Potlatch (anthropologie)

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Les Kwakwaka'wakw continuent la pratique du potlatch.

Le potlatch (chinook : nourrir) est un type de festin pratiqué par les peuples autochtones de la côte nord-ouest du Pacifique au Canada et aux États-Unis[1], au cours duquel de nombreux cadeaux sont donnés des uns aux autres. C'est une institution importante pour les Heiltsuk, les Haida, les Nuxalk, les Tlingit[2], les Makah, les Tsimshian[3], les Nuu-chah-nulth[4], les Kwakwaka'wakw[5] et les Salish de la côte, entre autres[6].

Un potlatch implique de donner ou de détruire des richesses ou des objets de valeur pour démontrer la richesse et le pouvoir d'un leader. Les potlatchs visent aussi à réaffirmer les liens familiaux, claniques et internationaux, ainsi que la connexion humaine avec le monde surnaturel. Le potlatch sert également de régime strict de gestion des ressources, où les peuples de la côte discutent, négocient et affirment les droits et les usages concernant des territoires et des ressources spécifiques[7],[8],[9]. Les potlatchs impliquent souvent musique, danse, chant, récits, discours, plaisanteries et jeux. Le sacré et la récitation d'histoires orales sont une partie centrale de nombreux potlatchs.

De 1885 à 1951, le gouvernement du Canada a criminalisé les potlatchs. Cependant, la pratique a persisté clandestinement malgré le risque de représailles gouvernementales incluant des peines plancher d'au moins deux mois; cette pratique a également été étudiée par de nombreux anthropologues. Depuis la décriminalisation de cette pratique en 1951, le potlatch a réémergé dans certaines communautés.

Histoire[modifier | modifier le code]

Interdiction du potlatch[modifier | modifier le code]

En 1885, le gouvernement fédéral du Canada a interdit le potlatch, une cérémonie autochtone centrale pour les peuples (en) du Nord-Ouest Pacifique. Cette interdiction visait à assimiler les Autochtones en supprimant leurs traditions culturelles, perçues comme incompatibles avec les valeurs capitalistes et chrétiennes. L'application de la loi, initialement vague, a conduit à des arrestations et des confiscations d'objets cérémoniels. La révision de la loi sur les Indiens en 1951 a finalement levé cette interdiction[10].

En philosophie[modifier | modifier le code]

Le potlatch renvoie en philosophie à la notion de dépense pure (cf. Georges Bataille et Marcel Mauss). C'est un processus placé sous le signe de la rivalité : il faut dépasser les autres dons.

Photo d'un potlatch Kwakwaka'wakw, par Edward Curtis (publiée entre 1907 et 1930).

D'un autre côté, le philosophe Gilles Deleuze explique que « la relation créancier-débiteur » — qui, chez Nietzsche, était « première par rapport à tout échange » — doit être repensée compte tenu des études ultérieures sur le potlatch[11].

Théories anthropologiques[modifier | modifier le code]

L'anthropologue René Girard identifie cette pratique rituelle à un phénomène plus large, un sacrifice permettant de désamorcer une violence collective et mimétique pouvant être déclenchée autour d'un objet de désir non partageable[12]. Comme développement ou « aggravation » du mimétisme, il cite la situation de deux tribus rivales qui gaspillent volontairement et rituellement des quantités de richesse (cas de « mimétisme négatif »).

Économie du don[modifier | modifier le code]

Le mot a été introduit en anthropologie en 1924 par Mauss et Davy (note p. 72 de l'Essai sur le don de Marcel Mauss pour origines antérieures). Cependant, Marcel Mauss l'évoque dès 1905 dans son essai sur les Inuits[13].

Notes et références[modifier | modifier le code]

(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de la page de Wikipédia en anglais intitulée « Potlatch » (voir la liste des auteurs).

  1. Harkin, Michael E., 2001, Potlatch in Anthropology, International Encyclopedia of the Social and Behavioral Sciences, Neil J. Smelser and Paul B. Baltes, eds., vol 17, pp. 11885-11889. Oxford: Pergamon Press.
  2. Ann Chandonnet, Alaska's Native Peoples, Anchorage, Arctic Circle Enterprises, (ISBN 978-1-933837-14-7), p. 27
  3. Seguin, Margaret (1986) "Understanding Tsimshian 'Potlatch.Modèle:'" In: Native Peoples: The Canadian Experience, ed. by R. Bruce Morrison and C. Roderick Wilson, pp. 473–500. Toronto: McClelland and Stewart.
  4. Atleo, Richard. Tsawalk: A Nuu-chah-nulth Worldview, UBC Press; New Ed edition (February 28, 2005). (ISBN 978-0-7748-1085-2)
  5. Aldona Jonaitis. Chiefly Feasts: The Enduring Kwakiutl Potlatch. University of Washington Press 1991. (ISBN 978-0-295-97114-8).
  6. Major J. S. Matthews, Conversations with Khahtsahlano 1932–1954, , 190, 266, 267 (ASIN B0007K39O2, lire en ligne)
  7. George Clutesi, Potlatch, Victoria, BC, The Morriss Printing Company, , 2e éd.
  8. Sara Florence Davidson, Potlatch as Pedagogy, Winnipeg, Manitoba, Portage and Main, , 1re éd. (ISBN 978-1-55379-773-9)
  9. John R Swanton, Contributions to the Ethnologies of the Haida, New York, EJ Brtill, Leiden, and GE Stechert, , 2e éd. (ISBN 0-404-58105-6)
  10. « Interdiction du potlatch », dans L'encyclopédie canadienne (lire en ligne) (consulté le )
  11. Deleuze, Critique et clinique, 1993, p. 160.
  12. René Girard, Les choses cachées depuis la fondation du monde, Paris, Librairie générale française, , 636 p. (ISBN 978-2-253-03244-1 et 2-253-03244-1).
  13. Marcel Mauss, « Essai sur les variations saisonnières des sociétés eskimos Étude de morphologie sociale », l’Année Sociologique,‎ 1904-1905, p. 103 (lire en ligne).

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]