Aller au contenu

Utilisateur:Mathieugp/Brouillons/Loi d'indemnisation pour le Bas-Canada

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La Loi d'indemnisation pour le Bas-Canada est une loi controversée adoptée au Parlement du Canada-Uni en 1849. Son adoption et son assentiment royal subséquent par le gouverneur général James Bruce, 8e comte Elgin, sont à l'origine d'événements d'une grande violence dont les cibles principales étaient les chefs politiques patriotes de l'ancienne Province Bas-Canada et sa population majoritairement francophone et catholique, devenue minoritaire sur le plan politique sous l'Union législative de 1840 qui donne naissance au Canada-Uni. (Voir Incendie de l'Hôtel du Parlement à Montréal).

Projets d'indemnisation antérieurs[modifier | modifier le code]

Deux projets d'indemnisation précèdent celui introduit au Parlement du Canada-Uni en 1845: un premier au Bas-Canada en 1838 et un second dans le Haut-Canada en 1840.

Avant l'Union, au cours de la dernière session du Parlement du Haut-Canada le [1], les députés avaient adopté une loi (3 Vict. c. 76) indemnisant certaines personnes pour des pertes encourues lors du soulèvement armé de 1837. Un crédit de 40 000 £ avait été affecté au règlement des réclamations des habitants[2], mais jamais aucune somme n'avait été dépensée, car les coffres de l'État provincial étaient vides.

Contrairement à la loi adoptée en 1838, celle de 1840 prévoyait indemniser autant les victimes civiles d'actes de violence commis par les hommes du gouvernement que ceux commis par les hommes insurgés contre le gouvernement. De son côté, le Conseil spécial du Bas-Canada avait également émis une ordonnance en 1838 afin d'étudier le projet d'indemniser certaines personnes, sur la base de leur loyauté présumée à la Couronne.

Gouvernement Draper-Viger[modifier | modifier le code]

Le [3], les députés de l'Assemblée législative adoptent unanimement le texte d'une adresse enjoignant le gouverneur Metcalfe d'adopter des mesures d'indemnisation pour les habitants du Bas-Canada dont les propriétés ont été endommagées ou détruites en 1837-1838. Le , le gouverneur sanctionne une loi affectant le revenu des licences d'auberge du Canada-Ouest au paiement des réclamations des habitants de l'ancien Haut-Canada qui n'ont toujours rien reçu[note 1]. Une somme de 38 658 £ est amassée entre le et le au moyen de cette loi[4] (plus tard, en 1846, on affectera le revenu des licences de mariages au même objet).

Suite à l'adoption de l'adresse de 1845 concernant les pertes subies par les habitants de l'ancien Bas-Canada, le gouvernement Draper-Viger met sur pied, le 24 novembre[4], une commission chargée d'étudier les nombreuses réclamations qui s'accumulent depuis 1838, de déterminer lesquelles sont justifiées et fournir une estimation de la somme à débourser. Les cinq commissaires, Joseph Dionne, P. H. Moore, Jacques Viger, John Simpson et Joseph-Ubalde Beaudry, remettent leur premier rapport en . Ils avaient reçu du gouvernement l'instruction de distinguer entre les réclamations provenant de personnes impliquées dans la « rébellion » et celles de personnes innocentes de toute complicité avec les insurgés. Le total des réclamations jugées recevables s'élève à 241 965 £, 10 s. et 5d., mais les commissaires jugent qu'après une enquête plus minutieuse, la somme à débourser ne dépassera sans doute pas 100 000 £. L'Assemblée adopte une loi le [5] autorisant une compensation de 9 986 £ pour des réclamations étudiées antérieurement au dépôt du rapport. Rien n'est plus accompli par la suite sur cette question jusqu'à la dissolution du parlement, le .

Gouvernement Baldwin–Lafontaine[modifier | modifier le code]

Les élections générales de janvier 1848 changent la composition de la Chambre d'assemblée à la faveur du parti d'opposition, les réformistes. Le nouveau gouverneur lord Elgin, arrivé dans la colonie le 30 janvier, forme d'abord un gouvernement qui n'a pas l'appui de la majorité des députés. Ceux-ci retirent leur confiance aux membres du conseil exécutif le 3 mars[6]. Le 7 mars, le gouverneur Elgin appelle Robert Baldwin et Louis-Hippolyte Lafontaine, respectivement chefs des partis majoritaires dans les deux sections de la province, au conseil exécutif. Le 11 mars, 11 nouveaux ministres[note 2] entrent au Conseil exécutif.

Le , Lafontaine propose à la Chambre qu'elle se forme en un comité de tous ses membres le 9 février afin de « constater le chiffre de certaines pertes essuyées par certaines personnes dans le Bas-Canada durant les troubles de 1837 et 1838, et de pourvoir à leur règlement ». Le traitement de la proposition est reporté à l'ordre du jour plusieurs fois. Le parti d'opposition, qui dénonce le vœu du gouvernement de « payer les rebelles », se montre très hostile à ce que la Chambre débute l'étude de cette question en suspens depuis 1838. Il propose divers amendements à la résolution présentée par Lafontaine : un premier, le 13 février, visant à reporter le vote de dix jours « pour donner aux habitants de ce pays le temps d'exprimer leur opinion » ; un deuxième, le 20 février, déclarant que la Chambre « n'a pas le droit de se saisir de cette proposition » puisque le gouverneur général n'a pas recommandé à cette chambre de « pourvoir à la liquidation des réclamations pour les pertes occasionnées par les rébellions dans le Bas-Canada, durant la présente session[7] ». Les amendements sont rejetés et le comité est finalement formé le mardi 20 février, mais les travaux de la Chambre sont ajournés.

Les débats du 13 au 20 février sont particulièrement acerbes et même dans la Chambre, la violence verbale des orateurs le cède bientôt à la violence physique. Les députés Henry Sherwood, Allan MacNab et Prince attaquent la légitimité du projet de loi, car selon eux il récompense les « rebelles » d'hier et constitue un affront aux loyaux sujets qui les ont combattus en 1837 et 1838. Le 15 février, les ministres Francis Hincks, et William Hume Blake rétorquent sur le même ton et Blake va jusqu'à traiter les conservateurs d'être les vrais rebelles, car, dit-il, ce sont eux qui ont violé impunément les principes constitutionnels britanniques et causé la guerre civile de 1837 et 1838[8]. M. Blake refuse de s'excuser après son discours, et une mêlée éclate parmi les spectateurs installés dans les galeries. Le président fait expulser les spectateurs qui s'agitent grandement et un affrontement entre MacNab et Blake n'est évité que par l'interposition du sergent d'armes[9].

Le 16 février, John A. MacDonald, député de l'opposition dans la circonscription de Kingston, provoque Blake en duel[10]. Alors qu'il lit des extraits de documents, MacDonald l'interrompt et lui demande de lire intégralement les phrases et les paragraphes. Blake lui rétorque qu'il « lira ce qu'il lui plaira ». MacDonald n'apprécie pas la réponse et fait passer une note à Blake par laquelle il le provoque en duel. Les deux hommes quittent la pièce pour se rendre à l'extérieur. Peu de temps après, le président ordonne la suspension de la séance et envoie les huissiers d'armes pour les ramener à leurs travaux. MacDonald revient dans la Chambre, mais Blake ne peut être trouvé. Il est amené à comparaître à la barre de la Chambre le lundi 19 février suivant pour expliquer la raison de son départ. La Chambre accepte ses explications[11]. Les deux hommes assurent que le duel est annulé[12].

La presse anglophone de la capitale (The Gazette, Courier, Herald, Transcript, Witness, Punch) s'oppose majoritairement à la mesure. Il n'y a qu'un quotidien, le Pilot, qui appuie le gouvernement. Du côté de la presse francophone (La Minerve, L'Avenir), on appuie unanimement la mesure.

Le 17 février, les principaux députés conservateurs tiennent une assemblée publique de protestation. George Moffat est élu président et divers hommes publics dont Allan MacNab, Prince, Gugy, MacDonald, Molson, Rose et d'autres prononcent des discours[13]. On prépare une pétition adressée au gouverneur dans laquelle on lui demande de dissoudre le parlement afin de déclencher de nouvelles élections, ou alors de réserver la sanction de la loi à l'autorité royale, c'est-à-dire de déférer la question au gouvernement britannique. La presse rapporta que Lafontaine est brûlé en effigie ce soir-là[14].

Le 22 février, M. Boulton propose un amendement afin qu'aucune personne ayant plaidé coupable ou ayant été reconnue coupable de haute trahison ne reçoive de compensation du gouvernement[15]. Le parti du gouvernement adopte l'amendement, mais le geste reste sans effet sur le parti d'opposition qui persiste à dénoncer une mesure qui récompense les rebelles. Certains députés libéraux, dont Papineau et Chauveau, s'opposent à l'amendement, car selon eux il a pour effet d'entraîner la reconnaissance, par le gouvernement, de la légalité de la cour martiale instituée par l'ancien gouverneur John Colborne pour faire juger les prisonniers en 1839.

Le , Lafontaine présente une série de résolutions qui comprend le dépôt d'un projet de loi visant à indemniser les personnes qui ont subi des pertes matérielles au cours du conflit armé dans le Bas-Canada en 1837. Le projet de loi, qui s'intitule Acte pour indemniser les personnes dans le Bas-Canada, dont les propriétés ont été détruites durant la rébellion dans les années 1837 et 1838, autorise une dépense de 90 000 £.

Les sept résolutions sont adoptées une à une[16] le 27 février[note 3] et le projet de loi est déposé et lu le même jour, puis lu une seconde fois le 2 mars.

Le 9 mars, l'Assemblée législative adopte le projet de loi à 47 contre 18[17]. Les députés provenant de l'ancien Haut-Canada votent en faveur à 17 contre 14 et ceux de l'ancien Bas-Canada votent de même à 30 contre 4. Six jours plus tard, le 15 mars, le Conseil législatif approuve le projet de loi à 20 contre 14[18]. Le projet de loi ayant passé la chambre basse et la chambre haute du parlement provincial, il ne reste plus qu'à obtenir la sanction du gouverneur Elgin. Celle-ci survient 41 jours plus tard, le 25 avril 1849.

Assentiment royal[modifier | modifier le code]

Le 22 mars, une foule parade dans les rues de Toronto avec des effigies de Mackenzie, Baldwin, et Blake. Arrivée à proximité de la résidence de Baldwin et devant celle de M. McIntosh sur Younge Street, là où réside Mackenzie depuis son retour d'exil, les personnes mettent le feu aux effigies. Ils jettent ensuite des pierres par les fenêtres de la maison de McIntosh[19].

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes
  1. Il s'agit de l'Acte pour pourvoir au paiement des réclamations provenant de la rébellion et de l'invasion dans le Haut-Canada, et pour approprier les droits sur les licences d'auberges à des usages locaux, 8 Vic., chap. 72
  2. Pour le Haut-Canada: Robert Baldwin (co-premier ministre et procureur général), Francis Hincks (inspecteur général), Malcolm Cameron (commissaire adjoint des Travaux publics), Robert Baldwin Sullivan (secrétaire de la province), James Hervey Price (commissaire des terres de la couronne), William Hume Blake (solliciteur général)
    Pour le Bas-Canada: James Leslie (président du Conseil exécutif), Thomas Cushing Aylwin (solliciteur général), Louis-Hippolyte Lafontaine (co-premier ministre et procureur général), René-Édouard Caron (président du Conseil législatif), Louis-Michel Viger (receveur-général) et Étienne-Paschal Taché (commissaire des Travaux publics), députés du Canada-Est, Leacock, p. 283.
  3. La résolution principale, qui concerne l'introduction d'un projet de loi d'indemnisation, est adoptée à 48 contre 23
Références
  1. Leacock 1907, p. 307.
  2. Royal 1909, p. 290
  3. Journaux de l'Assemblée législative de la Province du Canada depuis le 28ème jour de novembre 1844, jusqu'au 29me jour de mars, 1845 [...], Montréal, L. Perrault, , 504 p. (lire en ligne), p. 313.
  4. a et b Leacock 1907, p. 308.
  5. Leacock 1907, p. 311
  6. Journaux de l'Assemblée législative de la Province du Canada, depuis le 25me jour de février, jusqu'au 23me jour de mars, 1848 […], Montréal, E.J. Barker, , 462 p. (lire en ligne), p. 16.
  7. Journaux de l'Assemblée législative de la Province du Canada depuis le 18e jour de janvier jusqu'au 30e jour de mai […], Montréal, L. Perrault, , 443 p. (lire en ligne), p. 95.
  8. Dent 1881, p. 153.
  9. Turcotte, p. 101.
  10. Johnson et Widgington 2002, p. 117.
  11. Deschênes 1990, p. 159.
  12. Johnson et Widgington 2002, p. 118.
  13. Turcotte, p. 101-102.
  14. Turcotte, p. 102.
  15. Royal 1909, p. 305
  16. Journaux de l'Assemblée législative de la Province du Canada depuis le 18me jour de janvier jusqu'au 30me jour de mai […], Montréal, L. Perrault, , 443 p. (lire en ligne), p. 109.
  17. Journaux de l'Assemblée législative de la Province du Canada depuis le 18me jour de janvier jusqu'au 30me jour de mai…, p. 143
  18. Bell 1999.
  19. Leacock 1907, p. 319.

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Leacock, Baldwin, Lafontaine, Hincks: Responsible Government. (Chapter X), Toronto, Morang & Co., (lire en ligne), p. 305-334.
  • Joseph Royal, Histoire du Canada, 1841-1867, Montréal, Beauchemin, , p. 525 Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • John Charles Dent, The Last Fory Years; Canada Since the Union of 1841, vol. II, Toronto, G. Virtue, (lire en ligne), « XXVI, XXVII, XXVIII », p. 143-155, 156-171, 172-191. Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Louis-Philippe Turcotte, Le Canada sous l'Union, 1841-1867, Québec, Presses du Canadien, 92-1xx (lire en ligne), « II ». Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Kirk Johnson et David Widgington, Montréal vu de près, XYZ editeur, , 156 p. (ISBN 9782892613278, lire en ligne).
  • Gaston Deschênes, Une capitale éphémère. Montréal et les événements tragiques de 1849, Sillery, Les éditions du Septentrion, , 160 p. (ISBN 289448139X, lire en ligne). Document utilisé pour la rédaction de l’article
  • Province du Canada. Premier rapport des commissaires nommés pour s'enquérir des pertes occasionnées par les troubles durant les années 1837 et 1838, et des dommages qui en sont résultés, 1846 (en ligne)
  • Province du Canada. Rapport des commissaires nommés pour s'enquérir de la cause de l'incendie qui a détruit l'Hôtel du Parlement, le premier février 1854, et des circonstances s'y rattachant. Québec : Imprimerie de Louis Perrault, 1854. 59 p. (J.W. Dunscomb et Olivier Fiset, Écuyers, Commissaires, Geo. Futvoye, Écuyer, Secrétaire.)
  • Assemblée législative de la Province du Canada. Debates of the Legislative Assembly of United Canada, 1841-1867, Montréal : Presses de l'École des hautes études commerciales, 1970, volume 8 (1849).