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Pierres d'Ica
L'une des pierres d'Ica, censée représenter un dinosaure.
L'une des pierres d'Ica, censée représenter un dinosaure.
Type Pierres gravées
Poids Jusqu'à plusieurs dizaines de kilogrammes
Inventaire 15 000 pierres
Matériau Andésite
Méthode de fabrication Gravure à la scie à métaux ou à la fraise dentaire
Période Seconde moitié du XXe siècle
Culture Prétendument « glyptolithique »
Lieu de découverte Prétendument Ocucaje (es) (province d'Ica, Pérou)
Coordonnées 14° 21′ 11″ sud, 75° 40′ 18″ ouest
Conservation Museo Científico Javier Cabrera, Ica
Géolocalisation sur la carte : Pérou

Les pierres d'Ica sont un ensemble de 15 000 galets d'andésite gravés à Ocucaje (es), dans la province d'Ica au Pérou, à partir des années 1960.

Ornées de scènes représentant des animaux fantastiques, des dinosaures cohabitant avec des êtres humains ou encore des techniques avancées (opérations chirurgicales, greffes cardiaques, télescopes, fusées, etc.), elles sont vendues par leurs créateurs au chirurgien Javier Cabrera, qui les présente comme d'authentiques témoignages d'une civilisation avancée (les « Glyptolithiques ») ayant disparu en même temps que les dinosaures lors de l'extinction Crétacé-Paléogène il y a 66 millions d'années. Elles font par la suite l'objet d'une récupération par des groupes créationnistes, qui les considèrent comme une preuve de la contemporanéité de l'être humain et des dinosaures — et ce malgré le dévoilement de la supercherie par leurs auteurs, qui révèleront avoir gravé les pierres à la scie à métaux et à la fraise dentaire.

La collection de Javier Cabrera est aujourd'hui exposée à son ancien domicile d'Ica, reconverti en musée privé (le Museo Científico Javier Cabrera, anciennement Museo de las Piedras Grabadas).

Description

Les pierres d'Ica sont réalisées sur des galets d'andésite de dimensions variées[1], pouvant atteindre jusqu'à plusieurs dizaines de kilogrammes[2]. Elles sont gravées superficiellement par incision dans leur patine noire[1],[3] et portent des scènes et des dessins variés, au style manifestement inspiré des iconographies nazca et mochica[4]. Y sont notamment représentés des personnages ressemblant à des Incas ou des Aztèques[5], tous pourvus d'une tête disproportionnée[6], ainsi que des animaux fossiles d'époques diverses — ptéranodon, stégosaure, brachiosaure, tricératops ou encore tyrannosaure ; ce dernier est montré dressé sur ses pattes arrière comme dans les anciennes reconstitutions des années 1960, et non en posture horizontale comme le voudraient les découvertes paléontologiques postérieures[3].

Certains dinosaures apparaissent domestiqués[7], tandis que d'autres sont attaqués à la hache par des chasseurs humains. Dans le reste de la collection de pierres, ces derniers semblent toutefois pourvus d'une maîtrise technique plus avancée : ils sont représentés maniant des téléscopes, se déplaçant dans des aéronefs ou menant des opérations chirurgicales élaborées telles que des transplantations cérébrales (en) (qui figurent sur six pierres), des opérations à cœur ouvert[8] (transplantations cardiaques), des transfusions ou encore des césariennes[9]. Sont aussi dessinées, entre autres, des cartes géographiques, des illustrations d'embryologie et de parasitologie animales et humaines, des instruments de musiques, des danses rituelles, des gravures documentant le cycle reproductif supposé des poissons agnathes du Dévonien (auquel sont consacrées environ 200 pierres)[7], ainsi qu'une Crucifixion (représentant une figure christique à grosse tête cloué sur une croix par les paumes et non par les poignets, contrairement à la pratique de l'Antiquité romaine) et une Cène reproduisant celle de Léonard de Vinci dans le style anthropomorphique à grosses têtes qui caractérise l'ensemble des pierres[6].

Histoire

Véritables pierres gravées de la vallée d'Ica

Quelques auteurs, comme l'archéologue Alejandro Pezzia Assereto, mentionnent des pierres gravées originaires de la vallée du fleuve Ica (en) plusieurs années avant leur médiatisation[10],[11]. Ces piedras mágicas grabadas (« pierres magiques gravées »), découvertes dans des tombes précolombiennes fouillées à partir de 1952, relèvent des cultures de Paracas (qui se développe de au Ier siècle apr. J.-C.) et d'Ica (de à )[12]. Gravées de motifs, dont un poisson, mais d'aucun dinosaure, aéronef ou opération complexe, elles diffèrent sensiblement des pierres créées à partir des années 1960 : les lignes blanches de ces dernières se détachent nettement sur leur fond noir, ce qui n'est pas le cas des pierres authentiques, dont les lignes sont de même couleur que le fond[12] — signe de leur vieillissement naturel, qui a laissé aux gravures le temps de se repatiner[3].

Apparition des fausses pierres et exploitation par Javier Cabrera

Photo en noir et blanc d'un quinquagénaire au front dégarni, arborant un catogan, une chemise et des lunettes de soleil, posant devant un mur de pierre en regardant dans le lointain.
Javier Cabrera en 1976.

L'affaire des pierres d'Ica à proprement parler débute en 1966[13], lorsqu'une pierre gravée est offerte au médecin péruvien Javier Cabrera Darquea pour son 42e anniversaire par son ami, le photographe Félix Llosa Romero. Destinée à servir de presse-papier, elle porte le dessin d'un poisson que Cabrera dit identifier comme une espèce fossile. Il fait alors savoir aux huaqueros (es) locaux, des paysans spécialisés dans le pillage de sites archéologiques, qu'il est intéressé par ce genre d'objets, qu'il appelle « glyptolithes » : ceux-ci lui en fournissent un grand nombre, ce qui le conduit à ouvrir à son domicile d'Ica un musée privé, le Museo de las Piedras Grabadas (« musée des pierres gravées »)[N 1], pour exposer les quelque 15 000 pierres qu'il recueille[14]. Dans le détail, sa collection comporte des pierres similaires qu'il dit avoir été regroupées par son père dans les années 1930, ainsi que 341 pièces acquises auprès de deux frères, Carlos et Pablo Soldi, qui affirment en détenir des milliers d'autres et avoir tenté, en vain, de proposer à des archéologues. Par la suite, Cabrera acquiert plusieurs milliers de pierres supplémentaires auprès d'un agriculteur[1], Basilio Uchuya Mendoza, et de sa voisine, Irma Gutiérrez de Aparcana[15]. Toutes sont présentées comme provenant du village d'Ocucaje (es), à une quarantaine de kilomètres au sud d'Ica[14], et plus précisément d'une unique grotte que Cabrera identifie à une « bibliothèque de pierre »[8].

En 1976, Cabrera publie un livre, El Mensaje de las Piedras Grabadas de Ica (« Le Message des pierres gravées d'Ica »), où il expose ses théories sur l'origine et la signification des glyptolithes. Il avance que ces pierres auraient été gravées par une ancienne civilisation avancée, dite « glyptolithique », qui aurait disparu il y a quelques dizaines de millions d'années. Les outils, opérations et connaissances complexes décrites sur les glyptolithes seraient le témoignage de son savoir supérieur. Pour expliquer la représentation sur les pierres d'objets apparemment primitifs, tels que les haches dont sont armés les chasseurs de dinosaures, il affirme qu'il ne s'agit que de symboles représentant des artéfacts complexes. La coexistence entre humains et dinosaures s'expliquerait par le fait que les Glyptolithiques, originaires des Pléiades, serait arrivés sur Terre il y a 230 millions d'années et y auraient développé leur civilisation jusqu'à la disparition des dinosaures lors de l'extinction Crétacé-Paléogène. Il défend notamment l'idée selon laquelle l'homme existe depuis au moins 405 millions d'années et que des êtres venus d'une autre planète ont créé les humains en implantant des codes cognitifs à des primates supérieurement intelligents[16].

Les pierres ont été utilisées par certains créationnistes qui tentent de démontrer que des humains côtoyaient des dinosaures non aviaires, une allégation pour laquelle aucune preuve scientifique n'existe[17] et qui est en contradiction avec la date bien établie de l'extinction des dinosaures non aviaires, antérieure d'environ 65 millions d'années à l'apparition de l'humanité[18].

Certains ufologues les utilisent aussi comme argument en faveur de la théorie des anciens astronautes : les pierres prouveraient l'existence d'une ancienne civilisation disparue, technologiquement avancée. Certains mytho-historiens les ont aussi utilisées comme preuves de la véracité des mythes antiques[5].

Démystification

Lors d'une entrevue avec Erich von Däniken en 1973, Uschuya avoue avoir gravé les pierres[1]. En 1975, Uschuya et une agricultrice nommée Irma Gutiérrez de Aparcana confirment être les auteurs de la supercherie : ils ont gravé les pierres proposées à Cabrera en copiant des images de bandes dessinées et de magazines[5]. Uschuya se rétracte ensuite lors d'un entretien accordé à un journaliste allemand, avançant qu'il a prétendu être l'auteur des gravures pour éviter une condamnation à une peine de prison pour vente de vestiges archéologiques.

En 1977, pour le documentaire de la BBC intitulé Pathway to the Gods (« La Voie des Dieux »), Uschuya fabrique une pierre d'Ica à l'aide d'une fraise de dentiste et indique avoir réalisé la patine en cuisant les pierres dans de la bouse de vache[1] ; la même année, un autre reportage de la BBC propose une analyse sceptique des pierres de Cabrera. Le regain d'attention porté au phénomène incite les autorités péruviennes à arrêter Uschuya pour vente de découvertes archéologiques. Uschuya se rétracte à nouveau, indiquant que les objets sont frauduleux : « Fabriquer ces pierres est plus facile que de cultiver la terre. » Il grave en réalité les pierres en utilisant comme modèles des images de livres et de magazines et en utilisant des couteaux, des ciseaux et une fraise de dentiste[19]. Il indique toutefois qu'il n'est pas l'auteur de toutes les gravures. Il échappe à la condamnation et continue de vendre des pierres similaires aux touristes comme bibelots[1]. Des pierres sont toujours fabriquées et gravées par d'autres artistes comme contrefaçons de contrefaçons[5]. Cabrera abandonne sa carrière médicale en 1996 et ouvre un musée à Ica au Pérou où l'on peut voir plusieurs milliers de pierres gravées[5].

Dans son Encyclopedia of Dubious Archaeology: From Atlantis To The Walam Olum, l'archéologue Ken Feder indique : « Les pierres d'Ica ne sont pas le plus sophistiqué des canulars archéologiques évoqués dans ce livre mais ont certainement le plus haut rang dans l'absurde. »[20].

Notes et références

Notes

  1. Devenu le Museo Científico Javier Cabrera (« musée scientifique Javier Cabrera »).

Références

  1. a b c d e et f (en) Philip Coppens (en), « Jurassic library - The Ica Stones », Fortean Times (en),‎ (lire en ligne).
  2. Le Quellec 2023, p. 281.
  3. a b et c Le Quellec 2023, p. 283.
  4. Le Quellec 2023, p. 285.
  5. a b c d et e (en) Carroll, Robert T., The Skeptic's Dictionary: a collection of strange beliefs, amusing deceptions, and dangerous delusions, New York, Wiley, , 169–71 (ISBN 0-471-27242-6), également accessible en ligne sur skepdic.com.
  6. a et b Le Quellec 2023, p. 286.
  7. a et b Le Quellec 2023, p. 278.
  8. a et b Le Quellec 2023, p. 277.
  9. Le Quellec 2023, p. 287.
  10. Hans-Dietrich Disselhof et Sigwald Linne, L'Amérique précolombienne, éditions Albin Michel, , p. 152.
  11. (es) Alejandro Pezzia Assereto, Ica y el Perú Precolombino, t. I : Arqueología de la provincia de Ica, Imprenta Ojeda, , p. 216.
  12. a et b Le Quellec 2023, p. 282.
  13. Le Quellec 2023, p. 275.
  14. a et b Le Quellec 2023, p. 276.
  15. Le Quellec 2023, p. 284.
  16. (en) Javier Cabrera, The message of the engraved stones of Ica, (lire en ligne).
  17. (en) « Claim CH710: », Talk.origins (consulté le ).
  18. (en) « When Did Dinosaurs Go Extinct? Cretaceous-Tertiary Boundary Dating Refined », Science Daily (consulté le ).
  19. (en) Kenneth L. Feder, Encyclopedia of Dubious Archaeology: From Atlantis To The Walam Olum, pages 143 (Greenwood, 2010), (ISBN 978-0-313-37919-2).
  20. (en) Kenneth L. Feder, Encyclopedia of Dubious Archaeology: From Atlantis To The Walam Olum, Greenwood, 2010, pp. 270-271, (ISBN 978-0-313-37919-2).

Bibliographie

  • Robert Charroux, 1976, L'énigme des Andes.
  • Robert Charroux, 1977, Archives des autres mondes, La bataille d'Ica, pages 99-182.
  • Jean-Loïc Le Quellec, « Les pierres d'Ica : complètement stone ! », dans Des Martiens au Sahara : Deux siècles de fake news archéologiques, Bordeaux, Éditions du Détour, , 2e éd. (1re éd. 2009), 436 p. (ISBN 9791097079239), p. 275-289
  • Jean-Paul Demoule, 2012, On a retrouvé l'histoire de France, De l'usage du faux, pages 210-212.