Décentralisation industrielle

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La décentralisation industrielle est une politique menée en France à partir des années 1960, qui consiste à délocaliser certaines activités industrielles des régions et villes les plus industrialisées vers les régions et villes les moins industrialisées, dans un but d'aménagement du territoire. Avec la politique des métropoles d'équilibre la décentralisation industrielle constitue l'un des deux leviers pour rééquilibrer le territoire et l'armature urbaine aux dépens de Paris.
C'est la voie administrative - l'agrément-redevance - qui a été utilisée pour limiter l'implantation de nouveaux établissements en région parisienne et pour inciter, d'autre part, les entreprises parisiennes à transférer en province leurs unités de production. La procédure dite d'agrément a été mise en place en 1955[1]. Elle visait à soumettre à autorisation préalable la construction et l'occupation de locaux à usage professionnel et singulièrement de bureaux en région parisienne. Elle concernait aussi bien les services de l'État que le privé. Son objectif était de faire respecter les orientations de la politique d'aménagement du territoire, ainsi que de maintenir un équilibre entre les constructions de logement et de bureaux en Ile-de-France.
Cette politique a permis le déplacement de certaines activités de l'Île-de-France principalement vers la Picardie, le Nord et l'Ouest de la France[2]. Certaines activités industrielles ont également été créée ex nihilo, avec le soutien de l'État, dans l'ouest et le sud-ouest du pays.

Les différentes phases de la décentralisation

Les collectivités territoriales ont été peu à peu créées sur le territoire français. Cette création s’est faite en trois phases : tout d’abord la première qui va de 1789 à 1982, ensuite la seconde phase de 1982 à 2003, et enfin la troisième phase qui débute en 2003.

1789-1982 : Première phase de décentralisation

La commune est pourvue de la personnalité civile et elle opère par un organe délibérant qui comprend un conseil municipal et un organe exécutif grâce à la loi de du 18 juillet 1837.

Alors le maire à un dédoublement fonctionnel. En effet, le maire joue un rôle tant dans la commune de circonscription administrative, que dans la commune personne morale. La loi du 5 avril 1884 admettre le principe de l’élection des maires par le conseil des municipale et la présentation de la clause général des compétences.

Le département sera reconnu comme personne civile par la loi du 10 mai 1838 et sera doté d’un conseil général et d’un organe exécutif (le préfet). Une loi de 1871 viendra résoudre la structuration et le fonctionnement des conseils généraux. Le préfet possède aussi le dédoublement fonctionnel car il est exécutif du département doté de la personnalité morale, mais aussi garant du pouvoir central en ce qui concerne la circonscription administrative départementale.

La légitimation constitutionnelle des collectivités territoriales sera opérée par la constitution du 27 octobre 1946 dont le titre est « Des collectivités territoriale », contient deux articles :

« Article 85 : la République française, une et indivisible, reconnaît l’existence des collectivités territoriales. Ces collectivités sont les communes et départements, les territoires d’outre-mer.

Article 87 : les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus au suffrage universel. L’exécution des décisions de ces conseils est assurée par le maire ou leur président. »

A la fin de la seconde guerre mondiale, certains aménagements du territoire français entrepris par le passé s’avèrent détruits. Les gouvernements qui se succèdent ensuite organisent de nouveau cet espace de façon à le moderniser cette fois. Après avoir rétablis les axes de communication essentiels que sont les routes, les ponts ou les gares, l’instigateur et premier président élu de la Ve République Charles De Gaulle fonde la DATAR en 1963.

Pendant plusieurs décennies, la Direction interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale entreprend des travaux sur l’ensemble du territoire dans le cadre d’un vaste plan d’aménagement. Ses actions étant indispensables selon celui qui a été le directeur de cette administration française de 1968 à 1975, Jérôme Monod. Effectivement, il publie en 1971 un « scénario de l’inacceptable » dans lequel il imagine avec d’autres experts le pays en l’an 2000 si aucun changement n’est effectué. La France rassemblerait alors de rares zones dans lesquelles la concentration serait forte, à l’espace très polarisé, tandis que la majorité du territoire connaîtrait un retard de développement et serait par conséquent beaucoup moins peuplé.

Dès les années 1950, une déconcentration industrielle est envisagée afin d’extraire les industries de leur regroupement parisien. Cependant, ce n’est qu’en 1963 que huit villes sont sélectionnées dans le but d’alléger le poids trop imposant de la capitale, d’où leur statut de métropoles d’équilibre, puis quatre autres sont choisies en 1970 pour parfaire le maillage français grâce à davantage de polarités urbaines.

Dans le cadre de cette politique d’aménagement du territoire, une décentralisation industrielle est également menée dans les années 1960-1970. L’objectif de cette dernière étant d’assurer le développement de nouvelles zones de polarisation en concentrant dans d’autres villes, la société industrielle jusqu’ici essentiellement localisée en région parisienne. Le prix des terrains y est moins élevé, ce qui favorise l’extension des entreprises, sans oublier qu’elles disposent d’indemnités qui leur sont versées en cas de délocalisation, preuves des mécanismes incitatifs engagés par le gouvernement de 1964 à 1981.

Des activités jugées stratégiques ont aussi été déplacées dans des villes dites plus sûres, comme l’illustre le déplacement du service de télécommunications des armées à Rennes ou encore de l’école nationale supérieure de l’aéronautique à Toulouse. Dans les années 1960, de nombreuses activités industrielles ont ainsi été transférées vers l’Ouest du pays, telles que le secteur automobile et celui de l’électro-ménager.

Une troisième collectivité territoriale naîtra plus tard : les régions. Une loi du 5 juillet 1972 fut votée par le premier ministre Jacques Chaban-Delmas qui élèvera la région en un établissement public régional plutôt qu’en simple collectivité territoriale.

L’article premier de la loi prendra cette forme «  il est créé dans chaque circonscription d’action régionale, qui prend le nom de région, un établissement public qui reçoit la même dénomination ». Cet établissement public va se voir reconnaître des compétences spécialisées comme l’aménagement du territoire, développement économique et sera pourvu d’une d’un organe délibérant dont les membres sont désignés au suffrage universel indirect et aussi d’un organe exécutif. Le préfet de région fera lui aussi l’objet d’un dédoublement fonctionnel.

Dans la perspective des élections présidentielles de 1981, le sujet de la décentralisation sera à nouveau au vif du sujet. Ce qui poussera le candidat François Mitterrand à répondre à quelques questions sur les « 110 propositions pour la France ». Notamment les propositions n° 54 « la décentralisation de l’État sera prioritaire. Les conseils régionaux seront élus au suffrage universel et l’exécutif assuré par le président et le bureau. La Corse recevra un statut particulier. Un département du pays basque sera créé. La fonction d’autorité des préfets sur l’administration des collectivités locales sera supprimée. L’exécutif du département sera confié au président et au bureau du conseil général. La réforme des finances locales sera aussitôt entreprise. La tutelle de l’État sur les décisions des collectivités locales sera supprimée » ;  et n° 57 « les communes, départements, régions bénéficient pour assumer leurs responsabilités d’une réelle répartition des ressources publiques entre l’État et les collectivités locales. Celles-ci auront notamment la responsabilité des décisions en matière de cadre de vie : développement prioritaire des transports en commun, services sociaux, espaces verts ».

Après l’élection de François Mitterrand le 10 mai 1981, Pierre Mauroy est nommé premier ministre et Gaston Defferre fut nommé ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de la décentralisation. Gaston Defferre a pour mission de mettre en place des mesures de décentralisation.

1982-2003 : Deuxième phase de la décentralisation - Acte I de la décentralisation

L’acte 1 de la décentralisation industrielle en France a commencé en 1982 avec les « lois Defferre ». La première loi est celle du 2 mars 1982, elle concerne tout d’abord les droits et libertés des communes, des départements et des régions. La création des régions est adoptée et elles deviennent une collectivité locale au même titre que les départements ou les communes.

Le déplacement des entreprises est moteur de développement qu’il soit économique ou social, c’est pourquoi à l’heure de la régionalisation les responsables régionaux soutiennent les actions faites par les industriels. Les chefs d’entreprise représentent à leurs yeux une aide, notamment au niveau de l’emploi qui est pour eux une des préoccupations premières. La société industrielle étant la plus dynamique, elle tend à devenir le modèle des autres en influençant leur déploiement.

La loi du 2 mars 1982, alinéa 2 de son 1er article, présente un large programme législatif : « des lois détermineront la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, ainsi que la répartition des ressources publiques résultant des nouvelles règles de la fiscalité locale et des transferts de crédits de l’État aux collectivités territoriales, l’organisation des régions, les garanties statutaires accordées au personnel des collectivités territoriales, le mode d’élection et le statut des élus, ainsi que les modalités de la coopération entre communes, départements et régions, et le développement de la participation des citoyens à la vie locale »

Les lois des 7 janvier 1983 et du 22 juillet 1983 vont partager des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat. Les communes seront à la charge des constructions, de l’aménagement et de l’entretien des écoles primaires, la délivrance des permis de conduire. Les départements s’occuperont de la construction, l’aménagement des collèges, des bibliothèques, des archives, des transports scolaires. Quant aux régions elles devront s’occuper de la construction, de l’aménagement et entretien des lycées, l’apprentissage et de la formation professionnelle.

La loi du 26 janvier 1984 met en place le statut de la fonction publique territoriale qui remplace pour les agents locaux le système de la carrière au système de l’emploi. La loi du 1 juillet 1985 prévoit l’élection des conseillers régionaux à la représentation proportionnelle dans le cadre départemental et la première élection au suffrage direct des conseillers régionaux des régions métropolitaines s’est déroulée au mois de mars 1986.

Une loi du 5 janvier 1988 « d’amélioration de la décentralisation » clarifie la participation économique des collectivités locales. La loi du 6 février 1992 qui concerne l’administration territoriale de la République améliore l’information des citoyens, ce qui renforce les droits des élus et relance la coopération intercommunale, en créant des communautés de communes et des communautés de villes.

Une loi du 25 juin 1999 pour l’aménagement et le développement durable du territoire va créer des contrats de villes qui peuvent être conclus dans le cadre des agglomérations ou des pays.

Les élections présidentielles de mai 2002 opposent le Président de la République Jacques Chirac, son premier ministre Lionel Jospin ainsi que Jean-Marie Le Pen. Jacques Chirac étant réélu, il nommera comme premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui était sénateur et président du conseil régional de Poitou-Charentes et avait été membre de la commission Mauroy. Il met le développement de la décentralisation au cœur de son programme.

Après 2003 : troisième phase de la décentralisation - Acte II de la décentralisation

Certains textes ont marqué, depuis 2003, un tournant qualifié d’acte II de la décentralisation. La loi constitutionnelle du 28 mars modifie par exemple le premier article de la Constitution qui dispose maintenant que « l'organisation de la République est décentralisée » et que les collectivités ont désormais le droit d’organiser des référendums décisionnels. L'article 72 de la Constitution, ayant connu des modifications la même année, explique que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon. » Enfin, la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004 dresse une liste des compétences transférées à ces nouvelles collectivités locales.

Les difficultés liées à la décentralisation industrielle [3]

Si, au début du développement de l’industrie dans la seconde moitié du XVIIIème siècle, cette dernière se concentrait surtout dans les campagnes en raison des règlements dans les villes qui gênaient le développement industriel, la suppression de l’Ancien Régime et les progrès techniques vont en modifier la localisation. L’industrie va alors se regrouper là où elle dispose d’un meilleur approvisionnement en matières premières et en énergie, d’une main d’œuvre disponible, de capitaux et d’un vaste marché de consommation. Les villes, et notamment Paris et celles de la région parisienne, sont alors privilégiées puisque, en plus de présenter tous ces avantages, elles constituent de véritables carrefours de communication.

Cependant, le développement industriel de la région parisienne et la concentration des activités à Paris entraînent un important déséquilibre du point de vue démographique, économique et social. La politique de décentralisation industrielle devient la solution à ce problème, mais en soulève de nombreux autres.

Les problèmes accompagnant la décentralisation de l'entreprise

Les premiers problèmes sont ainsi ceux liés au transfert de l’entreprise. Implanter une entreprise en province, hors de la région parisienne peut engendrer des réactions psychologiques négatives, aussi bien de la part du chef d’entreprise que de ses collaborateurs et leur famille. Il s’agit d’un véritable changement d’habitudes, de la découverte de l'inconnu. De nombreuses incertitudes se font ressentir notamment à propos des futurs rapports avec les fournisseurs, avec la clientèle, des conditions de fixation du prix de revient, … Transférer une entreprise aboutit dans un premier temps à un arrêt ou une diminution de l’activité et donc à une perte de temps et d’argent à laquelle il faudra pallier, mais qui peut déstabiliser l’industriel.

La seconde difficulté relève de l’achat de terrains pour s’implanter en province. Bien que les prix soient moins élevés que dans la région parisienne, il peut arriver que les entreprises conservent leurs anciens terrains, soit parce qu’ils n’ont pas pu être vendus, soit pour garder leurs contacts et leur implantation traditionnelle. De plus, si l’on assiste à de multiples achats de terrains dans une région, une spéculation à la hausse sera visible et se ressentira sur les prix. Pour les industriels, la difficulté quant à l’achat de nouveaux terrains n’est pas uniquement pécuniaire, il s’agit également de rassembler plusieurs critères : le sous-sol et le sol doivent être assez résistants pour accueillir les installations, la superficie doit correspondre aux besoins de l’usine et être suffisante pour accueillir des agrandissements éventuels, le terrain doit être à proximité des réseaux de communication tels que les routes, voies ferrées et parfois voies d’eau, mais relativement à l’écart des habitants pour ne pas causer de troubles.

La troisième difficulté est celle liée aux constructions : une fois les terrains acquis, l’entreprise devra faire édifier des constructions industrielles au moindre coût en ayant recours à des matériaux et une main d’œuvre locale. Si les constructions industrielles sont déjà présentes, il s’agit quand même de les aménager et les remettre en état.

Enfin, le dernier problème lié au transfert d’une industrie est celui relatif à la main-d’œuvre. Si l’entreprise emploie uniquement une main d’œuvre locale, cette dernière est déjà logée et n’est pas source de difficultés. Or, si elle fait appel à une main d’œuvre de la région parisienne ou d’une autre région, il devient nécessaire d’assurer un logement. En revanche, si le transfert de main d’œuvre se limite à quelques cadres ou ingénieurs, ces derniers peuvent se loger avec leurs propres moyens. Mais, s’il faut loger tout le personnel, plusieurs mesures doivent être envisagées : locations dans la commune ou les communes voisines mais aussi achat ou construction de maisons pour loger le personnel. Avant chaque décentralisation, il est nécessaire de penser aux aménagements d’habitations pour la main d’œuvre, qui ne doivent pas être de simples dortoirs mais des lieux de détente offrant des conditions d’existence confortables aux familles. D’autre part, la main d’œuvre peut poser d’autres questions et notamment en termes de transfert : attirer le personnel vers la nouvelle usine peut s’avérer être une tâche difficile. La main d’œuvre parisienne peut émettre des réticences quant à suivre l’entreprise décentralisée puisqu’il s’agit pour elle de quitter ses relations, ses habitudes pour aller vivre en dehors de la ville. Il peut y avoir une véritable crainte du dépaysement, de l’ennui et de l’éloignement à toutes les commodités offertes par la ville. Cependant, recruter sur place peut être aussi difficile pour les industries puisque la main d’œuvre est peu nombreuse et ne dispose pas d’un niveau de qualification élevé. Il est alors nécessaire de les former pour qu’elle puisse s’adapter, mais, les rendements demeurent inférieurs à ceux de la région parisienne.

Les problèmes quant au fonctionnement de l'entreprise décentralisée

La seconde grande catégorie de problèmes est liée au fonctionnement de l’entreprise décentralisée. En s’intéressant d’abord aux niveaux de salaires, ces derniers ont toujours été plus important à Paris que dans le reste de la France. Certaines industries ont alors considéré que cet avantage compensait les rendements moindres ou l’éloignement des grands centres de consommation. Mais la différence de salaire a diminué progressivement et est alors moins visible.

D’autre part, les charges sociales qui étaient également moins élevées en province sont devenues les mêmes qu’en région parisienne. Il faut également prendre en compte le coût des équipes d’entretien : si dans une grande agglomération l’industrie pouvait s’en passer, elles deviennent nécessaires dans les industries décentralisées dans de petites villes. L’équipe doit être polyvalente pour pouvoir réparer les bâtiments, les machines et le petit outillage.

Dans un second temps, les autres dépenses de fonctionnement concernent les frais d’approvisionnement et de distribution. Se ravitailler en matières premières peut être difficile et plus cher si l’éloignement avec celles-ci est grand. Les frais de transport sont alors plus importants notamment par exemple pour s’approvisionner en fonte ou acier de Lorraine, en charbon produit dans les mines du Nord... Les fabricants d’équipements et de pièces détachées sont eux aussi principalement regroupés autour de Paris.  De plus, l’éloignement avec la région parisienne peut perturber les processus de fabrication et occasionner des frais supplémentaires : déplacements fréquents pour rencontrer les fournisseurs et visites fréquentes à la capitale pour obtenir des crédits, réaliser des commandes importantes ou se documenter sur les accords commerciaux et les procédures. Enfin, se pose le problème de l’acheminement des produits finis qui entraîne des coûts de distribution supplémentaires selon la localisation de la nouvelle usine. Si cette dernière commerce principalement avec la région parisienne, les frais d’emballage, de manutention et de transport ne seront pas négligeables. En revanche, si l’usine échange sur tout le territoire, il peut être nécessaire d’avoir des entrepôts près des grandes régions de consommation et ainsi d’engager des dépenses supplémentaires.

Ainsi, mettre en place une décentralisation industrielle n’est pas chose aisée pour les usines qui sont confrontées à diverses difficultés auxquelles il leur faut penser pour assurer leur pérennité

Les conséquences engendrées par la décentralisation industrielle

La politique de décentralisation industrielle, menée ces dernières années, n’a pas eu pour seule conséquence le déplacement de certaines industries en province mais a fortement impacté divers autres domaines notamment démographique, économique, social, technologique ou encore communicationnel.

Conséquence démographique

Dépeuplement urbain

D’une part, étant donné le déplacement d’industries au dehors de la capitale, de la main d’œuvre parisienne a dû elle aussi s’installer en province pour répondre au besoin des entreprises industrielles implantées. Ainsi, la décentralisation a engendré un déplacement de la population urbaine à travers la France, dégorgeant de ce fait les villes massivement peuplées. Ce ralentissement de l’accroissement de la population urbaine pourrait se chiffrer approximativement à 400 0000 à 600 0000 individus, ce qui aurait permis de freiner l’augmentation de la population parisienne d’un tiers. [4]

Par conséquent, les villes dépeuplées et possédant majoritairement des individus âgés se sont vu accueillir une nouvelle population, jeune et active, grâce au dépeuplement urbain, augmentant alors la population des villes dépeuplées. Ainsi, la décentralisation industrielle a permis de rééquilibrer d’un point de vue démographique la province française, résultant d’une immigration venant notamment de la capitale, ce qui a enclenché un effet boule de neige pour l’attractivité économique de ces villes. En effet, les nouvelles industries implantées attirent une main œuvre qualifiée des villes urbaines, qui attire ensuite de nouvelles industries à venir s’y installer, participant considérablement au développement industrielle et économique de villes en dehors de Paris. Mais le repeuplement de certaines villes françaises n’est pas seulement dû à l’immigration venant de la capitale, il résulte également du déplacement de population de régions voisines, une population étant le plus souvent initialement agricole. (conf conséquence sociale).

Taux de natalité [5]

D’autre part, la décentralisation industrielle a affecté le taux de natalité en France. En effet, comme Pierre Coutin le souligne : « la natalité varie en fonction inverse de la proportion de la population urbaine », il existe une disparité sur le taux de natalité entre les villes urbaines et celles qui le sont moins, bien qu’ils existe une tendance régionale. Ainsi, la main d’œuvre urbaine déplacée dans les villes plus petites et dans les campagnes, a été influencé par le milieu plus rurale où le taux de natalité est bien plus important que dans les villes fortement urbaines qui connaissent elles une dénatalité. Du fait que les villes peu urbaines offrent plus d’espaces, les ménages qui y vivent possèdent le plus souvent des terres ou un jardin influençant fortement le nombre d’enfant dans le foyer. Le taux de natalité en France a donc augmenté pendant la période de décentralisation, en partie influencé par les déplacements de population à travers la France dans les zones moins peuplées.

Conséquence sociale[5]

La décentralisation industrielle a particulièrement eu des conséquences sociales. Notamment sur l’impact psychologique des ouvriers urbains s’installant dans les villes où les industries se sont décentralisées.  En effet, ces individus ont été confrontés au recommencement d'une nouvelle vie, plongés dans l’inconnu, et devant s’adapter à de nouveaux modes de vies éloignés des habitudes parisiennes. Mais la décentralisation a eu en particulier des répercussions sur l’agriculture.

Déplacement de la main d'oeuvre agricole vers l'industrie

A l’arrivé des industries décentralisées dans les autres villes et campagnes françaises, le besoin en main d’œuvre a été cruellement important pour soutenir le développement de l’activité dans les nouvelles régions non parisiennes. Bien que les entreprises industrielles aient fait appel à des ouvriers parisiens, ils restent insuffisants pour effectuer le travail industriel. Ainsi, pour compléter les effectifs manquants dans l’industrie, de la main d’œuvre agricole a été embauché. Il y a eu en conséquence un fort déplacement de la main d’œuvre agricole vers l’industrie, une main d’œuvre attirée par un salaire plus élevé, des journées moins longues, par un travail plus stable et moins pénible. Même si cela demandait aux entreprises industrielles de former ces ouvriers initialement agriculteurs, ils représentaient tout de même une main d’œuvre bon marché, moins coûteuse de la main d’œuvre parisienne, ce qui compensait les difficultés rencontrées lors d’une décentralisation d’une industrie. Ainsi, le déplacement d’agriculteurs vers le métier d’ouvrier n’a pas seulement concerné la population de la zone où l’établissement industriel s’est implanté mais toute les communes rurales voisines, ce qui a fait apparaître le statut d’« ouvrier-paysan ».  En effet, ces ouvriers d’usines vivant à la campagne car possédant généralement des terres, effectuaient une double journée en tant qu’agriculteur et d’ouvrier. Ce travail mixte permettait d’augmenter les ressources mais il arrivait rapidement un surmenage où la fatigue impactait le travail et l’investissement. C’est pourquoi ce double rôle n’a pas été viable sur le long terme, et l’industrie, prenant une place de plus en plus importante, a été le plus souvent privilégiée aux dépens de l’agriculture.

Par conséquent, la main d’œuvre agricole a considérablement diminué impactant en partie certaines cultures notamment celles des vignes ou de la betterave à sucre. Néanmoins, ce recul de la main d’œuvre agricole pour l’industrie n’a pas seulement eu des conséquences négatives, puisque le manque d’effectif a participé d’une certaine façon à l’amélioration technique dans le domaine agricole faisant appel à des machines de plus en plus perfectionnées demandant moins de contribution humaine.

La décentralisation industrielle a également modifié les habitudes, les goûts et les modes de vies de la population rural, moralement et matériellement.

Conséquence économique[5],[6],[7]

La décentralisation industrielle a fortement contribué au développement économique des régions Françaises, à la fois créatrice d’emploi et redistributrice de revenu.

Création d'emplois

En effet, plus de 450 000 emplois avait déjà été créés en 1971 en province grâce à la décentralisation industrielle, ainsi, 9/10 des emplois prévus ont été créés. L’industrie décentralisée employant le plus étant l’automobile, on retrouve Renault et Citroën parmi les 10 entreprises responsables de 24% des emplois crées par la décentralisation. Ainsi, le déplacement des industries hors région parisienne a permis de réduire le chômage en province en créant de nouveaux emplois.

Redistribution des revenues

De plus, l’industrie offrant un salaire plus élevé que l’agriculture par exemple, le pouvoir d’achat des ouvriers a augmenté, améliorant ainsi considérablement le niveau de vie des habitants des régions non parisiennes. Par ailleurs, opposer agriculture et industrie serait erroné puisqu’il existait finalement une relation d’interdépendance entre les deux activités. En effet, le salaire plus élevé des ouvriers était redistribué en partie aux paysans, puisque le prix de l’alimentation, comme celui de la volaille, s’est adapté à l’augmentation des revenus lié aux nouvelles industries implantées à travers la France. C’est pourquoi l’amélioration du niveau de vie ne s’est pas limitée aux ouvriers mais à toute la population où était situé les industries décentralisées.

Régions industrielles

Cette décentralisation industrielle a permis de remplir son objectif, et de créer de nouvelles métropoles régionales industrielles, en dehors de Paris. Ainsi, certaines villes et régions Françaises ont pu devenir plus attractive économiquement en s’appuyant en partie sur l’industrie, qui représente finalement un pôle de compétitivité. Cependant, Paris et sa région reste toute de même la plus développée et conserve sa première place dans le domaine industrielle, puisque bien qu’une décentralisation industrielle ait eu lieu, les entreprises parisiennes n’ont que très rarement fermées, Paris devenant le siège social des industries implantées hors région parisienne. Les régions provinciales n’ont pas non plus pu concurrencées la capitale en raison de décentralisation principalement d’entreprises de taille petites et moyennes, et dans de petites villes inférieures à 5 000 habitants.

Conséquence sur les axes communicationnels

L’éclatement des industries parisiennes à travers la France a accéléré la progression des axes de communication. En effet, le développement de l’activité industrielle hors région parisienne nécessitait obligatoirement une couverture sur le territoires des axes routiers et ferroviaires en plus des réseaux fluviaux pour acheminer facilement les marchandises entre les fournisseurs, clients et faciliter l’échange entre le siège social parisien et ses industries décentralisées.  

Notes

  1. Voir le rapport d'information du Sénat intitulé L'exception territoriale : un atout pour la France : lire le rapport
  2. Cédric Perrin, « PME et décentralisation industrielle dans le Nord », M-P. Chelini, J-F. Eck (dir.) PME et grandes entreprises en Europe du Nord-Ouest, Presses universitaires du septentrion, Lille, 2012.
  3. André BRIGNOLE et Jean TEISSEDRE, « La décentralisation industrielle et les Pouvoirs Publics », La Revue administrative,‎ 4e année, no. 23 (septembre octobre 1951), pp. 472-484 (13 pages)
  4. Pierre Georges, Nécessités et difficultés d'une décentralisation industrielle en France, Annales de géographie, , p. 31
  5. a b et c Isabelle Couzon, « De la décentralisation industrielle à l’aménagement du territoire rural : Pierre Coutin, 1942-1965 », En ligne Ruralia,‎ (lire en ligne)
  6. Tugault Yves, « La décentralisation industrielle et le Bassin parisien », En ligne,‎
  7. Bastié, J, La décentralisation industrielle en France de 1954 à 1971, Bulletin de l'Association de géographes français,