Bataille de Barking Creek

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Bataille de Barking Creek
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La bataille de Barking Creek est un incident de tir ami au-dessus de l'Angleterre, le , qui cause la première mort d'un pilote de chasse britannique au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Contexte[modifier | modifier le code]

Avant même l'attaque de l'Allemagne sur la Pologne le , l'Angleterre redoute un raid aérien allemand sur ses villes côtières[1]. Le gouvernement de Chamberlain, conscient de cette menace, investisse, dès 1937, dans l'Air Raid Precautions (ARP)[2]. Cette peur d'un raid infiltre les instances dirigeantes et la propagande nazie fonctionne alors que la Luftwaffe montrera ses faiblesses lors de la déclaration de guerre[2]. Si la Royal Navy est toujours vue comme un moyen de défense face à la menace allemande, la Royal Air Force a pour mission de défendre les côtes britanniques des incursions de bombarbiers allemands[2]. Les forces aériennes sont cependant réduites mais les Royaume-Unis possèdent des stations radar, le Chain Home, qui couvrent l'ensemble des côtes ouest et sud, d'Aberdeen à Portsmouth et peuvent détecter les avions jusqu'à cent miles, sauf s'ils volent à très basse altitude[3]. Malheureusement, il s'agit d'une nouvelle technologie, jamais utilisée durant une guerre[3]. Le personnel est peu expérimenté et les pilotes de la RAF n'ont jamais connu le combat[3]. Ces facteurs amènent à l'accident connu sous le nom de bataille de Barking Creek[3].

Évènement[modifier | modifier le code]

Un vol de Hurricane du No. 151 Squadron décolle de l'aérodrome de North Weald.

Le , à h 15, une station radar de Canewdon, près de Southend-on-Sea dans l'Essex détecte une « activité aérienne ennemie » au-dessus de la mer du Nord[4],[5],[6],[7]. Une groupe de plus de vingt avions allemands s'approcheraient de l'estuaire de la Tamise[5]. En quinze minutes, il est confirmé qu'aucun avion de la Royal Air Force n'est présent dans la zone[5]. Les unités anti-aériennes sur la côte de l'Essex signale des avions près de West Mersea[5]. Le No. 11 Group RAF ordonne alors l'envoi de six Hawker Hurricane du No. 56 Squadron (en) et No. 151 Squadron (en), basés à l'aérodrome de North Weald, dans l'Essex et le No. 12 Group RAF est mis en alerte[5]. Contrairement aux ordres, le commandant de North Weald fait décoler douze Hurricane, suivis, à l'insu des autres pilotes, de deux pilot officer qui prennent place à bord d'une paire d'appareils de réserve et les suivent à distance[5].

Les Hurricane du No. 151 Squadron (également de North Weald) et les Supermarine Spitfire des No. 54, No. 65 et No. 74 Squadron basés à l'aérodrome de Hornchurch décollent. Aucun des pilotes de la Royal Air Force n'a participé à des combats et peu d'entre eux ont vu un avion allemand. La communication entre les pilotes et le contrôle au sol est mauvaise et il n'existe aucune procédure permettant aux pilotes de distinguer les avions britanniques des avions de la Luftwaffe. Les dispositifs d'identification ami ou ennemi (IFF) sont encore en cours de développement et n'ont pas été installés dans de nombreux avions de la RAF.

Alors que tout le monde dans les airs s'attend à voir des avions ennemis et n'a aucune expérience en la matière, le groupe « A » du No. 74 Squadron voit ce qu'il croit être des avions allemands, et son commandant, Adolph « Sailor » Malan, a prétendument donné l'ordre d'engager le combat. Deux des trois pilotes, le flying officer Vincent « Paddy » Byrne et le pilot officer John Freeborn, ouvrent le feu. Malan prétendra plus tard avoir lancé un appel de dernière minute : "Avion ami - dégagez !", mais, si cela est vrai, Byrne et Freeborn ne l'entendent pas. Richard Hough et Denis Richards écrivent que d'autres pertes sont évitées grâce au commandant du No. 51 Squadron, le squadron leader Edward Donaldson, qui prévient ses pilotes que les avions attaquants sont britanniques et leur donne l'ordre de ne pas riposter.

Frank Rose et le pilot officer Montague Hulton-Harrop sont abattus, et Hulton-Harrop est tué. Attaqué par John Freeborn, il est touché à l'arrière de la tête et meurt avant que son Hurricane ne s'écrase à Manor Farm, à Hintlesham, dans le Suffolk, à environ 8 km à l'ouest d'Ipswich. Hulton-Harrop est le premier pilote britannique tué pendant la guerre, et son Hurricane est le premier avion abattu par un Spitfire.

Conséquences[modifier | modifier le code]

Cour martiale[modifier | modifier le code]

Supermarine Spitfire Mark Is, 24 juillet 1940.

La cour martiale de John Freeborn et Paddy Byrne à Bentley Priory, le quartier général du Fighter Command, se tient à huis clos. En 2019, les archives nationales publient un nombre limité de documents, jusqu'alors restreints, y compris les registres des opérations des escadrons de chasseurs de la RAF concernés et certains documents judiciaires. La transcription de la cour martiale n'est toujours pas publiée en 2021. Selon Bill Nasson, dans une publication de 2009, il est de notoriété publique que Freeborn estime que son commandant, Sailor Malan, a tenté de se soustraire à sa responsabilité dans l'attaque. Malan a témoigné à charge contre ses pilotes, déclarant que Freeborn avait été irresponsable, impétueux et n'avait pas tenu compte des communications vitales. Au cours du procès, l'avocat de Freeborn, Sir Patrick Hastings, traite Malan de menteur invétéré.

Le tribunal disculpe les deux pilotes, estimant qu'il s'agit d'un accident malheureux. En 1990, Hough et Richards écrivent,

« Cette tragédie, passée sous silence à l'époque, a été surnommée par la RAF "la bataille de Barking Creek" - un endroit situé à plusieurs kilomètres du lieu de l'abattage mais qui, comme Wigan Pier, faisait l'objet d'une plaisanterie dans les music-halls. »

Gavin Lyall indiquera dans son ouvrage sur la Royal Air Force :

« Pourtant, à sa manière, la bataille de Barking Creek fut une célèbre victoire. Une faille dans le système de défense avait été découverte - et rapidement comblée - sans que l'ennemi n'ait pu en profiter. Imaginez simplement que la bataille n'ait jamais eu lieu ; supposez que la faille ait attendu, disons, exactement un an pour se révéler - jusqu'au 6 septembre 1940. »[8]

En 2003, Patrick Bishop écrit que l'incident a mis en lumière les insuffisances des radars et des procédures d'identification de la RAF, ce qui a permis de les améliorer considérablement au moment de la bataille d'Angleterre, un point de vue repris dans une publication de 2012 de Philip Kaplan.

Carrières des protagonistes[modifier | modifier le code]

Montague Hulton-Harrop est enterré avec une pierre tombale de guerre à l'église St Andrew à North Weald. En tant qu'officier du génie faisant partie de la General Duties Branch et pouvant être affecté à des tâches ne relevant pas du génie, Lucking est muté. Il reprend ses fonctions d'ingénieur le même mois en tant qu'OC (Officer Commanding) 32 MU, et est transféré vers la nouvelle branche technique en 1940 et est air commodore en décembre 1941. Il meurt en 1970, à l'âge de 75 ans. Frank Rose est tué au combat au-dessus de Vitry-en-Artois, en France, le 18 mai 1940. Malan devient l'un des pilotes de chasse alliés les plus performants de la guerre, abattant 27 avions de la Luftwaffe et accédant au grade de group captain. Il reçoit l'ordre du service distingué, une barrette et la Distinguished Flying Cross. À son retour en Afrique du Sud, il lutte contre le régime d'apartheid jusqu'à sa mort en 1963.

Paddy Byrne est abattu et capturé au-dessus de la France en 1940. Il est détenu au Stalag Luft III avec son ancien avocat Roger Bushell. En 1944, il est rapatrié, après avoir convaincu les Allemands et la commission de rapatriement qu'il est fou. À son retour en Angleterre, il ne peut être réintégré dans la RAF et se voit confier un poste au sol ; il ne peut reprendre le combat en raison de son rapatriement pour raisons médicales et sert d'officier de liaison pour les prisonniers de guerre de retour, puis en Extrême-Orient au sein de l'état-major de Lady Mountbatten. John Freeborn effectue plus d'heures de vol dans la bataille d'Angleterre que n'importe quel autre pilote, et participe à des opérations pendant le reste de la guerre et se révèle être un aviateur exceptionnel. Il est décoré de la Distinguished Flying Cross et d'une barrette et est promu wing commander. Freeborn raconte finalement une partie de sa version des événements dans une biographie parue en 2002, A Tiger's Tale, avant de coécrire un récit plus complet dans Tiger Cub. En 2009, Freeborn confie à un intervieweur qu'il regrette la mort de Hulton-Harrop, déclarant : "Je pense à lui presque tous les jours. Je l'ai toujours fait... J'ai eu une bonne vie, et il aurait dû en avoir une aussi". Freeborn se marie deux fois, d'abord en 1941 avec Rita Fielder, qui est morte en 1979, puis avec Peta en 1983, qui est morte en 2001. Freeborn meurt le 28 août 2010 et laisse une fille de son premier mariage.

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Blanford 2001, p. 13.
  2. a b et c Blanford 2001, p. 14.
  3. a b c et d Blanford 2001, p. 15.
  4. Terraine 1985, p. 110.
  5. a b c d e et f Blanford 2001, p. 16.
  6. Yeoman et Freeborn 2009, p. Chapter 3.
  7. Lyall 1970, p. 7.
  8. Lyall 1970, p. 8.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

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Liens externes[modifier | modifier le code]