Victor Matthys

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Victor Matthys
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Victor Matthys, né le à Anderlecht et mort le 10 novembre 1947 à Charleroi. Il est un nationaliste et collaborationniste belge pendant la Seconde Guerre mondiale. Il s’est hissé au rang d’éditeur du journal Rex le Pays Réel[1] et est lieutenant de Léon Degrelle. En tant que chef ad interim du mouvement Rex[2], il affirme sa volonté d'amplifier la répression[3]. Il est également reconnu comme l'un des instigateurs des tueries de Courcelles, événement qui a mené à sa condamnation et à son exécution[4].

Biographie[modifier | modifier le code]

Victor Matthys fut l'un des premiers membres du mouvement d'extrême droite nationaliste belge Rex. En 1936, il assure la direction du journal du mouvement, Le Pays réel. En mai 1941, il est promu directeur de la propagande[5]. En juillet 1941, tandis que Léon Degrelle part servir dans la Légion Wallonie sur le Front de l'Est, il devient le chef de file du mouvement[6]. Il est nommé à ce poste parce que sa faiblesse de caractère ne constituait aucune menace pour son dirigeant empêché, Léon Degrelle[7]. Matthys, admirateur de la première heure d'Adolf Hitler, sait se faire apprécier des Allemands[5]. Bien que faible, il fait néanmoins la démonstration de son extrême violence en ordonnant par exemple, en 1944, le massacre de 27 personnes à Courcelles, en représailles d'actions menées par la résistance. Désavoué par son propre parti, il doit céder sa direction à Louis Collard[5]. C'est également lui qui sera l'instigateur de l'assassinat du Bâtonnier Braffort en 1944.

Après la guerre, il est condamné à mort pour collaborationnisme et exécuté le [8].

Jeunesse et famille[modifier | modifier le code]

Originaire de Bruxelles, Matthys a poursuivi des études universitaires à l’université catholique de Louvain[9]. Appartenant ainsi, à la génération de la jeunesse catholique belge des années 1920 et 1930[10]. Il est dépeint à la fois comme un jeune homme avec une attitude irrévérencieuse à l’égard de l’ordre établi et avec un certain manque de sérieux, mais également comme une personne douce de caractère et de nature faible[11]. Cette dualité de son caractère est soulignée par le fait qu’il a été jugé inapte au service militaire dans l’armée belge avant la guerre, en raison de son physique qui donnait l’impression qu’il était mal-nourri[12].

Carrière professionnelle[modifier | modifier le code]

Le journal "Le Pays Réel"

Victor Matthys a occupé le poste de journaliste au sein de l’hebdomadaire « Le Pays Réel » de 1936 à 1943. Cependant, à partir de 1939, il se retrouve parmi les derniers à écrire des articles pour le journal, car de nombreux journalistes ont été mobilisés dans l'armée[13].

Il a obtenu ce poste à la suite du rachat des Éditions Rex-Louvain par Léon Degrelle[14] en 1933[14]. Trois ans plus tard, après le départ de Hubert van Outryve d’Ydewalle[15], étant très proche de Matthys, Degrelle lui confie le poste de rédacteur au journal, où il a exercé la fonction de journaliste avant de brièvement assumer le rôle de directeur[15]. Pendant cette période, il s’est particulièrement consacré à la propagande nazie, c’est pourquoi il a été surnommé le « Goebbels de Léon Degrelle » par le journal Cassandre[15].

Engagement politique et collaboration[modifier | modifier le code]

La "Légion Wallonie"

Alors qu’il adhère modérément à l’idéologie politique nazie avant le début de la Seconde Guerre mondiale, Victor Matthys rejoint le mouvement Rex dès ses années estudiantines, et fait partie du premier cercle qui rallie les premiers adeptes du mouvement rexiste[10]. Ce qui lui vaut d’être considéré par Léon Degrelle comme son plus vieux et fidèle collaborateur[9]. Ainsi, en novembre 1935, Matthys participe au coup de Courtrai avec Leon Degrelle et d’autres affiliés[15]. Cependant, il sera ensuite arrêté comme suspect et déporté en France le 10 mai 1940[16] pour son affiliation au mouvement rexiste.

Après son retour en Belgique, à l’aube de ses 27 ans, en mai 1941, il devient directeur de la propagande[5]. Quelques mois plus tard, en juillet de la même année, il est promu chef de file du mouvement à la suite du départ de Léon Degrelle, qui part servir dans la Légion Wallonie sur le front de l'Est[6], changement hiérarchique qui a d'ailleurs été annoncé par le Bulletin des dirigeants du 15 août 1941[17]. Il a obtenu ce poste de chef ad interim du mouvement en raison de sa faiblesse de caractère, car son dirigeant empêché, Léon Degrelle, ne le considérait pas comme une menace[7]. Mais plutôt comme un fonctionnaire sans aucune expérience politique qui ne s’occupe que des affaires courantes de Rex[9].

Le 7 septembre 1941, il tient un discours important devant les cadres du parti afin d’établir ses priorités en matière de discipline et de propagande[9], à la suite duquel il obtient un serment public de fidélité de la part de Pévenasse, renforçant ainsi sa position personnelle[18].

En octobre 1941, Victor Matthys crée un Service Politique, à la tête duquel il nomme José Streel, devenu la section la plus importante de l’État-major de Rex[19]. Jusqu’au retour de Léon Degrelle en 1942, les deux hommes prendront les décisions importantes ensemble. Cependant, seul Matthys prendra la responsabilité des décisions tandis que Streel n’occupera qu’un rôle d’influence[20].

En juillet 1942, à la suite de l’assassinat, à Charleroi, du dirigeant rexiste, Jean Demaret, Matthys donne l’ordre d’organiser des représailles à l’encontre d’un magistrat anglophile[21]. Il affirmera ensuite que « Rex entreprendrait désormais lui-même la lutte anti-juive »[22], avant de prendre la décision pour tout le mouvement rex de se retirer de la « Ligue pour la défense anti-juive »[22].

Quelques mois plus tard, le 25 octobre 1942, Matthys prend la parole, adoptant un ton beaucoup plus radical que lors de ses précédentes prises de parole

Il affirme alors la stigmatisation des Juifs, des bourgeois et du clergé politicien, et déclare que la « race wallonne », tant dans ses origines raciales, historiques et géographiques, appartenait au monde germanique[23]. Pour ce faire, il utilise ses théories radicales germaniques afin de justifier l’unité de la Belgique.

Malgré le retour de Degrelle en Belgique en janvier 1943, Matthys conserve son rôle de chef ad interim de Rex et procède à la nomination du nouveau personnel de la hiérarchie. Il nomme Léon Brunet comme chef du Département Politique et des Cadres Politiques. De même, Louis Collard est désigné à la direction administrative du département politique[24]. Mais il ne s'est pas arrêté là, et a délégué de plus en plus de compétences à Louis Collard, au point que Matthys perdra petit à petit tout rôle effectif dans les affaires de Rex[25].

Aussi, en mars de la même année il crée le Département Sécurité et Information (DSI) afin de mettre en place une structure de défense spécifique. Initialement chargé de surveiller les opposants politiques, les supposés résistants et les réfractaires au travail obligatoire, le DSI transmet rapidement des informations à la Geheime Feldpolizei ou à la Sipo-SD pour les arrestations. Cependant, ses membres dévient rapidement de leur mission initiale en s'adonnant à des activités telles que le chantage, le racket et le vol, et commencent à procéder à des arrestations arbitraires et injustifiées[26].

Á la fin de cette même année, Matthys et les nouveaux dirigeants de Rex obtiennent des armes supplémentaires de la part des Nazis afin de garantir la sécurité des militants rexistes et mettent en place un corps de protection rexiste[27]. Une alliance forte se développe entre le Rex et les représentants de la SS à Bruxelles sous l’impulsion du ralliement de Matthys, aidé par Collard, aux thèses ethniques que soutient le Reich[27].

Le 3 janvier 1944, Matthys annonce une réorganisation considérable des services centraux de Rex en vue de renforcer la centralisation du mouvement sous la direction d’un État-major tout puissant. En se faisant, il nomme Louis Collard comme secrétaire d’État-major, ce qui entraîne la perte du rôle effectif de Matthys au sein du parti, le reléguant à un rôle purement honorifique[28]. Toujours à cette même période, Matthys crée un nouvel inspectorat, dirigé par Pévenasse, un Inspecteur de la Milice et chargé de la rénovation des formations diverses, militaires et paramilitaires, de Rex[28]. Aussi, Matthys refuse d’exécuter l’ordre de Degrelle de rédiger une liste de dix milles réfractaires au travail obligatoire qui, arrêtés par les Allemands, remplaceraient les volontaires partis des usines du Reich pour la Légion Wallonie.

La nuit du 17 au 18 août 1944, à Courcelles, un groupe de 27 personnes est assassiné sur ordre de Victor Matthys. Cet acte était, pour lui, une réponse aux meurtres du Bourgmestre rexiste du Grand-Charleroi, Oswald Englebin, de son épouse et de son fils, perpétrés par des individus non identifiés[3]. Pas moins de 10 jours plus tard, le 28 août 1944, la milice rexiste de Victor Matthys assassine également le Bâtonnier Braffort, cette fois en représailles de ses actions de résistance contre l’Allemagne nazie[29].

Cette même année et à la suite de la retraite imminente des troupes allemandes et de l’activité frénétique des dirigeants rexistes, Matthys part en vacances à la mi-août dans un hôtel rexiste de Dinant à la suite de ses massacres.

Procès et exécution[modifier | modifier le code]

Un peloton d'exécution

Le 11 juin 1947 se tient le Conseil de guerre à Bruxelles. De nombreuses personnes ayant collaboré dont Victor Matthys y sont jugés[30].  

Les juges décident de retenir la responsabilité de Victor Matthys de son rôle dans la collaboration avec l'occupant allemand et dans la diffusion de la propagande rexiste en Belgique[31] en raison de son rôle de chef ad interim au sein du mouvement Rex.

Il n’a pas contesté sa collaboration, mais il s’est cependant justifié en affirmant qu’il était convaincu que l’Allemagne nazi allait sortir victorieuse de la guerre. De plus, Il se défend aussi en disant que suite l’invasion de la Belgique par l’Allemagne durant l’été 1940, il pensait que la guerre allait arriver à son terme. Mais, Victor Matthys n’a jamais cessé de lutter contre les mouvements de résistances pendant la guerre, ce qui sera retenu à son encontre lors du procès.

C’est pourquoi, il sera fusillé le 10 novembre 1947, à la suite d’une condamnation par le Conseil de guerre de Bruxelles.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Andreas Sobisch et Philip Rees, « Biographical Dictionary of the Extreme Right Since 1890 », German Studies Review, vol. 15, no 2,‎ , p. 256. (ISSN 0149-7952, DOI 10.2307/1431222, lire en ligne, consulté le )
  2. Flore Plisnier et Fabrice Maerten, Ils ont pris les armes pour Hitler : La collaboration armée en Belgique francophone, Bruxelles, Renaissance du Livre, , p. 91.
  3. a et b « Les martyrs du 17 et 18 août 1944 – La tuerie de Courcelles »
  4. Fabrice Maerten, « Tuerie de Courcelles », Bruxelles, André Versailles éditeur, (ISBN 978-2-87495-001-8), p. 119-120.
  5. a b c et d Philip Rees, Biographical Dictionary of the Extreme Right Since 1890, 1990, p. 330.
  6. a et b R. J. B. Bosworth, The Oxford Handbook of Fascism, Oxford University Press, 2009, p. 485.
  7. a et b David Littlejohn, The Patriotic Traitors, London: Heinemann, 1972, p. 168.
  8. Philip Rees, Biographical Dictionary of the Extreme Right Since 1890, 1990, p. 331.
  9. a b c et d Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 17.
  10. a et b Clément Ferrier, « Rex dans l’entre-deux-guerres : discours et communication politique », Rex dans l’entre-deux-guerres : discours et communication politique, nos 2571-2572,‎ 2023/6-7, p. 8.
  11. Raymond De Becker, « La collaboration en Belgique (1940 - 1944) ou une révolution avortée », Courrier hebdomadaire du CRISP,‎ , p. 42.
  12. Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 22.
  13. Clément Ferrier, « Rex dans l’entre-deux-guerres : discours et communication politique », Courrier hebdomadaire du CRISP, nos 2571-2572,‎ 2023/6-7, p. 132.
  14. a et b Clément Ferrier, « Rex dans l’entre-deux-guerres : discours et communication politique », Courrier hebdomadaire du CRISP, nos 2571-2572,‎ 2023/6-7, p. 12.
  15. a b c et d Clément Ferrier, « Rex dans l’entre-deux-guerres : discours et communication politique », Courrier hebdomadaire du CRISP, nos 2571-2572,‎ 2023/6-7, p. 13.
  16. Alain Colignon, « Matthys Victor »
  17. Henri Masson, « Archives rex et mouvements Wallons de collaboration », Archives générales du royaume,‎ , p. IV.
  18. Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 18.
  19. Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 20.
  20. Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 22.
  21. Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 24.
  22. a et b Jules Gérard-Libois, « Rex 1936-1940. Flux, reflux, tensions et dislocations », Courrier hebdomadaire du CRISP, no 1226,‎ , p. 17.
  23. Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 26.
  24. Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 32-33.
  25. Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 39.
  26. Francis Balace, « Premier février 1944 : mort de François Bovesse. Un assassinat test 3 », Jours de guerre. Jours mêlés, nos 11-12-13,‎ , p. 127.
  27. a et b Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 42.
  28. a et b Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », cahiers-bijdragen,‎ , p. 43.
  29. « Une cérémonie en hommage au Bâtonnier Braffort, assassiné lors de la Seconde Guerre mondiale »
  30. Edmond Picard et Léon Hennebicq, Journal des tribunaux, Larcier, , p. 374.
  31. Edmond Picard et Léon Hennebicq, Journal des tribunaux, Larcier, , p. 375.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Alain Colignon, « Matthys Victor », sur belgiumwwii (consulté le ).
  • Martin Conway, « Le rexisme de 1940 à 1944 : Degrelle et les autres », Cahiers d'Histoire de la Seconde Guerre mondiale, CegeSoma, x, vol. 1,‎ , p. 5-55 (lire en ligne Accès libre [PDF]).
  • Clément Ferrier, Rex dans l'entre-deux-guerres : discours et communication politique, Bruxelles, CRISP, coll. « Courrier hebdomadaire » (no 2571-2572), , 138 p. (ISBN 978-2-87075-313-2).
  • Alfred Lemaire, Le crime du 18 août ou les journées sanglantes des 17 et 18 août 1944 dans la région de Charleroi, Couillet, Imprimerie Maison d'Éditions S.C., , 400 p.
  • Jules Gerard-Libois, « Rex 1936-1940. Flux, reflux, tensions et dislocations », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1989/1 (n° 1226), 1-40 p.
  • Henri Masson, « Archives rex et mouvements Wallons de collaboration », Archives générales du royaume, Bruxelles, 1981, 1-58 p.
  • Flore Plisnier (préf. Fabrice Maerten), Ils ont pris les armes pour Hitler : la collaboration armée en Belgique francophone, Bruxelles, La Renaissance du livre, coll. « Espace temps », , 253 p. (ISBN 2-930148-52-7).
  • Fabrice Maerten, « Tuerie de Courcelles », dans Paul Aron et José Gotovitch (dir.), Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, Bruxelles, André Versaille éditeur, , 560 p. (ISBN 978-2-87495-001-8), p. 119-120.
  • Cons. Guerre Bruxelles (4e ch. Fr.), 11 juin 1947, j.t., 22 juin 1947, 374 p.
  • Philip Rees, Biographical Dictionary of the Extreme Right Since 1890, 1990, 256 p.
  • Raymond De Becker, “La collaboration en Belgique (1940 - 1944) ou une révolution avortée”, Courrier hebdomadaire du CRISP, 1970, 42 p.
  • Edmond Picard et Léon Hennebicq, Journal des tribunaux, Larcier, 1947, n°3732, 374-375 p.
  • David Littlejohn, The Patriotic Traitors, London: Heinemann, 1972, 168 p.
  • Francis Balace, « Premier février 1944 : mort de François Bovesse. Un assassinat test 3 », Jours de guerre. Jours mêlés, n° 11-12-13, Bruxelles, 1997, 127 p.
  • Richard Bosworth, The Oxford Handbook of Fascism, Oxford University Press, 2009, 485 p.
  • « La collaboration en Belgique (1940 – 1944) ou une révolution avortée », Courrier hebdomadaire du CRISP, 1970/32-33 (n° 497-498), 1-70 p.
  • ”Une cérémonie en hommage au Bâtonnier Braffort, assassiné lors de la Seconde Guerre mondiale” disponible sur bx1.be

Articles connexes[modifier | modifier le code]