Sécessionnisme en Australie-Occidentale

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Bulletin sécessionniste Comment voter, 1933

Le sécessionnisme a été une caractéristique récurrente du paysage politique d'Australie-Occidentale depuis la colonisation européenne en 1829. L'idée d'auto-gouvernance ou sécession a souvent été discutée à travers des articles et des éditoriaux de journaux locaux et, à plusieurs reprises, a fait surface au cours d'événements très médiatisés dont un référendum d'État en 1933. Des groupes organisés ont été créés pour agir lorsque les évènements étaient en leur faveur.

Les arguments en faveur de la sécession sont fondés sur l'hypothèse selon laquelle un gouvernement fédéral basé à Canberra favoriserait les intérêts commerciaux et les populations des endroits les plus peuplés. On a dit que l'Australie-Occidentale est un État oublié, un État-Cendrillon — contribuant davantage aux fonds fédéraux qu'il n'en bénéficie — victime de discrimination de la part des États plus peuplés.

Dans l'économie moderne, l'Australie-Occidentale est l'État le plus prospère pour ce qui est du revenu par habitant : 45 277 dollars australiens en 2003-2004 par rapport à la moyenne nationale de 39 234 dollars[1].

Auto-gouvernance coloniale[modifier | modifier le code]

Des pétitions demandant des élections représentatives pour certains des postes au Conseil législatif d'Australie-Occidentale furent présentées à Londres en 1865 et 1869. Cela est accordé en 1870, mais le droit de veto du gouverneur est maintenu.

En 1887, une nouvelle constitution incluant le droit d'auto-gouvernance est rédigée et, en 1890, la loi prévoyant l'autonomie gouvernementale est adoptée par la Chambre des communes britannique et approuvée par la reine Victoria.

Auralia, le mouvement sécessionniste des goldfields[modifier | modifier le code]

Carte montrant les frontières proposées pour la nouvelle colonie d'Auralia

Après plusieurs années de lobbying, en 1899, à l'issue d'une campagne bien organisée, une pétition fut présentée au gouverneur d'Australie occidentale, le Lieutenant-Colonel Sir Gerard Smith (en), intitulée « Pétition à Sa Majesté la Reine des résidents de l'Eastern Goldfields, avec une réfutation des déclarations faites dans la pétition, par Sir John Forrest[trad 1] » argumentant pour la séparation de la région d'avec la colonie d'Australie-Occidentale[2]. Le gouvernement d'Australie-Occidentale, dirigé par le Premier ministre John Forrest, dans le même temps, vacillait dans son soutien à la fédération naissante dans la mesure où il pensait pouvoir trouver une meilleure solution pour l'État alors qu'il était soumis à la pression des comités des autres États afin d'organiser un référendum pour la fédération.

Les gouvernements des autres États saisirent cette opportunité pour le menacer secrètement, disant que son refus d'appuyer le projet de fédération pourrait signifier son approbation aux séparatistes des goldfields. Ceci, au moins partiellement, encouragea le gouvernement d'Australie-Occidentale à se joindre au mouvement fédéraliste[3].

Fédération[modifier | modifier le code]

En 1900, l'Australie-Occidentale, ainsi que les cinq autres colonies britanniques votent le fait de rejoindre la fédération australienne, sous les règles de la constitution Australienne. Environ 64 000 des 96 000 électeurs de l'Australie occidentale votèrent pour cette fédération bien que la plupart des circonscriptions électorales aient voté non, à l'exception d'Albany et des Goldfields qui votèrent oui.

La constitution, entrée en vigueur le , indique dans son préambule[4] :

« Attendu que les peuples de New South Wales, Victoria, Australie du Sud, Queensland et de la Tasmanie, s'appuyant humblement sur la bénédiction de Dieu Tout-Puissant, sont convenus de s'unir dans un commonwealth fédéral indissoluble sous la Couronne du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande, et en vertu de la Constitution instituée.

Et considérant qu'il est opportun de prévoir l'admission dans la Communauté des autres colonies d'Australasie et possessions de la Reine…[trad 2] »

L'Australie-Occidentale ne fut pas explicitement mentionnée dans le préambule, son vote ayant été reporté trop tard pour que le document puisse être remanié.

Référendum de 1933[modifier | modifier le code]

James MacCallum Smith, propriétaire d'un quotidien local, The Sunday Times, commença à publier des articles en faveur du sécessionnisme en 1907, sous la plume de son rédacteur en chef, Alfred Chandler. Smith faisait partie d'un groupe sécessionniste et continua son action durant le milieu des années 30 lorsqu'un groupe nationaliste acheta la compagnie qui possédait son journal. En 1926, Smith et d'autres mirent en place la ligue sécessionniste afin d'obtenir un moyen public de faire avancer leur cause.

Keith Watson (à gauche) et James MacCallum Smith (à droite), montrant une page de la pétition sécessionniste de 1933.

Juste avant la grande dépression en Australie, en 1930, le produit d'exportation principal de l’État était le blé. Cependant, du fait de la dépression, le prix du blé chuta et le chômage à Perth atteignit 30 %, entraînant des ravages économiques.

Toujours en 1930, Keith Watson fonda la ligue du Dominion (Dominion League) qui militait pour la sécession et la création d'un Dominion de l'Australie-Occidentale (Dominion of Western Australia). La ligue tint de nombreux rassemblements et réunions publiques, misant sur le mécontentement général provoqué par la dépression.

Lancement public de la Dominion League au théâtre royal, Perth, le 30 juillet 1930

Pour contrer le mouvement sécessionniste, une ligue fédérale pour l'Australie occidentale (Federal League of Western Australia) fut formée ; elle organisa une compagne pour le non. Elle rassembla plusieurs personnalités importantes de l'état, telles que le Premier ministre Joseph Lyons, le sénateur George Pearce et l'ancien Premier ministre Billy Hughes pour une tournée de conférences à Perth, Fremantle et dans les communautés urbaines du pays, mais l'accueil fut souvent hostile. Les fédéralistes prônaient une convention constitutionnelle chargée d'examiner les griefs contre l'État mais fut incapable de contrer la campagne menée sur le terrain par la Dominion League. La question de la tenue d'une convention constitutionnelle était la deuxième question posée lors du référendum.

Le , le Premier ministre nationaliste, Sir James Mitchell, fit tenir un référendum sur la sécession, en parallèle de l'élection parlementaire. Les nationaliste firent campagne en faveur de la sécession tandis que le parti travailliste s'opposait à la scission de la fédération. 68 % des 237 198 votants se prononcèrent en faveur de la sécession, mais, dans le même temps, les nationalistes furent défaits. Seules les zones minières, peuplées par des fédéralistes enthousiastes, votèrent contre la scission.

La délégation pour la sécession de l'Australie Occidentale à Londres.

Le nouveau gouvernement travailliste de Philip Collier envoya une délégation à Londres auprès du gouvernement britannique avec le résultat du référendum en tant que pétition pour faire annuler la précédente loi du parlement qui autorisait la création de la fédération Australienne. La délégation comprenait l’Agent Général (en) Sir Hal Colebatch, Matthew Lewis Moss, James MacCallum Smith et Keith Watson. Leur argumentation était la suivante :

« Nos opposants accordent beaucoup d'importance aux mots contenus dans le préambule de la constitution du commonwealth Australien :

Sont convenus de se réunir en un seul Commonwealth fédéral indissoluble sous l’autorité de la Couronne du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande et en vertu de la Constitution instituée. [trad 3]

L'accent est mis sur le mot indissoluble. Nous insistons sur l'importance du reste du paragraphe : Sous l’autorité de la Couronne et en vertu de la constitution. Cela signifierait-il que, si, — suggestion hautement improbable — le toujours fidèle Commonwealth d'Australie décidait de rompre avec la Couronne et d'établir une république, nous serions, en Australie Occidentale, toujours liés par un Commonwealth indissoluble ?

Notre propos consiste à dire que les mots en vertu de la constitution établie ont une importance similaire, et si nous pouvons démontrer — comme nous nous y sommes préparés — que dans nombre de cas essentiels la constitution a été violée à notre détriment, nous sommes en droit d'être relevés de nos obligations. La fédération est un partenariat entre six États auxquels certaines garanties ont été fournies et certaines sauvegardes ont été apportées. Nous pouvons constater que ces garanties ont été violées — et certaines clauses de sauvegarde ont été balayées — et nous demandons donc l'annulation de ce partenariat.

Après tout, que signifie le mot indissoluble ? Rappelons qu'il n’apparaît que dans le préambule et non dans l'acte lui-même. Quel arrangement, en ce monde, peut être considéré comme indissoluble ? Les législateurs de n'importe quel pays, "investis d'une brève autorité" peuvent-ils engager leur peuple non seulement jusqu'à la troisième ou quatrième génération mais pour l'éternité ? Y a-t-il de la justice ou du bon sens à maintenir une entente qui fonctionne mal ? Une partie prenante de cet accord — après lui avoir accordé une période d'essai de 35 ans et ayant prouvé qu'il était une entrave à ses industrie, qu'il détruisait sa prospérité et qu'il était un barrage à son développement — est-elle interdite de demander réparation[5] ? »

La Chambre des communes créa un haut-comité pour examiner la question, mais, après dix-huit mois de lobbying et de négociations, refusa finalement la demande, déclarant ensuite qu'elle ne pouvait légaliser une sécession effective. La délégation retourna chez elle les mains vides.

Du fait de l'échec des négociations et de la reprise économique, la ligue perdit progressivement ses partisans et, en 1938, elle cessa d'exister.

Le mouvement sécessionniste Westralian en 1974[modifier | modifier le code]

Drapeau du "Dominion de Westralia" proposé en 1934

Le magnat du minerai de fer Lang Hancock, fonda le mouvement sécessionniste Westralian en 1974. Son mouvement se concentrait en grande partie sur les taxes et les droits de douane arguant que les restrictions au libre échange mettaient l’État en péril, particulièrement les mines et les exportations de blé. À l'élection sénatoriale de 1974, le parti proposa infructueusement Don Thomas en tant que candidat.

L'économie de l'Australie était cependant dans une phase d'expansion avec des investissements dans d'importants travaux et la prospérité atteignait son plus haut niveau historique. Le mouvement a stagné au bout de quelques années.

Situation actuelle[modifier | modifier le code]

Le , lors d'une conférence publique, l'ancien Premier ministre d'Australie-Occidentale, Richard Court, a indiqué que le mouvement sécessionniste était fortifié par le gouvernement fédéral qui continuait d'exploiter l'économie de l'État, riche en ressources naturelles, et ne partageait pas équitablement la prospérité. Il a soutenu que l'Australie-Occidentale intervenait pour 35 % des recettes d'exportation du pays mais que la plupart de ces recettes étaient utilisées pour renforcer le pouvoir financier grandissant de Canberra. L'État abrite environ 9 à 10% de la population du pays, génère plus de 10% des recettes mais ne reçoit que 6% des sommes distribuées. Court a souligné que si le gouvernement fédéral continue sur la voie actuelle, en 2020 l'Australie-Occidentale ne recevra que 5% des sommes distribuées par la Commission des subventions du Commonwealth. L'ancien premier ministre a déclaré qu'il ne préconisait pas la sécession, mais il a souligné qu'il fallait résoudre le déséquilibre financier et qu'il était « temps de le faire maintenant ».

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. (en) « An Economic History of Western Australia since Colonial Settlement », sur Department of Treasury and Finance, (consulté le ).
  2. (en) « Auralia », sur Library and Information Service of Western Australia (consulté le )
  3. (en) « Separation movement on the Eastern Goldfields, 1894-1904 », Journal and proceedings Western Australian Historical Society, vol. 4, no part 5(1953),‎ , p. 41–58
  4. (en) The Attorney-General's Department, « Preamble to the Australian Constitution » (consulté le )
  5. (en) Library and Information Service of Western Australia, « Secession 1929-1939: London » (consulté le )

Traductions[modifier | modifier le code]

  1. (en) « Petition to Her Majesty the Queen from persons residing on the Eastern Goldfields, together with a refutation of the statements made in the petition, by Sir John Forrest »
  2. (en) « Whereas the people of New South Wales, Victoria, South Australia, Queensland, and Tasmania, humbly relying on the blessing of Almighty God, have agreed to unite in one indissoluble Federal Commonwealth under the Crown of the United Kingdom of Great Britain and Ireland, and under the Constitution hereby established. And whereas it is expedient to provide for the admission into the Commonwealth of other Australasian Colonies and possessions of the Queen… »
  3. (en) « Our opponents lay great stress on the words contained in the preamble to the Commonwealth of Australia Constitution Act:

    Have agreed to unite in one indissoluble Federal Commonwealth under the Crown of the United Kingdom of Great Britain and Ireland and under the Constitution hereby established.
     »

Liens externes[modifier | modifier le code]