Shimon Agranat

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

Shimon Agranat
Illustration.
Fonctions
Président de la Cour suprême d'Israël

(11 ans)
Commission Commission Agranat sur les manquements lors de la guerre du Kippour
Prédécesseur Yitzhak Olshan
Successeur Yoel Zussman
Biographie
Date de naissance
Lieu de naissance Louisville, États-Unis d'Amérique
Date de décès (à 85 ans)
Lieu de décès Jérusalem
Diplômé de Université de Chicago
Profession Juge
Distinctions Prix Israël

Shimon Agranat (hébreu : שמעון אגרנט, né le 5 septembre 1906 et mort le 10 août 1992, était un juriste israélien, le troisième président de la cour suprême d'Israël, de 1965 à 1976.

Biographie[modifier | modifier le code]

Agranat est né au sein d’une famille juive sioniste à Louisville en 1906. Ses parents, Aaron Joseph Agranat et Polya Schnitzer, avaient immigré de Russie aux États-Unis peu avant sa naissance. Il grandit à Chicago et fait sa scolarité dans des écoles juives. Il étudie le droit et la philosophie à l’université de Chicago, et sort diplômé en 1929. Il émigre en Palestine mandataire en 1930 et s'installe à Haifa.

Agranat parle Hébreu avec un fort accent américain[1]. Il épouse Carmel Friedlander, fille d’Israël Friedlander et nièce de Norman Bentwich. Le couple vit dans le quartier de Nayot à Jérusalem[2], et a cinq enfants.

Agranat meurt à Jérusalem le 10 août 1992[3].

Carrière[modifier | modifier le code]

En avril 1932, Agranat obtient sa certification de juriste en Palestine. Après avoir achevé un internat à Jérusalem, il travaille comme juriste dans le privé. En 1940, il est nommé juge au tribunal d’Haïfa. En 1948, il devient président de ce tribunal.

En décembre 1948, il est nommé à la cour suprême, à 42 ans, devenant un des plus jeunes juges de Cour suprême[4]. Il est désigné pour présider la cour lors du procès en appel de l’affaire Kastner en 1956, appel jugé en 1957. Durant cette période, il est escorté par un garde du corps armé [5]. De 1954 à 1966, il est également professeur de droit criminel à l’université hébraïque de Jérusalem. Il devient président de la Cour suprême en 1965, poste qu’il conserve jusqu’en 1976, année où il prend sa retraite à 70 ans.

En 1955, il est nommé président du comité central des élections, chargé de superviser les élections législatives de cette année[6].

En 1974, il dirige la commission Agranat, qui enquête sur la guerre du Kippour. Les découvertes de la commission conduisent à la démission de la Première ministre Golda Meir, du ministre de la Défense Moshe Dayan, et du chef d’état-major David Elazar[7].

Après sa retraite de ses fonctions de juge, il enseigne à l’université de Jérusalem et à université de Tel Aviv[8].

Décisions importantes[modifier | modifier le code]

Décision Kol Ha'am[modifier | modifier le code]

En 1953, deux journaux communistes avaient laissé entendre qu’ils pourraient pousser les militaires à la désobéissance, à la suite d’une rumeur d’une participation israélienne à une éventuelle guerre entre les États-Unis et l’URSS. Le ministre les suspendit pour 10 et 15 jours respectivement, pour atteinte à l’ordre public. Défendant la liberté d'expression, le juge Agranat estima qu’il ne suffisait pas qu’une atteinte à l’ordre public soit possible pour suspendre un journal dans une société démocratique, mais qu’il fallait qu’elle soit fortement probable, et non une simple possibilité. La Cour suprême a donc invalidé la décision ministérielle dans une de ses décisions les plus importantes[9].

Décision lors de l’appel du procès Kastner[modifier | modifier le code]

Sa décision de 194 pages, rendue en janvier 1958, disculpant Kastner et condamnant Gruenwald pour diffamation, est considérée comme en avance sur son temps[10]. Sa connaissance de la jurisprudence américaine transparaît dans sa rédaction[11]. Il prend soin de retracer le contexte des évènements, refusant la version couramment admise de la Shoah en Hongrie pour en établir une plus pondérée, considérée comme proche des standards historiques actuels[10]. Il prend soin d’exprimer du respect pour toutes les parties prenantes (accusé, plaignant, avocats, juge de première instance)[12]. Enfin, pour décider dans cette difficile affaire, il avait le choix entre plusieurs procédures : la procédure civile (comme le demandait le défenseur Shmuel Tamir), la procédure criminelle (réclamée par les plaignants), le droit des affaires (comme le juge en première instance Benjamin Halevy. Mais devant la gravité des charges (collaboration avec Adolf Eichmann à l’extermination des Juifs de Hongrie), il considère qu’un acquittement de Gruenwald exige des preuves fortes et claires, qui n’ont pas été fournies lors du procès. De plus, il innove en s’inspirant de la loi sur le châtiment des nazis et de leur collaborateurs (1950). Celle-ci permet des normes habituelles de preuve si cela est indispensable à la découverte de la vérité[12]. Il exprime aussi sa conception du jugement : le juge doit se mettre dans les chaussures des participants ; évaluer les problèmes qu’ils ont dû affronter comme ils auraient eux-même pu le faire ; prendre en compte les nécessités du moment et de l’endroit, où ils devaient vivre leurs vies, et comprendre leurs vies comme eux-mêmes les comprenaient[13]. Il refuse donc une jurisprudence mécanique pour pencher vers une jurisprudence sociologique[14] pour réfuter les fictions légales utilisées par le juge Halevy, détaillant pourquoi il était impossible d’envisager les négociations entre Eichmann et Kastner comme se déroulant entre partenaires libres et égaux[14], que Kastner n’a jamais une connaissance certaine et entière de la suite des évènements[15] et qu’également, il n’a pas eu d’intention criminelle (il insiste sur ce point pour éviter un nouveau procès Kastner sur la base de la loi sur le châtiment des collaborateurs des nazis demandé par l’opinion)[16]. Comme il n’y a pas de chemin droit et clair au printemps 1944 en Hongrie, il juge qu’il n’était pas déraisonnable pour Kastner de poursuivre les négociations, celle sur le train Kastner n’étant qu’une parmi d’autres[17].

Récompenses et hommages[modifier | modifier le code]

Place Agranat en 2011

En 1968, Agranat reçoit le prix Israël pour sa contribution à la jurisprudence israélienne[18].

Une place à l’entrée de la cour suprême d'Israël[19] porte son nom[7].

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. « Shimon Agranat, Dead at 86, Was Prominent Israeli Jurist », Jewish Telegraphic Agency,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. Batei Tzioney America, Kol Ha'ir, Ruth Yovel, July 3, 1987 (Hebrew)
  3. Joseph Finklestone, « Obituary: Shimon Agranat », The Independent,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. Pnina Lahav, Judgement in Jerusalem: Chief Justice Simon Agranat and the Zionist Century, University of California Press,
  5. Pnina Lahav, Judgment in Jerusalem: Chief Justice Simon Agranat and the Zionist Century (chapitre 7 : « Blaming the Victims : The Kasztner Trial) ». Berkeley: University of California Press, 1997, p. 127.
  6. P. Lahav, op. cit., p. 126.
  7. a et b The Frying Pan and the Fire
  8. « Simon Agranat Dead; Senior Israeli Jurist, 86 », The New York Times,‎ (lire en ligne)
  9. David Kretzmer, Isabelle Richet (traductrice), « Les Droits de l’homme en Israël », Pouvoirs, no 72, 1995, p. 39.
  10. a et b P. Lahav, op. cit., p. 128.
  11. P. Lahav, op. cit., p. 134.
  12. a et b P. Lahav, op. cit., p. 129.
  13. P. Lahav, op. cit., p. 132.
  14. a et b P. Lahav, op. cit., p. 135.
  15. P. Lahav, op. cit., p. 136.
  16. P. Lahav, op. cit., p. 137.
  17. P. Lahav, op. cit., p. 140.
  18. « Israel Prize Official Site - Recipients in 1968 (in Hebrew) »
  19. « Israeli Supreme Court decisions search - Israeli Lawyers | Israeli Law Firm Golan & Co » [archive du ] (consulté le ) free decisions database