Morue de l'Atlantique

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Gadus morhua · Cabillaud, Morue commune, morue franche

La morue de l'Atlantique (Gadus morhua), aussi appelée morue franche, morue commune et cabillaud, est une espèce de poissons de la famille des gadidés vivant dans l'Atlantique Nord.

Depuis la découverte du Nouveau Monde, elle fait l'objet d'une importante pêche commerciale qui a contribué au développement économique de toute la partie nord-ouest de l'Atlantique.

Description

Une morue dans un aquarium de Norvège.
Morues sur un bateau de pêche aux Îles-de-la-Madeleine.

Les spécimens moyens pèsent de 2 à 3 kg et mesurent de 60 à 70 cm. La morue n'excède habituellement pas 30 kg, bien qu'on ait pris un spécimen pesant environ 96 kg et mesurant plus de 180 cm.

La morue a une grosse tête, entrant environ quatre fois dans sa longueur totale, et un museau conique arrondi, au bout duquel elle arbore habituellement sur la mâchoire inférieure un barbillon allongé filamenteux. Sa bouche est grande, la mâchoire supérieure débordante et les ouvertures branchiales, larges. Ses nageoires sont à rayons mous; elle possède trois nageoires dorsales et deux nageoires anales, placées derrière un ventre blanchâtre. Il s'agit d'un poisson généralement gris ou vert, mais il peut aussi bien être brun ou rougeâtre, selon l'habitat auquel sa couleur se marie. Les écailles sont petites et lisses. La ligne latérale de la morue est arquée sur ses deux cinquième antérieurs et ornée d'une bande pâle sur toute sa longueur. La nageoire caudale est légèrement concave, presque carrée.

Espèces voisines

Son plus proche parent est l'Ogac, dont la queue n'arbore pas de bande pâle près de la ligne latérale et dont les yeux, plus gros, sont aussi un peu plus espacés l'un de l'autre. L'aiglefin a une bande noire près de sa ligne latérale, la goberge n'a pas de taches, est plutôt bleuâtre, et a une nageoire caudale fourchue, tout comme la morue polaire, qui, de plus, a une mâchoire inférieure débordante. Une autre espèce voisine de la morue atlantique, Gadus macrocephalus, se retrouve dans les eaux du Pacifique.

Écologie et comportement

La morue est un poisson actif, prolifique et vorace qui a besoin d'une eau froide[1] et riche en oxygène[2],[3].

Cycle de vie et reproduction

Morue juvénile de la Mer du Nord.
Morue.

La morue de l'Atlantique femelle atteint la maturité sexuelle à environ six ans, bien que l'âge du premier frai varie entre cinq et huit ans, selon le stock. La taille, lors du premier frai, varie habituellement entre 45 et 60 cm de longueur. Les mâles atteignent généralement la maturité un peu plus tôt et ont une taille plus petite que les femelles.

La morue fraye dans un vaste secteur du plateau continental et dans des eaux dont la profondeur varie beaucoup. Celle des côtes du Labrador et du nord de Terre-Neuve fraye de mars à mai le long du versant extérieur du plateau continental, dans des eaux dont la profondeur varie de 200 m à 600 m et la température au fond de 2,5 °C a 4 °C. Sur les bancs de Terre-Neuve, la période de frai dure d'avril à juin. Sur la côte sud de Terre-Neuve, elle commence en mai. Sur les bancs de la Nouvelle-Écosse, la morue fraye en mars et en avril. À l'occasion, dans des régions limitées, le frai a lieu l'automne.

Les femelles d'environ 80 cm de longueur pondent quelque deux millions d'œufs, tandis que celles d'environ 130 cm en produisent plus de 11 millions. Les œufs sont ronds et ont un diamètre de 1 à 2 mm. Ils peuvent flotter dans des eaux dont le degré de salinité est d'environ 30 % (eaux côtières de surface). Ils remontent donc à la surface ou à proximité au moment de l'éclosion. Les œufs fertilisés qui flottent ainsi à la surface et les larves qui en résultent sont à la merci des courants et courent d'énormes risques face à leurs prédateurs. Le taux de mortalité est stupéfiant. Des millions d'œufs pondus par chaque femelle, seulement un par million en moyenne réussit à terminer le cycle et à devenir un poisson mature. La larve nouvellement éclose (d'une longueur d'environ 5 mm) se nourrit du sac vitellin attaché à son abdomen pendant une ou deux semaines, après quoi le vitellus est absorbé. La larve doit alors commencer à trouver ses propres proies. À environ 4 cm, la jeune morue descend au fond de l'océan ou à proximité pour s'y nourrir. Les baies de la côte est de Terre-Neuve servent d'aires de croissance pour les jeunes du grand stock de morue du nord habitant les côtes sud du Labrador et est de Terre-Neuve.

Au bout de 4 à 5 ans, elle mesure de 40 à 50 cm environ. À 8 ans, de 50 à 80 cm et, à 12 ans, de 60 à 90 cm[4]. Elle est munie d'une vessie natatoire pouvant se remplir de gaz, lui permettant d'obtenir différentes flottabilités. Elle tolère des températures allant d'un peu moins de 0 à environ 19 °C[5].

On peut déterminer l'âge de la morue en comptant les anneaux qui s'ajoutent chaque année aux otolithes, deux concrétions minérales blanc perle qui constituent le mécanisme d'équilibre dans le crâne de la morue. Le rythme de croissance de la morue franche varie selon les secteurs. Il peut aussi y avoir des différences dans le taux de croissance annuel du même secteur, selon l'importance des populations, la température de l'eau et la nourriture. De façon générale, la morue du Labrador et de la côte est de Terre-Neuve croît moins rapidement que celle du secteur sud des bancs. Elle croît également moins rapidement dans le golfe Saint-Laurent que sur les bancs de la Nouvelle-Écosse et sur le banc de Georges. La plus grande partie de la morue prise par les pêcheurs du Canada atlantique a de quatre à huit ans. Il est rare de prendre des morues de plus de 15 ans, bien que les registres indiquent la prise d'un spécimen de 27 ans, durant les années 1960, au Labrador.

Alimentation

Les alevins se nourrissent principalement de rotifères, d'amphipodes et d'autres petits crustacés vivant dans le plancton, tandis que les jeunes poissons consomment surtout des crevettes, des amphipodes, des euphausides et des larves de poissons, de mollusques et de crustacés. Quant à la morue adulte, elle affectionne principalement le capelan, le hareng, le lançon, les plies, le jeune flétan du Groenland, les crabes, les crevettes, les ophiures, les cténophores et toute une gamme d'autres poissons, mollusques et crustacés, mais elle consomme aussi le maquereau, l'alose, le gaspareau, le sébaste, les chaboisseaux, les tanches-tautogues, les limandes, le cardeau, la lompénie, de jeunes gros gadidés et parfois des oiseaux de mer. En fait, la morue mange presque n'importe quoi, y compris des pierres, afin de pouvoir digérer les anémones de mer, les hydroïdes et d'autres organismes parasites.

Prédateurs et parasites

Ver parasitaire (Anisakis simplex) dans le foie d'une morue pêchée au nord du plateau continental belge.

La morue est depuis longtemps pêchée par les humains. C'est, en outre, une proie naturelle des mammifères marins, tel le phoque, et de plus gros poissons, tels les requins, le flétan ou de plus grosses morues. Son régime alimentaire assez varié lui procure des vers parasites, des vers ronds (nématodes), appartenant à la famille des Anisakidae, dont on peut citer Porrocaecum decipiens[5]. Ces vers auront pour hôtes ultimes les mammifères marins, qui les reintroduiront dans la chaîne alimentaire via leurs excréments. On retrouve davantage de parasites chez les morues de certaines régions, plus près des côtes, généralement, et là où les populations de phoques sont concentrées. Ces vers se logent dans l'estomac, sur le foie et dans sa chair, spécialement près du système digestif. Les techniques de mirage à l'aide d'une lampe fluorescente permettent d'isoler ces parasites et d'éliminer les kystes indésirables.

La morue de l'Atlantique est aussi parasitée par le copépode Caligulus curtus.

Répartition et habitat

La Morue de l'Atlantique est un poisson démersal[6].
Répartition de la Morue de l'Atlantique.

On retrouve la morue des deux côtés de l'Atlantique Nord, à différentes profondeurs et distances des côtes, selon la période de l'année, dans des eaux froides, allant de 0 à 15 °C, se rapprochant des côtes en été et s'en éloignant en hiver. Bien que la morue fasse des migrations et qu'elle se déplace aux différents stades de sa vie, les stocks ne s'entremêlent pas à de grandes distances.

La Morue de l'Atlantique et l'Homme

Historique

La pêche de la morue à Terre-Neuve en 1858

On dit depuis toujours que la morue est la « monnaie de Terre-Neuve », et cela se comprend. Cette espèce avait, au début de la colonisation de la Nouvelle-Angleterre, une importance économique telle, qu'une morue en bois sculpté ornait la Massachusetts House of Representatives, à Boston, en l'honneur de la contribution de ce poisson au bien-être du Commonwealth.

La morue de l'Atlantique a joué un rôle important dès le début de la colonisation de l'Amérique du Nord. Les Portugais ont commencé à pêcher dans les eaux de Terre-Neuve en 1501, et les Basques français et espagnols, au début des années 1500. Les Anglais ont mis plus de temps que les Français, les Espagnols et les Portugais à exploiter les ressources du Nouveau Monde, mais une fois le retard rattrapé, la marine britannique en a tiré une expérience qui a contribué à assurer plus tard sa suprématie sur les mers du monde.

C'est notamment chez cette espèce que Garth Fletcher a étudié dans les années 1980 les protéines d'adaptation au froid qu'il considèrera aussi plus tard comme protéine d'intérêt pour la création de poissons transgéniques [7].

Pêche

Évolution des stocks de morue de l'Atlantique au large de la côte Est de Terre-Neuve.
Morue de l'Atlantique séchant au soleil en Norvège.

La morue a toujours occupé une place d'importance dans les marchés d'alimentation et la gastronomie de l'Atlantique Nord. La surpêche, ou la pêche intensive faite par différentes nations sur plusieurs décennies, est sans doute la cause principale de son déclin et de son statut d'espèce menacée. Exploitée depuis cinq siècles de l'Atlantique à la Baltique, de la mer de Barents à la mer du Nord, la morue a nourri des générations. Mais depuis les années 1970, les ressources s'épuisent et les captures dégringolent. Aujourd'hui, on n'attrape plus que des juvéniles, qui n'ont pas eu le temps de se reproduire. Les géantes de 100 kg ont disparu. La situation paraît même irréversible pour certains stocks : malgré l'adoption d'un moratoire en 1992, les populations de bancs canadiens de Terre-Neuve continuent de décliner. Preuve que les mesures de conservation doivent être prises avant que tout l'écosystème n'ait été affecté. Les changements climatiques, la pollution et la croissance des populations de prédateurs sont aussi d'autres pressions environnementales jouant un rôle sur la santé et la reproduction de l'espèce.

On a récemment montré que de jeunes morues franches exposées à de faibles doses de pétrole ( brut de mer du Nord) comprenant des alkylphénols et hydrocarbures aromatiques polycycliques dans l'eau présentaient d'importants changements dans la composition de leur protéines du plasma ; 137 protéines étaient exprimées différemment, selon le niveau d'exposition au pétrole brut et bon nombre des changements survenus apparaissaient après de faibles niveaux d'exposition. L'étude de ces protéines laisse penser que ce pétrole a des effets sur la fibrinolyse, le système immunitaire, la fertilité, la résorption osseuse, le métabolisme des acides gras et l'augmentation du stress oxydatif, avec aussi des troubles de la mobilité cellulaire et une augmentation du taux de protéines associées à l'apoptose. Un des apports de cette étude est que certaines protéines du plasma de cabillaud pourraient devenir des biomarqueurs reflétant les effets potentiels de pétrole brut et le fait qu'un poisson ait été exposé à du pétrole avant d'avoir été pêché[8].

En 2010, Greenpeace International a ajouté la morue de l'Atlantique à sa liste rouge des produits de la mer. Cette liste comprend des espèces menacées parce que leur méthode de pêche ou de production a des conséquences négatives sur l’espèce elle-même, sur d’autres espèces marines ou sur certaines populations ou bien qu’elle entraîne la détérioration d’un écosystème, qu’elle est mal gérée ou qu’elle est pêchée de façon illégale[9].

Élevage

Utilisations alimentaires

Morue aux betteraves et aux herbes.
Une boîte de conserve de foie de morue russe.

C'est un poisson à chair floconneuse, délicate et maigre. La morue est appréciée entière; sa tête contient aussi de goûteuses joues et langues. On consomme également sa vessie natatoire (aussi appelée «nove»), son estomac, son foie (et son huile) et ses œufs (aussi appelés «rave»). Si le poisson est entier, il est possible que sa chair contienne des vers (nématodes) qui sont inoffensifs une fois cuits. La morue est vendue fraîche, congelée, congelée panée, salée, fumée, salée séchée ou séchée. Elle est la vedette de plusieurs plats traditionnels et gastronomiques, comme la brandade, les acras, le pâté de foie, les galettes à la morue salée ou les œufs en taramosalata. Elle se mange aussi très bien pochée, en omelette, en gratin ou en soupe, la cuisson au four seyant bien pour les fins de cuisson.

La morue, avant d'être salée, fermente sous l'action de bactéries, tout en perdant de son eau, d'où l'odeur «faisandée» si caractéristique de la morue salée[réf. souhaitée].

Une portion de morue de 100 g, grillée, contient 105 calories. La chair est composée aux trois quarts d'eau, mais elle en perd continuellement. Elle est constituée à 22,8 % de protéines et à 0,9 % de lipides incluant un 0,055 % de cholestérol, un 0,2 % d'acides gras saturés, un 0,1 % de monoinsaturés et un 0,3 % de polyinsaturés, dont un 0,2 % sont des omégas-3. C'est donc un poisson maigre qui contient néanmoins de bons acides gras. Contenant 9 acides aminés essentiels, c'est une source complète de protéines. C'est aussi une excellente source de sélénium, d'iode et de vitamine B12 et une bonne source de phosphore, de magnésium et de vitamines D, B3 et B6.

L'huile extraite du foie de morue, particulièrement riche en omégas-3 essentiels, est réputée pour aider à la croissance et au développement intellectuel des enfants. Elle est aussi traditionnellement recommandée en cas d'ostéoporose ou de fracture. La vessie natatoire, cartilagineuse, est riche en gélatine.

Annexes

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Articles connexes

Bibliographie

Références taxinomiques

Notes et références

  1. Lurman GJ, Bock CH, Poertner HO (2009), Thermal acclimation to 4 or 10 degrees C imparts minimal benefit on swimming performance in Atlantic cod (Gadus morhua L.) ; J Comp Physiol B. 2009 Jul; 179(5):623-33. Epub 2009 Feb 15.
  2. Petersen LH, Gamperl AK. J (2010), Effect of acute and chronic hypoxia on the swimming performance, metabolic capacity and cardiac function of Atlantic cod (Gadus morhua).Exp Biol. 2010 Mar 1; 213(5):808-19 (résumé).
  3. Petersen LH, Gamperl AK (2010), In situ cardiac function in Atlantic cod (Gadus morhua): effects of acute and chronic hypoxia. J Exp Biol. 2010 Mar 1; 213(5):820-30.
  4. Fleming, 1960, Age growth and sexual maturityof cod in the Newfoundland area 1947-1950 J. Res. Bd. Canada, 17(6): 774-809; Martin 1956, Geographic and annual variations in Atlantic cod populations along the southern canadian mainland Contrib. Porrocaecum Conf., Québec, 8-9 octobre 1956
  5. a et b A. H. Leim et W. B. Scott, Poissons de la Côte Atlantique du Canada, Office des recherches sur les pêcheries du Canada, Ottawa, 1972.
  6. Atlantic cod NOAA FishWatch. Retrieved 5 November 2012.
  7. G.L.; King, M.J.; Kao, M.H. (1987), Low temperature regulation of antifreeze glycopeptide levels in Atlantic cod (Gadus morhua) ; Canadian Journal of Zoology. 65 (2) 227-233 http://www.osc.mun.ca/research/pubs/abstract.php?ID=15594 résumé)
  8. Anneli Bohne-Kjersema, Arnfinn Skadsheim, Anders Goksøyra & Bjørn Einar Grøsvika, ; Candidate biomarker discovery in plasma of juvenile Gadus morhua exposed to crude North Sea oil, alkyl phenols and polycyclic aromatic hydrocarbons (PAHs) ; doi:10.1016/j.marenvres.2009.06.016
  9. Liste rouge