« Acte de Québec » : différence entre les versions

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.
Contenu supprimé Contenu ajouté
SophieImbeault (discuter | contributions)
Correction de coquilles et ajout d'image.
SophieImbeault (discuter | contributions)
Ajout d'information, ouvrages plus récents et corrections d'erreurs d'interprétation.
Ligne 29 : Ligne 29 :
| lire en ligne = [http://eco.canadiana.ca/view/oocihm.48786/3?r=0&s=1 version anglaise et traduction française]
| lire en ligne = [http://eco.canadiana.ca/view/oocihm.48786/3?r=0&s=1 version anglaise et traduction française]
| précédent = [[Proclamation royale de 1763]]
| précédent = [[Proclamation royale de 1763]]
| suivant = [[Acte constitutionnel]]}}L’'''Acte de Québec''' (en [[anglais]] : ''Quebec Act'') est la deuxième loi parlementaire constitutive de l’administration britannique au [[Canada]] après la [[proclamation royale de 1763]]. Essentiellement, elle reconnaît aux Canadiens français le droit de conserver leur langue, leur droit civil et leur religion catholique. Ayant reçu la [[sanction royale]] le {{date|22 juin 1774}}, l’Acte de Québec a été abrogé en grande partie pour être remplacé par l'[[Acte constitutionnel]] en 1791.
| suivant = [[Acte constitutionnel]]}}
[[Fichier:Constitution-du-quebec-1775.png|thumb|Constitution de la province de Québec à la suite de l'entrée en vigueur de la loi constitutive de 1774.]]

L’'''Acte de Québec''' (en [[anglais]] : ''Quebec Act'') est la deuxième loi parlementaire constitutive de l’administration britannique au [[Canada]] après la [[proclamation royale de 1763]]. Essentiellement, elle reconnaît aux Canadiens français le droit de conserver leur langue, leur droit civil et leur religion catholique. Ayant reçu la [[sanction royale]] le {{date|22 juin 1774}}, l’Acte de Québec a été abrogé en grande partie pour être remplacé par l'[[Acte constitutionnel]] en 1791.


== Désignation ==
== Désignation ==
On appelle traditionnellement cette loi « Acte de Québec » par calque de son appellation anglaise ''Quebec Act'' ». Ainsi, il ne s’agit pas d’une loi édictée à Québec, comme cette traduction le laisse entendre, mais d’une loi du Parlement de Londres. Comme toutes les lois britanniques, cette loi a un titre abrégé, ''Quebec Act'', et un titre intégral : ''An Act for making for effectual Provision for the Government of the Province of Quebec in North America''. Puisqu’il s'agit d'une loi britannique, il n’y a pas de version française officielle. Le titre long a été traduit de diverses façons :
On appelle traditionnellement cette loi « Acte de Québec » par calque de son appellation anglaise ''Quebec Act'' ». Votée au Parlement de Londres, Comme toutes les lois britanniques, cette loi a un titre abrégé, ''Quebec Act'', et un titre intégral : ''An Act for making for effectual Provision for the Government of the Province of Quebec in North America''. Puisqu’il s'agit d'une loi britannique, il n’y a pas de version française officielle. Le titre long a été traduit de diverses façons :
* ''Acte qui règle plus solidement le Gouvernement de la Province de Québec dans l'Amérique Septentrionale''<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Acte de Québec (1774)|url=http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=171605&type=bien#.XVAG3ehPGM8|site=Répertoire du patrimoine culturel du Québec|date=|consulté le=11 août 2019}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lire en ligne|lien=http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amnord/cndconst_ActedeQuebec_1774.htm}}</ref> ;
* ''Acte qui règle plus solidement le Gouvernement de la Province de Québec dans l'Amérique Septentrionale''<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Acte de Québec (1774)|url=http://www.patrimoine-culturel.gouv.qc.ca/rpcq/detail.do?methode=consulter&id=171605&type=bien#.XVAG3ehPGM8|site=Répertoire du patrimoine culturel du Québec|date=|consulté le=11 août 2019}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lire en ligne|lien=http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amnord/cndconst_ActedeQuebec_1774.htm}}</ref> ;
* ''Acte qui règle plus solidement le Gouvernement de la Province de Quebec<!-- [sic] -->, en Amerique<!-- [sic] --> Septentrionale''<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Acte de Québec (1774)|url=http://eco.canadiana.ca/view/oocihm.48786/9?r=0&s=1|site=Canadiana, Réseau canadien de documentation pour la recherche|date=|consulté le=11 août 2019}}; dans l'édit de proclamation de la même loi, dans la même édition, le titre indiqué est plutôt ''Acte qui règle plus solidement le Gouvernement de la Province de ''Quebec'', en l’''Amerique Septentrionale''.</ref> ;
* ''Acte qui règle plus solidement le Gouvernement de la Province de Quebec<!-- [sic] -->, en Amerique<!-- [sic] --> Septentrionale''<ref>{{Lien web|langue=fr|titre=Acte de Québec (1774)|url=http://eco.canadiana.ca/view/oocihm.48786/9?r=0&s=1|site=Canadiana, Réseau canadien de documentation pour la recherche|date=|consulté le=11 août 2019}}; dans l'édit de proclamation de la même loi, dans la même édition, le titre indiqué est plutôt ''Acte qui règle plus solidement le Gouvernement de la Province de ''Quebec'', en l’''Amerique Septentrionale''.</ref> ;
Ligne 41 : Ligne 38 :


== Contexte et rédaction ==
== Contexte et rédaction ==
Le gouverneur [[James Murray (gouverneur)|James Murray]] avait permis d'adapter l’[[Empire britannique]] à la culture canadienne, plutôt que d'imposer ses traditions aux habitants. Fléchissant les instructions reçues, Murray permit aux catholiques d'exercer comme juré, et d’être avocat<ref name=":0" />. En 1766, Murray est rappelé à la suite de protestations des Britanniques installés au Canada. Guy Carleton le remplace en septembre à titre de lieutenant-gouverneur. Il est officiellement nommé gouverneur le 31 octobre 1768. Cette année-là, il soutenait: <blockquote>« L'élévation au rang de conseillers de trois ou quatre Canadiens en vue, dont les fonctions consisteraient à peu près à l'honneur de porter ce titre, bien que dans certaines occasions ils pourraient se rendre utiles. [...] En outre, les gentilshommes auraient raison d'espérer que leurs enfants, sans avoir reçu leur éducation en France et sans faire partie du service français, n'en pourraient pas moins supporter leurs familles en servant le roi leur maître, et en exerçant des charges qui les empêcheraient de descendre au niveau du bas peuple par suite des divisions et des subdivisions des terres à chaque génération<ref>Cité dans Sophie Imbeault, ''Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête'', Québec, Septentrion, 2004, p. 87.</ref>. »</blockquote>En 1770, Carleton se rend à Londres pour participer à l'élaboration d'une nouvelle constitution pour la colonie. Charles-Louis de Lanaudière, qui l'accompagne, écrit à son père dès son arrivée en sol anglais: « Tout ce que je peux vous dire [c'est] qu'on est bien intentionné pour les Canadiens<ref>Cité dans Sophie Imbeault, ''Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête'', Québec, Septentrion, 2004, p. 95.</ref> ».
L’affaire [[Campbell v Hall]]<ref>(1774) 1 Cowp 204, 98 ER 1045</ref>, tranchée en 1774 par [[William Murray|Lord Mansfield]], a remis en cause l'évincement du droit français dans la province de Québec.


Michel Chartier de Lotbinière, brouillé envers Londres sur une question foncière et prenant position contre Carleton à la moindre occasion, s'oppose à son projet et réclame plutôt une Chambre d'assemblée<ref>Cité dans Sophie Imbeault, ''Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête'', Québec, Septentrion, 2004, p. 93.</ref>.
Le gouverneur [[James Murray (gouverneur)|James Murray]] avait permis d'adapter l’[[Empire britannique]] à la culture canadienne, plutôt que d'imposer ses traditions aux habitants. Fléchissant les instructions reçues, Murray permit aux catholiques d'exercer comme juré, et d’être avocat<ref name=":0" />. En 1766, Murray est rappelé à la suite de vives protestations des Britanniques installés au Canada.


L’auteur principal est [[Alexander Wedderburn (1er comte de Rosslyn)|Alexander Wedderburn]], solliciteur général pour l’Angleterre et le pays de Galles. En 1774, il commence à rédiger un projet de loi afin de remplacer la ''[[Proclamation royale de 1763|Proclamation royale]]''<ref name=":1">{{Lien web |titre=Acte de Québec (1774)|url=https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/acte-de-quebec#LActedeQubecetlestreizecoloniesamricaines |site=thecanadianencyclopedia.ca }}</ref>.
L’affaire [[Campbell v Hall]]<ref>(1774) 1 Cowp 204, 98 ER 1045</ref>, tranchée en 1774 par [[William Murray|Lord Mansfield]], a remis en cause l'évincement du droit français dans la province de Québec.[[Fichier:Guy Carleton.jpg|vignette|Guy Carleton a participé à l'élaboration de l'Acte de Québec.]]L’auteur principal est [[Alexander Wedderburn (1er comte de Rosslyn)|Alexander Wedderburn]], solliciteur général pour l’Angleterre et le pays de Galles. En 1774, il commence à rédiger un projet de loi afin de remplacer la ''[[Proclamation royale de 1763|Proclamation royale]]''<ref name=":1">{{Lien web |titre=Acte de Québec (1774)|url=https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/acte-de-quebec#LActedeQubecetlestreizecoloniesamricaines |site=thecanadianencyclopedia.ca }}</ref>.


Pour soutenir le zèle du Canada pour le gouvernement britannique, [[Guy Carleton|Carleton]] prend parti pour la restauration du [[Droit civil en France|droit civil français]] et soutient l'Église catholique. En juin 1774, le Parlement approuve les propositions de Carleton en adoptant l’Acte de Québec<ref name=":0">{{Lien web |titre=American Revolutions: A Continental History, 1750-1804 |url=http://dx.doi.org/10.1163/2468-1733_shafr_sim020120043 |site=The SHAFR Guide Online |consulté le=2020-11-08}}</ref>.
Pour soutenir le zèle du Canada pour le gouvernement britannique, [[Guy Carleton|Carleton]] prend parti pour la restauration du [[Droit civil en France|droit civil français]] et soutient l'Église catholique. En juin 1774, le Parlement approuve les propositions de Carleton en adoptant l’Acte de Québec<ref name=":0">{{Lien web |titre=American Revolutions: A Continental History, 1750-1804 |url=http://dx.doi.org/10.1163/2468-1733_shafr_sim020120043 |site=The SHAFR Guide Online |consulté le=2020-11-08}}</ref>.
Ligne 56 : Ligne 53 :
'''Élargissement des limites du territoire.''' La loi agrandit les frontières de la [[Province de Québec (1763-1791)|province de Québec]], qui comprend désormais, outre la vallée du [[fleuve Saint-Laurent]], tout le territoire allant de [[Terre-Neuve]] aux [[Grands Lacs (Amérique du Nord)|Grands Lacs]], le pourtour de ceux-ci ainsi que la [[vallée de l'Ohio|vallée de l’Ohio]] (partie nord de la réserve indienne). La loi accorde par ailleurs un plus large territoire aux [[Amérindiens]] afin de prévenir une nouvelle rébellion de leur part (voir [[Rébellion de Pontiac]]).
'''Élargissement des limites du territoire.''' La loi agrandit les frontières de la [[Province de Québec (1763-1791)|province de Québec]], qui comprend désormais, outre la vallée du [[fleuve Saint-Laurent]], tout le territoire allant de [[Terre-Neuve]] aux [[Grands Lacs (Amérique du Nord)|Grands Lacs]], le pourtour de ceux-ci ainsi que la [[vallée de l'Ohio|vallée de l’Ohio]] (partie nord de la réserve indienne). La loi accorde par ailleurs un plus large territoire aux [[Amérindiens]] afin de prévenir une nouvelle rébellion de leur part (voir [[Rébellion de Pontiac]]).


'''Rétablissement du droit civil français et maintien du droit pénal et public anglais.''' Après la [[Conquête de 1759-1760|conquête britannique]] du territoire ayant pris corps en 1763 et l'instauration du droit britannique qui s'est ensuivi, l’Acte de Québec ramène l’usage en [[droit privé]] du [[Droits de tradition civiliste|droit romano-civiliste]] français, mais conserve en [[droit public]] la [[common law]], y compris le [[droit pénal]] anglais, moins sévère. Elle restaure les droits des propriétaires des [[Régime seigneurial de la Nouvelle-France|seigneuries]] et remplace le [[serment du test]] par un serment au roi, ce qui permet aux catholiques de devenir conseillers législatifs et juges.
'''Rétablissement du droit civil français et maintien du droit pénal et public anglais.''' Après la [[Conquête de 1759-1760|conquête britannique]] du territoire ayant pris corps en 1763 et l'instauration du droit britannique qui s'est ensuivi, l’Acte de Québec ramène l’usage en [[droit privé]] du [[Droits de tradition civiliste|droit romano-civiliste]] français, mais conserve en [[droit public]] la [[common law]], y compris le [[droit pénal]] anglais, moins sévère. Elle restaure les droits des propriétaires des [[Régime seigneurial de la Nouvelle-France|seigneuries]] et remplace le [[serment du test]] par un serment d'allégeance<ref>Ce serment est reproduit dans DC, 1, p. 555.</ref>, ce qui permet aux catholiques de devenir conseillers législatifs et juges.


'''Reconnaissance du français.''' Comme langue de culte ainsi que dans les cours de justice et les affaires civiles.
'''Reconnaissance du français.''' Comme langue de culte ainsi que dans les cours de justice et les affaires civiles.


'''Organisation du pouvoir.''' Le gouverneur garde ses pouvoirs discrétionnaires et est assisté par un [[Conseil législatif du Bas-Canada|Conseil législatif]], composé de&nbsp;17 à&nbsp;23 membres. La loi n’accorde pas l’[[Chambre d'assemblée du Bas-Canada|assemblée législative]] que demandaient les marchands anglais, l’Angleterre craignant la répétition des troubles rencontrés dans les [[Treize colonies]]. Toutes les décisions prises par le conseil doivent être soumises à l’approbation royale<ref>J. Lacoursière, J. Provencher et D. Vaugeois, ''Canada-Québec, Synthèse historique, édition du renouveau pédagogique'', Montréal, 1976, {{p.|222}}.</ref>. Par la nomination politique des juges, le gouverneur et son exécutif gardent la mainmise sur l'administration de la justice.
'''Organisation du pouvoir.''' Le gouverneur garde ses pouvoirs discrétionnaires et est assisté par un [[Conseil législatif du Bas-Canada|Conseil législatif]], composé de&nbsp;17 à&nbsp;23 membres. La loi n’accorde pas l’[[Chambre d'assemblée du Bas-Canada|assemblée législative]] que demandaient les marchands anglais, l’Angleterre craignant la répétition des troubles rencontrés dans les [[Treize colonies]]. Toutes les décisions prises par le conseil doivent être soumises à l’approbation royale<ref>J. Lacoursière, J. Provencher et D. Vaugeois, ''Canada-Québec, Synthèse historique, édition du renouveau pédagogique'', Montréal, 1976, {{p.|222}}.</ref>. Par la nomination politique des juges, le gouverneur et son exécutif gardent la mainmise sur l'administration de la justice. L'Acte de Québec institue un pouvoir législatif.


Cette loi se révéla globalement efficace et récompensa les deux groupes qui avaient permis aux [[Britanniques]] (en collaborant avec ces derniers) de contrôler la population, soit le clergé et les seigneurs, afin qu’ils incitent les [[Canadien-français|Canadiens]] à soutenir le gouvernement de Londres contre les colons des Treize colonies.
Cette loi se révéla globalement efficace et récompensa les deux groupes qui avaient permis aux [[Britanniques]] (en collaborant avec ces derniers) de contrôler la population, soit le clergé et les seigneurs, afin qu’ils incitent les [[Canadien-français|Canadiens]] à soutenir le gouvernement de Londres contre les colons des Treize colonies.


Dès le 12 novembre, une pétition est acheminée dans la métropole pour en demander son abrogation.
== Sens et répercussions ==
Cette loi a été promulguée par le parlement britannique désireux d’éviter que le mouvement d'agitation en cours dans les [[Treize Colonies]] ne se répandît chez les [[Canadiens (peuple)|Canadiens]] de la [[Province de Québec (1763-1791)|Province de Québec]] (l'ancien [[Canada (Nouvelle-France)|Canada]] de la [[Nouvelle-France]]), constitués par une population à majorité [[Canadien-français|francophone]] et catholique.


=== Les premiers membres du Conseil législatif ===
C'est ainsi que, pour s'allier la population canadienne française (qu’on appelait simplement « canadienne » à l'époque), le gouvernement britannique a adopté une loi « qui renversait la politique d'assimilation dont [il] avait envisagé la mise en application avec la proclamation royale du {{date-|14 juillet 1763}} »<ref name="RTremblay">[[Rodrigue Tremblay]], ''La régression tranquille du Québec'', Fides, 2018, p.&nbsp;128.</ref>. Pour plusieurs auteurs, cette loi devient ainsi un des « nombreux textes juridiques » qui « sont venus confirmer haut et fort le caractère distinct du Québec »<ref name="RTremblay"/>.
Sur un conseil de 22 personnes, 7 sont des nobles canadiens, dont 6 sont aussi croix de Saint-Louis. Ce sont Charles-François de Lanaudière, Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry, Pierre-Roch de Saint-Ours Deschaillons, Claude-Pierre Pécaudy de Contrecoeur, Luc de La Corne Saint-Luc, François-Marie Picoté de Belestre et Jean-Baptiste Des Bergères de Rigauville<ref>Ce dernier est le seul à ne pas détenir la croix de Saint-Louis. Les récipiendaires de cette récompense militaire ont prêté serment au roi de France. Sophie Imbeault, ''Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête'', Québec, Septentrion, 2004, p. 90.</ref>.


Le Conseil législatif siège pour la première et seule fois le 17 août 1775 comme le rapporte la Gazette de Québec: « les membres de l'Honorable Conseil législatif de cette province s'assemblèrent au château St. Louis dans cette ville [...] les Messieurs suivants prêtèrent serment, et prirent leurs places<ref>Cité dans Sophie Imbeault, ''Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête'', Québec, Septentrion, 2004, p. 90.</ref>. » Les séances sont ensuite suspendues en raison des perturbations causées par l'invasion américaine. Elles reprennent en 1777 et se tiendront désormais dans l'ancien palais épiscopal à Québec, situé dans la côte de la Montagne<ref>L'évêque loue les locaux à l'administration britannique. Christian Blais et al., ''Québec quatre siècles d'une capitale'', p. 176.</ref>.
== Réactions ==
=== Réactions dans la Province de Québec ===
Les réactions initiales sont plutôt favorables dans la population canadienne, particulièrement l’élite seigneuriale<ref name=":2" />. Les marchands britanniques, par contre, demandent son abrogation immédiate<ref name=":2" />.


== Réactions ==
=== Réactions dans les Treize colonies ===
=== Réactions dans les Treize colonies ===
Par ailleurs, la loi accentua le mécontentement et l'indignation dans les Treize colonies et fut donc une cause indirecte de la [[révolution américaine]]. Les colons considérèrent en effet cette loi comme un des « [[Actes intolérables]] ». Le New York Journal promeut que l'Ouest devait être colonisé par des Protestants, et non laissé à des Canadiens-français, que l'on dit esclaves d'une religion superstitieuse et idolâtre.<blockquote>Le ''New York Journal'' s’exclame que « les sauvages des bois n’ont jamais été expulsés pour faire de la place dans cette région, la meilleure du continent, aux idolâtres et aux esclaves ». D’autres craignent aussi que l’''Acte'' soit « un concept et un système prémédités, conçus et exécutés par le ministère britannique afin d’introduire un gouvernement arbitraire dans les dominions américains de Sa Majesté »<ref name=":1" />.</blockquote>
Par ailleurs, la loi accentua le mécontentement et l'indignation dans les Treize colonies et fut donc une cause indirecte de la [[révolution américaine]]. Les colons considérèrent en effet cette loi comme une « loi infâme » ou « intolérable<ref>Cité dans Christian Blais et al., ''Québec quatre siècles d'une capitale'', p. 177.</ref> ». Le New York Journal promeut que l'Ouest devait être colonisé par des Protestants, et non laissé à des Canadiens-français, que l'on dit esclaves d'une religion superstitieuse et idolâtre.<blockquote>Le ''New York Journal'' s’exclame que « les sauvages des bois n’ont jamais été expulsés pour faire de la place dans cette région, la meilleure du continent, aux idolâtres et aux esclaves ». D’autres craignent aussi que l’''Acte'' soit « un concept et un système prémédités, conçus et exécutés par le ministère britannique afin d’introduire un gouvernement arbitraire dans les dominions américains de Sa Majesté »<ref name=":1" />.</blockquote>
Plusieurs colons aspiraient à peupler l'Ouest d'esclaves d'origine africaine. Certains colons déplorent que le roi soit devenu papiste<ref name=":0" />.
[[Fichier:Guy Carleton.jpg|vignette|Guy Carleton a participé à l'élaboration de l'Acte de Québec.]]
Plusieurs colons aspiraient à populer l'Ouest d'esclaves d'origine africaine. Certains colons déplorent que le roi soit devenu papiste<ref name=":0" />.


=== Réactions dans les îles Britanniques ===
=== Réactions dans les îles Britanniques ===
En Angleterre, les réactions sont mitigées. En général, les anglicans et les antipapistes voient d’un très mauvais œil la légalisation de la religion catholique au sein de l’Empire, et plusieurs se questionnent sur les motifs ayant conduit à une telle décision<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Lionel |nom1=Groulx |titre=Notre maître le passé |éditeur=Éditions 10–10 |année=1977 |passage=p.67 |isbn= |lire en ligne= }}. </ref>.
En Angleterre, les réactions sont mitigées. En général, les anglicans et les antipapistes voient d’un très mauvais œil la légalisation de la religion catholique au sein de l’Empire, et plusieurs se questionnent sur les motifs ayant conduit à une telle décision<ref>{{Ouvrage |langue=fr |prénom1=Lionel |nom1=Groulx |titre=Notre maître le passé |éditeur=Éditions 10–10 |année=1977 |passage=p.67 |isbn= |lire en ligne= }}. </ref>.


Toutefois, plusieurs juristes sont conscients que le Canada constitue une colonie préexistante peuplée principalement de Français, et qu’il y aurait lieu pour la poignée d'Anglais présents dans la ''[[Province de Québec (1763-1791)|Province of Quebec]]'' d'adopter le droit de cette majorité. Les marchands anglais étaient totalement opposés à cette vision des choses. Ceux-ci militaient même pour l'établissement d’une assemblée législative pouvant servir à promouvoir leurs intérêts. Quant au gouverneur, [[Guy Carleton]], il privilégiait la formule d'un conseil législatif élargi où pourrait siéger quelques Canadiens [français]<ref>J. Lacoursière, J. Provencher et D. Vaugeois, ''Canada-Québec, Synthèse historique, édition du renouveau pédagogique'', Montréal, {{p.|218}}.</ref>. Lorsque la nouvelle constitution est adoptée, plusieurs Anglais de la province sont étonnés de s’être fait refuser une assemblée législative et de se faire imposer le droit privé français.
Toutefois, plusieurs juristes sont conscients que le Canada constitue une colonie préexistante peuplée principalement de Français, et qu’il y aurait lieu pour la poignée d'Anglais présents dans la ''[[Province de Québec (1763-1791)|Province of Quebec]]'' d'adopter le droit de cette majorité. Les marchands anglais étaient totalement opposés à cette vision des choses. Ceux-ci militaient même pour l'établissement d’une assemblée législative pouvant servir à promouvoir leurs intérêts. Quant au gouverneur, [[Guy Carleton]], il privilégiait la formule d'un conseil législatif élargi où pourrait siéger quelques Canadiens<ref>J. Lacoursière, J. Provencher et D. Vaugeois, ''Canada-Québec, Synthèse historique, édition du renouveau pédagogique'', Montréal, {{p.|218}}.</ref>. Lorsque la nouvelle constitution est adoptée, plusieurs Anglais de la province sont étonnés de s’être fait refuser une assemblée législative et de se faire imposer le droit privé français.


Cependant, ceux qui désirent conserver les treize colonies y voient l’occasion d'utiliser le Québec comme frein aux demandes américaines en fomentant les querelles entre eux :
Cependant, ceux qui désirent conserver les treize colonies y voient l’occasion d'utiliser le Québec comme frein aux demandes américaines en fomentant les querelles entre eux :


;Extrait du ''[[London Evening Post]]'', de Londres, {{date-|28 juin 1774}}
;Extrait du ''[[London Evening Post]]'', de Londres, {{date-|28 juin 1774}}
<blockquote>Le ministère a pensé qu'il était de bonne politique d'implanter de force les principes serviles du papisme et de l'arbitraire sur un immense espace des possessions anglaises en Amériques, en guise de frein pour réprimer le libre esprit et les agitations constitutionnelles de toutes nos autres colonies en cette contrée{{sfn|Groulx|1977|p=65|loc=|id=}}.</blockquote>
<blockquote>Le ministère a pensé qu'il était de bonne politique d'implanter de force les principes serviles du papisme et de l'arbitraire sur un immense espace des possessions anglaises en Amériques, en guise de frein pour réprimer le libre esprit et les agitations constitutionnelles de toutes nos autres colonies en cette contrée<ref>Cité dans Yvan Lamonde, ''Histoire sociale des idées'', tome 1, p. 88.</ref>.</blockquote>
;Extrait du ''The Gazettier and New Daily Advertiser'', de Londres, {{date-|29 juin 1774}}
;Extrait du ''The Gazettier and New Daily Advertiser'', de Londres, {{date-|29 juin 1774}}
<blockquote>Mes amis, cette loi ne fut pas rédigée pour rappeler ici le “pretender”, ni pour faire croire aux catholiques qu'ils seront traités par nous selon les principes d'une générosité sans pareil; notre ministère n'a pas songé, non plus, à se débarrasser du Canada; ce sont là des idées qu'il est bien inutile d'entretenir. La vérité c'est que les ministres veulent cajoler Louis XVI (par amour ou par crainte, je vous le laisse à décider) et par ce moyen, posséder en Amérique, entièrement à leur dévotion, un sûr refuge pour leurs soldats, afin de surveiller les agissements des colonistes protestants et de les écorcher s'ils hésitent à plier le cou sous le joug britannique{{sfn|Groulx|1977|p=65|loc=|id=}}.</blockquote>
<blockquote>Mes amis, cette loi ne fut pas rédigée pour rappeler ici le “pretender”, ni pour faire croire aux catholiques qu'ils seront traités par nous selon les principes d'une générosité sans pareil; notre ministère n'a pas songé, non plus, à se débarrasser du Canada; ce sont là des idées qu'il est bien inutile d'entretenir. La vérité c'est que les ministres veulent cajoler Louis XVI (par amour ou par crainte, je vous le laisse à décider) et par ce moyen, posséder en Amérique, entièrement à leur dévotion, un sûr refuge pour leurs soldats, afin de surveiller les agissements des colonistes protestants et de les écorcher s'ils hésitent à plier le cou sous le joug britannique{{sfn|Groulx|1977|p=65|loc=|id=}}.</blockquote>

Version du 12 juillet 2023 à 03:08

Acte de Québec
Description de cette image, également commentée ci-après
Photo de l'acte original[1]
Présentation
Titre (en) An Act for making for effectual Provision for the Government of the Province of Quebec in North America
Référence 14 Geo. III chap. 83
Pays Grande-Bretagne
Territoire d'application Province de Québec
Langue(s) officielle(s) Anglais
Type Loi du Parlement de Grande-Bretagne
Branche Droit constitutionnel
Adoption et entrée en vigueur
Sanction 22 juin 1774
Version en vigueur 1774
Abrogation 1791

Lire en ligne

version anglaise et traduction française

L’Acte de Québec (en anglais : Quebec Act) est la deuxième loi parlementaire constitutive de l’administration britannique au Canada après la proclamation royale de 1763. Essentiellement, elle reconnaît aux Canadiens français le droit de conserver leur langue, leur droit civil et leur religion catholique. Ayant reçu la sanction royale le , l’Acte de Québec a été abrogé en grande partie pour être remplacé par l'Acte constitutionnel en 1791.

Désignation

On appelle traditionnellement cette loi « Acte de Québec » par calque de son appellation anglaise Quebec Act ». Votée au Parlement de Londres, Comme toutes les lois britanniques, cette loi a un titre abrégé, Quebec Act, et un titre intégral : An Act for making for effectual Provision for the Government of the Province of Quebec in North America. Puisqu’il s'agit d'une loi britannique, il n’y a pas de version française officielle. Le titre long a été traduit de diverses façons :

  • Acte qui règle plus solidement le Gouvernement de la Province de Québec dans l'Amérique Septentrionale[2],[3] ;
  • Acte qui règle plus solidement le Gouvernement de la Province de Quebec, en Amerique Septentrionale[4] ;
  • Acte à l'effet de pourvoir d'une façon plus efficace au gouvernement de la province de Québec dans l'Amérique du Nord[5].

Contexte et rédaction

Le gouverneur James Murray avait permis d'adapter l’Empire britannique à la culture canadienne, plutôt que d'imposer ses traditions aux habitants. Fléchissant les instructions reçues, Murray permit aux catholiques d'exercer comme juré, et d’être avocat[6]. En 1766, Murray est rappelé à la suite de protestations des Britanniques installés au Canada. Guy Carleton le remplace en septembre à titre de lieutenant-gouverneur. Il est officiellement nommé gouverneur le 31 octobre 1768. Cette année-là, il soutenait:

« L'élévation au rang de conseillers de trois ou quatre Canadiens en vue, dont les fonctions consisteraient à peu près à l'honneur de porter ce titre, bien que dans certaines occasions ils pourraient se rendre utiles. [...] En outre, les gentilshommes auraient raison d'espérer que leurs enfants, sans avoir reçu leur éducation en France et sans faire partie du service français, n'en pourraient pas moins supporter leurs familles en servant le roi leur maître, et en exerçant des charges qui les empêcheraient de descendre au niveau du bas peuple par suite des divisions et des subdivisions des terres à chaque génération[7]. »

En 1770, Carleton se rend à Londres pour participer à l'élaboration d'une nouvelle constitution pour la colonie. Charles-Louis de Lanaudière, qui l'accompagne, écrit à son père dès son arrivée en sol anglais: « Tout ce que je peux vous dire [c'est] qu'on est bien intentionné pour les Canadiens[8] ».

Michel Chartier de Lotbinière, brouillé envers Londres sur une question foncière et prenant position contre Carleton à la moindre occasion, s'oppose à son projet et réclame plutôt une Chambre d'assemblée[9].

L’affaire Campbell v Hall[10], tranchée en 1774 par Lord Mansfield, a remis en cause l'évincement du droit français dans la province de Québec.

Guy Carleton a participé à l'élaboration de l'Acte de Québec.

L’auteur principal est Alexander Wedderburn, solliciteur général pour l’Angleterre et le pays de Galles. En 1774, il commence à rédiger un projet de loi afin de remplacer la Proclamation royale[11].

Pour soutenir le zèle du Canada pour le gouvernement britannique, Carleton prend parti pour la restauration du droit civil français et soutient l'Église catholique. En juin 1774, le Parlement approuve les propositions de Carleton en adoptant l’Acte de Québec[6].

Contenu

Carte des colonies britanniques nord-américaines publiée en Angleterre en 1777. En vert (sauf Terre-Neuve et les trois zones au sud), ce qui constitue la Province of Quebec à partir de 1774.

La loi comporte essentiellement les éléments suivants :

Élargissement des limites du territoire. La loi agrandit les frontières de la province de Québec, qui comprend désormais, outre la vallée du fleuve Saint-Laurent, tout le territoire allant de Terre-Neuve aux Grands Lacs, le pourtour de ceux-ci ainsi que la vallée de l’Ohio (partie nord de la réserve indienne). La loi accorde par ailleurs un plus large territoire aux Amérindiens afin de prévenir une nouvelle rébellion de leur part (voir Rébellion de Pontiac).

Rétablissement du droit civil français et maintien du droit pénal et public anglais. Après la conquête britannique du territoire ayant pris corps en 1763 et l'instauration du droit britannique qui s'est ensuivi, l’Acte de Québec ramène l’usage en droit privé du droit romano-civiliste français, mais conserve en droit public la common law, y compris le droit pénal anglais, moins sévère. Elle restaure les droits des propriétaires des seigneuries et remplace le serment du test par un serment d'allégeance[12], ce qui permet aux catholiques de devenir conseillers législatifs et juges.

Reconnaissance du français. Comme langue de culte ainsi que dans les cours de justice et les affaires civiles.

Organisation du pouvoir. Le gouverneur garde ses pouvoirs discrétionnaires et est assisté par un Conseil législatif, composé de 17 à 23 membres. La loi n’accorde pas l’assemblée législative que demandaient les marchands anglais, l’Angleterre craignant la répétition des troubles rencontrés dans les Treize colonies. Toutes les décisions prises par le conseil doivent être soumises à l’approbation royale[13]. Par la nomination politique des juges, le gouverneur et son exécutif gardent la mainmise sur l'administration de la justice. L'Acte de Québec institue un pouvoir législatif.

Cette loi se révéla globalement efficace et récompensa les deux groupes qui avaient permis aux Britanniques (en collaborant avec ces derniers) de contrôler la population, soit le clergé et les seigneurs, afin qu’ils incitent les Canadiens à soutenir le gouvernement de Londres contre les colons des Treize colonies.

Dès le 12 novembre, une pétition est acheminée dans la métropole pour en demander son abrogation.

Les premiers membres du Conseil législatif

Sur un conseil de 22 personnes, 7 sont des nobles canadiens, dont 6 sont aussi croix de Saint-Louis. Ce sont Charles-François de Lanaudière, Gaspard-Joseph Chaussegros de Léry, Pierre-Roch de Saint-Ours Deschaillons, Claude-Pierre Pécaudy de Contrecoeur, Luc de La Corne Saint-Luc, François-Marie Picoté de Belestre et Jean-Baptiste Des Bergères de Rigauville[14].

Le Conseil législatif siège pour la première et seule fois le 17 août 1775 comme le rapporte la Gazette de Québec: « les membres de l'Honorable Conseil législatif de cette province s'assemblèrent au château St. Louis dans cette ville [...] les Messieurs suivants prêtèrent serment, et prirent leurs places[15]. » Les séances sont ensuite suspendues en raison des perturbations causées par l'invasion américaine. Elles reprennent en 1777 et se tiendront désormais dans l'ancien palais épiscopal à Québec, situé dans la côte de la Montagne[16].

Réactions

Réactions dans les Treize colonies

Par ailleurs, la loi accentua le mécontentement et l'indignation dans les Treize colonies et fut donc une cause indirecte de la révolution américaine. Les colons considérèrent en effet cette loi comme une « loi infâme » ou « intolérable[17] ». Le New York Journal promeut que l'Ouest devait être colonisé par des Protestants, et non laissé à des Canadiens-français, que l'on dit esclaves d'une religion superstitieuse et idolâtre.

Le New York Journal s’exclame que « les sauvages des bois n’ont jamais été expulsés pour faire de la place dans cette région, la meilleure du continent, aux idolâtres et aux esclaves ». D’autres craignent aussi que l’Acte soit « un concept et un système prémédités, conçus et exécutés par le ministère britannique afin d’introduire un gouvernement arbitraire dans les dominions américains de Sa Majesté »[11].

Plusieurs colons aspiraient à peupler l'Ouest d'esclaves d'origine africaine. Certains colons déplorent que le roi soit devenu papiste[6].

Réactions dans les îles Britanniques

En Angleterre, les réactions sont mitigées. En général, les anglicans et les antipapistes voient d’un très mauvais œil la légalisation de la religion catholique au sein de l’Empire, et plusieurs se questionnent sur les motifs ayant conduit à une telle décision[18].

Toutefois, plusieurs juristes sont conscients que le Canada constitue une colonie préexistante peuplée principalement de Français, et qu’il y aurait lieu pour la poignée d'Anglais présents dans la Province of Quebec d'adopter le droit de cette majorité. Les marchands anglais étaient totalement opposés à cette vision des choses. Ceux-ci militaient même pour l'établissement d’une assemblée législative pouvant servir à promouvoir leurs intérêts. Quant au gouverneur, Guy Carleton, il privilégiait la formule d'un conseil législatif élargi où pourrait siéger quelques Canadiens[19]. Lorsque la nouvelle constitution est adoptée, plusieurs Anglais de la province sont étonnés de s’être fait refuser une assemblée législative et de se faire imposer le droit privé français.

Cependant, ceux qui désirent conserver les treize colonies y voient l’occasion d'utiliser le Québec comme frein aux demandes américaines en fomentant les querelles entre eux :

Extrait du London Evening Post, de Londres,

Le ministère a pensé qu'il était de bonne politique d'implanter de force les principes serviles du papisme et de l'arbitraire sur un immense espace des possessions anglaises en Amériques, en guise de frein pour réprimer le libre esprit et les agitations constitutionnelles de toutes nos autres colonies en cette contrée[20].

Extrait du The Gazettier and New Daily Advertiser, de Londres,

Mes amis, cette loi ne fut pas rédigée pour rappeler ici le “pretender”, ni pour faire croire aux catholiques qu'ils seront traités par nous selon les principes d'une générosité sans pareil; notre ministère n'a pas songé, non plus, à se débarrasser du Canada; ce sont là des idées qu'il est bien inutile d'entretenir. La vérité c'est que les ministres veulent cajoler Louis XVI (par amour ou par crainte, je vous le laisse à décider) et par ce moyen, posséder en Amérique, entièrement à leur dévotion, un sûr refuge pour leurs soldats, afin de surveiller les agissements des colonistes protestants et de les écorcher s'ils hésitent à plier le cou sous le joug britannique[21].

Notes et références

  1. Extraits : « Dans la quatorzieme année du regne de George III, roi de la Grande Bretagne, de France, et d'Irelande: au Parlement commencé et tenu à Westminster, le dixieme jour de mai, de l'année de Notre Seigneur mil sept cens soixante-huit, dans la huitieme année du regne de notre Souverain Seigneur George Trois, par la grace de Dieu, roi de la Grande Bretagne, de France, et d'Irelande, défenseur de la foi, &c., et depuis coutinué par differentes remises au treizieme jour de janvier, mil sept cens soixante-quatorze, etant le septieme seance du treizieme Parlement de la Grande Bretagne ». Anno Regni Decimo Quarto Georgii III. Regis. Chap. LXXXIII.
  2. « Acte de Québec (1774) », sur Répertoire du patrimoine culturel du Québec (consulté le ).
  3. [lire en ligne]
  4. « Acte de Québec (1774) », sur Canadiana, Réseau canadien de documentation pour la recherche (consulté le ); dans l'édit de proclamation de la même loi, dans la même édition, le titre indiqué est plutôt Acte qui règle plus solidement le Gouvernement de la Province de Quebec, en l’Amerique Septentrionale.
  5. « Acte de Québec (1774) », sur Assemblée nationale du Québec.
  6. a b et c « American Revolutions: A Continental History, 1750-1804 », sur The SHAFR Guide Online (consulté le )
  7. Cité dans Sophie Imbeault, Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête, Québec, Septentrion, 2004, p. 87.
  8. Cité dans Sophie Imbeault, Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête, Québec, Septentrion, 2004, p. 95.
  9. Cité dans Sophie Imbeault, Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête, Québec, Septentrion, 2004, p. 93.
  10. (1774) 1 Cowp 204, 98 ER 1045
  11. a et b « Acte de Québec (1774) », sur thecanadianencyclopedia.ca
  12. Ce serment est reproduit dans DC, 1, p. 555.
  13. J. Lacoursière, J. Provencher et D. Vaugeois, Canada-Québec, Synthèse historique, édition du renouveau pédagogique, Montréal, 1976, p. 222.
  14. Ce dernier est le seul à ne pas détenir la croix de Saint-Louis. Les récipiendaires de cette récompense militaire ont prêté serment au roi de France. Sophie Imbeault, Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête, Québec, Septentrion, 2004, p. 90.
  15. Cité dans Sophie Imbeault, Les Tarieu de Lanaudière. Une famille noble après la Conquête, Québec, Septentrion, 2004, p. 90.
  16. L'évêque loue les locaux à l'administration britannique. Christian Blais et al., Québec quatre siècles d'une capitale, p. 176.
  17. Cité dans Christian Blais et al., Québec quatre siècles d'une capitale, p. 177.
  18. Lionel Groulx, Notre maître le passé, Éditions 10–10, , p.67.
  19. J. Lacoursière, J. Provencher et D. Vaugeois, Canada-Québec, Synthèse historique, édition du renouveau pédagogique, Montréal, p. 218.
  20. Cité dans Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées, tome 1, p. 88.
  21. Groulx 1977, p. 65.

Voir aussi

Bibliographie

  • Anonyme, « L’Acte de Québec de 1774 et la timide dualité linguistique » [lire en ligne].
  • Acte de Québec 1774 : la version française qui suit est une traduction de François-Joseph Cugnet S.F. (1720-1789), qui fut seigneur, juge, procureur général, grand voyer, traducteur officiel et secrétaire français du gouverneur et du Conseil de Québec [lire en ligne].
  • Louis Le Jeune, « Acte de Québec », Dictionnaire général de biographie, histoire, littérature, agriculture, commerce, industrie et des arts, sciences, mœurs, coutumes, institutions politiques et religieuses du Canada, Ottawa, Université d'Ottawa, 1931, vol. 1, p. 16–‍18 (domaine public).
  • (en) Hilda Neatby, The Quebec Act: Protest and Policy, Scarborough, Ont. : Prentice-Hall of Canada, 1972, 142 p.
  • Séraphin Marion, L’Acte de Québec, concession magnanime ou intéressée ?, Montréal : Éditions des dix, 1963, 147 p.
  • (en) Reginald Coupland, The Quebec Act: A Study in Statesmanship, Oxford : Clarendon Press, 1925, 224 p.
  • (en) Henry Cavendish, Debates of the House of Commons in the Year 1774 on the Bill for Making More Effectual Provision for the Government of the Province of Quebec: Drawn Up from the Notes of the Henry Cavendish, Member for Lostwithiel, Londres : Ridgway, 1839, 303 p. [lire en ligne].
  • Michel Morin, Les débats concernant le droit français et le droit anglais antérieurement à l’adoption de l’Acte de Québec de 1774 (lire en ligne)

Articles connexes

Liens externes