Ambazonie

Un article de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

République fédérale d'Ambazonie

(en) Federal Republic of Ambazonia

Drapeau
Drapeau de l'Ambazonie
Blason
Emblème
Devise en anglais : One Nation, One Destiny, Under God (« Une nation, un destin, sous Dieu »)
Hymne en anglais : Hail Ambazonia, Land of Glory (« Vive l'Ambazonie, terre de gloire ! »)
Description de l'image Southern cameroons.png.
Description de l'image Federal ambazonia.png.
Administration
Forme de l'État République fédérale à régime présidentiel
Revendiqué par Drapeau du Cameroun Cameroun (Région du Nord-Ouest et Région du Sud-Ouest)
Langue officielle
Langues nationales
Anglais
pidgin camerounais, langues des Grassfields, oroko, langues manenguba, kenyang et duala
Capitale Buéa

3° 52′ N, 11° 31′ E

Géographie
Plus grande ville Bamenda
Superficie totale 43 700 km2
Fuseau horaire UTC +1
Histoire
Entité précédente
Indépendance Drapeau du Cameroun Cameroun
Déclarée
Démographie
Gentilé Ambazonien(s), Ambazonienne(s)
Population totale (2015) 3 521 900 hab.
Densité 81 hab./km2
Économie
Monnaie Franc CFA (CEMAC), AmbaCoin
Divers
Code ISO 3166-1 CMR, CM
Domaine Internet .cm (de facto), .ab (de jure)
Indicatif téléphonique +237

L'Ambazonie, en forme longue la république fédérale d'Ambazonie, également appelée Amba Land (en anglais : Ambazonia, Federal Republic of Ambazonia et Amba Land), est un État autoproclamé dans les deux régions anglophones du Cameroun, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest. Le nom est apparu pour la première fois au milieu des années 1980.

Son indépendance est déclarée le par Sisiku Julius Ayuk Tabe, sur fond de crise anglophone au Cameroun. Après la déclaration symbolique d'indépendance, un gouvernement intérimaire est formé et Sisiku Julius Ayuk Tabe devient président de l'État sécessionniste jusqu'à son arrestation en 2018. Il est alors remplacé par Samuel Ikome Sako, dont le cabinet est dissous en 2019 par un document signé par Sisiku Julius Ayuk Tabe, qui rétablit le sien, ce qui déclenche une crise. Depuis, plusieurs factions se disputent le pouvoir.

Étymologie[modifier | modifier le code]

Le nom « Ambazonie » provient de la baie d'Ambas, mentionnée sur les cartes des navigateurs qui ont sillonné la région aux XVIe et XVIIe siècles[1].

Histoire[modifier | modifier le code]

Invention du nom « Ambazonie »[modifier | modifier le code]

Au milieu des années 1980, l'avocat et militant Fongum Gorji Dinka invente le nom d'« Ambazonie »[2].

Déclaration d'indépendance, création d'un gouvernement intérimaire, présidence et arrestation de Sisiku Julius Ayuk Tabe (2017-2018)[modifier | modifier le code]

Le , Sisiku Julius Ayuk Tabe déclare symboliquement l'indépendance des régions anglophones sous le nom de république fédérale d'Ambazonie, suivie d'une répression par les forces de l'ordre se soldant par des morts, des blessés, des émeutes, barricades, manifestations, couvre-feu, etc[3].

Un gouvernement intérimaire est formé le [4]. Sisiku Julius Ayuk Tabe devient président de la république sécessioniste. Son mouvement, le Front uni du consortium Ambazonie-Cameroun méridional (FUCACM) devient un gouvernement intérimaire[5]. Lorsque le FUCACM se transforme en gouvernement intérimaire, une rébellion séparatiste sévit déjà depuis près de deux mois dans les régions anglophones. Plusieurs groupes armés sont actifs notamment les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA). Celles-ci sont placées sous l'autorité du Conseil de gouvernement de l'Ambazonie (AGovC), dirigé par Lucas Ayaba Cho. Le gouvernement intérimaire rejette d'abord l'idée d'une lutte armée, préférant la désobéissance civile et une campagne diplomatique. Début novembre 2017, le gouvernement intérimaire condamne une attaque des FDA visant la gendarmerie[6].

Début janvier 2018, la présidence de Sisiku Julius Ayuk Tabe prend fin lorsqu'il est arrêté au Nigeria avec 46 de ses partisans et extradé vers le Cameroun[7].

Présidence par intérim de Samuel Ikome Sako (2018-2019)[modifier | modifier le code]

Samuel Ikome Sako en 2018.

À la suite de l'arrestation de la plupart des membres du gouvernement intérimaire de l'Ambazonie, y compris Sisiku Julius Ayuk Tabe, Samuel Ikome Sako est élu président intérimaire grâce à la mobilisation de la diaspora séparatiste en février 2018, formant un collège électoral[8].

Dans une tentative d'unir plusieurs groupes séparatistes armés sous une seule bannière, le gouvernement intérimaire crée le Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie (CAA) en mars 2018. Bien que le CAA soit numériquement plus importante que les FDA, elle ne dispose pas d'une structure de commandement centralisée et constitue davantage un organe de coopération qu'une organisation unique[9].

En décembre 2018, Samuel Ikome Sako tente de résoudre les différends entre le gouvernement intérimaire et les FDA[10].

Le , il annonce une série de mesures visant à modifier les stratégies de combat des séparatistes[11]. Le « 31 mars 2019 », le gouvernement intérimaire et plusieurs autres mouvements séparatistes décident de créer le Conseil de libération du Cameroun méridional (CLCM). Il vise à former un front uni et est composé à la fois de séparatistes et de fédéralistes[12]. Cependant, malgré ses tentatives d'unification des séparatistes, le cabinet de Samuel Ikome Sako est critiqué, accusé d'incompétence et de détournement de fonds[13].

Crise du leadership[modifier | modifier le code]

Le , un document signé par Sisiku Julius Ayuk Tabe annonce la dissolution du gouvernement intérimaire de Samuel Ikome Sako et le rétablissement du gouvernement de Sisiku Julius Ayuk Tabe[14]. Ce document déclenche une crise de leadership au sein du gouvernement intérimaire, le gouvernement dirigé par Samuel Ikome Sako refusant de démissionner.

En juin 2019, le Conseil de restauration de l'Ambazonie accuse Sisiku Julius Ayuk Tabe de « trahison » et déclare qu'un véritable changement de leadership sera initié dans les trois mois à venir. Le Conseil de gouvernement de l'Ambazonie se rallie à Sisiku Julius Ayuk Tabe[15].

Depuis 2019[modifier | modifier le code]

Le , Marianta Njomia est élue présidente, remplaçant ainsi Samuel Ikome Sako[16]. En septembre 2022, le porte-parole du mouvement séparatiste Chris Anu déclare avoir été élu président[17].

Structures[modifier | modifier le code]

Gouvernement provisoire et groupes en exil[modifier | modifier le code]

Les séparatistes affirment que l'Ambazonie est gouvernée par le gouverment intérimaire de l'Ambazonie, en tant que gouvernement provisoire en exil[18]. Cependant, durant la crise anglophone au Cameroun, ce gouvernement en exil s'est divisé à plusieurs reprises, entraînant des luttes intestines et plusieurs factions revendiquant la légitimité de diriger l'Ambazonie[19].

Malgré les conflits internes du gouvernement intérimaire, ses membres et d'autres activistes en exil conservent une certaine influence sur les groupes armés séparatistes. Par exemple, les exilés organisent des campagnes de collecte de fonds qui comprenaient l'introduction de leur propre cryptomonnaie, l'AmbaCoin ; l'argent ainsi obtenu est ensuite utilisé pour armer les groupes séparatistes sur le terrain. Les commandants de certains groupes opèrent également depuis l'exil[19],[20].

Pour créer une cohésion au sein du mouvement séparatiste et renforcer l'idée d'un « État-nation ambazonien », les militants en exil créent également une série d'autres organisations pour soutenir le gouvernement intérimaire. Il s'agit notamment de la FUCACM, de la SCBC TV pour diffuser de la propagande et d'un Conseil d'éducation du Cameroun méridional-Ambazonie (CECMA) pour mettre en œuvre un nouveau programme scolaire dans les écoles des zones rebelles[21].

Groupes armés[modifier | modifier le code]

Carte des différents groupes armés dans les régions anglophones en octobre 2023.

Les rebelles séparatistes impliqués dans la crise anglophone au Cameroun se considèrent comme fidèles à l'Ambazonie et utilisent les symboles de l'État autoproclamé, mais ils sont divisés en dizaines de groupes, souvent concurrents et aux allégeances changeantes[22],[23]. Les commandants de ces groupes sont qualifiés de « seigneurs de guerre » par les chercheurs[24]. Les séparatistes armés sont communément appelés « Amba Boys »[25]. Les groupes varient généralement en taille, allant de petits groupes à des alliances comptant des centaines de membres[26],[25],[27],[28].

De nombreux groupes de guérilla rejoignent le Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie (CAA). Les principaux groupes non-CAA sont les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA) et les Forces de défense du Cameroun méridional (FDCM), qui coopèrent toutes deux avec le CAA à un certain niveau[29]. Il existe également des dizaines de groupes plus petits. Les groupes séparatistes diffèrent considérablement dans leurs objectifs et leurs méthodes, bien qu'ils bénéficient généralement d'un certain niveau de soutien populaire au sein de la population rurale[24]. La plupart d'entre eux se livrent à un certain niveau à des activités criminelles telles que l'enlèvement contre rançon pour subvenir à leurs besoins[24].

Un nombre important de séparatistes utilisent également la religion pour justifier leurs actions. Les religions traditionnelles africaines (odeshi) sont importantes pour de nombreux séparatistes, mais des « versets décontextualisés de la Bible et du Coran » sont également utilisés dans les vidéos de propagande. Des chefs rebelles tels que le général No Pity laissent entendre publiquement qu'ils bénéficient d'une protection mystique et religieuse pour améliorer leur réputation[30].

Médias[modifier | modifier le code]

Les séparatistes sont très présents sur Internet et utilisent les réseaux sociaux pour diffuser leurs idées. Au début de la crise anglophone au Cameroun, la « Ambazonian Broadcasting Co-operation » (formée par des exilés) est un canal majeur de diffusion de la propagande et de la désinformation au Cameroun pour encourager les anglophones à se ranger du côté des séparatistes[30].

Language[modifier | modifier le code]

Les séparatistes développent un argot unique dans le contexte du conflit[31]. Par exemple, ils appellent leurs camps « églises »[31], donnant une signification religieuse à ces lieux importants où ils peuvent s'organiser et se cacher[31]. Un chercheur a également émis l'hypothèse que le terme « église » était lié aux rituels séparatistes invoquant la magie protectrice dans leurs camps[31]. De même, certains séparatistes qualifient leurs armes de « bibles » et leurs attaques de « croisades », tandis que d'autres utilisent les termes « canne à sucre » ou « bâton » pour les armes et « cacahuètes » pour les cartouches[31]. Selon un chercheur, l'utilisation de termes plus sacro-saints par certaines factions séparatistes seulement pourrait être le résultat de désaccords internes au sein du mouvement[31]. En revanche, l'expression « frying popcorn » pour les situations de combat est très répandue parmi les rebelles[31]. Lorsque les séparatistes déclarent qu'ils ont « gaspillé » un individu, ils décrivent un assassinat[31]. Les personnes considérées comme des traîtres sont appelés « blacklegs ». Les personnes amputées, souvent à la suite de tortures infligées par des groupes armés, sont appelés « manches courtes »[31], tandis que l'acte de couper les doigts d'une personne est appelé « garri »[31].

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. « Cameroun : ce qu'il faut comprendre de la crise anglophone », (consulté le )
  2. (en-US) Rogers Orock, « Cameroon: how language plunged a country into deadly conflict with no end in sight », sur The Conversation, (consulté le )
  3. « Le Cameroun anglophone, en ébullition, compte ses morts », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  4. C. Nna-Emeka Okereke, « Imperial Antecedent of the Anglophone Conflict in Cameroon », Georgetown Journal of International Affairs, vol. 23, no 1,‎ , p. 114–122 (ISSN 2471-8831, DOI 10.1353/gia.2022.0018, lire en ligne, consulté le )
  5. (en) « Several killed in Cameroon as anglophones declare 'independent Ambazonia' », sur euractiv, (consulté le )
  6. (en) « ‘Ambazonia’ Interim “President” Condemns Violence Amid Claims By ADF of Masterminding Gendarme Killing », sur Cameroon News Agency (consulté le )
  7. « Le Nigeria extrade au Cameroun des dirigeants séparatistes anglophones », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  8. (en) « Just In-Dr Samuel Ikome Sako Is New Acting Interim President of The ‘Federal Republic of Ambazonia’ », sur Cameroon News Agency (consulté le )
  9. (en) Jonathan Pedneault, « “These Killings Can Be Stopped” », Human Rights Watch,‎ (lire en ligne, consulté le )
  10. « 3 most touching tributes offered to “General Ivo” », sur web.archive, (consulté le )
  11. (en) « No Retreat, No Surrender, From Defensive To Offensive Strategy, The way Forward In 2019-Dr Samuel Sako », sur Cameroon News Agency (consulté le )
  12. (en) « Anglophone Struggle Takes Another Kink, Separatists, Federalists Bury Hatchet, Create Southern Cameroons Liberation Council », sur National Times (consulté le )
  13. « Cameroon’s Anglophone Crisis: How to Get to Talks? », sur crisisgroup, (consulté le )
  14. (en) « Detained Sisiku Auk Tabe Dissolves Interim Government As Infighting Bedevils ‘Ambazonia’ », sur National Times (consulté le )
  15. (en) « Cameroon: Sepratist hardliners react after impechment of detained Ambazonia leader », sur Journal du Cameroun, (consulté le )
  16. « Crise anglophone : une nouvelle présidente à la tête de la république imaginaire d’Ambazonie », sur Actu Cameroun, (consulté le )
  17. « Chris Anu, nouveau chef des séparatistes anglophones du Cameroun », sur VOA Afrique, (consulté le )
  18. (en-GB) « Several killed in Cameroon as anglophones declare 'independent Ambazonia' », sur www.euractiv.com, (consulté le )
  19. a et b (en-US) Gareth Browne, « Cameroon’s Separatist Movement Is Going International », sur Foreign Policy (consulté le )
  20. (en) « English-speaking villages are burning in Cameroon », The Economist,‎ nov 7th 2019 (ISSN 0013-0613, lire en ligne, consulté le )
  21. Joseph Nkwain, « Current Insights into the Evolution of Cameroon English: The Contribution of the ‘Anglophone Problem’ », ATHENS JOURNAL OF HUMANITIES & ARTS, vol. 9, no 3,‎ , p. 233–260 (ISSN 2241-7702, DOI 10.30958/ajha.9-3-3, lire en ligne, consulté le )
  22. (en) Gareth Browne, « Cameroon’s Separatist Movement Is Going International », sur Foreign Policy (consulté le )
  23. (en) Mark Dike DeLancey, Mark W. Delancey et Rebecca Neh Mbuh, Historical Dictionary of the Republic of Cameroon, Rowman & Littlefield, (ISBN 978-1-5381-1968-6, lire en ligne)
  24. a b et c « Wayback Machine », sur web.archive.org (consulté le )
  25. a et b (en) Mark Dike DeLancey, Mark W. Delancey et Rebecca Neh Mbuh, Historical Dictionary of the Republic of Cameroon, Rowman & Littlefield, (ISBN 978-1-5381-1968-6, lire en ligne)
  26. (en-US) Gareth Browne, « Cameroon’s Separatist Movement Is Going International », sur Foreign Policy, (consulté le )
  27. (en) « Cameroon: I spent a week embedded with Anglophone armed separatists », sur RFI, (consulté le )
  28. (en) « Cameroon’s Anglophone Crisis: How to Get to Talks? », sur www.crisisgroup.org, (consulté le )
  29. (en) « Cameroon: I spent a week embedded with Anglophone armed separatists », sur RFI, (consulté le )
  30. a et b (en) Alex Purcell, « Amba Boys: Transforming Pacifists into Warmongers? », sur grey dynamics, (consulté le )
  31. a b c d e f g h i et j (en) Aloysius Ngefac, Aspects of Cameroon Englishes, Cambridge Scholars Publishing, (ISBN 978-1-5275-8029-9, lire en ligne)

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • (en) Mark Dike DeLancey, Rebecca Mbuh, Mark W. Delancey, « Ambazonia (Ambazania)», in Historical Dictionary of the Republic of Cameroon, Scarecrow Press, 2010 (4e éd.), p. 36 (ISBN 9780810873995)

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]