Le bien-aimé Rolandpage 3 / 4
- Gentil musicien, puis-je cueillir cette jolie fleur?
- Mais bien sûr, répondit-il, je vais te jouer un air pendant ce temps-là. Mais au moment où la vieille se glissa prestement dans la haie, car elle savait bien ce que c'était que cette fleur, il se mit à jouer, et, qu'elle le veuille ou non, la vieille fut bien obligée de danser, car c'était une danse magique.
Plus il jouait vite, et plus elle devait faire de grands bonds; les épines lui arrachaient ses vêtements, elles la piquaient jusqu'au sang, et comme il ne cessa pas de jouer, elle dut danser jusqu'à ce quelle reste étendue à terre, morte. Comme ils étaient désormais délivrés, Roland dit:
- Je vais aller chez mon père et lui demander de préparer notre mariage.
- Pendant ce temps-là, je t'attendrai ici, et pour que personne ne me reconnaisse, je prendrai l'apparence d'une pierre rouge, dit la jeune fille.
Roland partit et la jeune fille resta dans le champ, sous l'apparence d'une pierre rouge, pour attendre son bien-aimé. Mais quand Roland arriva chez lui, il tomba dans les filets d'une autre fille qui parvint à lui faire oublier sa fiancée. La malheureuse resta longtemps dans le champ, mais voyant qu'il ne revenait pas, la tristesse s'empara d'elle et elle se changea en fleur, en se disant: « Il viendra bien quelqu'un qui m'écrasera en marchant. »
Le hasard fit cependant qu'un berger, qui gardait ses moutons dans ce champ, vit cette fleur, et, comme il la trouvait si belle, il la cueillit et la mit dans sa boîte. À compter de ce moment-là, il se passa des choses étranges dans la maison du berger.
Quand il se levait le matin, tout le travail était fait: la pièce était balayée, la table et les bancs étaient nettoyés, quelqu'un avait fait du feu dans le fourneau et était allé chercher de l'eau; et à midi, quand il rentrait, la table était mise et un bon repas était servi. Il ne parvenait pas à comprendre comment c'était possible, car il ne voyait jamais personne chez lui, et d'ailleurs, personne ne pouvait s'être caché dans sa petite cabane. Ce bon service n'était certes pas pour lui déplaire, mais il finit tout de même par avoir peur, si bien qu'il se rendit chez une femme sage pour lui demander conseil. Celle-ci lui dit: « Il y a de la magie là-dessous; fais attention, un matin de très bonne heure, pour savoir si quelque chose bouge dans la pièce, et si tu vois quelque chose, quoi que ce soit, jette vite un drap blanc dessus, et alors, la magie cessera. »