Dynamomètre

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Portrait d'Edme Régnier par Jean-Baptiste Mauzaisse, huile sur toile au musée de Semur-en-Auxois

Un dynamomètre est un appareil de mesure d'une force ou d'un couple. Il utilise un ressort (cas d'un modèle simple) dont on connaît la raideur définie par le module d'élasticité, ou une cellule à jauge de déformation. Le peson est son nom d'origine.

L'unité de force est le newton (symbole N) du nom du fondateur de la théorie de la gravitation universelle, Isaac Newton. Les multiples les plus utilisés sont le décanewton (daN, unité voisine en valeur du kilogramme-force) et le kilonewton (kN). La dyne (symbole dyn) est une ancienne unité de force.

Aujourd'hui la plupart des dynamomètres sont numériques et tendent à remplacer les modèles mécaniques, que ce soit en recherche-développement ou en contrôle qualité.

Dynamomètre mécanique[modifier | modifier le code]

Les dynamomètres mécaniques utilisent directement le principe de la loi de Hooke. En effet, puisqu'un ressort idéal suit une relation de type force = raideur × allongement, on peut en déduire la valeur d'une force par mesure de l'allongement d'un ressort étalonné (c'est-à-dire dont on connaît la raideur). Parmi les dynamomètres mécaniques les plus connus, on peut mentionner les pesons, et le dynamomètre de Poncelet (utilisé au XIXe siècle pour la police du roulage). Le fonctionnement de cet appareil, imaginé par le fabricant d'instruments bourguignon Edme Régnier, a été perfectionné par le colonel Raucourt[1], puis analysé par les ingénieurs Saint-Venant[2] et Poncelet : du point de vue de la théorie de l'élasticité, on peut le voir comme un cas particulier d’anneau dynamométrique, dont la forme elliptique augmente sa sensibilité dans l'extension selon son grand axe[3].

Dynamomètre numérique[modifier | modifier le code]

Un dynamomètre numérique est un instrument (portable ou fixe) composé d'un capteur de force, d'un dispositif électronique numérique et d'un afficheur.

Le capteur de force est le cœur du système. Il peut être assimilé à un ressort qui se déforme en fonction de la force appliquée. Lorsque ce capteur se déforme, les jauges de déformation mesurent les contraintes appliquées et émettent une tension électrique proportionnelle à la force. L'électronique du dynamomètre interprète alors cette tension pour l'afficher en unités de force.

[d'Edme Régnier, huile sur toile de Mauzaisse au musée de Semur-en-Auxois ]

Extensométrie[modifier | modifier le code]

Les cellules de force sont des transducteurs à jauge ; celle-ci mesure l'effort de flexion par différence de déformation dans chaque branche d'acier (jauges 30K / 5g).
Les cellules Glötzl mettent en œuvre un liquide incompressible (huile minérale) pour convertir un effort de compression en flexion d'une membrane, instrumentée par des jauges. Elles sont fréquemment utilisées en génie civil pour contrôler l'effort de tension dans les tirants d'ancrage.

Les jauges de déformation sont des résistances dont l'augmentation de résistance électrique varie avec l'allongement dans une direction donnée. On les fixe directement sur le ressort et l'on mesure leur résistance grâce à un pont de Wheatstone. Les mesures sont aujourd'hui possibles jusqu'à une fréquence de 8 MHz, mais il faut une compensation en température, et le comportement à long terme laisse à désirer par suite du fluage. On distingue généralement :

  • les jauges à conducteur : l'allongement et la striction font varier la résistance électrique ;
  • les jauges à semi-conducteur : la résistance électrique spécifique augmente avec l'allongement par développement d'efforts internes (effet piézoresistif). De telles jauges sont plus sensibles que les jauges traditionnelles.

Mesure par effet magnétostatique[modifier | modifier le code]

L'état de contrainte dans un métal modifie de façon déterminée sa perméabilité magnétique µ (magnétostriction inverse). En pratique, on détecte cette variation par celle du champ magnétique créé entre les bobines primaire et secondaire d'un transformateur.

Ce capteur supporte des charges importantes. Cette technique, brevetée en 1954, est utilisée dans des capteurs commercialisés par ABB sous le nom de Pressductor[4].

Mesure par effet piézoélectrique[modifier | modifier le code]

Dans un insert piézo-céramique, l'application d'une force F engendre une charge électrique Q proportionnelle à la force.

On peut fabriquer des capteurs piézoélectriques très durs, et mesurer grâce à eux des variations à très haute fréquence (au-delà de 100 kHz). Dans les essais statiques ou quasi statiques, il faut veiller à la stabilité du point d'application des forces. On peut enregistrer les tensions planes en utilisant un tri-couches de céramiques avec une orientation précise de chaque couche.

Mesure par compensation électromagnétique[modifier | modifier le code]

Le principe est ici celui du haut-parleur : une bobine mobile est immergée dans un champ magnétique. Un asservissement avec un capteur de déplacement maintient la bobine en position, et le courant induit dans la bobine est proportionnel à la force s'exerçant sur elle. Par l'expression générale de la force de Lorentz, on a ainsi :

avec : B intensité du champ magnétique, i courant électrique induit, l longueur effective du conducteur.

Ces capteurs ne permettent cependant de mesurer que de petites forces (maximum 20-30 N) et sont pour cette raison plutôt utilisés dans les balances de précision.

Mesure par corde vibrante[modifier | modifier le code]

La période de vibration d'une corde tendue dépend de sa tension T selon la formule de D'Alembert :

avec : mb masse linéique de la corde en kg/m, l longueur libre de vibration, f fréquence propre.

On peut mesurer la tension d'une courroie en déterminant sa fréquence de vibration avec un fréquencemètre optique[5].

Mesures de nanoforces[modifier | modifier le code]

Microscope à force atomique et guide d'ondes Cette méthode permet de mesurer les forces en biologie. On insère un guide d'ondes à résonance dans un multicouche élastique. Si, par la force d'adhérence d'une cellule, la fibre supérieure du capteur est déformée localement, on peut estimer la force correspondante en mesurant le déplacement du pic de résonance. La résolution est de 20 nN[6].

Applications[modifier | modifier le code]

Les dynamomètres sont de nos jours utilisés dans de nombreux domaines.

Machines d'essais universelles[modifier | modifier le code]

Ces machines d'essais en traction ou en compression (presse) sont équipées d'une cellule dynamométrique à jauge de déformation. Très répandues, elles sont conçues pour fournir au laboratoire industriel ou scientifique l'analyse des propriétés mécaniques « quasi instantanées »[7] des matériaux en fonction de multiples paramètres de l'essai (déformation, vitesse de déformation, température, histoire thermique, etc.).

Les capteurs de force sont munis d'un câble électrique terminé par un connecteur et sont rapidement interchangeables (sauf pour les gros modèles). La fréquence de leur étalonnage est souvent annuelle.

Les premières machines étaient reliées à un enregistreur graphique. Les plus récentes sont connectées via un boîtier-interface à un PC muni d'un logiciel. Ce système permet le pilotage, l'acquisition, la visualisation, l'analyse numérique et graphique, l'exportation de fichiers ASCII vers un tableur, la sauvegarde et l'impression des données du test.

La traverse supérieure est fixe. La traverse mobile est entraînée par deux vis latérales, actionnées par un moto-réducteur à courant continu. La liaison entre les vis et le réducteur s'effectue par poulies et courroie synchrone en élastomère armé.

La vitesse de déformation (ou de sollicitation) v est faible (v peut varier de 0,1 à 500 mm/min ; en pratique v est souvent comprise entre 1 et 50 mm/min).

Des modèles renforcés (avec notamment bâti mécanique, moteur, transmission et capteur de force adaptés) peuvent réaliser des tests mécaniques mettant en jeu des forces élevées[8]. Leur capteur de force peut mesurer plusieurs centaines de kN (en traction, compression, flexionetc.).

Remarque : un bouton d'arrêt d'urgence doit être présent.

L'application la plus courante est la mesure de la force à la rupture (force maximale, Fm, obtenue avant d'atteindre la rupture) en traction afin de savoir si un produit et/ou un montage est conforme ou non. Les résistances à la rupture en traction (Rm ou σm) ou au cisaillementm) ont la dimension d'une contrainte et sont déduites de la force à la rupture ; ces deux résistances sont souvent exprimées en MPa[9].

Par exemple, on peut déterminer la force nécessaire pour séparer un connecteur d'un câble, la force de fermeture d'une porte, une force d'emboîtage élastique ou évaluer la qualité d'un ressort d'amortisseur.

Remarque : une machine de traction peut être couplée à un extensomètre (de type optique, par exemple) permettant l'enregistrement des courbes contrainte σ = f(déformation ε) des éprouvettes soumises à une sollicitation en traction. Ainsi, il est possible de caractériser la souplesse du matériau utilisé par la valeur de l'allongement à la rupture A%[10].

Recherche scientifique et domaine de la santé[modifier | modifier le code]

Dynamomètre mesurant la force de préhension.

Des dynamomètres peuvent être utilisés pour mesurer la pression générée lors de certaines contractions musculaires. La force des mucles mesurée par dynamométrie est généralement rapportée en Newtons, en kilogrammes, en livres, ou encore en pourcentage de poids corporel[15][16][17].

Ces dynamomètres peuvent mesurer notamment la force de préhension[18], celle des muscles du tronc[19], de l'épaule[20], du genou[21] ou encore du plancher pelvien[22][23][24].

L'utilisation d'un dynamomètre pour mesurer de la force de préhension fait partie des recommandations officielles dans l'évaluation de la sarcopénie[25]. Des valeurs en dessous de 16 à 20 kg pour les femmes et en dessous de 26 à 30 kg pour les hommes indiquent une faible force de préhension[25].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Cf. H. Navier, G. de Prony et P. S. Girard, « Rapport sur les mémoires relatifs à la mesure des vitesses de la Néva à Saint-Pétersbourg, par M. le colonel RAUCOURT. », Journal du génie civil, des sciences et des arts, Paris, Alex. Corréard, vol. X,‎ (lire en ligne).
  2. Cf. A. Barré de Saint-Venant, Mémoire sur la police du roulage adressé au Directeur des Ponts et Chaussées (1830).
  3. Cf. Henri Léauté, « Note sur le profil des lames du dynamomètre de Poncelet », Journal de mathématiques pures et appliquées, 3e, vol. 9, no 8,‎ , p. 245-256 (lire en ligne).
  4. Pressductor, sur abb.com
  5. Mesure de la tension d'une courroie
  6. K.-F. Giebel, Thèse de doctorat : Wellenleitermikroskopie: eine neue Methode zur Kraftmessung in biologischen Systemen, Bibliothèque universitaire de Constance, 17 juillet 2003
  7. Les essais de chocs font appel à d'autres techniques.
  8. C'est le cas par exemple d'éprouvettes en forme d'haltère en métal soumises à une sollicitation en traction ou d'éprouvettes de géométrie normalisée en béton soumises à une sollicitation en compression.
  9. Les essais de pelage et de clivage sont assez peu pratiqués. Les résistances au pelage et au clivage s'expriment en N/m (force à la rupture/largeur de l'éprouvette).
  10. De plus, la mesure de la contraction latérale que subit un échantillon lors d'une expérience d'élongation permet d'accéder au coefficient de Poisson d'un corps hookéen.
  11. « TC » : (traction-)cisaillement. Vitesse de traction v=10 mm/min. Le capteur de force (interchangeable ; de capacité 10 kN) est fixé sur la traverse mobile de la machine d'essais. Une chambre d'essais est visible en arrière-plan.
  12. L'utilisation d'attaches auto-serrantes à coins est recommandée pour certains essais nécessitant des forces élevées ; cela évite le risque de glissement des extrémités de l'éprouvette.
  13. Le logiciel trace en temps réel une courbe F=f(déplacement de la traverse) de ce type (détermination sur trois assemblages). Pour un essai de traction ou de cisaillement, la valeur de la résistance mécanique = Fm / S ; avec S = section ou surface, suivant le type d'essai. Le résultat de l'essai de résistance au cisaillement est fortement dépendant de l'épaisseur du joint.
  14. Compression d'un cylindre en composite au moyen d'une machine équipée d'un dynamomètre de 300 kN.
  15. Marika Morin, Elise Duchesne, Jacinthe Bernier et Philippe Blanchette, « What is Known About Muscle Strength Reference Values for Adults Measured by Hand-Held Dynamometry: A Scoping Review », Archives of Rehabilitation Research and Clinical Translation, vol. 4, no 1,‎ , p. 100172 (ISSN 2590-1095, PMID 35282144, PMCID PMC8904874, DOI 10.1016/j.arrct.2021.100172, lire en ligne, consulté le )
  16. A Williams Andrews, Michael W Thomas et Richard W Bohannon, « Normative Values for Isometric Muscle Force Measurements Obtained With Hand-held Dynamometers », Physical Therapy, vol. 76, no 3,‎ , p. 248–259 (ISSN 0031-9023 et 1538-6724, DOI 10.1093/ptj/76.3.248, lire en ligne, consulté le )
  17. (en) Nidhi R. Samosawala, K. Vaishali et B. Chakravarthy Kalyana, « Measurement of muscle strength with handheld dynamometer in Intensive Care Unit », Indian Journal of Critical Care Medicine, vol. 20, no 1,‎ , p. 21–26 (ISSN 0972-5229 et 1998-359X, DOI 10.4103/0972-5229.173683, lire en ligne, consulté le )
  18. (en) Shu-Chun Lee, Li-Chen Wu, Shang-Lin Chiang et Liang-Hsuan Lu, « Validating the Capability for Measuring Age-Related Changes in Grip-Force Strength Using a Digital Hand-Held Dynamometer in Healthy Young and Elderly Adults », BioMed Research International, vol. 2020,‎ , e6936879 (ISSN 2314-6133, DOI 10.1155/2020/6936879, lire en ligne, consulté le )
  19. Jaisson Agne Estrázulas, Jansen Atier Estrázulas, Kelly de Jesus et Karla de Jesus, « Evaluation isometric and isokinetic of trunk flexor and extensor muscles with isokinetic dynamometer: A systematic review », Physical Therapy in Sport, vol. 45,‎ , p. 93–102 (ISSN 1466-853X, DOI 10.1016/j.ptsp.2020.06.008, lire en ligne, consulté le )
  20. Angela Cadogan, Mark Laslett, Wayne Hing et Peter McNair, « Reliability of a new hand-held dynamometer in measuring shoulder range of motion and strength », Manual Therapy, vol. 16, no 1,‎ , p. 97–101 (ISSN 1356-689X, DOI 10.1016/j.math.2010.05.005, lire en ligne, consulté le )
  21. R W Bohannon, « Manual muscle test scores and dynamometer test scores of knee extension strength », Archives of physical medicine and rehabilitation, vol. 67, no 6,‎ , p. 390–392 (ISSN 1532-821X, PMID 3718198, lire en ligne, consulté le )
  22. (en) Chantale Dumoulin, D. Bourbonnais et M.‐C. Lemieux, « Development of a dynamometer for measuring the isometric force of the pelvic floor musculature », Neurourology and Urodynamics, vol. 22, no 7,‎ , p. 648–653 (ISSN 0733-2467 et 1520-6777, DOI 10.1002/nau.10156, lire en ligne, consulté le )
  23. (en) Chantale Dumoulin, D. Gravel, D. Bourbonnais et M.C. Lemieux, « Reliability of dynamometric measurements of the pelvic floor musculature », Neurourology and Urodynamics, vol. 23, no 2,‎ , p. 134–142 (ISSN 0733-2467 et 1520-6777, DOI 10.1002/nau.10175, lire en ligne, consulté le )
  24. (en) Batoul El‐Sayegh, Licia P. Cacciari, Francois L. Primeau et Mohamad Sawan, « The state of pelvic floor muscle dynamometry: A scoping review », Neurourology and Urodynamics, vol. 42, no 2,‎ , p. 478–499 (ISSN 0733-2467 et 1520-6777, DOI 10.1002/nau.25101, lire en ligne, consulté le )
  25. a et b (en) Charlotte Beaudart, Eugène McCloskey, Olivier Bruyère et Matteo Cesari, « Sarcopenia in daily practice: assessment and management », BMC Geriatrics, vol. 16, no 1,‎ , p. 170 (ISSN 1471-2318, PMID 27716195, PMCID PMC5052976, DOI 10.1186/s12877-016-0349-4, lire en ligne, consulté le )

Voir aussi[modifier | modifier le code]

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Articles connexes[modifier | modifier le code]