Voir la source de La Liberté guidant le peuple

{{Semi-protection}}
{{Infobox Art
| titre = La Liberté guidant le peuple
| image = La Liberté guidant le peuple - Eugène Delacroix - Musée du Louvre Peintures RF 129 - après restauration 2024.jpg
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| légende = ''La Liberté guidant le peuple''.
| artiste = [[Eugène Delacroix]]
| année = [[1830]]
| technique = [[Peinture à l'huile]]
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| lieu = romantisme
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'''''La Liberté guidant le peuple''''' est une [[peinture à l'huile|huile sur toile]] d'[[Eugène Delacroix]] réalisée en [[1830]], inspirée de la révolution des [[Trois Glorieuses]]. Présenté au public au [[Salon de Paris]] de [[1831]] sous le titre '''''Scènes de barricades'''''<ref group=note>Delacroix a envisagé un temps d'intituler sa toile ''La Barricade'' et elle a été annoncée sous le nom de ''Scènes de barricades'' lors de sa première exposition le 28 juillet.</ref>, le tableau est ensuite exposé au [[musée du Luxembourg]] à partir de [[1863]] puis transféré au [[musée du Louvre]] en [[1874]] où il fut l'un des plus fréquentés<ref>William Kidd, « Les Caprices anglais de Marianne », ''in'' ''La République en représentation : autour de l'œuvre de Maurice Agulhon'', Paris, Publications de La Sorbonne, 2006.</ref>. En 2013, il est la pièce majeure de l'exposition ''[[La Galerie du temps]]'' au [[Louvre-Lens]].

Devenue un symbole de la république triomphante, ce qui ne correspond pas à l'intention de Delacroix, l'œuvre ne s'est imposée dans l'[[imaginaire collectif]] français que sous la [[Troisième République (France)|Troisième République]]. Par son aspect [[Allégorie (représentation)|allégorique]] et sa portée politique, elle a été fréquemment choisie comme symbole de la [[République française (régime politique)|République française]], de la [[liberté]] ou de la [[démocratie]] dans le monde. Elle demeure au {{s-|XXI}} une {{lien|fr=icône médiatique|lang=de|trad=Medienikone}} au fil de ses [[Détournement (art)|détournements]], emprunts et [[Appropriation (art)|appropriations]] de différentes [[Arts visuels|expressions artistiques]].

== Description ==

Le tableau représente une scène de [[barricade]] effondrée, franchie par les émeutiers du peuple de Paris qui s'est soulevé contre le roi [[Charles X]]. À l'arrière-plan, sortant de la fumée qui entoure [[cathédrale Notre-Dame de Paris|Notre-Dame]], on peut apercevoir les baïonnettes d'un bataillon d'infanterie attaqué par des tirs venant des fenêtres. Sur l'une des deux tours de la cathédrale, flotte le [[Drapeau de la France|drapeau tricolore]], ce qui situe la scène sur la [[Rive droite (Paris)|rive droite]] de la [[Seine]], probablement à proximité de l'[[Hôtel de ville de Paris|hôtel de Ville]], mais aucune topographie précise n'est identifiable car Delacroix a imaginé cette vue<ref group=note>Le paysage comportant la cathédrale est en effet imaginé par Delacroix qui la situe [[place de Grève]], comme l'atteste l'orientation du beffroi de la cathédrale, mais aucune barricade ne pouvait obstruer cette grande place. En 1830, les tours de la cathédrale ne peuvent être vues, sous cet angle, d'aucun endroit. Cependant, le peintre  a pu assister à une scène de barricade depuis son atelier du 15, [[quai Voltaire]]. De plus, le drapeau de la tour indique la volonté de Delacroix de situer l'action le 28 juillet, date à laquelle les révolutionnaires l'ont hissé. Enfin, il n'omet pas un détail réaliste : {{Citation|les [[édicule]]s des escaliers surmontant les tours sont construits à l'aplomb de la façade}}. Cf {{harvsp|Toussaint|1982|p=151|loc=|id=}}.</ref>{{,}}<ref group=note>De son atelier, Delacroix a pu assister à la participation des femmes aux combats des barricades qui sont construites dans chaque quartier : elles rechargent les fusils, soignent les blessés, ravitaillaient les émeutiers, et jettent des objets lourds (meubles, casseroles, pots de chambre) depuis les fenêtres, comme l'atteste la fréquence des blessures chez les forces de l'ordre (fractures crâniennes bien plus nombreuses que les blessures par balle), due aux jets venus des toits ou des fenêtres des maisons voisines de la rue où est montée la barricade. Le peintre qui n'a pas participé activement à cette deuxième {{page h'|révolution française (homonymie)|révolution française}}, a pu être influencé par ces figures féminines pour peindre des révolutionnaires à la tête desquels on trouve une femme du peuple, de même qu'il a pu s'inspirer d'une figure de la résistance [[beauvais]]ienne, [[Jeanne Hachette]], et du tableau ''Jeanne Hachette au siège de Beauvais en 1472'', peint par [[Jean-Jacques Le Barbier|Barbier l’aîné]] en 1781, bien que le jeu soit toujours un peu vain de chercher un modèle iconographique. Cf {{harvsp|Toussaint|1982|p=36|loc=|id=}}.</ref>. La [[Composition picturale|composition]] pyramidale s'inspire directement de celle du tableau de [[Théodore Géricault|Géricault]] ''[[Le Radeau de La Méduse]]'' ainsi que celle d'un autre tableau de Delacroix, ''[[Scènes des massacres de Scio]]''<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Hubert|nom1=Wellington|titre={{langue|fr|Introduction à l'édition anglaise du Journal d'Eugène Delacroix, parue sous le titre}} ''The Journal of Eugène Delacroix''|éditeur=Phaidon ([[Cornell University Press|{{langue|en|Cornell University Press}}]])|année=1980|passage=15}}</ref>. 

Cette construction géométrique repose sur deux triangles dans lesquels s'inscrivent les principaux protagonistes<ref>[https://www.histogames.com/images/chronique/analyse-tableau/la-liberte-guidant-le-peuple/image-1.jpg Les deux triangles en jaune]. Cf {{Lien web|url=https://www.histogames.com/HTML/chronique/analyse-tableau/la-liberte-guidant-le-peuple.php|titre=Analyse d'une œuvre : La Liberté guidant le peuple d'Eugène Delacroix|auteur=Llalnohar|date=18 avril 2016|site=histogames.com}}.</ref>. {{Citation|Si l'on trace une diagonale de l'angle en haut à gauche jusqu'à celui du bas à droite, on observe que les deux triangles ainsi délimités diffèrent par leurs tonalités : plus sombre du côté de la masse des combattants qu'on aperçoit, derrière le personnage en [[haut-de-forme]], plus claire pour celui dans lequel s'inscrivent la Liberté et le drapeau. Le noir et le brun-ocre dominent chez les combattants (vêtements, fumée, poussière, boue…). La Liberté est mise en valeur par la couleur plus claire de sa robe jaune à double ceinture, dans la lumière<ref>{{ouvrage|auteur=Renée Léon|titre=Un jour une œuvre. Approches de l'art à l'école|éditeur=Hachette Éducation|date=2013|passage=137}}.</ref>}}.

Au premier plan, associés aux matériaux – [[pavé]]s et [[poutre (construction)|poutre]]s – qui forment cette barricade, les corps de soldats morts apparaissent tordus et désarticulés : à gauche l'un d'eux gît en chemise blanche et dénudé<ref group="note">Avec la Liberté, il s'agit de la seconde [[Art académique|figure académique]] du tableau, celle du personnage antique d'Hector. Pour la figurer, Delacroix s'est inspiré de [https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Le_corps_d%27Hector_-_Hector%27s_body_-_El_cuerpo_de_H%C3%A9ctorFXD.jpg l'Hector par David (1778])] et de l'homme à la chaussette du ''Radeau de la méduse'' pour lequel il a posé (figure du naufragé qui se trouve la face contre l'embarcation, le bras gauche étendu par-dessus une poutre) et dont il a d'ailleurs fait une copie. La chaussette bleue de ce cadavre pourrait être aussi un clin d'œil à Géricault qui, peinant à dessiner correctement les pieds, préférait les recouvrir. Cf {{harvsp|Toussaint|1982|p=50|loc=|id=}}.</ref>  alors qu'à droite sont étendus un membre des [[Gardes suisses (France)|Gardes suisses]] (avec son [[shako]] qui a roulé au sol) et, face contre terre, un [[cuirassier]] identifiable par son épaulette blanche{{sfn|Toussaint|1982|p=51|loc=|id=}}. Ils forment la base horizontale des deux triangles. Les différents insurgés qui accompagnent la Liberté sont des archétypes sociaux : un paysan<ref group="note">Sa tenue d'ouvrier qui rappelle les couleurs du drapeau, évoque les paysans qui, par manque de travail dans les champs, forment une [[Journalier|main d'œuvre temporaire]] dans les usines des faubourgs. Cf {{harvsp|Toussaint|1982|p=49|loc=|id=}}.</ref>  blessé, foulard noué sur la tête, émerge des décombres, le corps et le regard tendus vers une femme du peuple, coiffée d'un [[bonnet phrygien]] dont s'échappent des mèches. Celle-ci, représentée en pied, occupe de fait la place principale. Elle brandit du bras droit par la hampe un [[drapeau de la France|drapeau tricolore]] qui occupe l'axe médian de la toile, et tient dans sa main gauche un fusil à [[Baïonnette (arme)|baïonnette]]. Sa poitrine est en partie découverte.

On distingue quatre autres personnages aux abords de la barricade : deux [[enfants des rues]] : l'un, à droite, [[giberne]] en bandoulière, coiffé d'un [[béret]], et brandissant des [[pistolet (arme)|pistolet]]s de cavalerie, la bouche ouverte sur un cri ; l'autre, à l'extrême gauche, coiffé d'un [[bonnet de police]] des [[Liste des unités de la Garde impériale au Premier Empire#Voltigeurs|voltigeurs de la Garde nationale]] (probablement récupéré sur l'un d'entre eux) s'agrippant au pavé ; un homme armé d'un [[Tromblon (arme)|tromblon]] à deux canons parallèles, en redingote et cravate, coiffé d'un [[haut-de-forme]], laissant penser que c'est un [[Bourgeoisie|bourgeois]], mais portant le pantalon et la ceinture des ouvriers, les genoux sur la barricade, Delacroix jouant sur cette ambiguïté pour symboliser le rassemblement des [[classes sociales]]{{sfn|Toussaint|1982|p=50|loc=|id=}} ; et un manufacturier portant un tablier, un [[pantalon à pont]], un béret, un [[sabre briquet]] à la main, un pistolet retenu par un foulard rouge et sa [[banderole]] sur l'épaule<ref group="note">La cocarde blanche sur son béret et le foulard qui évoque le [[mouchoir rouge de Cholet]], sont des emblèmes des royalistes et probablement des symboles choisis par Delacroix pour montrer que les [[Guerre de Vendée|royalistes vendéens]] peuvent très bien se rallier à cette révolte. Ils sont tempérés par le nœud rouge sur le béret, symbole des [[Libéral-conservatisme|libéraux]]. Cf {{harvsp|Toussaint|1982|p=48|loc=|id=}}.</ref>. La lumière du soleil couchant se mêle aux fumées des canons pour engendrer une [[aura]] à la figure féminine et au gamin à droite{{sfn|Toussaint|1982|p=40|loc=|id=}}. Derrière, on peut voir les étudiants, dont un élève de l'[[École polytechnique (France)|École polytechnique]] portant le traditionnel [[bicorne]], et un détachement de grenadiers en tenue de campagne et capote grise.

Les couleurs dominantes, le bleu, le blanc et le rouge, émergent des teintes grises et brunes. La lumière semble provenir du côté gauche. Les [[couleur chaude|couleurs chaudes]] dominent le corps des émeutiers. La répartition des accents colorés concourt à l'ordonnance du tableau. {{Citation|Des contrepoints rouges soutiennent l'écarlate du drapeau ; le parallélisme des banderoles de buffleterie blanche est raccordé par les éclats des guêtres et de la chemise du cadavre gisant ; la chaussette bleue de ce dernier et la blouse de l'ouvrier font écho à l'indigo du drapeau. Les bleus et les rouges laissant entendre un demi-ton plus bas que les "trois couleurs", poussant ainsi leur vibration à l'extrême{{sfn|Toussaint|1982|p=40|loc=|id=}}}}.

{{Gallery |title=Sources communes d'inspiration iconographique pour Delacroix.|width=120 |height=100 |lines=4 |align=center |File:Bellonne franchissant un tas d'armes et suivie des guerriers Russes montre aux Grecs esclaves le symbole de la liberté - Choiseul-gouffier Gabriel Florent Auguste De - 1782.jpg|Frontispice au ''Voyage pittoresque de la Grèce'' du [[Marie-Gabriel-Florent-Auguste de Choiseul-Gouffier|comte de Choiseul]] (1778)<ref group=note>Référence à la [[guerre d'indépendance grecque]], ce frontispice représente, devant [[Koróni]], une allégorie de la Grèce dressée en figure de la Liberté.</ref>.|File:Jeanne Hachette au siège de Beauvais en 1472.jpg|''Jeanne Hachette au siège de Beauvais en 1472'' de  [[Jean-Jacques Le Barbier|Barbier l’aîné]] (1781).|File:Gros, Napoleon at Eylau.jpg|''[[Napoléon sur le champ de bataille d'Eylau]]'' par [[Antoine-Jean Gros]] (1808).| File:JEAN LOUIS THÉODORE GÉRICAULT - La Balsa de la Medusa (Museo del Louvre, 1818-19).jpg |''[[Le Radeau de La Méduse]]'' de [[Théodore Géricault|Géricault]] (1818).|File:Delacroix Massacre de Scio - 1824 (2020).jpg|''[[Scènes des massacres de Scio]]'' de Delacroix (1824). |File:Eh bien oui … ! Charbonnier est maître chez lui.jpg|''Eh bien oui … ! Charbonnier est maître chez lui'' d'[[Hippolyte Bellangé]] (1830).}}

== Situation historique ==
{{loupe|Trois Glorieuses}}
[[Fichier:Révolution de 1830 - Combat de la rue de Rohan - 29.07.1830.jpg|thumb|[[Hippolyte Lecomte]], ''Combat de la rue de Rohan le 29 juillet 1830'', [[musée Carnavalet]].]]
Le peintre a fait connaître sa toile comme une allégorie inspirée par l'actualité la plus brûlante<ref>Lettre à Thoré du 18 janvier 1836, ''Correspondance générale d'Eugène Delacroix'', A. Joubin, Paris, 1936.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web |langue=fr |titre=La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix - Histoire analysée en images et œuvres d’art {{!}} https://histoire-image.org/ |url=https://histoire-image.org/etudes/liberte-guidant-peuple-eugene-delacroix |site=L'histoire par l'image |consulté le=2024-01-24}}</ref>. Elle a pour cadre les trois journées du soulèvement populaire parisien contre [[Charles X de France|Charles X]], les 27, 28 et {{date-|29 juillet 1830}}, connues sous le nom des [[Trois Glorieuses]].

Le 25 juillet, Charles X publie [[ordonnances de Saint-Cloud|quatre ordonnances]] dans le but d'écraser l'[[partis politiques sous la Restauration|opposition libérale]]. Ces mesures comprenaient la suspension de la [[liberté de la presse]] périodique, la [[dissolution parlementaire|dissolution]] de la [[Chambre des députés des départements]], la réforme du [[suffrage censitaire]] favorable à l'[[aristocratie]] et convocation des [[collèges électoraux]] pour le mois de septembre. L'opposition appelle à la désobéissance. Les [[classes moyennes]] et le peuple de Paris se révoltent. La capitale se couvre de drapeaux tricolores et de barricades. Le peintre a nommé sa toile ''28 juillet'', date cruciale de la prise de l'[[hôtel de ville de Paris|hôtel de ville]] par les émeutiers. À la faveur de trois jours d'émeutes, Charles X abdique. [[Louis-Philippe Ier|Louis-Philippe]] prête fidélité à la Charte révisée le 9 août, inaugurant la [[monarchie de juillet]].

== Contexte de la réalisation et genèse de l'œuvre ==
Quand Delacroix livre la ''Liberté guidant le peuple'', il est reconnu comme le chef de file de l'école [[Romantisme français|romantique]] française. Il rejette l'idéal classique et les canons de l'[[peinture académique|art académique]] de son temps. Le peintre, dandy parisien, [[Orléanisme|libéral]] certes mais tout autant conservateur, est un bonapartiste et un antirépublicain déclaré. Son tableau ne vise donc pas à symboliser la république triomphante mais l'avènement du nouveau régime monarchique qui, dès 1832, voudra effacer le paradoxe de ses origines révolutionnaires. Pour s'attribuer les faveurs du roi, Delacroix, cyniquement, loue comme les autres, l'union des Français derrière Louis-Philippe, sa carrière dépendant des commandes officielles à une époque où la demande des collectionneurs reste encore faible. Cependant, son tableau a aussi une portée politique. Romantique porté par un sentiment [[Philhellénisme|philhellénique]] et qui s'est engagé pour la [[Guerre d'indépendance grecque|cause de l'indépendance grecque]], il est sensible à l'[[Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes|autodétermination du peuple français]]{{sfn|Toussaint|1982|p=9|loc=|id=}}{{,}}<ref>{{ouvrage|langue=en|auteur=Michael Marrinan|titre=Painting Politics for Louis - Philippe : Art and Ideology in Orléanist France 1830–1848|éditeur=Yale University Press|date=1988|passage=111}}.</ref>.
 
Réalisée à partir d'[[esquisse]]s tracées par l'auteur dès le 20 [[septembre 1830]], l'œuvre  achevée en trois mois n'est plus une « [[peinture d'histoire]] ». Eugène Delacroix en fait part à [[Charles-Henri Delacroix|son frère]] le {{Date|18|octobre|1830}} : « J'ai entrepris un sujet moderne, une barricade, et si je n’ai pas vaincu pour la patrie, au moins peindrai-je pour elle »{{sfn|Toussaint|1982|p=7-8|loc=|id=}}. L'artiste témoigne ici de la ferveur romantique qui lui fait traduire les événements révolutionnaires dont il est contemporain. Car si Delacroix appartient à une longue lignée de grands révolutionnaires qu'a produite le « pays des révolutions », il n'est pas un révolutionnaire convaincu<ref>F. Hamon et P. Dagen, ''Époque contemporaine {{sp-|XIX|e|-|XX|e|s}}'', coll. Histoire de l'Art, Flammarion, 1995, {{p.|68}}.</ref> à l'image de son ami [[Adolphe Thiers]]. Comme pour la [[philhellénisme|cause grecque]], sa bataille est avant tout d'[[atelier]]<ref>Yves Sjöberg, ''Pour comprendre Delacroix'', Beauchesne, 1963.</ref>. De son propre aveu, il a traversé les événements de juillet 1830 comme « un simple promeneur »<ref group=note>« Le simple promeneur comme moi avait la chance d'attraper une balle ni plus ni moins que les héros improvisés qui marchaient à l'ennemi avec des morceaux de fer, emmanchés dans des manches à balai ». Lettre à son neveu [[Charles de Verninac]], {{date-|17 août 1830}}. Il est cependant établi qu'il s'est rendu au [[Musée du Louvre|Louvre]] pour protéger les collections des combats.</ref>. Difficile pour le peintre de prendre parti contre le pouvoir qui a été l'un de ses principaux commanditaires. Cependant, la violence de la rue et le patriotisme réinventé enflamment son imagination picturale. À en croire [[Alexandre Dumas]], ce serait la vue du drapeau flottant sur Notre-Dame – ce qui explique la présence dans le coin droit supérieur des tours de Notre-Dame – qui l'aurait fait basculer :

{{Citation bloc|Quand Delacroix eut vu flotter sur Notre-Dame le drapeau aux trois couleurs, quand il reconnut, lui, le fanatique de l'Empire... l'étendard de I'Empire, il n'y tint plus : l'enthousiasme prit la place de la peur, et il glorifia ce peuple qui, d'abord, l'avait effrayé<ref>{{Ouvrage |langue=fr |auteur1=David Delpech |titre=La France de 1799 à 1848 |sous-titre=Entre tentations despotiques et aspirations libérales |éditeur=[[Armand Colin]] |année=2014 |pages totales=132 |isbn=978-2-200-29508-0 |isbn2=2-200-29508-1 |lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=O2PIAwAAQBAJ&pg=PT74&dq=quand+delacroix+eut+vu+flotter+sur+notre+Dame+le+drapeau}}.
</ref>.}}


Ces scènes de combat font aussi écho chez Delacroix à celle du [[Révolution de 1789|geste de 1789]]. Au moment de la réalisation de la toile, il travaille parallèlement sur deux tableaux inspirés de la Révolution française pour décorer la nouvelle [[Chambre des députés (Monarchie de Juillet)|Chambre des Députés]]. Mais la « vraisemblance poétique devait l'emporter sur la véracité d'un simple reportage{{sfn|Traeger|1992|p=11|loc=|id=}} » et l'œuvre dépasse la seule évocation d'une scène d'[[émeute]].

Sa ''Liberté'' a sans doute été inspirée d'une lecture des poèmes ''La Curée'' d'[[Auguste Barbier]] et de [[Casimir Delavigne]] ''Une semaine à Paris'', publié en 1830 dans ''La [[Revue de Paris]]'' qui décrit la foule des émeutiers guidée par une femme du peuple, allégorie de la Liberté<ref>« C'est que la Liberté n'est pas une comtesse / Du noble faubourg Saint-Germain » mais une « forte femme aux puissantes [[mamelle]]s ».</ref>.
Au-delà, l'œuvre multiplie les références picturales notamment au ''[[Radeau de la Méduse]]''.

== Signification et portée ==
[[Fichier:Wounded Amazon Sosicles type Louvre Ma552 n2.jpg|thumb|upright=.5|Amazone blessée du type de Sôsiklès. Copie romaine d'après un original grec du {{-s|V|e}}]]
Le personnage central féminin attire tous les regards. La Liberté emprunte autant à la statuaire antique – drapé, pieds nus, poitrine offerte – qu'aux représentations de la femme du peuple à la lourde musculature et à la peau [[bronzage|hâlée]]<ref group=note >[[Honoré de Balzac|Balzac]] y voit d'ailleurs une icône populaire qui devait inspirer le personnage de Catherine dans son roman ''[[Les Paysans]]'' (1855) : « Catherine, grande et forte, en tout point semblable aux filles que les sculpteurs et les peintres prennent, comme jadis la République, pour modèle de la Liberté, charmait la jeunesse de la vallée d’Avonne par ce même sein volumineux, ces mêmes jambes musculeuses, cette même taille à la fois robuste et flexible, ces bras charnus, cet œil allumé d’une paillette de feu, par l’air fier, les cheveux tordus à grosses poignées, le front masculin, la bouche rouge, aux lèvres retroussées par un sourire quasi féroce, qu’Eugène Delacroix, David d’Angers ont tous deux admirablement saisis et représentés. Image du peuple, l’ardente et brune Catherine vomissait des insurrections par ses yeux d’un jaune-clair, pénétrants et d’une insolence soldatesque. ».</ref>. Elle emprunte de même aux allégories sereines et hiératiques de la Liberté et de la République qui voient le jour après 1789, comme celles d'[[Antoine-Jean Gros]] ou de [[Nanine Vallain]]. Elle est ici tant une idée qu'une personne réelle, à mi-chemin entre le tangible et l'idée. C'est cette superposition de références et cette incertitude qui marque [[Heinrich Heine]] qui donne un long commentaire littéraire de l’œuvre : « une douleur impudente se lit dans ses traits, au total bizarre mélange de [[Phryné]], de poissarde et de déesse de la liberté <ref>Heinrich Heine, ''De la France'', Paris, Eugène Renduel, 1833, {{p.|300}}.</ref>». Curieusement, cette figure allégorique se mêle aux hommes et participe directement aux combats. Elle rassemble le peuple, les faubourgs et la bourgeoisie déclassée dans un même lyrisme révolutionnaire, portée par la construction pyramidale.

Pour l'historien [[Jean-Clément Martin]], le sein dénudé n'est pas simplement un code artistique calqué sur le modèle antique de [[Niké]] (déesse personnifiant la [[Victoire (allégorie)|Victoire]]) mais représente la femme comme mère nourricière, ce qui précisément limitait sa liberté<ref>{{Lien web|url=https://www.huffingtonpost.fr/2016/08/30/pourquoi-marianne-a-t-elle-le-sein-nu-la-reponse-de-trois-historiens_n_11772446.html|titre=Pourquoi Marianne a-t-elle le sein nu? La réponse de trois historiens|auteur=Anthony Berthelier|date=5 octobre 2016|site=huffingtonpost.fr}}.</ref>.

Pilier et piédestal, le peuple, dont la misère est sublimée par l'action héroïque, y est représenté comme un élément actif de la révolution. Cette lecture des événements de 1830 a, d'ailleurs, indisposé le premier public bourgeois, qui reproche à la Liberté la pilosité de son aisselle (montrée dans l'ambiguïté du jeu allégorique de Delacroix, elle choque plus que la nudité), et aux protagonistes leur « saleté », transgression des codes de la [[peinture académique]]{{sfn|Hadjinicolaou|1979|p=|loc=|id=}}.

Delacroix joue sur un registre patriotique en restreignant volontairement sa palette de couleur et disséminant dans le tableau  par un « motif conducteur » ([[leitmotiv]]) les trois couleurs du drapeau national. Il produit un effet d'identification : le public se sent appelé, sent qu'il fait partie du peuple – même si ce dernier est dépeint sous des traits ambigus.

Delacroix compose la scène à l'encontre des principes de la peinture de guerre auxquels les scènes de combats des révolutions de 1830 et 1848 se sont conformés<ref group=note >C'est le cas des toiles du Salon de 1831 qui traitent des Journées de Juillet. La comparaison de la ''Liberté'' avec ''La Barricade rue Soufflot'' d'[[Horace Vernet]] qui bien que postérieure de dix-huit ans traite d'un thème voisin, met en lumière le parti pris de Delacroix.</ref>. Les insurgés font face au spectateur, le dominent et marchent sur lui. Les adversaires ne sont que peu visibles, perdus dans les fumées de l'arrière-plan. Enfin, les assaillants forment une troupe disparate, dont chaque membre semble emprunter plusieurs directions.

== Réception, conservation et exposition ==
Le [[lyrisme]] et la [[violence]] à l'œuvre dans la toile ont tout d'abord surpris le public. Mais c'est surtout l'image qui est donnée de la populace et plus généralement de combattants des journées de juillet qui a scandalisé la critique. « Vraiment, M. Delacroix a peint notre belle révolution avec de la boue<ref>''Journal des artistes'', {{date-|8 mai 1831}} cité par Dominique Massonaud (sous la direction de), ''Le Nu moderne au salon (1799-1853) : revue de presse'', Grenoble, 2005, {{p.|121}}.</ref>. » Les détails morbides, les représentations sans concession du sale (peau laiteuse, pieds sales, ongles noirs, poils pubiens du cadavre à gauche) choquent les partisans d'un nouveau régime qui souhaite apaiser les [[classe populaire|classes populaires]] et donner une image idéalisée des combats{{sfn|Toussaint|1982|p=49-51|loc=|id=}}.

Louis-Philippe ne le fait pas directement acheter par la Couronne mais indirectement par le ministère de l'Intérieur, en octobre, pour la somme modeste de {{formatnum:3000}} francs. Il fait brièvement exposer la toile, non pas dans la Salle du Trône aux Tuileries, mais au musée Royal (le [[palais du Luxembourg]]), puis à Versailles, avant qu'elle ne soit décrochée en 1832, le [[Gouvernement Adolphe Thiers (1)|gouvernement d'Adolphe Thiers]] refusant que ce tableau soit exposé, de peur qu'il n'incite à d'autres émeutes populaires, telle que l'[[insurrection républicaine à Paris en juin 1832]]. En échange de deux toiles moins dérangeantes de Delacroix, le tableau est rendu à l'artiste, probablement en juillet 1839, par son ami [[Edmond Cavé]], [[:Catégorie:Directeur des beaux-arts|directeur des Beaux-Arts]]. Il est conservé dans des conditions précaires à [[Frépillon]], chez sa tante [[Léon Riesener|Félicité Riesener]], jusqu'à la mort de celle-ci. Delacroix récupère le tableau en 1848 à la suite de la [[Révolution française de 1848|révolution de février]], et, à sa demande, la toile reprend le chemin du [[musée du Luxembourg]], où elle est rapidement remisée dans ses réserves. Il obtient la permission de la faire figurer à l'[[exposition universelle de 1855]], sa première présentation à un large public, moyennant des retouches au bonnet phrygien dont le rouge vif est jugé trop subversif. De nouveau transférée au musée du Luxembourg (refuge des artistes vivants, d'où les plus dignes, après leur mort, doivent s'acheminer vers le Louvre), la toile n'y est exposée qu'en 1863 avant d'être finalement accueillie dans les collections du [[Palais du Louvre]] en 1874, sous la [[Troisième République (France)|Troisième République]], où elle est exposée depuis de manière permanente et abondamment reproduite par les manuels d'histoire pro-républicains. Cette absence pendant de nombreuses années a ainsi contribué à son statut d'œuvre mythique{{sfn|Toussaint|1982|p=38|loc=|id=}}{{,}}<ref>{{ouvrage|auteur=[[Christophe Charle]]|titre=La discordance des temps. Une brève histoire de la modernité|éditeur=Armand Colin|date=2011|passage=32-33}}.</ref>.

== Postérité ==
{{Média externe
 |image1=''[http://p3.storage.canalblog.com/38/97/864424/68965855.jpg La Marianne de Mai 68]''<br />([[Jean-Pierre Rey (photographe)|Jean-Pierre Rey]])
 |image2=''[https://media.nouvelobs.com/ext/uri/sreferentiel.nouvelobs.com/file/rue89/a7f27d217b5482cba242f959be5e4e5b.jpg Timbre soviétique de 1971 célébrant la Commune de pays]''
 |image3=''[https://cdn.radiofrance.fr/s3/cruiser-production/2020/06/6851c2b5-348d-480a-8f1b-1810f1fc3e67/1200x680_r1341_cov_american-uprising.jpg  American Uprising]''<br />(Kadir Nelson)}}
La scène a probablement inspiré à [[Victor Hugo]] sa barricade dans ''[[Les Misérables]]'' et plus particulièrement son personnage de [[Gavroche]]<ref>A. Sérullaz et V. Pomarède, ''Eugène Delacroix : La Liberté guidant le peuple'', collection Solo, Paris, 2004.</ref>{{,}}<ref>[http://www.crdp-montpellier.fr/produits/petiteshistoires/communs/docpp/PP_REV_Delacroix_Hugo.pdf CRDP de Montpellier, page "quelques liens remarquables, Delacroix et Hugo"].</ref>.

''La Liberté guidant le peuple'' figure parmi les œuvres du {{XIXe siècle}} les plus mobilisées au {{XXe siècle}} que ce soit pour un usage officiel, publicitaire ou scolaire{{sfn|Hadjinicolaou|1979|p=|loc=|id=}}. En France, elle prend valeur d'emblème. Son ancrage patriotique lui vaut de devenir un symbole républicain à partir [[Deuxième République (France)|de 1848]], voire une icône de la République : {{Citation|il faut attendre que la IIIe République soit solidement installée pour que les attributs de la Liberté perdent leur aspect subversif. Dès lors, le tableau de Delacroix entre dans le patrimoine républicain et semble incarner la longue lutte de la république contre la monarchie. Peu à peu, il perd en évocation révolutionnaire ce qu’il gagne en symbolique républicaine<ref>[[Mathilde Larrère]], « « La Liberté guidant le peuple ». Le destin d’une icône révolutionnaire », dans : Mathilde Larrère éd., ''Révolutions. Quand les peuples font l'histoire'', Belin,, 2013, p. 68-71.</ref>}}. L'œuvre illustre les [[billet de banque|billets de banque]] de cent [[franc français|francs]] de 1978 à 1995. La Liberté se meut en [[Marianne]] pour la série de [[timbre d'usage courant|timbres d'usage courant]] gravé par [[Pierre Gandon]], « [[Liberté de Gandon d'après Delacroix|Liberté]] » de 1982 à 1990, ou pour ''[[La Marianne de Mai 68]]'' de [[Jean-Pierre Rey (photographe)|Jean-Pierre Rey]]<ref>{{ouvrage|auteur=Virginie Chardin|titre=Paris et la photographie. Cent histoires extraordinaires de 1839 à nos jours|éditeur=Parigramme|date=2003|passage=184}}.</ref>.

L'œuvre incarne l'idéal révolutionnaire et le combat pour la liberté et pour cela a suscité de nombreuses relectures, appropriations, citations et imitations. Sa forte charge politique lui vaut d'être mobilisée pour envoyer des messages forts. En 1936, [[John Heartfield]] l'insère dans son [[photomontage]], ''La liberté même se bat dans leurs rangs''. Elle est détournée en 1995-1996 par l'artiste chinois [[Yue Minjun]] qui l'associe à la [[Manifestations de la place Tian'anmen|révolte de Tian'anmen]]<ref>[https://i.pinimg.com/originals/54/25/a4/5425a4f1d609a72b7feed3011af5e485.jpg ''La Liberté guidant le peuple'' de Yue Minjun], cf {{ouvrage|langue=en|auteur=Julia Frances Andrews, Kuiyi Shen, James Quandt, Uli Sigg|titre=Mahjong. Art, Film, and Change in China|éditeur=University of California, Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive|date=2008|passage=118}}.</ref>. Le photographe français [[Gérard Rancinan]] en propose son interprétation contemporaine et photographique – ''La Liberté dévoilée'' (2008) – sous une forme volontairement provocatrice<ref group=note>Il y {{Citation|aborde le thème de l’espoir cruel suscité par les promesses de liberté égrenées par les médias, alors que l’oppression persiste largement sous différentes formes}}. Cf {{Lien web|url=https://lewebpedagogique.com/bourguignon/2016/11/04/la-liberte-guidant-le-peuple-delacroix/|titre=Delacroix, Rancinan. La liberté en question|date=4 novembre 2016|site=lewebpedagogique.com}}.</ref>. Dans le domaine musical, le tableau illustre en 2008 la pochette de l'album ''[[Viva la Vida or Death and All His Friends]]'' du groupe [[Coldplay]]. Dans le domaine politique et médiatique, la silhouette allégorique a inspiré les logos du groupe politique [[Debout la République]] ainsi que celui de l'hebdomadaire politique ''[[Marianne (magazine)|Marianne]]''. En [[2009]], l'affiche de la [[fête de l'Humanité]]<ref group=note>[http://2.bp.blogspot.com/-NTvipn2rtT8/UUt5Zx_kj2I/AAAAAAAABEY/bW9rdnDFTAE/s1600/delacroix+affiche.jpg Affiche de ''la fête de l'Humanité'' à gauche et couverture de ''The Economist'' à droite], en 2009</ref> comporte, au premier plan, la ''Liberté'' noire, porteuse d'un drapeau rouge et d'une [[guitare électrique]], avec la poitrine couverte<ref>{{article|auteur=[[Pascal Riché]]|titre=Couvrez ce sein de la Liberté !|journal=[[Rue89]].com|date=27 août 2009|url=http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/rue89-mon-oeil/20090827.RUE8289/couvrez-ce-sein-de-la-liberte.html}}.</ref>. [[Andy Singer]] revisite l'œuvre en 2015 pour dénoncer le pouvoir des [[Multinationale|firmes transnationales]]<ref group=note>[https://i1.wp.com/tintinomania.com/wp-content/uploads/2018/11/Andy-Singer.png?resize=584%2C470&ssl=1 A corporate revolution par Andy Singer]</ref>. En 2019, le [[street artist]] Pascal Boyart réalise sur un mur rue d'[[Aubervilliers]] à Paris, une fresque  inspirée de Delacroix représentant une Marianne guidant des [[Mouvement des Gilets jaunes|Gilets jaunes]]<ref>{{Lien web|url=https://www.leparisien.fr/paris-75/paris-cette-fresque-aux-gilets-jaunes-peut-vous-faire-gagner-de-l-argent-10-01-2019-7985598.php|titre=Paris : cette fresque aux Gilets jaunes peut vous faire gagner de l’argent|auteur=Julien Duffé |date=10 janvier 2019|site=leparisien.fr}}.</ref>.L'artiste afro-américain engagé [[Kadir Nelson]] fait référence au tableau pour illustrer en 2020 la [[Antiracisme|lutte antiraciste]] dans une couverture du moi de juillet du magazine ''{{Langue|en|texte=[[Rolling Stone]]}}''<ref>{{Lien web|url=https://www.franceinter.fr/monde/snapshot-la-liberte-guidant-les-manifestants-en-une-du-magazine-rolling-stone|titre=SNAPSHOT - La Liberté guidant les manifestants en "une" du magazine Rolling Stone|auteur=Chadi Romanos|date=17 juin 2020|site=franceinter.fr}}.</ref>.

Sa valeur patrimoniale<ref group=note>La valeur déclarée du tableau est de 450 millions de francs en 1999. Cf {{Lien web|url=https://www.liberation.fr/culture/1999/02/16/un-vol-diplomatique-pour-la-libertele-delacroix-va-etre-expose-a-tokyo_265074/|titre=Un vol diplomatique pour «la Liberté»Le Delacroix va être exposé à Tokyo|auteur=[[Vincent Noce]]|date=16 février 1999|site=liberation.fr}}.</ref> lui vaut d'inspirer de nombreuses [[caricature]]s de presses et la rend sujettes aux [[détournement publicitaire|détournements publicitaires]]. L'œuvre est ainsi [[pastiche|pastichée]] en [[1999]] par le collectif [[La Brigade (groupe)|La Brigade]] sur la pochette du maxi ''Libérez''. En [[2008]], elle illustre la pochette du quatrième album de [[Coldplay]], ''[[Viva la Vida or Death and All His Friends]]'', référence au tableau de [[Frida Kahlo]]. Dans le film ''[[Mustang (film)|Mustang]]'', lorsque l'oncle des adolescentes (héroïnes du film) veut les rééduquer moralement, la grand-mère retire une photo de ''La Liberté guidant le peuple'' de leur chambre.

En tant qu'œuvre remarquable dans l'histoire de l'art occidental, elle fait l'objet d'un hommage dans le tableau ''George Sand dans l'atelier de Delacroix avec Musset, Balzac et Chopin''<ref>{{Lien web |auteur=Herman Braun-Vega |titre=George Sand dans l'atelier de Delacroix |description=Acrylique sur toile et collages, 146 x 146 cm |url=https://braunvega.com/picture?/45/category/3-2007_2004 |consulté le=2022-11-11}}</ref> réalisé par le peintre péruvien [[Herman Braun-Vega]] à la demande des Musées de Châteauroux, en 2004, à l'occasion du bicentenaire de la naissance de George Sand. Au delà de l'hommage à George Sand, ce tableau est pour Braun-Vega, l'occasion de souligner la filiation artistique entre Goya et Delacroix et la similitude entre ''La liberté guidant le peuple'' et deux tableaux: ''2 de mayo de 1808'' et ''3 de mayo de 1808'' peints par Goya<ref>{{Ouvrage|auteur1=Musées de Châteauroux|titre=George Sand|sous-titre=Interprétations 2004|passage=75|lieu=Nantes|éditeur=éditions joca seria|date=2004|pages totales=256|isbn=978-2-848-09036-8|extrait=Accrochée au mur [...], on voit une eau-forte ''Que se la llevaron'' de ''Los caprichos'' de Goya. On sait que Delacroix en a fait d'excellentes copies à la plume. Aujourd'hui, il semble évident que ''Le 28 juillet, La Liberté guidant le Peuple'' (1831) a une relation syncrétique avec deux formidables tableaux: ''2 de mayo de 1808'' et ''3 de mayo de 1808'' peints par Goya, représentant la révolte d'un peuple et la violence répressive. }}</ref>. Le tableau hommage de Braun-Vega est exposé pour la première fois en 2004-2005 au [[Couvent des Cordeliers de Châteauroux]].

L'œuvre a plusieurs fois été [[Censure|censurée]], sa nudité étant jugée indécente. Prêtée par le Louvre au Musée national de Tokyo pour y être exposée du 26 février au 28 mars 1999, la toile est transportée par un [[Airbus A300-600ST|Airbus Beluga]] sur le fuselage duquel est imprimée une photographie du tableau. [[Incident diplomatique|Pour ne pas heurter]] la population du [[Bahreïn]] où l'avion fait escale, [[Airbus Commercial Aircraft|Airbus Industrie]] a masqué les seins par un stick<ref name="Caron">{{Article|auteur=[[Jean-Claude Caron (historien)|Jean-Claude Caron]]|titre=Si proche, si loin. Réflexions sur quelques usages contemporains du XIXe siècle|périodique=Romantisme|date=2021|numéro=191|pages=50}}.</ref>. En 2006, elle est considérée comme ''« undignified or improper »'' par essence (« manquant de dignité ou indécent »). Elle illustre l’étiquette de la bière des Sans-Culottes ([[brasserie La Choulette]]) et sa commercialisation a donné lieu à un débat sur la [[liberté d'expression]] dans le [[Maine (États-Unis)|Maine]] et dans quatre autres États des États-Unis<ref>{{article|lang=en|auteur=Katie Zezima|titre=Ban on Saucy Beer Labels Brings a Free-Speech Suit|journal=[[The New York Times]].com|date=3 décembre 2006|url=https://www.nytimes.com/2006/12/03/us/03beer.html}}.</ref>{{,}}<ref>[http://www.mclu.org/News/PressReleases/11_30_06.html Maine Civil Liberties Union Foundation].</ref>. La même année, le  [[Ministère de l'Éducation nationale (Turquie)|ministère de l'Éducation nationale turc]] censure des manuels scolaires comportant une reproduction du tableau<ref>{{article|url=https://www.lemonde.fr/culture/article/2006/10/23/un-tableau-de-delacroix-censure-en-turquie_826657_3246.html|titre=Un tableau de Delacroix censuré en Turquie|date=23 octobre 2006|périodique=Le Monde}}.</ref>. Il a connu également en mars 2018  la censure de [[Facebook]] qui, invoquant « une image de nudité », a temporairement bloqué sa diffusion<ref name="Caron"/>.

Au moins deux [[photographie]]s prises le {{date|11|janvier|2015}} à [[Paris]] lors de la [[Manifestations des 10 et 11 janvier 2015|grande manifestation]] hommage aux victimes des [[Attentats de janvier 2015 en France|attentats]], ont été a posteriori nommées ''[[Le Crayon guidant le peuple]]'', du fait de leur similitude esthétique et symbolique avec le tableau. Les photographies représentent des manifestants montés sur le groupe monumental du ''[[Le Triomphe de la République|Triomphe de la République]]'' de [[Jules Dalou]], [[Place de la Nation (Paris)|place de la Nation]] à [[Paris]].

<gallery mode="packed" heights="150px">
Hundred franc note delacroix 1993.jpg|Au recto du billet de banque [[100 francs Delacroix]], l'autoportrait d'Eugène Delacroix tenant au premier plan, sa palette et ses pinceaux devant un détail du tableau, La Liberté guidant le peuple.
The separation barrier which runs through Bethlehem.jpg|Mur de séparation traversant Bethléem
0 La Liberté guidant le peuple - Eugène Delacroix (1).JPG|La toile au [[Louvre-Lens]].
</gallery>

== Déplacements ==
[[file:Airbus Transport International A300-608ST Beluga (F) (F-GSTC 765 3) (4375277382).jpg|thumb|upright=1.1|En 1999, le tableau d'[[Eugène Delacroix]] ''La Liberté guidant le peuple'' est transporté par un Beluga.]]
Située dans la salle Mollien, au musée du Louvre, l'œuvre est plusieurs fois déplacée pour être prêtée à des expositions temporaires. En [[1956]], une tournée de l'œuvre dans le [[bloc de l'Est]] est projetée, notamment à [[Varsovie]], [[Moscou]] et [[Leningrad]], mais ce projet n'aboutit pas{{refsou|date=janvier 2022}}. En 1999, le tableau est transporté par un [[Airbus Béluga|Beluga d'Airbus]], qui est décoré avec une reproduction de l’œuvre constituée de panneaux adhésifs. Les dimensions du tableau, sa valeur et sa fragilité imposaient ce type de transport, en raison de la taille du caisson créé spécialement pour le protéger : destiné à annuler les vibrations et les variations climatiques, il est équipé de capteurs et mesure {{dunité|3,50|4,50|m}}<ref name=depeche>[https://www.ladepeche.fr/article/1999/02/17/238730-la-decoration-du-beluga-est-signee-delacroix.html Site ladepeche.fr, article "La décoration du Beluga est signée.... Delacroix"], consulté le 13 janvier 2020.</ref>{{,}}<ref name= "Monde">{{article|langue=fr|url=https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/12/11/la-france-veut-preter-la-liberte-de-delacroix-a-la-chine_3529085_3246.html|titre=La France veut prêter « La Liberté... » de Delacroix à la Chine|auteur1= Harry Bellet|auteur2= Yves-Michel Riols|jour=11|mois=décembre|année=2013|périodique=Le Monde|consulté le=15 septembre 2020}}.</ref>. Deux restaurateurs sont également intervenus sur le tableau afin de le préparer à l'épreuve de ce voyage<ref name= "Monde"/>. À Tokyo, le tableau a été vu par {{nombre|350000|visiteurs}} en moins d'un mois<ref name= "Monde"/>.

Le tableau est déplacé une seconde fois à [[Strasbourg]] en [[2004]]{{refsou|date=janvier 2022}}. En [[2012]], il est prêté à l'[[Louvre-Lens|antenne du musée]] à [[Lens (Pas-de-Calais)|Lens]], pour l'exposition ''[[La Galerie du temps]]''. Le {{date-|7 février 2013}}, une visiteuse vandalise la toile au marqueur<ref>{{Article |langue=fr |titre=L'inscription sur "La Liberté guidant le peuple" "intégralement retirée" |périodique=Le Monde.fr |date=2013-02-07 |lire en ligne=https://www.lemonde.fr/culture/article/2013/02/07/la-liberte-guidant-le-peuple-degradee-au-louvre-lens_1828901_3246.html |consulté le=2021-04-19 }}</ref> ; l'inscription<ref>Le tag « AE911 » fait référence à [https://www.ae911truth.org « {{Langue|en|texte=Architects & Engineers for 9/11 Truth}} »], association qui regroupe des architectes et des ingénieurs tenant de la [[théorie du complot]] autour des [[attentats du 11 septembre 2001]]. Cf {{Lien web|url=http://www.slate.fr/france/68101/delacroix-louvre-lens-ae911|titre=Dégradation d'un Delacroix au Louvre-Lens: à quoi peut renvoyer «AE911»?|auteur=Jean-Marie Pottier|date=8 février 2013|site=slate.fr}}.</ref> étant superficielle et restée en surface du vernis sans atteindre la couche picturale, elle est nettoyée le jour suivant<ref>{{article|url=https://www.sciencesetavenir.fr/decryptage/mon-intervention-a-permis-de-supprimer-l-encre-sans-solubiliser-le-vernis_35529|auteur=Bernadette Arnaud|titre=Mon intervention a permis de supprimer l’encre sans solubiliser le vernis|périodique=[[Sciences et Avenir]].fr|date=21 février 2013}}.</ref>. Le tableau est retourné dans les murs du musée du Louvre le {{date-|11 décembre 2013}}<ref>[http://bobler.com/standalone/3d02a675b8285f503a82aa2cc2d20d2c Déclaration vocale du directeur des collections du Musée du Louvre], Enregistré sur l'application [[Bobler]], 10 décembre 2013.</ref>.

== Notes et références ==
=== Notes ===
{{Références|colonnes=2|group=note}}
=== Références ===
{{Références}}

== Voir aussi ==
{{Autres projets|commons=Category:La Liberté guidant le peuple (RF 129) by Eugène Delacroix}}
=== Bibliographie ===
{{Légende plume}}
* {{Chapitre|langue=en|prénom1=David|nom1=Bellos|lien auteur1=David Bellos|titre chapitre=In the Mind's Eye|sous-titre chapitre=The Meanings of ''Liberty Guiding the People''|auteurs ouvrage=Michael Freeman, Elizabeth Fallaize, Jill Forbes, Toby Garfitt, Roger Pearson et Janis Spurlock (dir.)|titre ouvrage=The Process of Art|sous-titre ouvrage=Essays on Nineteenth-century French Literature, Music in Honour of Alan Raitt|lieu=Oxford|éditeur=Clarendon Press|année=1998|pages totales={{XXXII}}-214|isbn=0-19-815953-6 |passage=11-24}}.
*T.J. Clark, ''Le Bourgeois absolu - Les Artistes et la politique en France de 1848 à 1851'', Art édition, 1992. (Chapitre I - {{en}} « The picture of the Barricade » [http://www.ithaca.edu/faculty/wells/350/Clark_Barricades.pdf consultable en ligne]).{{plume}}
*{{Article |prénom1=Nicos  |nom1=Hadjinicolaou|titre= ''La Liberté guidant le peuple'' de Delacroix devant son premier public|périodique=Actes de la recherche en sciences sociales |volume=28 |date=1979 |pages= |lire en ligne=http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1979_num_28_1_2637 |plume=oui}}.
*Lee Johnson et Michèle Hannoosh (ed.), Eugène Delacroix, ''Les Nouvelles Lettres'', Bordeaux, William Blake & Co., 2000.{{plume}}
*{{Ouvrage |prénom1= Hélène |nom1= Toussaint|titre=La Liberté guidant le peuple |éditeur=RMN |collection=les dossiers du Département du Louvre |numéro dans collection=26 |année=1982 |isbn= |lire en ligne= |plume=oui}}.
*{{Article |prénom1=Jörg  |nom1= Traeger|titre=L'épiphanie de la Liberté. La Révolution vue par Eugène Delacroix |périodique=Revue de l'Art |volume=98 |date=1992 |pages=p.9-28 |lire en ligne= |plume=oui}}.
*Myriam Tsikounas, « Le Gamin et la Liberté à la conquête des beaux quartiers », ''Imaginaires urbains. Du Paris romantique à nos jours'', Paris, [[Éditions Le Manuscrit|Le Manuscrit]], janvier 2011, {{p.|247-250}}.{{plume}}

=== Articles connexes ===
* [[Liste des œuvres d'Eugène Delacroix]]
* ''[[La Galerie du temps]]'', [[Liste des expositions du Louvre-Lens|exposition]] du [[Louvre-Lens]]
* ''[[La beauté est dans la rue]]''

=== Liens externes ===
{{Liens}}
* [http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/le-28-juillet-la-liberte-guidant-le-peuple Site du Louvre : analyse de l'œuvre]
* [http://www.histoire-image.org/site/oeuvre/analyse.php?i=234 Présentation de l'œuvre par Malika Dorbani-Bouabdellah sur le site « L'histoire par l'image »]

{{Palette Eugène Delacroix}}
{{Portail|peinture|années 1830|Monarchie de Juillet|libéralisme|société|musée du Louvre}}

{{CLEDETRI:Liberte guidant le peuple, La}}
[[Catégorie:Tableau d'Eugène Delacroix]]
[[Catégorie:Tableau réalisé en 1830]]
[[Catégorie:Tableau romantique]]
[[Catégorie:Symbole de la liberté]]
[[Catégorie:Cathédrale Notre-Dame de Paris dans la peinture]]
[[Catégorie:Sein dans la peinture]]
[[Catégorie:Arme à feu dans la peinture]]
[[Catégorie:Drapeau de la France dans la peinture]]
[[Catégorie:Collection de peintures françaises du Louvre]]
[[Catégorie:1831 en France]]
[[Catégorie:Œuvre picturale vandalisée]]
[[Catégorie:Œuvre du libéralisme]]
[[Catégorie:Œuvre exposée au Salon de 1831]]
[[Catégorie:Représentation de Marianne]]
[[Catégorie:Œuvre picturale censurée]]
[[Catégorie:Œuvre d'Eugène Delacroix au musée du Louvre]]