple en zone sub-désertique ;
  • faiblesse de la disponibilité des terres : pour des motifs physiques, d'accessibilité ou d'enclavement géographique ou pour des motifs juridiques (regroupement ou accaparement des terres par les grands domaines ou propriétés intégrées à de grands groupes agro-alimentaires) ;
  • attachement du groupe social à la terre : il retarde la désaffection des populations de travaux agricoles présentant une rentabilité faible.

Disparité entre campagne et ville

Le décalage entre les deux mondes lorsqu'il est très défavorable, constitue un paramètre de départ important :

  • Les conditions objectives mesurant le confort, l'équipement de base, la qualité de vie et le niveau de vie sont perçus comme des facteurs moteurs de rejet.
  • Ces tendances sont cependant contrebalancées par d'autres facteurs qui réduisent l'écart (réel ou psychologique) campagne-ville : faible coût relatif des denrées de subsistance, de l'énergie, du minimum nécessaire à la survie.

Sous-emploi rural chronique

  • Le surplus naturel de population entraîne un excès de la main-d'œuvre disponible qui ne peut être absorbé par l'organisation traditionnelle des métiers et travaux.
  • Tout effort de modernisation entrepris aggrave cette pression par la suppression des emplois salariés agricoles.

Guerre, expropriation, famine

La violence est un facteur non négligeable d’émigration, souvent décisif. Exemples : mouvement des enclosures en Grande-Bretagne, collectivisation en Union soviétique.

Facteurs d'attraction vers les villes

Ils reposent souvent davantage sur des perceptions que sur des réalités. Mais leur effet ne s'en fait pas moins fortement ressentir :

La ville, promesse de prospérité

  • La ville offre de nombreux emplois rémunérés et des salaires plus élevés. La révolution industrielle nécessite, pour se mettre en place, le regroupement en un seul lieu, l’usine, de la force de travail. Jusque-là, l’industrie « rurale » est associée à la manufacture, qui a volontiers recours au « travail à façon » dans le secteur textile ou horloger (l'établissage, par exemple). L’industrialisation nécessite des capitaux et des infrastructures de plus en plus importants uniquement possibles au sein d'agglomérations, l’emploi industriel rural décline rapidement au XIXe siècle. Cette tendance se révèle être moins consistante depuis les années 1980 pour les emplois administratifs ou ouvriers et affecte même le secteur du travail informel.
  • La ville répond mieux aux aspirations sociales et culturelles (notamment aux yeux des jeunes générations) : environnement social plus ouvert, plus libre, moins contraignant que dans le cadre rural traditionnel, accès plus facile à l'éducation et, partant, à l'« ascension sociale ».

Si une partie du clergé s’oppose à l’exode rural en considérant que le mode de vie chrétien est mieux préservé dans les régions agricoles traditionnelles, certains, comme Louis-Nazaire Bégin, fondent plusieurs journaux pour contrer cette tendance.

La ville accueil pour le refuge forcé

Les populations soumises à l'insécurité ou à la guérilla pensent trouver meilleur accueil dans les agglomérations où vivent déjà certaines de leurs connaissances (regroupement familial ou constitution de quartiers communautaires).

Conséquences de l'exode rural

  1. Sur les zones de départ, Le déficit de population n'est réduit, que pour partie seulement, par le mécanisme de compensation démographique. Le départ des jeunes, dont les enfants des chefs d'exploitations agricoles, vers les villes a pour effet de diminuer la population active agricole alors que le nombre de retraités agricoles reste relativement élevé. Il en résulte un déséquilibre démographique important entre actifs et retraités et donc un déficit très important des régimes de protection sociale agricole, les cotisations sociales ne pouvant équilibrer les prestations sociales.
  2. Sur les zones d'arrivée, les conséquences les plus marquées sont vivement et immédiatement ressenties :
En ville, l'afflux de population alimente les crises du logement, et l'instauration de faubourgs ou de bidonvilles. (Voir pour le cas de la France : bidonvilles en France dans les années 1960). Les nouveaux arrivants peuplent les périphéries des villes existantes ou donnent lieu à la création ou développement de villes comme Le Creusot ou de gigantesques conurbations comme le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais ou de Lorraine.
L'afflux de population plus ou moins bien intégrée dans les agglomérations alimente les préjugés et opinions de peur vis-à-vis :
  • d'ouvriers considérés comme concurrents : « Début avril 1848, on crie à Paris sur les boulevards : À bas les Savoyards, qui sont alors pour la plupart des sujets piémontais. À Lille et à Rouen, des fileuses irlandaises sont molestées. On note des manifestations hostiles aux Belges dans le Nord de la France ou de Piémontais à la Grand'Combe. La main-d'œuvre étrangère est dans de nombreux centres recherchée par les patrons pour son prix moins élevé »[7].
  • de ceux qu'on désigne comme constituant des classes dangereuses à la fois du fait de leur origine différente et aussi assez rapidement du fait de leurs protestations contre les conditions matérielles qui leur sont faites (Niveau de salaire, durée du travail, travail des enfants, logement…). Les incompréhensions mutuelles - renforcées par les difficultés d'intégration résultant de l'afflux massif et désordonné de ces populations -, sont attisées par les crises conjoncturelles et contribuent à déséquilibrer les cadres de référence traditionnels et à poser à partir du XIXe siècle ce que l'on a appelé la Question sociale.
Autre conséquence non moins réelle, le statut des femmes et du travail des femmes est significativement modifié : « Ce serait une erreur de croire que c'est la révolution industrielle qui a donné naissance au travail des femmes, celui-ci a toujours existé dans la civilisation traditionnelle. (…) Au stade de l'économie naturelle, la femme - fille ou épouse - travaille à la maison, dans le cadre de l'exploitation familiale, agricole, artisanale ou commerciale, ou bien contribue par un travail domestique de fileuse ou de tisseuse ». Par contre et consécutivement à l'exode rural, « Avec le travail en usine, (ou en ville) la femme est contrainte de travailler hors foyer. C'est dans ce passage d'une activité intérieure à un cadre familial vers une activité extérieure que réside la nouveauté du XIXe siècle »[8].
D'une manière plus globale, le phénomène de l'immigration alimenté par un exode rural pour des raisons économiques de populations hors des campagnes étrangères ne doit pas être oublié tant il rejoint de nombreuses préoccupations chez nos contemporains.

En France

Entre 1850 et 1860, la population rurale française atteint son maximum (en valeur absolue) avec 26,8 millions de ruraux[9]. Les effectifs de la population rurale commencent alors à décroître. Toutefois, l'exode rural ne touche que tardivement la France par rapport aux autres pays d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord[10]. Ainsi, la France compte 43,8 % de personnes vivant de la terre au recensement de 1906, et 31 % à celui de 1954[10]. La population urbaine a dépassé les 50 % en 1931[11].

Le caractère réel, à l'échelle macrosociale, du dépeuplement des campagnes, qui conduit Henri Mendras à parler de « fin des paysans » en 1967, recouvre en fait des décalages importants entre les régions et encore plus entre communes rurales, suivant leur richesse et les rapports sociaux de production existants. C'est ainsi qu'au niveau microsocial, dans les Alpes du Sud, la commune montagnarde d'Entraunes a atteint son maximum démographique dès 1776, les départs et les décès l'emportant alors définitivement sur les naissances et les arrivées[réf. nécessaire].

Jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, l'exode rural touche ainsi principalement les terroirs d'exploitation difficile, particulièrement dans le Sud de la France ou les régions montagneuses, menant à une déprise agricole (par exemple, en Ardèche, cf. infra). La baisse de population peut y entraîner la disparition progressive des services et de l’artisanat et a pu aller jusqu'à la disparition de certaines communes rurales, faute d'habitants.

Il y a donc exode rural lorsque le flux d'émigration augmente au point qu'ajouté à celui des décès, il l'emporte sur le total des naissances et des arrivées. Aux jeunes garçons et filles obligés de partir, s'ajoutent alors de plus en plus d'actifs adultes : ouvriers agricoles, journaliers et petits paysans. Les artisans de village, très nombreux au XIXe siècle, disparaissent également, victimes de l’industrialisation et de la baisse de la clientèle. La diminution de la population rurale résulte donc, pour l'essentiel, des gains de productivité induisant la concentration des exploitations dont le nombre diminue en même temps que progresse leur superficie moyenne. Les investissements réalisés augmentent la productivité agricole et diminuent d’autant les besoins de main-d’œuvre.

La crise agricole très grave (céréales, phylloxera) des années 1880 a accéléré le processus. La Première Guerre mondiale, qui a fait 500 000 à 700 000 morts au sein de la population agricole française[12], a également joué un rôle prépondérant dans l’exode rural en confrontant les jeunes ruraux à des citadins. Les droits progressivement obtenus par les ouvriers (semaine de 40 heures, congés payés lors du Front populaire) ont également été vécus comme des injustices fortes par la population rurale[réf. nécessaire], qui en était exclue.

L’exode des jeunes et des femmes conduit également au vieillissement de la population et aux problèmes de célibat, ce qui fait baisser le taux de natalité.

Exemples d’exode rural

Le cas du Massif central est assez éloquent, la population ayant décru tôt et durablement. Le village de Saint-Germain-l'Herm voit sa population divisée par cinq entre 1850 et 1999 en passant de 2 447 habitants en 1846 à 515 en 1999, soit une baisse quasiment continue depuis 150 ans.

L'Ardèche atteint un pic de population sous le Second Empire, comptant 388 500 habitants selon le recensement de 1861[10] ; « comme dans beaucoup d'autres régions où prévalait un système analogue, le déclin des industries en milieu rural entraîna celui de l'agriculture, et réciproquement. En un siècle, l'Ardèche perdit ainsi plus de cent quarante mille habitants, par émigration ou par dénatalité, soit plus du tiers des Ardéchois du XIXe siècle, pour ne plus compter que 245 600 personnes au recensement de 1962 » (A. Frémont, 1997[10]).

Les recensements de population montrent que la plupart des communes du département de la Creuse, qui sont très majoritairement des petites communes rurales, ont connu un dépeuplement d'environ 80 % entre 1900 et 2000. Le département a été, comme le reste de la France, victime de la Première Guerre mondiale, mais c'est surtout le massif exode rural (avec un pic entre 1945 et 1975) qui l'a vidé de sa population, pour en faire aujourd'hui l'un des départements les moins peuplés de France.

Après 1945

En France, le dernier mouvement d’exode rural a commencé après 1945. Ce dernier courant a contribué à l’exode rural des régions de l’Ouest (Vendée, Anjou et Bretagne), qui avaient réussi à garder plus longtemps leurs populations, par l’effet conjugué de structures familiales très encadrées par l’Église et d’une agriculture vivrière très autarcique.

D’après l’Insee, l’exode rural a grandement arrête en France en 1975 après le remembrement de 1965. Le solde migratoire entre campagne et ville s’est stabilisé, voire inversé aux alentours des grandes régions urbanisées depuis le début des années 1990 On parle maintenant de rurbanisation : des citadins s’installent à la campagne mais gardent un mode de vie urbain et un travail en ville. Ce phénomène produit un « mitage » du paysage par un bâti parsemé ou au mieux réparti en lotissements.

Dans le tiers monde

Après avoir concerné essentiellement l'Occident, l’exode rural s’est étendu au XXe siècle aux pays du tiers monde.

Œuvres sur ce thème

Notes et références

  1. La documentation fait ainsi état de carriers et même d'un policier chargé de garder les récoltes du village qui ont déserté leur poste.
  1. Éric Alary, L'Histoire des paysans français, Perrin, , p. 87.
  2. Emmanuel Melmoux, David Mitzinmacker, Lexique d'histoire géographie, Paris, Nathan, , 239 p. (ISBN 9-782091-845364), p. 118
  3. GEO no 396 de février 2012 p. 44-45.
  4. Henri Denis, Histoire de la pensée économique, Thémis Paris 1966.
  5. Insee (Économie et Statistiques no 91) cité par Jean Fourastié, in « La Réalité économique », Edit Robert Laffont, Paris 1978.
  6. Le Tiers Monde en fiches, par Jean-Michel Henriet, 2e édition, 1999, Éditions Bréal.
  7. Georges Lefranc, Histoire du Travail et des travailleurs, Flammarion Paris, 1957.
  8. Histoire Générale du Travail, sous la direction de Louis-Henri Parias, tome III, Nouvelle Librairie de France, Paris 1962.
  9. « L'évolution de la population agricole du XVIIIe siècle à nos jours », Économie et statistique, no 91,‎ , p. 79-84 (lire en ligne)
  10. a b c et d Armand Frémont, « La terre », in Les Lieux de mémoire, tome III (dir. Pierre Nora), Quarto Gallimard, 1997, p. 3047-3080 (en part. p.3050-3051).
  11. Jean Molinier, « L'évolution de la population agricole du XVIIIe siècle à nos jours », Économie et Statistique, vol. 91,‎ , p. 80.
  12. « #11Novembre : les paysans au front et au ravitaillement », sur agriculture.gouv.fr, (consulté le )

Voir aussi

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Articles connexes

Liens externes

Sources

  • Histoire de la France rurale, tomes 3 (1789-1914) et 4 (1914-1974), sous la direction de Georges Duby et A. Wallon, Seuil, 1981.