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« Statut civil coutumier de Nouvelle-Calédonie » : différence entre les versions

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== Procédures ==
== Procédures ==
=== Terres coutumières ===
=== Terres coutumières ===
{{Extrait|Terre coutumière}}
Après la prise de possession de l'archipel, l'État se proclame, par deux déclarations de [[1855]] et [[1862]], propriétaire de toutes les terres. L'arrêté du {{date|22|janvier|1868}} laisse une partie de ces terres aux kanaks : la propriété « incommutable, insaisissable et inaliénable » de ces domaines est reconnue aux tribus (les kanaks ne peuvent ni les vendre, ni en acheter, mais sont aussi théoriquement protégés contre toute violation de terres) mais la délimitation est faite de telle manière que certaines terres initialement concédées sont finalement retirées aux Mélanésiens au profit des colons, tandis que du bétail de ces derniers s'introduit régulièrement sur les terres coutumières et abîme les champs d'ignames et de taros. Finalement, le code de l'indigénat aboutit à une politique de cantonnement menée à partir de [[1897]] par le gouvernement français, visant à [[Mise en réserves des Kanaks|rassembler tous les Kanaks dans les réserves]] en leur allouant une superficie moyenne de trois hectares par habitant et remettant donc totalement en cause le découpage de [[1868]]<ref name="Vigne-2000">{{Ouvrage|auteur=Axelle Vigne|titre=Les terres coutumières et le régime foncier en Nouvelle-Calédonie|nature ouvrage=Mémoire de DEA de sociologie du droit|éditeur=[[Université Panthéon-Assas]]|année=2000|lire en ligne=http://m2-sdd.u-paris2.fr/francais/formation/master/memoires/memoirespromo1999-2000/memoirevigne.pdf}}.</ref>. Et ce domaine est régulièrement rogné par les autorités afin d'y installer des colons : ces « [[Mise en réserves des Kanaks|réserves]] » passent ainsi de {{formatnum:320000}} à {{formatnum:124000}} hectares de [[1898]] à [[1902]], à l'instigation du gouverneur Paul Feillet<ref>{{Lien web|auteur=Cynthia Debien-Vanmaï|titre=La Nouvelle-Calédonie à la fin du {{s-|XIX}} et au début du {{s-|XX}} : un territoire dominé et dépendant|site=Vice-rectorat de Nouvelle-Calédonie|url=https://histoire-geo.ac-noumea.nc/IMG/pdf/ncau_xx.pdf}}.</ref>. Seules les [[province des îles Loyauté|Îles Loyauté]] sont des [[Mise en réserves des Kanaks|réserves kanakes]] intégrales.

Si le code de l'indigénat est aboli en [[1947]], permettant aux kanaks d'accéder à la propriété privée, le domaine foncier coutumier n'évolue quant-à-lui pratiquement pas avant [[1978]]. La politique de l'État dans ce domaine va évoluer avec le développement des revendications foncières qui se fait en parallèle de la montée de l'[[indépendantisme]]. Le « Plan de développement économique et social à long terme pour la Nouvelle-Calédonie » du secrétaire d'État à l'Outre-mer [[Paul Dijoud]] en [[1978]] est le point de départ de la politique de rééquilibrage foncier : elle se fixe quatre objectifs, à savoir « redonner aux clans, dans toute la mesure du possible, l'espace traditionnel », mais aussi « affermir la position des colons qui vivent et travaillent sur leurs terres », « permettre aux mélanésiens qui le désirent de devenir des paysans, en dehors des [[Mise en réserves des Kanaks|réserves]], dans le cadre du droit civil » et « favoriser la mise en valeur des terres redistribuées ». Il engage alors une enquête sur l'espace traditionnel kanak à l'[[Institut de recherche pour le développement|ORSTOM]] et un recensement des revendications foncières. Cependant, ce plan est peu suivi d'effet, du fait des conflits d'intérêts sur les droits de propriété d'une même terre appartenant à ce fameux « espace traditionnel » mais relevant de la propriété, et pleinement exploité et mis en valeur de manière agricole, par des descendants de colon, et parce que son application est confiée à l'[[Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie]], à majorité européenne<ref name="Vigne-2000" />. Toutefois, le plan permet, de [[1978]] à [[1982]], de redistribuer une bonne partie du Domaine public non utilisé, puisque le Territoire acquiert dans ce but au cours de cette période {{formatnum:21927}} hectares, à quoi il faut ajouter les {{formatnum:28742}} achetées aux propriétés privées (soit un coût de 933 millions de [[Franc pacifique|Francs CFP]]). Et sur ces {{formatnum:50669}} hectares qui constituent donc la réserve du plan foncier, {{formatnum:25972}} (soit un peu plus de la moitié) ont été attribués au domaine coutumier, dont {{formatnum:19094}} hectares en augmentation des terres de [[Mise en réserves des Kanaks|réserves]] appartenant aux tribus et {{formatnum:6877}} hectares directement alloués aux clans<ref name="ISEE">{{Lien web|titre=Organisation coutumière|site=ISEE|url=http://www.isee.nc/societe/societe-kanak/organisation-sociale}}.</ref>.

Vient ensuite l'[[Ordonnance en droit constitutionnel français|ordonnance]] foncière du {{date|15|octobre|1982}}, qui crée un Office foncier (OF), organisme public d'État chargé de l'achat et de la redistribution des terres aux kanaks, sur la base des clans. Elle crée aussi le Groupement de droit particulier local (GDPL), structure juridique, formée par des personnes de statut civil coutumier invoquant le droit du premier occupant sur une terre, qui organise le développement rural sur cette terre. Le statut de personne morale leur est accordé en [[1985]], leur permettant d'accéder à des crédits bancaires, de posséder un patrimoine, d'acquérir des biens, d'exercer des droits, d'assurer des obligations ou encore se porter en justice. La réforme de [[1982]] est néanmoins un échec encore plus retentissant que le plan Dijoud, tout d'abord parce que les kanaks accusent alors le gouvernement de vouloir diviser la communauté mélanésienne par l'attribution directe des terres aux clans, ce qui est perçu comme une forme d'appropriation privée susceptible de porter atteinte à la cohésion du groupe. De plus, la redistribution égalitaire des terres fixée par cette réforme nécessite donc obligatoirement le rachat de terres non encore exploitées mais appartenant tout de même à des Européens, les terres du Domaine public disponibles pour une distribution ayant déjà largement été concédées par le plan de [[1978]]<ref name="Vigne-2000" />. Enfin, le début des Évènements politiques en [[1984]] n'a pas facilité la tâche de l'OF. De [[1982]] à [[1986]], l'Office foncier a tout de même réussi à acheter {{formatnum:50414}} hectares à des propriétaires privés (soit le double de ce qu'avait acquis le plan Dijoud, dans le même laps de temps), pour un coût d'1,468 milliard de [[Franc pacifique|Francs CFP]], mais n'a permis que {{formatnum:2081}} hectares d'acquisitions pour les clans<ref name="ISEE" />, les procédures administratives, particulièrement lourdes, ayant empêché l'OF de procéder aux transferts effectifs<ref name="Vigne-2000" />. Pour ce qui est des GDPL, les premières ne se formeront qu'en [[1986]] pour un réel développement qu'à partir de [[1989]].

La loi du {{date|17|juillet|1986}} relative à la [[Nouvelle-Calédonie]], dite « Statut Pons I » (du nom du nouveau ministre de l'Outre-mer, [[Bernard Pons]]), remplace l'OF par l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (ADRAF), établissement public territorial<ref>{{Légifrance|base=JORF|texte=Loi {{numéro|88-844}} du {{date-|17|07|1986}} relative à la Nouvelle-Calédonie|url=https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000512461}}.</ref>. Mais cette nouvelle politique, qui veut avant tout défendre le droit à la propriété privée, donne la priorité à l'installation d'exploitants individuels, et le seul mode d'accès au foncier est désormais la propriété privée<ref name="Vigne-2000" /> donc, en ce qui concerne le domaine coutumier, par le biais des GDPL, qui ne se voient attribuer que {{unité|576|ha}} contre {{formatnum:8768}} aux individus, sociétés et collectivités. Néanmoins, l'ADRAF fait, sous ce statut, l'acquisition de {{formatnum:21704}} hectares par achat à des propriétaires privés, pour un coût de {{unité|819|millions}} de [[Franc pacifique|Francs CFP]]<ref name="ISEE" />.

Finalement, l'article 8 alinéa 12 de la loi référendaire du {{date|9|novembre|1988}}, qui fait suite aux [[Accords de Matignon (1988)|Accords de Matignon]], donne à l'État la compétence de définir « les principes directeurs de la propriété foncière et des droits réels » et son article 94 transforme l'ADRAF en un établissement public d'État<ref>{{Légifrance|base=JORF|numéro=PRMX8800115L|texte=Loi {{numéro|88-1028}} du {{date-|9|11|1988}} portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998}}.</ref>. Les compétences de cette dernière sont définis par le décret du {{date|16|août|1989}}, modifié par le décret du {{date|16|octobre|2000}} qui n'a fait en réalité qu'entériner le transfert de l'ADRAF au Territoire tel que prévu par la loi organique de [[1999]]. Si ce statut prévoit que les domaines acquis par l'Agence peut « soit être cédés à titre onéreux ou à titre gratuit, soit être donnés à bail à des personnes physiques ou morales qui s'engagent sur un projet économique de mise en valeur des terres agréé par l'agence. Ils peuvent également être cédés à titre onéreux ou à titre gratuit à des personnes physiques ou morales qui s'engagent à les donner à bail à des personnes physiques ou morales qui remplissent les mêmes conditions »<ref>{{Légifrance|base=JORF|numéro=DOMP8900023D|texte=Décret {{numéro|89-571}} du {{date-|16|08|1989}} pris en application de {{nobr|l'article 94}} de la loi {{numéro|88-1028}} du {{date-|9|11|1988}} portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 et relatif à l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier}}.</ref>, reprenant donc le modèle de la propriété privée de la réforme de [[1986]], l'ADRAF a favorisé les attributions à destination des GDPL qui sont donc devenus le nouveau cadre de la redistribution des terres et du rééquilibrage foncier. Le décret sur l'ADRAF de [[1989]] en a précisé les modalités de constitution, qui respecte l'organisation coutumière de la société kanake, et environ 750 GDPL se sont formées à partir de [[1989]], dont 298 ont bénéficié d'attributions dans le cadre de la réforme foncière<ref name=cout2>{{Lien web|titre=ISEE - Salaires|url=http://www.isee.nc/tec/atlas/telechargements/4-2-terrecoutum}}.</ref>.

Si, depuis [[1989]], l'ADRAF n'a pas particulièrement acquis plus de terres que les programmes précédents, en raison de la diminution de l'espace foncier pouvant potentiellement être redistribué (elle n'a ainsi acquis, de [[1989]] à [[2005]], que {{formatnum:34169}} hectares de terres supplémentaires, dont {{formatnum:3400}} en transfert du domaine public, le premier depuis [[1982]] même s'il n'a pas la même ampleur, et {{formatnum:30769}} par achat de propriétés privées et pour un coût de 2,546 milliards de [[Franc pacifique|Francs CFP]]), mais elle a largement contribué à la redistribution des réserves constituées depuis [[1978]] par ses prédécesseurs, et cela surtout au bénéfice des GDPL : de [[1989]] à [[2005]], {{formatnum:102213}} hectares ont été attribués, dont {{formatnum:83796}} (82 %) aux GDPL et {{formatnum:18417}} aux particuliers.

Finalement, les réformes foncières successives depuis [[1978]] ont permis la redistribution au profit du domaine coutumier kanak de {{formatnum:112424}} hectares, chiffre de [[2005]], soit 80,5 % de la totalité des terres attribuées et 71,6 % des terres acquises par les différents établissements responsables. Les réserves des tribus ont bénéficié à 17 % de ces redistributions, les clans à 8 % et les GDPL à 77 %. Les terres coutumières, constituées des réserves autochtones, des terres attribuées aux GDPL et des terres attribuées aux clans par les collectivités territoriales ou les établissements publics fonciers au titre du lien
à la terre, ainsi que les immeubles domaniaux cédés aux propriétaires coutumiers, sont, selon une formule confirmée par l'article 18 de la loi organique, « inaliénables, incessibles, incommutables et insaisissables », et régies par la coutume<ref name="loi-organique-99-209" />. Leur superficie en [[2007]] est de {{formatnum:490907}} hectares ({{Unité|4909.07|km2}}), soit 26 % de la superficie communale : elles sont particulièrement importantes dans les [[Province des îles Loyauté|Îles Loyauté]] (seule province où le domaine coutumier n'a pas ou peu changé depuis le {{s-|XIX}} puisque n'en est sorti que le village de [[Wé (îles Loyauté)|Wé]] sur [[Lifou]] pour servir de centre administratif, les terres coutumières représentent 97 % de la superficie communale des îles, et 100 % à [[Maré]] et [[Ouvéa]]) et en [[Province Nord (Nouvelle-Calédonie)|province Nord]] (avec {{formatnum:238662}} hectares, soit 25 % de la superficie communale, et un peu moins de la moitié, avec 48,6 %, de la totalité des terres coutumières, elles représentent 84 % du territoire des [[îles Belep|Belep]] et 57 % à [[Koné (Nouvelle-Calédonie)|Koné]]), mais restent limitées dans la [[Province Sud (Nouvelle-Calédonie)|province Sud]] (avec {{formatnum:59879}} hectares, ces terres ne représentent que 9 % de la superficie communale de la province, tout en représentant 88 % du territoire de l'[[Île des Pins]])<ref name="ISEE" />.


=== Acte et officiers civils coutumiers ===
=== Acte et officiers civils coutumiers ===

Version du 16 mai 2024 à 15:02

Le statut civil coutumier est, en Nouvelle-Calédonie, un régime de droit civil dérogeant au code civil français en permettant l'application du droit kanak par des juges de la république. Il est reconnu aux Kanaks en vertu de l'article 75 de la Constitution et de la loi organique.

Histoire

Indigénat

En droit colonial français, les autochtones kanak sont soumis à l'indigénat en 1887, c'est-à-dire que le gouverneur est spécialement chargé de leur distribuer des sanctions afin de maintenir l'ordre colonial. Ce régime disciplinaire les prive ainsi de leurs libertés d'utilisation du territoire et de leurs droits politiques. Cette spoliation a mené à de nombreuses révoltes dont la plus connue (et la plus mortelle) fut celle menée par le chef kanak Noël en 1917.

Statut civil

Une loi de 1999 prévoit que le statut coutumier bénéficie aux Kanak dans tous les domaines du droit civil. En 2003, la Cour de cassation oblige les tribunaux calédoniens à accepter cette loi, car les juges locaux avaient décidé de ne l'appliquer que dans les affaires de droit de la famille. Cette cassation a été décrite en Nouvelle-Calédonie comme une manière de « remettre le droit à l'endroit »[1].

Base juridique

La reconnaissance du statut coutumier est rendu possible par l'article 75 de la Constitution qui indique :

« Les citoyens de la République qui n'ont pas le statut civil de droit commun, seul visé à l'article 34, conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas renoncé. »

Portée

Les personnes de statut civil coutumier sont enregistrées sur un registre d'état civil distinct, appelé « registre coutumier », tenu par les officiers d'état civil de chaque commune (art. 8 de la loi organique). Créé en 1934, son établissement et son organisation sont actuellement définis par la délibération de l'Assemblée territoriale du [2], complétée par l'article 8 de la loi organique de 1999.

Les personnes de statut civil coutumier sont régies par « leurs coutumes » en matière de droit civil (art. 7[3]), donc surtout en ce qui concerne les affaires familiales, de successions ou de gestion des biens coutumiers. Sont ainsi « régis par la coutume les terres coutumières et les biens qui y sont situés appartenant aux personnes ayant le statut civil coutumier » (art. 18[3]). En revanche, dans le cadre des rapports juridiques (signature de contrat, de bail, recours en justice) entre des personnes de statut personnel différent, le droit commun s'applique, sauf si aucune des deux parties n'est de statut civil de droit commun et que ces parties décident que le rapport ne relève pas du droit commun « par une clause expresse contraire » (art. 9[3]). Enfin, la juridiction civile de droit commun est compétente « pour connaître des litiges et requêtes relatifs au statut civil coutumier ou aux terres coutumières » et elle est alors « complétée par des assesseurs coutumiers » (art. 19[3]).

Les enfants dont les deux parents avaient le statut civil coutumier l'acquièrent dès la naissance (art. 10[3]). Peuvent l'acquérir (après audition devant un juge pour les majeurs et mineurs ayant atteint l'âge où ils sont jugés « capables de discernement », la cour pouvant rejeter la requête si les intérêts particuliers de la personne sont en jeu) les mineurs si une personne de statut civil coutumier exerçant l'autorité parentale en fait la demande (art. 11[3]), « toute personne majeure capable âgée de 21 ans au plus dont le père ou la mère a le statut civil coutumier, et qui a joui pendant au moins cinq ans de la possession d'état de personne de statut civil coutumier » (art. 12[3]), « toute personne ayant eu le statut civil coutumier et qui, pour quelque cause que ce soit, a le statut civil de droit commun » et les personnes qui ont toujours eu le statut civil de droit qui, dans un délai de cinq ans à partir de la promulgation de la loi organique (c'est-à-dire jusqu'en 2004), ont pu justifier « que l'un de ses ascendants a eu le statut civil coutumier » et qui ont décidé de renoncer à leur statut de droit commun (art. 13[3]). De même, toute personne de statut civil coutumier peut demander à renoncer à ce statut et obtenir celui de droit commun (art. 13[3]), c'est d'ailleurs le seul moyen pour un individu de perdre ce statut (art. 75 de la Constitution).

Procédures

Terres coutumières

Dans le système de gouvernance kanak vis-à-vis de l'administration française, une terre coutumière est une forme de propriété revenant à un collectif autochtone en Nouvelle-Calédonie. Les terres coutumières font succession aux réserves kanak. Elles ne peuvent pas être vendues.

Acte et officiers civils coutumiers

Un « acte coutumier » est une décision coutumière adoptée à la suite d'un « palabre », à savoir une « discussion organisée selon les usages de la coutume kanake » et tenue « sous l'autorité du chef de clan, du chef de la tribu ou du grand chef ou, à défaut, du président du conseil des chefs de clans » à la demande d'individus de statut civil coutumier afin de statuer sur un litige, une demande de précision ou une requête concernant ce statut ou la propriété coutumière, et que les autorités ont décidé de transcrire. Il s'agit d'un acte juridique qui a vertu d'« acte authentique » en matière de statut civil coutumier ou de propriété coutumière. Rédigé en français à partir des décisions du palabre qui ont généralement lieu en langue vernaculaire, la transcription doit être lue, comprise, approuvée et signée par toutes les parties. Il crée en vérité une véritable juridiction compétente en matière de droit civil coutumier, et dont une interprétation contestée par l'une des parties peut faire l'objet d'un recours auprès du conseil coutumier de l'aire concernée qui devient, en quelque sorte, une juridiction d'appel. En dernier recours, les parties qui s'estiment lésés peuvent mener une action en accusation de faux auprès de la juridiction de droit commun.

Il est défini par la loi du pays du [4], qui crée également la fonction d'officier public coutumier : il s'agit d'agents de la Nouvelle-Calédonie, recrutés sur concours de la fonction publique pour leur connaissance du droit coutumier et des langues vernaculaires, assermentés auprès du tribunal de première instance de Nouméa et nommés dans les huit aires coutumières. Ils sont chargés de transcrire la décision coutumière en acte, de recevoir et conserver dans un registre les actes coutumiers, et d'en délivrer des copies ou des extraits si le détenteur de l'original a donné son accord.

Le corps des officiers civils coutumiers est officiellement créé par une délibération du Congrès du [5], qui en fait des fonctionnaires de catégorie B de la Nouvelle-Calédonie, pouvant exercer les fonctions d'huissier de justice dans les communes où aucun huissier n'a été institué. Ils sont recrutés par concours externe à 70 % (ouvert aux diplômés de niveau Bac +2) ou interne à 30 % (ouvert aux Fonctionnaires de Nouvelle-Calédonie de la catégorie B justifiant de 3 ans d'ancienneté, de catégorie C justifiant de 6 ans d'ancienneté ou de catégorie D justifiant de 10 ans d'ancienneté). Une fois admis au concours, ils doivent, pour être titularisés, effectuer un stage probatoire d'une année, durant lequel ils doivent obtenir la validation d’une formation professionnelle obligatoire d'une durée maximum de 6 mois dans les domaines d'attribution de leurs futures fonctions.

Les programmes et la nature des épreuves aux concours externes et internes sont fixés par un arrêté du [6]. Les épreuves comprennent :

  • trois épreuves écrites d'admissibilité :
    • une dissertation de quatre heures et de coefficient 3 sur un sujet portant sur le droit civil, le statut civil coutumier et/ou la procédure civile et voies d’exécution,
    • une épreuve de deux heures et de coefficient 2 au choix, formulé au moment de l'inscription, entre une composition sur l’organisation de la société et des institutions kanakes, et une épreuve en langue kanake ajië, paîci, drehu, nengone, xârâcùù ou iaai,
    • un QCM de deux heures et de coefficient 2 sur l’organisation administrative et politique, l'environnement géographique, politique et social dans le Pacifique Sud de la Nouvelle-Calédonie,
  • deux épreuves orales d'admission :
    • un exposé de 20 minutes pour 20 minutes de préparation et de coefficient 3, portant sur le droit civil, le statut civil coutumier et/ou la procédure civile et voies d’exécution,
    • un entretien de 20 minutes, et de coefficient 2, avec le jury, afin de vérifier les aptitudes du candidat à la fonction de syndic des affaires coutumières ainsi que sur le statut des officiers publics de Nouvelle-Calédonie.

Notes et références

Voir aussi

Bibliographie

  • Guy Agniel, « Adaptations juridiques des particularismes sociologiques locaux », dans Paul De Deckker, Coutume autochtone et évolution du droit dans le Pacifique Sud, Paris, L’Harmattan, (ISBN 978-2-7384-3469-2)
  • Étienne Cornut, « La juridicité de la coutume kanak », Droit et cultures, vol. 60, no 2,‎ (lire en ligne)
  • Régis Lafargue, Le droit coutumier en Nouvelle-Calédonie, La Maison de la Nouvelle-Calédonie, (lire en ligne)
  • Janie Macia-Buso, « La médiation pénale coutumière », Revue juridique, économique et politique de Nouvelle-Calédonie, no 22,‎ , p. 106
  • Christine Demmer et Benoît Trépied, La coutume kanak dans l'État: perspectives coloniales et postcoloniales sur la Nouvelle-Calédonie, l'Harmattan, coll. « Cahiers du Pacifique Sud contemporain », (ISBN 978-2-343-10718-9)
  • (en) BenoîT TréPied, « Urban Kanak Parents on Customary Trial: An Ethnography of the Customary Family Court of Nouméa, New Caledonia », City & Society, vol. 28, no 1,‎ , p. 99–122 (ISSN 0893-0465 et 1548-744X, DOI 10.1111/ciso.12075, lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes