Or, en continuant son chemin, le ménétrier avait une quatrième fois joué de son violon merveilleux; pour le coup il avait mieux réussi. Les accords de son instrument étaient arrivés jusqu'aux oreilles d'un pauvre bûcheron, qui, séduit par cette douce musique, abandonna sa besogne, et, la hache sous le bras, s'empressa de courir vers l'endroit d'où partaient les sons. "Voilà donc enfin le compagnon qu'il me faut!" dit le musicien, "car je cherchais un homme et non des bêtes sauvages."
Puis il se remit à jouer d'une façon si harmonieuse et si magique, que le pauvre homme resta là immobile comme sous l'empire d'un charme, et que son coeur déborda de joie. C'est en ce moment qu'arrivèrent le loup, le renard et le levraut. Le bûcheron n'eut pas de peine à remarquer que ses camarades n'avaient pas les meilleures intentions. En conséquence, il saisit sa hache brillante et se plaça devant le musicien, d'un air qui voulait dire: "Celui qui en veut au ménétrier fera bien de se tenir sur ses gardes, car il aura affaire à moi." Aussi la peur s'empara-t-elle des animaux conjurés, qui retournèrent en courant dans la forêt. Le musicien témoigna sa reconnaissance au bûcheron en lui jouant encore un air mélodieux, puis il s'éloigna.